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Comment exprime-t-on des sentiments dans les chansons ?
Mémoire de licence
de philologie française
Département des langues modernes
Université de Helsinki
Mai 2015
Laura Sundman
1
TABLE DES MATIÈRES
1. Introduction ...........................................................................................................................2
2. Notions de base......................................................................................................................3
2.1 La chanson comme un tout................................................................................................3
2.2 Chanson comme un acte de communication........................................................................4
2.3 Les différents aspects de la chanson...................................................................................5
2.3.1 Les aspects linguistiques de la chanson........................................................................5
2.3.2 Les aspects musicaux de la chanson.............................................................................6
2.4 L’expression des sentiments dans les chansons...................................................................7
2.4.1 Les les émotions par rapport à la musique et à la langue................................................7
2.4.2 Les différents types d’expression.................................................................................9
3. Analyse du corpus................................................................................................................ 11
3.1 Pour Laura – Lauralle ..................................................................................................... 11
3.2 Ton mariage – Häälaulu .................................................................................................. 13
3.3 La vie est une fête – Elämä on juhla ................................................................................. 15
4. Conclusion .......................................................................................................................... 18
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................... 20
ANNEXES.............................................................................................................................. 21
Pour Laura – Lauralle........................................................................................................... 22
Ton mariage – Häälaulu........................................................................................................ 23
La vie est une fête – Elämä on juhla ...................................................................................... 24
2
1. Introduction
Les chansons sont souvent considérées comme une forme d’art par laquelle les gens peuvent
communiquer leurs réflexions et s’exprimer. Elles sont des résultats de la créativité et
également des visions artistiques. Parfois les chansons sont d’une part interprétées et d’autre
part écoutées seulement pour faire plaisir. Il y a donc présent aussi bien le côté communicatif
que le côté artistique. Combinant plusieurs aspects tels que la mélodie, le rythme, l’harmonie
et les paroles, dont chacun a sa propre fonction, les chansons constituent une caisse de
résonance excellente pour les sentiments. Ils sont présents dans les chansons dans plusieurs
dimensions. Il est possible que par exemple le parolier ou l’interprète veuille mettre en avant
ses émotions, mais il y a encore d’autres possibilités.
Les émotions sont beaucoup étudiées dans la psychologie et la musique est bien sûr
étudié par la musicologie. Cependant, leur combinaison, et plus précisément, la manière dont
on exprime des sentiments dans les chansons du point de vue de la langue française, est un
sujet resté un peu hors de l’intérêt de la linguistique. En plus, la musique combinée à la langue
française nous semble un des arts les plus émouvants. Pour ces raisons-là nous avons choisi
d’étudier des émotions dans des paroles françaises.
L’objectif de cette étude est d’analyser la manière dont on exprime des sentiments au
moyen des paroles. L’analyse porte sur trois chansons d’Irina Björklund. Elles sont choisies
parmi les chansons de son dernier disque La vie est une fête.Nous tenterons de rendre compte
des sentiments existant dans les chansons et de la manière linguistique dont les sentiments
sont construits dans ces chansons.
Nous commencerons en donnant le cadre musical de l’analyse des chansons et la
position de la chanson entre les règles de l’écrit et de l’oral. Puis quelques aspects
linguistiques et musicaux concernant des chansons sont expliqués ainsi que la manière dont
on peut exprimer des émotions verbalement. Au début du troisième chapitre, le corpus sera
décrit un peu plus en détail, après lequel nous concentrerons sur l’analyse des paroles. La
façon selon laquelle on peut exprimer les sentiments en français est étudiée dans chaque
chanson séparément. Notre mémoire porte principalement sur les faits linguistiques mais le
rôle de la musique sera également traité quand les traits musicaux semblent avoir une
influence sur l’interprétation des paroles.
3
2. Notions de base
Pour qu’il soit possible de faire une analyse qui porte sur les chansons, et en grande partie
sur la langue au lieu des faits musicaux, il est nécessaire de comprendre le cadre où se
trouvent les paroles des chansons. Pour mieux situer ce type de langage dans son contexte
réel, nous décrivons d’abord quelques caractéristiques des chansons en général et comme un
acte de communication. Ensuite, les traits linguistiques et musicaux des chansons sont
présentés ainsi que les façons d’exprimer des émotions verbalement.
2.1 La chanson comme un tout
La musique vocale consiste en deux parties essentielles : la partie musicale et la partie
verbale. Elles peuvent être étudiées séparément mais il est nécessaire de garder à l’esprit
qu’elles ont une influence l’une sur l’autre. Beaumont-James (1999) fait souvent remarquer
que les deux constituants sont inséparables et qu’une étude exhaustive devrait tenir compte
de tous les aspects, aussi bien ceux de la musique que ceux des paroles. Comme notre objet
principal est d’analyser le côté linguistique, nous n’entrerons pas dans tous les détails
musicaux. Nous tenterons toutefois de faire attention aux faits musicaux les plus importants
quand ils sont liés aux paroles et leur signification.
Il faut se rappeler que la musique est une forme d’art qui a toujours une fonction. Cette
fonction dirige l’art en question vers un objectif donné et lui fait subir diverses influences.
Andreani a traité des relations de la musique au monde environnant. Dans son article La
musique et les mots (1972 : 37), elle écrit que l’art n’est jamais sans influence, il n’est jamais
clair et pure : « il emprunte à la fois au culturel, au technique, au religieux, mais en
transgressant toutes les limites […] ». Dans une chanson, la rencontre d’un texte et d’une
musique correspond-elle donc à une fusion entre la poésie et la musique ?
Les deux systèmes, le système langagier et la musique, sont complètement différents.
Comment les systèmes fonctionnent-ils ensemble ? Pour de Schlœzer (1947, cité par Ruwet
1972 : 41) leur combinaison est possible uniquement si l’un, la poésie, se fond avec l’autre,
la musique. Par conséquent, il pense que la meilleure œuvre vocale est celle dont le texte (les
paroles) est « le moins signifiant » et où les paroles se rendent imperceptibles (1947, cité par
Nicolas Ruwet 1972 : 42). Nous ne sommes pas d’accord avec lui : les paroles ont beaucoup
d’importance et elles peuvent raconter une autre histoire à l’intérieur d’une œuvre musicale.
Il est bien entendu que les paroles sont un élément important d’une œuvre musicale et que,
souvent, elles « s’incorporent à la musique » (Ruwet 1972 : 41). L’incorporation ne doit pas
cependant se faire aux dépens des paroles.
4
Le point de vue de Lévi-Strauss (1967–1971, cité par Tarasti 2006 : 398) nous semble
plus logique mais pas tout à fait correct non plus : pour lui, la langue est la seule chose qui
peut produire quelque chose d’importante et avoir une signification. Pour cette raison-là, la
musique, qui en tant que telle ne signifie rien, doit être remplie par les significations, en
d’autres termes, remplie par les mots. À notre avis, la musique telle quelle, sans mots, peut
avoir une signification et, dans ce cas-là, le sens de la musique peut être compris par
l’auditeur. Ruwet (1972 : 53), quant à lui, a indiqué mieux que la relation entre la musique et
la langue « est toujours pertinente » et qu’ « il n’y a aucune incompatibilité entre musique et
langage ». D’ailleurs, nous pensons que la langue et le chant sont des faits complètement
naturels pour les gens et essayer de minimiser l’un ou l’autre, l’aspect verbal ou l’aspect
musical, donnerait une image erronée et inexacte de la relation langue-musique.
2.2 La chanson comme un acte de communication
En citant Ruwet (1972 : 49), « chaque énoncé vise à faire certain impression sur l’auditeur,
l’énoncé est la représentation de l’ ‘état des choses’. » La langue et la musique sont donc
toutes les deux, séparément et ensemble, des énoncés avec une visée de communication. Il
est évident qu’il y a plusieurs rôles dans la communication : le destinateur, le message et le
destinataire. La communication musicale se passe par la même division tripartite. La chanson
représente le rôle du message tandis que le destinataire peut être soit l’auditeur de la musique
soit l’interlocuteur à l’intérieur de la narration. Le rôle du destinateur est encore plus
complexe. Le destinateur peut être le parolier, le compositeur, l’interprète où le locuteur à
l’intérieur de la narration. Dans une chanson, il y a donc plusieurs niveaux d’énonciation et
les rôles du message, du destinateur ainsi que du destinataire dépendent du niveau
d’énonciation en question.
Comme nous l’avons déjà constaté, chanter est un acte de communication (Beaumont-
James 1999 : 55). La communication verbale dans la chanson est constituée de deux
composants, « celui du discours et celui de la langue » (Beaumont-James 1999 : 56). Le
locuteur peut construire le sens pour un énoncé à l’aide de l’action linguistique et de la
compétence linguistique. Ainsi il sait combiner la langue infiniment et de plus, il sait l’utiliser
et il connaît les régles syntaxiques, phonologiques etc.
Mais le sens n’est jamais le même pour le locuteur et l’auditeur parce que leur histoire
collective aussi bien que leur histoire individuelle sont différentes. La construction du sens
est influencée également par les contextes situationnels tels que où la chanson est entendue,
dans quelle situation etc., le contexte social, le contexte verbal i.e. les effects que la langue a
5
pour le message ainsi que le rapport de la chanson aux autres chansons (Beaumont-James
1999 : 58–60).
Le procès n’est pas simple parce que plusieurs autres facteurs sont liés à la façon dont le
message est transféré à l’auditeur et bien sûr à la réception du message. Ces aspects
linguistiques et musicaux sont étudiés plus précisément dans le chapitre suivant.
2.3 Les différents aspects de la chanson
Nous allons aborder ici les diverses caractéristiques de la chanson en ce qui concerne aussi
bien les aspects linguistiques que les aspects musicaux. Etant deux systèmes
tellement différents, ils sont traités ici en deux sous-chapitres séparés.
2.3.1 Les aspects linguistiques de la chanson
La chanson comme forme et comme acte verbal est assez spéciale. L’aspect oral et l’aspect
écrit s’unissent dans la chanson d’une manière exceptionnelle. Les paroles des chansons ne
sont pas construites seulement suivant les règles de l’écrit mais aussi celles de l’oral. D’après
Beaumont-James (1999 : 121), la langue figure dans les chansons comme « écrite oralisée,
de style oral ». Cela signifie que cette forme de la langue exprimée à haute voix, c’est-à-dire
le côté oral, limite le côté écrit et vice versa. Il ne s’agit pas d’un texte écrit lu tout haut ou
d’un discours libre mais un mélange de ces deux qui s’influencent réciproquement.
Les paroles des chansons peuvent être considérées comme des poèmes. Parfois des textes
à l’origine destinés à être uniquement des poèmes sont composés et arrangés de nouveau.
Ruwet rappelle (1972 : 46) que, notamment dans la poésie, les rapports sémantiques sont
vraiment complexes. De plus, Beaumont-James a également fait remarquer (1999 : 121) que
la chanson ne devait jamais être prise pour son sens littéral parce qu’il n’est pas la seule chose
qui participe à la construction de sens. Au lieu d’utiliser seulement la signification dans
l’analyse des chansons, elle recommande une analyse du point du vue de signifiance, c’est-
à-dire la prise en considération de tous les niveaux musicaux et verbaux de la chanson. Cela
peut rendre une analyse des chansons du point de vue musico-linguistique plus difficile.
Il y a encore d’autres faits linguistiques caractérisant la chanson et en particulier sa
manière de s’organiser. Par exemple, en considérant la syntaxe des chansons, une même
structure s’y répète. Beaumont-James affirme (1999 : 123) qu’en français en général, la
structure d’une phrase est le plus souvent la suivante : P = SN + SV + (SP), où SN est un
syntagme nominal, SV est un syntagme verbal et SP est un syntagme prépositionnel. Les
parenthèses indiquent que le SP peut être facultatif et donc supprimé mais ce n’est pas le cas
6
toujours. En français chanté par contre, l’ordre est souvent : P = SP + SN + SV. Le syntagme
prépositionnel change donc de place dans la phrase. Voilà un exemple donné à l’origine par
l’auteur (1999 : 123)1 : « Auprès de mon arbre, je vivais heureux. » Dans cet exemple, je est
le syntagme nominal et vivais heureux est le syntagme verbal. Auprès de mon arbre est le
syntagme prépositionnel qui est déplacé au début de la phrase contrairement à l’ordre normal.
Une autre chose à laquelle les poètes et les paroliers ont recours fréquemment, est
l’expressivité symbolique des voyelles et des consonnes (Beaumont-James 1999 : 131). Cela
ne se limite pas seulement aux chansons mais concerne tous les textes artistiques verbaux.
L’auteur affirme que certaines voyelles et consonnes ou leurs combinaisons ont des traits
acoustiques qui « apportent des nuances expressives à chaque mot » et leur pouvoir expressif
peut être conceptualisé. Prenons quelques exemples proposés par l’auteur (1999 : 132). Par
exemple les voyelles ou, o, a, on, an, un, in, qui ont une résonance basse, peuvent traduire :
– « des sons du même ordre […], des phénomènes liés ou associés à ces basses
fréquences » (grondement, bas, plomb, gong ou lourd)
– « des matières sombres et sales » (boue ou catacombes)
– « des sentiments affligeants » (honte, lugubre ou morose)
En outre, les caractéristiques articulatoires peuvent également renforcer l’expressivité d’un
mot ou même donner un sens supplémentaire. Voilà quelques exemples proposés par
Beaumont-James (1999 : 132) :
– L’arrondissement des lèvres peut traduire « la rondeur elle-même » (rond, trou ou
lune) ou l’affection « par la mimique du baiser » (amour, bisou ou minou).
– L’étirement des lèvres peut désigner le sourire (par la mimique du rire et sourire) et
les sentiments correspondants (hilaire ou gaieté).
Ruwet est également convaincu de ce fait et écrit dans son œuvre Langage, musique, poésie
(1972 : 52) que « jamais […] la musique vocale ne se passe du support des mots ». Les
compositeurs de leur part essaient donc de trouver des mots dont les combinaisons des
voyelles et des consonnes sonnent mieux dans une mélodie donnée avec un certain rythme.
2.3.2 Les aspects musicaux de la chanson
Ce sont les sons, culturellement normés, qui forment la musique. La liaison successive des
sons est perçue comme la mélodie tandis que la simultanéité des sons est perçue comme
l’harmonie (Beaumont-James 1999 : 107). Ce qui est considéré normal dans la musique
1 La phrase est tirée de la chanson Auprès de mon arbre; paroles et musique de G.
Brassens ; interprétation de G. Brassens.
