1. Jeudi 2 juillet 2015 71e année No 21914 2,20 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry
Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF,
Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA
Ils disent avoir « fait un travail », ils réclament
leur dû. Un ancien colonel de la Direction géné
rale de la sécurité extérieure (DGSE) reconverti
dans la sécurité privée, JeanMarc Gadoullet, et un
rebelle touareg malien devenu député, Ahmada ag
Bibi, demandent 1,5 million d’euros aux groupes
Areva et Vinci. La somme, selon eux, aurait dû leur
être versée par les entreprises pour la libération,
en 2013, de leurs employés retenus par AlQaida au
Maghreb islamique (AQMI). « Il me manque les deux
tiers de mes engagements », affirme M. Gadoullet,
que Le Monde a rencontré à Paris le 25 juin. Une réu
nion entre les avocats des différentes parties est pré
vue le 9 juillet.
Cet épisode éclaire les luttes intestines qui ont af
fleurédès2011dansledossierdesseptotagesenlevés
en septembre 2010 sur le site de production d’ura
nium d’Arlit, au Niger. Début 2011, au Mali. M.Ga
doullet parle au redouté chef d’AQMI, Abou Zeid, et
récupère avec succès trois premiers otages, dont
Françoise Larribe, avec l’aide des Touareg d’agBibi.
→ LIRE LA SUITE PAGE 5
Statuettes, masques, objets de
culte ou du quotidien... Pas moins
de 330 pièces comptant parmi les
plus remarquables de la statuaire
africaine sont réunies au Musée
du quai Branly, à Paris, où se tient,
jusqu’au 26 juillet, l’exposition
«Les Maîtres de la sculpture, Côte
d’Ivoire». Divisée en six espaces
correspondant aux cultures qui
se côtoient dans l’aire géographi
que ivoirienne, elle permet de
prendre la mesure du talent d’ar
tistes dont on ne connaît pour
tant ni la vie ni le nom.
→ LIRE PAGE 20
NIGER
LES MAUVAIS
COMPTES
DE LA LIBÉRATION
DES OTAGES FRANÇAIS
par nathalie guibert
AuQuaiBranly,
lesmaîtres
delastatuaire
ivoirienne
ARTS
LE REGARD DE PLANTU
FESTIVAL
D’AVIGNON
AVEC LARS EIDINGER,
LE RICHARD III DE
THOMAS OSTERMEIER
→ SUPPLÉMENT
CLIMAT :
LA CHINE SUR
LA BONNE VOIE
→ LIRE PAGES 8 ET 23
AFRIQUE
LA TOURNÉE
DE HOLLANDE POUR
SOIGNER SES ALLIÉS
→ LIRE PAGE 4
NUCLÉAIRE
L’EPR FINLANDAIS
COMPLIQUE
LE RAPPROCHEMENT
ENTRE AREVA ET EDF
→ LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 3
MÉDIAS
JÉRÔME FENOGLIO,
NOUVEAU
DIRECTEUR
DU «MONDE»
→ LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 8
Au siège des Républicains,
à Paris, le mardi 30 juin.
STÉPHANE LAVOUÉ/PASCO POUR «LE MONDE»
NicolasSarkozy:«Ilfautprotéger
lazoneeurodudésastregrec»
▶ Dans un entretien au
«Monde», Nicolas Sarkozy
accuse Alexis Tsipras
d’avoir «suspendu
l’appartenance de
la Grèce à la zone euro»
▶ L’exprésident ne
regrette pas l’intervention
de 2011 contre Kadhafi.
Il reproche à son succes
seur d’avoir laissé tomber
la Libye à l’été 2012
▶ Pour contrer l’afflux de
migrants en Méditerranée,
il propose de «détruire les
bateaux des trafiquants»
et d’armer l’agence
européenne Frontex
▶ Le 30 juin, la Grèce
n’avait pas remboursé
le FMI. Les négociations
se poursuivent
LIRE L’ENTRETIEN P. 2-3, LA CHRONIQUE
P. 23 ET LE CAHIER ÉCO P. 4 À 6
FESTIVAL
D’AVIGNON
SUPPLÉMENT
ACTUELLEMENT
AU CINÉMA
un ilm de BILL POHLAD
LA VIE,
L’AMOUR
ET LE GÉNIE
DE BRIAN WILSON
DES BEACH BOYS
2. 2| international JEUDI 2 JUILLET 2015
0123
«LaGrèceasuspendu,
defait,sonappartenance
à lazoneeuro»
NicolasSarkozydemandeàl’EuropedenepascéderfaceàAthènes.
L’ancienchefdel’Etatrevientsurlasituationinternationale.
Ilaffirmenepasregretter l’interventiondelaFranceenLibyeen2011.
Faceàl’immigrationillégale,ilpréconisel’emploide«laforce»
ENTRETIEN
M
ardi 30 juin, Nicolas
Sarkozy a reçu Le Monde
au siège du parti Les Répu-
blicains. Dans cet entre-
tien, l’ancien président de la République
s’exprime sur la crise grecque, les consé-
quences de l’intervention en Libye déci-
dée sous son quinquennat et la guerre en
Syrie. En matière de politique intérieure,
M. Sarkozy déplore l’insuffisance de l’ac-
tion de l’exécutif contre le terrorisme et
réclame l’adoption « de mesures très pré-
cises que le gouvernement a jusqu’à pré-
sent refusées ».
Aujourd’hui, quelle est la solution
pour sortir de la crise grecque ?
Avec Angela Merkel, nous avons beau-
coup fait pour que la Grèce reste dans
l’euro. Je reste convaincu que, dans cette
aventure extraordinaire de l’euro, l’exclu-
sion d’un pays membre peut avoir des
conséquences d’une gravité que per-
sonne ne peut vraiment appréhender.
Jusqu’au bout, je veux espérer que la rai-
son l’emportera.
Demeure-t-on face à un risque systé-
mique ?
Oui, et qui prendrait le pari contraire ?
Aujourd’hui, la question est davantage de
savoir comment protéger la zone euro du
désastre grec que de simplement proté-
ger la Grèce.
Ces dernières semaines, ce ne sont pas
les données économiques et financières
qui ont changé, mais la situation politi-
que. Jusqu’à l’arrivée de Monsieur Tsi-
pras, nous avions des gouvernements
grecs qui coopéraient plus ou moins effi-
cacement avec leurs partenaires euro-
péens. Depuis, nous avons un gouverne-
ment grec qui refuse toute attitude rai-
sonnable.
C’est un changement de paradigme qui
aconduitlegouvernementgrecàsuspen-
dre de fait, de lui-même, l’appartenance
de la Grèce à la zone euro. Alexis Tsipras
en porte l’entière responsabilité. Qui a
quitté la réunion des ministres des finan-
ces, si ce n’est le ministre des finances
grec ? Qui a refusé toutes les propositions
qui lui ont été faites ? Voilà le premier ré-
sultat d’une politique irresponsable.
Je veux préciser cependant que, par
principe, le recours au référendum est lé-
gitime ; mais la seule question qui ait un
sens est celle pour la Grèce de son appar-
tenance à l’Europe.
Vous trouvez normal que M. Tsipras
appelle à voter « non » ?
Je trouve anormal qu’il appelle à voter
contre les mesures d’une zone euro dont
il souhaite la solidarité, sans en assumer
la responsabilité. Avec ce référendum, il
se met d’ailleurs dans une situation im-
possible.SilesGrecsrépondent« oui »au
planproposéparl’Eurogroupe,M.Tsipras
ne pourra pas rester premier ministre.
Mais s’ils répondent « non » au plan, cela
voudra dire qu’il reviendra avec un man-
dat de négociation encore plus dur. La si-
tuation sera encore plus intenable.
L’Europe ne peut pas céder devant un
gouvernement dans lequel figurent l’ex-
trême gauche et l’extrême droite. Si les 18
s’inclinaient devant M. Tsipras, cela ap-
porterait de l’eau au moulin de tous ceux
qui préfèrent la démagogie et les suren-
chères au projet européen. Donner rai-
son à M. Tsipras reviendrait à déjuger
tous les gouvernements européens qui
ont fait le choix de la raison.
Le ministre grec des finances, Yanis
Varoufakis, évoque un recours en jus-
tice puisque rien n’est prévu pour
faire sortir un pays de la zone euro…
Quand on doit 320 milliards d’euros, il
ne me paraît pas tout à fait habile d’ester
en justice contre des créanciers à qui l’on
demande des délais et des échelonne-
ments de dette ! Cet argent appartient
pour l’essentiel aux contribuables euro-
péens et notamment français. Ils ont le
droit d’être respectés.
Maintenant la question la plus urgente,
c’est de protéger la zone euro, au-delà du
seul cas de la Grèce. Depuis janvier, qu’a-
t-onfait ?Grossomodorien,sicen’estre-
cevoir en grande pompe M. Tsipras en
France, en lui laissant croire qu’il aurait
satisfaction alors qu’on savait bien que ce
ne serait pas le cas.
Depuis janvier, aucune réflexion sé-
rieuse n’a été menée sur la nécessité de
renforcer le gouvernement économique
delazoneeuro.Aujourd’huiilfautconvo-
quer un conseil des 18 chefs d’Etat et de
gouvernement de la zone euro pour pré-
parer le message qu’il va falloir adresser
aux économies du monde entier afin de
protéger la stabilité de la zone euro et de
faire en sorte que les marchés n’atta-
quent pas un prochain maillon faible.
Les décisions prises ne suffisent pas ?
Quellesdécisions ?MiseàpartlaBanque
centrale européenne (BCE), les seules qui
ont été prises visaient à gagner du temps.
Aujourd’hui, nous n’avons plus de temps,
il faut agir en élisant un président du gou-
vernementéconomiqueeuropéendontla
mission sera d’harmoniser les économies
européennes, en désignant un secrétaire
général qui soit le directeur du Trésor
européen, en transformant le mécanisme
européen de stabilité en fonds monétaire
européen capable de prendre des initiati-
ves par lui-même, car il est un peu déso-
lant de voir l’Europe à la traîne du FMI.
Y a-t-il des risques pour l’économie
française ?
Qui peut penser qu’il n’y a pas de risque
pour l’économie française déjà fragilisée
par une politique économique et fiscale à
contre-courant de ce qui se fait partout
en Europe ? La dernière chose dont l’éco-
nomie française ait besoin, c’est un sur-
croît d’instabilité dans la zone euro !
François Hollande l’a dit…
Le seul pronostic isolé de M. Hollande
n’est pas de nature à rassurer les observa-
teurs de la zone euro. Pour l’instant, la si-
tuation tient car les banques grecques
ont été fermées, la circulation des capi-
taux a été arrêtée et la BCE a décidé de
soutenir les banques grecques. Tout ceci
est très précaire. Comment penser que la
BCE va continuer si les Grecs répondent
« non » au référendum ?
Sur la question migratoire, qui con-
cerne aussi la Grèce, peut-on progres-
ser dans l’intégration ?
J’aimeraistantqu’ilsoitpossibledepar-
ler de l’immigration de façon objective,
apaisée, en tenant compte des réalités et
non des postures. L’immigration est l’un
des problèmes les plus complexes et les
plus brûlants pour l’Europe. Dans trente
ans, l’Afrique sera passée de 1 milliard à
2,3 milliards d’habitants. L’explosion dé-
mographique africaine pose les condi-
tions d’une pression migratoire insoute-
nable. Quant à la vague migratoire Est-
Ouestquipasseparlafrontièregréco-tur-
que, la situation n’est guère plus
rassurante.
Sur cette question aussi, le rôle de la
Grèce est majeur. Comme vous le voyez,
jenepartagepasl’avisdeM.Hollandesur
l’idée que la crise grecque serait sans con-
séquence pour l’Europe.
Faut-il des quotas pour l’asile ?
L’Europe est fondée sur la solidarité.
Mais la solidarité sans politique com-
mune conduit à faire un gigantesque ap-
peld’air,sanslimites,etaufinalàaugmen-
ter les quotas année après année. C’est
pourquoi j’ai refusé cette proposition.
Faut-il employer la force contre l’im-
migration illégale ?
Il faut employer la force face aux ré-
seaux de trafiquants qui ne sont ni plus
ni moins que les nouveaux esclavagistes.
Ilfautdétruireleursbateaux,lespunirsé-
vèrement et pour cela doter l’agence
européenne Frontex de capacités opéra-
tionnelles, y compris militaires.
L’intervention militaire française en
Libye en 2011 a-t-elle aggravé la crise ?
L’immigration n’a pas commencé avec
la chute de Mouammar Kadhafi. Est-ce
que je regrette cette intervention ? La ré-
ponse est non. Qui d’ailleurs pourrait re-
gretter la présence de M. Kadhafi à la tête
de la Libye, un dictateur parmi les plus
cruels que cette région ait connus ?
