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Mémoire de recherche réalisé sous la direction de Monsieur Rebillard
LA CONVERGENCE NUMERIQUE :
QUELLE PLACE POUR LA TELEVISION ?
Gabrielle Benchetrit
211 06 283
12/05/2014
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION .......................................................................................................................................2
Objet et objectifs de la recherche ............................................................................................................2
Justification du choix du sujet.................................................................................................................3
Pertinence dans une perspective communicationnelle ............................................................................4
I. ANALYSE –SYNTHESE DES OUVRAGES PRINCIPAUX...........................................................5
1.1 L’industrie des médias à l’ère du numérique, Nathalie SONNAC et Jean GABSZEVICZ...........5
1.2 La fin de la télévision, Jean-Louis MISSIKA.................................................................................8
1.3 Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD .....................................11
1.4 Télévision, l’ère du numérique sous la direction de Pierre-Jean BENGHOZI et Jean-Charles
PARACUELLOS ...............................................................................................................................16
PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE ...............................................................................................................19
II. HYPOTHESES ......................................................................................................................20
2.1 Hypothèse 1 : La convergence modifie l’usage de la télévision grâce à la mobilité des
nouveaux supports ..........................................................................................................................20
2.2 Hypothèse 2 : La convergence donne une plus grande part d’interactivité entre les
programmes et les téléspectateurs .................................................................................................21
2.3 Hypothèse 3 : La convergence engendre des mutations dans la consommation de la
télévision...........................................................................................................................................22
III. TERRAIN .............................................................................................................................23
3.1 Critères retenus pour la constitution de corpus ..........................................................................23
3.2 Exposé des méthodes d’analyse et de recherche ........................................................................25
3.3 Présentation des résultats..............................................................................................................26
A « The Voice » TF1.................................................................................................................26
B « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » M6...............................................................................36
C « What Ze Teuf » D8.............................................................................................................39
CONCLUSION..........................................................................................................................................42
BIBLIOGRAPHIE .....................................................................................................................................43
ANNEXES ................................................................................................................................................44
2
INTRODUCTION
OBJET ET OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
Le mot « télévision » est prononcé pour la première fois en 1900 lors d’une conférence
qui a eu lieu à l’Exposition universelle de Paris mais ce n’est qu’en 1935 que la télévision fait
son apparition en France au ministère PTT. A l’origine, on définissait la télévision comme
« la transmission à distance d’images animées et sonorisées1
. » Cependant, la diversité des
programmes a rapidement permis aux téléspectateurs passifs de devenir plus actifs durant la
diffusion des programmes. Ce mass media a d’ailleurs très rapidement été un moyen de
cohésion sociale : rassemblement de la famille autour d’un programme, sujet de conversation
sur le lieu de travail. Jean-Louis Missika revient sur ce rôle dans son ouvrage La fin de la
télévision2
où il qualifie cette période de « paléo-télévision ». Selon lui, « ce premier âge
coïncide évidemment avec le temps de la découverte.3
»
Et la définition même de télévision a changé. Aujourd’hui, la télévision en tant que
produit social a évolué. Elle provoque toujours des sujets de conversation entre les individus
mais ce rôle diffère avec la convergence numérique. En effet, les réseaux sociaux et
l’explosion de la bulle internet ont été des facteurs prépondérants dans la mutation de la
télévision. La facilité des échanges, la proximité instantanée permise par les outils tels que
Facebook et Twitter ainsi que la multiplication des plateformes digitales mises en place par
les chaînes de télévision ont véritablement révolutionné l’industrie télévisuelle. A cela
s’ajoute la convergence des supports qui transforme l’usage de la télévision. Nous assistons
par conséquent à deux types de mutations. Technique d’une part et sociale d’autre part.
D’après une étude CSA4
, « la télévision sociale est utilisée pour désigner les
technologies apportant un enrichissement des contenus et une interaction entre le
téléspectateur et le contenu qu’il regarde ou souhaite regarder et entre les téléspectateurs eux-
mêmes autour de ce contenu. Les modalités d’interaction regroupent le fait de rédiger des
commentaires, de recommander un programme, de voter, de jouer et même de piloter un
programme. » Ces services sont majoritairement offerts par les réseaux sociaux tels que
Facebook, Twitter ou Google+. Toutefois, d’autres services proposent des enrichissements et
1
Francis BALLE, Médias et sociétés, Montchrestien, 2011, p 169.
2
Jean-Louis MISSIKA, La fin de la télévision, Seuil, 2006.
3
Jean-Louis MISSIKA, Op Cit., p 12.
4
« Première approche de la télévision sociale », Commission de réflexion prospective sur l’audiovisuel, Février
2013, CSA, p 2.
3
des interactions avec les contenus télévisuels et participent plus globalement de
« l’écosystème » qui est en train de se construire (sites des chaines de télévision de rattrapage,
sites de discussions, blogs et forums).
Les objectifs de ces services sont de promouvoir un programme, conserver l’audience,
enrichir les programmes télévisuels et les élargir à de nouveaux publics. En somme, il s’agit
de créer une nouvelle relation, enrichie, entre les différents acteurs, en plus de la diffusion
télévisuelle classique. Cette télévision dite « sociale » est apparue en France il y a seulement
quelques années et pourtant certains acteurs de l’industrie audiovisuelle et certains chercheurs
en sciences de l’information et de la communication s’accordent à dire que c’est dans la
construction de cette nouvelle relation que réside l’avenir de la télévision. D’autres en
revanche, pensent que nous pourrions aboutir à une fusion plutôt qu’à une convergence entre
les médias télévision et internet et que celle-ci se ferait aux dépens du petit écran.
La télévision a toujours été un média social favorisant la participation du téléspectateur durant
la diffusion des programmes. Elle a toujours eu pour but de créer du lien. Aujourd’hui
cependant, les dispositifs permettent une expérience télévisuelle enrichie. Il faut rappeler que
le téléphone a permis une plus grande marge de participation dans un programme télévisé. Au
début des années 2000, cette participation s’amplifie avec l’essor de la réalité dont le concept
est fondé sur les éliminations des candidats et la désignation du vainqueur ; grâce au vote des
téléspectateurs.
Pour Henry Jenkins, la télévision est passée « d’un modèle fondé sur le rendez-vous à un
modèle fondé sur l’engagement.5
» Les réseaux sociaux y sont sans doute pour quelque chose.
L’essor de ces nouveaux modes de communication a offert une place différente au
téléspectateur à tel point qu’aujourd’hui l’audience sociale d’un programme est considérée
comme une nouvelle mesure d’audience.
JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET
Etudier l’évolution du média de masse le plus populaire, dans un contexte de
convergence numérique, apparaît comme une évidence pour peu que l’on se passionne des
médias et de leur place dans la société d’aujourd’hui. Certains spécialistes du numérique
5
Henry JENKINS, La culture de la convergence, Armand Colin, 2013, p 157.