7
concernant les accords, la mélodie et l’harmonie, est toujours lié à la culture et il s’agit donc
d’une chose apprise dans cette culture en particulière. Par exemple la musique indienne, qui
s’appuie souvent sur les micro-intervalles, se diffère complètement de la musique occidentale
par son harmonie et sa mélodie. Pour cette raison-là, elle peut nous sembler un peu étrange.
En ce qui concerne le rythme, il n’est pas constitué seulement « d’une organisation
périodique du temps » parce que plusieurs autres paramètres sont liés à la perception du
rythme, comme par exemple « les structures tonales, les pauses » et les allongements
(Beaumont-James 1999 : 110). À noter encore que la phrase linguistique et la phrase musicale
ne signifient pas la même chose. Linguistiquement, une phrase est assez bien déterminée.
Selon Le Grand Robert (2001 : t. 5 p. 620), elle est définie comme « manière d’expression,
tour ou construction d’un petit nombre de paroles ». Une phrase musicale est moins
définissable et sa signification varie selon chaque individu. Beaumont-James a mentionné
(1999 : 94) que l’allongement de la dernière note de la phrase et « l’accord cadentiel » sont
liés à ce terme. La définition de la phrase musicale par Le Grand Robert (2001 : t. 5 p. 622)
est aussi vague que celle que Beaumont-James a donné : « Succession ordonnée de périodes
venant aboutir à une cadence […], ou constituant un tout. » Qu’est-ce qu’un tout ou bien,
quels éléments peuvent constituer un tout ? Ni l’une ni l’autre de ces définitions ne répondent
à ces questions. Ainsi, cela nous donne seulement une idée floue de la phrase musicale.
2.4 L’expression des sentiments dans les chansons
Ce n’est que récemment, à peu près vingt ans, que les émotions ont été considérées comme
sujet de recherche linguistique « incontournable » (Chatar-Moumni 2013 : 3). Bien que la
langue comme source essentielle des émotions soit actuellement étudiée, cela est
principalement l’intérêt de la psychologie ou de la sociologie. En ce qui concerne la musique,
c’est souvent la musique classique comme par exemple les symphonies ou les œuvres de la
musique de chambre qui sont analysées par exemple dans la musicologie. La musique vocale,
surtout la musique populaire, se présente peu souvent comme un sujet de recherche, en tout
cas du point de vue linguistique. De plus, la recherche interdisciplinaire n’existe pratiquement
pas. C’est justement cette lacune que notre étude essaie de combler.
2.4.1 Les émotions par rapport à la musique et à la langue
Les chansons, comme les autres formes d’expression verbale, sont des moyens d’exprimer
des sentiments (Ruwet 1972 : 53). Cela se passe un peu différemment en comparaison d’une
conversation normale parce que la musique est impliquée dans la chanson : la situation est
8
modifiée par les éléments musicaux et le fait que la langue utilisée dans la musique ne
corresponde pas à celle au sein d’une conversation « normale ». On exprime donc des
sentiments à travers de la musique aussi bien qu’à travers de la langue. Selon nous, en
chantant, il n’y a pas de crainte à dire quelque chose de sentimental tandis que lors d’une
conversation normale, la difficulté est souvent la peur de perdre la face si l’interlocuteur
n’accepte pas les sentiments avoués par l’autre. Par exemple, l’expression de l’amour dans
une chanson est indirecte. Déclarer l’amour pour une personne peut être plus facile à faire en
chantant qu’en le disant directement. L’interprète (et peut-être l’auditeur aussi) considère
donc la chanson plutôt comme l’art.
La langue est pourtant considérée la seule manière avec laquelle une émotion peut être
conceptualisée (Harkins & Wierzbicka 2010 : 3). Une émotion peut donc être nommée
seulement avec l’aide de la langue. Le contexte culturel et social définit, pour leur part, les
moyens culturellement individuels avec lesquels les émotions sont exprimées dans chaque
culture. Il est évident que les attitudes culturelles influent sur l’expression des sentiments et
sur la façon dont les gens parlent des sentiments (Harkins & Wierzbicka 1994). Chaque
langue est supposée de comprendre des expressions indiquant et l’identité culturel et des
sentiments. Harkins & Wierzbicka considèrent (2010 : 3) que ce lexique-là est intraduisible.
Les différences dans la désignation des expressions résultent, selon Harkins & Wierzbicka
(2010 : 8), des différences socio-culturelles, donc du contexte social. Ainsi, deux mots de
langues différentes ne sont presque jamais équivalents !
D’après Plantin (2003, cité par Chatar-Moumni 2013 : 6), « l’émotion structure le
matériel verbal ». À notre avis, au cas des chansons, il est inversement. Les paroles des
chansons sont le plus souvent écrites intentionnellement ainsi que les textes écrits
généralement. Le parolier a cependent le temps de bien réfléchir à chaque mot, à chaque
phrase et à la manière dont ils s’accordent aussi bien avec le cadre linguistique qu’avec le
cadre musical. Ainsi les rimes ou l’accent sur un certain point dans la phrase musicale exigent
certains choix de mots etc. Par conséquant, l’affirmation de Plantin ci-dessus est une
exception dans la musique et nous devons constater que c’est plutôt le matériel – la manière
de dire une certaine chose – qui limite ce que l’on veut dire, c’est-à-dire des sentiments.
Quelques chercheurs pensent qu’il existe des émotions universelles. Plutchik (1980, cité
par Galati & Sini 2000 : 76) propose une liste de huit regroupements qui correspondent aux
huit émotions primaires : « fear, anger, joy, sadness, acceptance, disgust, anticipation,
9
surprise »2. Ces mots proposés en anglais représentent donc les émotions fondamentales et
universelles (s’il y en a). Galati & Sini (2000 : 86), de leur part, utilisent une division à
quatre : « joie, tristesse, peur et colère ». Cette division leur paraît plus utile pour décrire des
émotions primaires surtout dans la langue française. Comme Galanti & Sini le constatent
(2000 : 77), plus les lexiques d’émotions dans les autres langues qu’anglais sont étudiés, plus
il devient clair qu’une seule langue, l’anglais, ne peut pas exprimer et expliquer le lexique
d’émotions d’une manière universelle dans les autres langues. Pour cette raison-là, nous ne
traiterons pas non plus des faits liés à l’anglais.
2.4.2 Les différents types d’expression
D’après Harkins & Wierzbicka (2000 : 14), il y a plusieurs modes de parler des émotions. Ils
présentent une théorie selon laquelle ces modes de parler de nos émotions peuvent être
réduites à trois modes principaux : (1) Le locuteur peut dire tout simplement « je me sens
bien » ou « je me sens mal ». (2) Il peut dire aux autres qu’il sent ce qu’une personne sentirait
dans une situation donnée et puis il s’y identifie. Il peut dire par exemple « je me sens comme
un enfant sans une mère ». (3) Il peut aussi raconter ce qui semble se passer dans son corps
avec par exemple la phrase suivante : « Mon cœur se brise. » Cependant, selon notre
hypothèse, les sentiments ne sont pas exprimés dans les chansons si directement et c’est très
rarement que l’on dit simplement « je suis heureux » ou « maintenant je me sens
malheureux ». Les expressions sont plutôt implicites et exigent l’interprétation de l’audite ur.
De plus, selon Plantin (1999 : 2), il existe trois manières d’exprimer les émotions :
1. un lieu psychologique, 2. un terme d’émotion ou de sentiment et 3. un énoncé d’émotion.
La première est « un substantif marqué [+Humain] » et plutôt une qualité inhérente chez une
personne, un état stable. Selon notre interprétation, cela veut dire le tempérament.
Les termes d’émotions sont des noms de sentiments, donc des substantifs. Dans le
discours, ils se manifestent sous la forme suivante :
– un sentiment de + nom de sentiment
– Pierre éprouve / ressent de + article + nom de sentiment
Selon ces schémas, nous pouvons former par exemple les phrases suivantes : « Pierre éprouve
de l’amour » ou « Marie ressent de l’affection ».
2 Les huit émotions pourraient être traduites en français de la manière suivante : la crainte /
la peur, la colère, la joie, la tristesse, l’acceptation, le dégoût, l’impatience / l’attente,
l’étonnement
10
Comme les émotions peuvent être exprimées aussi autrement qu’avec un seul substantif
ou un adjectif qualificatif, la notion d’énoncé d’émotion nous aidera. Les « verbes de
sentiment ou verbes psychologiques » font partie de ce groupe et ils sont divisés en trois
classes (Ruwet 1994 : 45) selon la place syntactique du NP. Cela veut dire que la place du
syntagme nominal qui est le siège de cette émotion, détermine le groupe où appartient le
verbe. Les groupes sont les suivants : « classe I (aimer, mépriser, etc.), classe II (amuser,
impressionner, etc.), classe III (plaire, eplaire, etc.) ». D’après Plantin (1999 : 3), en
grammaire générative, un nom de sentiment ou un lieu psychologique est presque toujours
indiqué explicitement. Par contre, s’il s’agit d’un énoncé d’émotion, le sentiment en question
est plutôt indiqué implicitement. Par exemple dans la phrase « Michel verdit » le sentiment
que Michel ressent, doit être déduit. En français « on est vert de peur ou de rage », donc l’un
ou l’autre des deux possibilités doit s’appliquer.
Le même problème qu’avec la théorie d’Harkins & Wierzbicka existe dans celle-là ; une
émotion n’est pas toujours exprimée directement (par un substantif, adjectif qualificatif ou
verbe psychologique clair), notamment dans les chansons. Il écrit (1999 : 6) qu’une phrase
ne comporte pas forcément un nom d’émotion (peur/honte/gaieté etc.) mais elle peut, malgré
tout, exprimer un sentiment. Les phrases de ce type sont cependant difficiles à traiter et
étudier linguistiquement. Chatar-Moumni (2013 : 7) rappelle également que l’expression
verbale des sentiments se passe aussi bien sur le niveau lexical que sur le niveau des
constructions, c’est-à-dire sur le niveau morpho-syntaxique, ce qui renforce notre
présupposition qu’il est difficile de discerner les émotions surtout dans les chansons.
Nous voulons encore mettre en avant une chose importante concernant l’analyse des
verbes d’émotions. Il faut faire attention à la différence entre les verbes qui signalent une
émotion chez un être humain et ceux qui ne le font pas (Ruwet 1994 : 46), puisque parfois ils
se confondent très facilement. Comparons encore les deux exemples de Ruwet:
(a) La lecture d'Homère passionne Maxime.
(b) Ses déclarations intempestives discréditent le ministre.
Dans le premier exemple (a), il est évident que c’est Max qui éprouve le sentiment de la
passion tandis que dans l’exemple (b), il s’agit d’un « jugement négatif » qui ne dit rien du
sentiment ressenti ou si ces sentiments ont même existé. C’est donc souvent seulement
l’interprétation et non le vrai sens du mot qui dirige le lecteur à supposer qu’il s’agit d’un
sentiment.
11
3. Analyse du corpus
Comme corpus nous avons choisi trois chansons interprétées par Irina Björklund : Pour
Laura, Ton mariage et La vie est une fête. Les chansons sont choisies au hasard sur son
dernier disque La vie est une fête qui contient au total douze chansons. Le disque est sorti en
Finlande et en France en 2014. Ce sont en fait les paroles de ces chansons qui nous
intéressent. Au lieu d’une analyse seulement linguistique, nous allons analyser aussi le côté
musical de ces chansons quand il nous semble essentiel.
La particularité de ces chansons est qu’elles ont toutes été écrites et composées à
l’origine en finnois par divers compositeurs. Irina Björklund les a ensuite traduites elle-même
en français et puis les chansons sont arrangées à nouveau par Marc Collin, Liset Alea et le
groupe.
Dans notre étude, nous nous servirons également des versions finlandaises en comparant
les structures morpho-syntaxiques et le lexique de versions françaises aux versions
originales. L’objectif de notre mémoire n’est pourtant pas faire une étude comparative des
traductions. Nous traiterons les versions finlandaises dans la mesure où il est essentiel pour
l’étude des sentiments. En tout, nous avons donc six textes, trois en français et trois en finnois.
Les paroles des chansons sont données en annexe à la fin du mémoire3.
3.1 Pour Laura – Lauralle
La première chanson que nous allons analyser s’appelle Pour Laura (en finnois Lauralle).
La situation narrative de la chanson est la suivante : il y a un garçon qui rend visite à une fille
qu’il a vue passant dans la rue. Ils ne se connaissent pas, mais évidemment, tous les deux
veulent faire connaissance l’un avec l’autre. L’histoire est racontée du point de vue du garçon.
En commençant par les termes d’émotion (définis par Plantin) qui devraient se présenter
dans la structure Pierre ressent de + le terme d’émotion, nous pouvons constater très
facilement qu’il n’y pas de termes d’émotion dans la chanson. L’utilisation de la notion
d’énoncé d’émotion et l’analyse des verbes de sentiment de leur part nous aident un peu.
Cette analyse permet de voir qu’il y a un verbe d’émotion clair dans la chanson : hésiter dans
le premier couplet dans la proposition « J’hésite un moment ». Ce mot peut être dérivé au
mot désignant un sentiment ; hésitation. Il n’y a pas d’autres verbes de ce type (définis par
Ruwet (1994)). Dans la version finlandaise nous n’en trouvons aucun. Il est nécessaire de
3 Nous nous excusons au lecteur de ne pas avoir donné toutes les paroles avant chaque
passage d’analyse. Nous proposons pourtant au lecteur de détacher les paroles des chansons
qui se trouvent en annexe, pour mieux pouvoir suivre l’analyse.
12
passer aux autres méthodes d’analyse pour trouver des émotions dans les paroles. Cela veut
dire qu’il faut étudier aussi les niveaux syntaxiques et sémantiques de la chanson.
L’énoncé « je perds ma voix » se trouve dans le deuxième couplet. À ce point-là, le
garçon est en train de se rapprocher de cette fille, Laura, parce qu’il s’intéresse à elle et une
telle situation peut être captivante. En tenant compte de cette situation narrative, la perte de
voix pourrait s’expliquer plutôt par les raisons émotionnelles que par les raisons biologiques.