On ne regrette pas de ne plus le voir
dans les jardins de l’Elysée.
Puis-je vous demander un peu de
bonne foi ? Vous savez bien que cette vi-
site était une condition mise à la libéra-
tion d’un médecin palestinien et d’infir-
mières bulgares qui ont été violées, bat-
tues et torturées pendant huit ans dans
les geôles de Monsieur Kadhafi. Peut-on
me reprocher d’avoir tout fait pour les li-
bérer ?
Mais les conséquences ne sont-elles
pas très lourdes ?
Avec David Cameron, nous avions orga-
nisé une coalition de 54 pays, dont des
pays membres de la Ligue arabe. Ensuite,
nous avions créé les conditions politi-
ques pour que les modérés libyens puis-
sentassurerlepouvoir.Etc’estcequis’est
produit au mois de juillet 2012, puisque
les premières élections législatives libres
en Libye ont connu 60 % de participation
et la victoire des modérés. En juillet 2012,
quand je quitte le pouvoir, la Libye est li-
bérée et les modérés sont au pouvoir. A
partir de ce moment et, de façon incom-
préhensible, la communauté internatio-
nale,ycomprislaFrance,s’estdésintéres-
séedelasituationetlechaoss’estinstallé.
Les Américains vous ont pourtant re-
proché cette intervention ?
Où avez-vous vu cela ? Et d’ailleurs, en
matière de politique arabe, nos amis
Nicolas Sarkozy,
au siège du parti
Les Républicains, à
Paris, mardi 30 juin.
STÉPHANE LAVOUÉ/PASCO
POUR «LE MONDE»
« J’aimerais tant qu’il
soit possible de parler
de l’immigration
de façon objective.
L’immigration est
l’un des problèmes
les plus complexes
et les plus brûlants
pour l’Europe »
« Depuis l’arrivée
de M. Tsipras,
nous avons un
gouvernement grec
qui refuse toute
attitude raisonnable »
3. 0123
JEUDI 2 JUILLET 2015 international | 3
américains ne sont pas vraiment en si
tuation de donner des leçons. J’ai tou-
jours assumé mon amitié pour les Etats-
Unis, mais j’ai toujours refusé de
me soumettre à quelque instruction de
leur part.
Comment faire évoluer la situation en
Syrie ?
En 2013, il y a eu une dramatique recu-
lade lorsque Bachar Al-Assad a utilisé les
armes chimiques. Une ligne rouge a été
franchie et personne n’a bougé. Le refus
d’intervenir à cette époque a conduit au
maintiend’undictateur,BacharAl-Assad,
à la prise de la moitié du pays par les bar-
baresdeDaechainsiqu’àlaquasi-dispari-
tion de l’opposition démocratique sy-
rienne. Aujourd’hui, il existe bien une
coalition internationale, mais quelle est
sa stratégie ? Qui la dirige ? Quelle est sa
volonté ? Nous assistons à une effarante
crise de leadership. Quand on décide de
faire la guerre à Daech, c’est pour la ga-
gner. Aujourd’hui, force est de constater
que l’on ne s’en donne pas les moyens.
Faut-il dialoguer avec Bachar Al-As-
sad ?
Il faut discuter avec Bachar Al-Assad
d’un seul sujet : les conditions de son dé-
part. Par ailleurs, je ne voudrais pas que
l’onrecommenceaveclaSyriel’erreurqui
a été commise avec l’Irak quand la com-
munauté internationale a refusé de réin-
tégrer les soutiens de Saddam Hussein. Il
faudraunjourdialogueretréintégrercer-
tains dirigeants du parti Baas.
Faut-il envoyer des soldats au sol ?
A partir du moment où on l’on a pris la
bonnedécisiondefairelaguerreàDaech,
ilfauts’endonnertouslesmoyensetme-
ner un combat sans merci. Si des experts
au sol sont nécessaires pour renforcer
l’efficacité des frappes aériennes, nous
aurions bien tort de ne pas le faire.
L’Arabie saoudite, le Qatar, les Etats-
Unis… Est-ce une bonne coalition ou
faut-il revoir son périmètre ?
Dans cette guerre, il est important
d’avoir d’autres pays arabes à nos côtés
pour ne pas donner le sentiment de pro-
céder à une revanche de l’Occident sur
l’Orient. Pour autant, nous n’avons pas à
choisir entre les sunnites et les chiites.
La position centrale de la France, c’est
de parler à tout le monde et pas seule-
ment à un camp.
M. Poutine est quelqu’un avec qui on
doit et on peut négocier.
François Hollande a-t-il eu raison de
reporter la livraison par la France de
navires de guerre Mistral à la Rus-
sie ?
Il ne fallait pas se mettre dans cette
impasse en laissant dériver les choses
ainsi. Encore une fois, pourquoi avoir
attendu un an pour discuter ? Il fallait
exercer une double pression. D’un
côté, empêcher le gouvernement
ukrainien de retirer le statut de langue
officielle au russe dans un pays où 30 %
de la population est russophone. De
l’autre, arrêter M. Poutine dès le départ
pouréviterla crise de Donetsk. La ques-
tion du Mistral ne se serait pas posée. Il
aurait été livré, ce qui aurait donné du
travail à nos ouvriers et évité une
charge supplémentaire pour le contri-
buable français.
Comment réagissez-vous à l’espion-
nage par la NSA dont vous avez été la
cible ?
C’est inacceptable. Je me doutais qu’il
y avait des écoutes mais je n’imaginais
pas qu’elles pouvaient viser des respon-
sables politiques personnellement.
Avec le recul, je me demande qui ne
m’écoutait pas…
La réaction de Barack Obama a-t-elle
été à la hauteur ?
Quelle réaction a-t-il eue ? p
prospos recueillis par
matthieu goar, nathalie guibert,
alexandre lemarié
et arnaud leparmentier
Daech et régler le drame syrien. Cela n’a
pas de sens. Je m’interroge toujours sur la
question de savoir pourquoi il a fallu at-
tendre un an pour discuter avec M. Pou-
tine.J’étaisallévoirM.PoutineetM.Med-
vedev au bout de quatre jours pour régler
le conflit en Géorgie. Quels que soient les
désaccords que l’on peut avoir avec lui,
Quelle attitude avoir vis-à-vis de la
Russie ?
On peut exprimer un désaccord sur la
manière dont Vladimir Poutine s’est
comporté sur l’Ukraine. Mais pour
autant,onnedoitpascréerlesconditions
d’unenouvelleguerrefroidealorsqu’ona
tantbesoindelaRussiepourluttercontre
«Quels que soient
les désaccords
que l’on peut avoir
avec lui, M. Poutine
est quelqu’un
avec qui on doit
et on peut négocier»
«En2017,l’oppositiondoitavoirunseulcandidat»
ENTRETIEN
Faut-il s’habituer à subir des atten-
tats en France ?
S’habituer, en aucun cas. S’y préparer,
oui. La question n’est pas de savoir s’il y
aura d’autres attentats en France mais
quand.Nousavonsunennemidel’exté-
rieur, Daech, à qui il faut faire une
guerre sans merci, et un ennemi de l’in-
térieur, qui s’est radicalisé et a fait beau-
coup d’émules. Rien que l’année der-
nière, le nombre de Français qui ont
choisi le djihad a été multiplié par trois.
Nous devons adapter notre riposte à
cette nouvelle réalité.
Le gouvernement a-t-il pris la me-
sure de la menace terroriste depuis
les attentats de janvier ?
Non, ou en tout cas pas suffisamment
car il y a encore des mesures très préci-
ses à adopter que le gouvernement a
jusqu’à présent refusées : la consulta-
tiondesitesdjihadistesdoitêtresévère-
mentréprimée ;lesFrançaispartisfaire
le djihad doivent être mis en prison à
leur retour et envoyés à leur sortie dans
descentresdedéradicalisation.Quantà
ceux qui disposent de la double natio-
nalité, ils ne doivent pas pouvoir reve-
nir en France. Les Républicains deman-
dent enfin que soient rétablies sans tar-
der les heures supplémentaires dans la
police pour donner immédiatement de
nouveaux moyens à nos services de
renseignement.
Faut-il fermer les mosquées salafis-
tes ?
Il faut passer à la vitesse supérieure
quant à l’habilitation des imams, en fai-
sant en sorte qu’elles soient proposées
par le Conseil français du culte musul-
man au ministère de l’intérieur et reti-
rées à la première dérive. Et, naturelle-
ment, les mosquées dans lesquelles il y
a des prêches radicaux doivent être fer-
mées sans délai. La situation s’est telle-
ment dégradée que la République n’a
plus le choix. Il faut agir avec fermeté.
Pourquoi avoir décidé de consacrer
le premier débat de votre parti à la
question de l’islam ?
La mainmise de la pensée unique est
quelque chose de très préoccupant.
Qui peut croire que l’on peut résoudre
les problèmes sans en parler ? Et qui
peut affirmer que la question de l’is-
lam, de sa place dans la société fran-
çaise, des limites que la République
doit poser, ne constitue pour tous nos
compatriotes un sujet de préoccupa-
tion majeur ? Pour les musulmans,
parce qu’ils ne supportent plus l’amal-
game, pour les autres, parce qu’ils sont
attachés à un mode de vie qu’ils ne
veulent pas voir disparaître.
Vous réjouissez-vous d’entendre Ma-
nuel Valls reprendre le terme de
« guerre de civilisation » que vous
aviez utilisé ?
Il faut toujours être indulgent avec les
convertis de la dernière heure ! Ce n’est
pas une guerre de civilisations, car
Daechn’enestpasune,maisuneguerre
à la civilisation.
Comprenez-vous les inquiétudes
d’Alain Juppé sur l’organisation de la
primaire pour la présidentielle de
2017 ?
La primaire aura lieu. Personne ne
peut en douter. Je suis convaincu que
les inquiétudes vont se dissiper.
Quel est, selon vous, le nombre de
participants nécessaires pour une
primaire réussie ?
Plus il y aura de votants, mieux cela
sera. Et je suis certain qu’ils viendront
de tous les horizons de la droite et du
centre. Toute l’opposition doit se mobi-
liseretêtreconcernéeparl’ambitionde
serassemblerautourd’unseulcandidat
à la présidentielle.
Quelle sera la thématique de 2017 ?
Il est bien prématuré de le dire. Avant
la présidentielle, il y aura les régiona-
les. Chaque chose en son temps.
En 2017, l’exigence de vérité sera plus
forte que jamais.
Pourquoi attendre 2016 pour présen-
ter votre projet d’alternance ?
Nous avons besoin de prendre du
temps, de réfléchir, de faire un travail
sérieux. Les sujets sont tellement com-
plexes. Il y a des débats qui ne peuvent
plus être éludés. Il en va de la confiance
des Français dans la politique. Et sur-
tout, nous devrons veiller à ce que tout
ce que nous dirons puisse être scrupu-
leusement mis en œuvre. Enfin,
le temps des catalogues de proposi-
tions est révolu. Il faut une vision et
des priorités.
Votre mise en examen dans l’affaire
des écoutes peut-elle vous empêcher
d’être candidat en 2017 ?
Dans les valeurs du journal Le Monde,
ilyalerespectdelapersonne,l’attache-
ment aux droits de l’homme et à la pré-
somption d’innocence, pourquoi avez-
vous tant de mal à appliquer ces princi-
pes quand vous parlez de moi ? Est-ce
quel’affaireBettencourtn’apasservide
leçon ? Eric Woerth et moi avons été in-
sultés en pleine campagne présiden-
tielle à cause de cette procédure judi-
ciaire. A l’arrivée, j’ai eu un non-lieu et
M. Woerth a été relaxé. Pourtant, com-
bien de « unes » du Monde évoquaient
notre culpabilité ? Qu’au moins tout
ceci nous serve de leçons. p
propos recueillis par
m. gr, n. g., al. le. et ar. le.
4. 4| international JEUDI 2 JUILLET 2015
0123
Hollandeaapprisàsoignersesalliésafricains
Leprésidentfrançaisentame,mercredi1er juillet,unetournéeauBénin,enAngolaetauCameroun
C’
est un pur hasard du
calendrier. Eminent
protagoniste de
l’« Angolagate »,
CharlesPasqua,quiavaitétérelaxé
enappelen2011danscedossierde
ventes d’armes, est mort, lundi 29
juin,àquarante-huitheuresdudé-
placement de François Hollande
en Angola, justement, ainsi qu’au
Bénin et au Cameroun. Avec cette
figure historique du RPR, c’est la
Françafrique à la mode gaulliste –
avec ses réseaux parallèles et ses
ingérences brutales dans les an-
ciennes colonies françaises – qui
est symboliquement enterrée.
Cinquante ans après les indé-
pendances, les générations et les
méthodes se sont renouvelées.