4
s’accordent même à dire qu’il s’agit d’une « révolution numérique » et que son impact est
comparable à celui de la Révolution industrielle du XIXe siècle.6
Depuis 2012, la télévision sociale a connu un véritable essor en France et une majorité de
programmes télévisuels propose désormais à l’internaute d’interagir durant l’émission. Les
grandes chaînes proposent également un dispositif en adaptation avec l’émergence de
nouveaux supports de diffusion, prolongeant l’expérience télévisuelle avec des contenus
enrichis.
Ce sujet s’inscrit donc dans une perspective totalement contemporaine ainsi qu’en cohérence
avec mes aspirations professionnelles puisque ce sujet a suscité une incontestable vocation et
m’a permis d’affiner mon projet professionnel.
PERTINENCE DANS UNE PERSPECTIVE COMMUNICATIONNELLE
D’après Médiamétrie, les Français passent en moyenne 3h46 par jour devant la
télévision7
. Par ailleurs, on observe que les grands évènements télévisuels ayant rassemblés le
plus d’audience sont également ceux qui ont été les plus commentés sur les réseaux sociaux.
La chaîne TF1 cumule ainsi le top 3 des meilleures audiences sociales avec « Les NRJ Music
Awards 2014 » et plus de 2,8 millions de tweets, la cérémonie des « Miss France » du 7
décembre avec 1 220 195 tweets et le match de foot France-Ukraine du 19 novembre avec 1
113 968 tweets.8
Ces nouveaux usages sont donc de plus en plus ancrés dans notre quotidien bien que la
convergence engendre des mutations permanentes de notre consommation. Le choix de ce
sujet semble donc pertinent au regard de sa valeur à la fois contemporaine et à la fois
incertaine. En effet, la participation active des téléspectateurs inhérente à la télévision sociale
demeure pour le moment un phénomène limité même si la majorité des programmes
télévisuels se sont adaptés à cette nouvelle consommation en incitant les individus à interagir.
Par ailleurs, les avancées technologiques en matière de support de diffusion bouleversent
l’usage même de la télévision. C’est pourquoi la question de la place de ce média dans le
6
http://www.atlantico.fr/decryptage/internet-3eme-revolution-industrielle-mais-sommes-sortis-age-pierre-
numerique-jean-pierre-corniou-benoit-thieulin-david-fayon-644091.html
7
Communiqué Médiamétrie, 30 janvier 2014, http://www.mediametrie.fr/television/communiques/l-annee-
tv-2013.php?id=1004
8
Communiqué Mesagraph, 16 janvier 2014, http://blog.mesagraph.com/2014/01/16/mesagraph-classement-
emissions-tv-populaires-twitter-2013/
5
nouveau paysage médiatique semble tout à fait pertinente, d’autant plus que ce rôle est
incertain. Il est toujours difficile de prévoir véritablement l’ampleur d’une révolution
lorsqu’elle est en cours.
La télévision est le média préféré des Français. Il s’agit du média de masse par excellence. Sa
capacité de fédérer un nombre très important de gens devant un seul programme en fait un
média extrêmement plébiscité et puissant.
De plus, sa place de numéro un en fait un média influent. Si la télévision supporte des
bouleversements, de nombreux secteurs en subissent par ricochet.
Ainsi, la convergence numérique provoque des transformations tant pour les diffuseurs que
pour les créateurs de programmes. Les annonceurs sont bien entendu concernés par la
fragmentation de l’audience et la délinéarisation de la consommation.
Enfin, les mutations étant très récentes dans le paysage audiovisuel Français, il y a encore peu
de recherches scientifiques sur le sujet. Certains changements apparaissent rapidement et
rendent les études faites il y a quelques années un peu désuètes.
Du point de vue des sciences de l’information et de la communication, la recherche
concernant la nouvelle place de la télévision dans la convergence numérique mobilise
plusieurs domaines. La sociologie des médias sera donc très largement utilisée afin
d’appréhender les nouveaux comportements de consommation de la télévision. Nous
utiliserons également des éléments de sémiologie pour analyser les différents dispositifs mis
en place dans les émissions qui composent notre corpus.
I. ANALYSE - SYNTHESE DES OUVRAGES PRINCIPAUX
1.1 L’industrie des médias à l’ère du numérique, Nathalie SONNAC et Jean
GABSZEWICZ
Nathalie Sonnac est professeur en Sciences de l’information et de la communication et
chercheur au CARISM9
. Jean Gabszewicz est quant à lui professeur et économiste. Dans cet
ouvrage, les auteurs reviennent sur un constat essentiel de l’organisation économique et
sociale des industries de la culture et des médias. Cette dernière est en pleine mutation. Cette
9
Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias.
6
mutation s’explique d’abord par l’entrée dans une nouvelle ère : celle de la numérisation de
l’information entraînant ainsi des bouleversements à la fois sur le plan économique mais aussi
social et bien sûr technologique.
Il est question de convergence entre les secteurs des télécommunications, de
l’information et des médias qui se traduit par « une transformation de la configuration
industrielle du secteur de l’économie numérique et par de nouveaux défis 10
» Cette réflexion
amène les auteurs à décrire Internet comme un « méta-média qui offre la possibilité aux
producteurs de site, mais aussi aux consommateurs de combiner son, image et écrit sur un
même support. » Le développement d’Internet et notamment du réseau haut débit permet
ainsi l’apparition de nouvelles formes de consommation de contenus audiovisuels.
La numérisation de l’information a une incidence sur les médias traditionnels. Ainsi,
la radio et la presse sont également visés par ces mutations. Mais nous n’étudierons que les
conséquences liées à la télévision. L’ouvrage met en exergue le principe de délinéarisation
des services télévisuels qui permettent de regarder un programme à un moment choisi par le
téléspectateur et non plus dans un contexte imposé par la grille de programmation d’une
chaîne. Télévision de rattrapage (catch-up TV), vidéo à la demande et télévision connectée
sont les principaux services répondant aux nouveaux usages des individus.
La multiplication des supports de diffusion ouvre de ce fait le champ à ces services
innovants. L’ouvrage de Nathalie Sonnac et de Jean Gabszewicz pose un cadre théorique aux
problématiques soulevées par la révolution numérique en proposant des définir les termes clés
de cette nouvelle ère tout en revenant sur l’impact économique engendré par celle-ci. Le
premier terme à définir est celui de média. Pour les auteurs, un média est « un ensemble
homogène de supports qui relèvent tous d’un même mode de communication. Il a pour
objectif de faciliter la communication à partir d’une même source vers de nombreux
destinataires » tandis que le produit médiatique désigne « l’ensemble des messages et des
communications qui utilisent un média particulier comme support. » 11
La question du support est donc un enjeu majeur de notre réflexion puisque la
multiplication des modes de diffusion participe à cette révolution. En effet, face à l’arrivée
des nouvelles technologies sur le marché de l’audiovisuel, l’offre de télévision s’est
10
Rapport Coe-Rexecode, Document de travail n°16 « Les opérateurs de réseaux dans l’économie numérique,
ligne de force, enjeux et dynamiques », janvier 2010 p 10.
