SlideShare uma empresa Scribd logo
1 de 88
Baixar para ler offline
1
Executive Master Communication
Promotion 2013/2015
Joy MELKI
Paris
Soutenance le 6 novembre 2015.
Mémoire professionnel
Comment l’art devient-il le levier de communication prépondérant des
entreprises en France ?
2
Sommaire
Remerciements 4
Introduction 5
I L’art au service de la communication des entreprises : les différentes
formes de mécénat et leurs avantages.
8
I.1 Regard sociologique et historique sur les circonstances de l’avènement
de l’art au sein des entreprises.
8
I.1.1 L’accès à l’art dans le domaine public : les questions soulevées par
Malraux et Bourdieu sont toujours d’actualité
8
I.1.2 Le modèle historique du mécénat resurgit. 13
I.1.3 Le lien entre l’avènement de l’art dans les entreprises et la théorie des
parties prenantes de Freeman semblé avéré. 22
I.2. Le mécénat culturel est un socle pour le développement durable de
l’entreprise
28
I.2.1 L’implication du mécénat d’entreprise dans des causes d’intérêt social. 29
I.2.2 Le mécénat représente une fenêtre vers l’avenir pour les entreprises. 31
I.2.3 Pour l’entreprise, le mécénat est un des aspects d’un mode de
management intelligent. 35
I.3 Les fondations d’entreprises tournées vers l’art : un outil au service
de la communication.
37
1.3.1 Les fondations sont des leviers de communication et d’échange en elle
mêmes.
39
1.3.2 L’art au service de la communication représente une liberté pour
l’entreprise de réinventer son positionnement et d’enrichir ses valeurs.
45
1.3.3 Les fondations s’imposent comme partie intégrante de la stratégie
d’entreprise. 51
II. Etude de cas : analyse de la cohérence du lien entre l’art et le secteur
d’activité de l’entreprise, ainsi que de la communication autour de ce lien.
56
II.1 Le cas de la collection d’art contemporain de la Société Générale. 56
2.1.1 Un nouveau dialogue s’opère entre l’œuvre d’art et la nature immatérielle
de l’activité bancaire.
56
2.1.2 Les œuvres d’art de la Société Générale deviennent un outil de
communication et de cohésion interne.
59
2.1.3 Mariage de passion ou mariage de raison : remise en question de
l’utilisation de l’art en matière de communication en milieu bancaire.
60
II.2 Les actions de Pernod-Ricard en faveur de la culture 62
3
2.2.1 Les points de contact entre l’univers des spiritueux et celui de l’art. 62
2.2.2 La longévité des liens tissés entre Pernod-Ricard et les institutions
culturelles qu’il soutient sont en eux-mêmes des leviers spécifiques de
communication entre l’entreprise et le public.
64
2.2.3 Le mécénat de Pernod-Ricard et du Centre Pompidou est un échange de
bons procédés.
66
III. Recommandations destinées aux grandes entreprises pour
l’intégration de l’art dans leur stratégie de communication.
69
3.3.1 Mettre en place des départements adaptés aux spécificités de la
communication culturelle et au choix des artistes dans chaque entreprise.
(Réussir à autonomiser son propre raisonnement quant aux œuvres, disposer
de suffisamment d’informations pour pouvoir se créer son propre avis sur les
œuvres).
69
3.3.2 Favoriser la jeune scène contemporaine française pour l’acquisition
d’œuvres et donner la parole aux artistes en tant que médiateurs pour parler de
leurs travaux et de ceux des autres dans le cas de la collection d’art moderne
(artistes décédés).
70
3.3.3 Donner la possibilité aux salariés de contribuer à la constitution d’une
collection d’entreprise.
73
Conclusion 75
Bibliographie 78
Annexes, analyses 81
4
Remerciements
Mes parents : Pour leur soutien dans cette reconversion, leur écoute.
Mon frère Benjamin : Pour sa bienveillance, sa disponibilité.
Jean-Claude : Un cousin en or, merci de ton aide dans cette nouvelle aventure !
Linda PINTO : Une précieuse petite perle. Sans toi cela n’aurait pas été possible. Merci …
Maya : À mon tour de te remercier pour ces 26 ans d’amitié.
Lucie : Tes mots justes, nos fous rires, qui résonnent et donnent du courage même à
distance.
Valentine : Ta bienveillance, tes encouragements. Une amie parfaite.
Sarah : Fidélité, complicité, disponibilité, amitié.
Rebecca : Pour ta présence, ton amitié sincère tout simplement, même à 6000km.
L’équipe de l’Executive Master Communication.
Ambroisine BOURBON et André de MARCO de m’avoir donné la chance de pouvoir intégrer
ce master.
Hélène TINLOT et Myriam ZAZZARON pour leur disponibilité et leur gentillesse.
L’ensemble des intervenants.
Toute la promotion Pierre LEVY pour ces échanges et pour ces moments inoubliables…
L’équipe des tuteurs : Aurélie et Jean-Baptiste.
- Jean-Christophe CASTELAIN, Rédacteur en chef du Journal des Arts.
- Jean-Yves BOBE Service des arts plastiques Direction générale de la création artistique,
ministère de la culture et de la communication.
- Robert FOHR, chef de la mission du mécénat, ministère de la culture et de la
communication.
- Sylvie MACHENAUX, directrice du Mécénat, chez Pernod Ricard
- Florence VIELFAURE chargée de mission Numérique Département de la politique des
publics Direction générale des patrimoines, ministère de la culture et de la communication.
- Benoit PARAYRE, Direction de la communication et des partenariats, Centre Pompidou,
Paris.
- Jean-François GRUNFELD, Museum Expert, Paris.
- Carine DECROI, Directeur Marketing, Communication et Activités culturelles, Artcurial,
Paris.
- Shelley MANION, Senior Product Manager, British Museum, Londres.
- César CHEMINEAU, département Mécénat du Musée du Louvre.
- Catherine VOIRIOT, département des objets d’art du Musée du Louvre.
- Aurélie DEPLUS, Commissaire d’exposition, la Société Générale, la Défense.
- Nathalie HEINICH, Sociologue.
5
Introduction
« Faites toujours que votre tableau soit une ouverture au monde »
Léonard de Vinci
1
À travers l’histoire, les États ont été amenés à utiliser l’art comme un moyen de valoriser
leurs actions. Témoins de leur époque, les artistes, ainsi que leurs œuvres, et précisément
les lieux où ils s’exposent ont changé (par art nous entendons toutes les formes de
créations, modernes ou contemporaines, qu’elles soient des peintures, des sculptures ou
des dessins. Ce qui nous intéresse dans ce cas est la démarche plutôt que la nature de
l’œuvre). Ces lieux dédiés à la culture et au loisir que sont les musées, étaient hier
détenteurs d’une sorte de monopole de l’accès à l’art et se voient aujourd’hui voler la
vedette par des entreprises, des fondations d’entreprise ou des mécènes privés (nous nous
intéresserons ici aux PME, aux grandes entreprises, et tenterons de dégager les
particularités d’un engagement en faveur de l’art dans les family offices).
Hier, au service des grands mécènes tels que François 1er
, les Tudors, les Médicis à
Florence ou les Camondo à Paris, les artistes valorisaient ces derniers par l’art du portrait,
par le biais duquel ces donateurs étaient mis en scène en costume d’apparat, à la gloire de
leurs actions, de leur fonction ou de leur règne.
Nous sommes en droit de nous demander comment ce modèle ancien de mécénat a muté.
Nous le verrons au cours de cette étude, les mécènes d’aujourd’hui, donateurs pour de
grandes expositions, sont impliqués dans d’importantes actions culturelles à l’échelle
nationale et internationale. Leur champ d’action s’est étendu et le modèle de la Renaissance
s’est inversé : ce sont à présent les mécènes qui valorisent les artistes et non le contraire.
Cette recrudescence du mécénat dit « privé », qui par conséquent semble avoir pris le relais
de l’État, témoigne des limites de l’action publique en matière de soutien à la création. Pour
ne citer qu’eux, Bernard Arnault (LVMH), François Pinault (Kering, ex-PPR) mais aussi la
maison Pernod-Ricard, ou encore des financiers désireux de prouver qu’ils sont capables de
sortir du secteur financier, sont devenus des acteurs prépondérant dans l’univers de l’art.
La destinée de l’art, et particulièrement de l’art contemporain semble désormais liée, pour le
meilleur et pour le pire, à celle des industries du luxe, des spiritueux ou de la finance.
1
ZOLLNER Franck, Léonard de Vinci, Toute l’œuvre graphique et peinte, Taschen, 2007, p.126
6
Le XXIème siècle, semble devoir faire date pour le rapprochement entre le monde de l’art et
le monde du luxe et de la finance. Si ces univers ont pu se tenir tête, se haïr ou se rejeter,
comme ce fut le cas de l’art moderne, qui, selon André Malraux dans 2
L’Homme précaire et
la Littérature a pris naissance par refus du luxe. Le XXIème siècle marque un
rapprochement inédit entre le monde de l’art, du luxe et de la finance.
Ce rapprochement a suscité des interrogations. D’un côté l’art et les institutions culturelles
en acceptant de collaborer avec des univers très éloignés du leur, s’exposent au risque de
voir leur image associée à des domaines dont la réputation a été noircie, et de perdre un
peu de cette noblesse qui leur a permis d’acquérir, entre autres, au fil du temps,
considération et privilèges au sein des plus hautes sphères de la société.
De l’autre les entreprises qui, évoluant dans un contexte économique fragile, doivent
repenser leurs leviers de croissance.
Cependant, ces dernières qui exposent de l’art ou constituent des collections, ont été la
cible de beaucoup d’interrogations de la part des professionnels de l’art quant à l’utilisation
qu’elles en font et au risque potentiel en termes d’instrumentalisation des œuvres.
Devant ces différents constats, nous sommes en droit de nous interroger quant à leur
sincérité et la mise en oeuvre de leurs actions dans l’utilisation qu’elles font de l’art.
Au même titre que de multiples « expériences » de la vie quotidienne, l’art est un enjeu de
consommation, en termes de parts de temps disponible et de bagage culturel pour
l’apprécier.
Car si l’appétence pour l’art et la culture a augmenté de façon inédite dans l’histoire de
l’humanité, il n’en demeure pas moins ségrégatif en termes de population exposée.
Le postulat d’André Malraux sur l’évidence de la beauté semble totalement contredit par la
notion d’acculturation et de transmission mise en évidence par Pierre Bourdieu. En effet,
l’art ne s’impose pas de lui-même. Il nécessite un apprentissage, un décodage, un
logiciel. C’est, entre autres, sur cette particularité que la cohérence du lien entre l’art et le
monde de l’entreprise, fût, à mon sens, intéressant à étudier. Alors que certaines se
tournent vers la santé, le sport, ou l’humanitaire, d’autres imaginent l’art comme étant un
élément essentiel de leur image et surtout de leur communication. Qu’elles soient novices
en matière d’art ou au contraire s’inscrivant dans une tradition familiale, les entreprises ont
fait ce choix et cela n’est pas par hasard.
Par conséquent, ce bilan nous amène à nous interroger sur les raisons qui poussent les
entreprises à utiliser l’art en parallèle des autres outils de communication « traditionnels »
dont elles disposent.
2
MALRAUX André, L’Homme précaire et la Littérature, Gallimard, 1977, p. 252.
7
En dissociant les actions de mécénat de la communication traditionnelle, de quelle manière
et pourquoi les entreprises utilisent-elles l’art pour répondre à leurs problématiques de
communication ?
Il paraît donc utile d’examiner le rôle des entreprises dans la diffusion de l’art au travers de
leur communication interne et externe pour faire face à un triple enjeu :
-­‐ Demeurer des référents dans leur domaine.
-­‐ Assurer croissance et visibilité à l’entreprise.
-­‐ Répondre à des enjeux de stratégie et de communication en interne pour mieux
relayer en externe.
À partir de ces différents constats, nous analyserons, dans un premier temps, le contexte de
l’avènement de l’art dans les entreprises à travers un aperçu historique et sociologique.
Nous déterminerons ensuite quelles sont les mises en œuvre des entreprises dans leur
approche de l’art et quels intérêts elles y trouvent.
Nous verrons enfin, au travers d’une série de préconisations à destination des entreprises
utilisant l’art, comment améliorer la cohérence des dialogues entre le monde de l’entreprise
et celui de la création.
8
I L’art au service de la communication d’entreprises : les
différentes formes de mécénat et leurs avantages
I.1. Regard sociologique et historique sur les circonstances de
l’avènement de l’art au sein des entreprises.
I.1.1 L’accès à l’art dans le domaine public : les questions soulevées par Malraux et
Bourdieu sont toujours d’actualité.
« Il n’est pas vrai que qui que ce soit au monde ait jamais compris la musique parce qu’on lui a expliqué la
Neuvième Symphonie. Que qui que ce soit au monde ait jamais aimé la poésie parce qu’on lui a expliqué Victor
Hugo. Aimer la poésie, c’est qu’un garçon, fut-il quasi illettré, mais qui aime une femme, entende un jour :
‘Lorsque nous dormirons tous les deux dans l’attitude que donne aux morts pensifs la forme du tombeau’ et
qu’alors il sache ce qu’est un poète. »
Discours d’André Malraux, pour l’inauguration de la maison de la culture d’Amiens en 1969.
L’art a tenu une place immense dans la vie de Malraux.
Dans son existence privée, publique et politique, la confrontation avec l’art exprime une
passion, consacre l’art dans une fonction métaphysique et enfin oriente une politique
culturelle - celle qu’il conduit comme ministre entre 1958 et 1969.
Pour Malraux, la culture n’est autre qu’une rencontre vivante avec l’art. Et cette conception
sera le fondement de toute sa politique culturelle. Nous en apercevons déjà les prémices
lors de son discours à l’Assemblée nationale le 9 novembre 1967: « 3
Notre travail, c’est de
faire aimer les génies de l’humanité et notamment ceux de la France, ce n’est pas de les
faire connaître. La connaissance est à l’Université : l’amour, peut-être, est à nous ! ». Cette
idée d’une confrontation directe à l’art, éloignée de toute médiation, à la fois innée et
instinctive, naît chez Malraux de la philosophie kantienne, sans doute pénétrée par le biais
des Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, de Friedrich von Schiller, écrivain
allemand de la fin du XVIIIème siècle. Selon Schiller, le Beau produit un effet directement
sur le moral. Car le beau rencontre un écho dans la nature même de l’homme et comble son
besoin le plus élevé, l’unité et l’harmonie.
Au travers de son ouvrage Critique de la faculté de juger, Kant développe l’idée qui est celle
d’une œuvre d’art que l’on ne peut juger sous l’éclairage de ses caractéristiques car le
jugement esthétique, dit-il, « 4
doit être désintéressé de ces vues, des codes de notre
jugement habituel qui se réfère bien trop à la raison pour satisfaire la définition de la
3
de SAINT PULGENT Maryvonne, Le gouvernement de la culture, 1999, Gallimard.
4
KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §6.
9
beauté ». Le Beau serait chez Kant, et chez Malraux, un concept sans codes qui relèverait
du sens commun et serait « 5
objet d’une satisfaction universelle ».
Cette esthétique kantienne semble créer une résonance chez Malraux : l’idée d’une culture
universelle, relevant du sens commun et donc d’une forme de connaissance sensible
inhérente à l’homme, sans nécessité d’éducation à l’art.
Malraux semble accorder une fonction sociale à l’art, lui attribuant une capacité fédératrice
et une disposition à créer l’émotion et l’expérience.
L’idée d’une démocratisation culturelle vient alors seconder ce rôle social de l’art en
déployant des institutions culturelles sur l’ensemble du territoire pour créer cette
communauté d’émotions. Cependant, pour démocratiser la culture, encore faudrait-il pouvoir
y accéder. La médiation culturelle, relativement écartée de la politique culturelle de Malraux,
fut critiquée, à partir de 1965, par le sociologue Pierre Bourdieu. Ses études ont été
principalement basées sur les différents publics qui fréquentaient les musées, français et
européens. Différentes conclusions ont été tirées à partir de graphiques mettant en évidence
l’âge, la classe sociale, le degré de connaissance, la spécialité artistique préférée en
fonction des différentes classes sociales, ou encore les musées les plus fréquentés. On peut
retrouver l’ensemble de ces graphiques au travers de l’ouvrage L’Amour de l’art.
Le graphique ci-dessous reprend les deux idées principales de Bourdieu, la première étant
que plus le niveau d’études est élevé et spécialisé et plus l’accès à l’art est présent dans le
quotidien. C’est le contraire pour les agriculteurs, les ouvriers et les commerçants. La
deuxième idée étant qu’avec la culture, qui induit un certain niveau d’études, l’appréciation
de l’œuvre n’en sera que plus importante. Est soulevée ici la question de la médiation et son
importance dans l’appréciation de l’art. Dans ce graphique, Bourdieu note une prédisposition
par le capital culturel, c’est-à-dire produit à la fois par le système scolaire et familial, dans un
milieu et une éducation propices, qui facilite évidemment le sens artistique. Le plaisir de
contempler un tableau ou même d’écouter un opéra serait selon les résultats de ce
graphique, le produit de normes sociales, qui ne toucheraient alors pas toutes les franges de
la population. La médiation culturelle et la communication artistique pourraient donc être des
moyens efficaces d’appropriation de l’art et de remédier à cette inégalité.
5
KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §6.
10
Taux de fréquentation annuel des musées selon les catégories sociales
6
7
De plus, la méthode d'enquête et d'analyse qu'emploient Pierre Bourdieu et Alain Darbel
dans l’ouvrage « L’amour de l’art » dessine derrière le plaisir éprouvé face à une œuvre d'art
un arbitraire culturel, un « habitus » qui détruit le mythe du goût inné, retournant la formule
de Kant et de Malraux, pour qui « 8
le beau est ce qui plaît universellement sans concept ».
En opposition, à cette idée, le sociologue Pierre Bourdieu, lui, affirme que 9
seul ce dont on a
le concept peut plaire. La culture est déterminée par les caractéristiques sociales, culturelles
et nationales du sujet. Au vu de cette étude, la division de la société entres personnes
s’intéressant à l’art et les autres, justifie le monopole des instruments de l'appropriation des
biens culturels en fonction du niveau d’études.
6
Taux de fréquentation annuel des musées selon les catégories sociales. Étude tirée de l’ouvrage L’amour de
l’art, BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, Les Éditions de Minuit, 1966, p.101.
7
Définition du mot habitus tiré du dictionnaire Larousse.
8
KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §6.
9
Tirée de l’ouvrage L’amour de l’art, BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, Les Éditions de Minuit, 1966, p.101
Habitus : Comportement acquis, caractéristique d'un groupe social, quelle que soit son
étendue, et transmissible au point de sembler inné.
11
Plus que des questions méthodologiques, cet ouvrage pose des questions dans la définition
des problèmes et dans la vision a priori de l'art qui sert au sociologue. Celle-ci est orientée
par le sujet-spectateur : l’œuvre existe en tant qu'objet regardé. L'amour porté à l’œuvre est
motivé par les caractéristiques du sujet regardant.
C’est aussi une voie d’accès à de nouvelles problématiques et à l’analyse des différentes
conditions sociales permettant l’accession à la connaissance : 10
« La culture n’est pas un
privilège de nature mais il faudrait et il suffirait que tous possèdent les moyens d’en prendre
possession pour qu’elle appartienne à tous ».
Dans l’observation de Malraux et celle de Bourdieu, les désaccords sont les suivants : la
différence principale qui oppose leurs deux visions de l’art se pose sur sa fonction éducative
qui passe à la fois par la médiation et par l’appropriation.
Tandis que pour Malraux l’œuvre d’art est belle en elle-même, et son appréciation doit et
peut se faire à la fois de manière innée et instinctive. Pour Bourdieu, au contraire, l’œuvre
ne se suffit pas à elle même, elle n’est pas ‘simplement belle’. Elle représente une
construction qui contient à la fois des informations sur l’artiste mais aussi une histoire et des
symboles. En somme une globalité. Le spectateur a donc besoin de clefs pour comprendre
l’œuvre qu’il regarde.
Le Centre Pompidou a compris cet enjeu pour pouvoir avoir accès à l’ensemble des
collections et aussi à des informations dédiés. C’est pourquoi le Centre a développé en
2012, avec le mécénat de Pernod-Ricard, ‘Le Centre Pompidou Virtuel’, un centre de
ressources numériques et une plateforme de diffusion de contenus donnant accès aux
internautes à un ensemble de contenus numériques produits par le musée (œuvres de la
collection, ressources documentaires, archives, captation de conférences, interviews
d’artistes, de commissaires d’expositions etc.).
Benoit Parayre, directeur du mécénat et de la communication du musée, précise que :
« Grâce à cette nouvelle proposition le Centre Pompidou touchera un public beaucoup plus
large que les seuls visiteurs physique potentiels. Il s’adressera à tous ceux qui s’intéressent
à l’art, experts, amateurs, curieux et ils pourront eux-mêmes construire leur propre
parcours ».
10
BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, L’amour de l’art, Les Éditions de Minuit, 1966, p.35.
12
11
Ce type de dispositif délivre des informations sur les œuvres, sur les expositions en cours et
sur les collections permanentes. Les contenus sont adaptés en fonction de l’âge, du degré
de connaissance. Il permet à la fois de progresser et d’apprendre tout en regardant les
œuvres pour les comprendre et ainsi se créer des repères dans l’histoire de l’art.
Premiers chiffres après le lancement de l’application
12
La relative pauvreté qu’on observe en matière d’informations sur les œuvres dans les salles
d’exposition des musées nous amène à nous interroger sur l’impact de la théorie de Malraux
sur le ‘choc esthétique’, en matière d’appréciation et de compréhension des collections
aujourd’hui en musée.
11
Image tirée du communiqué de presse destiné au lancement de l’application du Centre Pompidou virtuel en
2012.
12
Chiffres provenant du communiqué de presse destiné au lancement de l’application du Centre Pompidou
virtuel en 2012.
13
Par opposition, cela remet au goût du jour la problématique soulevée par Bourdieu, sur la
fonction éducationnelle de l’art et sur l’importance de posséder des clefs de compréhension
qui passeraient par l’éducation pour accéder à une œuvre « comme il se doit ». Au travers
de l’ouvrage L’Amour de l’art, Bourdieu et Darbel avance que : 13
« L’œuvre d’art considérée
en tant que bien symbolique n’existe comme telle que pour celui qui détient les moyens de
se l’approprier, c’est-à-dire de la déchiffrer. »
Au travers de ces dispositifs, le visiteur reste libre de disposer de cet appareil ou non. Il
peut, s’il le désire, continuer d’apprécier l’art de manière « instinctive », mais il reste libre de
déterminer lui-même ce qu’il veut voir, apprendre, ou lire. Cette liberté dans l’expérience
culturelle que proposent ces dispositifs virtuels en axant l’approche des arts principalement
sur les contenus, vient compléter la visite in situ mais aussi constituer en soi, à une
expérience d’une nature différente. Par ce biais, le centre s’inscrit dans l’identité numérique
qui marque notre époque, et dans une démarche de sensibilisation des publics aux
collections mises à leur disposition. Une prestation de plus pour ces institutions qui avec peu
de moyens financiers doivent assurer leur devenir et celui de leurs collections.
I.1.2 Le modèle historique du mécénat resurgit.
« L’art c’est l’exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre. »
Auguste Rodin
Depuis des siècles, l’art et la monarchie, ou l’art et le luxe ont, grâce aux artistes, dialogué.
Progressivement les entreprises voient leurs murs et leurs salles de réunion investis par des
toiles et des sculptures, les circonstances de l’avènement de l’art en entreprise se sont
imposées par petites touches au fil du temps.
Pour comprendre, pourquoi et comment, cette partie s’attachera à interroger le rôle de l’État
en matière de soutien à la culture. Et également à explorer l’univers des musées français en
termes de développement et de communication. Pour finir, les principales grandes
entreprises françaises qui jouent un rôle important pour soutenir la culture. Nous couvrirons
la peinture, la sculpture et les arts graphiques.
La prédominance du secteur public s’est vue consacrée en 1661, lors de la brutale éviction
de Nicolas Fouquet, amateur d’art et mécène privé, par Louis XIV. Certes, cet événement
n’a pas annihilé le mécénat privé, mais il a participé à la constitution d’un mécénat d’État
dont nous voyons aujourd’hui encore les effets, voire les méfaits dans l’instabilité et la
fragilité de son soutien en matière d’art. Ajoutons que l’appétence de Louis XIV pour les arts
13
BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, L’amour de l’art, Les Éditions de Minuit, 1966, p.65.
14
a non seulement mobilisé beaucoup des ressources financières du royaume, mais aussi
occupé des bataillons entiers d’artistes majeurs à la décoration de palais civils comme celui
de Versailles, ou militaires comme les Invalides.
Devant le faste de la décoration du palais de Versailles et de ses jardins, nous constatons
que le phénomène de la Cour a attiré artistes et mécènes à Paris, laissant à la province des
moyens plus limités et des artistes moins prestigieux. Cette centralisation autour de la Cour
ne devait que s’amplifier sous la Révolution, puis sous l’Empire avec la création du Musée
national du Louvre. Cette centralisation artistique ne pouvait que donner lieu à la création
d’un art officiel qui se développa tout au long de la IIIème République (1870-1940).
Apparaissent ensuite les grands collectionneurs et mécènes du début du XXème en France
et en Europe. Pour les Kahnweiler, les Rosenberg, les Durand-Ruel ou les Guggenheim, la
passion de l’art était en quelque sorte inscrite dans leur patrimoine culturel et les artistes
qu’ils soutenaient, étaient au fil des siècles, comme marqués de leur empreinte. Daniel-
Henry Kahnweiler, le marchand des cubistes, en est un parfait exemple. Ou encore Peggy
Guggenheim qui soutient Max Ernst, Fernand Léger, Marc Chagall, tous réfugiés à New
York pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Ici aussi le mécénat privé (bien que l’intérêt général soit plus discrètement mis en valeur que
celui des actions menées par les grandes familles d’industriels), ouvre la voix vers une
génération de collectionneurs et mécènes à la fois fortunés, réellement passionnés et dont
l’implication en faveur de la culture résonne encore aujourd’hui.
Il apparaît donc deux traits majeurs du mécénat en Europe : d’une part, si la pratique du
mécénat provient de familles prestigieuses, lors de la Renaissance les familles constituaient
encore en elles-mêmes la structure de la force économique et politique. Les Médicis, par
exemple, ou les Fugger, grande famille de marchands qui domina la finance européenne à
la fin du Moyen-Âge et pendant la Renaissance du Saint-Empire germanique, qui furent les
mécènes du fameux peintre et graveur Albrecht Dürer. La frontière était donc floue entre
famille, mécène et entreprise. Ce n’est qu’au XIXème siècle, avec l’émergence de grandes
familles d’industriels (les Prouvost : fondateurs du musée du textile et de la vie sociale à
Fourmies, et de l’Ecomusée de l’Avesnois à Fourmies, sont aussi collectionneurs d’art, les
Masurel financent la construction d’une école en 1894, s’impliquent dans des associations
de filateurs et d’industries lainières à Paris autour des années 1890), qu’apparaissent les
premières actions de mécénat privé, au sens où nous l’entendons aujourd’hui : c’est-à-dire
un financement qui ne provient pas de l’État ou de la Cour, sinon de particuliers et visant
l’intérêt général.
Il apparaît donc nettement que le phénomène de centralisation autour de l’art est passé de
la monarchie aux grands industriels, puis vers les mécènes et les collectionneurs érudits du
début du XXème. Le rôle social de chacun de ces mécènes est un élément important à
prendre en compte dans l’étude de l’essor du mécénat privé dans le cadre de la culture.
15
Pour le comprendre, revenons sur les particularités françaises en termes de mécénat
culturel à la fois du côté des entreprises et de l’État.
Du côté de l’État, le budget consacré à la culture semble s’être stabilisé après deux années
en baisse en 2014 et 2013. Pour 2015, il s’élève à 7,7 milliards d’euros. La culture et la
communication arrivent bien derrière l’enseignement et le logement, nettement priorisés par
l’État en 2015 avec 47,4 milliards d’euros. Pour la culture et la communication, nous
remarquons un avantage donné au secteur des médias, du livre et des industries culturelles
avec 4,3 milliards d’euros contre 2,7 milliards d’euros pour la culture et la recherche
culturelle. 734 millions sont consacrés à la création (qui intègre l’art contemporain), et 1.1
milliard d’euros mis à disposition pour la transmission des savoirs et la démocratisation de la
culture.
Budget de la culture en 2015
14
14
Source Ministère de la Culture et de la Communication – 2015
16
Le poids des investissements des entreprises en matière de mécénat.
Du coté des entreprises, nous constatons que le mécénat est présent dans la plupart des
grands groupes français sous différentes formes. Selon une étude réalisée par Admical,
(association créée en 1979 qui développe le mécénat des entreprises et des entrepreneurs)
publiée en janvier 2014, les groupes du CAC40 ont consacré chacun en moyenne 19,2
millions d’euros en 2012 à des actions de mécénat et leur budget annuel représente en
moyenne 0,06% de leur chiffre d’affaires. 59% investissent dans la culture et le patrimoine,
contre 76% dans l’éducation, 62% dans la santé et 38% dans le sport.
Grandes entreprises mécènes en 2015 en France
15
Une entreprise peut financer des projets selon le domaine d’utilité général auquel elle
souhaite se consacrer (art, santé, sport), mais elle peut également s’investir dans ce type de
projets par l’intermédiaire d’une structure dédiée, portant son nom : association, fonds de
dotation ou fondation d’entreprise.
À titre d’exemple, la fondation BNP Paribas, qui fête ses 30 ans cette année, avait un
budget de mécénat de 7 millions d’euros en 2014 dont 1,5 uniquement consacré à la culture
(spectacle vivant, musique, musées et objets d’art).
15
Grandes entreprises mécènes, source Admical 2015
17
LVMH, sous la présidence de Bernard Arnault, a donné naissance à la Fondation Louis
Vuitton, dédiée à la création artistique contemporaine, dont le bâtiment a été inauguré en
octobre 2014 à Paris. Pour finir, Gucci, la marque phare du groupe Kering, possède quant à
elle son propre musée à Florence et a récemment financé pour 340.000 euros la
restauration d’une dizaine de tapisseries du XVIème siècle.
Répartition des mécènes en fonction de la taille de leur entreprise
16
Répartition des différentes spécialités par catégorie de mécène
17
Alors que 59% des entreprises mécènes soutiennent la culture (source Admical 2014), ce
sont les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (GE) qui arrivent
16
Source ADMICAL CSA 2014
17
Source ADMICAL CSA 2014
18
en première position en matière de mécénat, avec 69%, contre 19% pour les PME et 16%
pour les TPE. 24% des mécènes se consacrent aux musées et aux expositions, et 41% de
leur budget est utilisé à cet effet. Comment expliquer l’attrait des grandes entreprises pour le
mécénat ? L’économiste et financier belge Thibaut André 18
remarque que les civilisations et
les sociétés qui ont pu développer les arts et la culture sont celles qui ont accordé une place
prépondérante au commerce et à son libre exercice dans un environnement juridico-fiscal
relativement équilibré. De ce fait, l’accumulation de capital augmentant les standards de vie,
les individus, une fois délivrés des contraintes liées aux besoins essentiels de l’existence,
