1. La position historiquement pionnière de la France, principalement liée à son expansion coloniale et son
rayonnement intellectuel, explique qu’elle soit aujourd’hui dotée d’un réseau culturel extérieur riche, complexe et an-
cien. En effet, elle a bien compris l’importance de son influence culturelle à l’international. À la différence d'autres
réseaux étrangers tel que le British Council ou l'institut Cervantès, la France ne dispose pas d'un « label unique », ce
qui en fait sa spécificité. Avec plus de 1500 implantations, dont les Alliances françaises, les Instituts français ou les
consulats, le réseau culturel français est le plus étendu au monde. La diplomatie culturelle française devient un ob-
jectif prioritaire. La France déploie donc un réseau culturel à travers le monde, notamment avec l'Institut français
(anciennement Culturesfrance) qui est un opérateur essentiel du ministère des affaires étrangères pour l’action cultu-
relle extérieure de la France. Il contribue à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les
pays d’accueil à l’étranger. Cependant, dans un contexte de mondialisation, ce réseau affronte de nouveaux défis.
Pour cela, il est intéressant d'étudier cet opérateur d’État, son fonctionnement et ses actions, ainsi que la portée de
son influence face aux nouvelles contraintes qu'il rencontre. Dans quelles mesures l'image de la France s'inscrit
dans un contexte de mondialisation ? Comment l'action culturelle de l'Institut français représente un atout diplomati-
que et économique pour la France?
Institut français : un atout pour la diplomatie
culturelle et l’influence française ?
Présentation de l’Institut français
Le réseau de l'Institut
français a été crée par la loi du
27 juillet 2010, relative à l'action
extérieure de l’État. Il comporte
aujourd'hui 96 établissements
présents sur les cinq continents
qui dépendent directement de
l'Ambassade de France. En
effet, les réformes de 2010 ont
fait fusionner les différents
Instituts français avec le service
de coopération et d'action
culturelle de l'Ambassade de
France (SCAC). Cette dernière
leurs confère un statut
d'établissement public à
caract ère in dustr iel e t
commercial (EPIC). Ceci
implique une autonomie dans la
gestion du budget, basé sur des
ressources propres et une
dotation du Ministère des
Affaires Étrangères. L'Institut
français vise à promouvoir
l’action culturelle extérieure de
la France autour d’échanges
artistiques, de diffusion de la
langue française, du livre, du
cinéma, ainsi que des savoirs et
des idées.
Il s'articule autour de
cinq grands pôles d'activités.
Le département Échanges
et coopérations artistiques
s'assure de la visibilité de la
scène artistique française à
travers le monde, qu'il s'agisse
de musique, de spectacle
vivant, d'art visuel ou
d'architecture. Ses actions
permettent d'évaluer la place
de la France dans l'économie
ainsi que le développement de
ses industries dans le monde. Il
dispose d'un budget de 4
millions d'euros alloués par
l’État et complétés par des
ressources issues des
partenaires et des mécénats,
ce qui représentait une somme
totale de 5 903 237 euros en
2014, soit 21 % du budget
d'activités de l'Institut français.
Le département Langue
française, livre et savoirs est
composé de quatre pôles : livre
et traduction, idées et savoirs,
coopération éducative et
linguistique et appui au réseau.
Lettre d’information, par Justine Guimard, Alexia Di-val, Popoola Oluwabukola
Décembre 2015M1 RICI
La diplomatie culturelle au
service de l’économie
Graphique 1, source: Institut français
Page 1
2. L’industrie du livre est la première
industrie culturelle française à
l’exportation et le français est la
deuxième langue traduite dans le
monde après l’anglais. C'est dans
ce contexte qu'il s'engage à
soutenir l'expertise française par
le biais de débats internationaux
(CultureLab, LabCito yen,
Safirlab) et la formation de
traducteurs spécialisés. Afin de
développer son action, ce
département disposait d’un
budget de 4 206 716 euros en
2014 (17 % du budget d'activités).
L e d é p a r t e m e n t
Développement et partenariat
p i l o t e l e s p r i n c i p a l e s
manifestations culturelles et de
recherche organisées avec ses
partenaires (collect ivit és
territoriales, artistes, centres
culturels, etc.). L'un des projets
phares, les Saisons thématiques,
sont au cœur de la diplomatie
d'influence. Parmi les 50 saisons
organisées entre la France et les
autres pays, l’Année France-
Russie 2010 est spécialement
remarquable. La plus grande part
du budget est attribuée à ce
département avec 12 325 735
euros en 2014 (43 % du budget
d'activités).
