1. Investment Solutions 4 mars 2015
Régime de change : levée d’ancre?
Un simple ajustement de panier ou un pas de plus vers un
régime flottant ?
« Il est peut-être temps de réviser nos pondérations », a déclaré le gouverneur de
Bank Al Maghrib (BAM), lors d’une conférence de presse le 16 décembre dernier à
Rabat soulignant que le commerce international marocain « est maintenant
divisé à part égal entre euros et dollars» (Source: Reuters).
Le dirham demeure partiellement convertible du fait du contrôle des capitaux en
place. Depuis avril 2001, la cotation du MAD est effectuée sur la base d’un panier
de devises limitées à l’euro (à 80%) et au dollar (à 20%) reflétant la structure des
échanges du pays avec l'extérieur. Le régime de change fixe a permis jusqu’à
maintenant de soutenir la stabilité des prix. Face à un moindre risque d’inflation
importée, les décideurs politiques et les principaux acteurs du monde des affaires
prônent un régime de change plus flexible qui permettrait d’atténuer les
ajustements de l’économie aux chocs exogènes (la crise financière de 2008 et le
ralentissement économique global auraient retardé un tel projet). Si le FMI
encourage l’adoption d’un régime de change plus flexible (rapports mars 2014 et
février 2015), toute transition vers ce régime devrait se faire de manière prudente
et progressive (en dépit des efforts déjà déployés en matière de réformes
structurelles). Nous pensons que les déclarations de BAM reflètent une volonté
d’ajuster les poids du panier d’ancrage à la nouvelle configuration en matière
d’échanges avec l’extérieur plutôt que le signal d’un acheminement vers une
totale flexibilité du régime de change.
Notre scénario central est basé sur l’ancrage du MAD à un panier équitablement
pondéré entre l’euro et le dollar (50/50) dans un horizon court terme. Cela
soulève néanmoins les questions suivantes :
Afin de contrer le risque déflationniste et la détérioration de la
compétitivité, le changement des poids des devises dans le panier ne
pourrait-il pas s’accompagner d’une dépréciation significative du MAD
(renvoyant au scénario vécu en avril 2001) ?
Une accélération de l’assouplissement monétaire ne serait-elle pas une
réponse plus adéquate à une inflation trop faible?
Afin d’aborder ces épineuses questions, nous introduisons tout d’abord le
régime de change marocain avant de dresser un bref aperçu du paysage
économique actuel. Nous abordons ensuite les différents scénarios qui
pourraient accompagner la modification de la pondération des devises
constituant le panier d’ancrage.
Graphique 1 : taux de change EUR et USD vs MAD
Source : Bloomberg
Avec la pondération actuelle, le taux de change EUR/MAD est plus stable que l’USD/MAD.
Sommaire
La vie sous un régime fixe 2
Au-delà du changement de panier 5
Conclusion 10
Calendrier BAM
24 mars 2015
16 juin 2015
22 septembre 2015
22 décembre 2015
Investment Solutions
Faiçal JRIBI
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Paris Casablanca
Finance
PYXIS
0
5
10
15
USD/MAD EUR/MAD
Finance
PYXIS
2. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 2
Finance
PYXIS
La vie sous un régime fixe
Historique du dirham
Après sa réintroduction en 1960, le dirham a été ancré au Franc moyennant de
faibles ajustements occasionnels. Suite à l’effondrement du système Bretton
Woods, les autorités monétaires ont élargi le panier d’ancrage du dirham à d’autres
devises prenant en considération la configuration de l’échange extérieur. Grâce à un
tel régime, le dirham a vécu une période de stabilité pendant les années 70 et ce
malgré les chocs pétroliers. En revanche, la décennie qui a suivi a été tumultueuse
et soldée par des dévaluations massives. Les dévaluations opérées au début des
années 80 pour contrer la surévaluation du dirham n’ont pas suffi à faire éviter la
crise. Un programme d’ajustement structurel s’en est suivi accompagné d’autres
dévaluations significatives. Après une courte période de stabilité, les autorités
monétaires ont de nouveau intervenu en 1990, en dévaluant le dirham de 9% pour
faire face au dérapage du déficit commercial. Cette dévaluation a permis un regain
de compétitivité et une amélioration nette de la balance des paiements. En dehors
de l’adaptation du panier d’ancrage au passage à l’euro en 1999, aucune autre
intervention n’a eu lieu pendant plus d’une décennie. La baisse inattendue de l’euro
après son introduction a causé une forte appréciation du dirham, et BAM est
intervenue le 25 avril 2001 pour dévaluer la monnaie de plus de 5% et en profiter
pour adopter un nouveau panier d’ancrage avec une pondération de 80%euro et
20% dollar. A cette époque, la zone euro (plus précisément, la France et l’Espagne)
occupait une part majoritaire du commerce international du pays et la composition
du panier a permis d’assurer une stabilité des flux d’échanges externes et des
investissements étrangers durant les années 2000.