Selon une telle interprétation, le garçon ressent de l’engouement, de l’enthousiasme ou un
autre sentiment du même type. Il n’y a pas vraiment un mot qui dévoile un sentiment, mais
la perte de voix peut être considérée comme une conséquence d’un sentiment éprouvé. Dans
la version finlandaise, la phrase est totalement différente : « vapisen kuin kuumeessa » est en
français « je tremble comme si j’avais la fièvre ». Cela ne donne pas la même impression à
l’auditeur que la phrase en français. Bien sûr, les deux changements physiques peuvent être
des conséquences des émotions mentionnées, mais le mot fièvre dirige l’interprétation dans
une direction qui n’est pas liée si fortement aux émotions.
Dans chaque refrain, il y a une exclamation : « quelle chance ». Cet énoncé se répète
plusieurs fois. En fait, la première ligne du refrain, « quelle chance, quelle chance », constitue
une phrase musicale qui se répète encore une fois. Il y a donc une répétition à l’intérieur
d’une autre répétition. L’énoncé commence avec l’interrogatif quelle qui est utilisé comme
une exclamation avec un substantif sémantiquement positif chance. Yaguello pense que « la
répétition vide le sens » (1981, cité par Beaumont-James 1999 : 93). À notre avis,
contrairement à son opinion, ces deux choses (l’interrogatif quelle avec un substantif positif
chance) combinées encore avec la répétition renforcent le message ou l’énoncé original.
Comme c’est le garçon qui le dit, il est évident qu’il se sent chanceux.
Dans le troisième couplet le narrateur avoue qu’il est un inconnu4. Cependant, il veut
faire la connaissance avec la fille : il frappe à la porte, il entre dans la maison etc. Cela indique
qu’il est curieux ; il se sent curieux.
Le quatrième couplet nous mène au point suivant qui peut, à notre avis, refléter une
émotion : « Normalement, enfin jamais // il ne m’arrive d’être à ce point ensorcelée. » Cet
état d’ensorcellement est causé par une femme irrésistible. Deux définitions que donne Le
4 En fait, dans la version française, il est révélé que le point de vue narratif est inversé : il y
a une narratrice au lieu d’un narrateur (« je suis une inconnue »). Le parolier a choisi cette
solution probablement parce que l’interprète est une femme, contrairement à la chanson
originale. Cela ne semble pas important parce que l’inversion de ce type est utilisée
fréquemment et cela n’a pas d’importance du point de vue de notre étude.
13
Grand Robert pour le mot ensorcellement sont les suivantes : « état d’un être ensorcelé » ou
dans un sens figuratif « séduction irrésistible » (2001 : t. 2 p. 2212). Nous pouvons donc
considérer que le garçon se sent ensorcelé au sens figuratif : il est tombé sous pouvoir d’une
femme qui l’a complétement séduit. Cet état ressemble à un lieu psychologique (v. p. 9). De
plus, dans la dernière ligne du couplet, nous trouvons « j’ai dû essayer ». Le fait que le verbe
est au passé composé peut indiquer le courage du garçon. Le passé composé est sans doute
utilisé dans cette phrase parce que le garçon a déjà tenté de se rapprocher de la fille. Il a donc
hésité un moment mais finalement, il a osé faire cette chose exceptionnelle. Cela prouve le
courage du garçon.
Le refrain suivant diffère en partie de la version finlandaise. « Sinä katsot pitkään » serait
en fait en français « Tu [me] regardes longtemps ». Le passage est traduit par « Tu hoches la
tête vers ta chambre ». Cette phrase manque l’idée du regard (fixe) entre les deux personnes,
ce qui est souvent considéré comme un symbole de l’électricité dans l’air. Ici c’est la version
originale qui peut mieux exprimer des sentiments d’enthousiasme et de passion ; en effet,
l’idée essentielle du refrain s’est perdue dans la version française.
3.2 Ton mariage – Häälaulu
La chanson qui s’appelle Ton mariage (en finnois Häälaulu) est exécutée à l’origine par un
groupe finlandais, Egotrippi. Les paroles racontent une histoire de noces où la fiancée ne
semble pas être la bonne personne et un bon choix pour le fiancé. L’histoire est racontée du
point de vue d’un(e) ami(e) du fiancé. L’ami et ses opinions constituent notre intérêt
principal. En principe, les noces sont une chose joyeuse et tout le monde est heureux. Ce
n’est pas le cas dans cette chanson.
La seule manifestation claire d’une émotion se trouve dans l’outro : « je ressens le devoir
de te prévenir […] ». Cette phrase-là est dite par l’ami du fiancé. Il est exprimé clairement
que l’ami a une responsabilité et qu’il le sait. Avec si peu d’information sur la situation, il est
pourtant impossible de dire si la sensation est positive ou négative. Tout le reste qui concerne
les émotions n’est pas dit explicitement, il faut donc le lire entre les lignes.
Dans le premier couplet sur la première ligne, il y a l’énoncé « je perds mon temps ».
Selon Le Grand Robert (2001 : t. 5 p. 475), la locution perdre son temps veut dire de
« l’employer à des activités inutiles ». Une personne peut être frustrée de ne pas pouvoir faire
ce qu’elle voudrait mais seulement des choses inutiles. Dans ce cas-là, l’ami se sent frustré
parce qu’il/elle est « en train de témoigner d’une décision que « tu [le fiancé] va regretter ».
Il/elle ne voudrait pas que le mariage se réalise.
14
L’ami exprime assez fortement que le fiancé va regretter sa décision. Cela conduit à une
impression que l’ami se sent confiant et sûr de soi. De plus, le repentir se présente comme
certain. Cela est dû à l’utilisation du futur proche dans la proposition « tu vas regretter », car
un des emplois pour le futur proche est d’exprimer des événements comme certaines
(Nouvelle Grammaire du Français 2004 : 131). L’idée de l’erreur est renforcée dans le refrain
où il y a tous contre un ; la famille et les invités, qui savent le vrai état des choses, contre le
fiancé, qui est trop naïf. Le narrateur insiste même sur le fait avec le mot tous dans « nous,
on est tous au courant ». Cette phrase se répète encore quatre fois dans la chanson et cette
répétition intensifie encore l’affirmation. Tous ces faits-là sont présentées par le narrateur
d’une manière affirmative qui révèle que le narrateur, c’est-à-dire l’ami pense qu’il a raison.
Le point culminant est cependant encore à venir. Il se situe dans l’outro sur la première
ligne : « Et moi qui suis ta meilleure amie […] ». Cet énoncé déforme complétement la réalité
de la chanson et, en fait, l’histoire aura un sens différent. Il est révélé que le narrateur est en
réalité une narratrice et donc une femme ! Dans la version finlandaise, il n’est pas précisé si
le narrateur est un homme ou une femme, mais l’interprète de la version finlandaise est un
homme. Sur la base de cette version, la présomption pour la version française est également
que le narrateur est un homme. Cependant, un point de vue différent est révélé. L’amie
raconte ce qu’elle pense d’être vrai. Elle s’exprime également, implicitement, la manière
dont les choses devraient se passer. Dans l’histoire, il y a donc une femme qui est, en fait,
amoureuse de cet homme et qui se sent jalouse. C’est peut-être elle qui répand les rumeurs
que la fiancée « est une teigne ». Peut-être veut-elle empêcher le mariage parce qu’elle fait
toujours confiance à elle-même et elle voudrait encore lui gagner à sa cause.
Dans ce contexte, un passage dans le premier couplet qui nous a semblé un peu étrange
et qui ne se trouve pas dans la version finlandaise aura une explication logique :
Vois-tu, je perds mon temps // dans l’église en écoutant //
le discours du pasteur et ton serment // mais je rêve.
Ces phrases-là sont prononcées par l’amie. La partie « mais je rêve » n’existe pas dans la
version finlandaise parce qu’elle indique, probablement, que la femme rêve d’un mariage
avec lui. En outre, la fin de la phrase a une mélodie descendant et elle est chantée avec une
voix douce. Comme ce côté n’est pas présent dans l’autre version, la traductrice a dû ajouter
cette proposition-là aux paroles.
Il est à noter encore qu’aucun de ces sentiments (la jalousie, l’amour et la confiance en
soi) ne se trouve pas dans la version finlandaise. L’expression des sentiments se passe donc
15
très subtilement et non pas par l’intermédiaire des mots concrets. Ainsi, il est nécessaire
d’interpréter les paroles pour trouver des émotions.
3.3 La vie est une fête – Elämä on juhla
Cette chanson qui s’appelle La vie est une fête (en finnois Elämä on juhla) a donné son nom
aussi à tout le disque. Samuli Putro, un chanteur finlandais, l’a écrite et composée à l’origine.
La chanson n’est pas construite comme une chanson de pop normale ou typique : couplet /
refrain / couplet / refrain (ABAB). Nous considérons que la structure consiste plutôt en neuf
couplets mélodiquement similaires. La chanson raconte l’histoire d’une vie humaine et elle
examine toutes les époques de la vie. Pour chaque période de vie, il y a son propre couplet.
Nous ne trouvons que quelques expressions émotives explicites et précises dans cette
chanson. Les sentiments sont ceux
– de la passion (4ème couplet) : « Mon Dieu comme tu es belle, prise par cette passion
nouvelle »
– de l’angoisse (5ème couplet) : « des mois de larmes angoissées »
– du bonheur (6ème couplet) : « le bonheur peut faire pleurer »
Les autres expressions de sentiments sont plus difficiles à trouver. Comme il n’y pas d’autres
noms de sentiments explicites, il est nécessaire d’étudier des phrases linguistiques dans leur
ensemble au lieu des mots détachés.
Les sentiments peuvent être compris par des paysages mentaux des couplets ou parfois
même des chansons. Les paysages mentaux sont composés d’une ou de plusieurs phrases et
c’est le contenu sémantique de ces phrases qui déterminent les paysages mentaux. Par
exemple dans le premier couplet, c’est avec l’aide de plusieurs expressions comme « ah, la
jeunesse et sa beauté » et « mesure de la prospérité » que le paysage mental est construit. Il
suggère au moins des sentiments positifs, mais il est difficile de dire plus précisément de
quel(s) sentiment(s) il s’agit. Parfois, il faut le couplet entier et parfois un seul énoncé pour
créer un paysage mental.
Dans le deuxième couplet, il est dit explicitement que l’enfance a été « somptueuse »,
mais cette phase est bien séparée de l’adolescence. L’adolescence, de son part, est une phase
d’une « âme tourmentée ». Un enfant est si innocent et il se sent à l’aise tandis que quand on
passe à l’adolescence la vie est remplie par des soucis, l’angoisse et le tourment. Les
sentiments possibles à chaque phase sont très différents. La phrase « Est-ce possible de porter
seule cette âme tourmentée » pourrait représenter le troisième point dans la théorie de Harkins
& Wierzbicka (2000 : 14). L’interprète dit ce qu’elle ressent ; elle a un esprit tourmenté.
16
Compte tenu de la durée assez longue de la phase d’adolescence, ce qui est un des critères
pour un lieu psychologique selon Plantin (1999), ce sentiment pourrait être vu plutôt comme
un lieu psychologique. Pourtant, la dernière phrase change la vue d’ensemble de ce couplet :
« La vie est une fête. » Dans la vie, il y a des moments heureux et des moments où tout va
bien. Malgré des moments d’angoisse, la vie vaut le coup d’être vécue. L’homme peut sentir
toutefois que la vie est précieuse et d’une grande valeur.
Dans le troisième couplet, le sentiment en question est exprimé avec une
métaphore : « Enfin le baccalauréat, on court les rues trempés de joie ». De plus, le mot
trempés intensifie l’impression du sentiment de joie. La phrase suivant montre que les gens
de cette chanson sont ouverts à la vie à venir et ils se sentent libre dans la situation où le lycée
est terminé : « On crie ‘Hello la liberté’ ».
Le couplet suivant est rempli d’allusions aux plusieurs sentiments. Regardons les phrases
suivantes du quatrième couplet :
Mon Dieu comme tu es belle, prise par cette passion nouvelle //
Tu rayonnes bizarrement depuis votre dévouement //
Deux planètes égarées tellement loin mais retrouvées //
La vie est une fête // La vie est une fête
Premièrement, le début de la première ligne indique l’admiration pour une femme parce que
la femme est décrite comme tellement belle, et le sentiment est éprouvé par le narrateur. Le
passage est encore renforcé par une interjection Mon Dieu, que l’on utilise pour « marquer
un sentiment, une émotion » (Le Grand Robert 2001 : t. 2 p. 1493). La beauté de sa part
résulte de la passion nouvelle que la femme vient de trouver. Alors, la femme ressent de la
passion. Sur la deuxième ligne, il n’est pas dit directement qu’il s’agit du bonheur ou du
ravissement mais le rayonnement combiné avec le dévouement à une autre personne peuvent
être liés au sentiment de ce genre. Le bonheur et l’amour font que les gens rayonnent ou
resplendissent. Avec la métaphore des « planètes égarées », les deux personnes sont décrites
d’abord comme solitaires et ensuite ils se sont rapprochés et ils sont tombés amoureux. Ils
cherchent leur place dans le monde et finalement ils la trouvent ensemble. À la fin l’auteur
rappelle toujours que tout cela mentionné précédemment dans le couplet fait partie de la vie
précieuse. À noter encore que les rimes finales des phrases soutiennent la musique et donnent
de la facilité aux vers.
Dans le cinquième couplet l’auteur crée une image d’un mariage. En général, dans la
culture occidentale, on se marie par amour. C’est un stéréotype mais souvent le mariage se
fonde sur le sentiment de l’amour (mutuel). Puis, le mariage de la chanson a aussi des nuances
17
négatives : il y a des « larmes angoissées » qui durent des mois. La phrase suivant indique
que le temps angoissé ne dure pas pour toujours, il y aura aussi des jours meilleurs : « Or
l’alliance désappointée peut même rouler dans une montée ». La conjonction or donne donc
une nouvelle direction au mariage, car avec cette conjonction, le résultat évident peut être
modifié (Nouvelle Grammaire du Français 2004 : 279), comme dans ce cas-là. La même idée
du changement de la direction est indiquée dans la version finlandaise avec le mot « kas »,
même s’il est placé à la fin de la phrase. Par ailleurs, il y a une référence intertextuelle dans
ce passage qui renvoie à la formule de bénédiction nuptiale et plus précisément à la partie
d’échange des consentements par les futurs époux. Ils se promettent de s’aimer « dans le
bonheur et dans les épreuves » ou en finnois « niin myötä- kuin vastoinkäymisissä ». Cet
énoncé est utilisé en France ainsi qu’en Finlande. Inévitablement, il y a des périodes moins
heureuses dans la vie mais comme le pasteur le dit, il s’agit d’une chose normale et ensuite
on verra les temps meilleurs.