Le département Cinéma
contribue à la promotion et à la
diffusion culturelle du cinéma
français à l’étranger. Pour la mise
en place de ces actions il
disposait d’un budget d’un
montant de 2 044 900 euros en
2014. (11 % du budget
d'activités).
Le département Numérique,
priorité stratégique des Instituts,
promeut, via sa plate-forme
interactive, les actions de l'Institut
(site internet bilingue, Newsletter,
Culturethèque, etc.) et permet
également de coordonner et
valoriser l'ensemble des actions
culturelles mises en place. Il
représente 2 % du budget
d'activités.
Le budget d'activités est
également réparti à travers
d ' a u t r e s d é p a r t e m e n t s
répondants aux besoins de
fonctionnement.
(voir graphique 1)
Entretien avec un étudiant de
l’Institut français de Madrid
Daniel Muñoz, 32 ans, commercial.
Étudiant de l’Institut français de Madrid en 2014
Traduit de l’espagnol.
Un atout diplomatique et économique
L’Institut français dispose d’un statut d’établissement à autonomie
financière ce qui inclut un financement à partir de ses propres recettes. Celles-
ci sont notamment issues des mécénats et des cofinancements. En 2014, ils
représentaient 13% de la part du résultat, selon le rapport d’activité de l’Institut
français. Les cours de français langue étrangère et les certifications sont
également des sources de financement importantes qui représentent 75 % des
ressources propres du réseau. En effet ces retombées économiques sont
d’une grande importance pour assurer la pérennité des Instituts français d’un
point de vue financier et stratégique. Les cours et la diffusion du français
représentent un atout en matière de diplomatie d’influence et de compétitivité.
La transmission d’une image positive et d’une présence culturelle forte
permet d’améliorer l’attractivité du pays. Elle participe indirectement aux
échanges économiques immédiats ou futurs lors des ventes de produits
culturels ou lorsque les manifestations culturelles organisées engendrent la
perception de cachets pour des artistes français. L’Année France-Russie de
2010, par exemple, comptait 350 manifestations qui ont accueilli 5 millions de
spectateurs dans les deux pays. Par le biais de l’Institut français, en plus d’un
renforcement de son image, la diplomatie culturelle favorise le dynamisme des
industries culturelles et créatives recensant environ 5% des exportations
françaises.
Page 2
Comment as tu connu l’Institut français ?
J’ai connu l’Institut français grâce à une
copine qui est professeur de FLE (français langue
étrangère) pour enfants. Elle m’a parlé des
différents niveaux de classes et des horaires qui
pouvaient s’adapter à mes journées de travail.
De plus, pendant la période d’été (période à
laquelle j’ai rejoint l’Institut français), il y a
beaucoup de publicité diffusée dans le métro de
Madrid en ce qui concerne les cours d’été.
Selon toi, quels sont les points positifs et les
points négatifs des cours proposés à l’Institut
français ?
Le fait que le professeur ne parle que
français nous a permis de nous immerger
complètement et de nous habituer à la
prononciation. Les cours étaient intéressants et
le matériel de bonne qualité. En effet, comme je
l’ai dit précédemment, l’Institut français fourni
lors de l’inscription, un livre à chaque élève.
L’Institut français dispose de ressources très
riches. La médiathèque permet à chaque
étudiant de pouvoir s’enrichir personnellement,
en plus des cours. Pour ce qui est des points
négatifs, les cours de l’Institut français restent
très chers (environ 600 euros pour le mois de
cours intensifs).
Selon toi, l’IF et le professeur véhiculaient-ils
une bonne image de la France ?
L’Institut français représente parfaitement
la France. Lorsque l’on se trouve à l’intérieur, on
est entouré de français et cela se ressent
rapidement. Cette image est valorisée par une
programmation culturelle diversifiée (concerts,
conférences, séances de cinéma, etc.), à des prix
attractifs et parfois gratuit pour les étudiants de
l’Institut français. Les ressources de la
médiathèque sont riches, les étudiants peuvent
y emprunter des livres, des Cds, des films, des
journaux et y ont accès pendant un an à partir
de la date de leur inscription, peu importe la
durée de la formation choisie.