Graphique 2 : Taux de change du dirham contre les DTS (Droits de Tirage Spéciaux du FMI (base 1960 =
1)
Source : Bloomberg, Pyxis Finance
Le dirham Marocain: une longue histoire d’ancrage ponctuée de dévaluations.
Entre 2001 et 2008, le dirham s’est graduellement déprécié de 12% contre l’euro
alors qu’il s’est apprécié de 60% face au dollar (voir Graphique 1). Depuis 2008, il est
entré dans une phase cyclique mais avec une tendance globale d’appréciation face à
l’euro (retour aux niveaux de 2003).
0,25
0,5
0,75
1
1,25
Réaction à la
Surévaluation
Programme
d’Ajustement Structurel
Réduction du déficit
Commercial
Chagement du
Panier d'Ancrage
Fin du Système
Bretton Woods
3. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 3
Finance
PYXIS
Formule d’ancrage
Depuis avril 2001, le panier d’ancrage officiel du dirham est constitué de 80%
d’euros et de 20% de dollars. Ainsi, si on désigne par 𝑀𝐴𝐷𝑡 , 𝐸𝑈𝑅𝑡 et 𝑈𝑆𝐷𝑡 ,
respectivement, la valeur du MAD (dirham marocain), EUR (euro) et USD (dollar
américain) à un instant t, le taux de change cible d’ancrage nominal du MAD à
l’instant t s’exprimerait comme suit:
1 . 𝑀𝐴𝐷𝑡 = (20%
1
𝐸𝑡0
𝑀𝐴𝐷/𝑈𝑆𝐷 + 80%
𝑋𝑡
𝑈𝑆𝐷/𝐸𝑈𝑅
𝐸𝑡0
𝑀𝐴𝐷/𝐸𝑈𝑅). 𝑈𝑆𝐷𝑡
Ou de manière équivalente
1 . 𝑀𝐴𝐷𝑡 = (20%
𝑋𝑡
𝐸𝑈𝑅/𝑈𝑆𝐷
𝐸𝑡0
𝑀𝐴𝐷/𝑈𝑆𝐷 + 80%
1
𝐸𝑡0
𝑀𝐴𝐷/𝐸𝑈𝑅). 𝐸𝑈𝑅𝑡
où 𝑋𝑡
𝑈𝑆𝐷/𝐸𝑈𝑅
(resp 𝑋𝑡
𝐸𝑈𝑅/𝑈𝑆𝐷
) désigne le taux de change USD/EUR (resp EUR/USD) à
l’instant 𝑡 et 𝐸𝑡0
𝑀𝐴𝐷/𝑈𝑆𝐷
(resp 𝐸𝑡0
𝑀𝐴𝐷/𝐸𝑈𝑅
) désigne le niveau de référence du taux de change
MAD/USD (resp MAD/EUR) à l’instant 𝑡0 correspondant à la date du dernier
ajustement du panier d’ancrage (c.à.d. le 25 avril 2001).
De plus, BAM intervient quotidiennement sur le marché des devises et maintient la
valeur du MAD dans une fourchette de +/- 0.6% autour de sa valeur cible.
Graphique 3: Valeur Cible vs Valeur de Marché du taux de change du MAD
Source : Bloomberg, Pyxis Finance
Le MAD a été dévalué de 5% le 25 avril 2001. Sa valeur de marché a souvent été inférieure à la valeur cible.
En revanche, le MAD a souvent traité au-dessous de la valeur cible d’ancrage depuis
la modification du panier en 2001 comme illustré par le Graphique 3. Une telle
déviation qui persiste dans le temps ne peut être expliquée uniquement par
l’incertitude sur les niveaux de référence utilisés dans l’expression d’ancrage ou par
une pression unidirectionnelle à la vente du MAD. Le comportement de marché
suggère que la valeur cible pratiquée diffère légèrement de de la formule officielle.