Le couplet suivant est partiellement une répétition du premier couplet. Dans ce couplet,
il s’agit toutefois de la génération suivante. La répétition dans la narration est comme le cycle
normal de la vie qui se reproduit de nouveau dans chaque génération. Ce qui peut produire
les nouvelles générations – l’intimité, l’amour et finalement les relations sexuelles – peut
porter le bonheur qui « peut faire pleurer », selon les paroles. À la troisième ligne, « encore
une fois l’enfant aîné » est la preuve de l’attrait entre deux personnes qui a déjà eu lieu.
Cependant, sur la base de ces phrases, il est impossible de savoir si l’attrait entre les deux
personnes existe encore.
Le septième couplet se distingue du reste de la chanson en ce qui concerne et la musique
et le contenu sémantique. Pour la musique, ce couplet fonctionne comme un interlude, i.e. un
passage plus calme entre deux parties souvent vers la fin de la chanson. La batterie
accompagne d’une manière plus légère et il y a seulement un battement simple pour maintenir
la pulsation. Les autres instruments ont un accompagnement qui consiste en des accords longs
et peu rythmés. De plus, le chant n’a pas vraiment une mélodie et les phrases musicales sont
plus courtes que celles dans les autres couplets. En outre, ce passage est agogique, c’est-à-
dire que l’interprète modifie le tempo selon sa propre interprétation. Ces faits musicaux sont
alignés sur le contenu verbal qui a également un ton triste et négatif. L’âge mûr est suivi par
des émotions négatives et son arrivée est même décrite comme « une scène d’atrocité ». Les
adultes peuvent se sentir insignifiants et vains quand les jeunes remplacent leur place par
exemple dans la vie professionnelle :
18
Puis une scène d'atrocité, l'âge moyen,son arrivée //
L’ascension trop escarpée, voilà on peut nous effacer
Les mots comme effacer et atrocité fonctionnent donc dans ce couplet comme des parties les
plus importantes qui créent le paysage mental.
Dans le dernier couplet on arrive à la fin de la vie et la vieillesse attend. La métaphore
« la vieillesse roule enfin comme une pièce sur le chemin » suggère un sentiment
d’acceptation. Personne ne peut pas empêcher ou éviter la vieillesse et enfin la mort, alors,
on doit l’accepter. Finalement, après cette vie vécue, l’auteur constate toujours que « la vie
est une fête ».
L’idée essentielle se cache dans l’énoncé « la vie est une fête » et dans son manière de
se combiner avec les couplets. Chaque époque de la vie avec des chagrins et des joies est
digne d’être vécue. C’est une vie dont les gens doivent jouir. Dans toutes les deux versions
la phrase « la vie est une fête » est interprétée sans ironie et seule avec l’innocence pure.
L’auditeur se sent donc sûr que la vie est une belle chose. Le fait que le cours de la vie est
présenté tellement directement et les événements énumérés sont suivis d’un slogan sincère à
la fin de chaque couplet font naître des émotions également dans l’auditeur. Pour nous, les
deux sentiments essentiels derrière cette histoire et de ce slogan sont le bonheur et la
gratitude.
4. Conclusion
L’expression des émotions en général se passe en plusieurs façons. Selon Plantin (1999 : 2)
les trois manières principales pour exprimer des sentiments sont un lieu psychologique, un
terme (ou un nom) d’émotion ou un énoncé d’émotion. Nous avons prévu que l’expression
des sentiments ne se passe pas aussi simplement et clairement dans les chansons que dans
une discussion orale ou écrite. De plus, la constatation de Chatar-Moumni (2013 : 7) que
l’expression des émotions se voit dans le lexique aussi bien que dans la morpho-syntaxe a
renforcé notre supposition de la difficulté de déceler les émotions dans les paroles des
chansons.
Après l’analyse du corpus, nous pouvons constater que les émotions sont présentes dans
les paroles dans plusieurs dimensions ; sur le niveau lexique ainsi que dans les différentes
constructions syntaxiques. Cependant, nous voulons insister sur le fait que, le plus souvent,
les émotions se trouvent « entre les lignes ». Il est impossible d’énumérer toutes les émotions
trouvées dans le corpus parce que parfois nous observons seulement un paysage mental. Cela
19
veut dire qu’il n’y a pas de mots clairs qui indiquent une émotion mais une ambiance qui
suggère un certain état d’âme. Il ressort de là que l’auditeur doit interpréter les paroles.
Notons encore que notre étude qui porte sur la manière d’exprimer des émotions dans
les trois chansons, n’est pas tout à fait exhaustive. Un aspect important qui manque presque
complètement est l’interprétation musicale d’Irina Björklund ; comment elle chante ces
chansons et les interprète elle-même. Dans l’avenir, une bonne possibilité pour développer
ce sujet serait de tenir compte de l’interprétation de l’artiste par exemple par le biais d’une
interview ou d’une étude du côté musical plus précise.
20
BIBLIOGRAPHIE
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Beaumont-James, Colette (1999) Le français chanté ou la langue enchantée des chansons.
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Yaguello, Marina (1981) Alice au pays du langage. Pour comprendre la linguistique.
Éditions de Seuil, Paris.
21
ANNEXES
1. Pour Laura
La version finlandaise :
Compositeurs : Mats Hulden, Kauko Röyhkä
Paroles : Kauko Röyhkä
2. Ton mariage
La version finlandaise :
Compositeur et paroles : Knipi
3. La vie est une fête
La version finlandaise :
Compositeur et paroles : Samuli Putro
22
Pour Laura
J’hésite un moment, je prends mon temps
Je viens de frapper – je t’attends
Laura a-a-a-ah Laura
Puis lentement
Ton frère me regarde « C’est pour toi, Laura »
Je trouve tes parents, je dis bonsoir
Laura a-a-a-ah Laura
Je perds ma voix
Refrain :
Quelle chance,quelle chance
Quelle chance,quelle chance
Je hoche la tête
Tu veux savoir, savoir qui je suis
Oui t’as raison je suis une inconnue
Je traîne dehors, ce matin je t’ai vu
Laura a-a-a-ah Laura
Dans la rue
Normalement, enfin jamais
Il ne m’arrive d’être à ce point ensorcelée
Laura a-a-a-ah Laura
J’ai dû essayer
Quelle chance,quelle chance
Quelle chance,quelle chance
Tu hoches la tête vers ta chambre
On rigole, je te suis
On fait le clown au lieu de se toucher
Les tiens regardent la télé
Laura a-a-a-ah Laura
Tu es tout à fait
Celle dont j’ai rêvé
Lauralle
Jos nyt en niin en mene ollenkaan.
Olen koputtanut - tule avaamaan,
Oi Laura, Laura...
Ovi aukeaa.
Se on veljesi: "Laura, sait vieraita!"
Menen sisälle, kättelen vanhemmat.
Oi Laura, Laura,
Vapisen kuin kuumeessa.
Refrain :
Onnenpoika, onnenpoika. (2x)
Minä sulle nyökkään.
Sinä tahdot tietää kuka oon.
Niin, minua et sinä huomannut.
Olen kadulla aina, ja näin sut,
Oi Laura, Laura,
Tänä aamuna.
En tavallisesti, tai milloinkaan,
Ole lumoutunut kuten aamulla.
Oi Laura, Laura,
Oli pakko uskaltaa.
Onnenpoika, onnenpoika. (2x)
Sinä katsot pitkään. Sinä naurat.
Mennään sun huoneeseen.
Me tökitään sormilla, pelleillään.
Kotiväkesi katselee teeveetä.
Oi Laura, Laura,
Olet juuri sellainen
Jota olen toivonut. (3x)
23
Ton mariage
Vois-tu, je perds mon temps
Dans l’église en écoutant
Le discours du pasteure et ton serment
Mais je rêve
Regarde-nous rassemblés
Tous en train de témoigner
D’une décision que tu vas regretter
Quand tu crèves
Nous, on est tous au courant
Tes copains et tes parents
De l’horreur qui t’attend
Nous, on est tous au courant
Voici ta sœur et sa famille
Les moutons noirs de ta dynastie
Un cousin tombé dans l’oubli
Me raconte qu’il est venu de loin
Pour être de la partie
Nous, on est tous au courant
Tes copains et tes parents
De l’horreur qui t’attend
Nous, on est tous au courant
Des ragots vous concernant
De l’horreur qui t’attend
Nous, on est tous au courant
Et moi qui suis ta meilleure amie
Je ressens le devoir de te prévenir
Cette fille est une teigne, voilà je l’ai dit
Tu es tombé dans un piège
Tombé dans une piège
Parfaitement construit
Häälaulu
Tuntuu vähän turhalta
istua tässä ja kuunnella
pastorin kaunista puhetta
kun tietää
Että virheistä suurinta
Me olemme täällä todistamassa
Tätä päätöstä saat vielä katua
kauan
Kaikkihan sen tietävät
sukulaiset ja ystävät
tää ei kauaa kestä
Kaikkihan sen tietävät
On täällä suvun mustalampaita
siskon perheen kauhukakaroita
joku serkku jota en muista
Kertoo matkannensa kaukaa
saadakseen olla mukana
Kaikkihan sen tietävät
sukulaiset ja ystävät
tää ei kauaa kestä
Kaikkihan sen tietävät
Nyt kun juorut leviävät
tää ei kauaa kestä
kaikkihan sen tietävät
Ollaanhan parhaita kavereita
koen velvollisuudekseni kertoa
Tuo tyttö on mielestäni kamala
Olet aivan liian helposti
Olet aivan liian helposti johdateltavissa
24
La vie est une fête
Sur un lit déformé se mirent leurs hanches à onduler
Dans un ruisseau irrégulier, ah la jeunesse et sa beauté
Voici ensuite l'enfant ainé, mesure de la prospérité
La vie est une fête
Une cicatrice sur le genou laisse un seul arrière-goût
D'une somptueuse enfance,bonjour l'adolescence
Est-ce possible de porter seule cette âme tourmentée
La vie est une fête
Enfin le baccalauréat,on court les rues trempés de joie
On crie "Hello la liberté", ensuite le film nous est coupé
Tu poses un premier carton dans ton nouvel appartement
La vie est une fête
Mon Dieu comme tu es belle, prise par cette passion nouvelle
Tu rayonnes bizarrement depuis votre dévouement
Deux planètes égarées tellement loin mais retrouvées
La vie est une fête
La vie est une fête
Fini l'université, gâteau de mariage coupé
Le riz toujours sur l'escalier, des mois de larmes angoissées
Or l'alliance désappointée peut même rouler dans une montée
La vie est une fête
Sur un lit déformé se mirent leurs hanches à onduler
Dans un ruisseau irrégulier, le bonheur peut faire pleurer
Le pasteur a baptisé encore une fois l'enfant ainé
La vie est une fête
La vie est une fête
Puis une scène d'atrocité,l'âge moyen, son arrivée
L'ascension trop escarpée,voilà on peut nous effacer
Les novices bien doués, un contrat terminé
La vie est une fête
D'un regard reculé, tes petits-enfants portent les traits
Résolus et familiers de ton enfance éloignée
On ouvre les cadeaux de Noël entre adultes au pluriel
La vie est une fête
La vieillesse roule enfin comme une pièce sur le chemin
Et on nous dit bien que la mort est un marchand qui n'a pas tort
Et quand le cran de sûreté libère le souffle dernier
La vie est une fête
La vie est une fête
25
Elämä on juhla
Muhkuraisen sängyn kautta lipui lantioiden lautta
Reittiä epätasaista voi nuoren parin onnea
Lapsi syntyi vihdoinkin tuo täyttymysten heijastin
Elämä on juhla
Lapsuus nyt se ainoa kuin naarmu polvitaipeessa
Vain puhallus ja pois se on, saapuu nuoruus levoton
Kuinka joka solulla voi kannatella kipua
Elämä on juhla
Valkolakki märkänä kun juoksee kädet ylhäällä
Ja huutaa "Helou vapaus!" Niin tähän suoran leikkaus
Lasket muuttolaatikon ja naapurusto hahmoton
Elämä on juhla
Voi luoja kuinka kaunis olet, rakastunut juuri eilen
Ihmeellisen hehkuva te kohtasitte kadulla
Kaksi eroon joutunutta planeettaa niin kauas mutta
Elämä on juhla x2
Opintojen loppusilaus, häät ja suuren kakun leikkaus
Riisi kirkonportailla ja kuukausien riitoja
Pettymysten kihlarengas vyöryy ylämäkeenkin kas
Elämä on juhla
Muhkuraisen sängyn kautta lipui lantioiden lautta
Reittiä epätasaista voi itkeä myös onnesta
Pappi kastoi esikoisen, paremmin nyt laittaa voi en
Elämä on juhla x3
Sitten seuraa otos julma
Keski-ikään tulokulma näyttää liian jyrkältä
Ja sut voi ylipyyhkäistä
On tulokkaiden karsina ja sopimukset katkolla
Elämä on juhla
Katse siirtyy kauemmas
Näet lapsen lapses otteissa tuttua päättäväisyyttä
On jouluaatto yhdessä
Avaat kaksi pakettia ja katsot muita aikuisia
Elämä on juhla
Nyt vanhuus vierii sillalla kuin kolikko tai tupakka
Ja sanotaan et kuolema on kauppamies ja taitava
Kun sitten poistuu varmistin pois henkäys viimeisin
Elämä on juhla x2

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Mémoire de licence, Laura Sundman

  • 1. Comment exprime-t-on des sentiments dans les chansons ? Mémoire de licence de philologie française Département des langues modernes Université de Helsinki Mai 2015 Laura Sundman
  • 2. 1 TABLE DES MATIÈRES 1. Introduction ...........................................................................................................................2 2. Notions de base......................................................................................................................3 2.1 La chanson comme un tout................................................................................................3 2.2 Chanson comme un acte de communication........................................................................4 2.3 Les différents aspects de la chanson...................................................................................5 2.3.1 Les aspects linguistiques de la chanson........................................................................5 2.3.2 Les aspects musicaux de la chanson.............................................................................6 2.4 L’expression des sentiments dans les chansons...................................................................7 2.4.1 Les les émotions par rapport à la musique et à la langue................................................7 2.4.2 Les différents types d’expression.................................................................................9 3. Analyse du corpus................................................................................................................ 11 3.1 Pour Laura – Lauralle ..................................................................................................... 11 3.2 Ton mariage – Häälaulu .................................................................................................. 13 3.3 La vie est une fête – Elämä on juhla ................................................................................. 15 4. Conclusion .......................................................................................................................... 18 BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................... 20 ANNEXES.............................................................................................................................. 21 Pour Laura – Lauralle........................................................................................................... 22 Ton mariage – Häälaulu........................................................................................................ 23 La vie est une fête – Elämä on juhla ...................................................................................... 24
  • 3. 2 1. Introduction Les chansons sont souvent considérées comme une forme d’art par laquelle les gens peuvent communiquer leurs réflexions et s’exprimer. Elles sont des résultats de la créativité et également des visions artistiques. Parfois les chansons sont d’une part interprétées et d’autre part écoutées seulement pour faire plaisir. Il y a donc présent aussi bien le côté communicatif que le côté artistique. Combinant plusieurs aspects tels que la mélodie, le rythme, l’harmonie et les paroles, dont chacun a sa propre fonction, les chansons constituent une caisse de résonance excellente pour les sentiments. Ils sont présents dans les chansons dans plusieurs dimensions. Il est possible que par exemple le parolier ou l’interprète veuille mettre en avant ses émotions, mais il y a encore d’autres possibilités. Les émotions sont beaucoup étudiées dans la psychologie et la musique est bien sûr étudié par la musicologie. Cependant, leur combinaison, et plus précisément, la manière dont on exprime des sentiments dans les chansons du point de vue de la langue française, est un sujet resté un peu hors de l’intérêt de la linguistique. En plus, la musique combinée à la langue française nous semble un des arts les plus émouvants. Pour ces raisons-là nous avons choisi d’étudier des émotions dans des paroles françaises. L’objectif de cette étude est d’analyser la manière dont on exprime des sentiments au moyen des paroles. L’analyse porte sur trois chansons d’Irina Björklund. Elles sont choisies parmi les chansons de son dernier disque La vie est une fête.Nous tenterons de rendre compte des sentiments existant dans les chansons et de la manière linguistique dont les sentiments sont construits dans ces chansons. Nous commencerons en donnant le cadre musical de l’analyse des chansons et la position de la chanson entre les règles de l’écrit et de l’oral. Puis quelques aspects linguistiques et musicaux concernant des chansons sont expliqués ainsi que la manière dont on peut exprimer des émotions verbalement. Au début du troisième chapitre, le corpus sera décrit un peu plus en détail, après lequel nous concentrerons sur l’analyse des paroles. La façon selon laquelle on peut exprimer les sentiments en français est étudiée dans chaque chanson séparément. Notre mémoire porte principalement sur les faits linguistiques mais le rôle de la musique sera également traité quand les traits musicaux semblent avoir une influence sur l’interprétation des paroles.