peuvent s’adonner à des activités non-économiques.
Il rajoute : 19
« Les arts et la culture, quand on a accumulé de l’épargne, et même un surplus,
ça ne se finance pas via l’endettement public mais sur fonds propres et privés. » Hors
l’étude ci-dessus, publiée en 2014 par Admical, démontre en effet que plus l’entreprise est
importante, plus les budgets consacrés au mécénat peuvent se développer et perdurer.
Point sur le mécénat, sa fiscalité et ses avantages pour les entreprises
La loi n°2003-709 du 1er
août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux
fondations, dite « Loi Aillagon », a institué un dispositif fiscal pour développer en
France le mécénat des entreprises et des particuliers dont les caractéristiques
(dispositif de droit commun) sont les suivantes :
-­‐ en faveur des entreprises (Art. 238 bis, CGI) : réduction d’impôt sur les
bénéfices égale à 60% du montant du don (en numérique ou en nature) à un
organisme ou une œuvre d’intérêt général dans la limite des versements annuels de
0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise. En cas d’excédent de versement,
l’entreprise dispose de cinq exercices pour utiliser sa réduction d’impôt.
-­‐ en faveur des particuliers (Art. 200, CGI) : réduction d’impôt sur le revenu au
taux de 20% du revenu imposable du donateur, avec report possible sur cinq ans en
cas d’excédent de versement
Les musées et leur financement aujourd’hui
Depuis 2003, le milieu culturel français a connu un bouleversement. La loi Aillagon sur le
mécénat du 1er
août 2003 permet (comme nous le montre ce récapitulatif ci-dessus), aux
18
Thibaut André, blog personnel CONTRARIO, billet : Pourquoi l’état n’a pas à se mêler de la culture, un bref
argumentaire, mis en ligne le 29 mai 2013
19
Thibaut André, blog personnel CONTRARIO, billet : Pourquoi l’état n’a pas à se mêler de la culture, un bref
argumentaire, mis en ligne le 29 mai 2013
M
é
c
é
n
a
t
:
s
o
u
t
i
e
n
m
a
t
é
r
i
e
l
a
p
p
o
r
t
é
,
s
19
particuliers de devenir mécènes au même titre que les entreprises et avec des avantages
comparables.
Internet, l’essor des réseaux sociaux et la facilité d’accès à une multitude de dispositifs
numériques qui peuplent notre quotidien (tablettes, smartphone, réalité augmentée, visite
virtuelle, visioguide) permettent une expérience de plus en plus personnalisée et enrichie en
termes d’appréciation et de découverte de notre environnement. De fait, la technologie a
aussi sa part à jouer dans la métamorphose de l’expérience culturelle mais également dans
la quête de nouveaux mécènes. Du coté des grands musées français, (nous prendrons le
cas du Musée d’Orsay, et du Centre Pompidou), cette quête, se développe autour de la
mise en relation entre les organisations culturelles, porteuses de projets et les citoyens. Le
fait de chercher à toucher directement les particuliers, est le signe d’une nouvelle
citoyenneté culturelle. Les nombreuses campagnes de mécénat participatif que les plus
grandes institutions culturelles françaises n’hésitent pas à utiliser, le démontrent. C’est
notamment le cas du musée du Louvre, qui, dans le cadre de sa campagne Tous mécènes !
a pu acquérir un joyaux du mobilier français XVIIIème : La Table de Teschen, que nous
détaillerons dans une partie suivante. Cette campagne a permis à des mécènes privés mais
aussi à des entreprises de participer à cette acquisition. Grâce aux réseaux sociaux, et les
sites internet des musées, il est devenu plus aisé pour ces institutions de présenter un projet
de mécénat via des contenus mobilisateurs et de faire appel au plus grands nombre :
mécènes privés, entreprise, mais également de s’ouvrir à l’international.
Le cas du Musée d’Orsay
Depuis 2013, le Musée d’Orsay prépare une campagne territoriale et internationale pour
procéder à la restauration de L’Atelier du peintre de Gustave Courbet. Le musée a bénéficié
d’un soutien provenant de différents donateurs : 20
l’Art Conservation Project de Bank of
America Mellrill Lynch, et des « American friends of Musée d’Orsay ».
En parallèle, le musée a lancé en octobre sa première campagne participative pour
compléter le financement de cette restauration (600.000 euros devaient être récoltés) afin
d’offrir la possibilité à tous, de participer à ce projet. Le musée s’est également appuyé sur
un réseau d’ambassadeurs pour finaliser le projet. Plus de 21
1335 donateurs ont donné
155.374 euros en 80 jours d’appel aux dons.
20
Tiré du rapport d’activité du Musée d’Orsay, édition 2014.
21
Chiffres tirés du rapport d’activité du Musée d’Orsay, édition 2014.
20
Ressources propres et financement de l’Etat, dans le cas du Musée d’Orsay de 2004 à
2014.22
(la courbe verte représentant l’Etat).
Nous constatons une baisse de l’apport financier de l’état en faveur du Musée d’Orsay à
partir de 2011 avec un léger rebond en 2014.
Alors qu’en 2014 les subventions de l’Etat s’élèvent à 27 millions d’euros, les ressources
propres du musée atteignent environ 37 millions d’euros.
Le dépassement des subventions de l’Etat au profit des ressources propres s’est amorcé au
cours de l’année 2011 et cette courbe n’a pas été inversée depuis.
Bien que l’Etat soit toujours présent dans le paysage financier d’Orsay, (à hauteur de 26
millions d’euros environ pour 2013 et 29 millions environ en 2014) on observe que le musée
à principalement fait appel à des mécènes particuliers ou des entreprises pour financer ses
principaux grands projets.
22
Tiré du rapport d’activité du Musée d’Orsay, édition 2014.
21
Dans le cas du Centre Pompidou
Pour le Centre Pompidou, nous nous concentrerons principalement sur les chiffres et les
recettes pour l’année passée. Les détails sur la programmation, les mécènes et les
expositions seront développés dans plusieurs parties suivantes.
Les subventions du ministère de la Culture et de la Communication ont diminué depuis 2007
pour le Centre Pompidou. Elles s’élevaient à 75.881.930 millions d’euros en 2007, le point
culminant étant en 2009 avec un total de subvention accordées par l’État d’un montant de
78.503.611 Millions d’euros. En 2014 elles étaient passées à 66.237.406 millions d’euros. 23
Lors de notre récente interview, Benoît Parayre directeur de la communication et du
mécénat au Centre Pompidou nous a confirmé ce désengagement de l’État. Il indique que
les subventions de l’État s’élèvent à 10% du budget total du centre (ce chiffre étant calculé
sur 6 ans). Dans cet autofinancement, il faut compter les recettes propres qui sont
apportées en grande partie par la billetterie.
Pour les organisations, le fait de pouvoir s’ouvrir directement aux publics et aux particuliers
augmente le nombre de mécènes potentiels. Ces différentes sources de financement,
qu’elles proviennent d’entreprises ou de particuliers, permettent d’explorer une nouvelle
relation entre l’institution et le public.
Le mécénat des particuliers ne remplace pas celui des entreprises. Il peut le compléter en
apportant un soutien populaire et citoyen aux cotés des acteurs de la culture.
Finalement, comme le témoignent les chiffres ci-dessus, face à la restriction des budgets
accordés par l’État aux institutions culturelles française, c’est le renouveau d’un mécénat
ancien qui est à présent en train d’éclore. Celui des particuliers, mais aussi celui des
entreprises.
N’est-ce pas là un moyen de rendre à l’art ses lettres de noblesses en donnant la possibilité,
à qui le souhaite, citoyens, entreprises, françaises ou internationales, d’apprécier ces
créations en y étant associés. De plus, l’initiative de s’ouvrir à des campagnes de mécénat
participatif, ou de faire appel à des entreprises confronte et responsabilise la société aux
problèmes bien réels que rencontre l’art aujourd’hui au sein des institutions qui conservent
ces créations. Des restrictions financière, qui se répercutent également sur la médiation et
l’accès à l’art pour les publics. Les campagnes de mécénat participatif semblent être une
solution car elles permettent aux musées comme aux citoyens de s’associer autour d’un
projet commun.
La recrudescence d’un modèle ancien de mécénat, confirme une baisse des subventions de
l’État en faveur de la culture, mais d’un autre coté offre des solutions pour décloisonner les
23
Chiffres provenant du rapport d’activité du Centre Pompidou, édition 2014.
22
liens entre les citoyens, le monde de la culture et celui des entreprises. De plus, ces actions
vont dans le sens d’une forme de démocratisation culturelle.
I.1.3 Le lien entre l’avènement de l’art dans les entreprises et la théorie des parties
prenantes de Freeman est avéré.
« Face aux œuvres d’art, les hiérarchies professionnelles font davantage place à des dialogues transversaux »
José Frèches, ancien conservateur du musée Guimet, Paris.
24
Ed Freeman, philosophe et universitaire américain, né en 1951, part du principe que
l’entreprise ne devrait pas uniquement être attentive à ses actionnaires mais bien à
l’ensemble des catégories d’acteurs avec lesquels elle est en relation. Il en déduit une
théorie : la théorie des parties prenantes. Représentant l’une des pierres angulaires de la
RSE (responsabilité sociale des entreprises) elle s’est progressivement affirmée comme un
courant théorique d’importance pour appréhender l’entreprise et son organisation.
La RSE a commencé à se développer à la fin du XIXème aux États-Unis, poussée par la
présence accrue de la religion au sein des entreprises et plus précisément chez les
dirigeants qui encouragent les actions philanthropiques au travers de fondations (par
exemple Rockfeller, Carnegie, Ford…).
De plus, une forte méfiance envers l’État pousse les entrepreneurs anglo-saxons à agir par
eux-mêmes et trouver des moyens pour assurer le développement de leur entreprise.
24
Article L’art au service de la culture d’entreprise, Eric Delon, Les Echos, 10/01/2006
23
De l’importance des stakeholders et de l’imagination
25
Ed Freeman s’inscrit dans cette logique protestante de méfiance envers l’État. La vision de
Freeman est d’abord de mettre en avant le but premier d’une entreprise, sa raison d’exister,
avant même les enjeux d’actionnaires, d’argent et de profit. Ses travaux s’inscrivent dans le
champ d’une philosophie morale, et plus précisément de l’éthique des affaires.
Contrairement aux idéologies dominantes de ces années, portées par des personnalités
comme l’économiste américain, Milton Friedman qui consistent à penser que le but de
l’entreprise est d’amasser du profit pour ensuite le redistribuer aux actionnaires, Freeman
tente de démontrer le contraire, en plaçant le profit comme une conséquence de l’activité de
l’entreprise, et non sa cause première. Freeman démontre que le but de l’entreprise est de
répondre aux besoins de toutes les parties prenantes, ce qui permettra de réaliser ensuite le
profit.
Ce que la théorie de Freeman apporte en résumé :
Freeman affirme que les parties prenantes sont des personnes réelles. L’entreprise doit
accepter de négocier avec elles (et pour cela identifier des interlocuteurs pertinents,
représentant les différents enjeux des parties prenantes).
L’entreprise doit accepter de questionner ses points de vue pour tenir compte des besoins
des parties prenantes. Bien sûr, elle ne renoncera pas à tous ses principes, mais au moins,
sera posée la question de leur pertinence.
25
Tiré de l’article, De l’importance des stakeholders et de l’imagination, dynamiquemag.com, Coralie Franiatte,
11/06/13
24
Freeman pense qu’un accord est toujours possible ; en cas d’intérêts contraires entre
parties prenantes, l’entreprise ne doit pas choisir l’une plutôt que l’autre mais rechercher un
compromis, une troisième voie, qui permettrait de satisfaire les deux intérêts.
Freeman soutient ainsi que la RSE est porteuse d’innovation car elle permet d’imaginer de
nouvelles façons de faire.
Lorsqu’une entreprise est au centre d’un contexte économique précaire, marqué par
l’incertitude financière, le fait de reconnaître les liens d’interdépendance entre l’entreprise et
ses parties prenantes constitue un atout pour créer de la valeur, et joue un rôle déterminant
dans le succès à long terme d’une entreprise. La théorie des parties prenantes a aussi le
mérite d’apporter le cadre de réflexion au concept de responsabilité sociale de l’entreprise.
Par une prise en compte globale des besoins et des actions des différentes parties
prenantes, cette théorie permet d’identifier et d’organiser les multiples obligations de
l’entreprise envers les différents groupes qui y contribuent.
Devant cette notion que l’on pourrait qualifier de ‘bien vivre ensemble’, l’entreprise se doit
d’instaurer un dialogue régulier avec ses salariés et le reste des actionnaires de l’entreprise.
Hors selon une récente étude, 26
avant même la question de la rémunération, les premières
motivations du salarié sont l’épanouissement professionnel et la qualité de vie au travail. Le
dernier reporting RSE, qui a porté sur le bien-être en entreprise (au même titre que les
risques psychosociaux), va dans ce sens.
Pour répondre à ces besoins, les entreprises perçoivent la nécessité d’investir dans des
solutions telles que les conciergeries, les crèches, les salles de sport mais également dans
des propositions culturelles et pédagogiques vouées à l’enrichissement intellectuel des
salariés.
Selon le magazine INfluencia : 1 euro investi pour le bien-être des salariés rapporte 2,20
euros à l’entreprise, soit plus du double ! (étude ISSA Braunig & Kohstall 2011).
L’apport des œuvres au sein même d’une entreprise semble bien convenir à ces challenges
quotidiens de l’entreprise contemporaine pour à la fois se positionner face à ses concurrents
et offrir à ses employés un cadre de travail plus humain et plus agréable, au sein d’un
environnement créatif. Grâce aux démarches culturelles, les entreprises peuvent mettre en
scène leur histoire, construire leur imaginaire et quitter le cadre purement consumériste.
L’art a le pouvoir de faire sortir l’entreprise hors de ses murs et contraindre ses
collaborateurs à réfléchir en dehors des cadres traditionnels : « les œuvres ont renforcé la
culture d’entreprise, car chacun s’est senti impliqué dans un projet qui dépassait l’aspect
26
Carte blanche à INfluencia, L’art levier de performance en entreprise, Forum d’Avignon Culture is Future,
26/10/13
25
strictement professionnel de l’activité première de l’entreprise. Au sein de l’entreprise l’art
agit comme un déclencheur. » (Jean-François Darrousez PDG Aequitas, Lille) 27
Selon une étude de 2013, réalisée par le magazine INfluencia28
, l’art rassemble les publics.
Il peut donner du sens à l’entreprise, doper les leviers de croissance, nourrir la marque
employeur, peut générer de l’innovation produit, et offrir une communication différenciante.
Du côté des artistes et des professionnels de l’art qui se rapprochent du milieu des
entreprises, c’est également une opportunité de bénéficier de nouveaux canaux de diffusion
et d’ouverture sur des publics différents.
Pascale Cayla, fondatrice de l’agence d’art contemporain l’Art en direct, fondée en 1992,
dans le cadre d’une demande croissante des entreprises en matière d’art, le confirme : « Il
nous est apparu clairement que le monde de l’entreprise avait un rôle essentiel à jouer dans
la valorisation de la création auprès d’un nouveau public. Nous étions déjà convaincues que
l’art pouvait être développeur de croissance pour l’entreprise elle-même. Et nous n’avons eu
de cesse de le prouver depuis ». L’agence a développé des projets artistiques, dans le
cadre du management par l’art, d’organisation d’événements autour de l’art comme des
expositions ou des happenings avec des entreprises telles que : Société Générale, Dior, la
Société Foncière Lyonnaise, Orange, Chevrolet, Bernardaud, La Fondation Colas, La Poste,
etc.
27
Article L’art au service de la culture d’entreprise, Eric Delon, Les Echos, 10/01/2006
28
Article Carte blanche à INfluencia, L’art levier de performance en entreprise, Forum d’Avignon Culture is
Future, 26/10/13
26
29
Les liens entre la théorie des parties prenantes et les raisons pour lesquelles les entreprises
font appel à l’art sont évidents. Les deux vont dans le sens d’un mieux vivre ensemble,
d’une amélioration de la qualité de vie au travail, d’une manière d’échanger, de
communiquer et de se positionner à travers un projet innovant. Les œuvres sont un levier de
communication qui permet de rassembler les salariés autour d’un projet commun à
l’ensemble de l’entreprise.
À travers le prisme de l’art, la société agit sur son image, s’ouvre à des publics différents par
le biais de nouveaux canaux de diffusion.
29
Interview de Pascale Cayla, fondatrice de l’agence de communication culturelle l’Art en direct, dans La
Tribune n°62, par Valérie Abrial, octobre 2013.
27
Les liens entre l’art en entreprise et la théorie des parties prenantes
*Mise en valeur des liens et des leviers de création de valeur entre la théorie des parties prenantes et
l’avènement de l’art en entreprise.
Il n’est pas prouvé que la théorie des parties prenantes, mise au goût du jour par Edward
Freeman en 1984, coïncide avec la naissance des collections d’entreprises.
L’entreprise, au centre d’une démarche de mise en valeur de son capital humain, a dû
réorganiser sa stratégie, et aller dans le sens d’un management intelligent.
L’idée de l’instauration d’une collection d’entreprise, ou d’expositions ponctuelles au sein de
la société, reprend les fondements de mieux vivre - ensemble, de cohésion, et de
développement durable de la théorie de Freeman.
28
I.2 Le mécénat culturel est un socle pour le développement durable des
entreprises.
« La hiérarchie des domaines de mécénat évolue et témoigne d’un véritable souci des préoccupations sociales
et sociétales actuelles, ainsi que d’une attention toute particulière apportée aux jeunes et aux nouvelles
générations. »
30
Henri Loyrette, président d’Admical
31
Mécénat : soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du
bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un
intérêt général.
32
Répartition des acteurs de mécénat d’entreprise en 2014.
30
Tiré directement du site d’ADMICAL, dans le cadre des graphiques répartissant les acteurs du mécénat
d’entreprise en 2014.
31
Définition tirée du site Mécénova.
32
Enquête : « Que retenir des dix ans du dispositif mécénat ». Etude réalisée par Fidal en 2013
29
Enquète : Que pensez-vous du mécénat pour une entreprise ?
33
Le mécénat n’est désormais plus cantonné à l’art. Il existe aussi présent sous bien d’autres
formes, qui n’ont parfois plus rien à voir avec les notions de prestige et de rêve, mais qui
sont plutôt synonymes de partage, d’entraide et de solidarité. Les secteurs de la solidarité,
de l’enseignement et de l’écologie sont de plus en plus au cœur des préoccupations. Alors
que les entreprises préfèrent investir sur des sujets sociaux, d’autres privilégient la culture,
d’autres encore investissent dans plusieurs domaines à la fois.
1.2.1 L’implication du mécénat d’entreprise dans des causes d’intérêt social.
La maison Guerlain
Fondée en 1828 par Pierre-François-Pascal Guerlain, la devise de la maison Guerlain était
la suivante : « La gloire est éphémère, seule la renommée dure ». Pendant plus de 150 ans,
elle est restée propriété de la famille Guerlain. À la suite de son rachat en 1994, Guerlain est
désormais une marque de la branche parfums et cosmétiques du groupe LVMH. Magnat
des produits de beauté, symbolisant quelque peu une certaine forme de superficialité, le
groupe LVMH cherche à intellectualiser son image en investissant dans l’écologie. En effet,
leur slogan « Au nom de la beauté, l’engagement durable Guerlain » s’inscrit directement
dans une volonté de s’orienter vers le développement durable.
33
Enquête : « Que retenir des dix ans du dispositif mécénat ». Etude réalisée par Fidal en 2013
30
Chaque produit a un impact écologique, de la création à l’emballage. Guerlain s’attache à
mettre en avant l’utilisation de matières naturelles dans leurs cosmétiques et maquillages.
Pour ce qui est de la diffusion et plus précisément la publicité, ils sont très attachés à la
deuxième vie des supports.
Ainsi, lors de leur dernière campagne « La petite robe noire », chaque bâche et affiche
publicitaire a été transformée en sacs, pochettes et carnets collectors qui ont été façonnés
par une entreprise employant des personnes en situation de handicap. L’utilisation de
l’abeille comme symbole de cette nouvelle ligne directrice renforce cet argumentaire et
véhicule une image forte. Le rapprochement avec la nature induit une maison concernée et
impliquée dans des valeurs autres que l’insouciance. La beauté et le luxe de cette maison
sont désormais associés à la préservation de la planète. Dans la continuité de cet
engagement social, la devise d’autrefois semble être encore d’actualité : « La gloire est
éphémère, seule la renommée dure ».
31
Héritiers des célèbres parfumeurs, Florence et Daniel Guerlain sont connus en France pour
leur passion et collection de dessins contemporains. La fondation a été créée en 1996 pour
favoriser la rencontre entre les artistes et le public aussi largement que possible. Depuis
2004, son unique activité est l’attribution d’un Prix de dessin contemporain.
Ce Prix s’adresse à des artistes français et étrangers habitant ou non en France mais ayant
au moins, un lien culturel avec la France. Une commission sélectionne les artistes proposés
à un jury international de collectionneurs privés. La remise de ce Prix se fait au Salon du
Dessin à Paris, chaque année, entre le mois de mars et le mois d’avril et offre au lauréat
une dotation de 15.000 euros. De plus, une œuvre du lauréat est offerte chaque année au
cabinet d’art graphique du Centre Pompidou.
Le mécénat qui associe la culture et l’écologie, apparaît comme un levier stratégique
essentiel pour la communication des entreprises au XXIème siècle.
La maison Guerlain a su se renouveler au fil des époques et trouver les relais d’influence
afin de perdurer sur la scène autant économique que sociale.
1.2.2 Le mécénat représente une fenêtre vers l’avenir pour les entreprises.
Dans une époque de démotivation et de perte de repères, chez les salariés une action
concrète de mécénat peut redonner du sens au travail de chaque collaborateur et ouvre de
nouvelles opportunités pour l’entreprise. Selon Benoit Parayre, directeur de la
communication et des partenariats au Centre Pompidou à Paris, « Le mécénat va toujours
dans le sens d’une évolution pour l’entreprise ». De par son action à la fois en interne et en
externe, il renforce la fierté d’appartenance des salariés, il représente un bénéfice d’image
pour l’entreprise, et de confiance aussi bien en interne qu’en externe. Il offre à l’entreprise la
possibilité de redorer comme nous l’avons vu précédemment un blason terni par un secteur
d’activité ou des événements impopulaires. Enfin le mécénat donne la possibilité à
l’entreprise d’élargir ses compétences et de dépasser les limites que lui assigne sa tâche
spécifique habituelle.
Le cas de Total
Pour Total, première entreprise française et deuxième capitalisation boursière de toute la
zone euro, ne convient-il pas seulement d’améliorer auprès du grand public l’image d’une
multinationale aux bénéfices record et aux effets nocifs pour l’environnement ? La crédibilité
de ses engagements en faveur des causes sociales sera renforcée par la création de sa
Fondation d’entreprise, en 1992. Dans tous ses champs d’activité, la Fondation Total
privilégie les partenariats de long terme. Il s’agit, au-delà du soutien financier, de croiser les
expertises et de les renforcer pour enrichir l’intelligence collective. La Fondation Total, est
partenaire de grandes institutions culturelles françaises (Musée du Louvre, Musée du quai
32
Branly, Institut du Monde Arabe, le Centre Pompidou), dont elle accompagne régulièrement
les expositions, avec la volonté de contribuer au dialogue des cultures. Elle œuvre par
ailleurs pour développer des passerelles entre culture et solidarité et faire venir aux musées
des publics en situation de précarité sociale et économique. Au-delà de ses partenariats
culturels, la Fondation Total intervient dans trois autres grands domaines d’action : la
solidarité, la santé et la biodiversité marine. C’est ainsi que, pour faire reconnaître le
patrimoine français sur tout le territoire, ses actions en faveur des musées comprennent la
restauration de la galerie d’Apollon au Musée du Louvre, l’ouverture du département des
arts de l’Islam au sein du même musée et le mécénat de l’exposition Monumenta, en mai et
juin 2014, au Grand Palais, consacrée aux artistes Ilya et Emilia Kabakov. La Fondation
Total a contribué à la découverte de ces deux créateurs, dont les travaux très engagés
représentent différentes visions de la ville du monde du progrès et de la science. Elles
éclairent le public sur leur devenir, un pas de plus vers l’avenir pour Total qui souhaite se
tourner vers la jeunesse et soutient par le biais de sa fondation des opérations d’accueil de
publics dits éloignés de la culture, se mobilise pour l’insertion professionnelle des jeunes et
l’accès à l’éducation artistique et culturelle. C’est le cas du colloque « Apprendre par l’art, un
art d’apprendre » organisé en octobre 2014. Réunissant plusieurs personnalités du monde
de la culture, ce colloque tend à éclairer les multiples enjeux de l’Éducation Artistique et
Culturelle. Par ces actions, Total se positionne comme étant un mécène d’importance,
concerné et engagé par le devenir des domaines qui lui sont chers.
Ces exemples d’actions qui répondent aux aléas médiatiques de l’actualité, et prenant part
au quotidien des musées, Total et sa Fondation s’inscrivent, à leur manière, dans l’histoire
d’un lieu emblématique de la culture française, dont la renommée à la fois grandissante et
immortelle assure à l’entreprise Total une visibilité pérenne.
Le cas du Centre Pompidou et du projet Art Car
Le mécénat entre le Centre Pompidou et la société BMW, en 2010, pour la présentation de
la Art Car, décorée par l’artiste Jeff Koons, illustre l’idée d’un partenariat construit sur le long
terme, abordant des sujets à la fois porteurs et d’actualité. La voiture présentée, une BMW,
M3 GT2, s’était affichée à la fois dans le cadre de l’exposition au Centre Pompidou, puis dix
jours plus tard au départ des 24 heures du Mans. Elle a ensuite débuté un tour du monde,
au Royaume-Uni, à Séoul, en passant par Miami. Une opportunité pour la marque BMW et
pour le musée de s’enrichir mutuellement des particularités d’image, de visibilité et de
communication de leur domaine de spécialité respectifs. Pour la marque, cette association a
pu illustrer à la fois son audace et son engagement en faveur de causes artistiques de très
grande envergure, mobilisant des artistes de renommée internationale. Le Centre
Pompidou, quant à lui, a pu bénéficier de l’attractivité de la marque BMW, mais aussi de
tous les efforts de communication engagés par la firme, pour diffuser ses actions, accroître
la visibilité de l’événement et le taux de fréquentation. Benoît Parayre y voit une opportunité
de s’étendre à d’autres domaines très porteurs comme les courses automobile. Il précise
33
que : « dans une si grande institution, qui ne se cache pas d’avoir perdu six millions d’euros
en six ans, l’importance de ces mécénats croisés comme celui de notre musée et de BMW,
est bien réelle et sécurise l’avenir de notre musée et de nos programmations ».
En s’engageant depuis 2010 avec la marque BMW dans le cadre du projet Art Car, le
Centre Pompidou poursuit son cheminement dans une dynamique d’engagement et
d’accompagnement à long-terme de ses mécènes. De plus, la grande visibilité et notoriété
que génère ce type de projets façonne l’image des entreprises, ancre un peu plus leurs
actions dans l’histoire de leurs organisations. Fort de son succès, le véhicule était à
nouveau visible au Centre Pompidou du 4 février au 16 mars 2015, dans le cadre de la
rétrospective dédiée à l’artiste Jeff Koons.
Au travers d’un musée aussi fréquenté que le Centre Pompidou (3,45 millions de visiteurs
en 2014), BMW assure sa notoriété et sa visibilité en tant qu’acteur culturel tandis que le
musée profite de l’aura de la société automobile allemande.
En s’ouvrant à d’autres domaines de spécialité la marque et le musée s’inscrivent en
s’associant, dans une dynamique innovante de diversification de leurs publics, clients et
stratégies de communication. Par ces actions de mécénat, BMW accompagne le
développement d’un des lieux incontournables de la culture parisienne, mondialement
connu. Malgré la force financière du groupe BMW ou de Total, s’investir dans la culture et
aider à son développement et son rayonnement, semble apparaître pour chaque
entreprise comme un gage de rassurance et de pérennité.
34
34
Présentation en première mondiale de l'Art Car de Jeff Koons au Centre Pompidou à Paris, 2 juin 2010
34
Aussi bien pour BNP que pour Guerlain, ou Total, les raisons qui poussent les entreprises
à s’investir dans des causes d’intérêts sociales sont stratégiques de différentes manières,
de plus il y a aussi des points communs qui se retrouvent dans chacune de ces
entreprises : de gros moyens financiers, et une notoriété construite au fil de temps. Nous
remarquons également que la nature de l’activité de ces organisations a tendance à
justifier certaines associations dans le domaine social.
En effet, Total, BMW, Guerlain, BNP, comme nous l’avons vu plus haut, symbolisent à la
fois le monde de la beauté qui peut aussi être perçu comme étant futile. Le monde du
pétrole, de la finance ou de la gestion, quant à lui peut générer des perceptions négatives
quant à la nature de son activité dans l’imaginaire collectif. Mais, de part ces différents
partenariats et mécénat, ces entreprises ont réussi à utiliser leur richesse et leur notoriété
à bon escient pour sortir de leur domaine de spécialité par des actions en faveur du
développement durable et de la culture. De part leur fidélité à ces institutions culturelles
depuis de nombreuses années, ces entreprises mécènes, qui favorisent le développement
des musées et de leurs collections, brouillent les frontières qui se trouvent entre l’art et le
développement durable à proprement parler. Bien que le développement durable mette en
exergue la notion de besoins, le cas de Total par exemple de part son implication au profit
de l’apprentissage par l’art, la solidarité ou la santé, renforce l’idée d’un décloisonnement
entre la culture et le développement durable.
Selon une étude réalisée en 2013 par le site Sequovia pour le développement durable en
entreprise confirme qu’il est à la fois un facteur de cohésion, d’innovation, de motivation,
un levier de recrutement, de confiance et de conquête des nouveaux marchés, pour
l’entreprise. Il précise aussi que le développement durable anticipe les risques tout en
renvoyant une image positive de l’entreprise. A ce titre, le Ministère de la Culture et de la
Communication a organisé un colloque en novembre 2012, dans lequel des artistes, des
philosophes et des scientifiques sont venus témoigner du rôle de la culture dans la
transition écologique. Du « Land art » aux films documentaires, ou des éco-festivals, cet
intérêt pour l’écologie et la sauvegarde de la planète dont témoignent les artistes, est une
preuve de plus que l’art reste un médiateur « caméléon » capable de se transformer en
une véritable plateforme de dialogue. Plus précisément, de témoigner de la fragilité de la
planète et de permettrent aux entreprises de se responsabiliser et de se positionner face à
ce phénomène.
35
1.2.3 Pour l’entreprise, le mécénat est un des aspects d’un mode de management
intelligent.
« La culture, la solidarité, l’environnement sont, au-delà des obligations légales, au cœur de la relation entre