Plusieurs hypothèses permettent de mieux traquer la valeur de marché :
1. Les poids de pondération pratiqués diffèrent légèrement des poids explicites
dans la formule d’ancrage (75%/25% au lieu de 80%/20%).
2. Les poids pratiqués sont les mêmes (80%/20%) mais l’ancrage repose sur une
pondération géométrique (log-linéaire) au lieu d’une pondération linéaire
comme le suggère la formule d’ancrage mentionnée ci-dessus.
Il est également possible de supposer que les poids évoluent légèrement avec le
temps ou même que le panier d’ancrage inclut d’autres devises. Une ou plusieurs de
ces hypothèses peuvent être vraies à la fois. Néanmoins, utiliser l’une des deux
premières hypothèses permet de réduire significativement l’écart entre la valeur de
marché et la valeur cible d’ancrage (voir Graphique 4).
0,08
0,09
0,10
0,11
0,12
0,13
0,14
0,15
1997
1998
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2000
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2014
2015
MAD/USDNiveau Cible
Niveau de Marché
0,08
0,09
0,10
0,11
0,12
1997
1998
1999
2000
2001
2002
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2012
2013
2014
2015
MAD/EURNiveau Cible
Niveau de Marché
4. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 4
Finance
PYXIS
Graphique 4: Valeur de marché du MAD vs sa valeur cible selon des formules alternatives.
Source : Bloomberg, Pyxis Finance
Des formules alternatives permettent de mieux traquer la valeur de marché.
Changer de régime?
Jusqu’à maintenant, en plus du contrôle des capitaux, les autorités marocaines ont
privilégié un régime de change fixe via l’ancrage de la valeur nominal du MAD à un
panier de devise moyennant une marge de fluctuation très réduite (+/- 0.6%). Le
choix de pondération a été dicté par la structure des flux des échanges avec
l’extérieur. L’objet principal d’un tel régime de change est de garantir une stabilité
de la monnaie locale en terme nominal et de mieux absorber les fluctuations des
devises internationales.
Bien que le régime de change fixe ait bien servi le pays en apportant la stabilisation
des prix, plusieurs décideurs politiques et acteurs économiques ont prôné le
passage à un régime de change flexible qui permettrait une meilleure absorption
des chocs externes. En effet, depuis 2006, le FMI a encouragé les autorités
marocaines à faire le pas vers la convertibilité du dirham. Mais la crise financière de
2008 et ses retombées sur l’économie mondiale ont freiné les réformes du régime
de change. Avec les récentes améliorations des fondamentaux macroéconomiques,
le FMI et les acteurs locaux ont de nouveau appelé au changement mais avec
beaucoup plus de prudence en proposant une évolution plus graduelle.
Pour mieux comprendre ses motivations, il est possible de résumer l’arbitrage entre
un régime de change fixe et un régime totalement flexible dans le tableau ci-
dessous :
Régime de change Avantages Risques
Fixe (Pegged) Stabilité du MAD en terme nominal
Crédibilité et discipline monétaire
Pénurie des réserves en devises
Surévaluation en terme réel
Flexible (Floating) Absorption des chocs externes
Moins de besoins en réserves
Volatilité du taux de change
Instabilité de l’inflation (à piloter)
En plus de l’absorption des chocs externes, un régime flexible pourrait réduire les
besoins en réserves de devises mais en contrepartie il augmenterait la volatilité du
taux de change du MAD et le risque d’inflation. Par conséquent, avant d’atteindre la
convertibilité totale du MAD, les acteurs économiques doivent apprendre à vivre
avec un taux de change plus volatile et d’autre part les autorités monétaires doivent
se doter des outils adaptés pour mener une politique monétaire efficace. Une
stabilité économique et des fondamentaux saints sont nécessaires pendant une telle
phase de transition. Nous pensons qu’un régime de change totalement flexible ne
sera pas atteint avant 2020. Néanmoins, l’assouplissement supplémentaire en
matière de contrôle des capitaux suite à la contribution libératoire et la possibilité
d’élargir les marges de fluctuation du taux de change constituent des pas
significatifs vers davantage de flexibilité. Quant-au changement de panier, il
s’inscrirait plutôt dans la continuité d’un régime fixe puisqu’il s’agit d’un ajustement
des poids à la nouvelle nomenclature du commerce extérieur.
