1. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
Réponse de
l’ordre des Barreaux francophones et germanophones de Belgique (O.B.F.G.)
à la consultation de la Commission
« Renforcer la confiance mutuelle dans l’espace judiciaire européen – Livre
vert sur l’application de la législation de l’UE en matière de justice pénale
dans le domaine de la détention »
L’Ordre des Barreaux Francophones et Germanophone représente l'ensemble des 14
barreaux francophones et germanophone de Belgique. Il représente ainsi les plus de
7100 avocats inscrits auprès de ces barreaux.
Il est inscrit au registre de la transparence sous le numéro d’identification
29310761114-43.
REMARQUE INTRODUCTIVE
L’O.B.F.G. se réjouit que la Commission se penche sur l’interaction entre les conditions
de détention et les instruments de reconnaissance mutuelle. Il estime effectivement
qu’il existe un lien étroit entre ces deux éléments.
L’O.B.F.G. est membre du C.C.B.E. aux travaux duquel il participe activement. Il a
ainsi contribué, par l’intermédiaire de ses experts, à la rédaction de la réponse du
C.C.B.E. au livre vert sur l’application de la législation de l’UE en matière de justice
pénale dans le domaine de la détention, qui a été approuvé à l’unanimité par les
délégations nationales1 lors de la session plénière du C.C.B.E. de ces 24-25 novembre
2011.
Afin toutefois d’éclairer la Commission sur les spécificités du droit belge en matière de
détention et les expériences qu’il y a lieu d’en tirer au niveau européen, l’O.B.F.G.
souhaite communiquer les éléments de réponses suivants à la Commission.
La réponse qui suit a été élaborée par Delphine Paci et Hanan Talbi, avocates au
barreau de Bruxelles, et la commission de « droit pénal » de l’O.B.F.G. Elle se fonde
sur l’expérience des avocats praticiens plutôt sur une analyse purement théorique. Elle
porte essentiellement sur des considérations juridiques plutôt que criminologiques (ces
dernières relevant d’autres compétences).
1
Dont la délégation belge (composée de deux membres désignés par l’O.B.F.G. et de deux membres désignés
par l’O.V.B., Orde van Vlaamse Balies)
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2. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
QUESTIONS SUR LES INSTRUMENTS DE RECONNAISSANCE MUTUELLE
1.
Au stade pré-sentenciel :
Quelles sont les alternatives à la détention provisoire non privatives de
liberté qui existent ?
Il existe en droit belge des alternatives aux poursuites pénales, qui peuvent être
initiées par le parquet :
- le classement sans suite, ou classement sans suite dit prétorien (la personne
est entendue et sermonnée) ;
- la transaction pénale : le parquet renonce définitivement aux poursuites
pénales (extinction de l’action publique), en échange de quoi l’auteur des faits doit
payer une somme d’argent. Une loi récente a considérablement augmenté le type
d’infractions pour lesquels une transaction pénale est possible ;
- la médiation pénale: l’affaire n’est pas non plus portée devant le tribunal, mais
l’auteur doit indemniser la victime et/ou, le cas échéant, suivre une thérapie ou une
formation. Lorsque l’auteur a satisfait à toutes les conditions acceptées par lui, l’action
publique est éteinte.
Si la Procureur du Roi estime que des poursuites doivent avoir lieu, il peut citer
directement la personne concernée devant le tribunal compétent ou saisir un juge
d’instruction qui a seul le pouvoir de décerner un mandat d’arrêt.
Une initiative législative mérite d’être soulignée, il s’agit de l’article 216quater du Code
d’instruction criminelle, qui est une alternative à la mise à l’instruction par le parquet
de petit dossier en flagrant délit dans le but d’obtenir du juge d’instruction la
délivrance d’un mandat d’arrêt.
« § 1er. Le procureur du Roi peut convoquer une personne qui est arrêtée en
application des articles 1er et 2 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention
préventive ou qui se présente devant lui, à comparaître devant le tribunal de police ou
le tribunal correctionnel dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, ni
supérieur à deux mois.
Il lui notifie les faits retenus à sa charge ainsi que les lieu, jour et heure de l'audience
et l'informe du fait qu'elle a le droit de choisir un avocat. Si elle ne choisit aucun
avocat, le procureur du Roi en informe le bâtonnier ou son délégué.
Cette notification et cette formalité sont mentionnées dans un procès-verbal, dont
copie lui est remise immédiatement.
La notification vaut citation à comparaître. L'avocat choisi ou, le cas échéant, le
bâtonnier ou son délégué et la partie préjudiciée sont informés sans délai de la date de
l'audience».
Cette opportunité du parquet de remettre à la personne une citation à comparaître
avec les jours et heures de l’audience permet aux personnes sans domicile fixe de
pouvoir comparaître à l’audience {et permet d’éviter l’enchaînement pervers : sans
domicile => risque de soustraction à la justice => mandat d’arrêt}.
Le Procureur du Roi peut également décider de mettre l’affaire à l’instruction, et
éventuellement de requérir la délivrance d’un mandat d’arrêt.
L’ article 16§ 1 de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive prévoit que :
« En cas d'absolue nécessité pour la sécurité publique seulement, et si le fait est de
nature à entraîner pour l'inculpé un emprisonnement correctionnel principal d'un an ou
une peine plus grave, le juge d'instruction peut décerner un mandat d'arrêt.
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L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
Cette mesure ne peut être prise dans le but d'exercer une répression immédiate ou
toute autre forme de contrainte.
Si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans de (réclusion), le
mandat ne peut être décerné que s'il existe de sérieuses raisons de craindre que
l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commette de nouveaux crimes ou délits, se
soustraie à l'action de la justice, tente de faire disparaître des preuves ou entre en
collusion avec des tiers. »
En Belgique, les alternatives à la détention préventive sont de deux ordres pour le
juge d’instruction:
*libération sous caution
*libération sous condition
Ainsi, l’article 35 § 1 de la loi stipule que « dans les cas où la détention préventive
peut être ordonnée ou maintenue dans les conditions prévues à l'article 16, § 1er, le
juge d'instruction peut, d'office, sur réquisition du ministère public ou à la demande de
l'inculpé, laisser l'intéressé en liberté en lui imposant de respecter une ou plusieurs
conditions, pendant le temps qu'il détermine et pour un maximum de trois mois. Il
peut interdire à l'intéressé d'exercer une activité qui le mettrait en contact avec des
mineurs.
En vue de la détermination des conditions, le juge d'instruction peut faire procéder par
la section du Service des maisons de Justice du SPF Justice de l'arrondissement
judiciaire du lieu de résidence de l'intéressé à une enquête sociale ou un rapport
d'information succinct. (…) § 2. Toutes les décisions qui imposent une ou plusieurs
conditions à l'inculpé ou au prévenu sont motivées (…). Le juge arrête les conditions à
imposer. Elles doivent viser l'une des raisons énoncées à l'article 16, § 1er, troisième
alinéa, et être adaptées à cette raison, compte tenu des circonstances de la cause.
§ 4. Le juge peut également exiger le paiement préalable et intégral d'un
cautionnement, dont il fixe le montant.
