1. la critique
des lecteurs
de notre réseau
1LIVREPAR JOUR
Semaine du 22 au 28 juin
195 librairies partout en France
GRATUIT
servezvous
Semaine du 22 au 28 juin195 librairies partout en France
La critique des lecteurs de notre réseau
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2. PARENTS ET AMIS SONT INVITÉS À Y ASSISTER
de Hervé Bouchard
Drame, récit, divers
Critique de Lionel Gabarre
Prix conseillé : 11,00 €
Comme Job sur son tas de fumier
H
ervé Bouchard esquisse le portrait
d’une famille du Lac Saint-Jean,
chamboulée par la mort subite d’un
père charismatique. Un deuil qui
désorganise un clan à l’origine soudé
et animé de la parole paternelle. Cette œuvre
singulière, issue d’aucun genre en particulier,
plonge au cœur d’un drame qui se résout alors
que chacun trouve la convergence salvatrice.
Tâche difficile puisque les enfants sont disper-
sés chez des tantes qui ont pris la relève de la
mère, sonnée par la disparition de son mari.
La communication sert donc de thérapie pour
reconstruire les assises de cette famille en
manque de filiation. Manque grave à l’origine
du suicide du benjamin, désireux de retrouver
son père.
En montrant ainsi la face cachée de ce qu’ils
sont, ils resserrent la fratrie sur un terreau qui
3. LUNDI
leur fait dire qu’ils n’auraient pu vivre ailleurs
avec « l’usine au large de leur regard dans un
voile de fumée qui sentait, la poussière en gris
pâle, l’asphalte conjugué en mou, les poteaux
gros de créosote, les murs en brique teintée
en trente, les escaliers premiers du nom, des
corneilles bleues, des moineaux à motifs... des
érables à hélices, des saules en phase brune,
des peupliers prêts à neiger, des ormes à bras,
des sorbiers portant grappes, des pommetiers
en pleurs, des cerisiers à romances... »
Cette parole thérapeutique renvoie à la posses-
sion du corps, instrument de connaissance de
soi, comme l’avait déjà démontré Élise Turcotte
dans La Maison étrangère, roman inspiré de
l’esprit du Moyen Âge qui considérait notre
enveloppe charnelle comme le chemin vers
autrui, et même vers Dieu tel que le prouvent
les fresques de la chapelle Sixtine. En revanche,
Hervé Bouchard valorise plutôt le corps pour
ses fonctions d’évacuation. L’intimité des actes
qui en découlent prend des proportions obses-
sionnelles comme dans le film Léolo. Ce volet
scatologique stigmatise notre appartenance à
une humanité déchue à travers la symbolique
des fèces, traduite en termes vulgaires.
Comme Job sur son tas de fumier, l’orphéon
des endeuillés clament leurs doléances afin de
se réapproprier une famille privée de son âme.
Leurs chants, aussi sacrilèges que les Versets
sataniques de Salmon Rushdie. Hormis la vul-
garité et l’irrévérence, cette œuvre brillante,
mais déstabilisante par l’illustration intellec-
tuelle de sa thématique, rappelle l’écriture des
penseurs du XVIe et du XVIIe siècle.
Ce chef-d’œuvre risque de faire uniquement
partie des lectures obligatoires des étudiants
ou des lectures des intellectuels.
4. DONQUI FOOT…
de Hubert Artus
Arts, loisir, vie pratique, divers
Critique de Jean-Paul Merciès
Prix conseillé : 8,70 €
Le foot par le petit bout de la
lorgnette !
S
avez-vous que Zinedine Zidane fut le
premier joueur français à être exclu
lors d’un match de Coupe du monde ?