0,08
0,09
0,10
0,11
0,12
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
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2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
MAD/EUR
Pondération Linéaire 75%-
25%
Niveau de Marché
0,08
0,09
0,10
0,11
0,12
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
MAD/EUR
Pondération Géométrique
80%-20%
Niveau de Marché
5. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 5
Finance
PYXIS
Au-delà du changement de panier
Le paysage macro-économique
L’économie marocaine a connu une croissance relativement rapide durant la
première décennie 2000. Elle est également plus stable comparée aux années 1990.
Entre 2001 et 2011, le taux de croissance réel se situait autour de 5% en moyenne
(voir Graphique 5). La stimulation de la demande interne a porté ses fruits : le taux
de croissance a atteint son niveau potentiel, les infrastructures se sont améliorées
(en matière d’eau, d’électricité, autoroutes), l’inflation a été maintenue à un niveau
bas et l’environnement des affaires est rendu plus favorable.
Graphique 5: PIB réel, croissance annuelle
Source: Banque Mondiale, Pyxis Finance
Une croissance économique plus stable mais qui s’essouffle…
Néanmoins, l’économie marocaine montre des signes d’essoufflement depuis la
crise financière et le ralentissement économique mondial. Le taux de croissance
moyen sur 5 ans a fléchi pour s’inscrire à 3,7%. Conformément aux
recommandations du FMI, les autorités ont mené des réformes structurelles de
grande ampleur qui ont aidé à réduire le déficit budgétaire. En dépit du marasme
économique en Europe, des signes de reprise sont maintenant perceptibles.
Néanmoins, le chômage persiste. La surévaluation du MAD pourrait continuer
d’éroder la compétitivité du pays à court terme. A plus long terme, c’est la
productivité et la capacité à diversifier la production nationale (et à réagir à
l’environnement économique changeant) qui seraient mises en péril face à
l’inefficience des systèmes éducatif et de santé nationaux et l’absence d’une
plateforme dédiée à la Recherche & Développement.
Les autorités ont entrepris des actions sur plusieurs plans pour faire faces à ces
barrières structurelles, mais dans la présente note, nous nous intéressons
uniquement aux mesures potentielles liées au régime de change et à la politique
monétaire: la modification du panier d’ancrage, la dévaluation potentielle de la
monnaie nationale et le scénario de baisse(s) de taux supplémentaire(s).
2011 2012 2013 2014 (E) 2015 (F) 2016 (F) 2017 (F)
PIB et Inflation
PIB réel (% GA) 5,0 2,7 4,4 2,9 4,4 4,8 5,0
PIB (milliards d’USD) 99,2 95,9 103,8 109,2 115,7 123,3 132,1
Inflation (IPC % GA) 0,9 1,3 1,9 0,4 1,5 1,7 2,0
IPC (2010 = 100) 100,9 102,2 104,1 104,5 106,1 107,9 110,1
Finances Publiques
Déficit Budgétaire (% PIB) -6,7 -7,3 -5,5 -4,9 -4,2 -3,5 -3,2
Déficit Primaire (% PIB) -3,7 -4,8 -3,2 -2,5 -2,1 -1,7 -1,1
Dette Publique (% PIB) 54,4 60,4 64,6 65,3 66,3 66,1 65,0
Extérieur
Compte Courant (milliards d’USD) -8,0 -9,3 -7,9 -6,3 -5,2 -4,9 -4,6
Compte Courant (en % du PIB) -8,0 -9,7 -7,6 -5,8 -4,5 -4,0 -3,5
Déficit Commercial (milliards d’USD) 22,8 22 20,4 19,8 21,7 22,9 23,2
Trade Deficit (% PIB) 23,0 22,9 19,6 18,1 18,8 18,6 17,6
IDE Net (milliards d’USD) 2,4 2,3 2,9 2,9 3,0 3,1 3,4
Dette Externe Brute (milliards d’USD) 31,5 33,3 38,8 42,0 45,3 47,3 49,0
Dette Externe Brute (% GDP) 31,8 34,7 37,4 38,5 39,1 38,4 37,1
Réserves (milliards d’USD) 20,5 17,4 19,4 20,4 24,0 25,2 27,1
Réserves (% Dette Externe) 65,1 52,3 50,0 48,6 53,0 53,3 55,3
Réserves (mois d’imports) 5,1 4,3 4,7 5,3 5,5 5,7 5,8
-10
-5
0
5
10
15
Croissance du PIB Réel (Prévisions) Moyenne 5 ans
6. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 6
Finance
PYXIS
Un remaniement du panier s’impose
La configuration des échanges commerciaux du pays avec l’extérieur montre un
changement significatif depuis 2001. Si la France et l’Espagne demeurent les deux
principaux partenaires du pays, leurs poids dans les échanges diminuent (Graphique
6).