Il peut motiver sa décision notamment sur la base de sérieux soupçons que des fonds
ou des valeurs tirés de l'infraction ont été placés à l'étranger ou dissimulés.
Le cautionnement est versé à la Caisse des dépôts et consignations, et le ministère
public, au vu du récépissé, fait exécuter l'ordonnance ou l'arrêt de mise en liberté.
Nonobstant le délai fixé à l'article 35, § 1er, et sans préjudice de l'application de
l'article 36, le cautionnement est restitué si l'inculpé s'est présenté à tous les actes de
la procédure et pour l'exécution du jugement. Si la condamnation est conditionnelle, il
suffit que l'inculpé se soit présenté à tous les actes de la procédure.
Le cautionnement est attribué à l'Etat dès que l'inculpé, sans motif légitime d'excuse,
est resté en défaut de se présenter à un acte quelconque de la procédure ou pour
l'exécution du jugement. (…)
§ 6. Si les conditions arrêtées conformément au § 3 imposent le suivi d'une guidance
ou d'un traitement, le juge d'instruction ou la juridiction d'instruction ou de jugement,
invite l'inculpé à choisir une personne compétente ou un service compétent. Ce choix
est soumis à l'accord du juge ou de la juridiction.(…) »
Le juge d’instruction peut à tout moment lever le mandat d’arrêt et remettre l’inculpé
en liberté purement et simplement ou sous conditions et /ou caution.
Fonctionnent-elles ?
La loi sur la détention préventive est extrêmement mal appliquée, ce qui a pour
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4. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
conséquence un nombre très élevé de personnes en détention préventive dans notre
pays (environ 35% sur 11000 détenus, soit un taux largement supérieur à la moyenne
européenne).
La possibilité pour le juge d’instruction de libérer sous conditions nous apparaît sur le
terrain comme provoquant en réalité une extension du filet pénal.
Le nombre de mandats d’arrêt délivré a augmenté d’année en année, et le nombre de
personnes sous « contrôle judiciaire » ne fait qu’accroître, alors que la délinquance est
stable.
De même, les juges d’instruction et juridictions d’instruction imposent quasi
systématiquement le paiement d’une caution pour la remise en liberté d’un justiciable
résidant à l’étranger.
2.
Au stade post-sentenciel :
Quelles sont les mesures alternatives à la détention les plus importantes (par
ex. travaux d’intérêt général ou probation) dans votre système juridique ?
L’article 7 de notre Code pénal prévoit que les peines applicables aux infractions
commises par des personnes physiques sont, en matière criminelle, la réclusion et la
détention ; en matière correctionnelle et de police, l’emprisonnement et la peine de
travail, en matière criminelle, correctionnelle et de police, l’amende et la confiscation
spéciale.
Les mesures alternatives à la détention les plus importantes sont les suivantes :
- Peine de travail :
L’article 37 ter du Code pénal, en vigueur depuis le 07-05-2002, prévoit : « § 1e r.
Lorsqu'un fait est de nature à entraîner une peine de police ou une peine
correctionnelle, le juge peut condamner à titre de peine principale à une peine de
travail. Le juge prévoit, dans les limites des peines prévues pour l'infraction et par la
loi en fonction de sa saisine, une peine d'emprisonnement ou une amende qui peut
être applicable en cas de non-exécution de la peine de travail. »
La peine de travail ne peut être prononcée pour certains faits, essentiellement des
faits de mœurs.
« § 2. La durée d'une peine de travail ne peut être inférieure à vingt heures ni
supérieure à trois cents heures. Une peine de travail égale ou inférieure à quarante-
cinq heures constitue une peine de police. Une peine de travail de plus de quarante-
cinq heures constitue une peine correctionnelle.
La peine de travail doit être exécutée dans les douze mois qui suivent la date à
laquelle la décision judiciaire est passée en force de chose jugée. La commission de
probation peut d'office ou à la demande du condamné prolonger ce délai.
§ 3. Lorsqu'une peine de travail est envisagée par le juge, requise par le ministère
public ou sollicitée par le prévenu, le juge informe celui-ci, avant la clôture des débats,
de la portée d'une telle peine et l'entend dans ses observations. Le juge peut
également tenir compte, à cet égard, des intérêts des victimes éventuelles. Le juge ne
peut prononcer la peine de travail que si le prévenu est présent ou représenté à
l'audience et après qu'il ait donne, soit en personne, soit par l'intermédiaire de son
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5. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
conseil, son consentement.
Le juge qui refuse de prononcer une peine de travail doit motiver sa décision.
§ 4. Le juge détermine la durée de la peine de travail et peut donner des indications
concernant le contenu concret de la peine de travail. »
- suspension du prononcé:
Il s’agit d’une mise à l’épreuve de l’auteur d’une infraction pendant une période de
maximum cinq ans. Aucune peine n’est prononcée si aucun fait délictueux nouveau
n’est commis dans le délai d’épreuve. La suspension du prononcé peut être probatoire.
Elle s’accompagne dans ce cas d’une tutelle sociale et de conditions telles qu’avoir un
domicile, se rendre aux convocations de l’assistant de justice, obligation d’un suivi
thérapeutique…
Cette mesure, ne peut être accordée qu’aux personnes qui n’ont pas encore encourue
de condamnation à une peine de plus de 6 mois.
- sursis :
Le sursis, probatoire ou non, est également une mise à l’épreuve du condamné. Seule
une personne n’ayant pas été condamnée par le passé à une peine d’un an ou plus
peut postuler le bénéfice du sursis (sauf une exception notable en matière de
stupéfiants).
-Concernant l’exécution de la peine d’emprisonnement proprement dite, une modalité
alternative à la détention mérite d’être relevée : la surveillance électronique.
Il s’agit uniquement d’un mode alternatif de détention octroyé par le ministre de la
justice (pour les peines de moins de trois ans) ou le tribunal d’application des peines
(quelques mois avant l’obtention d’une libération conditionnelle). En droit belge, le
bracelet électronique n’est pas une peine autonome, et ne peut donc être prononcée
par les tribunaux de police, correctionnels ou la cour d’assises.
Fonctionnent-elles ?
Compte tenu de la surpopulation chronique de nos établissements pénitentiaires,
préoccupation constante de l’Union européenne, la question se pose inévitablement de
savoir si l’introduction progressive de mesures ou peines dites alternatives sont
susceptibles d’infléchir cette tendance.
La surpopulation pénitentiaire en Belgique est notamment due à l’augmentation du
nombre et de la durée des détentions préventives, des longues et moyennes peines et
à la diminution des décisions de libération conditionnelle2.
La peine de travail autonome existe dans notre Code pénal depuis 2002.
Lors de l’adoption de cette loi, le premier objectif affiché était de lutter contre la
surpopulation et plus particulièrement contre les courtes peines de prison. Dans quelle
mesure constitue-t-elle une mesure réellement alternative à l’emprisonnement ?
Aux termes mêmes du projet de cette loi, les membres de la Commission de la Justice
du Sénat reconnaissent que l’application de « la peine de travail ne va pas vider les
2
Note réalisée par l’Observatoire International des Prisons, section belge, www.oipbelgique.be.