l’entreprise et la société. Nous défendons l’idée d’une « performance globale. »
Thomas Chaudron et Didier Livio
Toute entreprise doit travailler à sa pérennité et à la valorisation de ses ressources,
tangibles et intangibles. L’intensification de la concurrence et la mondialisation ont durci le
jeu économique.
Dans un climat économique morose, comme l’explique Jean-François Grunfeld de l’agence
de communication Museum Expert (interviewé par mes soins en avril 2014): « Les
entreprises doivent se réinventer de manière intelligente, Le mécénat et les nouvelles
formes de financement participatif semblent être une bonne solution pour avancer. »
La loi sur les musées du 4 janvier 2002 (complétée par la loi du 1er août 2003 relative au
mécénat, aux associations et fondations) a autorisé de nouvelles pratiques mécènes.
Le musée du Louvre en bénéficie comme l’illustre le cas suivant.
Le cas du Musée du Louvre.
César Chemineau, chargé de communication au Musée du Louvre, interviewé en avril
dernier 2015, évoque des actions de mécénat comme étant un outil à la fois intelligent et
vital pour le développement des collections et le management global du musée. Dans la
continuité de cette démarche, le musée propose depuis 2010 des campagnes publiques
d’appels aux dons, et offre la possibilité à quiconque de participer à l’acquisition d’œuvres
d’art de qualité muséale. Ces campagnes, « Tous mécènes ! » bénéficient de la visibilité et
de la communication étendue des réseaux sociaux, par le biais des pages Facebook,
Instagram, et directement sur le site du musée. L’importance des réseaux sociaux agit à la
fois comme levier de communication et comme moyen de rassembler le plus grand nombre
de personnes autour d’un projet. Le cas d’un mécénat participatif s’inscrit dans cette
démarche à la fois stratégique et publique.
Lancée le 7 octobre 2014, la dernière campagne d’appel aux dons avait pour but de réunir
la somme d’un million d’euros sur un budget total de 12,5 millions nécessaires à l’acquisition
de la Table de Teschen, joyau du mobilier du XVIIIème. La Table, dite aussi Table de
Breteuil, offerte en 1780 au diplomate Louis Charles Auguste Le Tonnelier, baron de
Breteuil, est un chef-d’œuvre incontesté de Johann Christian Neuber, grand orfèvre et
minéralogiste de l’époque. Dès la fin janvier 2015, 700.000 euros ont été réunis grâce à la
contribution de plus de 4 500 donateurs individuels et 350.000 euros grâce au soutien de la
Société des Amis du Louvre. Une opportunité pour le musée d’enrichir ses collections, et de
renforcer les liens avec ses publics. Pour aller plus loin, c’est la force des communautés qui
36
deviennent actrices de l’économie et de la société. Le principe du financement participatif,
où ‘les petits ruisseaux font de grandes rivières’, semble être de mise dans les institutions
culturelles. De nouveaux mécènes qui, avec quelques euros, se mêlent au destin d’un
musée de renommée mondiale.
De plus, Robert Fohr, Chef de mission du Mécénat au Ministère de la culture et de la
communication, (interviewé en septembre 2014), précise « Nous assistons à une évolution
très frappante des mécènes, qui utilisent leur contreparties (visibilité, mise à disposition
d’espaces, etc.) non pas pour faire des relations publiques mais pour faire encore plus de
mécénat et ça c’est formidable ! »
Le cas du Centre Pompidou et de sa communication croisée avec le PMU
35
Mécénat croisé : Soutien de projets combinant au moins deux champs
d'intervention. Exemple de mécénat croisé : soutenir des projets d'éducation par la
culture, d'insertion par le sport, de sensibilisation à l'environnement par la pratique
artistique, etc. Les entreprises optent de plus en plus pour ce type de mécénat.
Selon Alain Seban, directeur du Centre Pompidou, établir une communication croisée entre
le mécène et le bénéficiaire permet un profit mutuel. En somme, chaque entité communique
pour l’autre, permettant à la fois d’accroître la notoriété, de mutualiser les coûts de
communication (création, édition, diffusion) puisqu’ils sont partagés par les marques
partenaires, d’accroître le nombre de visiteurs ou clients potentiels. Pour illustrer cet
exemple de communication et de mécénat croisés nous pouvons citer le cas du PMU, très
engagé en faveur de la création photographique contemporaine depuis six ans. Le PMU
donne carte blanche à des photographes pour porter leur regard sur l’univers des jeux et
des courses qui leur est, a priori, étranger. C’est ainsi qu’en 2015, le PMU devient partenaire
de la galerie de photographies du Centre Pompidou. Inaugurée en novembre 2014, la
Galerie est un nouvel espace permanent d’exposition dédié exclusivement à la
photographie. Cette discipline, déjà présente au sein du musée dans les collections
modernes et contemporaines, trouve une nouvelle visibilité. Elle permet la programmation
régulière de trois expositions par an, thématiques ou monographiques, déclinées selon
différents modules : historique, transversal ou contemporain. Étendue sur 200m2, en accès
libre, elle propose au public de nouvelles lectures d’un fonds riche de 40 000 épreuves et 60
000 négatifs. Bien plus qu’un simple partenariat, cette méthode de communication et de
mécénat croisés s’inscrit dans une perspective stratégique sur le long terme,
35
Définition tirée du site Mécénova
37
particulièrement recherché par les bénéficiaires. Le mécénat étant devenu un vecteur
puissant de communication, les entreprises qui donnent privilégient de grosses structures
qui les rassurent quant aux retombées en termes de visibilité. À la fois stratégique et
avantageux, ce type de mécénat, de plus en plus recherché par les institutions culturelles,
est une solution salutaire face à une diminution significative du budget du mécénat, qui
depuis 2008, affiche une baisse de 63% (chiffre Admical 2014).
Les institutions culturelles françaises sont elles aussi impactées par la crise et doivent,
comme nous l’avons vu précédemment, trouver des solutions pour réinventer leur
programmation. Le mécénat croisé, tout comme le mécénat participatif, semble faire partie
d’un mode de management innovant et intelligent et offre aux entreprises des leviers
stratégiques inédits.
Le mécénat culturel voit ses crédits fondre, bien souvent, au bénéfice du secteur social.
Ainsi, plutôt que de financer une restauration ou une exposition, une entreprise mécène va
bien souvent désormais financer l’accessibilité des collections permanentes des musées, ou
de leurs expositions temporaires.
Les entreprises et les musées ont réussi un pari. Un pari fondé sur un constat réaliste et
visionnaire, qui matérialise l’éloquence de ce vieil adage : « l’union fait la force ».
I.3 Les fondations d’entreprises tournées vers l’art : un outil au service de la
communication.
36
36
Définition d’une fondation, provenant du site droit-finances.net
La fondation est l'acte par lequel un ou plusieurs donateurs décident
d'affecter des biens, des droits ou des ressources en vue d'accomplir une
oeuvre d'intérêt général sans recherche de profits. L'objectif d'une
fondation ne doit pas être de servir des intérêts privés. Par rapport à
l'association, la fondation repose sur l'engagement financier de ses
créateurs et ne comporte pas des membres mais des donateurs.
38
37
Depuis 2004, le nombre de fondations dédiées aux arts et à la culture s'est accru de 74%.
Alors que 221 structures avaient été créées entre 1870 et 2004, elles sont 163 à avoir vu le
jour en une décennie. Parmi elles, 81 fondations d'entreprise sont apparues, témoignant non
seulement de l'utilité de ce statut créé en 1990 par le législateur, mais reflétant également
l'engagement nouveau des mécènes privés en France en faveur de l'intérêt général.
L’indépendance des fondations a longtemps été considérée comme un potentiel contre-
pouvoir : « L'État soutient la création des fondations, par le même biais qu'il favorise le
mécénat. Les mentalités ont beaucoup évolué sur ce sujet en un demi-siècle pour faire des
fondations un pilier de la philanthropie en France. Nous n'avons pas encore rattrapé notre
retard sur la création des fondations en Europe, mais la situation a considérablement évolué
depuis la loi Mécénat de 2003 », expose Robert Fohr, responsable de la cellule mécénat au
ministère de la Culture (interviewé en septembre 2014). Les différentes lois
d'assouplissement de cet outil (affaiblissement de la tutelle étatique dans sa représentation,
allégement des procédures administratives, nouveau modèle à capital consomptible)
témoignent de la volonté des pouvoirs publics de favoriser l'initiative privée.
Plus qu'un « pilier de la philanthropie », la fondation est devenue un véritable appui aux
politiques publiques. Hormis la Fondation Daniel et Florence Guerlain, fondée en 1996, et la
Fondation Cartier pour l’art contemporain, fondée en 1984, la plupart des fondations sont
37
Graphique tiré de l’étude Les fonds et fondations en France de 2001 à 2014, par la Fondation de France et
L’Observatoire, 2014.
39
nées au cours de ces dix dernières années. Comme nous le verrons tout au long de cette
partie, la fondation joue un rôle « d’agitateur d’idées ». À la fois active dans le domaine de la
recherche, exposant des artistes oubliés, abordant des périodes de l’histoire de l’art peu
connues, ou proposant une manière originale d’appréhender l’œuvre d’art, la fondation
représente un gage de stabilité à l’égard des besoins de la société privée comme des
politiques publiques.
Quelques chiffres clés sur l’évolution des fondations et fonds de dotation en France (2001-
2013)
38
I.3.1 Les fondations sont des leviers de communication et d’échange en elles-mêmes.
Chaque année, en France, six à sept fondations culturelles sont créées.
Ces fondations, imaginées pour soutenir la notoriété d’un artiste, pour promouvoir un site ou
renforcer la performance de l’entreprise dont elles émanent, sont motivées par le désir de
transmettre un patrimoine culturel d’intérêt général de manière pérenne. Créée en 1969, la
Fondation de France soutient des projets qui répondent aux besoins des personnes face
aux problèmes posés par l’évolution rapide de la société. Elle se consacre principalement au
développement de la connaissance, à l’environnement et vient en aide aux personnes
vulnérables. Elle se présente comme étant le trait d’union entre les donateurs, les mécènes
et les acteurs de terrain dans le cadre de la réalisation de projets philanthropiques.
38
Tirés de l’étude Les fonds et fondations en France de 2001 à 2014, par la Fondation de France et
L’Observatoire, 2014.
40
Les bénéfices des fondations pour les entreprises se font sentir également en interne
puisqu’une fondation génère aussi une fierté d’appartenance et une forte mobilisation des
salariés. Comme le confirme Dominique Lemaistre, directrice du mécénat à la fondation de
France, « les fondations sont souvent conçues comme un outil de communication interne. »
Au sein de la fondation SNCF par exemple, l’implication des cheminots est un enjeu
important. Ainsi, ils sont très fréquemment associés aux choix des actions mises en place
dans le cadre de la fondation. Chez BNP Paribas, les appels à projets sont également
largement tournés vers le personnel.
Le cas de la Fondation d’entreprise Hermès
« Nos gestes nous créent. »
Devise de la Fondation d’entreprise Hermès
Fondée il y a plus de 175 ans, la maison Hermès est riche d’une longue histoire, construite
par les cinq générations qui l’ont dirigée. Selon Pierre-Alexis Dumas, président d’Hermès, il
évoque sur son site : « une entreprise qui ne gagne que de l’argent est bien pauvre, si elle
ne sait pas s’enrichir parallèlement sur le plan humain et culturel ». C’est autour de cet
engagement que sera créée en 2008 une fondation d’entreprise en lien avec les valeurs
humaines que revendique la marque.
Guidée par les savoir-faire et par la recherche de nouveaux usages, la Fondation agit selon
deux axes complémentaires : savoir-faire et création, savoir-faire et transmission. Elle
développe ses propres programmes : expositions, résidences d’artistes, Prix Emile Hermès
pour le design, appels à projets pour la biodiversité…
Catherine Tsekenis, directrice de cette fondation, reconnaît que l'arrivée de Pierre-Alexis
Dumas (en 2005), a permis la création de la fondation d'entreprise Hermès qu'elle dirige et
qui existe depuis trois ans. À ses yeux, une fondation alimente forcément l'image d'une
entreprise, même si c'est moins indispensable quand sa réputation est déjà bien ancrée 39
:
« Si nous mettons en place des projets intéressants, cela nourrit forcément l'aura de
l'entreprise ». D'ailleurs, la Fondation Hermès ne dépend pas du département
communication, elle existe de fait comme une entité à part entière et constitue en elle-même
une plateforme puissante de communication. Catherine Tsekenis 40
soutient que la fondation
a pris le relais des opérations de mécénat qui existaient déjà chez Hermès dans le but de
les amplifier en les détachant des activités commerciales. En somme, une manière de
39
Tiré de l’article : Fondations d'entreprise : D'une pierre deux coups Grandeur d'âme et intérêts bien compris
n'ont rien d'incompatibles, Le Nouvel économiste, Ariane Warlin, 11/05/2011.
40
Tiré de l’article : Fondations d'entreprise : D'une pierre deux coups Grandeur d'âme et intérêts bien compris
n'ont rien d'incompatibles, Le Nouvel économiste, Ariane Warlin, 11/05/2011.
41
compartimenter la communication et l’image de l’entreprise Hermès. En développant une
résidence d’artiste, la marque va encore plus loin dans ses convictions en faveur de la
culture. Instaurer un dialogue sur le long terme avec un artiste qui réalise in situ une création
permet de motiver la créativité. Pierre-Alexis Dumas témoigne : 41
« Si je lance un
programme de résidences d’artistes dans nos manufactures, je ne suis plus dans l’activité
commerciale, mais bien dans une émulation culturelle entre des artisans et des jeunes
artistes dont la finalité est la recherche ». Selon lui, ces initiatives ont permis à la marque de
gagner dix ans en termes d’innovation et de savoir-faire. Pour Hermès, puissant acteur du
monde du luxe, la fondation d’entreprise est un moyen d’aller plus loin dans ses activités, en
procurant à la fois image, stabilité, et visibilité. Actrice sur plusieurs fronts, (culture, design,
biodiversité) sa fondation est un relais de communication et offre la possibilité à la marque
d’être présente sur différents pôles.
Le cas de la Fondation Cartier
« Rien ne me réjouit plus que de constater que nombreux sont ceux qui ont oublié que la Fondation Cartier pour
l’art contemporain est une fondation d’entreprise. Pour eux, elle est tout simplement La Fondation, et ceci est
notre plus belle victoire ».
Alain Dominique Perrin, 1986, directeur de la Fondation Cartier.
Celle qui est née d’une conversation avec le sculpteur César sur les difficultés des artistes
privés de soutiens et de conseils juridiques va devenir un lieu d’accueil emblématique pour
l’art vivant. En 1984, la fondation s’installe à Jouy-en-Josas dans l’ancienne propriété du
baron Oberkampf, créateur de la toile de Jouy. Liberté ! Le mot est lancé. Il est la clé du
mécénat selon Cartier. Les artistes seront exposés dans le contexte de grandes expositions
thématiques et de résidences de création, le principe de l’exposition à thème se mettant
alors en place. Arts visuels, architecture, design, mode, les artistes sont de tous horizons.
En 1994, la Fondation Cartier déménage dans le VIème arrondissement de Paris, dans un
bâtiment de verre et d’acier, œuvre de l’architecte Jean Nouvel. Avec la Fondation, Cartier
entame simultanément une communication avec l’extérieur et l’intérieur de l’entreprise. Au
sein même de la Maison, elle est pensée à la fois comme un motif de fierté collective, un
outil d’éducation du regard et de la pensée, un mode d’exigence et de dépassement et la
source d’un enrichissement personnel. Alain-Dominique Perrin, directeur de la fondation
précise que : « La Fondation est un objet de fierté absolue pour la très grande majorité des
salariés de Cartier, à tous les niveaux. […] Au-delà du personnel, les fournisseurs de Cartier
sont sollicités et contribuent par des dons à l´acquisition d’œuvres d´art pour la collection. Ils
sont donc très impliqués. De nombreux collaborateurs sont devenus collectionneurs. Il y a
41
Tiré de l’article Carte blanche à INfluencia, L’art levier de performance en entreprise, Forum d’Avignon Culture
is Future, 26/10/13
42
une indiscutable transmission, une symbiose naturelle qui se fait. » À l’extérieur, la
Fondation occupe une place stratégique et pionnière. Ancrée dans une culture d’entreprise,
elle est devenue un élément essentiel du paysage culturel, national et international.
Inventive, tant dans sa programmation que ses publications, elle insuffle un esprit de liberté
reconnu et respecté par ses pairs. Une fois encore, la fondation d’entreprise agit comme un
outil d’expansion pour l’entreprise à laquelle elle est rattachée. De par son ancienneté, la
fondation Cartier s’inscrit sur la scène contemporaine française comme étant une plateforme
puissante d’échange entre plusieurs domaines et plusieurs univers. Avec une
programmation artistique internationale (artistes japonais, américains, russes etc.), la
fondation Cartier, forte d’une image désintéressée de par son statut non financier, s’ouvre
des portes vers les marchés internationaux.
Le cas BNP
BNP est un acteur majeur dans le mécénat d’entreprise depuis trente ans. La fondation BNP
a été créée en 2006. Son engagement est pluridisciplinaire : culture, environnement et
solidarité.
Fidèle à son engagement en faveur de la culture, la Fondation BNP Paribas, se consacre à
la danse, aux nouveaux arts du cirque en devenant mécène de la Biennale des Arts du
Cirque en accompagnant la première édition prévue pour 2015 et dont sa contribution
atteindra environ 40.000 euros. La fondation BNP soutient aussi la Fondation Royaumont
pour la danse contemporaine qui a célébré en 2014 son 50ème anniversaire. En faveur du
patrimoine la fondation est un mécène reconnu des musées, tout d’abord pour son
programme en faveur de la restauration de leurs œuvres, notamment avec un ensemble de
peintures du XVIe siècle conservé au Musée des beaux-arts de Reims. Elle s’engage aussi
aux cotés du Musée d’art Moderne André Malraux au Havre pour la restauration de deux
panneaux laqués datant du XXIème siècle.
Avec son projet « Banlieues », la fondation s’engage en faveur des quartiers et plus
particulièrement des jeunes. L’objectif étant de les insérer dans des entreprises afin de lutter
contre les différentes formes d’exclusion, à savoir le racisme ou l’illettrisme. Pour cela, elles
prennent le problème à la racine et travaillent sur l’amélioration des conditions de vie en
proposant des accompagnements scolaires, la pratique de sports avec des éducateurs, des
formations ou encore des activités culturelles comme le théâtre. La fondation se veut basée
sur l’écoute, le soutien et la confiance. Qualités humaines qui font d’elle un mécène
respecté et influent. Dans la continuité de cette action la BNP et sa fondation soutiennent
L’ADIE (association pour le droit à l’initiative économique) et favorisent directement la
création d’emplois dans les zones urbaines sensibles. Cela a permis l’ouverture de 15
agences de proximité, la création de plus de 4700 entreprises et d’environ 6000 emplois.
Par le biais de cette action sociale, la fondation BNP, valorise sa raison d’être en tant
qu’entreprise, et l’origine même de son activité.
43
Le cas Carmignac
Fondé en 1989 par Edouard Carmignac et Eric Helderlé, Carmignac Gestion est l’un des
principaux acteurs européens de la gestion d’actifs financiers.
Ce fonds représente 57 milliards d’euros d’actifs sous gestion, 13 pays de distribution et 1,9
milliard de fonds propres. Ils ont fait le choix de gérer une gamme resserrée de fonds pour
mieux valoriser le capital de leurs clients dans la durée.
Leur devise est : « Un modèle de développement pensé pour une croissance contrôlée ».
Carmignac s’engage à adopter les principes pour l’investissement responsable instituer par
l’ONU.
42
La Fondation Carmignac est née en 2000. Elle est aujourd’hui dirigée par Gaya Donzet et a
pour mission, de soutenir la création contemporaine par le biais de sa collection
internationale, d’organiser le prix Carmignac Gestion de photojournalisme ainsi que de
financer des actions de mécénat en faveur de la culture. Plus précisément, en 2009, la
fondation est mécène de l’exposition « Primitive d’Apichatpong Weerasethakul » au musée
d’Art moderne de la ville de Paris.
En 2010, elle est mécène exclusif de la rétrospective consacré à Jean-Michel Basquiat au
même musée. Leur engagement artistique s’insère jusque dans la structure de la société
42
Œuvre de Roy Lichtenstein, Vicki I--I Thought I Heard Your Voice, 1964, peinture, 106 x 106 cm, collection
Carmignac.
44
elle-même. Leurs salariés sont fiers de l’image qu’elle renvoie, ce qui favorise un travail et
une collaboration plus ouverts. Le prêt d’œuvres aux musées exprime une dimension basée
sur l’altruisme. À travers ces expositions, son amour pour l’art et ces artistes est assouvi et,
plus profondément, cela permet à Carmignac Gestion de s’ancrer dans le domaine de la
culture et d’y avoir un certain poids. Cependant, la fondation s’axe principalement sur le Prix
Carmignac dont les enjeux sont aussi politiques. Sa mission est de soutenir et promouvoir
un projet photographique et journalistique d’investigation dans des territoires à enjeux
géostratégiques complexes, ayant un retentissement global, et où les droits humains et la
liberté d’expression sont bafoués (Gaza, Zimbabwe, Iran, Tchétchénie...).
43
Parce que les lauréats du Prix couvrent depuis cinq ans des régions du monde où la liberté
d’opinion est souvent bafouée et que la liberté de la presse a encore une fois été bâillonnée
par les armes, la défense de ces droits est plus que jamais notre et votre combat. Parce qu'il
existe, en France, des lieux de dérégulation - zones de non-droit - où les principes
fondamentaux de la démocratie et du droit humain ne font plus autorité, la liberté de
témoigner est, plus qu'en toute autre circonstance, notre bataille cette année. Le Prix
Carmignac du Photojournalisme soutient la liberté d’expression et réitère son engagement
indéfectible auprès des acteurs essentiels de l’information.
44
Doté d’une bourse de 50.000 euros, le photographe choisi a la possibilité de réaliser un
reportage afin de rendre compte de la réalité d’un territoire et de sa complexité. Chaque
lauréat est accompagné lors de la préparation et la réalisation d’une exposition et d’un livre
monographique.
Carmignac a pris le parti de défendre un regard personnel et engagé, par définition
minoritaire et pour cette raison indispensable. Mais cette position n’est pas sans
43
Tiré du site de la fondation Carmignac pour illustrer la liberté d’expression dans le cadre présentation des
convictions de leur prix du photojournalisme.
44
Tiré du site de la fondation Carmignac pour illustrer la liberté d’expression dans le cadre présentation des
convictions de leur prix du photojournalisme.
45
contrepartie. Derrière un projet artistique, ce sont des prises de position qui sont mises en
valeur. En étant mécènes de photographes, ils peuvent aborder des sujets qui ne sont pas
forcément dans l’actualité et donner un visage plus humain à une gestion de fonds dont les
revenus restent très importants.
Respectivement la BNP, Hermès, Cartier, et Carmignac gestion, ont créée leur propre
fondation pour répondre à des besoins similaires : sortir de leur domaine de spécialité, et se
positionner en tant qu’acteur responsable et solidaire. Engagées dans des domaines tels
que le reportage photo pour Carmignac, la danse contemporaine, les arts du cirque ou la
restauration d’œuvres pour les musées dans le cas de la BNP Paribas, ces entreprises ont
choisi leur domaine d’expression.
Comme d’autres entreprises engagées en faveur de la solidarité ou la culture (ou les deux)
nous remarquons quelques similitudes. En effet, il s’agit d’entreprises à haut pouvoir
financier, provenant de l’univers de la banque, de la gestion de patrimoine ou du luxe,
évoluant sur un marché national et international. Ces entreprises richissimes, perçoivent la
nécessité de prouver qu’elles sont capables de sortir de leur zone de confort, d’enrayer les
éventuels risques qui menacent leur marché et leurs organisations. S’investir dans d’autres
domaines et particulièrement la solidarité, ou l’environnement est un moyen pour elles de
montrer patte blanche, prouver qu’elles sont responsables, et surtout, qu’elle savent gérer
leur fortune à bon escient.
Pour l’univers de la banque, et de la gestion de fortune, comme pour celui du luxe, c’est un
message puissant auprès des publics, un levier de communication en lui même, et de
rassurance auprès de leurs actuels clients, et de leurs potentiels prospects. Les fondations
sont en elles mêmes des ponts solides vers l’avenir et des opportunités nouvelles de
croissance pour ces entreprises auxquelles elles sont rattachées.
I.3.2 L’art au service de la communication représente une liberté pour l’entreprise de
réinventer son positionnement et d’enrichir ses valeurs.
Selon les dernières enquêtes de reporting RSE datant de 2014, les premières motivations
des salariés sont l’épanouissement professionnel et la qualité de vie au sein de l’entreprise,
avant même les questions de rémunération. Sur ces constatations, les entreprises
investissent désormais dans des solutions telles que les conciergeries, les crèches, ou les
salles de sport, mais également dans des propositions culturelles et pédagogique. Selon
Pascale Cayla spécialiste de la communication par l’art en entreprise et fondatrice de
l’agence l’Art en direct : « Aujourd’hui, le bien-être dans l’entreprise passe aussi par l’apport
du culturel, outil indispensable au développement de la motivation, de la transversalité, de la
fierté d’appartenance, de l’innovation et de la créativité ». En effet, les collections d’art de la
Société Générale, de Neuflize Vie, de la BNP, ou encore celle de la fondation Carmignac le
prouvent. De nombreuses initiatives ont été mises en place au sein des entreprises autour
46
d’activités liées à l’art et aux collections in situ : workshops d’artistes, Journées des Talents,
acquisitions en comités mixtes (salariés et professionnels etc.).
Selon Jean-Christophe Castelain, rédacteur en chef du Journal des Arts, (interviewé par
mes soins en juin 2014) précise que « en matière d’art et de communication, il y a une vraie
réflexion apportée à la diffusion des messages à faire passer, et particulièrement autour
d’une certaine hiérarchie de ces messages, à la fois sur le site internet, sur les différents
supports de communication, et autour des différents événements ». En termes de
communication interne, on note une forte tendance à la médiation et à l’interactivité avec les
salariés afin de permettre une meilleure appropriation des actions.
Le ministère de la culture et de la communication lance en 2014 « L’entreprise à l’œuvre :
cinq expositions pour faire entrer l’art dans le monde du travail » dans le but de créer les
conditions favorables d’une rencontre entre l’art et les salariés dans leur espace quotidien.
Les projets, reposant sur des expositions réalisées à partir de collections publiques,
s’inscrivent dans le programme ministériel Art et Entreprise dont l’objectif, est d’inciter les
sociétés à accueillir en résidence des artistes afin d'y stimuler l'innovation, et la
créativité. L’œuvre ci-dessous, de l’artiste Fernand Léger, intitulée Les Constructeurs,
illustre bien cet engouement pour le monde du travail qui inspirait déjà les artistes. En 1951,
à la date ou a été créée cette œuvre, les artistes établissaient déjà des liens entre ces deux
univers et s’intéressaient au monde du travail. Et en 1953, Léger lui même avait voulu
montrer son œuvre aux travailleurs de l’usine Renault de Boulogne-Billancourt, entreprise
importante de l’industrie française représentant le fierté du monde ouvrier.
Cette toile monumentale (160x200cm), particulièrement symbolique, sera exposée pendant
une semaine dans l’usine Renault de Flins (Yvelines), en ouverture de la première
exposition dans le cadre du projet « L’entreprise à l’œuvre » initié par le Ministère de la
culture et de la communication en novembre 2014.
47
45
Aujourd’hui, dans un marché toujours plus concurrentiel, les marques doivent se renouveler
et se distinguer en permanence. À travers des stratégies culturelles, elles peuvent mettre en
scène leur histoire, construire leur imaginaire et sortir de leur image que l’on pourrait
qualifier de « machine consumériste ». Par exemple, demander à un artiste de customiser
ou de revisiter un produit permet de le rendre unique et plus percutant. La signature
artistique sur un produit manufacturé crée la surprise et suscite la curiosité du
consommateur. Aussi, nombreuses sont les initiatives culturelles qui subliment l’histoire de
la marque, son ADN et sa culture. Au-delà de ces collectors arty, de nombreuses boutiques
de luxe deviennent des zones d’exposition d’œuvres au milieu de produits. Louis Vuitton a
ainsi largement fait l’expérience et la démonstration de la réussite du procédé avec
45
Fernand Léger, Les Constructeurs, 1953, huile sur toile, 160 x 200 cm, Musée national Fernad Léger, Biot
(France).
48
l’installation, au sein de sa boutique du VIème arrondissement, d’une création de l’artiste
japonaise Yayoi Kusama, en 2012, qui invite les visiteurs à vivre une expérience totalement
immersive au cœur de l’œuvre d’art. En parallèle on observe la présence de plus en plus de
livres d’artistes, ou consacrés à l’art de manière générale au sein des boutiques Louis
Vuitton à Paris.
46
47
46
Portrait de l’artiste japonaise Yayoï Kusama
47
Intérieur de la boutique Louis Vuitton à Paris 6, après l’installation de l’artiste Yayoï Kusama en 2012
49
48
Par le biais de l’art, l’on assiste à une sorte sacralisation des marques, de leurs fondateurs
et de leurs produits. Pour conserver une aura symbolique, la marque de luxe devient le sujet
même d’expositions. De Louis Vuitton et Van Cleef and Arpels au Musée des Arts Décoratifs
de Paris (2012), à Chanel au Palais de Tokyo (2013), en passant par Cartier au Grand
Palais (2013), les expositions se multiplient et font des grandes Maisons de véritables objets
de culte. À l’occasion de l’exposition « N°5 Culture Chanel » en 2013, au Palais de Tokyo,
Jean-Noël Kapferer, professeur-chercheur à HEC Paris et expert des marques, explique
« qu’il s’agit désormais de Chaneliser Gabrielle Chanel (Coco Chanel), de la mettre en
scène de façon à l’élever » grâce à l’art.
Artification : désigne le processus de transformation du non-art en art, résultat d’un
travail complexe qui engendre un changement de définition et de statut des
personnes, des objets, et des activités. Il entraîne un déplacement durable de la
frontière entre art et non-art.
49
Lors de cette exposition, le N°5 de Chanel fut l’objet d’une « artification », faisant passer ce
produit classique dans le domaine du Patrimoine culturel.
En faisant appel à l’artiste contemporain italien Maurizio Cattelan, pour sa collection
automne/hiver 2013/2014, la marque Kenzo, a pu bénéficier de la notoriété et de l’univers
48
Du marketing à l’art-keting, tiré de l’article Les marques de luxe font appel à l’art pour booster leur marketing,
par Yves Hanania, Harvard business Review, 9/6/2015
49
Définition tirée de l’ouvrage de Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le
passage à l’art, Paris, Éditions de l'EHESS, coll. « Cas de figure », 2012,p.20.
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".
Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".

