2. La décision : un thème scientifique
riche par son évolution
• Histoire
• ancrage historique dans la philosophie morale de
l’Antiquité (chez Aristote notamment)
• renouveau au XVIIe dans le calcul des probabilités
(nombreux cas d’étude en théorie des jeux)
• Aujourd’hui
• concept transversal: philosophie, mathématique
probabiliste, théorie économique, sociologie,
psychologie, sciences de gestion
• on parle aujourd’hui de sciences de la décision
(incluant: théories de la décision, observations,
simulations informatiques, expérimentation)
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3. LA DÉCISION SELON ARISTOTE
Ethique à Nicomaque
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5. La décision est le “désir qui suit une
délibération sur ce qui est à notre portée”
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6. Le “désir qui suit une délibération
sur ce qui est à notre portée”
• Ce qui n’est pas à notre portée est seulement un
souhait (donc décider n’est pas souhaiter)
• La décision n’est pas non plus:
• un consentement : nos actions peuvent être
consenties sans être décidées
• une opinion : savoir ce qu’il faut faire n’est
pas décider de le faire. Une opinion sera vraie
ou fausse, une décision bonne ou mauvaise.
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7. Le “désir qui suit une délibération
sur ce qui est à notre portée”
• La décision suit nécessairement une délibération :
• Définition : délibérer, c’est chercher les
moyens d’atteindre une fin
• On ne délibère donc pas sur la fin, mais sur
les moyens (ex : le médecin)
• délibérer, c’est aussi remonter de cause en
cause jusqu’à une chose que l’on peut faire
immédiatement.
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8. Le “désir qui suit une délibération
sur ce qui est à notre portée”
• La délibération est une forme du jugement (on
juge que tel choix est le meilleur) : mais décider
n’est pas simplement choisir
• Une fois que l’on a jugé, nous « désirons dans le
sens du jugement »
• Interprétation : on ne peut pas juste choisir, il
faut aussi agir ; or le désir est ce qui nous pousse
à agir
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9. agirpenser
Schéma du modèle d’Aristote
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La décision est le “désir qui suit une délibération
sur ce qui est à notre portée”
DELIBERATION
(jugement)
DECISION
(désir)
ACTION
10. Mise en application
• Le modèle d’Aristote marche encore bien pour
beaucoup d’actions de tous les jours :
• organiser un déplacement
• les métiers manuels
• proposez un exemple de décision qui
marche sur ce modèle ; ou bien tentez de
l’appliquer à une décision que vous avez
prise récemment
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11. Limites et transition
• S’arrête à la barrière de l’action: rien n’est fait,
rien n’a changé, une fois que l’on a décidé
• Ne prend pas en compte le facteur temps : nous
prenons certaines décisions sans avoir eu le
temps de suffisamment délibérer (ex: les actions
consenties)
• Le modèle d’Aristote décrit seulement le
processus interne de la prise de décision
• La relation moyens-fin est peu pertinente en
contexte d’incertitude (« ce qui est à notre
portée » n’est plus du tout évident aujourd’hui)
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12. LA DÉCISION EN SCIENCES HUMAINES
(ECONOMIE, GESTION, PSYCHOLOGIE)
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13. Le modèle de décision hérité par la
théorie économique néoclassique
• Notion d’utilité héritée des modèles calculatoires
• L’individu (le décideur) choisit l’alternative qui
maximise son utilité. C’est la décision.
• Présupposés attachés à ce modèle de décision:
• Le décideur a des objectifs clairs
• Il peut étudier toutes les alternatives
possibles
• Il a les critères de choix lui permettant de
sélectionner la meilleure option
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14. Le modèle de la décision rationnellement
limitée en sciences de gestion
• Critique des présupposés philosophiques
rationalistes (liberté de choix, causalité linéaire,
etc.)
• Nouveaux axiomes : les individus décident à partir
de motivations, de valeurs, de leurs capacités, de
l’information disponible
• L’individu choisit la première solution qui s’offre à
lui et qui lui apporte une utilité satisfaisante
minimale. C’est la (nouvelle) décision.
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15. Les biais cognitifs qui peuvent
influencer la décision (psychologie)
1. Dissonance cognitive : tendance à éliminer les
contradictions internes dans une situation donnée
2. Ancrage : influence de la première impression, difficulté à
prendre en compte les informations complémentaires
3. Confirmation : on tend à croire ce que l’on croit déjà,
obstination à vouloir avoir raison
4. Disponibilité: se contenter des informations à sa
disposition et ne pas essayer d’en chercher de nouvelles
5. Culturel : interpréter les autres cultures à partir de la
sienne
6. Etc. : aversion à la dépossession, escalade de
l’engagement, effet de primauté, etc.