Mais les liens historiques de la
France avec le continent noir font
toujours de leurs relations un do-
maine diplomatique à part. Fran-
çois Hollande, qui se voulait un
« président normal » aussi sur ce
terrain, en a fait peu à peu l’ap-
prentissage, contraint par les né-
cessitésduterraind’infléchirsali-
gne initiale.
A son arrivée aux affaires
en 2012, il avait fait la leçon aux
présidents africains qui malme-
naient les règles démocratiques.
Depuis, le chef de l’Etat a déve-
loppé les qualités d’équilibriste
que sa fonction exige pour préser-
ver les intérêts diplomatiques,
économiques et militaires fran-
çais. Dans ce périple africain « ex-
press » du 1er au 3 juillet, il rencon-
trera donc le président camerou-
nais, Paul Biya (82 ans), et son ho-
mologue angolais, José Eduardo
dos Santos (72 ans), deux doyens
parmi les dirigeants de la planète,
avec respectivement trente-deux
ettrente-cinqannéesderègne.Les
deux hommes affichent un triste
bilan démocratique et de gouver-
nance. Mais l’Angola, producteur
majeur de pétrole, est un poids
lourd économique que la France a
trop longtemps négligé. Quant au
Cameroun, c’est un allié dans la
lutte contre les islamistes de Boko
Haram.Ilajouéégalementunrôle
déterminant dans la libération,
ces dernières années, d’otages
français détenus dans la région.
« Message politique »
Chaque étape du déplacement
présidentiel sera d’ailleurs adap-
tée au degré de respectabilité dé-
mocratique du pays hôte. Le prési-
dent béninois, Thomas Boni Yayi,
l’un des bons élèves de la transi-
tion démocratique africaine, si ce
n’est sa gouvernance entachée de
scandales de corruption, se verra
distingué. « Le Bénin est le seul
pays où le président va prononcer
undiscours[jeudi]devantlesparle-
mentairesetlesforcesvives.Cen’est
pas un hasard », souligne l’Elysée.
« Le président béninois vient d’an-
noncer qu’il respecterait la Consti-
tution [qui lui interdit de briguer
un troisième mandat] et l’opposi-
tion démocratique a emporté les
dernières législatives. Le choix du
Bénin est un message politique »,
ajoute-t-on à la présidence.
Au Cameroun, François Hol-
landeaprévuderencontrerdesre-
présentants d’ONG et d’associa-
tions de défense des droits de
l’homme, mais aussi d’évoquer di-
rectement avec Paul Biya « l’en-
sembledessujetsconcernantlajus-
tice camerounaise ». Ce sera no-
tamment le cas de l’avocate fran-
co-camerounaise Lydienne Yen-
Eyoum, condamnée à vingt-
cinq ans de prison pour
détournementdefonds.« Leprési-
dent fera valoir que c’est une peine
choquante pour la France et les
Français, une peine énorme pour
unemalversationfinancière.Ilsou-
lignera la nécessité d’un geste hu-
manitaire en sa faveur », explique
un conseiller. De telles prises de
position, le chef de l’Etat n’avait
pas jugé bon de les endosser si fer-
mement lors de ses récentes visi-
tes à Riyad, La Havane, Alger ou
N’Djamena.
LecasduTchadillustred’ailleurs
les tâtonnements et les limites de
ladiplomatieafricainedeFrançois
Hollande. « Depuis l’engagement
tchadien aux côtés des Français au
Malien2013,puis,cetteannée,con-
tre les Nigérians de Boko Haram,
Idriss Déby [le président tchadien]
est intouchable. Pour les Français
comme pour les chefs d’Etat de la
région, d’ailleurs », explique un di-
rigeant d’un pays voisin du Tchad.
« On peut le comprendre, mais ce
n’estpasuneraisonpourdétourner
lesyeuxsurlesabusdurégimemili-
taro-civildu“soldat”Déby »,ajoute
cette source. Elle critique notam-
ment l’absence d’initiative fran-
çaise dans le dossier de l’opposant
Ibni Oumar Saleh, disparu
en 2008, au lendemain d’une in-
tervention militaire française qui
venait de sauver la tête du prési-
dent tchadien menacé par une
énième rébellion.
Intérêt modéré du Quai d’Orsay
A son arrivée à l’Elysée, François
Hollande connaissait mal le con-
tinent, hormis quelques relations
personnelles tissées dans le cadre
de l’Internationale socialiste, du
temps où il était premier secré-
taire.« Iln’apasdevisionduconti-
nent, ni de politique africaine, seu-
lement du coup par coup », tran-
che sévèrement Roland Marchal,
spécialiste de l’Afrique au Centre
de recherches internationales de
Sciences Po. « Notamment parce
que, sous Hollande, l’appareil di-
plomatique a continué de s’affai-
blir », ajoute-t-il.
A l’Elysée, la « cellule Afrique »
avait déjà disparu au temps de Ni-
colas Sarkozy. « Mais les con-
seillers diplomatiques pour cette
partie du monde parlent surtout
droits de l’homme et bonne gou-
vernance », glisse un diplomate
africain. Le ministère de la coopé-
ration, devenu un ministère du
développement et initialement
confiéàl’écologistePascalCanfin,
n’a plus la main. Le ministre des
affaires étrangères, Laurent Fa-
bius, ne s’intéresse que modéré-
ment à ce continent.
Au fil des interventions armées
(« Serval » au Mali, « Sangaris »
en Centrafrique) et de la place
croissante occupée par la lutte
contre le terrorisme au Sahel
(opération « Barkhane » basée à
N’Djamena), ce sont les militaires
français qui ont repris du poids
sur les dossiers africains. Le mi-
nistre de la défense, Jean-Yves Le
Drian, un proche du président, y a
effectué un nombre incalculable
de visites. Pour l’anecdote, le très
politique directeur de cabinet du
ministre,CédricLewandowski,est
surnommé « Foccardowski », en
référence à Jacques Foccart, tout-
puissant « Monsieur Afrique »
des présidents français après les
indépendances.Ilestcertainesré-
férences, en matière de relations
franco-africaines, qui s’effacent
difficilement. p
christophe châtelot
et david revault d’allonnes
François Hollande s’entretient avec le président béninois, Thomas Boni Yayi, le 9 juin, à l’Elysée. THIBAULT CAMUS/AP
LaChinetendlamainàlaFrancepouraffermirsaprésenceenAfrique
pékin - correspondant
La France entend participer
à la spectaculaire expan-
sion de la Chine hors de ses
frontières – en Asie, mais surtout
en Afrique. Une initiative qui a
fait l’objet, mardi 30 juin, d’une
déclaration conjointe de coopéra-
tion dans les pays tiers, lors de la
visite du premier ministre chi-
nois, Li Keqiang, à Paris. Fort de
ses liens culturels, politiques et
économiques avec le continent
africain, Paris souhaite y favoriser
les complémentarités avec la
Chine – au lieu de se retrouver en
concurrence frontale avec un ac-
teur qui y est devenu majeur.
Les engagements de la Chine en
Afrique sont passés de 5 milliards
de dollars (4,5 milliards d’euros)
en 2006, lors du troisième som-
met du Forum de coopération
sino-africaine (Forum on China-
Africa Cooperation ; Focac) – qui,
touslestroisans,joueunrôlecen-
tral dans les initiatives chinoises
en Afrique – à 10 milliards de dol-
lars en 2009, puis 20 milliards
en 2012, auxquels s’ajoute une li-
gne de crédit de 10 milliards de
dollars en 2013, année de la pre-
mière tournée du président Xi
Jinping sur le continent africain.
Défi sécuritaire
« La Chine est capable de proposer
des montages financiers qui per-
mettent de vendre des infrastruc-
tures à des prix abordables, l’idée
estpourlaFrancedesepositionner
avec son savoir-faire et ses techno-
logies », explique-t-on de source
diplomatique française. Outre
l’objectif économique, la France
metenavantsonrôlemodérateur
auprès des Chinois en termes de
responsabilité sociale. « La Chine
projette à l’extérieur ses capacités
financières et aussi ses surcapaci-
tés. Il s’agit d’essayer de trouver des
principes de gouvernance avec les-
quels travailler, de faire en sorte de
ne pas aggraver la dette de ces
pays », poursuit le diplomate.
Dans les faits, certains groupes
français se positionnent déjà
auprès d’acteurs chinois, comme
Alstom – ou du moins sa filiale
chinoise, Alstom Hydro China –
qui va équiper en turbines le bar-
rage de Karuma, en Ouganda,
construit par le géant chinois Si-
nohydro. Dans les hydrocarbures,
Total travaille depuis plusieurs
années avec les pétroliers chinois.
Enfin, les groupes chinois recou-
rent naturellement à des presta-
taires de service français dans les
pays francophones.
D’une posture de champion du
tiers-monde non aligné, volon-
tiers anticolonialiste, la Républi-
quepopulaireestdevenueuncon-
sommateur vorace de matières
premières. La Chine a ainsi ab-
sorbé la moitié des exportations
du Congo-Brazzaville en 2013,
45%decellesdel’Angolaet35%de
celles de la Zambie. Elle est désor-
mais un grand pourvoyeur d’in-
frastructures, accumulant les
grandschantiersdansletransport
etl’énergie,commeleréseauferré
de 9 milliards de dollars récem-
ment accordé par la Tanzanie à un
consortium chinois. La Chine est
aussi confrontée à un défi sécuri-
taireenraisondelaprésencemas-
sive de ressortissants chinois en
Afrique(entre1et2millions),aux-
quels il faut pouvoir venir en aide
en cas de troubles.
Cette approche reste relative-
ment nouvelle pour la France,
maisaussipourlaChine.« Semet-
tre avec l’ancienne puissance colo-
niale, c’est un peu une révolution
pour les Chinois, qui sont dans le
discours Sud-Sud de lutter contre
les hégémonies », explique un
autre diplomate français à Pékin.
LaChineaprisconscience,récem-
ment, des limites de son modèle
d’expansion en Afrique et de la
nécessité de l’ajuster.
Problèmes d’image en Afrique
« L’approche chinoise a longtemps
été de ne pas se faire prendre au
piège du discours traditionnel des
donateurs occidentaux et de leur
système, pour éviter que ses inves-
tissements soient exploités politi-
quement. Mais la Chine a aussi été
confrontée à de gros problèmes
d’image en Afrique, et de manque
d’expérience dans des domaines
où l’Occident peut l’aider », ana-
lyse la chercheuse Yun Sun, spé-
cialiste des relations entre la
Chine, l’Asie et l’Afrique au Stim-
son Center de Washington.
« Dans cette optique, explique-t-
elle, la Chine considère que tra-
vailler avec la France en Afrique de
manière sélective peut l’aider, et
non l’affaiblir. »
Cette évolution de l’approche
chinoise date de l’arrivée au pou-
voir de la nouvelle équipe diri-
geante en 2013, qui privilégie les
projetsd’infrastructures,enparti-
culier de transport, au détriment
d’une vision longtemps « mer-
cantile », due à « la priorité don-
néeparlaChineauxressourcesna-
turelles », écrit Mme Sun dans un
articlerécentsurleprochainsom-
met Focac, prévu à l’automne. Il
faut s’attendre à voir se manifes-
ter,lorsdecesommet,une« dévo-
tion nouvelle des Chinois pour des
thèmes comme le développement
agricole, l’industrialisation, la for-
mation ou encore les transferts de
technologie », annonce Mme Yun.
Cet ajustement répond, pour la
Chine, à sa quête d’influence poli-
tique qui concerne désormais la
planète entière. La Chine de Xi
Jinping est déterminée à se posi-
tionner en puissance globale. p
brice pedroletti
«Pékin considère
que de travailler
avec la France
en Afrique de
manière sélective
peut l’aider,
et non l’affaiblir»
YUN SUN
chercheuse
Deux soldats français soupçonnés
d’actes pédophiles au Burkina
Le parquet de Paris a confirmé l’ouverture, mardi 30 juin, d’une en-
quête préliminaire sur des soupçons « d’actes à connotation
sexuelle » sur mineur par deux soldats français en mission au Bur-
kina Faso. L’enquête a été confiée au commandement de la gen-
darmerie prévôtale. Les deux militaires ont été suspendus. La vic-
time est « une mineure de 5 ans environ dont le père est burkinabé
et la mère française », a précisé une source burkinabée, ajoutant
que « les deux soldats sont des amis de la famille », chez qui ils ont
« oublié la caméra » sur laquelle ils avaient enregistré leurs méfaits.