Pour ce qui est du professeur, je ne pense
pas qu’il soit très représentatif des français. Je
ne demande pas à ce qu’il vienne en cours avec
une baguette et une bouteille de vin, mais de
simples références musicales, des histoires, voir
même des blagues auraient été les bienvenus. Je
pense que des séances plus personnalisées
auraient été nécessaires. Pour certains élèves,
ce cours est le seul lien qu’ils aient avec la
France. Je pense que l’intérêt qu’il y a à prendre
des cours de français à l’Institut, c’est de
pouvoir, en plus de recevoir un bon
enseignement de la langue, connaître la culture.
Recommanderais-tu l’Institut français ?
Oui, c’est un établissement sérieux, riche
en ressources et les professeurs sont tous natifs.
Il est vrai que les tarifs restent élevés mais
assurent des résultats satisfaisants. De plus, le
diplôme délivré est reconnu officiellement.
3. De nouvelles menaces
S’il fût un temps où l’image
de la France s’imposait d’elle
même à travers le monde,
aujourd’hui plus que jamais elle
requière une politique culturelle
extérieure solide. En effet, bien
que son image soit son fond de
commerce, le plus vaste réseau
culturel du monde est menacé.
C’est dans un contexte
bud gét aire contr ain t qu e
s’inscrivent les finances de l’Institut
français. Les subventions de l’État
représentaient 85,85% du budget
total en 2012, 80% en 2013 et plus
que 66% en 2014. Le budget de
l’Institut français pour l’année
2015, a été estimé, dans le projet
de loi des finances pour 2015, à 30
millions d’euros, soit une baisse de
2% par rapport à l’année
précédente. Le Ministère des
Affaires Étrangères (MAE) exige
un autofinancement de plus en
plus important (réalisé notamment
g r â c e a u x r e c e t t es d e s
certifications, des ventes et des
cours de langues). Le choix de ne
pas renouveler les emplois s’inscrit
également dans cette politique
budgétaire serrée. En 2014,
l’Institut français comptait 142
emplois à temps plein travaillé
sous plafonds et deux hors
plafond. C’est dans une optique de
réduction des coûts que l’Institut
français est contraint de diversifier
ses ressources et ainsi développer
des partenariats et rechercher des
financements grâce, notamment, au
mécénat, à hauteur de 6,2 millions
d’euros.
C’est aussi dans un contexte
politique spécifique que s’inscrit
cette décadence. En effet, il existe
un net décalage entre la réalité de
terrain de certains pays où la culture
joue un rôle essentiel et reste l’une
des valeurs les plus sûre pour la
France et la réalité politique. Le
budget accordé à l’enseignement du
français est de plus en plus pénalisé
à défaut de l’action artistique.
L’organisation d’événements tels
que des concerts, spectacles ou
expositions plaît beaucoup aux
ambassadeurs car cela permet
d’impressionner leurs collègues
étrangers, mais les véritables liens
durables avec le français demeurent
tout de même dans l’enseignement
et l’accès aux bibliothèques.
Ces restrictions budgétaires
et ce contexte politique mettent en
péril la capacité de l’Institut français
à exercer ses missions et menacent
directement son champ d’action.
C’est donc cette diminution
La diplomatie culturelle et la
diplomatie économique vont donc
de pair. L’action du réseau à
l’extérieur peut parfois générer des
effets de levier de grande ampleur.
Tel est le cas de l’activité de l’Institut
français au Brésil. En 2012, il a reçu
d ’ i m p o r t a n t e s r e t o m b é e s
économiques pour la France avec
un million de spectateurs touchés
par les manifestations organisées.
Pour 100 euros dépensés par cet
Institut, on comptait 1500 euros de
cachets ou de recettes provenants
de la vente de produits culturels
pour la France. En termes
d’investissement, 1000 euros
engagés par l’Institut ont
parallèlem ent m obilisé un
investissement de 100 000 euros du
côté brésilien. Cet exemple illustre
parfaitement l’importance de la
portée économique que suscite
l’activité culturelle extérieure de la
France.
L’institut français dépend
aussi beaucoup des subventions
consenties par l'État français pour
l'entretien de ce réseau (charges de
fonctionnement et charges de
personnel) qui doivent être estimées
au cas par cas selon l'effet de levier
et les sources d’autofinancement
générés dans chaque pays. Le
budget de l’Action extérieure de
l’État dédiait, en 2011, 26 % de ses
crédits à la coopération culturelle et
d’influence par le bais du
programme 185. Ce programme
permet de financer en partie les
Instituts français. Pour répartir ces
crédits l’ensemble du dispositif de
coopération culturelle français à
l’étranger dispose de procédures de
contrôle de gestion pour évaluer le
ratio coût/efficacité du dispositif.