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L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
prisons mais qu’elle contribuera à combattre un certain sentiment d’impunité, ce qui
n’est déjà pas si mal »3.
Comme le souligne, à juste titre, Pierre Reynaert, « cela donne l’impression qu’au vu
de l’échec annoncé dès avant l’entrée en vigueur de la loi de l’objectif de diminution du
recours à l’emprisonnement, on se rabat sur un objectif moins facilement mesurable et
bénéficiant d’une évidence de sens commun »4.
Quoiqu’il en soit, force est de constater qu’en effet, la peine de travail ne vide
aucunement nos prisons dès lors qu’elle n’atteint pas les catégories de détenus à
l’origine de l’inflation carcérale (détenus préventifs, condamnés à de moyennes et
longues peines, étrangers,…).
Ainsi, de l’aveu même des auteurs de la loi, ce sont les courtes peines de prison qu’ils
espèrent remplacer par la peine de travail.
En réalité, la pratique démontre que la peine de travail semble être plus une
alternative à l’amende, à la suspension du prononcé et au sursis de la condamnation5.
Par ailleurs, alors que la présence d’étrangers dans nos établissements pénitentiaires
connaît une croissance continue, la peine de travail ne s’applique, en pratique, qu’aux
personnes résidant régulièrement sur notre territoire.
Des études menées en Belgique montrent ainsi que si les condamnations à une peine
de travail connaissent une croissance rapide et continue, la population carcérale, elle,
ne connaît aucune variation6.
Au lieu de remplacer la prison, la peine de travail s’y ajoute.
Il est à cet égard particulièrement significatif de constater que les tribunaux de police
prononcent 42 % des peines de travail7, alors même que de nombreuses infractions de
roulage ne sont pas punissables de peines d’emprisonnement.
Ainsi, l’instauration de la peine de travail, loin de constituer une alternative à
l’emprisonnement, a pour conséquence un élargissement de l’utilisation du système
pénal en venant simplement s’ajouter aux mesures anciennes.
De plus, une peine d’emprisonnement est presque toujours prononcée
subsidiairement, ce qui signifie que si le condamné n’a pas effectué sa peine de travail
dans l’année, la peine de prison est mise d’office à exécution. Comme la peine de
travail est considérée par le magistrat qui la prononce comme une faveur, la peine de
prison subsidiaire sera souvent très conséquente. Or, une personne désocialisée peut
vite se trouver dans l’incapacité matérielle ou psychique d’effectuer cette peine de
travail.
3
Projet de loi instaurant le peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police,
rapport fait au nom de la commission de la Justice par Madame Kaçar, Doc. Parl., Sénat, 2000-2001, n° 2-
779/7, p. 21.
4
P. REYNAERT, « Pourquoi tant de peines ? La peine de travail ou les métastases de la pénalité
alternative », in Les dossiers de la revue de droit pénal et de criminologie, 2006, n° 13, p. 344.
5
Voir notamment l’étude réalisée par P. FERREIRA MARUM, « La peine de travail au quotidien », in
L’exécution des condamnations pénales, CUP, 2008, pp. 245 à 324.
6
Voir notamment l’étude réalisée par P. REYNAERT, op. cit., pp. 345 et s.
7
H. DOMINICUS, « De werkstraf in Belgïe. Eerste bevindingen en ervaringen vanuit de dienst
justitiehuizen», Panopticon 2006, pp. 34-62.
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7. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
Enfin, les peines de travail n’étant plus exécutées dans l’année à cause de la surcharge
de travail des maisons de justice et des lieux de prestation insuffisants, les juges
hésitent à les prononcer comme sanction dans les rares cas où elles pourraient se
substituer à des peines de prison effectives.
En 2002, 556 peines de travail autonome ont été prononcées, contre 10112 en 20098.
L’octroi de la suspension du prononcé et du sursis répond à des règles trop strictes
selon nous, qui écartent de ces mesures une grande partie des justiciables.
Expérimentée dès 1998 en Belgique, la surveillance électronique est actuellement
régie par la circulaire n° 1784 du 10 juillet 2006 prise par le ministre de la Justice 9.
Comme exposé supra, la surveillance électronique est définie comme une modalité
d’exécution d’une peine privative de liberté en permettant au condamné de subir
l’ensemble ou une partie de sa peine privative de liberté en dehors de la prison selon
un plan d’exécution déterminé, dont le respect est contrôlé notamment par des
moyens électroniques10.
Si la limitation des dommages causés par la détention en offrant aux condamnés la
possibilité de subir une partie de leur peine privative de liberté dans leur
environnement familier a présidé à la conception de la surveillance électronique, la
question de la surpopulation et de l’engorgement des établissements pénitentiaires en
constitue néanmoins l’objectif le plus important (ces objectifs sont issus des textes
politiques gouvernementaux11).
Force est toutefois de constater qu’à l’instar de la peine de travail autonome, l’objectif
annoncé n’est, à ce jour, nullement rencontré.
Le nombre de détenus faisant l’objet d’une telle surveillance est en effet extrêmement
limité. Ainsi, en novembre 2007, l'ancienne ministre de la Justice, Laurette Onkelinx,
déclarait que 550 détenus étaient placés sous surveillance électronique. Vers la mi-
janvier 2008, le compteur se trouvait à 505, selon le nouveau ministre de la Justice, Jo
Vandeurzen12, en 2009, il était à 609, et en 2010, à 92813.
La surveillance électronique pose, à l’instar de la peine de travail autonome, un risque
d’extension du filet pénal et ce, à plusieurs titres14.
8
Justice-en-chiffre.
9
Cfr. infra également.
10
Article 22 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une
peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la
peine, M.B. ,15 juin 2006.
11
Déclarations et accords gouvernementaux, déclarations de politique fédérale, plan de sécurité, conférences
de presse, circulaires…) diffusés sous les gouvernements Vehofdtsadt de 1999 à 2006.
12
Le Vif L’Express du 15 janvier 2008, « le nombre de détenus munis d’un bracelet électronique est en
baisse ».
13
Justice-en-chiffre 2010.
14
T. MOREAU et P. REYNAERT, « La surveillance électronique : liberté virtuelle ou prison virtuelle ? », in
L’exécution des condamnations pénales, CUP, 2008, pp. 191 à 244 ; P. MARY, « L’extension du filet pénal :
du problème à la solution », in Justice et technologies. Surveillance électronique en Europe, Grenoble,
Presses de l’Université de Grenoble, 2006, 9, pp. 137-148 ; D. KAMINSKI et M.-S DEVRESSE, « Le statut
externe du détenu et la surveillance électronique », in Le nouveau droit des peines : statuts juridiques des
condamnés et tribunaux d’application des peines, Bruxelles, Bruylant, 2007.