Que le mythique gardien de but italien
Dino Zoff échoua aux tests d’entrée à
la Juventus de Turin à cause de sa… petite
taille ? Que la chanson « You’ll never walk
alone », l’hymne du club anglais de Football de
Liverpool (et d’autres grands club européens
de football...), est une chanson… américaine
! Qui plus est, venant d’une comédie musi-
cale et qu’elle fut entre autres chantée par
Renée fleming, Elvis Presley, Franck Sinatra,
Barbara Streisand, Nina Simone, Shirley
Bassey et… Dick Rivers ? Que malgré le fait
qu’il a été champion national dans tous les
clubs où il a joué, le joueur suédois Zlatan
Ibrahimovic n’a jamais gagné la Champions
League ? Qu’en 1991 quand l’entraineur belge
5. MARDI
Raymond Goethals (1921-2004) annonça à
Eric Cantona qu’il était remplaçant, celui-ci lui
lança « On ne met pas Canto sur le banc »…
Ce à quoi il répliqua instantanément « Alors,
prends une chaise et assieds-toi à côté » ! Ou
encore, qu’en 1994 en pleine coupe du monde
aux États-Unis, Raymond Domenech tenta de
revendre au marché noir des billets pour le
match Bolivie-Corée du Sud, billets qu’il n’avait
même pas payés !
Voilà, tout cela, et bien sûr, beaucoup, beaucoup
d’autres anecdotes toutes plus intéressantes
les unes que les autres, sont à retrouver dans
ce « Donqui Foot », qui se veut avant tout un
dico « rock, historique et politique » du foot-
ball, et il est vrai que, suivant un usage très à la
mode dans ce genre d’ouvrages ces dernières
années, certaines entrées ont de qui sur-
prendre… On ne s’étonnera plus de retrouver
entre autres des définitions : Cocaïne, Caviar,
Zlatan, Femmes, Crampons, Sexe, Qatar…
L’ouvrage est facile d’accès, simple à la
consultation comme à la lecture, et se laisse
lire même par le plus profane des amateurs
de foot, dont je suis. Ce n’est pas un livre qui
se prend trop au sérieux, et même tout du
contraire, le second degré y est abondamment
présent, car c’est avant tout un livre « récréa-
tif ». A noter que l’auteur, consultant Football
sur Radio France International, maîtrise très
bien son sujet et ce livre si il a un côté très
pratique est aussi très bien documenté sur les
trois siècles d’histoire du Football et peut, sans
problèmes, vous servir à apprendre le « sujet »
foot, bien plus intensément que vous pourriez
le penser au premier abord !...
Un livre que l’on peut picorer à sa guise, en
allant regarder directement ce qui vous inté-
resse, ou bien encore se laisser guider par le
hasard. Mais dans tous les cas, on passe un
très bon moment…
6. LE CHAMP DU SANG
de Denise Mina
Titre original : The field of blood
Policier, Thriller
Critique de Jean-Paul Merciès
Prix conseillé : 8,70 €
Glasgow glauque
N
ous sommes en 1981, dans les
débuts de l’ère Thatcher, Patricia
Meehan, dite Paddy, vit à Glasgow,
où elle étouffe dans l’atmosphère
pétrie de conventions et de préjugés
d’une famille catholique irlandaise. C’est une
jeune femme avide de liberté, qui refuse la
condition des femmes de son milieu. Elle est
actuellement « garçon de courses » au journal
« Daily news » et elle espère bien faire de cette
fonction très subalterne un tremplin pour deve-
nir un jour journaliste en titre.
Une terrible affaire vient d’éclater : à Glasgow,
deux garçonnets en ont assassiné un troi-
sième, plus jeune, presqu’encore un bébé. La
police ne doute déjà plus de l’entière culpa-
bilité des deux accusés. Pourtant certains
éléments incitent Paddy à penser que les deux
jeunes meurtriers n’ont pas agi seuls et qu’ils
7. MERCREDI
ont peut-être été manipulés par un adulte. La
jeune femme, d’autant plus motivée que l’un
des enfants tueurs est un cousin de Sean, son
fiancé, mène sa propre enquête. Une enquête
pleine de rebondissements et de dangers dans
un Glasgow aux classes populaires sinistrées
par le chômage et la politique libérale. Paddy
doit affronter aussi bien une police sûre de ses
conclusions que le milieu du journal. Un univers
codifié avec son lot d’arrivistes, ses jalousies
et coups bas et le mépris de chacun pour cha-
cun et surtout pour ceux qui ne font pas encore
partie de leur caste.