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vraiment la Grèce
JUILLET 2015
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5. 0123
JEUDI 2 JUILLET 2015 international | 5
Lesmauvaiscomptesdelalibération
desotagesfrançaisauNiger
Unex-négociateuretsescontactstouaregréclamentplusieursmillionsd’eurosàArevaetàVinci
suite de la première page
Mais en 2013, il est officiellement
sorti de la négociation pour la li-
bération des quatre derniers ota-
ges français. François Hollande, le
4 juillet, réunit les familles à l’Ely-
sée pour leur annoncer qu’après
des mois infructueux, une nou-
velle filière va travailler à leur li-
bération. Celle-ci est menée par
Pierre-Antoine Lorenzi, président
de la société de sécurité privée
Amarante, proche de Cédric
Lewandowski, le directeur de ca-
binet du ministre de la défense. Il
travaille avec le Nigérien Moha-
med Akotey, conseiller du prési-
dent Mahamadou Issoufou, et Li-
mam Chafi, conseiller du prési-
dent burkinabé Blaise Compaoré.
Cette équipe s’attribue la libéra-
tion de Thierry Dol, Marc Feret,
Daniel Larribe et Pierre Legrand, le
29 octobre 2013. « Ça faisait deux
ans qu’ils n’y arrivaient pas. En no-
vembre 2012, on me demande, à
moi, l’ancien de la DGSE, si je peux
m’en occuper. Je peux. On me dit
“go !”, je fais », a raconté M. Lo-
renzi en novembre 2013 au
Monde. Au grand dam de la DGSE,
qui jugera M. Lorenzi « parasi-
taire ». Une forte rançon a été ver-
sée, des intermédiaires payés.
Le 25 septembre 2012, M. Ga-
doullet avait vu son mandat re-
nouvelé par les employeurs des
otages. On lit dans l’attestation
qu’il a montrée au Monde : « Je
soussigné Luc Oursel, président du
directoire d’Areva, atteste que
MM. Jean-Marc Gadoullet et Ah-
mada ag-Bibi sont aujourd’hui les
seules personnes habilitées à né-
gocier au nom du groupe Areva la
libération de Daniel Larribe, sala-
rié du groupe Areva et de ses trois
camarades, salariés du groupe
Vinci. » Le principe de sécurité
fondamental exige pourtant qu’il
n’y ait jamais deux filières de né-
gociation pour une même affaire.
« Le contrat de Gadoullet a conti-
nué à courir après la réunion du
4 juillet 2013 à l’Elysée, il n’a pas été
dénoncé », insiste une source pro-
che du dossier. Les entreprises es-
timent à l’inverse que les contrats
sont devenus caducs.
L’homme, un ancien du service
action, a monté son entreprise,
Opérations et organisations spé-
ciales,OPOS,ettravailleàl’époque
sur la sûreté des chantiers de la fi-
liale de Vinci, Satom, au Mali et au
Niger. En 2010, informé immédia-
tement du rapt, il propose à Vinci
d’approcher les ravisseurs. En dé-
cembre, mandaté par le patron du
groupe de construction, Xavier
Huillard, et avec le feu vert de la
DGSE, il commence à discuter
avec Abou Zeid de la libération de
Françoise Larribe, l’épouse de Da-
niel, un cadre d’Areva enlevé avec
elle, du Malgache Jean-Claude
Rakotoarilalao et du Togolais Alex
Kodjo Ahonado, salariés de Sa-
tom. En février 2011, l’opération
est un succès, la rançon versée.
Pour ce premier contrat, M. Ga-
doullet est payé comme convenu
1 million d’euros. Les hommes qui
l’ont aidé autour d’ag-Bibi, lieute-
nant du chef du groupe armé An-
sar Eddine, Iyad ag-Ghali, aussi :
500 000 euros pour les Touareg.
Mais l’ancien militaire a exfiltré
les otages via Niamey, au Niger, et
ses ennuis commencent. A Ba-
mako, un homme est venu juste
après le rapt voir le président ma-
lien, Amadou Toumani Touré,
« ATT », pour parler des otages.
Guy Delbrel, le conseiller Afrique
duPDGd’AirFranceJean-CyrilSpi-
netta qui préside également le
conseil de surveillance d’Areva, a
lui aussi des contacts avec ag-Bibi,
avec qui il évoque le prix des ota-
ges. M. Gadoullet le soupçonne
d’avoir voulu prendre la négocia-
tion. M. Delbrel assure qu’il avait
pour seule mission d’établir des
preuves de vie et qu’il a dès no-
vembre 2010 lâché le dossier.
M. Gadoullet poursuit les dis-
cussions pour les autres otages
en 2011. « En octobre, les Touareg
me disent qu’Abou Zeid est d’ac-
cord. » La DGSE lui donne de nou-
veau le feu vert pour aller les
chercher. Pourtant, la presse fran-
çaise publie une série d’articles
peu à son avantage. « Une campa-
gne », conviennent aujourd’hui
les sources informées. En novem-
bre, sur la route menant vers le
camp d’AQMI, l’homme est atta-
qué et grièvement blessé. Il est de
plus en plus convaincu qu’on lui
« savonne la planche ». Rapatrié
le 25 novembre à l’hôpital mili-
taire de Percy, où il passe un mois,
il reçoit de nombreuses visites :
les PDG d’Areva et de Vinci, leurs
directeurs de la sécurité, le PDG
d’Air France, la DGSE.
M. Gadoullet assure qu’en
avril 2012, il obtient par écrit
d’Abou Zeid les termes de la négo-
ciation pour Marc Féret et qu’un
accord est acquis pour les quatre
otages. Mais l’élection présiden-
tielle arrive. « Nous n’avons pas eu
le feu vert pour monter vers le
nord. » Le « go » suivant arrive
l’avant-dernier jour de l’année,
une fenêtre de dix jours s’ouvre,
alors que la France se prépare à
frapper au Mali. « Je n’avais pas
envie de me prendre une bombe
par erreur », dit-il. « J’ai mis des
conditions, des engagements
d’être payé avant de partir, être ac-
compagné d’un officier supérieur.
Ce point a été refusé. »
«Filière nigérienne»
Début 2013, tout était de nouveau
prêt, affirme-t-il, les avions fran-
çais pouvaient se poser à Tom-
bouctou prendre les otages. Abou
Zeid sera tué en février par l’ar-
mée française au début de l’opé-
ration « Serval » et remplacé.
Du côté de l’exécutif, « on avait
le sentiment que Gadoullet ne vou-
lait plus monter au nord car la si-
tuation avait changé, et les choses
n’avançaient pas ». Le ministère
de la défense pousse la solution
organisée avec la présidence du
Niger. Au printemps, « le feu vert
estdonnépourlafilièrenigérienne.
La DGSE nous dit qu’elle est “clean”
avec Gadoullet, et pour nous, alors,
il n’y a bien qu’une seule filière »,
raconte une source gouverne-
mentale. A Bamako, le président
Ibrahim Boubacar Keita a rem-
placé ATT. Des échanges de pri-
sonniers entrent dans la discus-
sion avec AQMI. « Les termes de la
négociation changent. Gadoullet
et ag-Bibi ne sont plus dans le pay-
sage », poursuit cette source.
Alliade, un émissaire d’ag-Bibi
que Le Monde a rencontré à Paris
le 25 juin, explique avoir remis
« en novembre 2012 au patron de
Vinci le papier d’Abou Zeid » scel-
lant la libération contre une ran-
çon acceptée des deux côtés. En
mars 2013, le successeur d’Abou
Zeid, Yahia Abou El Hamam, était
selon lui d’accord à son tour, « on
attendait toujours Jean-Marc à
Kidal ». Puis, au cours de l’été,
« on nous a demandé de rester à
l’écart, on s’est mis à l’écart », ra-
conte Ahmada ag-Bibi depuis Ba-
mako, dans un témoignage vidéo
du 24 juin transmis au Monde.
« On a dit à la filière sur le terrain
de convaincre les ravisseurs d’ac-
cepter Akotey. Mais le travail que
nous avons mis en place depuis
trois ans, et la rançon que nous
avons avancée, c’est ça qui reste la
clé de la libération. Le nouveau
système n’a rien négocié. »
«Capable de tout»
Dans la rançon déposée à AQMI,
« il manquait de l’argent », assure
une source française, « et une ba-
tailleentrelesgroupestouaregs’est
ouverte ». Dans les coulisses, une
autre dispute financière se joue.
La Lloyd a assuré les entreprises
sur la négociation et sur le paie-
ment de la rançon – celle-ci a tran-
sité par Amarante, la société de
M. Lorenzi. Mais les experts sem-
blent se poser des questions sur le
rôle exact des différents interve-
nants. En conséquence, tous les
frais n’auraient pas été couverts.
Côté touareg, « nous avons fait
un travail, nous allons nous battre,
indique le messager d’ag-Bibi.
Areva nous a reçus dans un café en
octobre à Paris et nous a dit que
son président tiendrait ses engage-
ments. »DupointdevuedeM. Ga-
doullet, que chacun décrit comme
un homme « droit » mais « capa-
ble de tout », le mandat de 2012 n’a
jamaisétérésilié.Devantlesilence
des entreprises, il a annoncé vou-
loir lancer un contentieux devant
une instance d’arbitrage à Genève.
Selon lui, début 2015, « un respon-
sable de Vinci a proposé de solder
l’affaire pour 500 000 euros ». Ni
Vinci ni Areva ne souhaitent
commenter officiellement cette
affaire qui relève pour elles d’un
litige commercial. p
nathalie guibert
«Le travail que
nous avons mis
en place depuis
trois ans, c’est ça
qui reste la clé
de la libération»
AHMADA AG-BIBI
chef touareg
INDONÉSIE
Au moins 142 morts
dans le crash d’un avion
militaire
Un avion de l’armée de l’air
indonésienne s’est écrasé,
mardi 30 juin, dans une zone
habitée de la ville de Medan,
troisième ville d’Indonésie,
située dans le nord de l’île de
Sumatra. Le bilan s’élève pour
l’heure à 142 morts. L’appa-
reil, un C-130 Hercules vieux
de 51 ans avec 122 personnes
à bord, a percuté un hôtel et
un salon de massage. – (AFP.)
NUCLÉAIRE IRANIEN
Négociations prolongées
jusqu’au 7 juillet
L’Iran et les pays du « 5 + 1 »
(Etats-Unis, Grande-Bretagne,
Russie, Chine, France et Alle-
magne), engagés à Vienne
dans de difficiles négocia-
tions, se sont laissé jusqu’au
7 juillet pour trouver un
compromis sur le nucléaire
iranien. Un temps espéré
pour le 30 juin, cet accord
encore introuvable, bien qu’à
« portée de main », selon le
chef de la diplomatie russe,
Sergueï Lavrov, fait l’objet
d’un marathon diplomatique
depuis plus de vingt mois.
– (AFP.)
3ans de captivité
Sept otages sont enlevés dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010
par Al-Qaida au Maghreb islamique sur le site d’Arlit, au Niger: cinq
Français, un Malgache et un Togolais, salariés des groupes Areva et
Vinci (Satom). Ils sont libérés le 29 octobre 2013, après plus de trois
ans de captivité dans le désert du nord du Mali.
WWW.VALENTINO.COM
6. 6| international JEUDI 2 JUILLET 2015
0123
LesEtats-Unis
etCubavont
rouvrirleurs
ambassades
BarackObamadevaitannoncer
le1er juilletlareprisedesrelations
diplomatiquesentrelesdeuxpays
L
e drapeau américain flot-
tera bientôt à La Havane,
tandis que le drapeau cu-
bain sera déployé à
Washington, devant les ambassa-
des respectives des deux anciens
ennemis, brouillés pendant plus
d’un demi-siècle. Les deux voisins
disposent déjà de sièges diploma-
tiques, mais ils ont le statut mi-
neur d’une simple « section » (ou
bureau) veillant à leurs intérêts
auprèsdel’ambassadehelvétique.
Ce mercredi 1er juillet, l’annonce
hautement symbolique de la
réouverturedesambassadesamé-
ricaine à Cuba et cubaine aux
Etats-Unis devait être effectuée
depuis les jardins de la Maison
BlancheparBarackObama,décidé
à faire du rétablissement des rela-
tions diplomatiques avec le ré-
gime communiste de Fidel Castro,
puis de son frère Raul Castro, un
des marqueurs de sa présidence.
L’événement a été annoncé
mardi soir par un responsable de
l’administration américaine s’ex-
primant sous couvert d’anony-
mat. Six mois après les allocu-
tions simultanées de Barack
Obama et Raul Castro sur leur his-
torique rapprochement, le 17 dé-
cembre 2014, les Etats-Unis et
Cuba ont trouvé un accord sur les
conditions de réouverture des
ambassades des deux nations, sé-
parées par le détroit de Floride.
Cela concerne notamment la li-
berté de mouvement et d’action
des diplomates sur tout le terri-
toire, sans passer par une de-
mande d’autorisation préalable
pourchaquedéplacementhorsde
la capitale.