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8. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
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On constate que l’instauration de la surveillance électronique entraîne la mise à
exécution de peines d’emprisonnement qui ne l’étaient pas dans un passé récent. On
assiste en effet à une tendance croissante d’exécution des courtes peines, de
l’emprisonnement subsidiaire pour inexécution totale ou partielle d’une peine de travail
ou pour non-paiement d’amende. Or, désormais, ces peines sont mises à exécution
pour ensuite être orientées vers la surveillance électronique qui se substitue ainsi à la
non-exécution des peines.
Remplacer une peine non mise à exécution par une autre peine effective s’inscrit dans
une logique d’accroissement de la réaction pénale et d’extension du filet pénal.
Deuxièmement, les tribunaux d’application des peines tendent à considérer la
surveillance électronique comme une période test avant la libération conditionnelle. Ce
constat, notamment opéré par D. Kaminski et M.-S. Devresse, a pour conséquence
une extension du filet pénal puisque la libération conditionnelle se voit ainsi retardée,
voire refusée, dans l’hypothèse d’une exécution problématique de la surveillance
électronique, alors même que les deux dispositifs reposent sur des logiques
différentes.
En effet, certains condamnés pourraient s’adapter très correctement aux conditions
d’une libération conditionnelle ou d’une autre mesure, mais ne s’adaptent pas à la
surveillance électronique dont la rigidité est souvent dénoncée.
Cette rigidité constitue précisément le troisième facteur d’extension du filet pénal et
plus particulièrement d’intensification du contrôle pénal. Le contrôle permanent,
contraignant et intrusif qui caractérise la surveillance électronique implique un risque
plus élevé de repérage du non-respect des conditions que s’il s’agissait d’un contrôle
humain de cette libération, et partant, un risque accru de retour en détention.
Si la peine de travail et la mesure de surveillance électronique présentent assurément
des avantages, force est de constater que contrairement à leurs objectifs affichés,
elles n’ont aucune incidence sur la problématique de la surpopulation.
Non seulement, elles n’atteignent pas les catégories de détenus à l’origine de la
surpopulation mais semblent même constituer des instruments de repénalisation.
En effet, il a été vu ci-avant que tant la peine de travail que la mesure de surveillance
électronique se substituent à des peines moins contraignantes voire non mises à
exécution.
De manière plus générale, de nombreuses études démontrent que les mesures
alternatives ne sont appliquées que partiellement en remplacement des peines
d’emprisonnement ferme et que les nouvelles sanctions remplacent en grande partie
d’autres mesures moins restrictives, telles l’amende, le sursis simple ou la probation15.
La probation et d’autres mesures alternatives à la détention provisoire
pourraient-elles être encouragées au niveau de l’Union ? Dans l’affirmative,
de quelle manière ?
L’ensemble de ce qui précède doit, à notre sens, persuader de l’inanité du recours aux
mesures et peines alternatives au regard de la surpopulation et conduire à l’inverse
15
S. SNACKEN, « Surpopulation des prisons et sanctions alternatives, in Travail d’intérêt général et
médiation pénale. Socialisation du pénal ou pénalisation du social, Bruxelles, Bruylant, p. 381.
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9. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
l’ensemble des acteurs du système pénal à entreprendre une véritable réflexion sur
l’usage que l’on entend faire de l’emprisonnement, et également sur les modes
alternatifs de résolution des conflits en amont de la chaîne pénale.
3.
Comment, selon vous, les conditions de détention peuvent-elles avoir une
incidence sur le bon fonctionnement du mandat d’arrêt européen ?
En Belgique, les conditions de détention dans la plupart des établissements datant du
19e siècle constituent clairement un traitement inhumain et dégradant au sens de
l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Des violations aux
droits de l’homme sont constantes : insalubrité, hygiène défaillante (cellules sans
sanitaire, rats, cafards,...), manque de nourriture, soins de santé défaillants, internés
psychiatriques laissés sans soins, loi pénitentiaire très partiellement appliquée,…16
Dans sa note de politique générale de mars 2010, le ministre de la justice Stéphane
De Clerck disait que les conditions de détention de notre pays sont indignes d’un état
de droit.
Le CPT a récemment fait part d’une série d’observations interpellantes17.
Certains pays pourraient être réticents à voir leurs citoyens ou leurs résidants purger
une peine en Belgique.
A contrario, notre loi portant exécution du mandat d’arrêt européen18 prévoit en son
article 4 : « L'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée dans les cas
suivants :(…)
5° s'il y a des raisons sérieuses de croire que l'exécution du mandat d'arrêt
européen aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne
concernée, tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité sur l'Union européenne.
L’article 23 §1 de la loi prévoit que : « Le ministère public peut exceptionnellement
surseoir temporairement à la remise pour des raisons humanitaires sérieuses, par
exemple lorsqu'il y a des raisons valables de penser qu'elle mettrait manifestement en
danger la vie ou la santé de la personne concernée».
La loi ne prévoit pas de refus d’exécution pour violation de l’article 3 de la CEDH, mais
le juge pourra toujours faire directement application des dispositions internationales.
Que pensez-vous du bon fonctionnement de la décision-cadre relative au
transfèrement de détenus ?
Actuellement, le transfèrement de détenus avec leur consentement d’un pays
européen vers un autre est trop long et pourrait être accéléré.
16
Pour une étude des conditions de détention, voyez www.oipbelgique.be, notice ; D. PACI, « Conditions
« ordinaires » de détention », in l’Observatoire, Revue d’action sociale et médico-sociale, Liège, n°66/2010,
novembre 2010.
17
Rapport au Gouvernement de Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par le
Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et
dégradants. http://www.cpt.coe.int/documents/bel/2010-24-inf-fra.pdf
18
Loi du 19 mars 2003 portant application du mandat d’arrêt européen.
______________________________________________________________________
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9
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L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
L’O.B.F.G. émet les plus vives inquiétudes quant à l’application de la décision-cadre
2008/909/JAI instaurant un système de transfèrement des personnes condamnées
sans leur consentement. La réinsertion du détenu doit être privilégiée dans le pays de
résidence et non dans le pays de nationalité.
Le CPT a pu dans son rapport se prononcer sur le principe du transfèrement sans
accord dans le cadre de la délocalisation de détenus ayant commis des infractions en
Belgique vers la prison de Tilburg aux Pays-Bas, et a émis la recommandation de
solliciter le consentement des personnes19.
QUESTION SUR LA DETENTION PROVISOIRE
4.
Il existe une obligation de remettre une personne accusée en liberté sauf si
des raisons impérieuses justifient son maintien en détention. Comment ce
principe est appliqué dans votre système juridique ?
L’article 16, § 1er, de la loi relative à la détention préventive du 20 juillet 1990 précise
les conditions de délivrance d’un mandat d’arrêt par un juge d’instruction à l’encontre
d’un suspect qu’il a inculpé :
« En cas d’absolue nécessité pour la sécurité publique seulement, et si le fait est de
nature à entraîner pour l’inculpé un emprisonnement correctionnel principal d’un an ou
une peine plus grave, le juge d’instruction peut décerner un mandat d’arrêt. Cette
mesure ne peut être prise dans le but d’exercer une répression immédiate ou toute
autre forme de contrainte. Si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas
quinze ans de réclusion, le mandat ne peut être décerné que s’il existe de sérieuses
raisons de craindre que l’inculpé, s’il était laissé en liberté, commette de nouveaux
crimes ou délits, se soustraie à l’action de la justice, tente de faire disparaître des
preuves ou entre en collusion avec des tiers. »
La ratio legis de cette disposition était clairement de faire de la détention préventive
une exception. Les termes de la loi sont clairs : « absolue nécessité pour la sécurité
publique».