Ce roman comporte ce qu’il faut de mystère, de
drame et de suspense pour captiver le lecteur
et les trois contextes dans lesquels se déroule
l’histoire sont finement décrits : celui du jour-
nal, celui de la famille irlandaise de Paddy et
celui des quartiers déglingués de Glasgow de
l’ère Thatcher. Paddy est un personnage atta-
chant, toute jeune femme (19 ans), ambitieuse
et énergique, ni un sex-symbol (elle se trouve
trop grosse), ni une sainte, mais d’autant plus
vivante. Et on ne peut que l’approuver dans son
désir d’échapper à la vie étroite à laquelle son
milieu familial la promet.
Parallèlement à l’intrigue principale, le roman
évoque une affaire réelle, authentique celle-là
et restée célèbre en Grande-Bretagne, celle
d’un autre Paddy Meehan – un homonyme
masculin de notre héroïne, et sans doute est-ce
en partie pour cela qu’elle s’y intéresse – vic-
time d’une erreur judiciaire dans les années 70.
« Le champ du sang » est un excellent roman et
pas de ceux qu’on oublie aussitôt après l’avoir
lu. Signalons que les deux précédents romans
de Denise Mina ont reçu des critiques tout
aussi positives. À coup sûr un auteur à suivre !
8. L’OMBRE DU VENT
de Carlos Riuz Zafon
Titre original : La sombra del viento
Récit, roman
critique de Roger Bansdte
Prix conseillé : 8,10 €
Présence irréelle
C
e récit est magnifique, surréaliste et
nostalgique, plein de poésie et de
violence. C’est l’histoire de Daniel,
huit ans, qui se rend avec son père
libraire au « Cimetière des Livres
oubliés », une bibliothèque magique. Il s’agit
d’un sanctuaire que l’enfant image comme un
lieu mystérieux et bien caché que seul un petit
nombre de privilégiés peut investir.
Nous sommes en 1945, Daniel s’apprête à
« sauver » un ouvrage. Un livre qu’il choisit sera
celui qu’il devra, envers et contre tout, préser-
ver, parmi les milliers qui se trouvent dans cet
endroit fantastique. Daniel porte son dévolu
sur « L’ombre du vent » de Julian Carax. Il ne
connaît rien de l’histoire ni de son auteur, il sait
simplement que Carax est parti vivre à Paris
une dizaine d’années plus tôt et que depuis, un
étrange bonhomme au visage effroyable passe
9. son temps à brûler tous ses écrits. Le temps
passe, Daniel n’oublie pas Julian Carax, il se
renseigne du mieux qu’il peut avec l’aide de
son ami Fermin. Carax serait mort en 1936,
Daniel n’y croit pas.
Ses recherches lui révèlent des informations
biographiques troublantes, il découvre que
Carax était un brillant adolescent élevé par
un homme qui n’est pas son père, il avait trois
amis inséparables qui ont pourtant pris chacun
des chemins radicalement différents. Julian
Carax est fils de chapelier, il se lie d’amitié avec
un gros client de son père, Jorge Aldaya dont
il tombe éperdument amoureux de la soeur,
Pénélope. Jorge les surprend, Julian s’exile à
Paris pendant que Pénélope meurt en donnant
naissance à un enfant mort-né.
Au fur et à mesure de ses investigations,
le voile se lève sur la biographie officielle de
Carax mais pas sur le mystère de plus en
plus lourd qui entoure sa vie. On y trouve de
l’amour, des mensonges, des trahisons, des
peurs, beaucoup de tragédies imbriquées les
unes dans les autres et qui forment la trame de
ce récit. Avec en toile de fond, un personnage
diabolique qui promène son ombre dans toute
l’histoire et dans Barcelone, une ville présente
à chaque page, que l’on entend respirer et sou-
pirer. Des phénomènes étranges se produisent,
des fleurs qui fanent en quelques minutes ou
du lait qui se teinte de rouge…
Zafon décrit les ambiances comme personne :
c’est beau et fort, sa bibliothèque fait envie tant
elle regorge d’ouvrages rares et mystérieux,
Barcelone est vivante sous nos yeux et pour-
tant hantée par des fantômes, le cimetière des
livres semble palpable...