Des délégations de haut niveau
des deux pays s’étaient réunies
quatrefoisdepuisjanvier,tantôtà
La Havane, tantôt à Washington,
pournégocierlesmodalitésduré-
tablissement des relations diplo-
matiques. Auparavant, il avait
falludix-huitmoisdenégociation
secrète menée par des représen-
tants personnels des deux prési-
dents, avec le soutien du Canada
et du Vatican.
Dernier obstacle
A La Havane, des sources non offi-
ciellesconfientquelenégociateur
de Raul Castro aurait été son pro-
pre fils, le colonel Alejandro Cas-
tro Espin, officier du ministère de
l’intérieur chargé de la coordina-
tion avec les forces armées,
nommé récemment conseiller de
tournant, y compris la commu-
nauté d’origine cubaine.
La Maison Blanche a évoqué à
plusieurs reprises la possibilité
d’une visite de M. Obama à Cuba
en2016,alorsquelepapeFrançois
est attendu en septembre. Fran-
çois Hollande avait ouvert, en
mai, le défilé de chefs d’Etat dési-
reux de se précipiter à La Havane
pour consolider ou déployer leur
implantation économique.
L’ancien monarque espagnol
JuanCarlosenad’oresetdéjàsolli-
cité l’autorisation auprès du gou-
vernement de Madrid, à la de-
mande des hommes d’affaires
péninsulaires.
La normalisation des relations
entre les Etats-Unis et Cuba a été
saluée, mardi, par la présidente
brésilienne, Dilma Rousseff, lors
d’une conférence de presse com-
mune avec M. Obama à la Maison
Blanche : « Je veux souligner l’im-
portance de ce geste pour l’ensem-
ble de l’Amérique latine et, plus lar-
gement, pour la paix dans le
monde », a-t-elle affirmé.
Mme Rousseffaparléd’une« étape
cruciale dans les relations entre les
Etats-Unis et l’Amérique latine »,
permettant « de mettre fin aux
derniers vestiges de la guerre
froide ». Les relations entre
Washington et « l’hémisphère oc-
cidental » n’ont « jamais été aussi
bonnes », a renchéri M. Obama.
L’annonce de la réouverture des
ambassades par la Maison Blan-
che tranche néanmoins avec les
allocutions conjointes du 17 dé-
cembre. Depuis cette date, les
Américains semblent désireux de
presser le pas, tandis que les Cu-
bains prennent leur temps,
comme s’ils voulaient avant tout
capitaliser politiquement l’an-
nonce et l’accueil réservé à Raul
Castro au Sommet des Améri-
ques, au Panama, en avril, où a eu
lieulepremiertête-à-têteentreles
deux présidents. p
paulo a. paranagua
L’immeuble de la représentation diplomatique américaine à La Havane, en septembre 2013. DESMOND BOYLAN/REUTERS
Lejournalistefranco-marocain
AliLmrabetengrèvedelafaim
L’ex-patrondepresse,privédepapiersparRabat,estbloquéàGenève
Devant le siège du Conseil
des droits de l’homme
des Nations unies, à Ge-
nève, le journaliste franco-maro-
cain Ali Lmrabet poursuivait,
mardi 30 juin, une grève de la
faim commencée le 24 juin pour
protester contre le refus des auto-
rités marocaines de lui fournir un
certificat de résidence nécessaire
au renouvellement de ses papiers
d’identité. Quelques semaines
plus tôt, dans sa ville de Tétouan,
un policier lui avait pourtant re-
mislesésameavantdeleluirécla-
mer dès le lendemain, arguant
d’un « ordre venu d’en haut ».
Pour le moment, Ali Lmrabet
habite donc nulle part, et ne peut
pas renouveler son passeport qui
arrive à expiration. « Sans papier
dans mon propre pays et sans abri
en Suisse, voilà ma situation ab-
surde en 2015 », déplore Ali Lmra-
bet, qui a planté sa tente place des
Nations et passe ses nuits « caché
sous les arbres » ou à la maison
des associations de Genève.
Le journaliste satirique est cou-
tumier de ce qu’il qualifie de
« sanctions politiques et d’attein-
tesàlalibertéd’expression ».Ilsait
de quoi il parle, cet ancien patron
de presse qui avait bouleversé le
paysage médiatique au début des
années 2000 en introduisant le
premier news-magazine du pays,
Demain Magazine, et sa version
arabe Doumane. Ton irrévéren-
cieux et dessins osés, la recette
fait florès.
« Le chat et la souris »
Mais, en 2003, Ali Lmrabet est
condamné à trois ans de prison
ferme pour « outrage à la per-
sonne du roi » à la suite d’un
article sur le budget du Palais.
Aprèshuitmoisd’incarcération,il
est finalement gracié par le roi
Mohammed VI. Ses journaux
sont interdits de paraître et
disparaissent.
Ali Lmrabet et le pouvoir, c’est
un peu comme « le chat et la sou-
ris », selon ses dires. « Je respecte
l’ordre et les condamnations, mais
je ne peux pas m’empêcher de
jouer et de tester les libertés d’ex-
pression », ajoute-t-il.
Le 12 avril 2005, il est à nouveau
condamné, cette fois à dix ans
ferme d’interdiction d’exercer le
métier de journaliste pour ses
écrits publiés par le quotidien es-
pagnol El Mundo, dans lesquels il
considère les populations sa-
hraouies des camps de Tindouf,
dans le sud-ouest de l’Algérie, non
pas comme des « séquestrés »,
mais comme des « réfugiés ».
Dix ans plus tard, le journaliste,
actuellement « sans-papiers »,
s’apprête à relancer ses hebdoma-
daires satiriques, en association
avec le caricaturiste Khalid et
l’humoriste Bziz. « Nous avons
déjà des bureaux à Casablanca,
des équipes et une maquette. Nous
pensionstirerà100 000exemplai-
res, pour le premier numéro, ce
sera le double », précise Ali Lmra-
bet depuis Genève, où il était
venu pour suivre les travaux du
Conseil des droits de l’homme et
participer à des débats sur l’état
de la liberté de la presse au Maroc.
Il y a débuté sa troisième grève de
la faim dans l’espoir d’interpeller
l’ONU et les autorités maro-
caines. p
joan tilouine
sécuriténationaleduchefdel’Etat
cubain. A chaque déplacement du
père, à Rome ou à Moscou, le fils
est en bonne place sur les photos.
Le dernier obstacle à la réouver-
ture des ambassades avait été levé
fin mai, lorsque le département
d’Etat américain avait retiré Cuba
de la liste des Etats soutenant le
terrorisme. La levée de l’embargo
américain ne constituait pas un
préalable, puisqu’il relève du
Congrès de Washington, dont la
majorité républicaine ne cesse
d’entraver les initiatives de politi-
que extérieure de M. Obama, à
dix-huit mois de son départ de la
Maison Blanche. « Il y a une his-
toire compliquée entre les Etats-
Unis et Cuba, mais l’heure est ve-
nue d’entamer un nouveau chapi-
tre », avait déclaré le président
américain le 17 décembre, consta-
tant sans détour l’échec d’un de-
mi-siècle d’isolement du régime
castriste. Une large majorité
d’Américains est favorable à ce
Le négociateur
secret de
Raul Castro avec
les Américains
aurait été son
fils, le colonel
Castro Espin
Lepassélibyendesdjihadistestunisiens
LetueurdeSousseasuivilemêmeentraînementqueceuxduBardo
tunis - correspondant
La connexion libyenne se
confirme dans la tuerie
commise vendredi 26 juin
dans une station balnéaire d’El-
Kantaoui près deSousse,surlelit-
toral de l’Est tunisien, qui a fait 38
morts étrangers –, principale-
ment britanniques. Le djihadiste
tunisien auteur du carnage, Sei-
feddine Rezgui, avait subi une for-
mation militaire dans un camp
d’entraînement en Libye, a révélé
mardi 30 juin le secrétaire d’Etat
tunisienchargédelasûreténatio-
nale, Rafik Chelly.
L’information confirme le défi
terroriste posé à la Tunisie par le
contingent de ses propres ressor-
tissantsprésentsdansla Libyevoi-
sine au sein de groupes extrémis-
tes. Les auteurs de la tuerie du
Bardo le 18 mars (22 morts dont 21
étrangers), Sabeur Khachnaoui et
Yassine Abidi, avaient eux aussi
été formés en Libye. Le mode opé-
ratoire des deux assauts, revendi-
qués par l’Etat islamique (EI), est
identique : attaque de sites touris-
tiquesciblantdemanièresélective
des visiteurs étrangers tout en
épargnant les civils tunisiens.
Il s’agirait donc bel et bien de la
même filière. Le secrétaire d’Etat
Rafik Chelly a cité la localité de Sa-
bratha,situéedansl’Ouestlibyenà
une centaine de kilomètres de la
frontière tunisienne, comme
étant le siège du camp d’entraîne-
ment. Il n’a pas exclu que Seifed-
dine Rezgui et les deux auteurs de
l’attentat du Bardo s’y soient trou-
vésaumêmemoment,c’est-à-dire
en décembre 2014. Ce camp de Tu-
nisiens, historiquement affilié au
groupe Ansar Al-Charia, a long-
temps été dirigé par Ahmed
Rouissi, un chef djihadiste tuni-
sien lié aux assassinats de person-
nalités de gauche tunisiennes
Chokri Belaïd en février 2013 et
Mohamed Brahmi en juillet de la
mêmeannée.AhmedRouissiaen-
suite fait allégeance à l’Etat islami-
queaumomentdelaformationde
sabranchelibyennefin2014,àpar-
tir notamment de noyaux d’Ansar
Al-Charia. Il a été tué en mars à
Syrte, fief de l’EI sur le littoral cen-
tral libyen, lors de combats avec
une brigade de la ville de Misrata,
située plus à l’ouest.
La confirmation officielle de
l’implication de cette filière de Tu-
nisiens de Libye jette une lumière
crue sur le dilemme stratégique
auquel est confronté Tunis. La di-
plomatietunisienneapeudeprise
sur ce littoral occidental de la Li-
bye, plus ou moins contrôlé par la
coalitionAubedelaLibyesiégeant
à Tripoli et avec laquelle Tunis n’a
pas de liens formels. Le gouverne-
ment tunisien ne reconnaît offi-
ciellementquelecamprivaldeTo-
brouk-Baida (Est), même s’il a
cherché à se rapprocher du camp
de Tripoli qui contrôle une large
partie de la frontière commune.
Les relations entre Tripoli et Tu-
nis ont été ces dernières semaines
émaillées de tensions à la suite
d’uneprised’otageperpétréedans
les locaux du consulat tunisien
par une milice liée à Aube de la Li-
bye. Il s’y ajoute la difficulté d’opé-
rer contre les groupes extrémistes
opérant à Sabratha. « Ces groupes
ne s’entraînent pas dans un lieu
fixe, explique un Tunisien de Ben
Gardane, ville tunisienne de la
frontière,chargédemédiationsen
Libye. Ils se déplacent en perma-
nenceafind’éviterlerisquederaids
aériens. C’est une stratégie chez
eux. Un jour, ils s’entraîneront sur
une plage à l’Est de Sabratha. Un
autre jour, on les verra plutôt à
l’Ouest sur un relief accidenté. »
Selon cet animateur d’une asso-
ciation impliquée dans l’assis-
tance aux Tunisiens en difficulté
en Libye, il y aurait environ « une
centaine » de jeunes Tunisiens
opérant dans les environs de Sa-
bratha. Les relations avec la popu-
lationlocale,précise-t-il,sontsou-
vent heurtées : « Les gens sont
souvent énervés par ces extrémis-
tes venant de l’étranger. » p
frédéric bobin
« Sans papiers
dans mon propre
pays et sans abri
en Suisse,
voilà ma
situation absurde
en 2015 »,
déplore
Ali Lmrabet
LES DATES
1961
Rupture des relations diplomati-
ques entre les Etats-Unis et
Cuba.
1962
Embargo américain. Crise des
missiles.
1982
Cuba inscrit par Washington
dans la liste des Etats soutenant
le terrorisme.
17 DÉCEMBRE 2014
Barack Obama et Raul Castro
annoncent le dégel.
La localité de
Sabratha, située
dans l’Ouest
libyen, serait le
siège du camp
d’entraînement
7. TOM WATSON
5 FOIS CHAMPION DE L’OPEN
DÉCOUVREZ NOTRE HOMMAGE À TOM SUR RALPHLAUREN.COM/GOLF
À TOM —
NOUS SOMMES FIERS DE CÉLÉBRER VOTRE 40E PARTICIPATION À CET OPEN.
MERCI POUR TOUT CE QUE VOUS NOUS AVEZ FAIT PARTAGER.