11
Nathalie Sonnac, Jean Gabszewicz, L’industrie des médias à l’ère du numérique, La Découverte, 2013, p 10.
7
fragmentée. On assiste à un phénomène de délinéarisation des programmes que les auteurs
définissent par le fait que les « téléspectateurs ne sont plus contraints de regarder leurs
émissions à un moment programmé par des chaînes mais les visionnent quand ils le
souhaitent, sur différents types de supports (tablette numérique, ordinateur, Smartphone). 12
»
Cela remet en cause le modèle économique traditionnel des médias, financés en grande partie
par la publicité, mais également bouleverse la consommation de la télévision.
D’un point de vue économique, on assiste à une explosion de la concurrence sur le marché
de l’offre de produits médiatiques notamment grâce à l’arrivée de la TNT en 2005 et l’arrivée
des télécoms dans le secteur de l’audiovisuel. Les grands opérateurs de téléphonie mobile se
sont lancés dans des offres multi-pack incluant un portail de chaînes gratuites et payantes. On
observe donc une mutation du paysage médiatique illustrée par le bouleversement « des règles
du jeu et les positions de force des principaux acteurs ».13
Les auteurs distinguent les programmes de flux destinés à une diffusion unique et les
programmes de stocks dont la durée de vie est plus longue. Ces derniers constituent le
« patrimoine audiovisuel de la chaîne ».14
Si dans une première partie les auteurs étudient les
enjeux du point de vue de l’offre de produits médiatiques, dans une seconde partie, ils les
envisagent également du point de vue de la demande. Les bouleversements décrits
précédemment ont un impact direct sur la demande de produits médiatiques et leur
consommation.
On aboutit à une fragmentation de l’audience et surtout à l’instauration d’une place centrale
pour le téléspectateur au cœur de cet écosystème en mutation. Les consommateurs de produits
médiatiques sont devenus « des créateurs, des producteurs, des diffuseurs, voire des
prescripteurs de contenus obligeant à repenser l’analyse de la demande. 15
» Nathalie Sonnac
et Jean Gabszewicz étayent une partie de leur réflexion avec plusieurs études statistiques et
sociologiques. Ils constatent ainsi que la télévision représente le premier mode de distraction
et la pratique culturelle la plus répandue en France, toute tranche d’âge confondue. En outre,
les Français disposent en moyenne d’un parc audiovisuel de huit appareils par foyer, dont cinq
fixes et trois mobiles.16
Les auteurs reprennent aussi les résultats des études qui mesurent
l’audience de la télévision en fonction des mutations relatées précédemment et du taux
12
Id., p 13.
13
Id., p 21.
14
Id., p 25.
15
Id., p 39.
16
Id., p 41.
8
d’équipement internet des foyers. Ces chiffres datent de 2010. Nous utiliserons des données
plus récentes lors de l’explication de nos propres résultats (partie III).
Cependant, la notion d’audience est fondamentale dans la recherche menée par les
auteurs ainsi que dans notre recherche. Nathalie Sonnac et Jean Gabszewicz distinguent
d’ailleurs l’audience médiatique de l’audience publicitaire. La distinction réside dans le fait
que « le contact avec le support médiatique n’est pas suffisant pour garantir le contact avec
le support publicitaire ».17
Par ailleurs, la mesure de l’audience répond à la nécessité de
« qualifier les comportements des téléspectateurs face leur écran : leur fidélité à une
émission, la durée d’exposition à une campagne publicitaire ou encore la définition des
publics, selon les principaux indicateurs sociodémographiques. 18
» C’est pourquoi la
multiplication des canaux de diffusion complexifie les mesures d’audience et pose la
question d’un nouvel indicateur d’audience davantage centré sur l’individu lui-même et non
plus le support qu’il utilise. Le public tend à se substituer à l’audience.
1.2 La fin de la télévision, Jean-Louis MISSIKA
Revenons d’abord sur la thèse soutenue par Jean-Louis Missika dans son ouvrage La
fin de la télévision.
Le sociologue se livre à une définition de la télévision. Il s’agit d’un « moyen de diffusion de
contenus vidéo contrôlé par des sociétés publiques ou privées, titulaires de licence de
diffusion délivrées par une autorité publique, achetant des droit de diffusion ou produisant
des programmes à destination d’un public défini. 19
»
Pour l’auteur, le modèle historique de la télévision était hégémonique jusqu’à l’arrivée
d’autres modèles engendrés par les nouveaux acteurs du numérique, davantage en phase avec
les attentes du public. Il évoque lui aussi le terme de « révolution ». La conséquence
principale de celle-ci réside dans la transformation profonde de la relation du téléspectateur
avec ses programmes.
17
Id., p 50.
18
Id., p 51.
19
Jean-Louis MISSIKA, Op.cit., p 8.
9
Dans un premier chapitre, il rappelle les trois âges de la télévision : la paléo-télévision,
la néo- télévision et la post-télévision.
La première phase, il y a vingt-cinq ans, se traduit par une relation sommaire entre le
téléspectateur et le programme diffuseur de savoir. En somme, une position passive de la part
du téléspectateur « élève d’une télévision messagère.20
» La télévision ne compte alors que
trois chaînes. Il souligne cependant que « dans l’esprit des créateurs de l’époque, la question
de la relation avec le téléspectateur est déjà considérée comme centrale. Dès le départ,
programmateurs et producteurs ont senti d’instinct que la présence du téléspectateur chez lui,
dans son intimité, de l’autre côté de l’écran, faisait de la télévision un média radicalement
différent de tous les autres.21
» Il sous-entend par là qu’il s’agissait déjà d’un média de
participation.
C’est dans le milieu des années 1980 que la télévision bascule dans la deuxième phase avec
un doublement de l’offre et l’apparition de la première chaîne privée. Pour l’auteur, il est déjà
question d’une fragmentation de l’audience liée à la diversification de l’offre.
« Compréhension et complicité entre émetteur et récepteur constituent les principes de base
de la néo-télévision […] entre l’invité et le téléspectateur, la relation reste indirecte. 22
»
C’est lors de cette phase qu’apparaissent les études d’audience qualitatives et quantitatives
appliquées à la télévision. Jean-Louis Missika dit que le rôle de la télévision dans cette phase
est de porter assistance aux individus en réparant le lien social brisé par la crise économique
et le choc pétrolier. A partir de là, les programmes proposés aux téléspectateurs vont centrer
des anonymes au cœur de leurs concepts et provoquer ainsi l’identification du récepteur. « Ce
n’est plus la télévision qui parle au téléspectateur, mais, par un jeu de miroirs, le
téléspectateur qui se parle à lui-même et de lui-même. Le téléspectateur-récepteur est bien au
cœur du dispositif de la néo-télévision23
»
L’avènement du troisième âge de la télévision est marqué par un changement social
important, celui de la montée de l’autonomie individuelle. L’auteur explique que les
programmes proposés qui mettent au cœur des individus anonymes détruisent désormais le
lien social puisque le concept des émissions repose sur l’élimination et la concurrence entre
les candidats.