  • 4. 3 2. Notions de base Pour qu’il soit possible de faire une analyse qui porte sur les chansons, et en grande partie sur la langue au lieu des faits musicaux, il est nécessaire de comprendre le cadre où se trouvent les paroles des chansons. Pour mieux situer ce type de langage dans son contexte réel, nous décrivons d’abord quelques caractéristiques des chansons en général et comme un acte de communication. Ensuite, les traits linguistiques et musicaux des chansons sont présentés ainsi que les façons d’exprimer des émotions verbalement. 2.1 La chanson comme un tout La musique vocale consiste en deux parties essentielles : la partie musicale et la partie verbale. Elles peuvent être étudiées séparément mais il est nécessaire de garder à l’esprit qu’elles ont une influence l’une sur l’autre. Beaumont-James (1999) fait souvent remarquer que les deux constituants sont inséparables et qu’une étude exhaustive devrait tenir compte de tous les aspects, aussi bien ceux de la musique que ceux des paroles. Comme notre objet principal est d’analyser le côté linguistique, nous n’entrerons pas dans tous les détails musicaux. Nous tenterons toutefois de faire attention aux faits musicaux les plus importants quand ils sont liés aux paroles et leur signification. Il faut se rappeler que la musique est une forme d’art qui a toujours une fonction. Cette fonction dirige l’art en question vers un objectif donné et lui fait subir diverses influences. Andreani a traité des relations de la musique au monde environnant. Dans son article La musique et les mots (1972 : 37), elle écrit que l’art n’est jamais sans influence, il n’est jamais clair et pure : « il emprunte à la fois au culturel, au technique, au religieux, mais en transgressant toutes les limites […] ». Dans une chanson, la rencontre d’un texte et d’une musique correspond-elle donc à une fusion entre la poésie et la musique ? Les deux systèmes, le système langagier et la musique, sont complètement différents. Comment les systèmes fonctionnent-ils ensemble ? Pour de Schlœzer (1947, cité par Ruwet 1972 : 41) leur combinaison est possible uniquement si l’un, la poésie, se fond avec l’autre, la musique. Par conséquent, il pense que la meilleure œuvre vocale est celle dont le texte (les paroles) est « le moins signifiant » et où les paroles se rendent imperceptibles (1947, cité par Nicolas Ruwet 1972 : 42). Nous ne sommes pas d’accord avec lui : les paroles ont beaucoup d’importance et elles peuvent raconter une autre histoire à l’intérieur d’une œuvre musicale. Il est bien entendu que les paroles sont un élément important d’une œuvre musicale et que, souvent, elles « s’incorporent à la musique » (Ruwet 1972 : 41). L’incorporation ne doit pas cependant se faire aux dépens des paroles.
  • 5. 4 Le point de vue de Lévi-Strauss (1967–1971, cité par Tarasti 2006 : 398) nous semble plus logique mais pas tout à fait correct non plus : pour lui, la langue est la seule chose qui peut produire quelque chose d’importante et avoir une signification. Pour cette raison-là, la musique, qui en tant que telle ne signifie rien, doit être remplie par les significations, en d’autres termes, remplie par les mots. À notre avis, la musique telle quelle, sans mots, peut avoir une signification et, dans ce cas-là, le sens de la musique peut être compris par l’auditeur. Ruwet (1972 : 53), quant à lui, a indiqué mieux que la relation entre la musique et la langue « est toujours pertinente » et qu’ « il n’y a aucune incompatibilité entre musique et langage ». D’ailleurs, nous pensons que la langue et le chant sont des faits complètement naturels pour les gens et essayer de minimiser l’un ou l’autre, l’aspect verbal ou l’aspect musical, donnerait une image erronée et inexacte de la relation langue-musique. 2.2 La chanson comme un acte de communication En citant Ruwet (1972 : 49), « chaque énoncé vise à faire certain impression sur l’auditeur, l’énoncé est la représentation de l’ ‘état des choses’. » La langue et la musique sont donc toutes les deux, séparément et ensemble, des énoncés avec une visée de communication. Il est évident qu’il y a plusieurs rôles dans la communication : le destinateur, le message et le destinataire. La communication musicale se passe par la même division tripartite. La chanson représente le rôle du message tandis que le destinataire peut être soit l’auditeur de la musique soit l’interlocuteur à l’intérieur de la narration. Le rôle du destinateur est encore plus complexe. Le destinateur peut être le parolier, le compositeur, l’interprète où le locuteur à l’intérieur de la narration. Dans une chanson, il y a donc plusieurs niveaux d’énonciation et les rôles du message, du destinateur ainsi que du destinataire dépendent du niveau d’énonciation en question. Comme nous l’avons déjà constaté, chanter est un acte de communication (Beaumont- James 1999 : 55). La communication verbale dans la chanson est constituée de deux composants, « celui du discours et celui de la langue » (Beaumont-James 1999 : 56). Le locuteur peut construire le sens pour un énoncé à l’aide de l’action linguistique et de la compétence linguistique. Ainsi il sait combiner la langue infiniment et de plus, il sait l’utiliser et il connaît les régles syntaxiques, phonologiques etc. Mais le sens n’est jamais le même pour le locuteur et l’auditeur parce que leur histoire collective aussi bien que leur histoire individuelle sont différentes. La construction du sens est influencée également par les contextes situationnels tels que où la chanson est entendue, dans quelle situation etc., le contexte social, le contexte verbal i.e. les effects que la langue a
  • 6. 5 pour le message ainsi que le rapport de la chanson aux autres chansons (Beaumont-James 1999 : 58–60). Le procès n’est pas simple parce que plusieurs autres facteurs sont liés à la façon dont le message est transféré à l’auditeur et bien sûr à la réception du message. Ces aspects linguistiques et musicaux sont étudiés plus précisément dans le chapitre suivant. 2.3 Les différents aspects de la chanson Nous allons aborder ici les diverses caractéristiques de la chanson en ce qui concerne aussi bien les aspects linguistiques que les aspects musicaux. Etant deux systèmes tellement différents, ils sont traités ici en deux sous-chapitres séparés. 2.3.1 Les aspects linguistiques de la chanson La chanson comme forme et comme acte verbal est assez spéciale. L’aspect oral et l’aspect écrit s’unissent dans la chanson d’une manière exceptionnelle. Les paroles des chansons ne sont pas construites seulement suivant les règles de l’écrit mais aussi celles de l’oral. D’après Beaumont-James (1999 : 121), la langue figure dans les chansons comme « écrite oralisée, de style oral ». Cela signifie que cette forme de la langue exprimée à haute voix, c’est-à-dire le côté oral, limite le côté écrit et vice versa. Il ne s’agit pas d’un texte écrit lu tout haut ou d’un discours libre mais un mélange de ces deux qui s’influencent réciproquement. Les paroles des chansons peuvent être considérées comme des poèmes. Parfois des textes à l’origine destinés à être uniquement des poèmes sont composés et arrangés de nouveau. Ruwet rappelle (1972 : 46) que, notamment dans la poésie, les rapports sémantiques sont vraiment complexes. De plus, Beaumont-James a également fait remarquer (1999 : 121) que la chanson ne devait jamais être prise pour son sens littéral parce qu’il n’est pas la seule chose qui participe à la construction de sens. Au lieu d’utiliser seulement la signification dans l’analyse des chansons, elle recommande une analyse du point du vue de signifiance, c’est- à-dire la prise en considération de tous les niveaux musicaux et verbaux de la chanson. Cela peut rendre une analyse des chansons du point de vue musico-linguistique plus difficile. Il y a encore d’autres faits linguistiques caractérisant la chanson et en particulier sa manière de s’organiser. Par exemple, en considérant la syntaxe des chansons, une même structure s’y répète. Beaumont-James affirme (1999 : 123) qu’en français en général, la structure d’une phrase est le plus souvent la suivante : P = SN + SV + (SP), où SN est un syntagme nominal, SV est un syntagme verbal et SP est un syntagme prépositionnel. Les parenthèses indiquent que le SP peut être facultatif et donc supprimé mais ce n’est pas le cas
  • 7. 6 toujours. En français chanté par contre, l’ordre est souvent : P = SP + SN + SV. Le syntagme prépositionnel change donc de place dans la phrase. Voilà un exemple donné à l’origine par l’auteur (1999 : 123)1 : « Auprès de mon arbre, je vivais heureux. » Dans cet exemple, je est le syntagme nominal et vivais heureux est le syntagme verbal. Auprès de mon arbre est le syntagme prépositionnel qui est déplacé au début de la phrase contrairement à l’ordre normal. Une autre chose à laquelle les poètes et les paroliers ont recours fréquemment, est l’expressivité symbolique des voyelles et des consonnes (Beaumont-James 1999 : 131). Cela ne se limite pas seulement aux chansons mais concerne tous les textes artistiques verbaux. L’auteur affirme que certaines voyelles et consonnes ou leurs combinaisons ont des traits acoustiques qui « apportent des nuances expressives à chaque mot » et leur pouvoir expressif peut être conceptualisé. Prenons quelques exemples proposés par l’auteur (1999 : 132). Par exemple les voyelles ou, o, a, on, an, un, in, qui ont une résonance basse, peuvent traduire : – « des sons du même ordre […], des phénomènes liés ou associés à ces basses fréquences » (grondement, bas, plomb, gong ou lourd) – « des matières sombres et sales » (boue ou catacombes) – « des sentiments affligeants » (honte, lugubre ou morose) En outre, les caractéristiques articulatoires peuvent également renforcer l’expressivité d’un mot ou même donner un sens supplémentaire. Voilà quelques exemples proposés par Beaumont-James (1999 : 132) : – L’arrondissement des lèvres peut traduire « la rondeur elle-même » (rond, trou ou lune) ou l’affection « par la mimique du baiser » (amour, bisou ou minou). – L’étirement des lèvres peut désigner le sourire (par la mimique du rire et sourire) et les sentiments correspondants (hilaire ou gaieté). Ruwet est également convaincu de ce fait et écrit dans son œuvre Langage, musique, poésie (1972 : 52) que « jamais […] la musique vocale ne se passe du support des mots ». Les compositeurs de leur part essaient donc de trouver des mots dont les combinaisons des voyelles et des consonnes sonnent mieux dans une mélodie donnée avec un certain rythme. 2.3.2 Les aspects musicaux de la chanson Ce sont les sons, culturellement normés, qui forment la musique. La liaison successive des sons est perçue comme la mélodie tandis que la simultanéité des sons est perçue comme l’harmonie (Beaumont-James 1999 : 107). Ce qui est considéré normal dans la musique 1 La phrase est tirée de la chanson Auprès de mon arbre; paroles et musique de G. Brassens ; interprétation de G. Brassens.