Graphique 6: les 5 principaux partenaires et leur poids respectif
Imports Exports
Source : FMI, Bloomberg, Pyxis Finance
La France et l’Espagne constituent les deux principaux partenaires commerciaux
Les changements observés dans les flux d’échanges avec l’extérieur trouvent
explication dans les facteurs suivants :
- La montée en puissance de partenaires incontournables comme la Chine et le
Brésil
- La signature d’accords commerciaux bilatéraux avec des pays hors Europe dans
un souci de diversification (Etats-Unis, Afrique...)
- La hausse des volumes et des prix du pétrole et des produits énergétiques (la
baisse récente du cours du baril aide à réduire le déficit du compte courant)
- Depuis 2001, la hausse des exportations de Phosphate et de ses dérivés pour
satisfaire la hausse de la demande émanant des pays hors zone euro
Graphique 7: part de l’UE dans les échanges commerciaux du pays
Importations marocaines de Exportations marocaines vers
Source : IMF, Bloomberg, Pyxis Finance
Les échanges avec les pays hors zone euro se sont significativement accrus depuis
2000.
Les échanges avec les pays hors zone euro se sont ainsi significativement accrus
depuis 2000 (voir Graphique 7) et la plupart de ces échanges sont réglés en USD. La
configuration actuelle des échanges rend ainsi obsolète le panier actuel d’ancrage
du MAD. De plus, l’appréciation graduelle de l’USD vs EUR observée depuis un an
renforce la part du billet vert dans les règlements des échanges commerciaux du
Royaume (l’EUR/USD s’achemine vers la parité ; ce mouvement pourrait persister
longtemps étant données les incertitudes liées à la stabilité de la zone euro et le
lancement du programme d’assouplissement quantitatif européen) Le dollar pèse
maintenant pour près de la moitié des échanges commerciaux internationaux du
pays.
Rank 2000 Share 2014 Share
1 France 23,4 Espagne 13,4
2 Espagne 9,6 France 13,0
3 Royaume-Uni 6,0 Etats-Unis 7,7
4 Etats-Unis 5,4 Chine 7,5
5 Arabie Saoudite 4,8 Arabie Saoudite 5,8
6 Allemagne 4,8 Italie 5,0
7 Italie 4,6 Allemagne 4,9
8 Iran 3,0 Russie 4,5
9 Belgique 2,4 Turquie 3,6
10 Chine 2,3 Algérie 2,9
Rank 2000 Share 2014 Share
1 France 32,5 France 21,1
2 Espagne 12,6 Espagne 21,0
3 Royaume-Uni 9,3 Brésil 5,4
4 Italie 6,9 Italie 4,2
5 Allemagne 4,8 Etats-Unis 4,1
6 Inde 4,1 Inde 3,3
7 Japon 3,7 Pays-Bas 2,9
8 Etats-Unis 3,3 Royaume-Uni 2,9
9 Belgique 3,1 Allemagne 2,8
10 Pays-Bas 1,6 Turquie 2,0
0%
25%
50%
75%
100%
Other EU
0%
25%
50%
75%
100%
Other EU
7. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 7
Finance
PYXIS
Au-delà de l’évolution de la structure des échanges commerciaux, deux autres
facteurs (au moins) méritent d’être mis en exergue pour déterminer le panier
d’ancrage optimal : la structure de la dette extérieure et l’inflation importée.