20
Id., p 14.
21
Id., p 15.
22
Id., p 21.
23
Id., p 25.
10
Dans le second chapitre de son ouvrage, l’auteur explore la thèse de la disparition de la
télévision. Selon lui, « les habitudes ne changent pas facilement. La société résiste aux
innovations techniques et aux évolutions du marché. » Il aboutit donc à la conclusion que la
révolution tant annoncée est un « mythe.24
» Il nuance cependant immédiatement son propos
en expliquant que le modèle que nous connaissons de la télévision est en train de s’effondrer
pour laisser place, à long terme, à de multiples dispositifs qui affaibliront la place de média
dominant qu’occupe actuellement la télévision. Ce processus se traduit par plusieurs
phénomènes. La démédiation consiste à faire disparaître l’intermédiaire qu’était la télévision
entre la production et les téléspectateurs. On assiste également à une hypersegmentation
provoquée par la multiplication des chaînes du câble et des bouquets satellite. Il y a création
de niches. Ce qui amène au passage « d’une télévision fragmentée à une télévision
atomisée » […] avec l’entrée dans l’ère de « l’hyperchoix. Cette multiplication des canaux et
de chaînes modifie doucement le comportement des consommateurs. 25
»
Il y a une banalisation de la consommation cross média, c’est-à-dire de la
consommation simultanée de plusieurs médias. Cela rend l’écoute flottante et entraîne un
glissement progressif de la relation entre le téléspectateur et les programmes télévisuels. Jean-
Louis Missika développe l’idée selon laquelle ces bouleversements entraînent un dérèglement
de l’horloge. « La capacité de la télévision à fixer des rendez-vous, qui est à la base de sa
capacité d’attraction, s’en trouve considérablement affaiblie. […] On assiste par conséquent
à l’érosion du concept même de chaîne. 26
»
Enfin, le dernier argument de l’auteur concerne la participation du public qui est un
critère de la mort de la télévision. Il ajoute même qu’il s’agit du plus destructeur. En effet,
l’une des caractéristiques essentielle de la télévision traditionnelle est d’être fabriquée par des
professionnels. Et cette caractéristique se retrouve mise à mal par la volonté nouvelle du
téléspectateur à vouloir influer directement sur le contenu du programme qu’il regarde. Au fil
des âges de la télévision, « nous sommes passés d’un téléspectateur passif et respectueux de
ce qu’il découvrait à l’écran et qu’il considérait comme inaccessible, à un téléspectateur
actif, sûr de lui, et qui estime que la prise de parole n’est pas une chance mais un droit.27
» Il
complète son analyse en disant que ce nouveau pouvoir du téléspectateur est en réalité un
24
Id., p 38.
25
Id., p 40.
26
Id., p 42.
27
Id., p 65.
11
leurre et que la véritable révolution à laquelle nous faisons face n’est pas technique mais
plutôt révélatrice des comportements en cours.
Il apporte tout de même une limite à cette interactivité dans la mesure où le public se plaît
dans la passivité qu’il considère comme une forme de relaxation. En somme, si l’avenir de la
télévision se concrétise par une intervention beaucoup plus forte du téléspectateur, il n’en
reste pas moins que cela ne se prête pas forcément à l’ensemble des contenus audiovisuels.
Une généralisation de ce comportement serait par conséquent réductrice.
Enfin, il conclut son ouvrage avec une note assez pessimiste en écrivant qu’avec « la
fragmentation et la vidéo à la demande, le rendez-vous disparaît. Avec la démédiation et la
dépendance, le média s’efface.28
»
Cette fin de la télévision annoncée par le sociologue a fait l’objet de nombreuses critiques et
remises en question. Gilles Delavaud a notamment réunis des articles soutenant au contraire
l’hypothèse d’une permanence de la télévision grâce aux avancées technologiques. Une fusion
entre le média Internet et le média télévision lui semble peu probable.
1.3 Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD
Gilles Delavaud est professeur en Sciences de l’information et de la communication ainsi que
chercheur au CEMTI.29
Cet ouvrage réunit les articles de plusieurs auteurs. Les premiers articles sont consacrés aux
bouleversements en cours supportés par la télévision tandis que la deuxième série d’articles
s’attache aux différents programmes appréhendés sous l’angle des innovations. Dans le cadre
de notre réflexion, seule la première série d’articles sera utilisée en tant que cadre théorique.
Nous en expliquerons les principales problématiques soulevées par les auteurs et nous ferons
un parallèle avec la thèse de Jean-Louis Missika dans son ouvrage La fin de la télévision.30
Le premier article auquel nous nous intéressons est celui de François Jost, rédigé dans le cadre
du programme de recherche « Qu’est-ce que la création télévisuelle ? » et intitulé « Où va la
télévision ? De l’influence de la télévision numérique sur les programmes et la
programmation. »
28
Id., p 105.
29
Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation.
30
Jean-Louis MISSIKA, La fin de la télévision, Seuil, 2006.
12
L’auteur revient d’abord sur l’ère de la convergence dans la laquelle nous vivons depuis qu’il
n’y a plus d’appareil dédié à un seul usage. Il explique que le numérique et la multiplication
des supports de diffusion n’annoncent certainement pas la fin de la télévision mais au
contraire ses débuts. Cette idée est fondée sur les aspirations ancestrales de l’Homme : « être
où il n’est pas et voir à distance 31
».
Il revient également à travers cette réflexion sur la notion d’écran dans lequel résident les
véritables changements. La multiplication des écrans de diffusion des programmes est à
l’origine de l’autonomie du téléspectateur. Autrefois contraint de se rendre disponible pour
regarder un programme à l’heure et sur la chaîne prévue à cet effet, le téléspectateur peut
désormais choisir non seulement l’écran sur le lequel sera diffusé son programme mais
également le moment auquel il souhaite le regarder. Il note ainsi une baisse mécanique de
l’audience des grandes chaînes vers les nouveaux canaux gratuits suffit à démontrer la
fragmentation de l’audience et à remettre en cause le principe de fidélisation. Il ajoute par
ailleurs que le grand changement apporté par le numérique s’observe du point de vue de la
relation entre l’émetteur et le récepteur.
A l’origine, le dialogue entre la télévision et son public était « hétérosémiotique : la
chaîne envoie des messages audiovisuels et le téléspectateur, au tout début, répond par lettre
puis par téléphone et aujourd’hui par sms.32
» Le numérique rend la relation réversible et
l’interactivité s’accroît. Nous verrons en quoi les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant
dans cette innovation culturelle.