  • 8. 7 concernant les accords, la mélodie et l’harmonie, est toujours lié à la culture et il s’agit donc d’une chose apprise dans cette culture en particulière. Par exemple la musique indienne, qui s’appuie souvent sur les micro-intervalles, se diffère complètement de la musique occidentale par son harmonie et sa mélodie. Pour cette raison-là, elle peut nous sembler un peu étrange. En ce qui concerne le rythme, il n’est pas constitué seulement « d’une organisation périodique du temps » parce que plusieurs autres paramètres sont liés à la perception du rythme, comme par exemple « les structures tonales, les pauses » et les allongements (Beaumont-James 1999 : 110). À noter encore que la phrase linguistique et la phrase musicale ne signifient pas la même chose. Linguistiquement, une phrase est assez bien déterminée. Selon Le Grand Robert (2001 : t. 5 p. 620), elle est définie comme « manière d’expression, tour ou construction d’un petit nombre de paroles ». Une phrase musicale est moins définissable et sa signification varie selon chaque individu. Beaumont-James a mentionné (1999 : 94) que l’allongement de la dernière note de la phrase et « l’accord cadentiel » sont liés à ce terme. La définition de la phrase musicale par Le Grand Robert (2001 : t. 5 p. 622) est aussi vague que celle que Beaumont-James a donné : « Succession ordonnée de périodes venant aboutir à une cadence […], ou constituant un tout. » Qu’est-ce qu’un tout ou bien, quels éléments peuvent constituer un tout ? Ni l’une ni l’autre de ces définitions ne répondent à ces questions. Ainsi, cela nous donne seulement une idée floue de la phrase musicale. 2.4 L’expression des sentiments dans les chansons Ce n’est que récemment, à peu près vingt ans, que les émotions ont été considérées comme sujet de recherche linguistique « incontournable » (Chatar-Moumni 2013 : 3). Bien que la langue comme source essentielle des émotions soit actuellement étudiée, cela est principalement l’intérêt de la psychologie ou de la sociologie. En ce qui concerne la musique, c’est souvent la musique classique comme par exemple les symphonies ou les œuvres de la musique de chambre qui sont analysées par exemple dans la musicologie. La musique vocale, surtout la musique populaire, se présente peu souvent comme un sujet de recherche, en tout cas du point de vue linguistique. De plus, la recherche interdisciplinaire n’existe pratiquement pas. C’est justement cette lacune que notre étude essaie de combler. 2.4.1 Les émotions par rapport à la musique et à la langue Les chansons, comme les autres formes d’expression verbale, sont des moyens d’exprimer des sentiments (Ruwet 1972 : 53). Cela se passe un peu différemment en comparaison d’une conversation normale parce que la musique est impliquée dans la chanson : la situation est
  • 9. 8 modifiée par les éléments musicaux et le fait que la langue utilisée dans la musique ne corresponde pas à celle au sein d’une conversation « normale ». On exprime donc des sentiments à travers de la musique aussi bien qu’à travers de la langue. Selon nous, en chantant, il n’y a pas de crainte à dire quelque chose de sentimental tandis que lors d’une conversation normale, la difficulté est souvent la peur de perdre la face si l’interlocuteur n’accepte pas les sentiments avoués par l’autre. Par exemple, l’expression de l’amour dans une chanson est indirecte. Déclarer l’amour pour une personne peut être plus facile à faire en chantant qu’en le disant directement. L’interprète (et peut-être l’auditeur aussi) considère donc la chanson plutôt comme l’art. La langue est pourtant considérée la seule manière avec laquelle une émotion peut être conceptualisée (Harkins & Wierzbicka 2010 : 3). Une émotion peut donc être nommée seulement avec l’aide de la langue. Le contexte culturel et social définit, pour leur part, les moyens culturellement individuels avec lesquels les émotions sont exprimées dans chaque culture. Il est évident que les attitudes culturelles influent sur l’expression des sentiments et sur la façon dont les gens parlent des sentiments (Harkins & Wierzbicka 1994). Chaque langue est supposée de comprendre des expressions indiquant et l’identité culturel et des sentiments. Harkins & Wierzbicka considèrent (2010 : 3) que ce lexique-là est intraduisible. Les différences dans la désignation des expressions résultent, selon Harkins & Wierzbicka (2010 : 8), des différences socio-culturelles, donc du contexte social. Ainsi, deux mots de langues différentes ne sont presque jamais équivalents ! D’après Plantin (2003, cité par Chatar-Moumni 2013 : 6), « l’émotion structure le matériel verbal ». À notre avis, au cas des chansons, il est inversement. Les paroles des chansons sont le plus souvent écrites intentionnellement ainsi que les textes écrits généralement. Le parolier a cependent le temps de bien réfléchir à chaque mot, à chaque phrase et à la manière dont ils s’accordent aussi bien avec le cadre linguistique qu’avec le cadre musical. Ainsi les rimes ou l’accent sur un certain point dans la phrase musicale exigent certains choix de mots etc. Par conséquant, l’affirmation de Plantin ci-dessus est une exception dans la musique et nous devons constater que c’est plutôt le matériel – la manière de dire une certaine chose – qui limite ce que l’on veut dire, c’est-à-dire des sentiments. Quelques chercheurs pensent qu’il existe des émotions universelles. Plutchik (1980, cité par Galati & Sini 2000 : 76) propose une liste de huit regroupements qui correspondent aux huit émotions primaires : « fear, anger, joy, sadness, acceptance, disgust, anticipation,
  • 10. 9 surprise »2. Ces mots proposés en anglais représentent donc les émotions fondamentales et universelles (s’il y en a). Galati & Sini (2000 : 86), de leur part, utilisent une division à quatre : « joie, tristesse, peur et colère ». Cette division leur paraît plus utile pour décrire des émotions primaires surtout dans la langue française. Comme Galanti & Sini le constatent (2000 : 77), plus les lexiques d’émotions dans les autres langues qu’anglais sont étudiés, plus il devient clair qu’une seule langue, l’anglais, ne peut pas exprimer et expliquer le lexique d’émotions d’une manière universelle dans les autres langues. Pour cette raison-là, nous ne traiterons pas non plus des faits liés à l’anglais. 2.4.2 Les différents types d’expression D’après Harkins & Wierzbicka (2000 : 14), il y a plusieurs modes de parler des émotions. Ils présentent une théorie selon laquelle ces modes de parler de nos émotions peuvent être réduites à trois modes principaux : (1) Le locuteur peut dire tout simplement « je me sens bien » ou « je me sens mal ». (2) Il peut dire aux autres qu’il sent ce qu’une personne sentirait dans une situation donnée et puis il s’y identifie. Il peut dire par exemple « je me sens comme un enfant sans une mère ». (3) Il peut aussi raconter ce qui semble se passer dans son corps avec par exemple la phrase suivante : « Mon cœur se brise. » Cependant, selon notre hypothèse, les sentiments ne sont pas exprimés dans les chansons si directement et c’est très rarement que l’on dit simplement « je suis heureux » ou « maintenant je me sens malheureux ». Les expressions sont plutôt implicites et exigent l’interprétation de l’audite ur. De plus, selon Plantin (1999 : 2), il existe trois manières d’exprimer les émotions : 1. un lieu psychologique, 2. un terme d’émotion ou de sentiment et 3. un énoncé d’émotion. La première est « un substantif marqué [+Humain] » et plutôt une qualité inhérente chez une personne, un état stable. Selon notre interprétation, cela veut dire le tempérament. Les termes d’émotions sont des noms de sentiments, donc des substantifs. Dans le discours, ils se manifestent sous la forme suivante : – un sentiment de + nom de sentiment – Pierre éprouve / ressent de + article + nom de sentiment Selon ces schémas, nous pouvons former par exemple les phrases suivantes : « Pierre éprouve de l’amour » ou « Marie ressent de l’affection ». 2 Les huit émotions pourraient être traduites en français de la manière suivante : la crainte / la peur, la colère, la joie, la tristesse, l’acceptation, le dégoût, l’impatience / l’attente, l’étonnement
  • 11. 10 Comme les émotions peuvent être exprimées aussi autrement qu’avec un seul substantif ou un adjectif qualificatif, la notion d’énoncé d’émotion nous aidera. Les « verbes de sentiment ou verbes psychologiques » font partie de ce groupe et ils sont divisés en trois classes (Ruwet 1994 : 45) selon la place syntactique du NP. Cela veut dire que la place du syntagme nominal qui est le siège de cette émotion, détermine le groupe où appartient le verbe. Les groupes sont les suivants : « classe I (aimer, mépriser, etc.), classe II (amuser, impressionner, etc.), classe III (plaire, eplaire, etc.) ». D’après Plantin (1999 : 3), en grammaire générative, un nom de sentiment ou un lieu psychologique est presque toujours indiqué explicitement. Par contre, s’il s’agit d’un énoncé d’émotion, le sentiment en question est plutôt indiqué implicitement. Par exemple dans la phrase « Michel verdit » le sentiment que Michel ressent, doit être déduit. En français « on est vert de peur ou de rage », donc l’un ou l’autre des deux possibilités doit s’appliquer. Le même problème qu’avec la théorie d’Harkins & Wierzbicka existe dans celle-là ; une émotion n’est pas toujours exprimée directement (par un substantif, adjectif qualificatif ou verbe psychologique clair), notamment dans les chansons. Il écrit (1999 : 6) qu’une phrase ne comporte pas forcément un nom d’émotion (peur/honte/gaieté etc.) mais elle peut, malgré tout, exprimer un sentiment. Les phrases de ce type sont cependant difficiles à traiter et étudier linguistiquement. Chatar-Moumni (2013 : 7) rappelle également que l’expression verbale des sentiments se passe aussi bien sur le niveau lexical que sur le niveau des constructions, c’est-à-dire sur le niveau morpho-syntaxique, ce qui renforce notre présupposition qu’il est difficile de discerner les émotions surtout dans les chansons. Nous voulons encore mettre en avant une chose importante concernant l’analyse des verbes d’émotions. Il faut faire attention à la différence entre les verbes qui signalent une émotion chez un être humain et ceux qui ne le font pas (Ruwet 1994 : 46), puisque parfois ils se confondent très facilement. Comparons encore les deux exemples de Ruwet: (a) La lecture d'Homère passionne Maxime. (b) Ses déclarations intempestives discréditent le ministre. Dans le premier exemple (a), il est évident que c’est Max qui éprouve le sentiment de la passion tandis que dans l’exemple (b), il s’agit d’un « jugement négatif » qui ne dit rien du sentiment ressenti ou si ces sentiments ont même existé. C’est donc souvent seulement l’interprétation et non le vrai sens du mot qui dirige le lecteur à supposer qu’il s’agit d’un sentiment.
  • 12. 11 3. Analyse du corpus Comme corpus nous avons choisi trois chansons interprétées par Irina Björklund : Pour Laura, Ton mariage et La vie est une fête. Les chansons sont choisies au hasard sur son dernier disque La vie est une fête qui contient au total douze chansons. Le disque est sorti en Finlande et en France en 2014. Ce sont en fait les paroles de ces chansons qui nous intéressent. Au lieu d’une analyse seulement linguistique, nous allons analyser aussi le côté musical de ces chansons quand il nous semble essentiel. La particularité de ces chansons est qu’elles ont toutes été écrites et composées à l’origine en finnois par divers compositeurs. Irina Björklund les a ensuite traduites elle-même en français et puis les chansons sont arrangées à nouveau par Marc Collin, Liset Alea et le groupe. Dans notre étude, nous nous servirons également des versions finlandaises en comparant les structures morpho-syntaxiques et le lexique de versions françaises aux versions originales. L’objectif de notre mémoire n’est pourtant pas faire une étude comparative des traductions. Nous traiterons les versions finlandaises dans la mesure où il est essentiel pour l’étude des sentiments. En tout, nous avons donc six textes, trois en français et trois en finnois. Les paroles des chansons sont données en annexe à la fin du mémoire3. 3.1 Pour Laura – Lauralle La première chanson que nous allons analyser s’appelle Pour Laura (en finnois Lauralle). La situation narrative de la chanson est la suivante : il y a un garçon qui rend visite à une fille qu’il a vue passant dans la rue. Ils ne se connaissent pas, mais évidemment, tous les deux veulent faire connaissance l’un avec l’autre. L’histoire est racontée du point de vue du garçon. En commençant par les termes d’émotion (définis par Plantin) qui devraient se présenter dans la structure Pierre ressent de + le terme d’émotion, nous pouvons constater très facilement qu’il n’y pas de termes d’émotion dans la chanson. L’utilisation de la notion d’énoncé d’émotion et l’analyse des verbes de sentiment de leur part nous aident un peu. Cette analyse permet de voir qu’il y a un verbe d’émotion clair dans la chanson : hésiter dans le premier couplet dans la proposition « J’hésite un moment ». Ce mot peut être dérivé au mot désignant un sentiment ; hésitation. Il n’y a pas d’autres verbes de ce type (définis par Ruwet (1994)). Dans la version finlandaise nous n’en trouvons aucun. Il est nécessaire de 3 Nous nous excusons au lecteur de ne pas avoir donné toutes les paroles avant chaque passage d’analyse. Nous proposons pourtant au lecteur de détacher les paroles des chansons qui se trouvent en annexe, pour mieux pouvoir suivre l’analyse.
  • 13. 12 passer aux autres méthodes d’analyse pour trouver des émotions dans les paroles. Cela veut dire qu’il faut étudier aussi les niveaux syntaxiques et sémantiques de la chanson. L’énoncé « je perds ma voix » se trouve dans le deuxième couplet. À ce point-là, le garçon est en train de se rapprocher de cette fille, Laura, parce qu’il s’intéresse à elle et une telle situation peut être captivante. En tenant compte de cette situation narrative, la perte de voix pourrait s’expliquer plutôt par les raisons émotionnelles que par les raisons biologiques. Selon une telle interprétation, le garçon ressent de l’engouement, de l’enthousiasme ou un autre sentiment du même type. Il n’y a pas vraiment un mot qui dévoile un sentiment, mais la perte de voix peut être considérée comme une conséquence d’un sentiment éprouvé. Dans la version finlandaise, la phrase est totalement différente : « vapisen kuin kuumeessa » est en français « je tremble comme si j’avais la fièvre ». Cela ne donne pas la même impression à l’auditeur que la phrase en français. Bien sûr, les deux changements physiques peuvent être des conséquences des émotions mentionnées, mais le mot fièvre dirige l’interprétation dans une direction qui n’est pas liée si fortement aux émotions. Dans chaque refrain, il y a une exclamation : « quelle chance ». Cet énoncé se répète plusieurs fois. En fait, la première ligne du refrain, « quelle chance, quelle chance », constitue une phrase musicale qui se répète encore une fois. Il y a donc une répétition à l’intérieur d’une autre répétition. L’énoncé commence avec l’interrogatif quelle qui est utilisé comme une exclamation avec un substantif sémantiquement positif chance. Yaguello pense que « la répétition vide le sens » (1981, cité par Beaumont-James 1999 : 93). À notre avis, contrairement à son opinion, ces deux choses (l’interrogatif quelle avec un substantif positif chance) combinées encore avec la répétition renforcent le message ou l’énoncé original. Comme c’est le garçon qui le dit, il est évident qu’il se sent chanceux. Dans le troisième couplet le narrateur avoue qu’il est un inconnu4. Cependant, il veut faire la connaissance avec la fille : il frappe à la porte, il entre dans la maison etc. Cela indique qu’il est curieux ; il se sent curieux. Le quatrième couplet nous mène au point suivant qui peut, à notre avis, refléter une émotion : « Normalement, enfin jamais // il ne m’arrive d’être à ce point ensorcelée. » Cet état d’ensorcellement est causé par une femme irrésistible. Deux définitions que donne Le 4 En fait, dans la version française, il est révélé que le point de vue narratif est inversé : il y a une narratrice au lieu d’un narrateur (« je suis une inconnue »). Le parolier a choisi cette solution probablement parce que l’interprète est une femme, contrairement à la chanson originale. Cela ne semble pas important parce que l’inversion de ce type est utilisée fréquemment et cela n’a pas d’importance du point de vue de notre étude.