L’analyse détaillée de ces deux thématiques ne fait pas partie de l’objet de ce
rapport. Néanmoins deux observations peuvent être émises à cet égard:
- L’endettement brut extérieur s’élève à moins de 40% du PIB. Bien que plus de
50% de la dette extérieure soit libellée en EUR, nous pensons que l’adoption
d’un panier d’ancrage équipondérant (EUR/USD) n’affectera pas les équilibres
macroéconomiques de manière significative (la dépréciation récente de l’euro
face au dollar est également favorable). En outre, les sources de financement
disponibles actuellement (réserves internationales, accès aux marchés
internationaux à des taux attractifs et mise à disposition par le FMI d’une ligne
de précaution) protègent le pays de chocs de liquidité potentiels à moyen
terme.
- Le poids de l’euro dans le panier d’ancrage a permis de contenir jusqu’à
maintenant les pressions inflationnistes liées aux produits importés. Avec le
spectre d’une déflation prolongée en Europe, un poids plus important du dollar
impliquerait le maintien d’un niveau d’inflation importée “acceptable” aux yeux
des autorités monétaires.
L’adoption potentielle d’un panier d’ancrage équitablement réparti entre l’euro et
le dollar favoriserait les échanges commerciaux du pays avec l’extérieur et réduirait
le risque lié à une “déflation importée”
Après l’annonce de BAM au mois décembre, le scenario d’un panier à 50/50 gagne
en crédibilité (le poids du dollar pourrait varier de 45 à 50%). Nous retenons dans ce
rapport l’hypothèse de l’adoption d’un panier à 50/50 durant le premier semestre
2015.
Vers une dévaluation du Dirham?
Le remaniement des poids des devises composant le panier d’ancrage ne suffit pas à
lui seul à faire redresser la compétitivité du pays. Le régime de taux de change fixe
prive les autorités monétaires de mener des ajustements opportunistes. Le
renchérissement du coût du travail devient de plus en plus marqué comparé aux
concurrents directs du Royaume. L’évolution vers un régime de change plus flexible,
l’amélioration de la productivité du travail (éducation, technologie…) et le
repositionnement sur des produits à l’export à plus haute valeur ajoutée constituent
les réponses adéquates à la restauration de la compétitivité à plus long terme. A
plus court terme, l’annonce d’un remaniement du panier d’ancrage pourrait
s’accompagner d’une dévaluation du MAD (à l’image du mouvement initié en avril
2001).
Une telle “thérapie de choc” aurait des effets immédiats: améliorer la compétitivité,
augmenter les exports, baisser le risque déflationniste (via l’inflation importée),
favoriser les produits locaux (et par là l’emploi). Par ailleurs, le recul récent des prix
du pétrole et des autres matières premières importées pourrait aider à estomper les
effets négatifs liés à une dévaluation. Se pose ainsi la question de l’ampleur d’une
telle dévaluation.
Le Taux de Change Effectif Nominal (TCEN) et le Taux de Change Effectif Réel (TCER)
font partie des outils incontournables pour l’analyse des déséquilibres des cours de
change des monnaies.
8. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 8
Finance
PYXIS
Graphique 8: TCEN et TCER du MAD (de différentes sources)
Source : Bloomberg, Pyxis Finance
Les niveaux du TCEN & TCER varient en fonction des méthodes de calcul.
Car contrairement aux taux de change bilatéraux, les TCEN et TCER mesurent la
valeur du MAD contre l’ensemble des devises (des partenaires commerciaux du
Royaume ainsi que des pays concurrents) à la fois, en tenant compte de la part de
chaque partenaire dans les échanges commerciaux du pays. De plus, dans le calcul
du TCER, le taux de change de chaque pays partenaire est ajusté par le ratio
d’indices de prix correspondant.
Mesurer la sur- ou sous-évaluation d’une monnaie consiste à déterminer la
déviation du TCER par rapport à un niveau d’équilibre prédéterminé. Dans la
pratique, la méthode de calcul du TCEN et TCER peut différer d’une institution à une
autre (Graphique 8). Etant donné que les niveaux d’équilibre sont sensibles au
modèle adopté, nous avons développé notre propre méthodologie pour le calcul du
TCEN et TCER en se basant sur les volumes d’échanges internationaux fournis par le
FMI et les indices de prix à la consommation (IPCs).