PARRAIN ET HABILLEUR OFFICIEL DE L’OPEN
8. 8| planète JEUDI 2 JUILLET 2015
0123
PARIS CLIMAT 2015
La date et le lieu ne
doivent rien au ha-
sard. La Chine, qui
s’était engagée à pu-
blier son plan d’action pour lutter
contre le réchauffement d’ici à la
fin juin, a attendu mardi 30 juin,
et la visite à l’Elysée du premier
ministre Li Keqiang, avant d’offi-
cialiser sa « contribution natio-
nale ». Un agenda diplomatique
subtil,quipermetàPékindeclari-
fier ses positions cinq mois jour
pour jour avant l’ouverture de la
21e conférence des Nations unies
sur les changements climatiques
(COP21), dans le pays hôte de cette
réunion majeure, qui doit sceller
un accord universel sur le climat.
François Hollande ne s’y est pas
trompé, saluant l’engagement de
la Chine à construire une « civili-
sation écologique » et remerciant
« le premier ministre chinois
d’avoir veillé à ce que cette an-
nonce intervienne depuis Paris, en
signe de soutien et de confiance
dans le succès de la COP21 ». Dans
un processus multilatéral freiné
par les intérêts divergents des 196
parties signataires de la Conven-
tion-cadre des Nations unies sur
les changements climatiques (CC-
NUCC), les signes de confiance
sont suffisamment rares pour
être signalés. D’autant plus lors-
qu’ils émanent de la Chine, pre-
mier émetteur mondial de gaz à
effet de serre depuis 2006, repré-
sentant à lui seul plus de 25 % du
total des émissions mondiales.
Selonlafeuillederoutedévoilée
mardi par la délégation chinoise,
Pékin se fixe pour objectif d’« at-
teindre le pic de ses émissions de
CO2 autour de 2030, tout en s’effor-
çant de l’atteindre au plus tôt ». Le
régime chinois entend aussi
« baisser l’intensité carbone [les
émissionsdeCO2parunitédepro-
duit intérieur brut] de 60 % à 65 %
par rapport à 2005 », « porter la
part des énergies non fossiles dans
la consommation énergétique pri-
maireàenviron20% »etaugmen-
ter le « stock forestier d’environ
4,5 milliards de mètres cubes par
rapport à 2005 ».
« La Chine assume sa responsa-
bilité pour participer en profon-
deuràlagouvernancemondialeet
promouvoir le développement
partagé de l’humanité », soutient
le n° 2 chinois Li Keqiang. Ce scé-
nario s’inscrit dans la continuité
de l’accord sino-américain conclu
ennovembre2014.BarackObama
et Xi Jinping, les présidents des
deux pays émettant le plus de gaz
à effet de serre, avaient alors an-
noncé leur intention de réduire
significativement les émissions
polluantes de leur nation respec-
tive.
« La Chine remplit sa part du
“contrat mondial” des efforts à dé-
ployer pour maintenir le réchauf-
fement planétaire en deçà de 2 °C
par rapport à la période préindus-
trielle, au contraire des pollueurs
historiques que sont les Etats-Unis,
l’Europe ou le Canada, qui eux re-
fusent toujours de prendre leurs
responsabilités,analyseCéliaGau-
tier, responsable des politiques
européennes au sein du Réseau
Action Climat (RAC). Mais elle
aurait pu remplir plus que sa part
du contrat. Au rythme où se déve-
loppent les énergies renouvelables
en Chine et compte tenu de la
baisse de la consommation de
charbon, elle aurait pu prévoir de
stopper la hausse de ses rejets de
gaz à effet de serre bien plus tôt
que 2030, aux alentours de 2020. »
«Point de départ»
« C’est réaliste avec la transition
énergétique en cours en Chine,
poursuitlaresponsableduRAC,et
celaauraitunimpactconsidérable
sur la stabilisation du climat et sur
le succès des négociations de
l’ONU. » Dans un rapport de la
London School of Economics pu-
bliéle8juinpendantlasessionde
travail de la CCNUCC à Bonn, les
économistes Nicholas Stern et
Fergus Green constatent, eux
aussi, que la consommation chi-
noise de charbon, qui augmentait
à un rythme de 9 à 10 % par an en-
tre 2000 et 2010, a chuté de 3 %
en 2014 et demeure sur cette ten-
dance en 2015.
Un« maximumstructurel »aété
atteint par la Chine, selon ces
deux experts, qui estiment que le
recours au charbon va se stabili-
ser dans les cinq prochaines an-
nées, au profit d’une utilisation
grandissante du gaz naturel dans
les secteurs de l’électricité et de
l’industrie. Le pic d’émissions de
gaz à effet de serre de la première
puissance d’Asie pourrait donc
avoir lieu bien avant 2025. L’enjeu
pourlegouvernementchinoisest
d’être capable ensuite d’enclen-
cher un déclin rapide et continu
de ses émissions.
« La question de savoir si le
monde pourra tenir cette trajec-
toire [de 2 °C] dans la décennie ou
au-delà,àpartirde2020,dépendde
manièresignificativedelacapacité
de la Chine à réduire ses émissions
à un rythme soutenu après son
pic », estiment Nicholas Stern et
FergusGreen.L’objectifdes2°Cdé-
pend aussi « des actions des autres
pays dans les vingt ans à venir, et
des actions mondiales menées au
cours des décennies suivantes »,
ajoutent les deux économistes.
« La consommation de charbon
est responsable de 80 % des émis-
sions de CO2 de la Chine, insiste Li
Shuo, expert climat et énergie de
GreenpeaceChine.Ens’engageant
à réduire son intensité carbone de
60à65%d’icià2030,elleneprend
pas une position très ambitieuse,
alors que l’Agence internationale
del’énergieévalueà80%l’effortde
baisse nécessaire pour rester dans
le scénario des 2 °. Il faut vraiment
considérerlacontributionchinoise
comme un point de départ, et non
comme un point d’arrivée. »
Un autre objectif difficile à tenir
sera d’inclure au bouquet énergé-
tique de la Chine 20 % d’énergies
renouvelables à l’horizon 2030.
Devenu depuis 2013 le premier in-
vestisseur dans les énergies re-
nouvelables, ce pays continent
devra développer des politiques
publiques incitatives pour éten-
dre ses capacités électriques dans
lesecteurdusolaire,del’éolienou
de la biomasse. La stratégie clima-
tique de Pékin s’intègre dans un
schéma plus vaste de transforma-
tion du modèle de développe-
ment chinois, moins dépendante
desindustrieslourdesetdeséner-
gies fossiles.
« Problématiques domestiques »
« LaChineesttrèsengagéesurlecli-
mat,assureleministredesaffaires
étrangères, Laurent Fabius. Le cli-
mat est d’abord un problème pour
les Chinois eux-mêmes. » Le minis-
trefrançaisdesaffairesétrangères,
qui s’est rendu sur place mi-mai, a
«Lacriseclimatiqueestundéfispiritueletmoral»
LesresponsablesdessixprincipauxcultesenFrancelancentunappelàsortirdel’èredesénergiesfossilespourcontenirleréchauffement
TRIBUNE
Les représentants des ins-
tances des six principaux
cultes en France (catholi-
que, orthodoxe, protestant, mu-
sulman,juif, bouddhiste) devai-
entremettreàFrançoisHollande,
mercredi 1er juillet, une déclara-
tion commune appelant à
« l’adoption d’un accord contrai-
gnant applicable à tous » lors de
la conférence de Paris sur le cli-
mat, en décembre. Cette initia-
tive est née dans le cadre de la
Conférence des responsables de
culte en France (CRCF), qui réunit
de manière informelle, chaque
mois, depuis cinq ans, les signa-
tairesdecetappel.Pourjoindrele
geste à la parole, ils ont convenu
d’observer à cette occasion une
journée de jeûne, comme le font,
le1er dechaquemois,certainsmi-
litants de la cause climatique.
Pour les catholiques, cette in-
tervention fait écho à l’encycli-
que Laudato si’, consacrée à la
crise climatique, dans laquelle le
pape François appelle les gouver-
nements à agir rapidement. C’est
la première démarche intercon-
fessionnelle effectuée directe-
ment auprès du président de la
République sur un sujet qui ne
concerne pas seulement les cul-
tes et formulant des objectifs
concrets. Ces mêmes acteurs
avaient préparé le terrain en mai,
lors d’un colloque interreligieux
sur le climat. François Clavairoly,
présidentdelaFédérationprotes-
tante de France, avait alors sou-
haité que les responsables de cul-
tes se « préparent à accompagner
la COP21 » jusqu’au mois de dé-
cembre. Voici le texte de cet ap-
pel :
« Nous, membres de la Confé-
rence des responsables de Culte
en France, prenons la parole en-
semble pour partager notre con-
viction : au-delà des problémati-
ques techniques, économiques et
géopolitiques, la crise climatique
relève d’un défi spirituel et moral.
C’est d’abord notre rapport à la
création comprise comme don de
Dieu et à la nature qui est en jeu.
Ayant perdu de vue sa relation à
la nature et son intime interdé-
pendance avec tout ce qui consti-
tue celle-ci, l’humanité s’est four-
voyée dans un rapport de domi-
nation et d’exploitation morti-
fère de l’environnement.
Nous sommes mis au défi de re-
penseretd’habiterautrementno-
tre rapport à la création et à la na-
ture. Nous faisons un. En détrui-
santl’environnement,l’humanité
se détruit elle-même ; en le pré-
servant, nous nous préservons
nous-mêmes, nous préservons
notre prochain et les générations
futures. Notre conscience spiri-
tuelle et morale est interpellée.
Nous sommes mis au défi d’agir
pour la justice, d’œuvrer pour la
paix,depréparerdetouteurgence
unfutursûretviablepournosen-
fants, en sortant de l’ère des éner-
giespolluantesetenrevoyantnos
modèleséconomiquesdeproduc-
tion et de consommation sans li-
mite.
Nous appelons à un sursaut des
consciences vers une action cli-
matique conséquente et à une re-
mise en question de nos valeurs
et de nos attitudes. Refusons l’in-
différence et l’avidité. Ouvrons-
nous à la compassion et à la fra-
ternité. Sortons de nos égoïsmes.
Soyons solidaires et prenons le
bien commun pour boussole.
Persévérons et valorisons chaque
action.
Notre appel
La France accueillera et présidera
la 21e Conférence des Parties de la
Convention cadre des Nations
unies sur les changements clima-
tiques(laCOP21).LaFrancejoueet
jouera un rôle diplomatique clé.
Nous appelons à l’adoption d’un
accord contraignant applicable à
tous qui :
- engage à sortir à temps de l’ère
desénergiesfossilesetviseunen-
semble d’objectifs de réduction
des émissions de gaz à effet de
serre qui garde le réchauffement
moyenglobalbienendeçàde2°C,
dotéderèglesassurantlatranspa-
rence, la responsabilité et un pro-
cessusderévisiondesobjectifsré-
gulier ;
- protège les populations les
plus vulnérables aux impacts des
changements en leur permettant
de s’adapter à ces impacts et en
prenant en compte les pertes et
dommages qui leur sont causés;
- favorise un développement
écologiquement responsable et la
lutte contre la pauvreté en garan-
tissant un financement adéquat,
le transfert de technologies et le
renforcement des savoirs et des
compétences.
Notre engagement
Bien que la COP21 soit une étape
clé,noussommesconvaincusque
les défis posés par les change-
ments climatiques ne peuvent
être relevés de façon effective par
les Etats seuls, mais surtout par
une mobilisation individuelle et
collective, aujourd’hui et dans les
années à venir. Nous appelons les
membres de nos communautés à
prendre conscience des enjeux de
la COP21 et à faire évoluer leurs
propres modes de vie. Nous nous
engageons à enseigner et trans-
mettre à partir de nos textes fon-
dateurs et de nos traditions res-
pectives, l’exigence de prise de
conscience,d’éveiletderesponsa-
bilité de l’être humain au sein de
la nature et de la création. » p
mgr georges pontier et
mgr pascal delannoy
(conférence des évêques de
france), françois clavairoly et
laurent schlumberger
(fédération protestante de
france), emmanuel et joseph
(assemblée des évêques
orthodoxes de france), haïm
korsia (grand rabbin de
france) et joël mergui
(président du consistoire
central israélite de france),
dalil boubakeur et anouar
kbibech (conseil français du
culte musulman), olivier
wang-genh et lama droupgyu
(union bouddhiste de france)
Aéroport de Roissy, le 29 juin. Le premier ministre chinois, Li Keqiang, et Ségolène Royal, ministre de l’écologie. ALBERT FACELLY POUR «LE MONDE»
LaChinesefixeunpicd’émissionsdeCO2 vers2030
PékinadévoiléàParissacontributionofficielleàl’effortmondialdanslaluttecontreleréchauffement
mesuré la préoccupation sociale
que représentent les émissions de
gaz à effet de serre. « Les engage-
ments climatiques de la Chine sont
guidés par ses problématiques do-
mestiques », confirme Li Shuo. Se-
lon les dernières estimations de
l’Organisation mondiale de la
santé(OMS),plusdedeuxmillions
de morts pourraient être évités
chaqueannéesilesnormesdepol-
lution de l’air préconisées par
l’OMS étaient respectées, surtout
en Chine et en Inde.