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16. Exercice : à quel biais correspond
chacune de ces situations?
Situations
1. Serrer la main d’un esquimau
2. Je le savais!
3. L’action Apple va forcément
revenir à son niveau initial
4. Ce que j’ai lu me suffit
amplement, pourquoi vouloir
aller chercher plus loin ?
Biais
A. Ancrage
B. Confirmation
C. Disponibilité
D. Culturel
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17. LES CONCEPTIONS D’EDGAR MORIN
(ENSEIGNÉES À L’ESSEC)
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19. Présentation de la chaire
d’Edgar Morin
« Le management a fonctionné de longues années dans
un contexte relativement aisé, où ont dominé des
sciences de gestion peu ‘provoquées’ par leur
environnement.
Le management ne peut désormais négliger la
complexité propre à son environnement. […] »
Page de présentation de la chaire
Les sciences humaines se sont centrées sur le décideur : le
management doit désormais se centrer sur l’environnement
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20. Un exemple de réponse (conceptuelle!)
proposée par E. Morin
• Distinction complexité / incertitude :
• Un environnement complexe contient
différents niveaux tissés ensemble ;
l’incertitude est juste le fait de ne pas pouvoir
connaître le résultat d’une décision
• Exemples: jouer aux dès, monter dans le train
sans être sûr de sa destination, déclarer la
guerre à un pays étranger, savoir s’il fera beau
demain
• A vous ! Pensez à une décision que vous avez
prise récemment : était-elle complexe ?
incertaine?
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22. Un problème dans l’approche
écologique de la décision
« L’écologie de l’action nous montre que ses
résultats n’obéissent pas à la volonté des acteurs.
Une action entre dans un milieu historique, naturel,
social, et y rencontre des obstacles, des
rétroactions. Il y a toujours de l’incertitude et nous
devons y naviguer. »
Extrait du MOOC « L’avenir de la décision »
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22Naviguer, est-ce encore décider ?
23. Les questions philosophiques
propres à la décision
• Nos décisions sont-elles être dictées par
l’environnement ou proviennent-elles de nous-
mêmes?
• La tâche d’un décideur est-elle davantage de
mieux analyser l’environnement ou d’améliorer
ses capacités décisionnelles?
• Où se situe exactement sa responsabilité?
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25. Peut-il y avoir de grands hommes
sans grandes décisions ?
• Eisenhower et le débarquement de
Normandie (6 juin 1944)
• Jules César et le franchissement du
Rubicon (-49)
• Gandhi et la marche du sel (mars 1930)
• Obama et le rétablissement des relations
diplomatiques avec Cuba
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26. “[la décision] semble être une chose très
intimement liée à la vertu et c’est elle qui
permet de juger des traits du caractère, mieux
que ne le peuvent les actions”
Ethique à Nicomaque, 1111b
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Le mot de la fin pour Aristote
le but de la décision n’est pas seulement l’efficacité
pratique, mais le comportement éthique
29. Panera's CEOto Middle Managers Everywhere:
YouCan Make a DecisionWithout Excel
• https://www.linkedin.com/pulse/big-idea-2016-
stop-managing-from-spreadsheet-ron-shaich
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30. Le facteur temps
• Toute délibération doit intervenir dans un temps
limité
• Plus le temps tend vers l’infini, plus la
délibération permet d’obtenir une décision
rationnelle
• Mais on peut prendre le temps qu’il faut, dans
une certaine mesure (un modèle ne peut nous
donner de raison d’en prendre plus ou moins)
• Comment concilier court terme et long terme ?
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34. décider c’est “viser une action future qui
dépend de moi et qui est en mon
pouvoir”
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35. Eléments de méthode
• Ricœur utilise une méthode de description
philosophique qui ramène tout à des actes de la
conscience
• La décision est de ce fait très proche d’autres
actes et notamment de ceux de la volonté
• L’enjeu du livre de P. Ricœur est bien une
« philosophie de la volonté »
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36. “viser une action future qui
dépend de moi et qui est en mon
pouvoir”
• La décision vient de moi : c’est un acte de ma
volonté
• La décision se croit toujours capable : cet acte
signifie « je peux »
• Conséquence : justification du fait que la
délibération se confronte à notre pouvoir
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37. Schéma du modèle de P.