Mais conteúdo relacionado

Mais procurados

Mémoire Luxe et Internet
Mémoire Luxe et InternetMémoire Luxe et Internet
Mémoire Luxe et InternetLaure Neria
 
Exposé Marketing
Exposé MarketingExposé Marketing
Exposé MarketingGrossard
 
Memoire - MBA management et marketing digital
Memoire - MBA management et marketing digitalMemoire - MBA management et marketing digital
Memoire - MBA management et marketing digitalEmilieThoorens
 
La Mode à l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode à l'heure du Digital - Cyril CouvreurLa Mode à l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode à l'heure du Digital - Cyril CouvreurIntervalles // HAVAS EVENT
 
Mémoire de fin d'étude - ISCOM
Mémoire de fin d'étude - ISCOM Mémoire de fin d'étude - ISCOM
Mémoire de fin d'étude - ISCOM Manon Peytavin
 
Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...
Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...
Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...GADIOUX Jean-Luc
 
Marketing du-luxe
Marketing du-luxeMarketing du-luxe
Marketing du-luxeOmar BE
 
Etude De Cas Dior Mba2
Etude De Cas Dior Mba2Etude De Cas Dior Mba2
Etude De Cas Dior Mba2guest83499be7
 
[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...
[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...
[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...Adrien Bourzat
 
Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie
Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie
Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie Oriane Liégé @orianelie
 
Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...
Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...
Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...Eve-Anaelle Blandin
 
Memoire marketing evenementiel fethi ferhane
Memoire marketing evenementiel fethi ferhaneMemoire marketing evenementiel fethi ferhane
Memoire marketing evenementiel fethi ferhaneFethi Ferhane
 
Business plan L'eau à la bouche
Business plan L'eau à la boucheBusiness plan L'eau à la bouche
Business plan L'eau à la boucheMélanie Da Rui
 
Stratégie de contenu Tiffany & Co.
Stratégie de contenu Tiffany & Co.Stratégie de contenu Tiffany & Co.
Stratégie de contenu Tiffany & Co.AudreyJeanFranois
 
Luxe et ADN de marque à l'ère digitale
Luxe et ADN de marque à l'ère digitaleLuxe et ADN de marque à l'ère digitale
Luxe et ADN de marque à l'ère digitaleKim Przybyla
 
Analyse de l'entreprise l'Oréal
Analyse de l'entreprise l'OréalAnalyse de l'entreprise l'Oréal
Analyse de l'entreprise l'OréalOcéane Fg
 
Étude de cas Petit Bateau (Keynote)
Étude de cas Petit Bateau (Keynote)Étude de cas Petit Bateau (Keynote)
Étude de cas Petit Bateau (Keynote)Paul-Henri Brunet
 

Mais procurados (20)

Mémoire Luxe et Internet
Mémoire Luxe et InternetMémoire Luxe et Internet
Mémoire Luxe et Internet
 
Exposé Marketing
Exposé MarketingExposé Marketing
Exposé Marketing
 
Memoire - MBA management et marketing digital
Memoire - MBA management et marketing digitalMemoire - MBA management et marketing digital
Memoire - MBA management et marketing digital
 
La Mode à l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode à l'heure du Digital - Cyril CouvreurLa Mode à l'heure du Digital - Cyril Couvreur
La Mode à l'heure du Digital - Cyril Couvreur
 
Mémoire de fin d'étude - ISCOM
Mémoire de fin d'étude - ISCOM Mémoire de fin d'étude - ISCOM
Mémoire de fin d'étude - ISCOM
 
Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...
Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...
Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentar...
 
Marketing du-luxe
Marketing du-luxeMarketing du-luxe
Marketing du-luxe
 
Etude De Cas Dior Mba2
Etude De Cas Dior Mba2Etude De Cas Dior Mba2
Etude De Cas Dior Mba2
 
Communication digitale - adidas parley
Communication digitale - adidas parleyCommunication digitale - adidas parley
Communication digitale - adidas parley
 
[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...
[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...
[MÉMOIRE] Améliorer l'image de marque d'une entreprise sur les médias sociaux...
 
Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie
Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie
Publicité & Media - Etude de Cas Christian Lacroix Parfum C'est La Vie
 
Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...
Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...
Mémoire de recherche EABLANDIN "Enquête qualitative sur la réception des émis...
 
Memoire marketing evenementiel fethi ferhane
Memoire marketing evenementiel fethi ferhaneMemoire marketing evenementiel fethi ferhane
Memoire marketing evenementiel fethi ferhane
 
Business plan L'eau à la bouche
Business plan L'eau à la boucheBusiness plan L'eau à la bouche
Business plan L'eau à la bouche
 
Présentation Michel & Augustin
Présentation Michel & AugustinPrésentation Michel & Augustin
Présentation Michel & Augustin
 
Stratégie de contenu Tiffany & Co.
Stratégie de contenu Tiffany & Co.Stratégie de contenu Tiffany & Co.
Stratégie de contenu Tiffany & Co.
 