La loi impose également un seuil de gravité des faits. Ce seuil est relatif à l’échelle des
peines encourues puisque la détention préventive n’est possible que « si le fait est de
nature à entraîner pour l’inculpé un emprisonnement correctionnel principal d’un an ou
une peine plus grave ».
Ce dernier critère ne peut cependant pas être considéré comme un réel obstacle à la
détention préventive puisque, à l’exception de quelques infractions telles que, par
exemple, l’outrage ou encore l’injure ou la calomnie, l’ensemble des infractions rentre
dans cette échelle de peine.
Sur le plan des principes, la détention préventive ne peut constituer une répression
immédiate et ne peut être prise dans le but d’exercer toute autre forme de contrainte.
Dans la pratique, on constatera que :
19
Rapport du CPT, op. cit., p. 36.,
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L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
- le recours à la détention préventive est utilisé par les juges comme une réponse
immédiate à une délinquance : le juge anticipe l’arriéré judiciaire dû à
l’encombrement des juridiction pénales et souhaite marquer un coup d’arrêt
et apporter une réponse immédiate à la délinquance (présumée, devons-nous
le rappeler) ;
- l’attitude de l’inculpé/suspect qui décide de faire usage de son droit au silence
semble constituer sans aucun doute un critère officieux justifiant le recours à
la détention préventive alors que la détention ne peut légalement être
exercée « dans le but d’exercer toute autre forme de contrainte » ;
- un recours systématique à la détention préventive pour les personnes
étrangères sans séjour régulier en Belgique alors que souvent, ceux-ci sont
sur le territoire depuis de nombreuses années et peuvent justifier d’une
adresse de résidence et/ou d’une demande de régularisation en cours de
traitement par l’Office des étrangers ;
- pour les infractions dont le maximum de la peine ne dépasse pas quinze ans, la
loi exige de motiver le mandat d’arrêt par des éléments qui démontrent
qu’« il existe de sérieuses raisons de craindre que l’inculpé, s’il était laissé en
liberté, commette de nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l’action de la
justice, tente de faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des
tiers ». Le risque de récidive existe, suivant une jurisprudence constante, à
partir du moment où le suspect est inculpé, étant donné qu’il pourrait à
nouveau commettre les faits dont il est soupçonné, même s’il les nie. Le
risque de récidive peut donc être repris dans tous les cas comme motivation
suffisante. Le risque de fuite ou de ne pas se présenter devant le tribunal
paraît tout aussi évident. Quant au risque de faire disparaître des preuves, de
prendre des contacts avec d’autres suspects ou de faire pression sur des
témoins, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de démontrer qu’il
n’existe pas. Dans la pratique, on constatera donc que la motivation des
mandats d’arrêt, mais également des ordonnances des Chambre
d’instruction, sont plus que stéréotypées.
On ne peut que constater et regretter un abus du recours à la détention préventive en
Belgique.
En effet, la proportion de détenus qui sont inculpés et donc présumés innocent dans
les prisons belges ne cessent de grandir et est de l’ordre de 35%, ce qui place la
Belgique parmi les champions européens de la détention préventive…
5.
Les pratiques hétérogènes observées d’un état membre à l’autre concernant
les dispositions qui régissent a) la durée maximale légale de la détention
préventive et b) la périodicité du réexamen des motifs qui justifient la
détention provisoire, peuvent nuire à la confiance mutuelle. Qu’en pensez-
vous ?
L’O.B.F.G. n’a pas eu l’occasion d’étudier cette question.
Quelle est la meilleure façon de réduire les mises en détention provisoire ?
Comme exposé ci-dessus, le législateur belge a souhaité faire du recours à la
détention préventive une mesure exceptionnelle.
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L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
La pratique démontre cependant que le magistrat y a recours très/trop souvent20.
Aujourd’hui, la seule alternative à la détention préventive est la mise en liberté sous
caution ou conditions.
Les conditions les plus souvent imposées sont les suivantes : interdiction de fréquenter
un endroit et/ou des personnes, obligation de rechercher un emploi ou de suivre une
formation, obligation de soins pour les toxicomanes, obligation de répondre à toutes
convocations de la police et de la justice.
A l’heure actuelle, le recours à la détention préventive n’est possible que pour les
infractions dont le seuil minimal de la peine est d’une année.
Ce seuil minimum d’une année n’exclut en réalité que très peu d’infractions de la
possibilité de délivrance d’un mandat d’arrêt.
Plusieurs études ont été menées afin d’imaginer comment la détention préventive
pourrait être limitée tant dans son usage que dans sa durée21.
Une des pistes envisagées a été de rehausser le seuil minimal de la peine à trois
années et non plus à une année ou encore d’envisager d’autres critères que celui du
seuil minimal de la peine.
Il semble qu’un rehaussement de la peine minima n’aurait qu’un impact très marginal
(3%) sur le nombre de mandats d’arrêts, tout en écartant du champ d’application de
la détention préventive certaines infractions de violence contre les personnes, telle que
les coups et blessures volontaires22.
Pour H. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, seul l’établissement d’une liste exhaustive
d’infractions permettant la délivrance d’un mandat d’arrêt serait de nature à limiter de
façon drastique le champ d’application de la détention préventive23.
D’autres plaident pour que cette liste ne comporte que les actes délictueux causés aux
personnes mais non plus aux biens
Ainsi, un vol avec violences serait susceptible d’un placement sous mandat d’arrêt et
non plus un vol avec effraction.
S’est également posée la question de savoir si la surveillance électronique pouvait
devenir une alternative à la détention préventive et non plus uniquement un mode
alternatif d’exécution des peines.
En Belgique, la surveillance électronique est actuellement appliquée exclusivement au
niveau de l’exécution de la peine, c’est-à-dire pour des personnes condamnées.
20
Cfr. question 4.
21
P. DAENINCK, S. DELTENDRE, A. JONCKHEERE et E. MAES, « Recherches sur la détention
préventive. Analyse des moyens juridiques susceptibles de limiter la détention préventive », INCC,
Collection des rapports et notes n°13, Bruxelles, 2005.
22
S. DELTERNE et E. MAES, « Simulation de l’impact de quelques changements législatifs en matière de
détention avant jugement », R.D.P.C,, 2004, n°1,pp 3-50.
23
______________________________________________________________________614.
H. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, La Charte 2001, p.
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La surveillance électronique telle qu’appliquée à ce jour ne rencontre pas l’objectif
premier qui était de se substituer à la peine de prison pour faire diminuer la
surpopulation carcérale24.