  • 14. 13 Grand Robert pour le mot ensorcellement sont les suivantes : « état d’un être ensorcelé » ou dans un sens figuratif « séduction irrésistible » (2001 : t. 2 p. 2212). Nous pouvons donc considérer que le garçon se sent ensorcelé au sens figuratif : il est tombé sous pouvoir d’une femme qui l’a complétement séduit. Cet état ressemble à un lieu psychologique (v. p. 9). De plus, dans la dernière ligne du couplet, nous trouvons « j’ai dû essayer ». Le fait que le verbe est au passé composé peut indiquer le courage du garçon. Le passé composé est sans doute utilisé dans cette phrase parce que le garçon a déjà tenté de se rapprocher de la fille. Il a donc hésité un moment mais finalement, il a osé faire cette chose exceptionnelle. Cela prouve le courage du garçon. Le refrain suivant diffère en partie de la version finlandaise. « Sinä katsot pitkään » serait en fait en français « Tu [me] regardes longtemps ». Le passage est traduit par « Tu hoches la tête vers ta chambre ». Cette phrase manque l’idée du regard (fixe) entre les deux personnes, ce qui est souvent considéré comme un symbole de l’électricité dans l’air. Ici c’est la version originale qui peut mieux exprimer des sentiments d’enthousiasme et de passion ; en effet, l’idée essentielle du refrain s’est perdue dans la version française. 3.2 Ton mariage – Häälaulu La chanson qui s’appelle Ton mariage (en finnois Häälaulu) est exécutée à l’origine par un groupe finlandais, Egotrippi. Les paroles racontent une histoire de noces où la fiancée ne semble pas être la bonne personne et un bon choix pour le fiancé. L’histoire est racontée du point de vue d’un(e) ami(e) du fiancé. L’ami et ses opinions constituent notre intérêt principal. En principe, les noces sont une chose joyeuse et tout le monde est heureux. Ce n’est pas le cas dans cette chanson. La seule manifestation claire d’une émotion se trouve dans l’outro : « je ressens le devoir de te prévenir […] ». Cette phrase-là est dite par l’ami du fiancé. Il est exprimé clairement que l’ami a une responsabilité et qu’il le sait. Avec si peu d’information sur la situation, il est pourtant impossible de dire si la sensation est positive ou négative. Tout le reste qui concerne les émotions n’est pas dit explicitement, il faut donc le lire entre les lignes. Dans le premier couplet sur la première ligne, il y a l’énoncé « je perds mon temps ». Selon Le Grand Robert (2001 : t. 5 p. 475), la locution perdre son temps veut dire de « l’employer à des activités inutiles ». Une personne peut être frustrée de ne pas pouvoir faire ce qu’elle voudrait mais seulement des choses inutiles. Dans ce cas-là, l’ami se sent frustré parce qu’il/elle est « en train de témoigner d’une décision que « tu [le fiancé] va regretter ». Il/elle ne voudrait pas que le mariage se réalise.
  • 15. 14 L’ami exprime assez fortement que le fiancé va regretter sa décision. Cela conduit à une impression que l’ami se sent confiant et sûr de soi. De plus, le repentir se présente comme certain. Cela est dû à l’utilisation du futur proche dans la proposition « tu vas regretter », car un des emplois pour le futur proche est d’exprimer des événements comme certaines (Nouvelle Grammaire du Français 2004 : 131). L’idée de l’erreur est renforcée dans le refrain où il y a tous contre un ; la famille et les invités, qui savent le vrai état des choses, contre le fiancé, qui est trop naïf. Le narrateur insiste même sur le fait avec le mot tous dans « nous, on est tous au courant ». Cette phrase se répète encore quatre fois dans la chanson et cette répétition intensifie encore l’affirmation. Tous ces faits-là sont présentées par le narrateur d’une manière affirmative qui révèle que le narrateur, c’est-à-dire l’ami pense qu’il a raison. Le point culminant est cependant encore à venir. Il se situe dans l’outro sur la première ligne : « Et moi qui suis ta meilleure amie […] ». Cet énoncé déforme complétement la réalité de la chanson et, en fait, l’histoire aura un sens différent. Il est révélé que le narrateur est en réalité une narratrice et donc une femme ! Dans la version finlandaise, il n’est pas précisé si le narrateur est un homme ou une femme, mais l’interprète de la version finlandaise est un homme. Sur la base de cette version, la présomption pour la version française est également que le narrateur est un homme. Cependant, un point de vue différent est révélé. L’amie raconte ce qu’elle pense d’être vrai. Elle s’exprime également, implicitement, la manière dont les choses devraient se passer. Dans l’histoire, il y a donc une femme qui est, en fait, amoureuse de cet homme et qui se sent jalouse. C’est peut-être elle qui répand les rumeurs que la fiancée « est une teigne ». Peut-être veut-elle empêcher le mariage parce qu’elle fait toujours confiance à elle-même et elle voudrait encore lui gagner à sa cause. Dans ce contexte, un passage dans le premier couplet qui nous a semblé un peu étrange et qui ne se trouve pas dans la version finlandaise aura une explication logique : Vois-tu, je perds mon temps // dans l’église en écoutant // le discours du pasteur et ton serment // mais je rêve. Ces phrases-là sont prononcées par l’amie. La partie « mais je rêve » n’existe pas dans la version finlandaise parce qu’elle indique, probablement, que la femme rêve d’un mariage avec lui. En outre, la fin de la phrase a une mélodie descendant et elle est chantée avec une voix douce. Comme ce côté n’est pas présent dans l’autre version, la traductrice a dû ajouter cette proposition-là aux paroles. Il est à noter encore qu’aucun de ces sentiments (la jalousie, l’amour et la confiance en soi) ne se trouve pas dans la version finlandaise. L’expression des sentiments se passe donc
  • 16. 15 très subtilement et non pas par l’intermédiaire des mots concrets. Ainsi, il est nécessaire d’interpréter les paroles pour trouver des émotions. 3.3 La vie est une fête – Elämä on juhla Cette chanson qui s’appelle La vie est une fête (en finnois Elämä on juhla) a donné son nom aussi à tout le disque. Samuli Putro, un chanteur finlandais, l’a écrite et composée à l’origine. La chanson n’est pas construite comme une chanson de pop normale ou typique : couplet / refrain / couplet / refrain (ABAB). Nous considérons que la structure consiste plutôt en neuf couplets mélodiquement similaires. La chanson raconte l’histoire d’une vie humaine et elle examine toutes les époques de la vie. Pour chaque période de vie, il y a son propre couplet. Nous ne trouvons que quelques expressions émotives explicites et précises dans cette chanson. Les sentiments sont ceux – de la passion (4ème couplet) : « Mon Dieu comme tu es belle, prise par cette passion nouvelle » – de l’angoisse (5ème couplet) : « des mois de larmes angoissées » – du bonheur (6ème couplet) : « le bonheur peut faire pleurer » Les autres expressions de sentiments sont plus difficiles à trouver. Comme il n’y pas d’autres noms de sentiments explicites, il est nécessaire d’étudier des phrases linguistiques dans leur ensemble au lieu des mots détachés. Les sentiments peuvent être compris par des paysages mentaux des couplets ou parfois même des chansons. Les paysages mentaux sont composés d’une ou de plusieurs phrases et c’est le contenu sémantique de ces phrases qui déterminent les paysages mentaux. Par exemple dans le premier couplet, c’est avec l’aide de plusieurs expressions comme « ah, la jeunesse et sa beauté » et « mesure de la prospérité » que le paysage mental est construit. Il suggère au moins des sentiments positifs, mais il est difficile de dire plus précisément de quel(s) sentiment(s) il s’agit. Parfois, il faut le couplet entier et parfois un seul énoncé pour créer un paysage mental. Dans le deuxième couplet, il est dit explicitement que l’enfance a été « somptueuse », mais cette phase est bien séparée de l’adolescence. L’adolescence, de son part, est une phase d’une « âme tourmentée ». Un enfant est si innocent et il se sent à l’aise tandis que quand on passe à l’adolescence la vie est remplie par des soucis, l’angoisse et le tourment. Les sentiments possibles à chaque phase sont très différents. La phrase « Est-ce possible de porter seule cette âme tourmentée » pourrait représenter le troisième point dans la théorie de Harkins & Wierzbicka (2000 : 14). L’interprète dit ce qu’elle ressent ; elle a un esprit tourmenté.
  • 17. 16 Compte tenu de la durée assez longue de la phase d’adolescence, ce qui est un des critères pour un lieu psychologique selon Plantin (1999), ce sentiment pourrait être vu plutôt comme un lieu psychologique. Pourtant, la dernière phrase change la vue d’ensemble de ce couplet : « La vie est une fête. » Dans la vie, il y a des moments heureux et des moments où tout va bien. Malgré des moments d’angoisse, la vie vaut le coup d’être vécue. L’homme peut sentir toutefois que la vie est précieuse et d’une grande valeur. Dans le troisième couplet, le sentiment en question est exprimé avec une métaphore : « Enfin le baccalauréat, on court les rues trempés de joie ». De plus, le mot trempés intensifie l’impression du sentiment de joie. La phrase suivant montre que les gens de cette chanson sont ouverts à la vie à venir et ils se sentent libre dans la situation où le lycée est terminé : « On crie ‘Hello la liberté’ ». Le couplet suivant est rempli d’allusions aux plusieurs sentiments. Regardons les phrases suivantes du quatrième couplet : Mon Dieu comme tu es belle, prise par cette passion nouvelle // Tu rayonnes bizarrement depuis votre dévouement // Deux planètes égarées tellement loin mais retrouvées // La vie est une fête // La vie est une fête Premièrement, le début de la première ligne indique l’admiration pour une femme parce que la femme est décrite comme tellement belle, et le sentiment est éprouvé par le narrateur. Le passage est encore renforcé par une interjection Mon Dieu, que l’on utilise pour « marquer un sentiment, une émotion » (Le Grand Robert 2001 : t. 2 p. 1493). La beauté de sa part résulte de la passion nouvelle que la femme vient de trouver. Alors, la femme ressent de la passion. Sur la deuxième ligne, il n’est pas dit directement qu’il s’agit du bonheur ou du ravissement mais le rayonnement combiné avec le dévouement à une autre personne peuvent être liés au sentiment de ce genre. Le bonheur et l’amour font que les gens rayonnent ou resplendissent. Avec la métaphore des « planètes égarées », les deux personnes sont décrites d’abord comme solitaires et ensuite ils se sont rapprochés et ils sont tombés amoureux. Ils cherchent leur place dans le monde et finalement ils la trouvent ensemble. À la fin l’auteur rappelle toujours que tout cela mentionné précédemment dans le couplet fait partie de la vie précieuse. À noter encore que les rimes finales des phrases soutiennent la musique et donnent de la facilité aux vers. Dans le cinquième couplet l’auteur crée une image d’un mariage. En général, dans la culture occidentale, on se marie par amour. C’est un stéréotype mais souvent le mariage se fonde sur le sentiment de l’amour (mutuel). Puis, le mariage de la chanson a aussi des nuances
  • 18. 17 négatives : il y a des « larmes angoissées » qui durent des mois. La phrase suivant indique que le temps angoissé ne dure pas pour toujours, il y aura aussi des jours meilleurs : « Or l’alliance désappointée peut même rouler dans une montée ». La conjonction or donne donc une nouvelle direction au mariage, car avec cette conjonction, le résultat évident peut être modifié (Nouvelle Grammaire du Français 2004 : 279), comme dans ce cas-là. La même idée du changement de la direction est indiquée dans la version finlandaise avec le mot « kas », même s’il est placé à la fin de la phrase. Par ailleurs, il y a une référence intertextuelle dans ce passage qui renvoie à la formule de bénédiction nuptiale et plus précisément à la partie d’échange des consentements par les futurs époux. Ils se promettent de s’aimer « dans le bonheur et dans les épreuves » ou en finnois « niin myötä- kuin vastoinkäymisissä ». Cet énoncé est utilisé en France ainsi qu’en Finlande. Inévitablement, il y a des périodes moins heureuses dans la vie mais comme le pasteur le dit, il s’agit d’une chose normale et ensuite on verra les temps meilleurs. Le couplet suivant est partiellement une répétition du premier couplet. Dans ce couplet, il s’agit toutefois de la génération suivante. La répétition dans la narration est comme le cycle normal de la vie qui se reproduit de nouveau dans chaque génération. Ce qui peut produire les nouvelles générations – l’intimité, l’amour et finalement les relations sexuelles – peut porter le bonheur qui « peut faire pleurer », selon les paroles. À la troisième ligne, « encore une fois l’enfant aîné » est la preuve de l’attrait entre deux personnes qui a déjà eu lieu. Cependant, sur la base de ces phrases, il est impossible de savoir si l’attrait entre les deux personnes existe encore. Le septième couplet se distingue du reste de la chanson en ce qui concerne et la musique et le contenu sémantique. Pour la musique, ce couplet fonctionne comme un interlude, i.e. un passage plus calme entre deux parties souvent vers la fin de la chanson. La batterie accompagne d’une manière plus légère et il y a seulement un battement simple pour maintenir la pulsation. Les autres instruments ont un accompagnement qui consiste en des accords longs et peu rythmés. De plus, le chant n’a pas vraiment une mélodie et les phrases musicales sont plus courtes que celles dans les autres couplets. En outre, ce passage est agogique, c’est-à- dire que l’interprète modifie le tempo selon sa propre interprétation. Ces faits musicaux sont alignés sur le contenu verbal qui a également un ton triste et négatif. L’âge mûr est suivi par des émotions négatives et son arrivée est même décrite comme « une scène d’atrocité ». Les adultes peuvent se sentir insignifiants et vains quand les jeunes remplacent leur place par exemple dans la vie professionnelle :
  • 19. 18 Puis une scène d'atrocité, l'âge moyen,son arrivée // L’ascension trop escarpée, voilà on peut nous effacer Les mots comme effacer et atrocité fonctionnent donc dans ce couplet comme des parties les plus importantes qui créent le paysage mental. Dans le dernier couplet on arrive à la fin de la vie et la vieillesse attend. La métaphore « la vieillesse roule enfin comme une pièce sur le chemin » suggère un sentiment d’acceptation. Personne ne peut pas empêcher ou éviter la vieillesse et enfin la mort, alors, on doit l’accepter. Finalement, après cette vie vécue, l’auteur constate toujours que « la vie est une fête ». L’idée essentielle se cache dans l’énoncé « la vie est une fête » et dans son manière de se combiner avec les couplets. Chaque époque de la vie avec des chagrins et des joies est digne d’être vécue. C’est une vie dont les gens doivent jouir. Dans toutes les deux versions la phrase « la vie est une fête » est interprétée sans ironie et seule avec l’innocence pure. L’auditeur se sent donc sûr que la vie est une belle chose. Le fait que le cours de la vie est présenté tellement directement et les événements énumérés sont suivis d’un slogan sincère à la fin de chaque couplet font naître des émotions également dans l’auditeur. Pour nous, les deux sentiments essentiels derrière cette histoire et de ce slogan sont le bonheur et la gratitude. 4. Conclusion L’expression des émotions en général se passe en plusieurs façons. Selon Plantin (1999 : 2) les trois manières principales pour exprimer des sentiments sont un lieu psychologique, un terme (ou un nom) d’émotion ou un énoncé d’émotion. Nous avons prévu que l’expression des sentiments ne se passe pas aussi simplement et clairement dans les chansons que dans une discussion orale ou écrite. De plus, la constatation de Chatar-Moumni (2013 : 7) que l’expression des émotions se voit dans le lexique aussi bien que dans la morpho-syntaxe a renforcé notre supposition de la difficulté de déceler les émotions dans les paroles des chansons. Après l’analyse du corpus, nous pouvons constater que les émotions sont présentes dans les paroles dans plusieurs dimensions ; sur le niveau lexique ainsi que dans les différentes constructions syntaxiques. Cependant, nous voulons insister sur le fait que, le plus souvent, les émotions se trouvent « entre les lignes ». Il est impossible d’énumérer toutes les émotions trouvées dans le corpus parce que parfois nous observons seulement un paysage mental. Cela
  • 20. 19 veut dire qu’il n’y a pas de mots clairs qui indiquent une émotion mais une ambiance qui suggère un certain état d’âme. Il ressort de là que l’auditeur doit interpréter les paroles. Notons encore que notre étude qui porte sur la manière d’exprimer des émotions dans les trois chansons, n’est pas tout à fait exhaustive. Un aspect important qui manque presque complètement est l’interprétation musicale d’Irina Björklund ; comment elle chante ces chansons et les interprète elle-même. Dans l’avenir, une bonne possibilité pour développer ce sujet serait de tenir compte de l’interprétation de l’artiste par exemple par le biais d’une interview ou d’une étude du côté musical plus précise.