Parmi les grands pays émet-
teurs dont la contribution man-
que à l’appel figurent l’Inde ou le
Brésil.InvitéeàlaMaisonBlanche
le 30 juin, la présidente brési-
lienne Dilma Rousseff s’est enga-
gée à faire passer à 20 % d’ici à
2030 la part des énergies renou-
velables (hors hydroélectricité)
danslaproductiond’électricitédu
pays et à remplir un objectif de
« restauration et reforestation »
de 12 millions d’hectares à la
même date.
Mardi 30 juin, la Serbie, la Corée
du Sud, l’Islande ont, comme la
Chine, rendu leurs contributions.
Malgré ses avancées, il reste en-
core de nombreuses inconnues
d’ici à la tenue de la COP21. Seule-
ment44paysontdévoiléleursen-
gagements, et les discussions sur
le texte de l’accord n’ont guère
progressé lors de la dernière ses-
sionàBonn.LecheminpourParis
est encore long. p
simon roger
La consommation
chinoise de
charbon a baissé
de 3 % en 2014
et demeure sur
cette tendance
en 2015
9.
10. 10| france JEUDI 2 JUILLET 2015
0123
Cazeneuvecentraliselalutteantiterroriste
Unétat-majorplacédirectementauprèsduministrecoordonneralesservices,afindecorrigerlesrécentsratés
B
ernard Cazeneuve veut
centraliser, sous sa
coupe, les services lut-
tant contre la menace
djihadiste. Le ministère de l’inté-
rieur vient de décider la création
d’un état-major opérationnel de
prévention du terrorisme directe-
ment rattaché au cabinet du mi-
nistre. Cet organe comprendra
des représentants de la Direction
générale de la sécurité intérieure
(DGSI),delapolicejudiciaire,dela
sécuritépublique,delapréfecture
de police de Paris et de la gendar-
merie.
Originalité : les représentants
des différents services devraient
être choisis parmi les patrons et
les commissaires, mais aussi
parmi les officiers afin de rester
en prise directe avec le terrain. Le
ministre a voulu ce dispositif
pour corriger les problèmes de
concurrence entre les services et
améliorer la circulation de l’infor-
mation. « Sur les 4 000 individus
suivis pour radicalisation ou terro-
risme, il ne doit plus y avoir de
loupé.Nousdevonssavoir,surcha-
que suspect, ce qui a été fait à son
sujet dans le passé et quel service
travaille désormais sur lui », préci-
se-t-on, Place Beauvau.
Cette décision n’est pas sans
faire grincer quelques dents à la
Directiongénéraledelapolicena-
tionale(DGPN).Carunteldisposi-
tif de coordination existe déjà en
son sein. Il s’agit de l’Unité de
coordination de la lutte antiterro-
risme (Uclat), qui est officielle-
ment « en charge de la coordina-
tion opérationnelle des services
appelés à lutter contre le terro-
risme ».
L’Uclat continuera à exister,
mais la création du nouvel état-
major est un désaveu pour cette
unité, qui évalue notamment la
menace terroriste et veille à la
bonne circulation de l’informa-
tion. Le problème tenait peut-être
à l’évolution de l’architecture,
toujours plus complexe, des ser-
vices de police. Depuis sa création
en 1984, l’Uclat est rattachée à la
DGPN. Mais depuis la réforme du
printemps 2014 voulue par le mi-
nistre de l’intérieur de l’époque,
Manuel Valls, le service de rensei-
gnement de Beauvau, la DCRI, est
devenue la DGSI, une direction
générale totalement indépen-
dante de la DGPN. Désormais, le
patron de l’Uclat, le contrôleur gé-
néralLoïcGarnier,estsupposésu-
perviser l’action, notamment, du
directeurgénéraldelasécuritéin-
térieure, Patrick Calvar, lui-même
l’égal du propre patron de M. Gar-
nier, le directeur général de la po-
lice nationale, Jean-Marc Falcone.
Pas simple.
Sorti des radars
A la tête du Syndicat des cadres de
la sécurité intérieure (majoritaire
chez les officiers), Jean-Marc
Bailleul soupire : « La création de
cet état-major confirme ce qu’on
ditdepuisseptansmaintenant.On
juxtapose des services supposés
lutter contre le terrorisme. Ce
n’était pas la façon optimale d’ob-
tenir des résultats. » Philippe Ca-
pon,lepatrondel’UNSA-Police,se
félicite de ce que le ministère
chercheà«créerdelafluiditéentre
les services ».
Les attentats qui ont frappé la
France depuis le début de l’année
ont mis en lumière la difficulté à
faire travailler les services en
commun. Un temps suivi, Saïd
Kouachi, l’un des deux tueurs de
Charlie Hebdo, était sorti des ra-
dars en déménageant de Paris à
Reims, passant de la compétence
de la Direction du renseignement
de la préfecture de police de Paris
(DRPP) à celle de la DGSI qui, dé-
bordée par la vague de candidats
au djihad pour la Syrie, avait né-
gligé cet individu d’apparence
très calme. Yassin Salhi, l’auteur
présumé de l’attentat de Saint-
Quentin-Fallavier (Isère), a été fi-
ché entre 2006 et 2008 par les
Renseignements généraux (RG)
comme s’étant radicalisé dans sa
ville natale de Pontarlier (Doubs).
Mais en 2008, après la suppres-
sion de ces services, Salhi n’avait
pas retenu l’attention de la Direc-
tion centrale du renseignement
intérieur (DCRI), supposée pren-
dre la relève des RG.
Quelques mois après l’affaire
Merah – sept personnes assassi-
nées en mars 2012 –, l’Inspection
générale de la police nationale
constatait déjà, le 23 octobre 2012,
que « des marges de progression
importantes existent en termes de
confiance et de fluidité des échan-
ges entre le renseignement inté-
rieur et les autres services de police
ou de gendarmerie ».
Guerre des polices
Plusrécemment,le8avril,lacom-
mission d’enquête du Sénat con-
sacréeauxfilièresdjihadistesévo-
quait un « retour d’une guerre des
polices ». L’une des personnes
auditionnées a confié à la com-
mission d’enquête: « Les dossiers
sontentremêlésetchacuntravaille
dans son coin». Parmi les 110 pro-
positions de la commission, dix-
huit étaient consacrées au renfor-
cement de la « coordination des
services ».
Et Le Monde avait révélé, le
9 avril, le contenu accablant d’un
rapport du syndicat Alliance, ma-
joritaire chez les gardiens de la
paix. Le document faisait remon-
terletémoignagedesagentssurle
terrain, la rancœur engendrée
d’un service à l’autre, et résumait
la situation d’une laconique for-
mule : « Force est de constater que
la communication est extrême-
ment tendue et difficile. »
Le ministre de
l’intérieur près du
site de l’usine Air
Products, à Saint-
Quentin-Fallavier
(Isère), le 26 juin.
ROMAIN ETIENNE
POUR «LE MONDE»
VERBATIM
“
On ne peut pas, chaque
fois qu’on arme les ser-
vices de renseignement,
hurler à la surveillance
de masse et, quand un acte
se produit, demander
pourquoi on n’a pas procédé
à l’arrestation de personnes
préventivement, alors qu’el-
les n’avaient commis
aucune infraction pénale.
Prenons le cas de Yassin
Salhi. Son casier judiciaire
est vierge. Aucune infraction
n’a été portée à la connais-
sance de nos services. Il est
repéré comme étant radica-
lisé, mais aucun élément
tangible ne vient témoigner
de son engagement dans
des activités terroristes.»
Le ministre de l’intérieur,
Bernard Cazeneuve,
dans un entretien publié
par L’Express le 30 juin.
Partant du constat qu’après
qu’il eut tapé du poing sur la ta-
ble, dans les heures qui ont suivi
la tuerie de Charlie Hebdo, les ser-
vices se sont, d’après plusieurs
sources, enfin mis à travailler en-
semble, M. Cazeneuve a donc dé-
cidé de placer directement sous
son autorité les différents servi-
ces chargés de la lutte contre le
terrorisme. Mais cette prise en
main est aussi un risque politi-
que : en cas de raté ou de mau-
vaise circulation de l’informa-
tion, le ministre de l’intérieur
sera désormais en première li-
gne. p
matthieu suc
LemotifterroristeretenucontreYassinSalhi
Lacouverturemédiatiquede
la décapitation d’un chef
d’entreprise et de l’attaque
contre une usine de l’Isère, ven-
dredi 26 juin, a pu donner
l’étrange impression d’un procès
en temps réel alors même que le
suspect, Yassin Salhi, était encore
en garde à vue. Chacun a cru pou-
voir se faire une opinion sur le
mobile de l’attaque – personnel
outerroriste–quandl’enquêteve-
nait à peine de débuter.
Après plus de vingt-quatre heu-
res de silence, Yassin Salhi a dé-
fendu la thèse d’une vengeance
personnelle consécutive à une
dispute avec son patron, jetant le
doute sur la nature terroriste de
son crime.
Mardi 30 juin, au terme des qua-
tre-vingt-seize heures de garde à
vueprévuesparlaloi,l’accusation
a à son tour exposé sa version du
dossier. Lors d’un point presse, le
procureur de Paris, François Mo-
lins, a annoncé l’ouverture d’une
information judiciaire pour as-
sassinat et tentative d’assassinats
enrelationdirecteavecuneentre-
prise terroriste et destruction par
l’effet d’une substance explosive
en relation avec une entreprise
terroriste. Yassin Salhi a été mis
en examen de ces chefs dans la
soirée.
« Selon lui, ses mobiles seraient
purement personnels et son acte
ne serait pas terroriste. L’un n’ex-
clut pas l’autre et le choix de tuer
quelqu’un à qui il en voulait n’est
pas exclusif du mobile terroriste »,
a développé le procureur, faisant
œuvre de pédagogie pour couper
court aux interprétations hâtives.
« Mémoire sélective »
« La décapitation, la mise en scène
macabre, la volonté de provoquer
uneexplosionauseind’unsitesen-
sible,l’envoidesclichés–commela
présentation d’un trophée – de son
crime à un correspondant se trou-
vant en Syrie, tout cela provoque
un effet de sidération qui à l’évi-
dence trouble gravement l’ordre
public par l’intimidation et la ter-
reur », a défendu M. Mollins.
Si Yassin Salhi s’est montré pro-
lixe sur le différend qui l’a opposé
à son employeur la veille des faits
et sur une dispute conjugale in-
tervenue deux jours plus tôt, il a
par contre fait preuve d’une « mé-
moire sélective » s’agissant de la
« mise en scène macabre » de son
crime. Il a d’abord assuré aux en-
quêteurs ne pas se souvenir avoir
décapité son employeur avant
d’accrocher sa tête à un grillage
entourée de drapeaux islami-
ques.Ilnesesouvenaitpasdavan-
tage avoir envoyé deux photos
immortalisant la scène à un ami
en Syrie. Confronté aux éléments
de l’enquête, il a fini par lâcher
avoir agi ainsi pour « frapper les
esprits », sans plus d’explication.
L’exploitation de son téléphone
a révélé qu’il avait envoyé les
deux photos de la scène de déca-
pitation à 9 h 33, soit cinq minu-
tes après avoir pénétré dans
l’usine, et trois minutes avant de
précipiter son véhicule contre un
hangar rempli de bouteilles de
gaz. Le profil du destinataire de
ces clichés, un certain Sébas-
tien V. Z., rebaptisé Younès après
sa conversion à l’islam, intéresse
au plus haut point les enquê-
teurs. Contrairement à ce que
Yassin Salhi a déclaré, les deux
hommes ne s’étaient pas perdus
devueetavaientéchangédestex-
tos la veille et l’avant-veille des
faits.
Ce trentenaire originaire de
Franche-Comté,queYassinSalhia
rencontré tandis que les deux
hommesgravitaientdanslamou-
vance salafiste du Doubs dans les
années 2000, s’est envolé pour la
Syrie avec sa femme et sa fille de
18 mois en novembre 2014. Selon
lesdéclarationsdesasœur,Yassin
Salhi lui-même aurait vécu en Sy-
rie pendant un an avec femme et
enfantsen2009,avantquelepays
ne bascule dans la guerre civile.
L’exploitation du téléphone
portable avec lequel ses parents
continuaient de communiquer
avec Younès V. Z. en Syrie s’est ré-
vélée très éclairante. Dans un
message adressé à ses proches le
soir de l’attaque, Younès V. Z. dé-
clare très bien connaître le sus-
pect et affirme « être une des cau-
ses pour laquelle [sic] il a fait ça ».