En effet, les personnes qui en « bénéficient » sont en réalité celles qui n’auraient
sinon pas fait l’objet d’une mise à exécution de leurs peines (courtes peines,
emprisonnement subsidiaire, etc.) ; les détenus en situation de séjour irrégulier en
sont exclus, alors qu’ils constituent un nombre de plus en plus élevé de condamnés.
Ensuite, la surveillance électronique est détournée de son rôle premier par les
tribunaux d’application des peines puisque in concreto, nous constatons qu’elle est
trop souvent le passage obligé avant la libération conditionnelle,
De manière évidente, il est à craindre que l’utilisation de la surveillance électronique
comme alternative à la détention préventive, n’étende une nouvelle fois le filet pénal
en plaçant sous surveillance électronique des personnes qui auraient été libérées sans
être placées sous mandat d’arrêt.
Au-delà de cette crainte, on peut légitimement se demander comment une surveillance
électronique (qui in fine ne permet que de vérifier si une personne est bien à son
domicile) pourrait pallier au risque de récidive, de fuite ou de collusion. En Belgique, le
bracelet ne présente pas de système GPS.
Un des chemins qui pourrait être emprunté par le Belgique pour limiter la détention
préventive est très certainement la limitation de la durée de celle-ci.
En effet, en Belgique, il n'existe pas de limitation absolue de la durée de la détention
provisoire.
Malgré les contrôles mensuels ou trimestriels par la Chambre du conseil, une limitation
légale de la durée maximale de la détention provisoire qui serait fonction de la gravité
de l’infraction et de la peine encourue pourrait constituer une arme pour lutter contre
une trop longue détention préventive pour laquelle la Belgique a très souvent été
épinglée par différentes instances internationales25.
Nous pourrions également nous inspirer du système allemand, celui-ci prévoyant que
la détention provisoire ne peut normalement excéder six mois. Elle peut cependant
être prolongée par période de 3 mois « si une difficulté spécifique ou l’étendue
particulière des investigations ou un autre motif important » le justifient. Les
conditions de prolongation sont alors contrôlées par le tribunal régional supérieur,
comparable à la cour d’appel.
Le système prévoyant un quota maximum de détenus pourrait également être étudié.
6.
Les juridictions peuvent émettre un mandat d’arrêt européen pour obtenir le
retour d’une personne recherchée pour être jugée, après avoir été libérée et
autorisée à retourner dans son pays d’origine au lieu d’être placée en
24
Cfr. question 2.
25
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné la Belgique dans un arrêt du 6 novembre
2007 (Lelievre c. Belgique) pour la durée déraisonnable de la détention préventive effectuée par Michel
Lelievre, incarcéré durant près de huit ans avant d'être condamné, en juin 2004, à 25 ans de prison dans le
cadre du "procès Dutroux".
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détention provisoire. Cette possibilité est-elle déjà utilisée par les juges et,
dans l’affirmative, de quelle manière.
En Belgique, la décision cadre sur le Mandat d’arrêt européen (MAE) a été transposée
par la loi belge du 19 décembre 2003.
La procédure est en réalité assez similaire à la procédure mise en place pour la
délivrance d’un mandat d’arrêt « national ».
Dans les 24 heures de son arrestation, l’intéressé doit être présenté à un
juge d’instruction et être entendu.
La loi belge a prévu des motifs de non-exécution du MAE, certains obligatoires,
d’autres facultatifs.
Les causes de refus obligatoires sont :
- les seuils minima de la peine ;
- l’amnistie ;
- l’application de Ne bis in idem au sein de l’U.E. ;
- la minorité pénale ;
- la prescription ;
- la violation des droits fondamentaux ;
- la double incrimination de la loi belge.
Les causes de refus facultatives sont :
- des poursuites en Belgique pour les mêmes faits ;
- une décision de classement sans suite ou de non-lieu ;
- l’application de « non bis in idem » hors U.E. ;
- l’exécution en Belgique de la peine prononcée à l’étranger à l’encontre d’un
belge ou d’un résident en Belgique;
- si l’infraction a été commise (en partie) en Belgique (clause de territorialité) ;
- si l’infraction n’a pas été commise dans l’Etat d’émission (clause
d’extraterritorialité).
En principe, ce sont les juridictions d’instruction qui rendent le MAE exécutoire et
qui vérifient l’existence d’une éventuelle cause de refus
La jurisprudence de la Cour de cassation implique cependant que ce contrôle est
réduit.
Selon la Cour de cassation, la juridiction d’instruction qui statue sur l’exécution
du MAE n’a pas à apprécier la légalité et la régularité du Mandat d’arrêt européen.
Cette appréciation est du ressort de l’Etat d’émission : « Attendu que le
juge qui statue sur l’exécution du Mandat d’arrêt européen n’a pas à apprécier la
légalité et la régularité dudit mandat, mais uniquement son exécution,
conformément au prescrit des articles 4 à 8 de la loi du 19 décembre 2003 relative au
Mandat d’arrêt européen ; Qu’en cas d’exécution, la légalité et la régularité du
Mandat d’arrêt européen sont appréciées par l’autorité judiciaire qui délivre le
mandat et à laquelle la personne recherchée est livrée ».
La Cour de cassation renvoie donc à l’Etat d’émission le soin de vérifier, après
l’exécution de ce mandat, si le MAE était régulier et valide. Elle précise qu’il est ainsi
satisfait à l’article 5.4 Conv.EDH.
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L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
REGLES MINIMALES ?
7.
Y aurait-il un intérêt à adopter des règles minimales de l’Union concernant les
durées de la détention provisoires maximales et le réexamen périodique de la
détention afin de renforcer la confiance mutuelle ? le cas échéant, quel serait
le meilleur moyen d’y parvenir ?
L’O.B.F.G. n’a pas eu l’occasion d’examiner cette question.
Quelles sont les autres mesures qui permettraient de réduire le recours à la
détention provisoire ?
Au-delà des alternatives à la détention préventive développées ci-dessus, une
meilleure coopération dans le suivi des conditions fixées dans le cadre d’une libération
sous conditions permettrait très certainement à une plus grande partie des inculpés de
bénéficier de cette mesure.
En effet, une personne qui ne dispose pas d’une résidence légale en Belgique, qu’elle
soit européenne ou non, sera placée plus facilement en détention préventive qu’un
ressortissant national pour la même catégorie d’infractions et ce, sous couvert d’un
risque de fuite.
QUESTION SUR LES ENFANTS
8.
Des mesures alternatives à la détention spécifiques pourraient-elles être mise
en place pour les enfants ?
En Belgique, les mineurs incarcérés en prison sont des individus de 16 ans ou plus qui
ont commis un fait qualifié infraction, pour lesquels le juge de la jeunesse estime qu'il
convient d'appliquer la législation des majeurs : ce sont les mineurs dessaisis.
L’article 606 du Code d’instruction criminelle prévoit le régime de détention particulier
pour les mineurs : « Les personnes qui, à la suite d'un dessaisissement prononcé sur
base de l'article 57bis de la loi 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la
prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation
du dommage causé par ce fait, font l'objet d'un mandat d'arrêt, sont placées dans un
centre fédéral fermé pour mineurs ayant commis un fait qualifié infraction. Ce centre
est désigné par le Roi.