JEUDI
10. LE CONFIDENT
de Hélène Grémillon
France
Catégorie(s) : Drame, récit, autre
Critique de Marie-Amélie Pirot
Prix conseillé : 7,50 €
Premier roman remarquable
C
amille vient de perdre sa mère alors
qu’elle va devenir mère à son tour. Au
milieu des lettres de condoléances,
elle découvre une étrange lettre, une
lettre qui va être suivie d’autres, qui
dessinent petit à petit l’histoire de deux amours
brisées, et d’un secret qui est aussi le sien.
Fort malheureusement, les histoires d’amour
brisées sur fond de Seconde Guerre mondiale
abondent en littérature, et ne fait pas œuvre
de cette période qui veut. Loin de dire que «
Le confident » est un roman anodin et sans
intérêt, c’est là souligner la difficulté de l’exer-
cice et dire aussi, qu’Hélène Grémillon se tire
avec un certain talent de l’ornière historique où
elle a risqué de faire verser son récit. Ce qui
aurait été dommage puisque ce n’est finale-
ment que le décor tragique d’une histoire qui
est celle de deux amours fous, d’une jalousie
11. maladive, et du mal d’enfant qui pousse parfois
au pire. Égrenant une parole dont on ne sait
très bien de qui elle vient, les lettres répondent
à la détresse et au mal-être de Camille, lui
dévoilant des destins qui sont intimement liés
au sien et le mensonge sur lequel a été bâti sa
vie. Et si on devine assez vite, la chute du feuil-
leton, si l’on peut regretter un brin de facilité
dans la chute, quelques longueurs, reste cette
histoire de maternité qui répond à une actua-
lité brûlante, celle des mères porteuses, et qui
ne verse jamais dans la leçon, se contentant
de rappeler que certains choix sont intrinsè-
quement tragiques puisque s’y mêle l’amour,
l’instinct, la possessivité et le mensonge.
Disant que la filiation, les rapports de mère à
fille ne sont jamais simples.
Porté par des personnages complexes, atta-
chants jusque dans leur actes les plus abjects,
« Le confident » est un premier roman au style
simple, limpide, dont l’intrigue à tiroir mêle
agréablement grande et petite histoire, ven-
geance, jalousie, amour, panel si commun et
toujours détonnant de l’éventail des passions
humaines, encore et toujours revisitées.
Hélène Grémillon a 32 ans. Après une maîtrise
de lettres et un DEA d’Histoire, elle travaille
chez Publicis au planning stratégique et devient
assistante de programmation (Rive droite Rive
gauche, PAF Productions) puis journaliste (Le
Figaro, L’Avant-scène cinéma) avant de se
consacrer à ce premier roman.
VENDREDI
12. DEMAIN EST UN AUTRE JOUR
de Lori Nelson Spielman
Catégorie(s) : Roman
Critique de Amaranthe Kma’anillo
Prix conseillé : 7,50 €
Comme une envie irrépressible de
réaliser tous nos rêves
A
la mort de sa mère, Brett Bohlinger
pense qu’elle va hériter de l’empire
de cosmétique familial. Toutefois, les
choses vont se dérouler tout autre-
ment. À sa grande surprise, elle ne
reçoit qu’un vieux papier jauni et chiffonné : la
liste des choses qu’elle voulait vivre, rédigée
lorsqu’elle avait 14 ans. Pour toucher sa part
d’héritage, elle aura un an pour réaliser tous les
objectifs de cette « Lifelist »...
Mais la Brett d’aujourd’hui n’a plus rien à voir
avec la jeune fille de l’époque, et ses rêves
d’adulte sont bien différents.
Enseigner ? Elle n’a aucune envie d’abandonner
son salaire confortable pour batailler avec des
enfants rebelles. Un bébé ? Cela fait longtemps
qu’elle y a renoncé, et de toute façon Andrew,
13. son petit ami avocat, n’en veut pas. Entamer
une vraie relation avec un père trop distant ?
Les circonstances ne s’y prêtent guère. Tomber
amoureuse ? C’est déjà fait, grâce à Andrew, à
moins que... Malgré tout, Brett va devoir quitter
sa cage dorée pour tenter de relever le défi.