Luxe et ADN de marque à l'ère digitale
Luxe et ADN de marque à l'ère digitaleLuxe et ADN de marque à l'ère digitale
Luxe et ADN de marque à l'ère digitale
 
Analyse de l'entreprise l'Oréal
Analyse de l'entreprise l'OréalAnalyse de l'entreprise l'Oréal
Analyse de l'entreprise l'Oréal
 
Étude de cas Petit Bateau (Keynote)
Étude de cas Petit Bateau (Keynote)Étude de cas Petit Bateau (Keynote)
Étude de cas Petit Bateau (Keynote)
 
Marketing du luxe
Marketing du luxeMarketing du luxe
Marketing du luxe
 

Destaque

Service Innovation in Emerging Markets
Service Innovation in Emerging MarketsService Innovation in Emerging Markets
Service Innovation in Emerging MarketsLuis Arnal
 
Exposition Art et Mode à l'Abbaye de l'Epau
Exposition Art et Mode à l'Abbaye de l'EpauExposition Art et Mode à l'Abbaye de l'Epau
Exposition Art et Mode à l'Abbaye de l'EpauSarthe Développement
 
Infra rouge-n 186 13 Février 2017
Infra rouge-n 186 13 Février 2017Infra rouge-n 186 13 Février 2017
Infra rouge-n 186 13 Février 2017Cinquième Sens
 
BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16
BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16
BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16Balistik Art
 
Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"
Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"
Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"14 Septembre online
 
Gamifiez vos formations
Gamifiez vos formationsGamifiez vos formations
Gamifiez vos formationspasbal
 
LUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en construction
LUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en constructionLUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en construction
LUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en constructionLUXEMBOURG CREATIVE
 
4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_v
4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_v4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_v
4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_vMarek Mogilewicz
 
Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012
Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012
Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012Biblioteca EPM
 
Diapo vosges
Diapo vosgesDiapo vosges
Diapo vosgesvosgienne
 
LUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsable
LUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsableLUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsable
LUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsableLUXEMBOURG CREATIVE
 
Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...
Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...
Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...Gret
 
Repères géo 3e dnb
Repères géo 3e dnbRepères géo 3e dnb
Repères géo 3e dnbasoulabaille
 
Repondre a une demande de creation sur mesure
Repondre a une demande de creation sur mesureRepondre a une demande de creation sur mesure
Repondre a une demande de creation sur mesurenextelevel
 
Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)
Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)
Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)Fabian Vervier
 

Destaque (20)

Artcurial
ArtcurialArtcurial
Artcurial
 
Service Innovation in Emerging Markets
Service Innovation in Emerging MarketsService Innovation in Emerging Markets
Service Innovation in Emerging Markets
 
Exposition Art et Mode à l'Abbaye de l'Epau
Exposition Art et Mode à l'Abbaye de l'EpauExposition Art et Mode à l'Abbaye de l'Epau
Exposition Art et Mode à l'Abbaye de l'Epau
 
Olfanews Novembre 2016
Olfanews Novembre 2016Olfanews Novembre 2016
Olfanews Novembre 2016
 
Infra rouge-n 186 13 Février 2017
Infra rouge-n 186 13 Février 2017Infra rouge-n 186 13 Février 2017
Infra rouge-n 186 13 Février 2017
 
BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16
BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16
BLSTK Replay n°159 - la revue luxe et digitale 14.04 au 20.04.16
 
Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"
Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"
Exposition Artcurial & AD "Interieurs 2010, le style français"
 
Gamifiez vos formations
Gamifiez vos formationsGamifiez vos formations
Gamifiez vos formations
 
LUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en construction
LUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en constructionLUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en construction
LUXEMBOURG CREATIVE 2015-03-31 : le feuillu en construction
 
4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_v
4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_v4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_v
4a gestion de_projet_2_marek_mogilewicz_v
 
Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012
Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012
Ciudad inteligente-IBM-BibliotecaEPM 2012
 
Diapo vosges
Diapo vosgesDiapo vosges
Diapo vosges
 
LUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsable
LUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsableLUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsable
LUXEMBOURG CREATIVE 2015 2/2 : Production d'énergie responsable
 
Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...
Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...
Bistro septembre 2012- Les quartiers précaires par Aurore Mansion et Virginie...
 
Etude internet 2030-web
Etude internet 2030-webEtude internet 2030-web
Etude internet 2030-web
 
Repères géo 3e dnb
Repères géo 3e dnbRepères géo 3e dnb
Repères géo 3e dnb
 
Avances Cancha Puerto Colombia Julio 2.011
Avances Cancha Puerto Colombia Julio 2.011Avances Cancha Puerto Colombia Julio 2.011
Avances Cancha Puerto Colombia Julio 2.011
 
Repondre a une demande de creation sur mesure
Repondre a une demande de creation sur mesureRepondre a une demande de creation sur mesure
Repondre a une demande de creation sur mesure
 
Poursuite d'études
Poursuite d'étudesPoursuite d'études
Poursuite d'études
 
Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)
Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)
Vous réseautez chez vos parents ? (VRCVP)
 

Semelhante a Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".

les aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le web
les aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le webles aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le web
les aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le webjeremy dumont
 
Une redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du Centquatre
Une redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du CentquatreUne redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du Centquatre
Une redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du CentquatreViolette Henquet
 
Eleart Newsletter Printemps Eté 2017
Eleart Newsletter Printemps Eté 2017Eleart Newsletter Printemps Eté 2017
Eleart Newsletter Printemps Eté 2017Gilles de Malbosc
 
Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...
Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...
Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...Les Interconnectés
 
Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...
Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...
Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...MarianneDPare
 
PO-ST : La communication Web 2.0 des grands musées
PO-ST : La communication Web 2.0 des grands muséesPO-ST : La communication Web 2.0 des grands musées
PO-ST : La communication Web 2.0 des grands muséesSt John's
 
Comment parler d'art contemporain en milieu scolaire
Comment parler d'art contemporain en milieu scolaireComment parler d'art contemporain en milieu scolaire
Comment parler d'art contemporain en milieu scolaireMarcela Spezzapria
 
Prospective des metiers de la commiunication dans les organisations culturelles
Prospective des metiers de la commiunication dans les organisations culturellesProspective des metiers de la commiunication dans les organisations culturelles
Prospective des metiers de la commiunication dans les organisations culturellesYassine Hafid
 
Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...
Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...
Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...luc brou
 
Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...
Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...
Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...yann le gigan
 
Sculptures Monumentales Mes Artistes W
Sculptures Monumentales Mes Artistes WSculptures Monumentales Mes Artistes W
Sculptures Monumentales Mes Artistes WGalerie Hugues Pénot
 
Memoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvre
Memoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvreMemoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvre
Memoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvreViolette Henquet
 
Culture Acte 2 - rapport Lescure
Culture Acte 2 - rapport LescureCulture Acte 2 - rapport Lescure
Culture Acte 2 - rapport LescureREITER LEGAL
 
Révolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : Partenaires
Révolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : PartenairesRévolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : Partenaires
Révolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : PartenairesPRIMA TERRA
 
Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...
Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...
Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...Virginio Merola
 
courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)
courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)
courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)nous sommes vivants
 
Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...
Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...
Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...Gloria Romanello
 
2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en France
2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en France2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en France
2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en FranceLa French Team
 
Le Manifeste pour la création dans l’espace public
Le Manifeste pour la création dans l’espace publicLe Manifeste pour la création dans l’espace public
Le Manifeste pour la création dans l’espace publicLa French Team
 

Semelhante a Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France". (20)

ARTIPS
ARTIPS ARTIPS
ARTIPS
 
les aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le web
les aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le webles aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le web
les aperos du jeudi : la chaine de TV des creatifs culturels sur le web
 
Une redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du Centquatre
Une redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du CentquatreUne redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du Centquatre
Une redéfinition de l’espace culturel à Paris, l’exemple du Centquatre
 
Eleart Newsletter Printemps Eté 2017
Eleart Newsletter Printemps Eté 2017Eleart Newsletter Printemps Eté 2017
Eleart Newsletter Printemps Eté 2017
 
Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...
Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...
Wall of Art - Mur connecté pour le développement des pratiques artistiques da...
 
Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...
Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...
Le monde de l'art contemporain dans le Web 2.0: une porte vers la vraie démoc...
 
PO-ST : La communication Web 2.0 des grands musées
PO-ST : La communication Web 2.0 des grands muséesPO-ST : La communication Web 2.0 des grands musées
PO-ST : La communication Web 2.0 des grands musées
 
Comment parler d'art contemporain en milieu scolaire
Comment parler d'art contemporain en milieu scolaireComment parler d'art contemporain en milieu scolaire
Comment parler d'art contemporain en milieu scolaire
 
Prospective des metiers de la commiunication dans les organisations culturelles
Prospective des metiers de la commiunication dans les organisations culturellesProspective des metiers de la commiunication dans les organisations culturelles
Prospective des metiers de la commiunication dans les organisations culturelles
 
Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...
Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...
Bright Lights, Big City - une exploration "métropolitique" de la culture, l'h...
 
Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...
Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...
Etude ICC France 2015 - 2e panorama de l’économie de la culture et de la créa...
 
Sculptures Monumentales Mes Artistes W
Sculptures Monumentales Mes Artistes WSculptures Monumentales Mes Artistes W
Sculptures Monumentales Mes Artistes W
 
Memoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvre
Memoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvreMemoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvre
Memoire Ouverture du Departement des arts de l'Islam au louvre
 
Culture Acte 2 - rapport Lescure
Culture Acte 2 - rapport LescureCulture Acte 2 - rapport Lescure
Culture Acte 2 - rapport Lescure
 
Révolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : Partenaires
Révolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : PartenairesRévolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : Partenaires
Révolution Sensible 1.0 - 2014 De Nantes à l'Atlantique : Partenaires
 
Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...
Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...
Conomie creative solidare_versus_economie_creative_l_ethique_de_la_rentabilit...
 
courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)
courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)
courts circuits : l'innovation dans le luxe "mon identité de luxe" (partie 2)
 
Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...
Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...
Nouvelles tendances, vieux problèmes? Le cas de la réception des « parcours »...
 
2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en France
2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en France2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en France
2e Panorama de l’économie de la culture et de la création en France
 
Le Manifeste pour la création dans l’espace public
Le Manifeste pour la création dans l’espace publicLe Manifeste pour la création dans l’espace public
Le Manifeste pour la création dans l’espace public
 

Mémoire de recherche : "Comment l'art devient le levier de communication prépondérant des entreprises en France".