Il remarque également que l’avenir de la télévision pourrait bien se trouver dans la production
plutôt que dans la diffusion, pourtant son « métier de base ».33
Une toute nouvelle écriture
télévisuelle serait dont la solution des acteurs du paysage audiovisuel pour pallier aux
mutations que nous sommes en train de décrire. La mobilité est une autre conséquence de la
convergence numérique. L’auteur explique que « le téléphone, la télévision, l’ordinateur ne
sont plus des objets délimités par des frontières infranchissables, aux usages nettement
séparés ». 34
31
François JOST, « Où va la télévision ? De l’influence de la télévision numérique sur les programmes et la
programmation » dans Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD, Apogée, 2011, p 36.
32
Id., p 25.
33
Id., p28.
34
Id., p 33.
13
Cette mobilité pose le problème de la définition du public disponible et par conséquent celui
de l’audience publicitaire disponible au moment de la diffusion d’un programme.
Cependant, l’hypothèse d’accéder à son programme télévisé sur un terminal mobile sans
interruption entre son domicile et l’extérieur constitue pour l’auteur l’accroissement du
pourvoir de la télévision. Il nuance par ailleurs ses propos dans la mesure où le « public n’est
pas segmentable indéfiniment.35
» L’apparition d’une offre pléthorique de chaînes spécialisées
(cuisine, mode, sports extrêmes etc.) illustre bien le paradoxe de cette convergence
numérique. En effet, l’auteur observe que les chaînes de la TNT ayant le plus de succès sont
les chaînes généralistes. Il aboutit à la conclusion que la « télévision de marketing n’a pas su
découper le public et a raté sa cible 36
» et il souligne par ailleurs la résistance de la télévision
cérémonielle sur le support traditionnel.
Le téléspectateur, malgré les nouveaux usages de la télévision qui s’offrent à lui, préfère pour
le moment regarder les grands évènements sur l’écran classique de télévision, avec son
entourage. Cela nuance ainsi donc également l’idée que le taux d’équipement des foyers en
écrans fixes et mobiles révèle nécessairement un usage isolé des membres du foyer.
Le second article auquel nous nous intéressons est celui de Roei Amit, « La télé
connectée, ou comment la télévision se réinvente avec le web ». L’auteur revient sur les
thèses qui soutiennent la fin de la télévision. Ils les réfutent pour diverses raisons. Il pense
qu’au contraire que « les nouvelles technologies sont de formidables accélérateurs de
changement et non pas des tueurs qu’il faut redouter. 37
»
Pour l’auteur, nous assistons à des mutations très importantes qui marquent le renouvellement
de la télévision. La première mutation concerne le support de diffusion. « Une rupture s’est
introduite entre le support de la télévision et son contenu qui peut, aujourd’hui, être vu sur
une multitude d’écrans très différents dans des situations les plus diverses 38
». Ce changement
provoque la délinéarisation de la programmation et du rythme d’exposition du contenu que
l’auteur résume par l’expression « où je veux, quand je veux ». Il note que subsistent certains
aspects de la télévision traditionnelle telle que la posture adoptée devant son écran. Pour
35
Id., p 36.
36
Id., p 35.
37
Roei AMIT, « La télé connectée ou comment la télévision se réinvente avec le Web » dans Permanence de la
télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD, Apogée, 2011, p 39.
38
Id., p 41.
14
autant, la permanence de la télévision serait justement assurée par le renouvellement des
usages intrinsèques au Web.
En outre, il considère le web comme « un nouveau média en soi »39
avec la propagation d’un
nouveau mode de diffusion des contenus. Roei Amit envisage l’horizon de la télévision
connectée comme l’opportunité de réunir à la fois l’écran originel de la télévision et les
technologies de diffusion du Web. Ce qui ouvre le marché audiovisuel à de nouveaux acteurs
comme les constructeurs ou les opérateurs de téléphonie mobile. De plus, cette rencontre entre
les deux médias permet différents degrés d’implication pour le téléspectateur. Il a le choix de
rester plutôt passif ou au contraire d’atteindre un fort degré d’interaction avec le contenu.
Dans cet article, l’auteur n’apporte pas de réponse à la question de l’avenir de la télévision
prise dans la convergence numérique. Il reste cependant évident pour lui que « l’arrivée de la
télévision connectée s’inscrit dans la ligne des bouleversements majeurs qui réarticulent le
paysage audiovisuel. Plus que jamais ce phénomène confirme que la télévision n’est pas
seulement une affaire de technique ou de contenu diffusé, mais l’articulation fine de ces
divers éléments, surtout dans le contexte des usages. 40
»
Pour Thomas Paris, il y a quatre dimensions à prendre en compte dans les
transformations de l’audiovisuel. Il les explique dans son article « L’audiovisuel à l’ère du
Web. Eclatement des marchés et nouvelles prescriptions ».
Les technologies, le droit, les usages des consommateurs et les acteurs économiques
impliqués dans leurs positionnements et dans leurs stratégies évoluent ensemble pour créer un
mouvement complexe expliquant ces transformations.
L’auteur emploie le terme de « révolution » pour décrire les mutations traduites par « la mise
à mal de la notion de grille de programmes et la liberté nouvelle du consommateur, la
surabondance de l’offre et l’explosion des canaux de diffusion.41
» Il explique au fil de son
article que le modèle historique de l’audiovisuel qui comprend la production, l’agrégation, la
distribution, la diffusion et la consommation est remis en cause par la convergence. Il la
39
Ibid.
40
Id., p 48.
41
Thomas PARIS, « L’audiovisuel à l’ère du Web. Eclatement des marchés et nouvelles prescriptions », dans
Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD, Apogée, 2011, p 49.
15
définit comme « le fait de la désolidarisation des contenus et des contenants, la possibilité de
transmettre tous les contenus par tous les tuyaux et sur tous les terminaux.42
»
Il ajoute ensuite qu’Internet « a consisté en la construction d’un réseau dense, dans lequel
chaque nœud est à la fois récepteur et émetteur. 43
» C’est ce qui explique que la nature du
réseau de l’audiovisuel soit à ce point bouleversé, le nombre d’émetteurs étant à l’origine
restreint. Le réseau Internet permet désormais de multiplier l’offre de diffusion. Le
téléspectateur a une variété de choix et une variété d’utilisation.
Dans cet article, l’auteur aboutit à la conclusion que nous sommes arrivés à la fin de la
télévision unique. Celle-ci laissant place à l’éclatement du marché de l’audiovisuel. Il est alors
question d’un « nouvel équilibre dans lequel chaque acteur qui survivra sera positionné sur
une dimension particulière de la valeur : la capacité à fédérer autour d’évènements.44
»
Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans le modèle traditionnel de l’audiovisuel pour autant il
y a plusieurs modèles qui devront cohabiter. Les grandes chaînes devront trouver le moyen de
créer des évènements tandis que les chaînes plus spécialisées pourront se démarquer avec des
contenus premium. Il s’agit de la segmentation du marché qui découle de l’ère du Web.
