Présentation de l'archiviste française Marie-Anne Chabin, lors du 6à8 d'ARÉDIQ (Archivistes étudiants et diplômés du Québec) intitulé "Marie-Anne Chabin: du blogue à l'ebook", le 23 octobre 2013 au pub Brouhaha à Montréal.
1. Cuisine et archivage :
dialogues méthodologiques
Marie-Anne CHABIN
avec la participation active de
Mylène Bélanger et Noura Elmobayed-Langevin
Montréal, ARÉDIQ, 23 octobre 2014
5. L’archivage commence par la "mise en archive",
c’est-à-dire l’entrée des documents qui le méritent (et
seulement ceux-là) dans un système global géré par
l’institution ou l’entreprise.
Avec le geste d’archiver, les documents qui engagent
la responsabilité de l’institution ou de l’entreprise, soit
de manière contractuelle, soit en termes de mémoire des
métiers ou de mémoire institutionnelle, quittent la
sphère de l’utilisateur (l’agent) pour gagner la sphère
collective de l’organisation où ils obéissent alors à
des règles communes.
Ce schéma est inspiré d’un schéma néo-zélandais relatif
à un logiciel de « records management » qui a disparu
d’Internet depuis plusieurs années (page suivante).
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6. MAC pour ARÉDIQ
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[n’est plus en ligne]
Source: “80-20 Document Manager” de Office
Automation Software http://www.oas.co.nz/
Record
creation
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9. Je vois, chère Cuisine, une différence qui me
frappe dans nos métiers respectifs : dans la
cuisine, le bénéficiaire est immédiat, si je puis
m’exprimer ainsi.
Le temps entre l’action de cuisiner et la
dégustation se compte le plus souvent en heures,
quelquefois en minutes ou en mois. Dans
l’archivage, on ne connaît pas précisément à
l’avance le bénéficiaire; on archive les documents
sans savoir qui les utilisera ou quand on les
utilisera. Le bénéfice est différé ; il peut intervenir
quelques jours après la mise en archive, mais
plus souvent plusieurs années après, voire des
décennies.
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10. Autrement dit, l’archivage, c’est avant
tout une affaire de conservation.
Détrompez-vous ! La conservation est
fondamentale, certes, mais l’acte
majeur est la mise en archive. Voyez
chez vous, le meilleur conservateur
adjoint à du mauvais beurre n’en fera
pas du bon !
Je l’admets, cher Archivage, je l’admets.
.
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11. Pis que cela : si vous avez un bon outil de
conservation et que ce ne sont pas les bons produits
qui s’y trouvent stockés, vous aurez du mal à en
sortir quelque chose de consommable ! Savez-vous
que lorsqu’on ne trouve pas un document requis pour
une procédure ou un projet, c’est dans 50% des cas
parce qu’il n’a pas été produit et/ou qu’il n’a pas été
archivé, et non parce qu’il a été mal conservé.
Je commence à comprendre…
Le moment crucial de l’archivage est la mise en
archive du bon document bien qualifié. À partir de là,
tout est sur les rails. Ça roule, ma poule (au pot) !
Cependant, j’ai l’intuition que nous avons beaucoup en commun.
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13. Je reviens sur l’importance de l’organisation du
processus dans son ensemble. Il faut anticiper la
préparation de l’offre, avec le plus de
discernement possible, en évitant les extrêmes,
je veux dire, ni le plat unique imposé ni la prise
en compte de toutes les fantaisies des
consommateurs.