  • 1. 1 Executive Master Communication Promotion 2013/2015 Joy MELKI Paris Soutenance le 6 novembre 2015. Mémoire professionnel Comment l’art devient-il le levier de communication prépondérant des entreprises en France ?
  • 2. 2 Sommaire Remerciements 4 Introduction 5 I L’art au service de la communication des entreprises : les différentes formes de mécénat et leurs avantages. 8 I.1 Regard sociologique et historique sur les circonstances de l’avènement de l’art au sein des entreprises. 8 I.1.1 L’accès à l’art dans le domaine public : les questions soulevées par Malraux et Bourdieu sont toujours d’actualité 8 I.1.2 Le modèle historique du mécénat resurgit. 13 I.1.3 Le lien entre l’avènement de l’art dans les entreprises et la théorie des parties prenantes de Freeman semblé avéré. 22 I.2. Le mécénat culturel est un socle pour le développement durable de l’entreprise 28 I.2.1 L’implication du mécénat d’entreprise dans des causes d’intérêt social. 29 I.2.2 Le mécénat représente une fenêtre vers l’avenir pour les entreprises. 31 I.2.3 Pour l’entreprise, le mécénat est un des aspects d’un mode de management intelligent. 35 I.3 Les fondations d’entreprises tournées vers l’art : un outil au service de la communication. 37 1.3.1 Les fondations sont des leviers de communication et d’échange en elle mêmes. 39 1.3.2 L’art au service de la communication représente une liberté pour l’entreprise de réinventer son positionnement et d’enrichir ses valeurs. 45 1.3.3 Les fondations s’imposent comme partie intégrante de la stratégie d’entreprise. 51 II. Etude de cas : analyse de la cohérence du lien entre l’art et le secteur d’activité de l’entreprise, ainsi que de la communication autour de ce lien. 56 II.1 Le cas de la collection d’art contemporain de la Société Générale. 56 2.1.1 Un nouveau dialogue s’opère entre l’œuvre d’art et la nature immatérielle de l’activité bancaire. 56 2.1.2 Les œuvres d’art de la Société Générale deviennent un outil de communication et de cohésion interne. 59 2.1.3 Mariage de passion ou mariage de raison : remise en question de l’utilisation de l’art en matière de communication en milieu bancaire. 60 II.2 Les actions de Pernod-Ricard en faveur de la culture 62
  • 3. 3 2.2.1 Les points de contact entre l’univers des spiritueux et celui de l’art. 62 2.2.2 La longévité des liens tissés entre Pernod-Ricard et les institutions culturelles qu’il soutient sont en eux-mêmes des leviers spécifiques de communication entre l’entreprise et le public. 64 2.2.3 Le mécénat de Pernod-Ricard et du Centre Pompidou est un échange de bons procédés. 66 III. Recommandations destinées aux grandes entreprises pour l’intégration de l’art dans leur stratégie de communication. 69 3.3.1 Mettre en place des départements adaptés aux spécificités de la communication culturelle et au choix des artistes dans chaque entreprise. (Réussir à autonomiser son propre raisonnement quant aux œuvres, disposer de suffisamment d’informations pour pouvoir se créer son propre avis sur les œuvres). 69 3.3.2 Favoriser la jeune scène contemporaine française pour l’acquisition d’œuvres et donner la parole aux artistes en tant que médiateurs pour parler de leurs travaux et de ceux des autres dans le cas de la collection d’art moderne (artistes décédés). 70 3.3.3 Donner la possibilité aux salariés de contribuer à la constitution d’une collection d’entreprise. 73 Conclusion 75 Bibliographie 78 Annexes, analyses 81
  • 4. 4 Remerciements Mes parents : Pour leur soutien dans cette reconversion, leur écoute. Mon frère Benjamin : Pour sa bienveillance, sa disponibilité. Jean-Claude : Un cousin en or, merci de ton aide dans cette nouvelle aventure ! Linda PINTO : Une précieuse petite perle. Sans toi cela n’aurait pas été possible. Merci … Maya : À mon tour de te remercier pour ces 26 ans d’amitié. Lucie : Tes mots justes, nos fous rires, qui résonnent et donnent du courage même à distance. Valentine : Ta bienveillance, tes encouragements. Une amie parfaite. Sarah : Fidélité, complicité, disponibilité, amitié. Rebecca : Pour ta présence, ton amitié sincère tout simplement, même à 6000km. L’équipe de l’Executive Master Communication. Ambroisine BOURBON et André de MARCO de m’avoir donné la chance de pouvoir intégrer ce master. Hélène TINLOT et Myriam ZAZZARON pour leur disponibilité et leur gentillesse. L’ensemble des intervenants. Toute la promotion Pierre LEVY pour ces échanges et pour ces moments inoubliables… L’équipe des tuteurs : Aurélie et Jean-Baptiste. - Jean-Christophe CASTELAIN, Rédacteur en chef du Journal des Arts. - Jean-Yves BOBE Service des arts plastiques Direction générale de la création artistique, ministère de la culture et de la communication. - Robert FOHR, chef de la mission du mécénat, ministère de la culture et de la communication. - Sylvie MACHENAUX, directrice du Mécénat, chez Pernod Ricard - Florence VIELFAURE chargée de mission Numérique Département de la politique des publics Direction générale des patrimoines, ministère de la culture et de la communication. - Benoit PARAYRE, Direction de la communication et des partenariats, Centre Pompidou, Paris. - Jean-François GRUNFELD, Museum Expert, Paris. - Carine DECROI, Directeur Marketing, Communication et Activités culturelles, Artcurial, Paris. - Shelley MANION, Senior Product Manager, British Museum, Londres. - César CHEMINEAU, département Mécénat du Musée du Louvre. - Catherine VOIRIOT, département des objets d’art du Musée du Louvre. - Aurélie DEPLUS, Commissaire d’exposition, la Société Générale, la Défense. - Nathalie HEINICH, Sociologue.
  • 5. 5 Introduction « Faites toujours que votre tableau soit une ouverture au monde » Léonard de Vinci 1 À travers l’histoire, les États ont été amenés à utiliser l’art comme un moyen de valoriser leurs actions. Témoins de leur époque, les artistes, ainsi que leurs œuvres, et précisément les lieux où ils s’exposent ont changé (par art nous entendons toutes les formes de créations, modernes ou contemporaines, qu’elles soient des peintures, des sculptures ou des dessins. Ce qui nous intéresse dans ce cas est la démarche plutôt que la nature de l’œuvre). Ces lieux dédiés à la culture et au loisir que sont les musées, étaient hier détenteurs d’une sorte de monopole de l’accès à l’art et se voient aujourd’hui voler la vedette par des entreprises, des fondations d’entreprise ou des mécènes privés (nous nous intéresserons ici aux PME, aux grandes entreprises, et tenterons de dégager les particularités d’un engagement en faveur de l’art dans les family offices). Hier, au service des grands mécènes tels que François 1er , les Tudors, les Médicis à Florence ou les Camondo à Paris, les artistes valorisaient ces derniers par l’art du portrait, par le biais duquel ces donateurs étaient mis en scène en costume d’apparat, à la gloire de leurs actions, de leur fonction ou de leur règne. Nous sommes en droit de nous demander comment ce modèle ancien de mécénat a muté. Nous le verrons au cours de cette étude, les mécènes d’aujourd’hui, donateurs pour de grandes expositions, sont impliqués dans d’importantes actions culturelles à l’échelle nationale et internationale. Leur champ d’action s’est étendu et le modèle de la Renaissance s’est inversé : ce sont à présent les mécènes qui valorisent les artistes et non le contraire. Cette recrudescence du mécénat dit « privé », qui par conséquent semble avoir pris le relais de l’État, témoigne des limites de l’action publique en matière de soutien à la création. Pour ne citer qu’eux, Bernard Arnault (LVMH), François Pinault (Kering, ex-PPR) mais aussi la maison Pernod-Ricard, ou encore des financiers désireux de prouver qu’ils sont capables de sortir du secteur financier, sont devenus des acteurs prépondérant dans l’univers de l’art. La destinée de l’art, et particulièrement de l’art contemporain semble désormais liée, pour le meilleur et pour le pire, à celle des industries du luxe, des spiritueux ou de la finance. 1 ZOLLNER Franck, Léonard de Vinci, Toute l’œuvre graphique et peinte, Taschen, 2007, p.126
  • 6. 6 Le XXIème siècle, semble devoir faire date pour le rapprochement entre le monde de l’art et le monde du luxe et de la finance. Si ces univers ont pu se tenir tête, se haïr ou se rejeter, comme ce fut le cas de l’art moderne, qui, selon André Malraux dans 2 L’Homme précaire et la Littérature a pris naissance par refus du luxe. Le XXIème siècle marque un rapprochement inédit entre le monde de l’art, du luxe et de la finance. Ce rapprochement a suscité des interrogations. D’un côté l’art et les institutions culturelles en acceptant de collaborer avec des univers très éloignés du leur, s’exposent au risque de voir leur image associée à des domaines dont la réputation a été noircie, et de perdre un peu de cette noblesse qui leur a permis d’acquérir, entre autres, au fil du temps, considération et privilèges au sein des plus hautes sphères de la société. De l’autre les entreprises qui, évoluant dans un contexte économique fragile, doivent repenser leurs leviers de croissance. Cependant, ces dernières qui exposent de l’art ou constituent des collections, ont été la cible de beaucoup d’interrogations de la part des professionnels de l’art quant à l’utilisation qu’elles en font et au risque potentiel en termes d’instrumentalisation des œuvres. Devant ces différents constats, nous sommes en droit de nous interroger quant à leur sincérité et la mise en oeuvre de leurs actions dans l’utilisation qu’elles font de l’art. Au même titre que de multiples « expériences » de la vie quotidienne, l’art est un enjeu de consommation, en termes de parts de temps disponible et de bagage culturel pour l’apprécier. Car si l’appétence pour l’art et la culture a augmenté de façon inédite dans l’histoire de l’humanité, il n’en demeure pas moins ségrégatif en termes de population exposée. Le postulat d’André Malraux sur l’évidence de la beauté semble totalement contredit par la notion d’acculturation et de transmission mise en évidence par Pierre Bourdieu. En effet, l’art ne s’impose pas de lui-même. Il nécessite un apprentissage, un décodage, un logiciel. C’est, entre autres, sur cette particularité que la cohérence du lien entre l’art et le monde de l’entreprise, fût, à mon sens, intéressant à étudier. Alors que certaines se tournent vers la santé, le sport, ou l’humanitaire, d’autres imaginent l’art comme étant un élément essentiel de leur image et surtout de leur communication. Qu’elles soient novices en matière d’art ou au contraire s’inscrivant dans une tradition familiale, les entreprises ont fait ce choix et cela n’est pas par hasard. Par conséquent, ce bilan nous amène à nous interroger sur les raisons qui poussent les entreprises à utiliser l’art en parallèle des autres outils de communication « traditionnels » dont elles disposent. 2 MALRAUX André, L’Homme précaire et la Littérature, Gallimard, 1977, p. 252.
  • 7. 7 En dissociant les actions de mécénat de la communication traditionnelle, de quelle manière et pourquoi les entreprises utilisent-elles l’art pour répondre à leurs problématiques de communication ? Il paraît donc utile d’examiner le rôle des entreprises dans la diffusion de l’art au travers de leur communication interne et externe pour faire face à un triple enjeu : -­‐ Demeurer des référents dans leur domaine. -­‐ Assurer croissance et visibilité à l’entreprise. -­‐ Répondre à des enjeux de stratégie et de communication en interne pour mieux relayer en externe. À partir de ces différents constats, nous analyserons, dans un premier temps, le contexte de l’avènement de l’art dans les entreprises à travers un aperçu historique et sociologique. Nous déterminerons ensuite quelles sont les mises en œuvre des entreprises dans leur approche de l’art et quels intérêts elles y trouvent. Nous verrons enfin, au travers d’une série de préconisations à destination des entreprises utilisant l’art, comment améliorer la cohérence des dialogues entre le monde de l’entreprise et celui de la création.
  • 8. 8 I L’art au service de la communication d’entreprises : les différentes formes de mécénat et leurs avantages I.1. Regard sociologique et historique sur les circonstances de l’avènement de l’art au sein des entreprises. I.1.1 L’accès à l’art dans le domaine public : les questions soulevées par Malraux et Bourdieu sont toujours d’actualité. « Il n’est pas vrai que qui que ce soit au monde ait jamais compris la musique parce qu’on lui a expliqué la Neuvième Symphonie. Que qui que ce soit au monde ait jamais aimé la poésie parce qu’on lui a expliqué Victor Hugo. Aimer la poésie, c’est qu’un garçon, fut-il quasi illettré, mais qui aime une femme, entende un jour : ‘Lorsque nous dormirons tous les deux dans l’attitude que donne aux morts pensifs la forme du tombeau’ et qu’alors il sache ce qu’est un poète. » Discours d’André Malraux, pour l’inauguration de la maison de la culture d’Amiens en 1969. L’art a tenu une place immense dans la vie de Malraux. Dans son existence privée, publique et politique, la confrontation avec l’art exprime une passion, consacre l’art dans une fonction métaphysique et enfin oriente une politique culturelle - celle qu’il conduit comme ministre entre 1958 et 1969. Pour Malraux, la culture n’est autre qu’une rencontre vivante avec l’art. Et cette conception sera le fondement de toute sa politique culturelle. Nous en apercevons déjà les prémices lors de son discours à l’Assemblée nationale le 9 novembre 1967: « 3 Notre travail, c’est de faire aimer les génies de l’humanité et notamment ceux de la France, ce n’est pas de les faire connaître. La connaissance est à l’Université : l’amour, peut-être, est à nous ! ». Cette idée d’une confrontation directe à l’art, éloignée de toute médiation, à la fois innée et instinctive, naît chez Malraux de la philosophie kantienne, sans doute pénétrée par le biais des Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, de Friedrich von Schiller, écrivain allemand de la fin du XVIIIème siècle. Selon Schiller, le Beau produit un effet directement sur le moral. Car le beau rencontre un écho dans la nature même de l’homme et comble son besoin le plus élevé, l’unité et l’harmonie. Au travers de son ouvrage Critique de la faculté de juger, Kant développe l’idée qui est celle d’une œuvre d’art que l’on ne peut juger sous l’éclairage de ses caractéristiques car le jugement esthétique, dit-il, « 4 doit être désintéressé de ces vues, des codes de notre jugement habituel qui se réfère bien trop à la raison pour satisfaire la définition de la 3 de SAINT PULGENT Maryvonne, Le gouvernement de la culture, 1999, Gallimard. 4 KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §6.
  • 9. 9 beauté ». Le Beau serait chez Kant, et chez Malraux, un concept sans codes qui relèverait du sens commun et serait « 5 objet d’une satisfaction universelle ». Cette esthétique kantienne semble créer une résonance chez Malraux : l’idée d’une culture universelle, relevant du sens commun et donc d’une forme de connaissance sensible inhérente à l’homme, sans nécessité d’éducation à l’art. Malraux semble accorder une fonction sociale à l’art, lui attribuant une capacité fédératrice et une disposition à créer l’émotion et l’expérience. L’idée d’une démocratisation culturelle vient alors seconder ce rôle social de l’art en déployant des institutions culturelles sur l’ensemble du territoire pour créer cette communauté d’émotions. Cependant, pour démocratiser la culture, encore faudrait-il pouvoir y accéder. La médiation culturelle, relativement écartée de la politique culturelle de Malraux, fut critiquée, à partir de 1965, par le sociologue Pierre Bourdieu. Ses études ont été principalement basées sur les différents publics qui fréquentaient les musées, français et européens. Différentes conclusions ont été tirées à partir de graphiques mettant en évidence l’âge, la classe sociale, le degré de connaissance, la spécialité artistique préférée en fonction des différentes classes sociales, ou encore les musées les plus fréquentés. On peut retrouver l’ensemble de ces graphiques au travers de l’ouvrage L’Amour de l’art. Le graphique ci-dessous reprend les deux idées principales de Bourdieu, la première étant que plus le niveau d’études est élevé et spécialisé et plus l’accès à l’art est présent dans le quotidien. C’est le contraire pour les agriculteurs, les ouvriers et les commerçants. La deuxième idée étant qu’avec la culture, qui induit un certain niveau d’études, l’appréciation de l’œuvre n’en sera que plus importante. Est soulevée ici la question de la médiation et son importance dans l’appréciation de l’art. Dans ce graphique, Bourdieu note une prédisposition par le capital culturel, c’est-à-dire produit à la fois par le système scolaire et familial, dans un milieu et une éducation propices, qui facilite évidemment le sens artistique. Le plaisir de contempler un tableau ou même d’écouter un opéra serait selon les résultats de ce graphique, le produit de normes sociales, qui ne toucheraient alors pas toutes les franges de la population. La médiation culturelle et la communication artistique pourraient donc être des moyens efficaces d’appropriation de l’art et de remédier à cette inégalité. 5 KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §6.
  • 10. 10 Taux de fréquentation annuel des musées selon les catégories sociales 6 7 De plus, la méthode d'enquête et d'analyse qu'emploient Pierre Bourdieu et Alain Darbel dans l’ouvrage « L’amour de l’art » dessine derrière le plaisir éprouvé face à une œuvre d'art un arbitraire culturel, un « habitus » qui détruit le mythe du goût inné, retournant la formule de Kant et de Malraux, pour qui « 8 le beau est ce qui plaît universellement sans concept ». En opposition, à cette idée, le sociologue Pierre Bourdieu, lui, affirme que 9 seul ce dont on a le concept peut plaire. La culture est déterminée par les caractéristiques sociales, culturelles et nationales du sujet. Au vu de cette étude, la division de la société entres personnes s’intéressant à l’art et les autres, justifie le monopole des instruments de l'appropriation des biens culturels en fonction du niveau d’études. 6 Taux de fréquentation annuel des musées selon les catégories sociales. Étude tirée de l’ouvrage L’amour de l’art, BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, Les Éditions de Minuit, 1966, p.101. 7 Définition du mot habitus tiré du dictionnaire Larousse. 8 KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Section I, Livre I, §6. 9 Tirée de l’ouvrage L’amour de l’art, BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, Les Éditions de Minuit, 1966, p.101 Habitus : Comportement acquis, caractéristique d'un groupe social, quelle que soit son étendue, et transmissible au point de sembler inné.
  • 11. 11 Plus que des questions méthodologiques, cet ouvrage pose des questions dans la définition des problèmes et dans la vision a priori de l'art qui sert au sociologue. Celle-ci est orientée par le sujet-spectateur : l’œuvre existe en tant qu'objet regardé. L'amour porté à l’œuvre est motivé par les caractéristiques du sujet regardant. C’est aussi une voie d’accès à de nouvelles problématiques et à l’analyse des différentes conditions sociales permettant l’accession à la connaissance : 10 « La culture n’est pas un privilège de nature mais il faudrait et il suffirait que tous possèdent les moyens d’en prendre possession pour qu’elle appartienne à tous ». Dans l’observation de Malraux et celle de Bourdieu, les désaccords sont les suivants : la différence principale qui oppose leurs deux visions de l’art se pose sur sa fonction éducative qui passe à la fois par la médiation et par l’appropriation. Tandis que pour Malraux l’œuvre d’art est belle en elle-même, et son appréciation doit et peut se faire à la fois de manière innée et instinctive. Pour Bourdieu, au contraire, l’œuvre ne se suffit pas à elle même, elle n’est pas ‘simplement belle’. Elle représente une construction qui contient à la fois des informations sur l’artiste mais aussi une histoire et des symboles. En somme une globalité. Le spectateur a donc besoin de clefs pour comprendre l’œuvre qu’il regarde. Le Centre Pompidou a compris cet enjeu pour pouvoir avoir accès à l’ensemble des collections et aussi à des informations dédiés. C’est pourquoi le Centre a développé en 2012, avec le mécénat de Pernod-Ricard, ‘Le Centre Pompidou Virtuel’, un centre de ressources numériques et une plateforme de diffusion de contenus donnant accès aux internautes à un ensemble de contenus numériques produits par le musée (œuvres de la collection, ressources documentaires, archives, captation de conférences, interviews d’artistes, de commissaires d’expositions etc.). Benoit Parayre, directeur du mécénat et de la communication du musée, précise que : « Grâce à cette nouvelle proposition le Centre Pompidou touchera un public beaucoup plus large que les seuls visiteurs physique potentiels. Il s’adressera à tous ceux qui s’intéressent à l’art, experts, amateurs, curieux et ils pourront eux-mêmes construire leur propre parcours ». 10 BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, L’amour de l’art, Les Éditions de Minuit, 1966, p.35.
  • 12. 12 11 Ce type de dispositif délivre des informations sur les œuvres, sur les expositions en cours et sur les collections permanentes. Les contenus sont adaptés en fonction de l’âge, du degré de connaissance. Il permet à la fois de progresser et d’apprendre tout en regardant les œuvres pour les comprendre et ainsi se créer des repères dans l’histoire de l’art. Premiers chiffres après le lancement de l’application 12 La relative pauvreté qu’on observe en matière d’informations sur les œuvres dans les salles d’exposition des musées nous amène à nous interroger sur l’impact de la théorie de Malraux sur le ‘choc esthétique’, en matière d’appréciation et de compréhension des collections aujourd’hui en musée. 11 Image tirée du communiqué de presse destiné au lancement de l’application du Centre Pompidou virtuel en 2012. 12 Chiffres provenant du communiqué de presse destiné au lancement de l’application du Centre Pompidou virtuel en 2012.
  • 13. 13 Par opposition, cela remet au goût du jour la problématique soulevée par Bourdieu, sur la fonction éducationnelle de l’art et sur l’importance de posséder des clefs de compréhension qui passeraient par l’éducation pour accéder à une œuvre « comme il se doit ». Au travers de l’ouvrage L’Amour de l’art, Bourdieu et Darbel avance que : 13 « L’œuvre d’art considérée en tant que bien symbolique n’existe comme telle que pour celui qui détient les moyens de se l’approprier, c’est-à-dire de la déchiffrer. » Au travers de ces dispositifs, le visiteur reste libre de disposer de cet appareil ou non. Il peut, s’il le désire, continuer d’apprécier l’art de manière « instinctive », mais il reste libre de déterminer lui-même ce qu’il veut voir, apprendre, ou lire. Cette liberté dans l’expérience culturelle que proposent ces dispositifs virtuels en axant l’approche des arts principalement sur les contenus, vient compléter la visite in situ mais aussi constituer en soi, à une expérience d’une nature différente. Par ce biais, le centre s’inscrit dans l’identité numérique qui marque notre époque, et dans une démarche de sensibilisation des publics aux collections mises à leur disposition. Une prestation de plus pour ces institutions qui avec peu de moyens financiers doivent assurer leur devenir et celui de leurs collections. I.1.2 Le modèle historique du mécénat resurgit. « L’art c’est l’exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre. » Auguste Rodin Depuis des siècles, l’art et la monarchie, ou l’art et le luxe ont, grâce aux artistes, dialogué. Progressivement les entreprises voient leurs murs et leurs salles de réunion investis par des toiles et des sculptures, les circonstances de l’avènement de l’art en entreprise se sont imposées par petites touches au fil du temps. Pour comprendre, pourquoi et comment, cette partie s’attachera à interroger le rôle de l’État en matière de soutien à la culture. Et également à explorer l’univers des musées français en termes de développement et de communication. Pour finir, les principales grandes entreprises françaises qui jouent un rôle important pour soutenir la culture. Nous couvrirons la peinture, la sculpture et les arts graphiques. La prédominance du secteur public s’est vue consacrée en 1661, lors de la brutale éviction de Nicolas Fouquet, amateur d’art et mécène privé, par Louis XIV. Certes, cet événement n’a pas annihilé le mécénat privé, mais il a participé à la constitution d’un mécénat d’État dont nous voyons aujourd’hui encore les effets, voire les méfaits dans l’instabilité et la fragilité de son soutien en matière d’art. Ajoutons que l’appétence de Louis XIV pour les arts 13 BOURDIEU Pierre, et DARBEL Alain, L’amour de l’art, Les Éditions de Minuit, 1966, p.65.
  • 14. 14 a non seulement mobilisé beaucoup des ressources financières du royaume, mais aussi occupé des bataillons entiers d’artistes majeurs à la décoration de palais civils comme celui de Versailles, ou militaires comme les Invalides. Devant le faste de la décoration du palais de Versailles et de ses jardins, nous constatons que le phénomène de la Cour a attiré artistes et mécènes à Paris, laissant à la province des moyens plus limités et des artistes moins prestigieux. Cette centralisation autour de la Cour ne devait que s’amplifier sous la Révolution, puis sous l’Empire avec la création du Musée national du Louvre. Cette centralisation artistique ne pouvait que donner lieu à la création d’un art officiel qui se développa tout au long de la IIIème République (1870-1940). Apparaissent ensuite les grands collectionneurs et mécènes du début du XXème en France et en Europe. Pour les Kahnweiler, les Rosenberg, les Durand-Ruel ou les Guggenheim, la passion de l’art était en quelque sorte inscrite dans leur patrimoine culturel et les artistes qu’ils soutenaient, étaient au fil des siècles, comme marqués de leur empreinte. Daniel- Henry Kahnweiler, le marchand des cubistes, en est un parfait exemple. Ou encore Peggy Guggenheim qui soutient Max Ernst, Fernand Léger, Marc Chagall, tous réfugiés à New York pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ici aussi le mécénat privé (bien que l’intérêt général soit plus discrètement mis en valeur que celui des actions menées par les grandes familles d’industriels), ouvre la voix vers une génération de collectionneurs et mécènes à la fois fortunés, réellement passionnés et dont l’implication en faveur de la culture résonne encore aujourd’hui. Il apparaît donc deux traits majeurs du mécénat en Europe : d’une part, si la pratique du mécénat provient de familles prestigieuses, lors de la Renaissance les familles constituaient encore en elles-mêmes la structure de la force économique et politique. Les Médicis, par exemple, ou les Fugger, grande famille de marchands qui domina la finance européenne à la fin du Moyen-Âge et pendant la Renaissance du Saint-Empire germanique, qui furent les mécènes du fameux peintre et graveur Albrecht Dürer. La frontière était donc floue entre famille, mécène et entreprise. Ce n’est qu’au XIXème siècle, avec l’émergence de grandes familles d’industriels (les Prouvost : fondateurs du musée du textile et de la vie sociale à Fourmies, et de l’Ecomusée de l’Avesnois à Fourmies, sont aussi collectionneurs d’art, les Masurel financent la construction d’une école en 1894, s’impliquent dans des associations de filateurs et d’industries lainières à Paris autour des années 1890), qu’apparaissent les premières actions de mécénat privé, au sens où nous l’entendons aujourd’hui : c’est-à-dire un financement qui ne provient pas de l’État ou de la Cour, sinon de particuliers et visant l’intérêt général. Il apparaît donc nettement que le phénomène de centralisation autour de l’art est passé de la monarchie aux grands industriels, puis vers les mécènes et les collectionneurs érudits du début du XXème. Le rôle social de chacun de ces mécènes est un élément important à prendre en compte dans l’étude de l’essor du mécénat privé dans le cadre de la culture.
  • 15. 15 Pour le comprendre, revenons sur les particularités françaises en termes de mécénat culturel à la fois du côté des entreprises et de l’État. Du côté de l’État, le budget consacré à la culture semble s’être stabilisé après deux années en baisse en 2014 et 2013. Pour 2015, il s’élève à 7,7 milliards d’euros. La culture et la communication arrivent bien derrière l’enseignement et le logement, nettement priorisés par l’État en 2015 avec 47,4 milliards d’euros. Pour la culture et la communication, nous remarquons un avantage donné au secteur des médias, du livre et des industries culturelles avec 4,3 milliards d’euros contre 2,7 milliards d’euros pour la culture et la recherche culturelle. 734 millions sont consacrés à la création (qui intègre l’art contemporain), et 1.1 milliard d’euros mis à disposition pour la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Budget de la culture en 2015 14 14 Source Ministère de la Culture et de la Communication – 2015
  • 16. 16 Le poids des investissements des entreprises en matière de mécénat. Du coté des entreprises, nous constatons que le mécénat est présent dans la plupart des grands groupes français sous différentes formes. Selon une étude réalisée par Admical, (association créée en 1979 qui développe le mécénat des entreprises et des entrepreneurs) publiée en janvier 2014, les groupes du CAC40 ont consacré chacun en moyenne 19,2 millions d’euros en 2012 à des actions de mécénat et leur budget annuel représente en moyenne 0,06% de leur chiffre d’affaires. 59% investissent dans la culture et le patrimoine, contre 76% dans l’éducation, 62% dans la santé et 38% dans le sport. Grandes entreprises mécènes en 2015 en France 15 Une entreprise peut financer des projets selon le domaine d’utilité général auquel elle souhaite se consacrer (art, santé, sport), mais elle peut également s’investir dans ce type de projets par l’intermédiaire d’une structure dédiée, portant son nom : association, fonds de dotation ou fondation d’entreprise. À titre d’exemple, la fondation BNP Paribas, qui fête ses 30 ans cette année, avait un budget de mécénat de 7 millions d’euros en 2014 dont 1,5 uniquement consacré à la culture (spectacle vivant, musique, musées et objets d’art). 15 Grandes entreprises mécènes, source Admical 2015
  • 17. 17 LVMH, sous la présidence de Bernard Arnault, a donné naissance à la Fondation Louis Vuitton, dédiée à la création artistique contemporaine, dont le bâtiment a été inauguré en octobre 2014 à Paris. Pour finir, Gucci, la marque phare du groupe Kering, possède quant à elle son propre musée à Florence et a récemment financé pour 340.000 euros la restauration d’une dizaine de tapisseries du XVIème siècle. Répartition des mécènes en fonction de la taille de leur entreprise 16 Répartition des différentes spécialités par catégorie de mécène 17 Alors que 59% des entreprises mécènes soutiennent la culture (source Admical 2014), ce sont les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (GE) qui arrivent 16 Source ADMICAL CSA 2014 17 Source ADMICAL CSA 2014