Ricœur
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PROJET
(délibération)
DECISION
(viser l’effectuation)
ACTION
penser agir
38. Mises en application
• Le modèle de Ricœur permet de mieux saisir ce
dont parlait Aristote :
• Comparez : « consultez vos emails sur votre
téléphone », « retournez à votre bureau »,
« faites que le soleil se lève demain »
• L’action consentie peut être cette fois être
décidée (ex : conduire)
• On s’arrête toujours à la barrière de l’action: rien
n’est fait, une fois que l’on a décidé
• Proposez un exemple de décision qui marche sur
ce modèle
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Notas do Editor
Pascal (1654) : Adresse à l’Académie parisienne de mathématiques
Trad J.Tricot: L'objet du choix étant, parmi les choses en notre pouvoir, un objet de désir sur lequel on a délibéré, le choix sera un désir délibératif des choses qui dépendent de nous ; car une fois que nous avons décidé à la suite d'une délibération, nous désirons alors conformément à notre délibération
Opinion/décision, p143m : “les personnes qui savent quelles sont les meilleures décisions à prendre ne sont pas les mêmes que celles qui les prennent” (paraphrase)
Délibération = probebouleumenon
« désir délibératif » : traduction d’un seul mot grec : bouleutikè
Délibération/décision = probebouleumenon/prohairesis
Ce que ce modèle peut réussir à prendre en charge: l’incertitude (nécessite de délibérer sur des choix), la préparation à l’action
Mais pas l’action
Le modèle marche pour ce qui dépend de nous
Premier point : le problème de tout modèle théorique
La décision de créer une entreprise par ex: on dira moins « je décide » que « je me lance! »
Présupposés: non satiété, causalité linéaire, liberté initiale
Ex : Léon Walras (1875), Eléments d’économie politique pure
Ecole de la prise de décision, H.Simon etc.
Parce qu’il existe des biais cognitifs, la décision ne peut pas être pleinement rationnelle
Ex :
Biais de dissonance cognitive : penser à ses réussites plus facilement qu’à ses échecs
biais d’ancrage en bourse, une valeur chute et continue de chuter mais on est persuadé qu’elle reviendra à son niveau initial (le prix ancré en mémoire)
Effet de primauté : on se souvient plus facilement des premiers éléments d’une liste apprise par cœur
http://www.biaiscognitif.com
PROB: l’env s’est complexifié ; SOL : offrir des outils intellectuels aux décideurs
URL source : http://chaire-edgar-morin-complexite.essec.edu/
Lancement de la chaire le 12 mars 2014
Le train: incertain, lié au sujet (pas complexe), l’intervention incertaine et complexe, jouer aux dés
Complexité = complexus, tissé ensemble
« c’était la seule décision à prendre » / « il fallait que je prenne cette décision » / « le marché évolue vers X/Y je suis obligé de suivre/m’adapter »
S’adapter à un environnement tend à ne pas nous laisser de choix justement (/def décision = faire un choix)
Le problème sous forme logique: P1/on admet que l’environnement change tout le temps ; P2/on concède que nos décisions consistent en une adaptation à l’environnement
Bien sûr ce n’est pas l’environnement qui prend des décisions (-> déterminisme philo)
Qu’est-ce qui fait qu’à un moment vous prenez la décision?
La responsabilité?
Les grandes décisions : celles qu’on n’attend pas (qu’on pense que l’esprit du temps est ailleurs, qu’elles sont impossibles),
Quand les générations d’après regarderont en arrière, et jugeront les hommes qui ont façonné leur époque, elles ne regarderont pas leur biographie ni leur popularité, mais les décisions qu’ils ont pris.
Transition management : admettons facilement des niveaux d’échelle
Le comportement éthique induit l’adhésion des équipes
CT/LT : il faut la confiance en sa décision et la persévérance sinon on se dérobe derrière les changements de l’environnement pour ne plus voir qu’à CT
Crédits image: http://www.zen-et-efficace.com/boostez-votre-productivite-grace-au-debarquement-de-normandie/
Utilisation possible : ne se laisser l’urgent prendre le pas sur l’important
la décision dépend de moi (volonté plus marquée que le simple désir chez Aristote)
+ opposition aux modèle écologiques
Ne marche pas (en général) pour les décisions faites sur le moment (lorsque l’on a pas le temps de délibérer ou “réfléchir”), soit les actions simplement consenties