Le dernier article étudié dans l’ouvrage de Gilles Delavaud est celui de Marie Thonon
intitulé « Arrêt sur écran 45
» et qui propose de confronter deux hypothèses : celle de la fin de
la télévision dans un premier temps avec celle de la permanence de la télévision dans un
second temps.
La sociologue explore d’abord la thèse de Jean-Louis Missika qu’elle résume par le fait que
c’est la révolution numérique qui lui permet d’annoncer la disparition de la télévision. Elle
précise que par disparition, il faut comprendre disparition du rôle essentiel de la télévision :
« celui d’un média-lien-social devenu nécessaire, naturel, pratique sociale et culturelle
devenue en si peu de temps, une véritable habitude de nos sociétés.46
» Elle résume cette
théorie par l’asservissement de la télévision à Internet.
L’auteur parcourt ensuite l’hypothèse inverse, celle de la permanence de la télévision. Plus
qu’une permanence il s’agit plutôt d’un renouvellement, d’une télévision différente. Elle
42
Id., p 51.
43
Ibid.
44
Id., p 53.
45
Marie THONON, « Arrêt sur écran », dans Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD,
Apogée, 2011.
46
Id., p 71.
16
récapitule cela en écrivant qu’il ne s’agirait « non plus la grand-messe du vingt heures, non
plus le zapping informatif et sans mémoire de l’actualité, non plus le débat démocratique
obligatoire où le refus de dialogue n’est plus rare, non plus l’émotion-langue de bois et de
pathos qui tient lieu de raison et d’analyse critique. Permanence-utopie qu’il faut tenir
vivante, alors que les termes du changement sont posés, techniques et radicaux.47
»
Pour comprendre les interrogations suscitées par la convergence numérique, l’auteur décrit
simplement qu’à chaque grand changement dans l’histoire des médias, il y a eu les mêmes
soupçons de disparation qui trônait sur le média précédent. Elle fait ainsi le parallèle entre les
suspicions de disparition du théâtre avec l’arrivée du cinéma ou de l’effacement de la peinture
face à l’émergence de la photographie. Il est donc tout à fait normal que la télévision se
cherche une place avec l’arrivée d’Internet. A cette réflexion s’ajoute celle des écrans en tant
que support. Une étude menée par Olivier Donnat en 2008 sur les pratiques culturelles des
Français à l’ère du numérique48
a permis de souligner que « l’irrésistible montée d’une
culture d’écran qui consiste à faire du "chez-soi ", un lieu privilégié de distraction et d’accès
à la culture au détriment des équipements culturels. 49
»
Pour Marie Thonon, la permanence de la télévision se situe dans sa capacité à maintenir une
communauté sensible et corporelle dans « l’océan numérique du monde de nos écrans »50
1.4 Télévision, l’ère du numérique
Cet ouvrage dirigé par Jean-Charles Paracuellos, ancien cadre dirigeant de France Télévisions
et Pierre-Jean Benghozi, directeur spécialiste de l’économie du numérique et des médias,
rassemble différents points de vue sur les profonds changements qui affectent le média
télévision. Sont étudiés, les enjeux techniques, juridiques, économiques et culturels. Dans le
cadre de notre recherche, nous reviendrons sur les enjeux de la numérisation soulevés par Jean
Dacié et sur la télévision au service du public et des annonceurs sous l’angle de Philippe
Santini et François Ober.
47
Id., p 73.
48
Olivier DONNAT, http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf « Les pratiques
culturelles des Français à l’ère du numérique », 2008.
49
Ibid.
50
Marie THONON, Op.cit., p 79.
17
Jean Dacié est expert du marché des nouvelles technologies et services audiovisuels.
Dans le chapitre trois de « Télévision, l’ère du numérique 51
», il revient sur les enjeux de la
numérisation. Il explique que l’on peut tout aussi bien parler de révolution que d’évolution
dans le sens où « l’internet reconfigure la télévision, et simultanément, la télévision propulse
les usages de l’internet.52
» Il pose ainsi la question de la dilution de la télévision avec
d’autres médias et particulièrement avec Internet. Pour répondre à cette problématique, il
renvoie à l’avènement du numérique en France et aux conséquences que cela a engendré.
C’est en 1996 que la télévision numérique arrive en France avec le lancement des bouquets
numériques. L’auteur propose une définition de la télévision numérique. Il s’agit d’une
télévision qui traite des signaux de type numérique : « la technologie de compression
numérique transforme les images et les sons en langage binaire (de type informatique). Cette
technologie permet ainsi de démultiplier les capacités de transmission : numérisées et
compressées, les images produites sont six à huit fois moins volumineuses que les images
analogiques correspondantes et de meilleure qualité pour l’image et pour le son.53
» Cet
allègement des contraintes techniques et à fortiori de coûts a engendré une multiplication des
offres de programmes et a vu naître une profusion de nouvelles chaînes. En outre, les services
associés à cette multiplication se sont développés et notamment des services interactifs.
L’auteur parle de l’avènement d’une « nouvelle télévision plus mobile et qui sort les écrans
du foyer, en créant de nouveaux usages.54
»
De nouveaux acteurs sont entrés dans ce marché comme les professionnels des
télécommunications qui proposent des offres multiple play comprenant téléphonie mobile,
télévision et internet. Les chaînes ont, elles aussi, étendu leurs offres en fournissant des
contenus enrichis, des jeux et des moyens d’interaction sur leur portail numérique. (MyTF1,
Pluzz, M6 Replay etc.)
Jean Dacié soulève ainsi le paradoxe du passage du premier média de masse au
développement d’une certaine « personnalisation 55
» de la télévision. La convergence des
médias s’illustre alors par le concept « Atawad » qui signifie « Anytime, Anywhere,
Anydevice ». Ces services sont apparus pour satisfaire la demande répondant aux nouveaux
51
Jean-Charles PARACUELLOS Et Pierre-Jean BENGHOZI, « Télévision, l’ère du numérique », La Documentation
Française, 2011.
52
Jean DACIE, Op Cit., p 63.
53
Jean DACIE, Op Cit., p 64.
54
Ibid.
55
Jean DACIE, Op Cit., p 65.
18
usages des consommateurs. L’auteur observe que très vite, le site YouTube a rencontré un
immense succès en moins de deux ans avec plus de 100 millions de visiteurs uniques.
Comment expliquer un tel succès ? Le site permet de partager des contenus gratuitement, sans
frontières et quasi instantanément. C’est pour endiguer le piratage et pour contrôler le contenu
que les acteurs de l’audiovisuel ont eux aussi créer leur plateforme d’accès à ces mêmes
contenus. Dans les faits, YouTube continue de jouir d’une position de leader sur Internet.