Tout est là: anticiper et bien anticiper…
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14. J’ai à cet égard une anecdote à partager avec
vous. Un jeune mitron a voulu l’autre jour me
faire de l’avance en battant tous les œufs qui se
trouvaient dans la cuisine, se disant que les
omelettes seraient plus rapidement prêtes et
servies. Mais, les premières demandes des
convives ont été pour de la mayonnaise et des
meringues ; pas un seul jaune et pas un seul
blanc d’œuf à disposition !! Mon mitron s’est fait
tiré les oreilles (de cochon)…
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16. Oh ! mais c’est que j’ai vécu moi aussi cette
histoire, et plusieurs fois ! J’appelle ça,
justement, l’omelette documentaire :
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17. L’omelette documentaire
Couleurs mises à part, nombreux sont les documents
dans l’entreprise qui ressemblent à des œufs, faits de
deux parties associées et potentiellement dissociables :
un document validé et engageant (disons le jaune)
entouré de divers documents de travail (ici, le blanc).
Les affaires avancent, les documents s’accumulent et se
mélangent dans l’armoire ou le serveur, classés au fur et
à mesure par les collaborateurs.
Et quand l’armoire est pleine, que l’omelette est bien
baveuse, on se dit qu’il faudrait quand même archiver les
documents engageants et probants, les mettre en sécurité
les documents engageants et probants…
http://www.marieannechabin.fr/2011/07/archivabilite/
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19. Dans l’Archivage, comme dans la Cuisine
je suppose, la qualité du service dépend de
la qualité des produits. Si le produit n’est
pas bon, même avec des artifices de
présentation, le consommateur sera déçu.
Il y a pour l’Archivage deux critères majeurs
pour la qualité des objets archivés, qui sont
rappelés dans toutes les normes du
domaine, mais qui relèvent d’abord du bon
sens et de la responsabilité:
l’authenticité et l’intégrité.
L’authenticité et la traçabilité….
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20. L’authenticité
Voilà un faux grossier
(pas d’entête, pas de
date de lieu ni de
temps),
très facile à fabriquer:
un compliment et
l’image de la signature
d’un président de la
République (Jacques
Chirac)…
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21. L’authenticité
Il n’y a pas d’appellation
contrôlée; « Bourgogne »,
en fait, ne désigne pas une
région mais une variété…
90% des escargots de
« Bourgogne » viennent de
Pologne ou Roumanie
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22. Nous pourrions aussi évoquer les trous dans le
Gruyère pour illustrer la question de l’intégrité…
Permettez, permettez ! Le Gruyère
n’a pas de trous, c’est dans
l’Emmental qu’on en trouve, parfois.
Je vous présente mes excuses ! Je voulais dire qu’il y a
deux questions à poser, lorsqu’il y a un trou, une lacune,
dans un document, ou dans un fromage : la première est
de savoir si le trou est originel ou du moins intrinsèque
ou alors s’il est la cause de facteurs extérieurs,
malveillants ou accidentels ; la seconde est de savoir si
cela enlève de la valeur au produit…
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25. La cuisine englobe tout ce que compte le repas, des
amuse-gueule au dessert, mais c’est bien souvent le
plat de résistance qui est le plus complexe et le plus
attachant.
Sans aucun doute.
Ma recette préférée est l’osso bucco. J’aime
tout dans l’osso bucco : choisir la rouelle,
l’apparence de la moelle ; les petits légumes, la
sauce, les épices… Un plaisir depuis le marché
jusqu’à la dégustation.
Votre description me rappelle mes cours de
diplomatique du dossier : le verbe qui est la
substantifique moelle de l’acte…
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27. La diplomatique du dossier…
Au centre, il y a l’os à moelle (épinière et substantifique)
autour duquel tout s’organise et qui donne son nom au
plat. Dans le dossier, c’est le document majeur, l’acte qui
porte la décision.
Sont accrochés à l’os, par des liens souples et
cependant solides, de petites pièces de viande qui se sont
développées et épanouies en même temps que l’os du
veau, constituant ensemble le jarret, de même que les
pièces justificatives du dossier font corps autour de
l’acte principal
Après, il y a l’accompagnement, la présentation, la
sauce…
http://www.marieannechabin.fr/2013/07/osso-bucco/
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29. Il me semble que la cuisine, comme l’ archivage,
requiert des compétences très variées, depuis
l’expertise pointue pour évaluer la saveur d’un
ingrédient jusqu’à la logistique des provisions.