Nous utilisons deux modèles différents pour estimer le niveau d’équilibre du TCER:
un modèle de retour à la moyenne qui mesure la déviation du TCER par rapport au
trend de long terme et un modèle multifactoriel qui implicite le TCER d’équilibre à
partir de certains indicateurs macroéconomiques (termes des échanges,
productivité, ratio dette/PIB...). Les deux modèles aboutissent à la même conclusion
quant à la surévaluation du MAD (sur les dernières années), quoique à des échelles
différentes. Selon notre modèle de retour à la moyenne, le dirham serait surévalué
de 3% tandis que le modèle multifactoriel conclut sur une surévaluation de plus de
9% (Graphique 9). Bien que les rapports récents relatent que le FMI et les autorités
du pays s’accordent sur le fait que le TCER est en ligne avec les fondamentaux, nous
pensons qu’un remaniement du panier d’ancrage du dirham pourrait
s’accompagner d’une dévaluation de plus de 3%.
Graphique 9: le décalage du Dirham
Source :Pyxis Finance
La surévaluation du dirham est visible sur les dernières années
80
85
90
95
100
105
110 TCEN (2003 =100)
Pyxis Finance IMF JP Morgan
Dévaluation
d'Avril 2001
80
85
90
95
100
105
110
115 TCER (2003 =100)
Pyxis Finance IMF JP Morgan
Dévaluation
d'Avril 2001
-10%
-5%
0%
5%
10%
Surévaluation du MAD
Modèle Multi-Facteurs Modèle de Retour à la Moyenne
9. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 9
Finance
PYXIS
Une dévaluation instantanée ne constitue pas la seule option pour résorber le
déséquilibre du dirham. L’élargissement des bandes de fluctuations du taux de
change de manière asymétrique pourrait constituer une alternative à une
dévaluation brutale de la monnaie. Non seulement elle pourrait constituer un pas
vers l’adoption d’un régime de change flottant, cette nouvelle mesure permettrait
une dépréciation graduelle du dirham sur plusieurs mois. Cette seconde option
demeure plus plausible à nos yeux au vu des conclusions liées au récent rapport du
FMI (février 2015). L’adoption de l’élargissement des bandes de fluctuations
s’accompagnerait d’un renforcement de l’efficacité de la politique monétaire, ce qui
devrait permettre à BAM d’élargir sa palette d’outils monétaires. La banque centrale
pourrait faire un arbitrage entre une dépréciation moins prononcée du MAD et de
nouvelles baisses du taux directeur comme nous allons l’expliquer dans le
paragraphe suivant.
Faut-il baisser davantage le taux directeur?
Les politiques monétaires demeurent inefficientes dans un régime de change fixe
sans contrôle des capitaux. Ainsi, l’acheminement graduel vers un régime de change
plus flexible en élargissant les bandes de fluctuation de la monnaie pourrait
compléter l’assouplissement du contrôle des capitaux observé récemment. Dans ce
nouvel environnement, la proactivité de la banque centrale serait également testée.
En effet, avec un outil aussi puissant, l’autorité monétaire pourrait contrer la
déflation et stimuler la croissance (via la relance de la demande interne) en
réduisant davantage les taux (alternative à une relance des exports via une
dévaluation de la monnaie).
En réalité, l’autorité monétaire devra trouver un équilibre entre la dépréciation
requise du dirham et les mouvements de taux d’intérêt. Notre modèle utilisé basé
sur la règle de Taylor qui prend en compte l’inflation, la croissance et le décalage du
TCER (voir Graphique 10), conclut sur la nécessité de faire baisser le taux directeur
de 75 bps durant 2015 et ce en l’absence de toute mesure de dévaluation. Dans un
scénario de dévaluation progressive (ou brutale) de l’ordre de plus de 3% de la
valeur nominale du MAD, la baisse des taux serait limitée à 25 bps.
Graphique 10: estimation des taux d’intérêt sur la base du modèle de Taylor
Sans dévaluation de la monnaie Avec une dévaluation de 3%
Source : BAM, Pyxis Finance
L’ensemble des scenarios compris dans la fourchette des deux scénarios “extrêmes”
restent plausibles. Nous privilégions cependant les scenarios intermédiaires
suivants:
- Elargissement graduel et asymétrique des marges de fluctuation du taux de
change (par exemple +1%/-2% dans un premier temps)
- Dévaluation du MAD par près de 1.5% en 2015 via l’intervention de la banque
centrale si le décalage persiste.
- Une baisse de taux de l’ordre de 50 bps cette année.