Il ajoute avoir demandé l’auto-
risation à des cadres de l’organi-
sation Etat islamique de diffuser
les photos que lui avait envoyées
Yassin Salhi. Des informations en
partie confirmées par le journa-
liste de RFI David Thomson, qui
tient d’une source de l’EI en Syrie
que l’attentat « n’a pas été com-
mandité par l’EI, mais qu’un
membre de l’EI en Syrie l’a incité à
agir ». Des discussions seraient
par ailleurs en cours sur l’oppor-
tunité de revendiquer l’atta-
que. p
soren seelow
Les attentats qui
ont frappé la
France ont mis en
lumière la
difficulté à faire
travailler les
services en
commun
11. 0123
JEUDI 2 JUILLET 2015 france | 11
TourTriangle:
larevanchede
lamairedeParis
Aprèsunreversennovembre2014,
AnneHidalgoaréussimardi
àfaireapprouversonprojet
B
ertrand Delanoë avait
lancé l’idée. Anne Hi-
dalgo a rendu sa réalisa-
tion possible. Mardi
30 juin, la maire de Paris a obtenu
du Conseil de Paris un feu vert au
projet de tour Triangle. Future
« œuvre d’art dans la ville », selon
elle, l’immeuble de bureaux de 42
étages dessiné par le cabinet
suisse Herzog et de Meuron, fi-
nancé par Unibail, porte de Ver-
sailles dans le 15e arrondissement,
est promis à l’horizon 2020, an-
née d’élections municipales.
Confrontée à l’hostilité de prin-
cipe de ses alliés écologistes, qui
jugent les bâtiments de grande
hauteur « énergivores », la maire
PS de Paris ne l’aurait pas em-
porté par 87 voix contre 74 sans le
ralliement de 6 élus parisiens Ré-
publicains et 6 UDI. « Je me définis
comme une bâtisseuse de rassem-
blement », avait anticipé Mme Hi-
dalgo, dès l’ouverture des débats.
Al’issueduscrutin,lamairedela
capitale savourait sa revanche sur
son adversaire de droite, Nathalie
Kosciusko-Morizet. A l’automne
2014, la chef de file de l’ex-UMP,
hostileauprojetTriangledepuisla
campagne municipale, avait
réussi à faire écarter ce projet.
L’exécutif avait alors échoué à
faireadopterladélibérationfinale-
ment votée mardi. Celle-ci auto-
rise le déclassement de la parcelle
du terrain sur lequel la tour sera
construite. En novembre 2014, à
l’issue du premier scrutin, Mme Hi-
dalgo aurait été contrainte de re-
connaîtresadéfaitesiNKM,àl’ins-
tar de quelques élus centristes et
écologistes adversaires comme
elle du projet, n’avait pas exhibé
sonbulletindevote.MmeHidalgoa
invoqué l’entorse à la confidentia-
litéduscrutinpourcontestersaré-
gularité. Le PS parisien a aussitôt
introduit un recours pour l’annu-
lation du vote devant le tribunal
administratif, qui devrait rendre
sa décision le 15 juillet.
Au cours des six derniers mois,
des négociations entre le promo-
teur et l’UDI se sont engagées.
Jean-Christophe Lagarde, le pa-
tron des centristes, s’est déclaré
favorable au projet. « Les diri-
geants et grands élus de l’UDI ont
vu dans le soutien à la tour l’occa-
sion de passer pour des faiseurs de
grands projets auprès des milieux
économiques », décrypte l’entou-
rage de Mme Hidalgo.
«Tour de Pise»
Résultat : mardi, six élus UDI sur
huit ont voté pour le déclasse-
ment du terrain à construire.
«Nousvoulonsincarneruneoppo-
sition constructive », se justifiait
EricAzière,patrondugroupeUDI-
MoDem au Conseil de Paris.
« Nous sommes cohérents avec
nos votes favorables sur la tour
Triangle entre 2008 et 2011. Notre
opposition en novembre aura fait
évoluer le dossier », s’est défendu
le patron des UDI.
Entre la version de novembre et
celle présentée mardi aux élus,
Unibail a repris « l’idée de l’UDI »
de substituer un hôtel de 120
chambres à quelque 7 000 m2 de
bureaux, s’est félicitée Mme Hi-
dalgo.«L’UDIapuserallieraupro-
jet parce qu’il avait changé », ex-
plique Mathias Vicherat, direc-
teur de cabinet de la maire.
Le revirement de l’UDI a rouvert
les fractures au sein de la famille
centriste. « J’ai la désagréable im-
pression que toutes les cartes ne
sont pas sur la table, qu’il y a un
forcing de la Mairie de Paris » sur
certains élus pour qu’ils votent
pour, a estimé Marielle de Sarnez,
chef de file du MoDem, qui a fait
campagne avec l’UMP contre la
tourTriangleauxmunicipales.En
margedesdébats,NKMs’estéton-
née de la « volte-face » de certains
UDI, « dans des conditions et pour
des motifs qui restent à préciser ».
De son côté, la chef de file des
Républicains a ciblé le montage
financier du projet. Avec la tour
Triangle, a-t-elle ironisé, « on est
plusprochedelatourdePise,telle-
ment cette tour penche à la faveur
d’Unibail ». Philippe Goujon,
maire (LR) du 15e arrondissement,
s’est érigé en violent détracteur
de la tour, jugeant que les habi-
tantsdesonarrondissementsont
contre et que le projet, même
amendé depuis novembre, com-
prend toujours trop de mètres
carrés de bureaux.
Mais NKM n’a pas réussi à ci-
menter ses troupes, et le vote ré-
vèle aussi les fissures au sein de la
droite. Jérôme Dubus, Rachida
Dati,ClaudeLelloucheouBernard
Le vote favorable
d’élus de la droite
et du centre
révèle
des fissures
à l’UDI et chez
Les Républicains
EnPACA,lescandidatsdelalistePSauxrégionalessedéchirent
Sonchefdefile,ChristopheCastaner,demandeàladirectiondupartilamiseàl’écartdupatrondessocialistesmarseillais,Jean-DavidCiot
marseille - correspondance
Tempête sur les listes socia-
listespourlesrégionalesen
Provence-Alpes-Côte
d’Azur. Le candidat PS, Christophe
Castaner, a écrit mardi 30 juin au
premier secrétaire du parti, Jean-
Christophe Cambadélis, pour lui
demander d’écarter Jean-David
Ciot, patron de la fédération socia-
listedesBouches-du-Rhôneettête
de liste désignée par les militants
dans ce département.
« J’apprendsdansLeMonde,écrit
M. Castaner à M. Cambadélis, que
Jean-David Ciot comparaîtra aux
côtés de Jean-Noël Guérini le 25 no-
vembre devant la cour d’appel
d’Aix-en-Provence. Jean-David Ciot
n’a pas jugé utile de me prévenir de
cette échéance deux semaines
avant le premier tour des élections
régionales. (…) Même si je ne doute
pasdelaprésomptiond’innocence,
ce rendez-vous judiciaire est totale-
ment incompatible avec la néces-
saire éthique d’une campagne en
Provence-Alpes-Côte d’Azur. »
Christophe Castaner saisit la ré-
vélation de la date d’un procès
dont tout le monde savait qu’il in-
terviendrait prochainement – le
parquet a fait immédiatement ap-
pel de la relaxe prononcée pour
MM. Ciot et Guérini le 8 décem-
bre 2014 dans une affaire de dé-
tournements de fonds publics –,
mais ses griefs contre le patron de
la fédération des Bouches-du-
Rhônesontplusprofonds.« Jesuis
en campagne permanente dans
tous les départements de notre ré-
gion,sauflesBouches-du-Rhône.se
plaint-ilàJean-ChristopheCamba-
délis. A ce jour, à aucun moment,
[cette] fédération ne s’est mobili-
sée. »
Désigné en février après une pri-
maire interne, Christophe Casta-
ner, 49 ans, porte le lourd défi du
Parti socialiste de conserver la ré-
gion PACA après dix-sept ans de
mandats de Michel Vauzelle. Mé-
connu du grand public, le député
des Alpes-de-Haute-Provence et
maire de la petite ville de Forcal-
quier fait face aux candidatures
trèsmédiatiquesdumairedeNice,
Christian Estrosi (Les Républi-
cains),etdeladéputéeduVaucluse
Marion Maréchal-Le Pen (Front
national).
Ilaffiche,depuisledébut,uneat-
titude ambiguë face à l’épineux
problème du PS des Bouches-du-
Rhône. Une fédération profondé-
ment marquée par ses déroutes
successives aux municipales, sé-
natoriales et départementales et
qui n’a toujours pas soldé la lutte
fratricide entre partisans et enne-
mis de l’ancien président du con-
seil général Jean-Noël Guérini.
Le 12 juin, lors de son lancement
officiel de campagne devant la
presseàMarseille,ChristopheCas-
taner, tout sourire, saluait la pré-
sence de Jean-David Ciot, au
même titre que celle des autres tê-
tes de listes départementales. Il
s’est félicité du « processus démo-
cratique » mis en place par le PS
pour désigner ceux qui allaient le
mener aux élections. Quelques
jours plus tôt pourtant, ses velléi-
tés de prendre lui-même la tête de
lalistedanslesBouches-du-Rhône
en lieu et place de M. Ciot avaient
provoquél’ajournementd’uncon-
seil fédéral houleux. « Je veux du
renouvellement, de la diversité sur
les listes… Si les Bouches-du-Rhône
s’enferment dans une nouvelle
guerre, je taperai sur la table », ex-
pliquait-il alors au Monde, laissant
entendre que la candidature de
Jean-David Ciot n’était pas souhai-
table.
Situation chaotique
Une mise en garde sans effet. Le
28 mai, à quelques jours du con-
grès socialiste, M. Ciot était dési-
gné par le vote militant à la tête
d’unelisteexprimantlesjeuxd’in-
fluence qui agitent la fédération
socialiste des Bouches-du-Rhône.
La présence de plusieurs proches
de leaders locaux – comme Sébas-
tien Jibrayel, conseiller régional
sortant et fils du député Henri Ji-
brayelquiavaitdemandéladémis-
sion de Jean-David Ciot le soir du
second tour des départementales
–,maisaussid’ancienssoutiensde
Jean-NoëlGuérinicommelemaire
de Rousset, Jean-Louis Canal,
avaient irrité les partenaires po-
tentiels du PS.
« Tu sais comme moi que, cons-
cient de mon opposition, [Jean-Da-
vidCiot]afaitunelisteluigarantis-
sant le vote mais pas forcément la
meilleure efficacité électorale, rap-
pelle, dans son courrier, Christo-
phe Castaner à Jean-Christophe
Cambadélis. Ce fut un des argu-
ments mis en avant par EELV pour
refuser un accord. »
Alors qu’Europe Ecologie-Les
VertsetleParticommunisteavan-
cent vers la constitution d’une
liste commune hors PS, la situa-
tion du Parti socialiste semble
chaotique en PACA. « Je sais pou-
voir compter sur ton intervention
rapideafinquejepuissepoursuivre
mon engagement dans cette cam-
pagne »,écritChristopheCastaner
au premier des socialistes. Une
menace à peine voilée qui fait
écho à une rumeur en cours de-
puis quelques jours dans les cer-
cles PS locaux : celle d’un hypo-
thétique retour du président sor-
tant de la région PACA, Michel
Vauzelle. p
gilles rof
La fédération
n’a toujours pas
soldé la lutte
fratricide
entre partisans
et ennemis de
Jean-Noël Guérini
Debré figurent au nombre des six
élusLRquiontapprouvéladélibé-
ration. Tous invoquent le rôle
stratégique de Triangle pour
« l’attractivité » de Paris. Mais,
« pour la plupart, leur seul mobile
est d’être anti-NKM », déplore un
élu parisien LR.
Au sein du parti sarkozyste, les
lézardes sont apparues au-delà de
l’enceinte parisienne. Alors
qu’Edouard Balladur, ancien élu
du 15e, s’est déclaré hostile à la
tour,NicolasSarkozyaappelécer-
tains conseillers de Paris pour
leur faire part de son soutien au
projet d’Unibail. Le patron des Ré-
publicains a toutefois renoncé à
prendre position publiquement
pour ne pas ajouter à la zizanie. p
béatrice jérôme
Le projet de tour Triangle, dans le 15e arrondissement de Paris. L’AUTRE IMAGE PRODUCTION
franceculture.fr
PAROLES DE MIGRANTS
PARCOURS HUMAINS AUX FRONTIÈRES DE L’EUROPE
VENDREDI 3 JUILLET DÈS 6H30
OPÉRATION SPÉCIALE