Paris est la première
destination touristique mondiale ce
qui souligne la renommée de la
France à l’étranger. L’Institut
français représente une force
diplomatique extérieure inestimable.
Ses principales retombées
dépendent essentiellement de
l’image véhiculée. Cependant
l’image globalement positive de la
France tend à s’essouffler. On
constate une perte de vitesse de la
francophonie et de l’influence
culturelle française.
Page 3
Évolution des subventions attribuées par l'État (en millions
d'euros et en %).
Graphique 2, source: chiffres issus des rapports d’activités de l’Institut français (2012 et 2014).
2011,5 2012 2012,5 2013 2013,5 2014 2014,5 2015 2015,5
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
28,00
29,00
30,00
31,00
32,00
33,00
34,00
35,00
2012 2013 2014 2015
Somme en Million d'Euros
Subventionen %
4. considérable des budgets qui
affaiblit le rayonnement de la
culture française. Cela entraîne
de réelles conséquences sur les
actions du réseau et permet
notamment à de nouveaux
participants de s’imposer sur la
scène internationale. Nous ne
parlons pas vraiment de
« concurrents » car en effet, ce
que la France a à offrir, elle seule
est en mesure de le proposer.
Qui de mieux que la France pour
diffuser sa propre culture ?
Cependant, d’autres réseaux
« copient » son modèle. En s’en
i n s p ir a n t , i ls a p p o r t e n t
Conclusion
Page 4
directement la preuve de
l’efficacité du réseau français.
C’est le cas des Instituts
Cervantès en Espagne, mais
aussi du British Council au
Royaume-Uni, des Instituts
Goethe en Allemagne, ou encore
des centres Confucius, en Chine,
toujours plus nombreux. Malgré
un contexte économique sensible,
Laurent Fabius, le Ministre des
Affaires Étrangères, fait de la
diplomatie culturelle une priorité. Il
parle de « compétition pour
l’influence », qu’il qualifie
d’«extrêmement rude ».
Par son réseau vaste et singulier, l’Institut français démontre une volonté
d’influence concrète et très présente dans le monde, ce qui représente un
véritable atout pour son rayonnement. Nonobstant, la France ne doit pas
se contenter de son succès et doit poursuivre ses efforts. En plus d’un
budget toujours plus faible, l’Institut se confronte à un contexte de mondia-
lisation particulièrement compétitif. Les principaux enjeux pour ces pro-
chaines années seront d’arriver à s’adapter, se renouveler, face à un mon-
de et des besoins changeants. Un autre point est à prendre en considéra-
tion pour la pérennité des Instituts français ; le contexte politique. En effet,
en cas de changement de gouvernement en 2017, il est pertinent de s’in-
terroger sur l’évolution des priorités budgétaires de l’État et surtout sur l’a-
venir de l’action culturelle extérieure de la France.
Webographie
Loncle François, Schmid Claudine (2013, novembre) « Rapport d’information sur l’évaluation du réseau
culturel de la France à l’étranger ». Assemblée nationale. Consulté le 5 décembre 2015.
ttp://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1591.asp
Institut français (2015)« Rapport d’activités 2014 ». Sur le site Institut français. Consulté le 5 décembre 2015.
http://rapport-activite2014.institutfrancais.com/
Loncle François (2013, octobre) « Avis, tome II, Action extérieure de l’État ». Assemblée nationale. Consulté le
5 décembre 2015.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2014/a1431-tII.asp
Duvernois Louis (2014, novembre) « Budget 2015-Action extérieure de l’État ». Sénat. Consulté le 5
décembre 2015. http://www.senat.fr/rap/a14-112-1/a14-112-14.html
(2011, novembre) « Comment 5 ans de sarkozysme ont massacré le réseau culturel français ». Marianne. Consulté le 5 décembre
2015.
http://www.marianne.net/Comment-5-ans-de-sarkozysme-ont-massacre-le-reseau-culturel-francais_a212674.html
Haski Pierre (2010, août) « La "diplomatie d’influence" de la France en voie de déclin ». Rue89. Consulté le 5 décembre 2015
http://rue89.nouvelobs.com/2010/08/27/la-diplomatie-dinfluence-de-la-france-en-voie-de-declin-164091
Pour en savoir plus