Pour ce qui me concerne, la difficulté est parfois
de choisir le bon niveau d’intervention sur les
documents, ce que j’appellerai la granularité des
traitements :
• analyse pièce à pièce,
• gestion globale du dossier,
• traitement par lots pour le conditionnement et
la manutention.
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30. Granularité
Sur ce plan-là, nos pratiques se rejoignent :
il y a effectivement certains ingrédients qui
nécessitent des traitements variés et
adaptés à l’usage.
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32. Pouvez-vous en dire un peu plus sur les
archivades ? Vous devez avoir quelques
petites recettes délicieuses…
Archivade…. ??
Eh ! Je veux parler de ces petites compositions dont
chaque chef a le secret pour assaisonner les plats,
donner plus de goût à certains mets : anchoïade,
tapenade, marinade, piperade, marmelade...
Vous cuisinez les documents, n’est-ce ce pas? Vous
les faites parler… Vous les mettez en sauce…
Comment appelez-vous ça dans votre métier ?
Ah oui ! Bien sûr, bien sûr… Nous avons la
triade, l’indexade, la chemisade, la figeade…
Mais ma préférée, c’est la tamponade !
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35. Ce que je déplore, c’est que nos contemporains
se contentent trop souvent d’un prêt à manger
et délaissent la cuisine. Je me console en me
disant que ceux qui en usent savent aussi
déguster un bon repas. Finalement, le prêt à
manger est un corollaire de notre société
pressée. D’un autre côté, tant qu’on se limite à
une alimentation utilitaire, loin de la
gourmandise et de la convivialité, on ne se
charge pas trop l’estomac et on reste disponible
pour partager et d’apprécier un bon repas de
temps en temps.
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36. Le prêt à manger
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37. Je vois l’idée mais je vous trouve bien optimiste.
Le prêt à informer, même si l’expression n’est pas
courante, fait florès aussi, hélas. Et je crois qu’il est
plus néfaste au cerveau que le prêt à manger ne
l’est à l’estomac: proposition commerciale dont la
moitié est un copié-collé de la proposition d’un
autre client ; rapport ou mémoire qui est un
téléchargement de salmigondis de sites Internet ;
décision qui est dans un si mauvais français à
force de phrases toutes faites qu’elle est
inapplicable… Ces documents-là constituent des
candidats ineptes à l’archivage, sauf si on veut
conserver la trace de l’ineptie de leurs auteurs…
Qu’est-ce qui est le plus grave: la perte du goût ou
la perte du sens critique?
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38. Remarquez, quand on n’a pas le temps de
faire de la grande cuisine, on n’est pas
obligé de s’adonner à la mal bouffe. Il y a
l’art d’accommoder les restes. Par
exemple, un diplomate…
Un diplomate! Oh, je connais. La
diplomatique, c’est formidable
mais ça ne nourrit que l’esprit…
Le diplomate, c’est vite fait, avec des produits simples:
pain ou brioche rassie, lait, œufs, sucre, quelques
fruits. Et c’est encore meilleur arrosé d’une vielle prune.
J’en ai là une bouteille qui a bien trente ans d’âge…
Comme quoi, la conservation à long terme, ça ne
vise pas que les données…
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40. Le tome 2 bientôt prêt à lire…
Critique malicieuse de la société
de l’information à usage de ceux
qui pensent (et donc archivent)
après le tome 1
le tome 2
http://www.elpediteur.com/auteurs/chabin
_ma/2013_serendipite.html
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41. Merci de votre attention
Marie-Anne Chabin
mac@marieannechabin.fr
blogs:
www.marieannechabin.fr
http://transarchivistique.fr/
Marie-Anne Chabin
EBSI-29 octobre 2013
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