Si les mêmes personnes font l'objet d'une condamnation à une peine
d'emprisonnement principal ou accessoire, elles exécutent cette peine dans l'aile
punitive d'un centre fédéral fermé pour mineurs ayant commis un fait qualifié
infraction.
Toutefois, si ces personnes sont âgées de dix-huit ans ou plus et qu'au moment du
placement ou ultérieurement, le nombre de places du centre fermé susvisé est
insuffisant, elles sont placées dans un établissement pénitentiaire pour adultes. »
Depuis 2005, le tribunal de la jeunesse tient désormais compte, non seulement de la
personnalité du jeune et des ressources éducatives de son milieu mais également de la
nature des faits commis.
Ainsi, le tribunal peut désormais, en vertu de l’article 57bis, se dessaisir de la situation
d’un jeune dès lors que le fait commis par ce dernier revêt une certaine gravité.
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Il s’agit ici d’un dangereux basculement du droit de la jeunesse vers le droit pénal
classique qui pousse à privilégier la gravité des faits par rapport à tout autre critère et
notamment la personnalité du jeune et la possibilité de lui appliquer des mesures
d’éducation spécifiques (tellement plus efficace qu’une détention en prison). Le jeune
dessaisi sera jugé comme un adulte, les mêmes peines pouvant lui être appliquées.
La décision de dessaisissement est donc très lourde de conséquences, avec la menace
d’un emprisonnement et d’une peine entachant le certificat de bonne vie et mœurs
d’un jeune dont l’avenir professionnel serait ainsi hypothéqué pour plusieurs années.
En Belgique francophone, les jeunes dessaisis comptent environ une centaine de
situation par an26.
Le dessaisissement de mineurs apparaît comme contraire à la Convention
Internationale des Droits de l'Enfant, qui stipule que :
A. « les Etats veillent à ce que [...] tout enfant privé de liberté soit traité avec
humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière
tenant compte des besoins des personnes de son âge: en particulier, tout enfant privé
de liberté sera séparé des adultes » (art. 37)
B. « Les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu
d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui [...] tienne compte de son âge
ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire
assumer un rôle constructif au sein de celle-ci. » (art. 40).
Le 11 juin 2010, les Observations finales adressées à la Belgique par le Comité des
droits de l’enfant des Nations Unies ont été publiées.
Elles contiennent 88 recommandations, soit 56 de plus qu’en 2002.
Concernant les mineurs en conflit avec la loi, le Comité se disait préoccupé que:
- des enfants âgés entre 16 et 18 ans puissent toujours être jugés comme des
adultes ;
- le droit d’avoir un avocat n’est pas toujours respecté ;
- les enfants ne peuvent toujours pas introduire une action en justice ;
- le recours à la détention est disproportionné ;
- les enfants placés en détention ont peu de contact avec leur famille ;
- l’isolement est une pratique courante dans les centres fermés fédéraux
- les sanctions administratives communales pour incivilités ne sont pas
conformes à la Convention (observation finale n° 83)
Si nous pouvons nous réjouir que les juges correctionnels qui auront à connaître de
ces mineurs dessaisis doivent justifier d’une formation particulière en la matière, force
est de constater qu’une fois dessaisi, le mineur de plus de 16 ans ne pourra prétendre
à d’autres alternatives à la détention que celle prévues pour les adultes27.
26
Notice 2008, www.oipbelgique.be
27
Pour les alternatives à la phase post-sentenciel, voir la question 2.
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QUESTION SUR LE CONTRÔLE DES CONDITIONS DE DETENTION
9.
Comment mieux promouvoir le contrôle des conditions de détention par les
Etats membres ?
En Belgique, il n’existe aucun contrôle des conditions de détention satisfaisant28.
En raison de critiques sur l’efficacité de ces organes, le 26 mai 2003, les commissions
administratives et le Conseil supérieur de la politique pénitentiaire (dont le mandat
prenait fin le 2 juin 2002), furent « brusquement » remplacés par des commissions de
surveillance et un Conseil central de surveillance pénitentiaire29.
L’instauration de ces nouveaux organes suscite plusieurs commentaires :
A priori, on ne peut que se féliciter de la volonté de remédier aux critiques formulées
antérieurement concernant l’efficacité insuffisante des organes de surveillance.
Toutefois, la loi de principes concernant l’administration des établissements
pénitentiaires ainsi que le statut juridique du détenu du 12 janvier 2005 (loi
« Dupont ») traite également de cette question. Il en résulte que l’arrêté royal du 4
avril 2003 portant création du Conseil central de surveillance pénitentiaire et des
commissions de surveillance est venu court-circuiter la loi qui va beaucoup plus loin en
confiant à ces commissions d’importantes missions de médiation entre le directeur de
la prison et les détenus et prévoyant la constitution au sein de chaque commission
d’une commission des plaintes et, au sein du Conseil central, d’une commission
d’appel. Ces missions ne figurent pas dans l’arrêté royal.
Dans son rapport publié en 2010, le CPT recommande aux autorités belges de prendre
immédiatement des mesures afin que les dispositions de la loi de principes ayant trait
au droit de plainte des détenus entrent en vigueur30
Selon l’arrêté royal du 4 avril 2003, le Conseil central de surveillance pénitentiaire et
les commissions de surveillance ont pour mission d’exercer de manière professionnelle
et indépendante une surveillance sur le traitement réservé aux détenus et le respect
des prescriptions en vigueur en la matière.
Indépendamment du fait que l’arrêté royal ne prévoit pas de rémunération des
membres des commissions, l’on peut s’inquiéter du libellé de certaines dispositions qui
semblent porter atteinte au caractère indépendant de ces organes :
- le conseil « agit pour le ministre » et « est institué au sein du Service
public fédéral Justice » (art. 130 R.G.) ;
- le ministre de la Justice, via le Conseil central de surveillance, peut
« donner des instructions aux commissions de surveillance » (art. 137
R.G.) et « veiller à ce que leurs activités se limitent aux missions qui
leur sont confiées » (art. 131 R.G.) ;
28
Etude effectuée par l’Observatoire International des Prisons.
29
A.R. du 4 avril 2003 modifiant l’arrêté royal du 21 mai 1965 portant règlement général
des établissements pénitentiaires, M.B., 16 mai 2003.
30
Conseil de l’Europe, «Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par
le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants
(C.P.T.), du 28 septembre au 7 octobre 2009, www.cpt.coe.int/documents/bel/2010-24-inf-fra.pdt, p.67.
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- le ministre nomme et révoque les membres des commissions de
surveillance sur « conseil » du Conseil central de surveillance (art.134
R.G.) ;
- le ministre arbitre tout différend entre une direction de prison et une
commission de surveillance (art. 137, § 2 R.G.).
Les commissions de surveillance sont censées exercer de façon professionnelle,
indépendante et autonome le contrôle de la société civile sur le fonctionnement des
établissements pénitentiaires.
Or après plusieurs années de fonctionnement, beaucoup de leurs membres, de même
que le conseil central (voir son rapport annuel 2007, pages 45 à 49) s'insurgent contre
le fait que leurs interventions, remarques, demandes et propositions soient si
rarement et si peu suivies d'effet.