  • 18. 18 en première position en matière de mécénat, avec 69%, contre 19% pour les PME et 16% pour les TPE. 24% des mécènes se consacrent aux musées et aux expositions, et 41% de leur budget est utilisé à cet effet. Comment expliquer l’attrait des grandes entreprises pour le mécénat ? L’économiste et financier belge Thibaut André 18 remarque que les civilisations et les sociétés qui ont pu développer les arts et la culture sont celles qui ont accordé une place prépondérante au commerce et à son libre exercice dans un environnement juridico-fiscal relativement équilibré. De ce fait, l’accumulation de capital augmentant les standards de vie, les individus, une fois délivrés des contraintes liées aux besoins essentiels de l’existence, peuvent s’adonner à des activités non-économiques. Il rajoute : 19 « Les arts et la culture, quand on a accumulé de l’épargne, et même un surplus, ça ne se finance pas via l’endettement public mais sur fonds propres et privés. » Hors l’étude ci-dessus, publiée en 2014 par Admical, démontre en effet que plus l’entreprise est importante, plus les budgets consacrés au mécénat peuvent se développer et perdurer. Point sur le mécénat, sa fiscalité et ses avantages pour les entreprises La loi n°2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite « Loi Aillagon », a institué un dispositif fiscal pour développer en France le mécénat des entreprises et des particuliers dont les caractéristiques (dispositif de droit commun) sont les suivantes : -­‐ en faveur des entreprises (Art. 238 bis, CGI) : réduction d’impôt sur les bénéfices égale à 60% du montant du don (en numérique ou en nature) à un organisme ou une œuvre d’intérêt général dans la limite des versements annuels de 0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise. En cas d’excédent de versement, l’entreprise dispose de cinq exercices pour utiliser sa réduction d’impôt. -­‐ en faveur des particuliers (Art. 200, CGI) : réduction d’impôt sur le revenu au taux de 20% du revenu imposable du donateur, avec report possible sur cinq ans en cas d’excédent de versement Les musées et leur financement aujourd’hui Depuis 2003, le milieu culturel français a connu un bouleversement. La loi Aillagon sur le mécénat du 1er août 2003 permet (comme nous le montre ce récapitulatif ci-dessus), aux 18 Thibaut André, blog personnel CONTRARIO, billet : Pourquoi l’état n’a pas à se mêler de la culture, un bref argumentaire, mis en ligne le 29 mai 2013 19 Thibaut André, blog personnel CONTRARIO, billet : Pourquoi l’état n’a pas à se mêler de la culture, un bref argumentaire, mis en ligne le 29 mai 2013 M é c é n a t : s o u t i e n m a t é r i e l a p p o r t é , s
  • 19. 19 particuliers de devenir mécènes au même titre que les entreprises et avec des avantages comparables. Internet, l’essor des réseaux sociaux et la facilité d’accès à une multitude de dispositifs numériques qui peuplent notre quotidien (tablettes, smartphone, réalité augmentée, visite virtuelle, visioguide) permettent une expérience de plus en plus personnalisée et enrichie en termes d’appréciation et de découverte de notre environnement. De fait, la technologie a aussi sa part à jouer dans la métamorphose de l’expérience culturelle mais également dans la quête de nouveaux mécènes. Du coté des grands musées français, (nous prendrons le cas du Musée d’Orsay, et du Centre Pompidou), cette quête, se développe autour de la mise en relation entre les organisations culturelles, porteuses de projets et les citoyens. Le fait de chercher à toucher directement les particuliers, est le signe d’une nouvelle citoyenneté culturelle. Les nombreuses campagnes de mécénat participatif que les plus grandes institutions culturelles françaises n’hésitent pas à utiliser, le démontrent. C’est notamment le cas du musée du Louvre, qui, dans le cadre de sa campagne Tous mécènes ! a pu acquérir un joyaux du mobilier français XVIIIème : La Table de Teschen, que nous détaillerons dans une partie suivante. Cette campagne a permis à des mécènes privés mais aussi à des entreprises de participer à cette acquisition. Grâce aux réseaux sociaux, et les sites internet des musées, il est devenu plus aisé pour ces institutions de présenter un projet de mécénat via des contenus mobilisateurs et de faire appel au plus grands nombre : mécènes privés, entreprise, mais également de s’ouvrir à l’international. Le cas du Musée d’Orsay Depuis 2013, le Musée d’Orsay prépare une campagne territoriale et internationale pour procéder à la restauration de L’Atelier du peintre de Gustave Courbet. Le musée a bénéficié d’un soutien provenant de différents donateurs : 20 l’Art Conservation Project de Bank of America Mellrill Lynch, et des « American friends of Musée d’Orsay ». En parallèle, le musée a lancé en octobre sa première campagne participative pour compléter le financement de cette restauration (600.000 euros devaient être récoltés) afin d’offrir la possibilité à tous, de participer à ce projet. Le musée s’est également appuyé sur un réseau d’ambassadeurs pour finaliser le projet. Plus de 21 1335 donateurs ont donné 155.374 euros en 80 jours d’appel aux dons. 20 Tiré du rapport d’activité du Musée d’Orsay, édition 2014. 21 Chiffres tirés du rapport d’activité du Musée d’Orsay, édition 2014.
  • 20. 20 Ressources propres et financement de l’Etat, dans le cas du Musée d’Orsay de 2004 à 2014.22 (la courbe verte représentant l’Etat). Nous constatons une baisse de l’apport financier de l’état en faveur du Musée d’Orsay à partir de 2011 avec un léger rebond en 2014. Alors qu’en 2014 les subventions de l’Etat s’élèvent à 27 millions d’euros, les ressources propres du musée atteignent environ 37 millions d’euros. Le dépassement des subventions de l’Etat au profit des ressources propres s’est amorcé au cours de l’année 2011 et cette courbe n’a pas été inversée depuis. Bien que l’Etat soit toujours présent dans le paysage financier d’Orsay, (à hauteur de 26 millions d’euros environ pour 2013 et 29 millions environ en 2014) on observe que le musée à principalement fait appel à des mécènes particuliers ou des entreprises pour financer ses principaux grands projets. 22 Tiré du rapport d’activité du Musée d’Orsay, édition 2014.
  • 21. 21 Dans le cas du Centre Pompidou Pour le Centre Pompidou, nous nous concentrerons principalement sur les chiffres et les recettes pour l’année passée. Les détails sur la programmation, les mécènes et les expositions seront développés dans plusieurs parties suivantes. Les subventions du ministère de la Culture et de la Communication ont diminué depuis 2007 pour le Centre Pompidou. Elles s’élevaient à 75.881.930 millions d’euros en 2007, le point culminant étant en 2009 avec un total de subvention accordées par l’État d’un montant de 78.503.611 Millions d’euros. En 2014 elles étaient passées à 66.237.406 millions d’euros. 23 Lors de notre récente interview, Benoît Parayre directeur de la communication et du mécénat au Centre Pompidou nous a confirmé ce désengagement de l’État. Il indique que les subventions de l’État s’élèvent à 10% du budget total du centre (ce chiffre étant calculé sur 6 ans). Dans cet autofinancement, il faut compter les recettes propres qui sont apportées en grande partie par la billetterie. Pour les organisations, le fait de pouvoir s’ouvrir directement aux publics et aux particuliers augmente le nombre de mécènes potentiels. Ces différentes sources de financement, qu’elles proviennent d’entreprises ou de particuliers, permettent d’explorer une nouvelle relation entre l’institution et le public. Le mécénat des particuliers ne remplace pas celui des entreprises. Il peut le compléter en apportant un soutien populaire et citoyen aux cotés des acteurs de la culture. Finalement, comme le témoignent les chiffres ci-dessus, face à la restriction des budgets accordés par l’État aux institutions culturelles française, c’est le renouveau d’un mécénat ancien qui est à présent en train d’éclore. Celui des particuliers, mais aussi celui des entreprises. N’est-ce pas là un moyen de rendre à l’art ses lettres de noblesses en donnant la possibilité, à qui le souhaite, citoyens, entreprises, françaises ou internationales, d’apprécier ces créations en y étant associés. De plus, l’initiative de s’ouvrir à des campagnes de mécénat participatif, ou de faire appel à des entreprises confronte et responsabilise la société aux problèmes bien réels que rencontre l’art aujourd’hui au sein des institutions qui conservent ces créations. Des restrictions financière, qui se répercutent également sur la médiation et l’accès à l’art pour les publics. Les campagnes de mécénat participatif semblent être une solution car elles permettent aux musées comme aux citoyens de s’associer autour d’un projet commun. La recrudescence d’un modèle ancien de mécénat, confirme une baisse des subventions de l’État en faveur de la culture, mais d’un autre coté offre des solutions pour décloisonner les 23 Chiffres provenant du rapport d’activité du Centre Pompidou, édition 2014.
  • 22. 22 liens entre les citoyens, le monde de la culture et celui des entreprises. De plus, ces actions vont dans le sens d’une forme de démocratisation culturelle. I.1.3 Le lien entre l’avènement de l’art dans les entreprises et la théorie des parties prenantes de Freeman est avéré. « Face aux œuvres d’art, les hiérarchies professionnelles font davantage place à des dialogues transversaux » José Frèches, ancien conservateur du musée Guimet, Paris. 24 Ed Freeman, philosophe et universitaire américain, né en 1951, part du principe que l’entreprise ne devrait pas uniquement être attentive à ses actionnaires mais bien à l’ensemble des catégories d’acteurs avec lesquels elle est en relation. Il en déduit une théorie : la théorie des parties prenantes. Représentant l’une des pierres angulaires de la RSE (responsabilité sociale des entreprises) elle s’est progressivement affirmée comme un courant théorique d’importance pour appréhender l’entreprise et son organisation. La RSE a commencé à se développer à la fin du XIXème aux États-Unis, poussée par la présence accrue de la religion au sein des entreprises et plus précisément chez les dirigeants qui encouragent les actions philanthropiques au travers de fondations (par exemple Rockfeller, Carnegie, Ford…). De plus, une forte méfiance envers l’État pousse les entrepreneurs anglo-saxons à agir par eux-mêmes et trouver des moyens pour assurer le développement de leur entreprise. 24 Article L’art au service de la culture d’entreprise, Eric Delon, Les Echos, 10/01/2006
  • 23. 23 De l’importance des stakeholders et de l’imagination 25 Ed Freeman s’inscrit dans cette logique protestante de méfiance envers l’État. La vision de Freeman est d’abord de mettre en avant le but premier d’une entreprise, sa raison d’exister, avant même les enjeux d’actionnaires, d’argent et de profit. Ses travaux s’inscrivent dans le champ d’une philosophie morale, et plus précisément de l’éthique des affaires. Contrairement aux idéologies dominantes de ces années, portées par des personnalités comme l’économiste américain, Milton Friedman qui consistent à penser que le but de l’entreprise est d’amasser du profit pour ensuite le redistribuer aux actionnaires, Freeman tente de démontrer le contraire, en plaçant le profit comme une conséquence de l’activité de l’entreprise, et non sa cause première. Freeman démontre que le but de l’entreprise est de répondre aux besoins de toutes les parties prenantes, ce qui permettra de réaliser ensuite le profit. Ce que la théorie de Freeman apporte en résumé : Freeman affirme que les parties prenantes sont des personnes réelles. L’entreprise doit accepter de négocier avec elles (et pour cela identifier des interlocuteurs pertinents, représentant les différents enjeux des parties prenantes). L’entreprise doit accepter de questionner ses points de vue pour tenir compte des besoins des parties prenantes. Bien sûr, elle ne renoncera pas à tous ses principes, mais au moins, sera posée la question de leur pertinence. 25 Tiré de l’article, De l’importance des stakeholders et de l’imagination, dynamiquemag.com, Coralie Franiatte, 11/06/13
  • 24. 24 Freeman pense qu’un accord est toujours possible ; en cas d’intérêts contraires entre parties prenantes, l’entreprise ne doit pas choisir l’une plutôt que l’autre mais rechercher un compromis, une troisième voie, qui permettrait de satisfaire les deux intérêts. Freeman soutient ainsi que la RSE est porteuse d’innovation car elle permet d’imaginer de nouvelles façons de faire. Lorsqu’une entreprise est au centre d’un contexte économique précaire, marqué par l’incertitude financière, le fait de reconnaître les liens d’interdépendance entre l’entreprise et ses parties prenantes constitue un atout pour créer de la valeur, et joue un rôle déterminant dans le succès à long terme d’une entreprise. La théorie des parties prenantes a aussi le mérite d’apporter le cadre de réflexion au concept de responsabilité sociale de l’entreprise. Par une prise en compte globale des besoins et des actions des différentes parties prenantes, cette théorie permet d’identifier et d’organiser les multiples obligations de l’entreprise envers les différents groupes qui y contribuent. Devant cette notion que l’on pourrait qualifier de ‘bien vivre ensemble’, l’entreprise se doit d’instaurer un dialogue régulier avec ses salariés et le reste des actionnaires de l’entreprise. Hors selon une récente étude, 26 avant même la question de la rémunération, les premières motivations du salarié sont l’épanouissement professionnel et la qualité de vie au travail. Le dernier reporting RSE, qui a porté sur le bien-être en entreprise (au même titre que les risques psychosociaux), va dans ce sens. Pour répondre à ces besoins, les entreprises perçoivent la nécessité d’investir dans des solutions telles que les conciergeries, les crèches, les salles de sport mais également dans des propositions culturelles et pédagogiques vouées à l’enrichissement intellectuel des salariés. Selon le magazine INfluencia : 1 euro investi pour le bien-être des salariés rapporte 2,20 euros à l’entreprise, soit plus du double ! (étude ISSA Braunig & Kohstall 2011). L’apport des œuvres au sein même d’une entreprise semble bien convenir à ces challenges quotidiens de l’entreprise contemporaine pour à la fois se positionner face à ses concurrents et offrir à ses employés un cadre de travail plus humain et plus agréable, au sein d’un environnement créatif. Grâce aux démarches culturelles, les entreprises peuvent mettre en scène leur histoire, construire leur imaginaire et quitter le cadre purement consumériste. L’art a le pouvoir de faire sortir l’entreprise hors de ses murs et contraindre ses collaborateurs à réfléchir en dehors des cadres traditionnels : « les œuvres ont renforcé la culture d’entreprise, car chacun s’est senti impliqué dans un projet qui dépassait l’aspect 26 Carte blanche à INfluencia, L’art levier de performance en entreprise, Forum d’Avignon Culture is Future, 26/10/13
  • 25. 25 strictement professionnel de l’activité première de l’entreprise. Au sein de l’entreprise l’art agit comme un déclencheur. » (Jean-François Darrousez PDG Aequitas, Lille) 27 Selon une étude de 2013, réalisée par le magazine INfluencia28 , l’art rassemble les publics. Il peut donner du sens à l’entreprise, doper les leviers de croissance, nourrir la marque employeur, peut générer de l’innovation produit, et offrir une communication différenciante. Du côté des artistes et des professionnels de l’art qui se rapprochent du milieu des entreprises, c’est également une opportunité de bénéficier de nouveaux canaux de diffusion et d’ouverture sur des publics différents. Pascale Cayla, fondatrice de l’agence d’art contemporain l’Art en direct, fondée en 1992, dans le cadre d’une demande croissante des entreprises en matière d’art, le confirme : « Il nous est apparu clairement que le monde de l’entreprise avait un rôle essentiel à jouer dans la valorisation de la création auprès d’un nouveau public. Nous étions déjà convaincues que l’art pouvait être développeur de croissance pour l’entreprise elle-même. Et nous n’avons eu de cesse de le prouver depuis ». L’agence a développé des projets artistiques, dans le cadre du management par l’art, d’organisation d’événements autour de l’art comme des expositions ou des happenings avec des entreprises telles que : Société Générale, Dior, la Société Foncière Lyonnaise, Orange, Chevrolet, Bernardaud, La Fondation Colas, La Poste, etc. 27 Article L’art au service de la culture d’entreprise, Eric Delon, Les Echos, 10/01/2006 28 Article Carte blanche à INfluencia, L’art levier de performance en entreprise, Forum d’Avignon Culture is Future, 26/10/13
  • 26. 26 29 Les liens entre la théorie des parties prenantes et les raisons pour lesquelles les entreprises font appel à l’art sont évidents. Les deux vont dans le sens d’un mieux vivre ensemble, d’une amélioration de la qualité de vie au travail, d’une manière d’échanger, de communiquer et de se positionner à travers un projet innovant. Les œuvres sont un levier de communication qui permet de rassembler les salariés autour d’un projet commun à l’ensemble de l’entreprise. À travers le prisme de l’art, la société agit sur son image, s’ouvre à des publics différents par le biais de nouveaux canaux de diffusion. 29 Interview de Pascale Cayla, fondatrice de l’agence de communication culturelle l’Art en direct, dans La Tribune n°62, par Valérie Abrial, octobre 2013.
  • 27. 27 Les liens entre l’art en entreprise et la théorie des parties prenantes *Mise en valeur des liens et des leviers de création de valeur entre la théorie des parties prenantes et l’avènement de l’art en entreprise. Il n’est pas prouvé que la théorie des parties prenantes, mise au goût du jour par Edward Freeman en 1984, coïncide avec la naissance des collections d’entreprises. L’entreprise, au centre d’une démarche de mise en valeur de son capital humain, a dû réorganiser sa stratégie, et aller dans le sens d’un management intelligent. L’idée de l’instauration d’une collection d’entreprise, ou d’expositions ponctuelles au sein de la société, reprend les fondements de mieux vivre - ensemble, de cohésion, et de développement durable de la théorie de Freeman.
  • 28. 28 I.2 Le mécénat culturel est un socle pour le développement durable des entreprises. « La hiérarchie des domaines de mécénat évolue et témoigne d’un véritable souci des préoccupations sociales et sociétales actuelles, ainsi que d’une attention toute particulière apportée aux jeunes et aux nouvelles générations. » 30 Henri Loyrette, président d’Admical 31 Mécénat : soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. 32 Répartition des acteurs de mécénat d’entreprise en 2014. 30 Tiré directement du site d’ADMICAL, dans le cadre des graphiques répartissant les acteurs du mécénat d’entreprise en 2014. 31 Définition tirée du site Mécénova. 32 Enquête : « Que retenir des dix ans du dispositif mécénat ». Etude réalisée par Fidal en 2013
  • 29. 29 Enquète : Que pensez-vous du mécénat pour une entreprise ? 33 Le mécénat n’est désormais plus cantonné à l’art. Il existe aussi présent sous bien d’autres formes, qui n’ont parfois plus rien à voir avec les notions de prestige et de rêve, mais qui sont plutôt synonymes de partage, d’entraide et de solidarité. Les secteurs de la solidarité, de l’enseignement et de l’écologie sont de plus en plus au cœur des préoccupations. Alors que les entreprises préfèrent investir sur des sujets sociaux, d’autres privilégient la culture, d’autres encore investissent dans plusieurs domaines à la fois. 1.2.1 L’implication du mécénat d’entreprise dans des causes d’intérêt social. La maison Guerlain Fondée en 1828 par Pierre-François-Pascal Guerlain, la devise de la maison Guerlain était la suivante : « La gloire est éphémère, seule la renommée dure ». Pendant plus de 150 ans, elle est restée propriété de la famille Guerlain. À la suite de son rachat en 1994, Guerlain est désormais une marque de la branche parfums et cosmétiques du groupe LVMH. Magnat des produits de beauté, symbolisant quelque peu une certaine forme de superficialité, le groupe LVMH cherche à intellectualiser son image en investissant dans l’écologie. En effet, leur slogan « Au nom de la beauté, l’engagement durable Guerlain » s’inscrit directement dans une volonté de s’orienter vers le développement durable. 33 Enquête : « Que retenir des dix ans du dispositif mécénat ». Etude réalisée par Fidal en 2013
  • 30. 30 Chaque produit a un impact écologique, de la création à l’emballage. Guerlain s’attache à mettre en avant l’utilisation de matières naturelles dans leurs cosmétiques et maquillages. Pour ce qui est de la diffusion et plus précisément la publicité, ils sont très attachés à la deuxième vie des supports. Ainsi, lors de leur dernière campagne « La petite robe noire », chaque bâche et affiche publicitaire a été transformée en sacs, pochettes et carnets collectors qui ont été façonnés par une entreprise employant des personnes en situation de handicap. L’utilisation de l’abeille comme symbole de cette nouvelle ligne directrice renforce cet argumentaire et véhicule une image forte. Le rapprochement avec la nature induit une maison concernée et impliquée dans des valeurs autres que l’insouciance. La beauté et le luxe de cette maison sont désormais associés à la préservation de la planète. Dans la continuité de cet engagement social, la devise d’autrefois semble être encore d’actualité : « La gloire est éphémère, seule la renommée dure ».
  • 31. 31 Héritiers des célèbres parfumeurs, Florence et Daniel Guerlain sont connus en France pour leur passion et collection de dessins contemporains. La fondation a été créée en 1996 pour favoriser la rencontre entre les artistes et le public aussi largement que possible. Depuis 2004, son unique activité est l’attribution d’un Prix de dessin contemporain. Ce Prix s’adresse à des artistes français et étrangers habitant ou non en France mais ayant au moins, un lien culturel avec la France. Une commission sélectionne les artistes proposés à un jury international de collectionneurs privés. La remise de ce Prix se fait au Salon du Dessin à Paris, chaque année, entre le mois de mars et le mois d’avril et offre au lauréat une dotation de 15.000 euros. De plus, une œuvre du lauréat est offerte chaque année au cabinet d’art graphique du Centre Pompidou. Le mécénat qui associe la culture et l’écologie, apparaît comme un levier stratégique essentiel pour la communication des entreprises au XXIème siècle. La maison Guerlain a su se renouveler au fil des époques et trouver les relais d’influence afin de perdurer sur la scène autant économique que sociale. 1.2.2 Le mécénat représente une fenêtre vers l’avenir pour les entreprises. Dans une époque de démotivation et de perte de repères, chez les salariés une action concrète de mécénat peut redonner du sens au travail de chaque collaborateur et ouvre de nouvelles opportunités pour l’entreprise. Selon Benoit Parayre, directeur de la communication et des partenariats au Centre Pompidou à Paris, « Le mécénat va toujours dans le sens d’une évolution pour l’entreprise ». De par son action à la fois en interne et en externe, il renforce la fierté d’appartenance des salariés, il représente un bénéfice d’image pour l’entreprise, et de confiance aussi bien en interne qu’en externe. Il offre à l’entreprise la possibilité de redorer comme nous l’avons vu précédemment un blason terni par un secteur d’activité ou des événements impopulaires. Enfin le mécénat donne la possibilité à l’entreprise d’élargir ses compétences et de dépasser les limites que lui assigne sa tâche spécifique habituelle. Le cas de Total Pour Total, première entreprise française et deuxième capitalisation boursière de toute la zone euro, ne convient-il pas seulement d’améliorer auprès du grand public l’image d’une multinationale aux bénéfices record et aux effets nocifs pour l’environnement ? La crédibilité de ses engagements en faveur des causes sociales sera renforcée par la création de sa Fondation d’entreprise, en 1992. Dans tous ses champs d’activité, la Fondation Total privilégie les partenariats de long terme. Il s’agit, au-delà du soutien financier, de croiser les expertises et de les renforcer pour enrichir l’intelligence collective. La Fondation Total, est partenaire de grandes institutions culturelles françaises (Musée du Louvre, Musée du quai
  • 32. 32 Branly, Institut du Monde Arabe, le Centre Pompidou), dont elle accompagne régulièrement les expositions, avec la volonté de contribuer au dialogue des cultures. Elle œuvre par ailleurs pour développer des passerelles entre culture et solidarité et faire venir aux musées des publics en situation de précarité sociale et économique. Au-delà de ses partenariats culturels, la Fondation Total intervient dans trois autres grands domaines d’action : la solidarité, la santé et la biodiversité marine. C’est ainsi que, pour faire reconnaître le patrimoine français sur tout le territoire, ses actions en faveur des musées comprennent la restauration de la galerie d’Apollon au Musée du Louvre, l’ouverture du département des arts de l’Islam au sein du même musée et le mécénat de l’exposition Monumenta, en mai et juin 2014, au Grand Palais, consacrée aux artistes Ilya et Emilia Kabakov. La Fondation Total a contribué à la découverte de ces deux créateurs, dont les travaux très engagés représentent différentes visions de la ville du monde du progrès et de la science. Elles éclairent le public sur leur devenir, un pas de plus vers l’avenir pour Total qui souhaite se tourner vers la jeunesse et soutient par le biais de sa fondation des opérations d’accueil de publics dits éloignés de la culture, se mobilise pour l’insertion professionnelle des jeunes et l’accès à l’éducation artistique et culturelle. C’est le cas du colloque « Apprendre par l’art, un art d’apprendre » organisé en octobre 2014. Réunissant plusieurs personnalités du monde de la culture, ce colloque tend à éclairer les multiples enjeux de l’Éducation Artistique et Culturelle. Par ces actions, Total se positionne comme étant un mécène d’importance, concerné et engagé par le devenir des domaines qui lui sont chers. Ces exemples d’actions qui répondent aux aléas médiatiques de l’actualité, et prenant part au quotidien des musées, Total et sa Fondation s’inscrivent, à leur manière, dans l’histoire d’un lieu emblématique de la culture française, dont la renommée à la fois grandissante et immortelle assure à l’entreprise Total une visibilité pérenne. Le cas du Centre Pompidou et du projet Art Car Le mécénat entre le Centre Pompidou et la société BMW, en 2010, pour la présentation de la Art Car, décorée par l’artiste Jeff Koons, illustre l’idée d’un partenariat construit sur le long terme, abordant des sujets à la fois porteurs et d’actualité. La voiture présentée, une BMW, M3 GT2, s’était affichée à la fois dans le cadre de l’exposition au Centre Pompidou, puis dix jours plus tard au départ des 24 heures du Mans. Elle a ensuite débuté un tour du monde, au Royaume-Uni, à Séoul, en passant par Miami. Une opportunité pour la marque BMW et pour le musée de s’enrichir mutuellement des particularités d’image, de visibilité et de communication de leur domaine de spécialité respectifs. Pour la marque, cette association a pu illustrer à la fois son audace et son engagement en faveur de causes artistiques de très grande envergure, mobilisant des artistes de renommée internationale. Le Centre Pompidou, quant à lui, a pu bénéficier de l’attractivité de la marque BMW, mais aussi de tous les efforts de communication engagés par la firme, pour diffuser ses actions, accroître la visibilité de l’événement et le taux de fréquentation. Benoît Parayre y voit une opportunité de s’étendre à d’autres domaines très porteurs comme les courses automobile. Il précise
  • 33. 33 que : « dans une si grande institution, qui ne se cache pas d’avoir perdu six millions d’euros en six ans, l’importance de ces mécénats croisés comme celui de notre musée et de BMW, est bien réelle et sécurise l’avenir de notre musée et de nos programmations ». En s’engageant depuis 2010 avec la marque BMW dans le cadre du projet Art Car, le Centre Pompidou poursuit son cheminement dans une dynamique d’engagement et d’accompagnement à long-terme de ses mécènes. De plus, la grande visibilité et notoriété que génère ce type de projets façonne l’image des entreprises, ancre un peu plus leurs actions dans l’histoire de leurs organisations. Fort de son succès, le véhicule était à nouveau visible au Centre Pompidou du 4 février au 16 mars 2015, dans le cadre de la rétrospective dédiée à l’artiste Jeff Koons. Au travers d’un musée aussi fréquenté que le Centre Pompidou (3,45 millions de visiteurs en 2014), BMW assure sa notoriété et sa visibilité en tant qu’acteur culturel tandis que le musée profite de l’aura de la société automobile allemande. En s’ouvrant à d’autres domaines de spécialité la marque et le musée s’inscrivent en s’associant, dans une dynamique innovante de diversification de leurs publics, clients et stratégies de communication. Par ces actions de mécénat, BMW accompagne le développement d’un des lieux incontournables de la culture parisienne, mondialement connu. Malgré la force financière du groupe BMW ou de Total, s’investir dans la culture et aider à son développement et son rayonnement, semble apparaître pour chaque entreprise comme un gage de rassurance et de pérennité. 34 34 Présentation en première mondiale de l'Art Car de Jeff Koons au Centre Pompidou à Paris, 2 juin 2010
  • 34. 34 Aussi bien pour BNP que pour Guerlain, ou Total, les raisons qui poussent les entreprises à s’investir dans des causes d’intérêts sociales sont stratégiques de différentes manières, de plus il y a aussi des points communs qui se retrouvent dans chacune de ces entreprises : de gros moyens financiers, et une notoriété construite au fil de temps. Nous remarquons également que la nature de l’activité de ces organisations a tendance à justifier certaines associations dans le domaine social. En effet, Total, BMW, Guerlain, BNP, comme nous l’avons vu plus haut, symbolisent à la fois le monde de la beauté qui peut aussi être perçu comme étant futile. Le monde du pétrole, de la finance ou de la gestion, quant à lui peut générer des perceptions négatives quant à la nature de son activité dans l’imaginaire collectif. Mais, de part ces différents partenariats et mécénat, ces entreprises ont réussi à utiliser leur richesse et leur notoriété à bon escient pour sortir de leur domaine de spécialité par des actions en faveur du développement durable et de la culture. De part leur fidélité à ces institutions culturelles depuis de nombreuses années, ces entreprises mécènes, qui favorisent le développement des musées et de leurs collections, brouillent les frontières qui se trouvent entre l’art et le développement durable à proprement parler. Bien que le développement durable mette en exergue la notion de besoins, le cas de Total par exemple de part son implication au profit de l’apprentissage par l’art, la solidarité ou la santé, renforce l’idée d’un décloisonnement entre la culture et le développement durable. Selon une étude réalisée en 2013 par le site Sequovia pour le développement durable en entreprise confirme qu’il est à la fois un facteur de cohésion, d’innovation, de motivation, un levier de recrutement, de confiance et de conquête des nouveaux marchés, pour l’entreprise. Il précise aussi que le développement durable anticipe les risques tout en renvoyant une image positive de l’entreprise. A ce titre, le Ministère de la Culture et de la Communication a organisé un colloque en novembre 2012, dans lequel des artistes, des philosophes et des scientifiques sont venus témoigner du rôle de la culture dans la transition écologique. Du « Land art » aux films documentaires, ou des éco-festivals, cet intérêt pour l’écologie et la sauvegarde de la planète dont témoignent les artistes, est une preuve de plus que l’art reste un médiateur « caméléon » capable de se transformer en une véritable plateforme de dialogue. Plus précisément, de témoigner de la fragilité de la planète et de permettrent aux entreprises de se responsabiliser et de se positionner face à ce phénomène.