  • 21. 20 BIBLIOGRAPHIE Andreani, Eveline (1972) La musique et les mots. http://www.persee.fr/web/ revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1972_num_2_5_6284 (consultée le 8/2/15) Beaumont-James, Colette (1999) Le français chanté ou la langue enchantée des chansons. L’Harmattan, Paris. Chatar-Moumni, Nizha (2013) « L'expression verbale des émotions : présentation ». Langue française 180. 3–11. Delatour, Y. et al. (2004) Nouvelle Grammaire du Français. Cours de Civilisation Française de la SORBONNE. Hachette Livre, Paris. Galati, Dario & Sini, Barbara (2000) « Les structures sémantiques du lexique français des émotions. » Plantin, Christian, Doury, Marianne & Traverso Véronique (éds) Les émotions dans les interactions. Presses universitaires de Lyon, Lyon. 75–87. Le Grand Robert de la langue française (2001) 2e éd. Tomes 2, 5. Dictionnaire Le Robert – VUEF, Paris. Harkins, Jean & Wierzbicka, Anna (1994) « Language: A key issue in emotion research. » Innovation X : 4. 319–331. http://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/ 13511610.1997.9968537#.VPWVX-F1XK8 (consultée le 3/3/15) Harkins, Jean & Wierzbicka, Anna (2010) « Introduction. » Harkins, Jean & Wierzbicka, Anna (éds) Cognitive Linguistics Research [CLR] : Emotions in Crosslinguistic Perspective. 1–34. http://site.ebrary.com.libproxy.helsinki.fi/lib/helsinki/reader. action?docID=10598260 (consultée le 7/2/15) Lévi-Strauss, Claude (1967–1971) Mythologiques I-IV. Plon, Paris. Plantin, Christian (1999) La construction rhétorique des émotions. http://icar.univ- lyon2.fr/membres/cplantin/publications.htm (consultée le 16/2/15) Plantin, Christian (2003) « Structures verbales de l’émotion parlée et de la parole émue. » J.- M. Colette & A. Tcherkassof (éds) Les émotions. Cognition, langage et développement. Mardaga, Liége. 97–130. Plutchik, R. (1980) Emotion: a psycho-evolutionary synthesis. Harper and Row, New York. Ruwet, Nicolas (1972) Langage, musique, poésie. Éditions de Seuil, Paris. Ruwet, Nicolas (1994) Être ou ne pas être un verbe de sentiment. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1994_ num_103_1_5725 (consultée le 23/2/15) de Schlœzer, Boris (1947) Introduction à J. S. Bach ; essai d’esthétique musicale. s.l. Tarasti, E. (2006) « Musical Semiotics. » Brown, Keith (éd.). The encyclopedia of language & linguistics. Vol 8. (2e éd.) Elsevier Ltd., Oxford. 397–405. Yaguello, Marina (1981) Alice au pays du langage. Pour comprendre la linguistique. Éditions de Seuil, Paris.
  • 22. 21 ANNEXES 1. Pour Laura La version finlandaise : Compositeurs : Mats Hulden, Kauko Röyhkä Paroles : Kauko Röyhkä 2. Ton mariage La version finlandaise : Compositeur et paroles : Knipi 3. La vie est une fête La version finlandaise : Compositeur et paroles : Samuli Putro
  • 23. 22 Pour Laura J’hésite un moment, je prends mon temps Je viens de frapper – je t’attends Laura a-a-a-ah Laura Puis lentement Ton frère me regarde « C’est pour toi, Laura » Je trouve tes parents, je dis bonsoir Laura a-a-a-ah Laura Je perds ma voix Refrain : Quelle chance,quelle chance Quelle chance,quelle chance Je hoche la tête Tu veux savoir, savoir qui je suis Oui t’as raison je suis une inconnue Je traîne dehors, ce matin je t’ai vu Laura a-a-a-ah Laura Dans la rue Normalement, enfin jamais Il ne m’arrive d’être à ce point ensorcelée Laura a-a-a-ah Laura J’ai dû essayer Quelle chance,quelle chance Quelle chance,quelle chance Tu hoches la tête vers ta chambre On rigole, je te suis On fait le clown au lieu de se toucher Les tiens regardent la télé Laura a-a-a-ah Laura Tu es tout à fait Celle dont j’ai rêvé Lauralle Jos nyt en niin en mene ollenkaan. Olen koputtanut - tule avaamaan, Oi Laura, Laura... Ovi aukeaa. Se on veljesi: "Laura, sait vieraita!" Menen sisälle, kättelen vanhemmat. Oi Laura, Laura, Vapisen kuin kuumeessa. Refrain : Onnenpoika, onnenpoika. (2x) Minä sulle nyökkään. Sinä tahdot tietää kuka oon. Niin, minua et sinä huomannut. Olen kadulla aina, ja näin sut, Oi Laura, Laura, Tänä aamuna. En tavallisesti, tai milloinkaan, Ole lumoutunut kuten aamulla. Oi Laura, Laura, Oli pakko uskaltaa. Onnenpoika, onnenpoika. (2x) Sinä katsot pitkään. Sinä naurat. Mennään sun huoneeseen. Me tökitään sormilla, pelleillään. Kotiväkesi katselee teeveetä. Oi Laura, Laura, Olet juuri sellainen Jota olen toivonut. (3x)
  • 24. 23 Ton mariage Vois-tu, je perds mon temps Dans l’église en écoutant Le discours du pasteure et ton serment Mais je rêve Regarde-nous rassemblés Tous en train de témoigner D’une décision que tu vas regretter Quand tu crèves Nous, on est tous au courant Tes copains et tes parents De l’horreur qui t’attend Nous, on est tous au courant Voici ta sœur et sa famille Les moutons noirs de ta dynastie Un cousin tombé dans l’oubli Me raconte qu’il est venu de loin Pour être de la partie Nous, on est tous au courant Tes copains et tes parents De l’horreur qui t’attend Nous, on est tous au courant Des ragots vous concernant De l’horreur qui t’attend Nous, on est tous au courant Et moi qui suis ta meilleure amie Je ressens le devoir de te prévenir Cette fille est une teigne, voilà je l’ai dit Tu es tombé dans un piège Tombé dans une piège Parfaitement construit Häälaulu Tuntuu vähän turhalta istua tässä ja kuunnella pastorin kaunista puhetta kun tietää Että virheistä suurinta Me olemme täällä todistamassa Tätä päätöstä saat vielä katua kauan Kaikkihan sen tietävät sukulaiset ja ystävät tää ei kauaa kestä Kaikkihan sen tietävät On täällä suvun mustalampaita siskon perheen kauhukakaroita joku serkku jota en muista Kertoo matkannensa kaukaa saadakseen olla mukana Kaikkihan sen tietävät sukulaiset ja ystävät tää ei kauaa kestä Kaikkihan sen tietävät Nyt kun juorut leviävät tää ei kauaa kestä kaikkihan sen tietävät Ollaanhan parhaita kavereita koen velvollisuudekseni kertoa Tuo tyttö on mielestäni kamala Olet aivan liian helposti Olet aivan liian helposti johdateltavissa
  • 25. 24 La vie est une fête Sur un lit déformé se mirent leurs hanches à onduler Dans un ruisseau irrégulier, ah la jeunesse et sa beauté Voici ensuite l'enfant ainé, mesure de la prospérité La vie est une fête Une cicatrice sur le genou laisse un seul arrière-goût D'une somptueuse enfance,bonjour l'adolescence Est-ce possible de porter seule cette âme tourmentée La vie est une fête Enfin le baccalauréat,on court les rues trempés de joie On crie "Hello la liberté", ensuite le film nous est coupé Tu poses un premier carton dans ton nouvel appartement La vie est une fête Mon Dieu comme tu es belle, prise par cette passion nouvelle Tu rayonnes bizarrement depuis votre dévouement Deux planètes égarées tellement loin mais retrouvées La vie est une fête La vie est une fête Fini l'université, gâteau de mariage coupé Le riz toujours sur l'escalier, des mois de larmes angoissées Or l'alliance désappointée peut même rouler dans une montée La vie est une fête Sur un lit déformé se mirent leurs hanches à onduler Dans un ruisseau irrégulier, le bonheur peut faire pleurer Le pasteur a baptisé encore une fois l'enfant ainé La vie est une fête La vie est une fête Puis une scène d'atrocité,l'âge moyen, son arrivée L'ascension trop escarpée,voilà on peut nous effacer Les novices bien doués, un contrat terminé La vie est une fête D'un regard reculé, tes petits-enfants portent les traits Résolus et familiers de ton enfance éloignée On ouvre les cadeaux de Noël entre adultes au pluriel La vie est une fête La vieillesse roule enfin comme une pièce sur le chemin Et on nous dit bien que la mort est un marchand qui n'a pas tort Et quand le cran de sûreté libère le souffle dernier La vie est une fête La vie est une fête
  • 26. 25 Elämä on juhla Muhkuraisen sängyn kautta lipui lantioiden lautta Reittiä epätasaista voi nuoren parin onnea Lapsi syntyi vihdoinkin tuo täyttymysten heijastin Elämä on juhla Lapsuus nyt se ainoa kuin naarmu polvitaipeessa Vain puhallus ja pois se on, saapuu nuoruus levoton Kuinka joka solulla voi kannatella kipua Elämä on juhla Valkolakki märkänä kun juoksee kädet ylhäällä Ja huutaa "Helou vapaus!" Niin tähän suoran leikkaus Lasket muuttolaatikon ja naapurusto hahmoton Elämä on juhla Voi luoja kuinka kaunis olet, rakastunut juuri eilen Ihmeellisen hehkuva te kohtasitte kadulla Kaksi eroon joutunutta planeettaa niin kauas mutta Elämä on juhla x2 Opintojen loppusilaus, häät ja suuren kakun leikkaus Riisi kirkonportailla ja kuukausien riitoja Pettymysten kihlarengas vyöryy ylämäkeenkin kas Elämä on juhla Muhkuraisen sängyn kautta lipui lantioiden lautta Reittiä epätasaista voi itkeä myös onnesta Pappi kastoi esikoisen, paremmin nyt laittaa voi en Elämä on juhla x3 Sitten seuraa otos julma Keski-ikään tulokulma näyttää liian jyrkältä Ja sut voi ylipyyhkäistä On tulokkaiden karsina ja sopimukset katkolla Elämä on juhla Katse siirtyy kauemmas Näet lapsen lapses otteissa tuttua päättäväisyyttä On jouluaatto yhdessä Avaat kaksi pakettia ja katsot muita aikuisia Elämä on juhla Nyt vanhuus vierii sillalla kuin kolikko tai tupakka Ja sanotaan et kuolema on kauppamies ja taitava Kun sitten poistuu varmistin pois henkäys viimeisin Elämä on juhla x2