Néanmoins, force est de constater que la fréquentation des portails des chaînes ne cesse
d’augmenter.
Philippe Santini a été directeur général de France Télévisions Publicité jusqu’en 2012
tandis que François Ober est responsable des études prospectives à France Télévisions
Publicité. Le chapitre conjointement écrit envisage les différentes mutations auxquelles est
confrontée la télévision d’aujourd’hui.
Il faut appréhender l’audience en fonction des nouveaux usages. C’est l’un des défis majeurs
que les acteurs de l’audiovisuel devront relever. Pour les auteurs, « l’enjeu, pour le marché
publicitaire de la télévision, est désormais celui du passage d’une culture de la visibilité
probabilisée sur des publics de masse à une culture de l’économétrie prouvée sur des publics
de plus en plus morcelés ; celui du passage d’une évaluation à posteriori à une évaluation en
temps réel des comportements des téléspectateurs/consommateurs.56
» Nous verrons dans la
troisième partie notre travail quels outils ont été développés depuis la rédaction de cet ouvrage
pour mesurer les nouvelles formes d’audience.
Au moment où le livre a été rédigé, les auteurs ont utilisé des données qui indiquaient qu’il
n’y avait pas de substitution entre la fréquentation du média télévision et le média Internet.
Les Français passaient en moyenne 3h25 par jour devant la télévision (2009) tandis
qu’Internet occupait la quatrième place dans le classement de fréquentation des médias.
Par ailleurs, le téléviseur classique demeure au centre des équipements multimédia du foyer
malgré la multiplication des supports de diffusion de contenus audiovisuels en 2009.
Toutefois, les auteurs étaient conscients de la rapidité des mutations engendrées par la
convergence numérique. C’est pourquoi, ils se sont prêtés à un exercice d’anticipation des
bouleversements à venir. Ils supposent ainsi que l’ergonomie naturelle de l’Internet sera
préférée au détriment de l’écran classique, entraînant pour conséquence la dilution de la
56
Philippe SANTINI et François OBER, Op Cit., p 109.
19
notion même de chaîne. On pourra alors considérer que « le véritable prime time de ce nouvel
écran sera constitué par des marques programmes fortement identitaires et identifiées,
développées à l’origine dans l’univers de la télévision, mais qui auront su créer les conditions
d’un déploiement et d’une visibilité plus large, notamment sur internet.57
»
Alors que pour Jean-Louis Missika, la délinéarisation de la consommation télévisuelle
apparait comme un élément favorisant la thèse de la disparition de la télévision, Philippe
Santini et François Ober considèrent au contraire que c’est ce qui lui permet de se renouveler
et d’appréhender au mieux cette convergence entre les médias. La délinéarisation représente
« la reconquête de la valeur des marques des grandes chaînes hertziennes traditionnelles.58
»
Proposer des services en plus de la simple diffusion revient à offrir des services
« complémentaires à l’offre de télévision linéaire, sans détourner les téléspectateurs de
l’écoute en direct et en maintenant le lien avec les programmes des chaînes. 59
»
Il faudra donc être attentif à trouver un moyen de mesurer cette nouvelle forme d’audience
pour être en adéquation avec ces mutations d’usages afin de les évaluer et de permettre une
valorisation commerciale crédible.
PROBLEMATIQUE GENERALE
A la lecture des ouvrages, on peut observer que la télévision fait l’objet de fortes mutations. A
la fois sur le plan des supports mais également du point de vue du contenu offert aux
téléspectateurs.
Il résulte de ces lectures des avancées évidentes que certains auteurs qualifient de
« révolution ». Celle-ci se traduit par une consommation télévisuelle sur de multiples supports
et l’accès à des contenus enrichis. L’interactivité du téléspectateur s’est par conséquent
accrue. Se manifestant auparavant par une interprétation personnelle, elle se traduit
aujourd’hui par une intervention directe dans le contenu des émissions.
Si cette évolution est très présente dans le paysage audiovisuel français, il convient tout de
même de rappeler que l’interactivité telle que nous venons de la définir, existe depuis les
années 70.
57
Id., p 114.
58
Id., p 115.
59
Ibid.
20
La convergence numérique, en tant qu’ « altération le rapport entre les technologies les
industries, les marchés, les genres existants, d’un côté et les publics de l’autre est un
processus et non un point final.60
» Pour autant, elle modifie considérablement le paysage
médiatique.
Par ailleurs, les auteurs des différents ouvrages pointent également les limites de cette
révolution. Fragmentation de l’audience, délinéarisation de la consommation télévisuelle,
concurrence des nouveaux acteurs, risque de dépendance vis-à-vis des plateformes sociales en
sont les principaux risques soulevés. Pour certains auteurs, ces signes annoncent la disparition
de la télévision. Pour d’autres en revanche, il s’agit d’opportunités de renouvellement. Tous
s’accordent à dire que le modèle de la télévision traditionnelle s’essouffle.
On peut alors se demander si la télévision ne tend pas à se fondre avec l’usage d’internet. Cela
suppose une concurrence entre les deux médias. Il faut par conséquent s’interroger sur les
impacts de cette fusion si elle a lieu, entre les différents acteurs de l’audiovisuel et la
modification de la relation que ceux-ci entretiennent avec le public.
II. HYPOTHESES
A la lecture de ces recherches, nous pouvons mettre en exergue plusieurs hypothèses
concernant la question de la fusion entre le média internet et le média télévision. S’il est vrai
que les auteurs s’accordent sur le fait que nous traversons une période charnière dans
l’industrie des médias, il semble toutefois qu’ils n’aboutissent résolument pas aux mêmes
conclusions. Néanmoins, les trois hypothèses se distinguent nettement de nos lectures. La
convergence modifie le rapport entre les deux médias et la télévision s’en trouve
naturellement affectée.
2.1 La convergence modifie l’usage de la télévision grâce à la mobilité des
nouveaux supports.
Le multitasking désigne le fait de faire plusieurs tâches en même temps. Cette expression est
très utilisée dans le langage des médias notamment depuis la multiplication des canaux de
diffusion. Tablette tactile, Smartphone, ordinateur portable sont autant d’écrans mobiles mis à
la disposition des individus. Aujourd’hui, chaque foyer possède environ 8 écrans. Il y a donc
60
Henry JENKINS, Op Cit,. p 35.