Et elle est bien loin d’imaginer ce qui l’attend.
Mais, en hommage à sa mère, elle va faire son
possible pour réussir même si les catastrophes
s’enchainent. Forcément, quand on veut abso-
lument tomber amoureuse, l’homme de nos
rêves n’est pas toujours à porter de main, ni là
où on l’attend !
Ce récit aborde différents thèmes qui nous
invitent à repenser à nos rêves de jeunesse,
nos illusions perdues et la possibilité de refaire
sa vie. Mais on est aussi confronter à nos
émotions intimes, comme lors du décès d’un
proche. Elle osculte au travers de son his-
toire, notre approche des différences sociales
et culturelles, mais aussi la réalisation de nos
rêves, la quête de l’amour avec un grand A, ou
tout simplement notre irrépréssible espoir que
demain sera un autre jour et beaucoup mieux
que le précédent.
Menée tambour battant, cette comédie
romantique se lit d’une traite. Publié en avant
première en France, c’est le premier roman de
Lori Nelson Spielman, enseignante qui vit à
East Lansing, dans le Michigan. Les droits
d’adaptation cinématographique ont été ache-
tés par la Fox, sera bientôt traduit dans plus
de 25 langues.
Je recommande ce livre pour la fluidité de
l’écriture, le style adopté par l’auteur et tout
simplement pour l’histoire... Une comédie
romantique certes, mais dont la trame est
assez originale, l’intrigue bien ficelée avec des
personnages tellement attachants...
SAMEDI
14. LE JOUEUR D’ÉCHECS
de Stefan Zweig
Titre original : Lifelist (USA)
Essai, récit, autre
Critique de Marie-Amélie Pirot
Prix conseillé : 7,65 €
Un testament d’humaniste
E
t c’est ainsi que Zweig concluait en
février 1942, une note expliquant les
raisons de son suicide : « Puissent mes
amis voir encore l’aube après la longue
nuit, moi je ne peux plus attendre, je
pars avant eux ». Le Joueur d’échecs est le
dernier écrit de ce voyageur insatiable et grand
connaisseur de l’âme humaine.
Sur un paquebot reliant New York à Buenos
Aires, le narrateur croise la route du champion
du monde d’échecs, Mirko Czentovic, un être
froid et secret, un monomaniaque dont la vie
semble se résumer au mouvement des pièces
sur le carreau de l’échiquier.
Dans ses efforts pour comprendre comment un
homme peut ainsi limiter son esprit et sa vie à
ce simple jeu, il fait la connaissance d’un autre
passager, le Dr B., exilé autrichien qui s’avère
15. être capable de battre le champion du monde
alors qu’il prétend ne pas avoir joué une seule
partie depuis plus de 20 ans.
Cet homme énigmatique raconte alors sa
sombre histoire au narrateur, dévoilant com-
ment les tortures psychologiques de la Gestapo
ont annihilé son être tout entier, et comment la
pratique des échecs lui a permis de survivre…
À moins que justement, elle ne l’ait fait définiti-
vement basculer dans la folie.
A côté de l’histoire plaisante, écrite avec ce
style pénétrant que Zweig a aiguisé au fil de
ses nouvelles, romans et biographies, il est dif-
ficile de rester indifférent au bilan du monde
dressé en filigrane par l’auteur. Nous sommes
en 1941 et Hitler a depuis longtemps réduit à
néant l’idéal humaniste de cet Européen exilé
(comme le Dr B.) à Londres puis au Brésil. À
Petrópolis, malgré l’accueil chaleureux des
Brésiliens, il ne peut oublier que ses livres
sont interdits et brûlés dans sa Vienne natale.
Comme le Dr B. aux mains des nazis, le voici
reclus, prisonnier d’une cage dorée, lui qui
rêve de nouveaux voyages et se languit de ses
nombreux amis de par le monde. Comme son
héros, il a l’âme déchirée, mais même l’écriture
ne lui offrira aucun remède.
Zweig écrivit à propos de cette histoire qu’elle
était « trop longue pour une nouvelle et trop
courte pour un roman ». Malgré tout, elle reste-
ra en nous comme un testament.
DI MANCHE