Certains souhaiteraient, afin de disposer d'une réelle autonomie, que le conseil central
et les commissions soient placés directement sous l'autorité et le contrôle du
Parlement auquel ils soumettraient des rapports annuels qui pourraient servir au
pouvoir législatif pour interpeller l'exécutif...
Ces organes ne servent-ils pas de faire valoir ou d'alibi au Ministre de la justice ?
En effet, sans compter le peu de reconnaissance dont ils font l'objet et le peu de
visibilité qu'ils ont, à quoi attribuer, sinon à une volonté délibérée du SPF Justice ou de
son Ministre de tutelle, qu'ils ne figurent nulle part dans aucun organigramme (même
pas sous l'autorité directe du Ministre) et ne soient pas cités une seule fois (même pas
comme intervenants) dans les rapports annuels successifs émanant soit du SPF Justice
(de 2004 à 2009) ou de la direction générale des établissements pénitentiaires (DG
EPI de 2007 à 2009)?
Il faut en outre déplorer l'absence totale et persistante de moyens humains, financiers
et matériels mis à la disposition des commissions:
1. absence de budget pour acheter du papier, des timbres, pour photocopier, pour
téléphoner, pour obtenir une connexion à l'intranet et à internet ;
2. absence de budget pour disposer de matériel informatique ;
3. absence de secrétaire ;
4. absence de budget pour s'informer et se former (abonnement à une revue,
achat d’ouvrages, participation à des colloques, journées d'études, formations
diverses...) ;
5. absence de local et de mobilier pour travailler et entreposer les dossiers; à
noter que le ministre vient d'enjoindre (par courrier daté de juillet 2010) les
directions des prisons de réparer cette seule omission ;
6. incertitude quant à l'indemnisation qui interviendrait en cas d'accident ou de
blessure ou de maladie que subirait un membre dans l'exercice de sa mission
ou du fait de cet exercice.
Par ailleurs, certaines commissions, par manque de membres, ont beaucoup de mal à
fonctionner, avec pour conséquence des contrôles disséminés et parcellaires. Certains
établissements sont par ailleurs dépourvus de commission de surveillance. Dans son
dernier rapport, le CPT « recommande aux autorités belges de prendre des mesures
immédiates afin que la prison de Bruges (et, le cas échéant, tous les autres
établissements pénitentiaires belges qui en seraient démunis) dispose effectivement
d’une commission de surveillance. De plus, il convient de mettre résolument en œuvre
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19. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
tous les moyens nécessaires afin que les commissions de surveillance puissent
s’acquitter de leur mission dans de bonnes conditions »31. Certaines commissions "
fonctionnent " avec deux ou trois membres seulement et parfois pour plusieurs
prisons, ce qui les empêche évidemment de remplir les missions de surveillance de
manière suffisante et légale…
Un manque crucial de collaboration entre le Conseil central et les commissions de
surveillance doit également être relevé. Le Conseil central ne donne pas toujours suite
aux courriers et questions des différentes commissions et leurs demandes restent
souvent lettres mortes.
En outre, si l’on peut saluer le rajeunissement des membres recrutés pour leurs
compétences en matière carcérale (chaque commission doit, notamment, comprendre
un magistrat, un médecin et un avocat), il n’en demeure pas moins que la plupart
d’entre eux exercent une activité professionnelle et consacrent donc gratuitement une
partie de leur temps libre aux missions des commissions. Il s’agit toutefois d’un travail
qui nécessite un réel engagement et dont certains membres n’ont peut-être pas
mesuré toute la portée : très rapidement, de nombreuses démissions ont été
présentées à la ministre de la Justice de l’époque.
Cette nécessité d’un tel investissement des membres d’une commission remet par
ailleurs en question la mise en pratique de la commission des plaintes telle que prévue
par la loi du 12 janvier 2005 sur le statut juridique interne des détenus. La mise en
place d’un tel système nécessiterait en effet un investissement encore accru qui
occasionnerait une surcharge de travail incompatible avec les activités professionnelles
de la plupart des membres. La professionnalisation des membres de la commission des
plaintes sera alors inévitable.
L’absence de professionnalisation des membres des commissions a pour conséquence
une qualité de travail inégale d’une commission à l’autre et même d’un mois à l’autre
au sein d’une même commission.
En outre, le manque de dynamisme et de collaboration du Conseil central n’encourage
pas les commissions à mieux fonctionner. A titre d’exemple, les commissions de
surveillance et le Conseil central doivent rendre des rapports annuels. Le Conseil
central ne rentre jamais ses rapports dans les délais impartis. Il demande en outre aux
commissions de surveillance de rédiger leurs rapports annuels en remplissant des
formulaires pré imprimés sous forme de questionnaire précis. En juin 2008, le Conseil
central communiquait un nouveau « canevas » aux commissions pour leurs rapports
annuels 2007…. Le rapport annuel du Conseil central pour l’année 2008 n’a pas encore
été communiqué fin 2011 !
L’existence de mécanismes d’inspection et de plaintes indépendants et efficaces dans
les établissements pénitentiaires est essentielle.
La mise en œuvre du protocole facultatif du 2 février 2011 devrait donc être une
priorité en Belgique.
31
Conseil de l’Europe, «Rapport au Gouvernement de la Belgique relatif à la visite effectuée en Belgique par
le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants
(C.P.T.), du 28 septembre au 7 octobre 2009, www.cpt.coe.int/documents/bel/2010-24-inf-fra.pdt, p. 67.
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20. ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE
L’avocat conseille. L’avocat concilie. L’avocat défend.
Comment l’UE pourrait-elle encourager les administrations pénitentiaires à
travailler en réseau et à établir de bonnes pratiques ?
Le grand défaut des textes internationaux du Comité des ministres, du Conseil de
l’Europe ou du CPT reste le manque d’effet contraignant.
Il conviendrait à notre sens de créer un espace de rencontre et de réflexions
rassemblant les travailleurs de l’administration pénitentiaire des différents pays
européens, et également les ONG actives en matière de détention. Cela permettrait,
espérons-le, d’inspirer chaque pays des bonnes pratiques existantes dans d’autres
pays membres.
QUESTION SUR LES NORMES DE DETENTION
10.
Comment mieux promouvoir le travail du Conseil de l’Europe et celui des
Etats membres dans leur effort visant à mettre en pratique de bonnes
conditions de détention ?
Les pouvoirs politiques se retranchent souvent derrière l’opinion publique sécuritaire
pour justifier le manque d’intérêt face aux conditions de détention.
Une vaste campagne d’information et d’éducation auprès d’un public le plus large
possible pourrait être soutenue par l’Union Européenne.
Bruxelles, le 30 novembre 2011
Pour toute information complémentaire :
Bureau de représentation de l’O.B.F.G.
Avenue des Nerviens, 85 bte10
1040 Bruxelles
Tél. : (+32) 2 735.73.90
Fax : (+32) 2 735.83.39
Anne.jonlet@avocats.be
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