0%
1%
2%
3%
4%
5%
T4-2010
T1-2011
T2-2011
T3-2011
T4-2011
T1-2012
T2-2012
T3-2012
T4-2012
T1-2013
T2-2013
T3-2013
T4-2013
T1-2014
T2-2014
T3-2014
T4-2014
T1-2015
T2-2015
T3-2015
Taux Ancticipé (Règle de Taylor) Taux Bank Al Maghrib
0%
1%
2%
3%
4%
5%
T4-2010
T1-2011
T2-2011
T3-2011
T4-2011
T1-2012
T2-2012
T3-2012
T4-2012
T1-2013
T2-2013
T3-2013
T4-2013
T1-2014
T2-2014
T3-2014
T4-2014
T1-2015
T2-2015
T3-2015
Taux Ancticipé (Règle de Taylor) Taux Bank Al Maghrib
10. Régime de change : levée d’ancre?
5 mars 2015 10
Finance
PYXIS
Conclusion
Comme cela a été évoqué dans la présente note, l’introduction d’un panier de
devises d’ancrage équipondérant est plus à voir du côté d’un ajustement du panier
de devises à la nouvelle structure des échanges commerciaux du pays qu’un signal
vers l’adoption d’un régime de change flottant. BAM pourrait annoncer un
réaménagement du panier dans les prochains mois. Par ailleurs, l’annonce d’un
élargissement des marges de fluctuation du dirham irait de pair avec
l’assouplissement récent en matière de contrôle des capitaux, une configuration qui
devrait mener vers un régime de change flottant à plus long terme. Dans le contexte
macro-économique actuel, l’autorité monétaire devrait agir de manière prudente.
L’élargissement des bandes de fluctuation devra se faire de manière progressive le
temps que l’ensemble des acteurs s’accommode à un environnement de change
plus volatile (renforcement de la politique monétaire qui a déjà été acté par le
nouveau statut de BAM, adoption de nouvelles règles en matière de gestion du
risque de change chez les entreprises et les banques).
A court terme, si les scenarios extrêmes évoqués en matière de baisse de taux (et de
dévaluation de la monnaie) restent plausibles, nous pensons que le scenario
intermédiaire reste le plus probable à savoir une dévaluation graduelle du MAD (de
l’ordre de 1.5% et une baisse de taux de l’ordre de 50 bps parallèlement à notre
scénario central d’évolution du taux de change EUR/USD vers la parité (voir Tableau
11).
Tableau 11: le taux de change EUR/USD atteint la parité en 2015
Source :Pyxis Finance
Scénario central 2015: dévaluation de 1.5%, baisse de taux de 50 bps et parité
EUR/USD
Tableau 12: le taux de change EUR/USD se maintient aux niveaux actuels
Source :Pyxis Finance
Tableau 13: le taux de change EUR/USD remonte à 1.25
Source :Pyxis Finance
Scénarios alternatifs
Pas de dévaluation Dévaluation de 1,5%
(Le plus plausible)
Dévaluation de 3%
Poids du Panier (EUR/USD) 80%/20% 50%/50% 50%/50% 50%/50%
Taux Bank Al Maghrib 2,50% 1,75% 2,00% 2,25%
EUR/USD 1,11 1,00 1,00 1,00
EUR/MAD 10,77 10,21 10,36 10,52
USD/MAD 9,70 10,21 10,36 10,52
Scénarios Potentiels pour 2015
Niveaux Actuels
Pas de dévaluation Dévaluation de 1,5%
(Le plus plausible)
Dévaluation de 3%
Poids du Panier (EUR/USD) 80%/20% 50%/50% 50%/50% 50%/50%
Taux Bank Al Maghrib 2,50% 1,75% 2,00% 2,25%
EUR/USD 1,11 1,11 1,11 1,11
EUR/MAD 10,77 10,77 10,93 11,10
USD/MAD 9,70 9,70 9,85 10,00
Scénarios Potentiels pour 2015
Niveaux Actuels
Pas de dévaluation Dévaluation de 1,5%
(Le plus plausible)
Dévaluation de 3%
Poids du Panier (EUR/USD) 80%/20% 50%/50% 50%/50% 50%/50%
Taux Bank Al Maghrib 2,50% 1,75% 2,00% 2,25%
EUR/USD 1,11 1,25 1,25 1,25
EUR/MAD 10,77 11,41 11,58 11,76
USD/MAD 9,70 9,12 9,26 9,41
Scénarios Potentiels pour 2015
Niveaux Actuels
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