  • 35. 35 1.2.3 Pour l’entreprise, le mécénat est un des aspects d’un mode de management intelligent. « La culture, la solidarité, l’environnement sont, au-delà des obligations légales, au cœur de la relation entre l’entreprise et la société. Nous défendons l’idée d’une « performance globale. » Thomas Chaudron et Didier Livio Toute entreprise doit travailler à sa pérennité et à la valorisation de ses ressources, tangibles et intangibles. L’intensification de la concurrence et la mondialisation ont durci le jeu économique. Dans un climat économique morose, comme l’explique Jean-François Grunfeld de l’agence de communication Museum Expert (interviewé par mes soins en avril 2014): « Les entreprises doivent se réinventer de manière intelligente, Le mécénat et les nouvelles formes de financement participatif semblent être une bonne solution pour avancer. » La loi sur les musées du 4 janvier 2002 (complétée par la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et fondations) a autorisé de nouvelles pratiques mécènes. Le musée du Louvre en bénéficie comme l’illustre le cas suivant. Le cas du Musée du Louvre. César Chemineau, chargé de communication au Musée du Louvre, interviewé en avril dernier 2015, évoque des actions de mécénat comme étant un outil à la fois intelligent et vital pour le développement des collections et le management global du musée. Dans la continuité de cette démarche, le musée propose depuis 2010 des campagnes publiques d’appels aux dons, et offre la possibilité à quiconque de participer à l’acquisition d’œuvres d’art de qualité muséale. Ces campagnes, « Tous mécènes ! » bénéficient de la visibilité et de la communication étendue des réseaux sociaux, par le biais des pages Facebook, Instagram, et directement sur le site du musée. L’importance des réseaux sociaux agit à la fois comme levier de communication et comme moyen de rassembler le plus grand nombre de personnes autour d’un projet. Le cas d’un mécénat participatif s’inscrit dans cette démarche à la fois stratégique et publique. Lancée le 7 octobre 2014, la dernière campagne d’appel aux dons avait pour but de réunir la somme d’un million d’euros sur un budget total de 12,5 millions nécessaires à l’acquisition de la Table de Teschen, joyau du mobilier du XVIIIème. La Table, dite aussi Table de Breteuil, offerte en 1780 au diplomate Louis Charles Auguste Le Tonnelier, baron de Breteuil, est un chef-d’œuvre incontesté de Johann Christian Neuber, grand orfèvre et minéralogiste de l’époque. Dès la fin janvier 2015, 700.000 euros ont été réunis grâce à la contribution de plus de 4 500 donateurs individuels et 350.000 euros grâce au soutien de la Société des Amis du Louvre. Une opportunité pour le musée d’enrichir ses collections, et de renforcer les liens avec ses publics. Pour aller plus loin, c’est la force des communautés qui
  • 36. 36 deviennent actrices de l’économie et de la société. Le principe du financement participatif, où ‘les petits ruisseaux font de grandes rivières’, semble être de mise dans les institutions culturelles. De nouveaux mécènes qui, avec quelques euros, se mêlent au destin d’un musée de renommée mondiale. De plus, Robert Fohr, Chef de mission du Mécénat au Ministère de la culture et de la communication, (interviewé en septembre 2014), précise « Nous assistons à une évolution très frappante des mécènes, qui utilisent leur contreparties (visibilité, mise à disposition d’espaces, etc.) non pas pour faire des relations publiques mais pour faire encore plus de mécénat et ça c’est formidable ! » Le cas du Centre Pompidou et de sa communication croisée avec le PMU 35 Mécénat croisé : Soutien de projets combinant au moins deux champs d'intervention. Exemple de mécénat croisé : soutenir des projets d'éducation par la culture, d'insertion par le sport, de sensibilisation à l'environnement par la pratique artistique, etc. Les entreprises optent de plus en plus pour ce type de mécénat. Selon Alain Seban, directeur du Centre Pompidou, établir une communication croisée entre le mécène et le bénéficiaire permet un profit mutuel. En somme, chaque entité communique pour l’autre, permettant à la fois d’accroître la notoriété, de mutualiser les coûts de communication (création, édition, diffusion) puisqu’ils sont partagés par les marques partenaires, d’accroître le nombre de visiteurs ou clients potentiels. Pour illustrer cet exemple de communication et de mécénat croisés nous pouvons citer le cas du PMU, très engagé en faveur de la création photographique contemporaine depuis six ans. Le PMU donne carte blanche à des photographes pour porter leur regard sur l’univers des jeux et des courses qui leur est, a priori, étranger. C’est ainsi qu’en 2015, le PMU devient partenaire de la galerie de photographies du Centre Pompidou. Inaugurée en novembre 2014, la Galerie est un nouvel espace permanent d’exposition dédié exclusivement à la photographie. Cette discipline, déjà présente au sein du musée dans les collections modernes et contemporaines, trouve une nouvelle visibilité. Elle permet la programmation régulière de trois expositions par an, thématiques ou monographiques, déclinées selon différents modules : historique, transversal ou contemporain. Étendue sur 200m2, en accès libre, elle propose au public de nouvelles lectures d’un fonds riche de 40 000 épreuves et 60 000 négatifs. Bien plus qu’un simple partenariat, cette méthode de communication et de mécénat croisés s’inscrit dans une perspective stratégique sur le long terme, 35 Définition tirée du site Mécénova
  • 37. 37 particulièrement recherché par les bénéficiaires. Le mécénat étant devenu un vecteur puissant de communication, les entreprises qui donnent privilégient de grosses structures qui les rassurent quant aux retombées en termes de visibilité. À la fois stratégique et avantageux, ce type de mécénat, de plus en plus recherché par les institutions culturelles, est une solution salutaire face à une diminution significative du budget du mécénat, qui depuis 2008, affiche une baisse de 63% (chiffre Admical 2014). Les institutions culturelles françaises sont elles aussi impactées par la crise et doivent, comme nous l’avons vu précédemment, trouver des solutions pour réinventer leur programmation. Le mécénat croisé, tout comme le mécénat participatif, semble faire partie d’un mode de management innovant et intelligent et offre aux entreprises des leviers stratégiques inédits. Le mécénat culturel voit ses crédits fondre, bien souvent, au bénéfice du secteur social. Ainsi, plutôt que de financer une restauration ou une exposition, une entreprise mécène va bien souvent désormais financer l’accessibilité des collections permanentes des musées, ou de leurs expositions temporaires. Les entreprises et les musées ont réussi un pari. Un pari fondé sur un constat réaliste et visionnaire, qui matérialise l’éloquence de ce vieil adage : « l’union fait la force ». I.3 Les fondations d’entreprises tournées vers l’art : un outil au service de la communication. 36 36 Définition d’une fondation, provenant du site droit-finances.net La fondation est l'acte par lequel un ou plusieurs donateurs décident d'affecter des biens, des droits ou des ressources en vue d'accomplir une oeuvre d'intérêt général sans recherche de profits. L'objectif d'une fondation ne doit pas être de servir des intérêts privés. Par rapport à l'association, la fondation repose sur l'engagement financier de ses créateurs et ne comporte pas des membres mais des donateurs.
  • 38. 38 37 Depuis 2004, le nombre de fondations dédiées aux arts et à la culture s'est accru de 74%. Alors que 221 structures avaient été créées entre 1870 et 2004, elles sont 163 à avoir vu le jour en une décennie. Parmi elles, 81 fondations d'entreprise sont apparues, témoignant non seulement de l'utilité de ce statut créé en 1990 par le législateur, mais reflétant également l'engagement nouveau des mécènes privés en France en faveur de l'intérêt général. L’indépendance des fondations a longtemps été considérée comme un potentiel contre- pouvoir : « L'État soutient la création des fondations, par le même biais qu'il favorise le mécénat. Les mentalités ont beaucoup évolué sur ce sujet en un demi-siècle pour faire des fondations un pilier de la philanthropie en France. Nous n'avons pas encore rattrapé notre retard sur la création des fondations en Europe, mais la situation a considérablement évolué depuis la loi Mécénat de 2003 », expose Robert Fohr, responsable de la cellule mécénat au ministère de la Culture (interviewé en septembre 2014). Les différentes lois d'assouplissement de cet outil (affaiblissement de la tutelle étatique dans sa représentation, allégement des procédures administratives, nouveau modèle à capital consomptible) témoignent de la volonté des pouvoirs publics de favoriser l'initiative privée. Plus qu'un « pilier de la philanthropie », la fondation est devenue un véritable appui aux politiques publiques. Hormis la Fondation Daniel et Florence Guerlain, fondée en 1996, et la Fondation Cartier pour l’art contemporain, fondée en 1984, la plupart des fondations sont 37 Graphique tiré de l’étude Les fonds et fondations en France de 2001 à 2014, par la Fondation de France et L’Observatoire, 2014.
  • 39. 39 nées au cours de ces dix dernières années. Comme nous le verrons tout au long de cette partie, la fondation joue un rôle « d’agitateur d’idées ». À la fois active dans le domaine de la recherche, exposant des artistes oubliés, abordant des périodes de l’histoire de l’art peu connues, ou proposant une manière originale d’appréhender l’œuvre d’art, la fondation représente un gage de stabilité à l’égard des besoins de la société privée comme des politiques publiques. Quelques chiffres clés sur l’évolution des fondations et fonds de dotation en France (2001- 2013) 38 I.3.1 Les fondations sont des leviers de communication et d’échange en elles-mêmes. Chaque année, en France, six à sept fondations culturelles sont créées. Ces fondations, imaginées pour soutenir la notoriété d’un artiste, pour promouvoir un site ou renforcer la performance de l’entreprise dont elles émanent, sont motivées par le désir de transmettre un patrimoine culturel d’intérêt général de manière pérenne. Créée en 1969, la Fondation de France soutient des projets qui répondent aux besoins des personnes face aux problèmes posés par l’évolution rapide de la société. Elle se consacre principalement au développement de la connaissance, à l’environnement et vient en aide aux personnes vulnérables. Elle se présente comme étant le trait d’union entre les donateurs, les mécènes et les acteurs de terrain dans le cadre de la réalisation de projets philanthropiques. 38 Tirés de l’étude Les fonds et fondations en France de 2001 à 2014, par la Fondation de France et L’Observatoire, 2014.
  • 40. 40 Les bénéfices des fondations pour les entreprises se font sentir également en interne puisqu’une fondation génère aussi une fierté d’appartenance et une forte mobilisation des salariés. Comme le confirme Dominique Lemaistre, directrice du mécénat à la fondation de France, « les fondations sont souvent conçues comme un outil de communication interne. » Au sein de la fondation SNCF par exemple, l’implication des cheminots est un enjeu important. Ainsi, ils sont très fréquemment associés aux choix des actions mises en place dans le cadre de la fondation. Chez BNP Paribas, les appels à projets sont également largement tournés vers le personnel. Le cas de la Fondation d’entreprise Hermès « Nos gestes nous créent. » Devise de la Fondation d’entreprise Hermès Fondée il y a plus de 175 ans, la maison Hermès est riche d’une longue histoire, construite par les cinq générations qui l’ont dirigée. Selon Pierre-Alexis Dumas, président d’Hermès, il évoque sur son site : « une entreprise qui ne gagne que de l’argent est bien pauvre, si elle ne sait pas s’enrichir parallèlement sur le plan humain et culturel ». C’est autour de cet engagement que sera créée en 2008 une fondation d’entreprise en lien avec les valeurs humaines que revendique la marque. Guidée par les savoir-faire et par la recherche de nouveaux usages, la Fondation agit selon deux axes complémentaires : savoir-faire et création, savoir-faire et transmission. Elle développe ses propres programmes : expositions, résidences d’artistes, Prix Emile Hermès pour le design, appels à projets pour la biodiversité… Catherine Tsekenis, directrice de cette fondation, reconnaît que l'arrivée de Pierre-Alexis Dumas (en 2005), a permis la création de la fondation d'entreprise Hermès qu'elle dirige et qui existe depuis trois ans. À ses yeux, une fondation alimente forcément l'image d'une entreprise, même si c'est moins indispensable quand sa réputation est déjà bien ancrée 39 : « Si nous mettons en place des projets intéressants, cela nourrit forcément l'aura de l'entreprise ». D'ailleurs, la Fondation Hermès ne dépend pas du département communication, elle existe de fait comme une entité à part entière et constitue en elle-même une plateforme puissante de communication. Catherine Tsekenis 40 soutient que la fondation a pris le relais des opérations de mécénat qui existaient déjà chez Hermès dans le but de les amplifier en les détachant des activités commerciales. En somme, une manière de 39 Tiré de l’article : Fondations d'entreprise : D'une pierre deux coups Grandeur d'âme et intérêts bien compris n'ont rien d'incompatibles, Le Nouvel économiste, Ariane Warlin, 11/05/2011. 40 Tiré de l’article : Fondations d'entreprise : D'une pierre deux coups Grandeur d'âme et intérêts bien compris n'ont rien d'incompatibles, Le Nouvel économiste, Ariane Warlin, 11/05/2011.
  • 41. 41 compartimenter la communication et l’image de l’entreprise Hermès. En développant une résidence d’artiste, la marque va encore plus loin dans ses convictions en faveur de la culture. Instaurer un dialogue sur le long terme avec un artiste qui réalise in situ une création permet de motiver la créativité. Pierre-Alexis Dumas témoigne : 41 « Si je lance un programme de résidences d’artistes dans nos manufactures, je ne suis plus dans l’activité commerciale, mais bien dans une émulation culturelle entre des artisans et des jeunes artistes dont la finalité est la recherche ». Selon lui, ces initiatives ont permis à la marque de gagner dix ans en termes d’innovation et de savoir-faire. Pour Hermès, puissant acteur du monde du luxe, la fondation d’entreprise est un moyen d’aller plus loin dans ses activités, en procurant à la fois image, stabilité, et visibilité. Actrice sur plusieurs fronts, (culture, design, biodiversité) sa fondation est un relais de communication et offre la possibilité à la marque d’être présente sur différents pôles. Le cas de la Fondation Cartier « Rien ne me réjouit plus que de constater que nombreux sont ceux qui ont oublié que la Fondation Cartier pour l’art contemporain est une fondation d’entreprise. Pour eux, elle est tout simplement La Fondation, et ceci est notre plus belle victoire ». Alain Dominique Perrin, 1986, directeur de la Fondation Cartier. Celle qui est née d’une conversation avec le sculpteur César sur les difficultés des artistes privés de soutiens et de conseils juridiques va devenir un lieu d’accueil emblématique pour l’art vivant. En 1984, la fondation s’installe à Jouy-en-Josas dans l’ancienne propriété du baron Oberkampf, créateur de la toile de Jouy. Liberté ! Le mot est lancé. Il est la clé du mécénat selon Cartier. Les artistes seront exposés dans le contexte de grandes expositions thématiques et de résidences de création, le principe de l’exposition à thème se mettant alors en place. Arts visuels, architecture, design, mode, les artistes sont de tous horizons. En 1994, la Fondation Cartier déménage dans le VIème arrondissement de Paris, dans un bâtiment de verre et d’acier, œuvre de l’architecte Jean Nouvel. Avec la Fondation, Cartier entame simultanément une communication avec l’extérieur et l’intérieur de l’entreprise. Au sein même de la Maison, elle est pensée à la fois comme un motif de fierté collective, un outil d’éducation du regard et de la pensée, un mode d’exigence et de dépassement et la source d’un enrichissement personnel. Alain-Dominique Perrin, directeur de la fondation précise que : « La Fondation est un objet de fierté absolue pour la très grande majorité des salariés de Cartier, à tous les niveaux. […] Au-delà du personnel, les fournisseurs de Cartier sont sollicités et contribuent par des dons à l´acquisition d’œuvres d´art pour la collection. Ils sont donc très impliqués. De nombreux collaborateurs sont devenus collectionneurs. Il y a 41 Tiré de l’article Carte blanche à INfluencia, L’art levier de performance en entreprise, Forum d’Avignon Culture is Future, 26/10/13
  • 42. 42 une indiscutable transmission, une symbiose naturelle qui se fait. » À l’extérieur, la Fondation occupe une place stratégique et pionnière. Ancrée dans une culture d’entreprise, elle est devenue un élément essentiel du paysage culturel, national et international. Inventive, tant dans sa programmation que ses publications, elle insuffle un esprit de liberté reconnu et respecté par ses pairs. Une fois encore, la fondation d’entreprise agit comme un outil d’expansion pour l’entreprise à laquelle elle est rattachée. De par son ancienneté, la fondation Cartier s’inscrit sur la scène contemporaine française comme étant une plateforme puissante d’échange entre plusieurs domaines et plusieurs univers. Avec une programmation artistique internationale (artistes japonais, américains, russes etc.), la fondation Cartier, forte d’une image désintéressée de par son statut non financier, s’ouvre des portes vers les marchés internationaux. Le cas BNP BNP est un acteur majeur dans le mécénat d’entreprise depuis trente ans. La fondation BNP a été créée en 2006. Son engagement est pluridisciplinaire : culture, environnement et solidarité. Fidèle à son engagement en faveur de la culture, la Fondation BNP Paribas, se consacre à la danse, aux nouveaux arts du cirque en devenant mécène de la Biennale des Arts du Cirque en accompagnant la première édition prévue pour 2015 et dont sa contribution atteindra environ 40.000 euros. La fondation BNP soutient aussi la Fondation Royaumont pour la danse contemporaine qui a célébré en 2014 son 50ème anniversaire. En faveur du patrimoine la fondation est un mécène reconnu des musées, tout d’abord pour son programme en faveur de la restauration de leurs œuvres, notamment avec un ensemble de peintures du XVIe siècle conservé au Musée des beaux-arts de Reims. Elle s’engage aussi aux cotés du Musée d’art Moderne André Malraux au Havre pour la restauration de deux panneaux laqués datant du XXIème siècle. Avec son projet « Banlieues », la fondation s’engage en faveur des quartiers et plus particulièrement des jeunes. L’objectif étant de les insérer dans des entreprises afin de lutter contre les différentes formes d’exclusion, à savoir le racisme ou l’illettrisme. Pour cela, elles prennent le problème à la racine et travaillent sur l’amélioration des conditions de vie en proposant des accompagnements scolaires, la pratique de sports avec des éducateurs, des formations ou encore des activités culturelles comme le théâtre. La fondation se veut basée sur l’écoute, le soutien et la confiance. Qualités humaines qui font d’elle un mécène respecté et influent. Dans la continuité de cette action la BNP et sa fondation soutiennent L’ADIE (association pour le droit à l’initiative économique) et favorisent directement la création d’emplois dans les zones urbaines sensibles. Cela a permis l’ouverture de 15 agences de proximité, la création de plus de 4700 entreprises et d’environ 6000 emplois. Par le biais de cette action sociale, la fondation BNP, valorise sa raison d’être en tant qu’entreprise, et l’origine même de son activité.
  • 43. 43 Le cas Carmignac Fondé en 1989 par Edouard Carmignac et Eric Helderlé, Carmignac Gestion est l’un des principaux acteurs européens de la gestion d’actifs financiers. Ce fonds représente 57 milliards d’euros d’actifs sous gestion, 13 pays de distribution et 1,9 milliard de fonds propres. Ils ont fait le choix de gérer une gamme resserrée de fonds pour mieux valoriser le capital de leurs clients dans la durée. Leur devise est : « Un modèle de développement pensé pour une croissance contrôlée ». Carmignac s’engage à adopter les principes pour l’investissement responsable instituer par l’ONU. 42 La Fondation Carmignac est née en 2000. Elle est aujourd’hui dirigée par Gaya Donzet et a pour mission, de soutenir la création contemporaine par le biais de sa collection internationale, d’organiser le prix Carmignac Gestion de photojournalisme ainsi que de financer des actions de mécénat en faveur de la culture. Plus précisément, en 2009, la fondation est mécène de l’exposition « Primitive d’Apichatpong Weerasethakul » au musée d’Art moderne de la ville de Paris. En 2010, elle est mécène exclusif de la rétrospective consacré à Jean-Michel Basquiat au même musée. Leur engagement artistique s’insère jusque dans la structure de la société 42 Œuvre de Roy Lichtenstein, Vicki I--I Thought I Heard Your Voice, 1964, peinture, 106 x 106 cm, collection Carmignac.
  • 44. 44 elle-même. Leurs salariés sont fiers de l’image qu’elle renvoie, ce qui favorise un travail et une collaboration plus ouverts. Le prêt d’œuvres aux musées exprime une dimension basée sur l’altruisme. À travers ces expositions, son amour pour l’art et ces artistes est assouvi et, plus profondément, cela permet à Carmignac Gestion de s’ancrer dans le domaine de la culture et d’y avoir un certain poids. Cependant, la fondation s’axe principalement sur le Prix Carmignac dont les enjeux sont aussi politiques. Sa mission est de soutenir et promouvoir un projet photographique et journalistique d’investigation dans des territoires à enjeux géostratégiques complexes, ayant un retentissement global, et où les droits humains et la liberté d’expression sont bafoués (Gaza, Zimbabwe, Iran, Tchétchénie...). 43 Parce que les lauréats du Prix couvrent depuis cinq ans des régions du monde où la liberté d’opinion est souvent bafouée et que la liberté de la presse a encore une fois été bâillonnée par les armes, la défense de ces droits est plus que jamais notre et votre combat. Parce qu'il existe, en France, des lieux de dérégulation - zones de non-droit - où les principes fondamentaux de la démocratie et du droit humain ne font plus autorité, la liberté de témoigner est, plus qu'en toute autre circonstance, notre bataille cette année. Le Prix Carmignac du Photojournalisme soutient la liberté d’expression et réitère son engagement indéfectible auprès des acteurs essentiels de l’information. 44 Doté d’une bourse de 50.000 euros, le photographe choisi a la possibilité de réaliser un reportage afin de rendre compte de la réalité d’un territoire et de sa complexité. Chaque lauréat est accompagné lors de la préparation et la réalisation d’une exposition et d’un livre monographique. Carmignac a pris le parti de défendre un regard personnel et engagé, par définition minoritaire et pour cette raison indispensable. Mais cette position n’est pas sans 43 Tiré du site de la fondation Carmignac pour illustrer la liberté d’expression dans le cadre présentation des convictions de leur prix du photojournalisme. 44 Tiré du site de la fondation Carmignac pour illustrer la liberté d’expression dans le cadre présentation des convictions de leur prix du photojournalisme.
  • 45. 45 contrepartie. Derrière un projet artistique, ce sont des prises de position qui sont mises en valeur. En étant mécènes de photographes, ils peuvent aborder des sujets qui ne sont pas forcément dans l’actualité et donner un visage plus humain à une gestion de fonds dont les revenus restent très importants. Respectivement la BNP, Hermès, Cartier, et Carmignac gestion, ont créée leur propre fondation pour répondre à des besoins similaires : sortir de leur domaine de spécialité, et se positionner en tant qu’acteur responsable et solidaire. Engagées dans des domaines tels que le reportage photo pour Carmignac, la danse contemporaine, les arts du cirque ou la restauration d’œuvres pour les musées dans le cas de la BNP Paribas, ces entreprises ont choisi leur domaine d’expression. Comme d’autres entreprises engagées en faveur de la solidarité ou la culture (ou les deux) nous remarquons quelques similitudes. En effet, il s’agit d’entreprises à haut pouvoir financier, provenant de l’univers de la banque, de la gestion de patrimoine ou du luxe, évoluant sur un marché national et international. Ces entreprises richissimes, perçoivent la nécessité de prouver qu’elles sont capables de sortir de leur zone de confort, d’enrayer les éventuels risques qui menacent leur marché et leurs organisations. S’investir dans d’autres domaines et particulièrement la solidarité, ou l’environnement est un moyen pour elles de montrer patte blanche, prouver qu’elles sont responsables, et surtout, qu’elle savent gérer leur fortune à bon escient. Pour l’univers de la banque, et de la gestion de fortune, comme pour celui du luxe, c’est un message puissant auprès des publics, un levier de communication en lui même, et de rassurance auprès de leurs actuels clients, et de leurs potentiels prospects. Les fondations sont en elles mêmes des ponts solides vers l’avenir et des opportunités nouvelles de croissance pour ces entreprises auxquelles elles sont rattachées. I.3.2 L’art au service de la communication représente une liberté pour l’entreprise de réinventer son positionnement et d’enrichir ses valeurs. Selon les dernières enquêtes de reporting RSE datant de 2014, les premières motivations des salariés sont l’épanouissement professionnel et la qualité de vie au sein de l’entreprise, avant même les questions de rémunération. Sur ces constatations, les entreprises investissent désormais dans des solutions telles que les conciergeries, les crèches, ou les salles de sport, mais également dans des propositions culturelles et pédagogique. Selon Pascale Cayla spécialiste de la communication par l’art en entreprise et fondatrice de l’agence l’Art en direct : « Aujourd’hui, le bien-être dans l’entreprise passe aussi par l’apport du culturel, outil indispensable au développement de la motivation, de la transversalité, de la fierté d’appartenance, de l’innovation et de la créativité ». En effet, les collections d’art de la Société Générale, de Neuflize Vie, de la BNP, ou encore celle de la fondation Carmignac le prouvent. De nombreuses initiatives ont été mises en place au sein des entreprises autour
  • 46. 46 d’activités liées à l’art et aux collections in situ : workshops d’artistes, Journées des Talents, acquisitions en comités mixtes (salariés et professionnels etc.). Selon Jean-Christophe Castelain, rédacteur en chef du Journal des Arts, (interviewé par mes soins en juin 2014) précise que « en matière d’art et de communication, il y a une vraie réflexion apportée à la diffusion des messages à faire passer, et particulièrement autour d’une certaine hiérarchie de ces messages, à la fois sur le site internet, sur les différents supports de communication, et autour des différents événements ». En termes de communication interne, on note une forte tendance à la médiation et à l’interactivité avec les salariés afin de permettre une meilleure appropriation des actions. Le ministère de la culture et de la communication lance en 2014 « L’entreprise à l’œuvre : cinq expositions pour faire entrer l’art dans le monde du travail » dans le but de créer les conditions favorables d’une rencontre entre l’art et les salariés dans leur espace quotidien. Les projets, reposant sur des expositions réalisées à partir de collections publiques, s’inscrivent dans le programme ministériel Art et Entreprise dont l’objectif, est d’inciter les sociétés à accueillir en résidence des artistes afin d'y stimuler l'innovation, et la créativité. L’œuvre ci-dessous, de l’artiste Fernand Léger, intitulée Les Constructeurs, illustre bien cet engouement pour le monde du travail qui inspirait déjà les artistes. En 1951, à la date ou a été créée cette œuvre, les artistes établissaient déjà des liens entre ces deux univers et s’intéressaient au monde du travail. Et en 1953, Léger lui même avait voulu montrer son œuvre aux travailleurs de l’usine Renault de Boulogne-Billancourt, entreprise importante de l’industrie française représentant le fierté du monde ouvrier. Cette toile monumentale (160x200cm), particulièrement symbolique, sera exposée pendant une semaine dans l’usine Renault de Flins (Yvelines), en ouverture de la première exposition dans le cadre du projet « L’entreprise à l’œuvre » initié par le Ministère de la culture et de la communication en novembre 2014.
  • 47. 47 45 Aujourd’hui, dans un marché toujours plus concurrentiel, les marques doivent se renouveler et se distinguer en permanence. À travers des stratégies culturelles, elles peuvent mettre en scène leur histoire, construire leur imaginaire et sortir de leur image que l’on pourrait qualifier de « machine consumériste ». Par exemple, demander à un artiste de customiser ou de revisiter un produit permet de le rendre unique et plus percutant. La signature artistique sur un produit manufacturé crée la surprise et suscite la curiosité du consommateur. Aussi, nombreuses sont les initiatives culturelles qui subliment l’histoire de la marque, son ADN et sa culture. Au-delà de ces collectors arty, de nombreuses boutiques de luxe deviennent des zones d’exposition d’œuvres au milieu de produits. Louis Vuitton a ainsi largement fait l’expérience et la démonstration de la réussite du procédé avec 45 Fernand Léger, Les Constructeurs, 1953, huile sur toile, 160 x 200 cm, Musée national Fernad Léger, Biot (France).
  • 48. 48 l’installation, au sein de sa boutique du VIème arrondissement, d’une création de l’artiste japonaise Yayoi Kusama, en 2012, qui invite les visiteurs à vivre une expérience totalement immersive au cœur de l’œuvre d’art. En parallèle on observe la présence de plus en plus de livres d’artistes, ou consacrés à l’art de manière générale au sein des boutiques Louis Vuitton à Paris. 46 47 46 Portrait de l’artiste japonaise Yayoï Kusama 47 Intérieur de la boutique Louis Vuitton à Paris 6, après l’installation de l’artiste Yayoï Kusama en 2012
  • 49. 49 48 Par le biais de l’art, l’on assiste à une sorte sacralisation des marques, de leurs fondateurs et de leurs produits. Pour conserver une aura symbolique, la marque de luxe devient le sujet même d’expositions. De Louis Vuitton et Van Cleef and Arpels au Musée des Arts Décoratifs de Paris (2012), à Chanel au Palais de Tokyo (2013), en passant par Cartier au Grand Palais (2013), les expositions se multiplient et font des grandes Maisons de véritables objets de culte. À l’occasion de l’exposition « N°5 Culture Chanel » en 2013, au Palais de Tokyo, Jean-Noël Kapferer, professeur-chercheur à HEC Paris et expert des marques, explique « qu’il s’agit désormais de Chaneliser Gabrielle Chanel (Coco Chanel), de la mettre en scène de façon à l’élever » grâce à l’art. Artification : désigne le processus de transformation du non-art en art, résultat d’un travail complexe qui engendre un changement de définition et de statut des personnes, des objets, et des activités. Il entraîne un déplacement durable de la frontière entre art et non-art. 49 Lors de cette exposition, le N°5 de Chanel fut l’objet d’une « artification », faisant passer ce produit classique dans le domaine du Patrimoine culturel. En faisant appel à l’artiste contemporain italien Maurizio Cattelan, pour sa collection automne/hiver 2013/2014, la marque Kenzo, a pu bénéficier de la notoriété et de l’univers 48 Du marketing à l’art-keting, tiré de l’article Les marques de luxe font appel à l’art pour booster leur marketing, par Yves Hanania, Harvard business Review, 9/6/2015 49 Définition tirée de l’ouvrage de Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (dir.), De l’artification. Enquêtes sur le passage à l’art, Paris, Éditions de l'EHESS, coll. « Cas de figure », 2012,p.20.