21
une nouvelle consommation sur support mobile qui s’est développée en France entrainant
naturellement des conséquences sur tous les médias. La presse peut être lue au format
numérique, la radio peut être écoutée depuis un support mobile grâce à une connexion internet
et bien entendu la télévision peut être regardée depuis ces supports. Il y a des programmes
télévisuels qui se prêteraient davantage à la mobilité. En outre, la segmentation du public
entraîne nécessairement une obligation pour les annonceurs de repenser le marché
publicitaire. Cette multiplication des supports de diffusion est également marquée par l’entrée
de nouveaux acteurs dans le marché audiovisuel. En effet, fournisseurs d’accès à internet et
opérateurs mobiles y voient eux-aussi leurs intérêts. L’autre question sous-jacente à cette
hypothèse est celle de la notion d’écran. L’écran classique - téléviseur - qui siège dans le
salon des Français a-t-il encore un avenir ? Par ailleurs, la mobilité des écrans supposent aussi
que nous puissions en regarder plusieurs à la fois. Cela pose donc la question de la place de
l’écran compagnon ou second écran, dans les programmes télévisuels. Les producteurs et les
diffuseurs ont tout intérêt à tenir compte de cette évolution des usages pour attirer le
téléspectateur et pallier à la fragmentation de l’audience. Cela permet également de renforcer
la marque d’une émission.
2.2 La convergence donne une plus grande part d’interactivité entre les
programmes et les téléspectateurs.
L’engagement du téléspectateur a évolué en même temps que la télévision. Le passage d’un
mode passif à un mode actif s’est fait par étapes. Francis Balle considère notamment que le
zapping a été la première forme d’interactivité proposée au téléspectateur. « Le choix offert à
l’usager est d’autant plus significatif que le nombre et la diversité des chaînes
augmentent.61
»En lui donnant la possibilité de choisir le programme qu’il souhaitait voir, le
téléspectateur devenait actif.
Aujourd’hui, la participation de l’individu qui regarde un programme a assurément changé
puisqu’il a désormais la possibilité d’impacter directement le programme qu’il regarde.
De nombreux moyens sont mis en œuvre par les chaînes et par les sociétés de production pour
permettre cette interactivité nouvelle. Dispositif, plateforme sociale, utilisation intensive des
réseaux sociaux, occupent une place de plus en plus importante dans les émissions. Certains
programmes vont même jusqu’à modifier leur écriture pour rajouter ses aspects sociaux et
61
Francis BALLE, Op Cit., p 205.
22
techniques dans l’essence du concept. Les grandes chaînes s’intéressent de plus en plus à ce
genre d’émissions. En témoigne le succès de la boite de production israélienne Keshet au
MIPTV 2013 et 2014 avec le rachat par M6 et TF1 de « Rising Star » et « Boom » : deux
programmes qui placent l’interactivité au cœur de leur concept.
L’autre point à soulever est celui de la place des réseaux sociaux dans ces dispositifs et
l’utilisation qui en est faite par les diffuseurs. L’audience sociale a-t-elle un impact sur
l’audience réelle d’un programme ? La question est de savoir à qui s’adressent ses dispositifs.
La convergence incite à une plus grande part d’interactivité entre émetteur et récepteur, pour
autant la télévision de demain doit-elle nécessairement impliquer le téléspectateur pour
continuer d’exister en tant que média à part entière ? C’est la question que soulève cette
hypothèse.
2.3 La convergence engendre des mutations dans la consommation de la
télévision.
La dernière hypothèse relève des risques relevés par certains auteurs concernant la possible
fusion des médias internet et télévision. La convergence, puisqu’elle se traduit par des
innovations techniques, entraîne à fortiori des changements dans la consommation de la
télévision. Comme nous l’avons déjà dit, la télévision était autrefois cet écran qui trônait dans
les salons, créateur de lien social et surtout à l’origine d’une fidélisation de l’audience autour
d’un rendez-vous. Qu’en est-il aujourd’hui ? La multiplication des supports de diffusion et
l’émergence de nouveaux dispositifs sont à l’origine de plusieurs phénomènes. Dans un
premier temps, on peut supposer que l’audience sera amenée à être fragmentée dans la mesure
où chaque membre du foyer pourra regarder le programme de son choix sur l’écran de son
choix. Dans un second temps, les recherches nous amènent à penser que nous devrons faire
face à la délinéarisation de la consommation télévisuelle. Ce dernier phénomène remet en
cause certains principes ancestraux de la télévision, notamment l’instauration d’un rendez-
vous et de ce que Jean-Louis Missika appelle « l’être-ensemble ».62
Le principe de fidélisation du téléspectateur sous-jacent à celui de rendez-vous est affecté. Le
téléspectateur a désormais le choix du programme qu’il souhaite regarder parmi des centaines
de chaînes. Il peut choisir le moment, le support, le lieu et même le contenu. Il peut choisir de
n’en regarder qu’une partie. Toutes ces marges de manœuvre mettent à mal les annonceurs. Il
62
Jean-Louis MISSIKA, Op.cit., p 45.
23
devient plus difficile de cibler le public d’un programme et la délinéarisation de la
consommation télévisuelle entraîne inévitablement une dévalorisation des espaces
publicitaires.
On suppose enfin qu’il y a une déstructuration du modèle de flots de Miège qui fait référence
à des produits « caractérisés par la continuité et l’amplitude de leur diffusion ; ceci impliquant
que chaque jour de nouveaux produits rendent obsolètes ceux de la veille. »
III. LE TERRAIN
3.1 Critères retenus pour la constitution de corpus
Le prime-time du samedi soir est le rendez-vous incontournable d’une grille de
programmation. Les diffuseurs mettent en avant leurs meilleurs programmes pour atteindre la
meilleure audience. Les annonceurs affectionnent évidemment cette fameuse case en or.
TF1 est la première chaîne française. La chaîne enregistre 99 des 100 meilleures audiences de
l’année 201363
. En trois ans, la chaîne a réussi à moderniser le genre du télé-crochet en
proposant l’émission The Voice, produit par la société de production Shine France. Au fil des
trois saisons, l’émission a évolué en cohérence avec les mutations subies par la télévision. Par
ailleurs, le programme réunit chaque samedi soir plusieurs millions de téléspectateurs et
réalise les meilleures audiences face à la concurrence des autres chaînes. La société de
production Shine France estime qu’elle n’a pas vendu un programme mais un « packaging »
incluant ainsi des contenus enrichis et des dispositifs innovants en adéquation avec
l’évolution de la télévision. C’est pourquoi il apparait intéressant de retenir l’émission The
Voice pour la constitution du corpus de cette recherche.
Il faut préciser que TF1 dispose d’une plateforme digitale importante, MyTF1. Celle-ci
permet aux téléspectateurs de jouir de tous les services enrichis proposés. Nous pourrons ainsi
évaluer l’impact des nouveaux services proposés sur un programme aussi fort, qui par ses
courbes d’audience, ne semble pas nécessiter de contenus supplémentaires.
La société de production Shine France se démarque par sa capacité à s’adapter aux mutations
de la télévision et propose des programmes innovants aux diffuseurs. On peut penser que c’est
63
Communiqué de presse TF1, 30 décembre 2013
http://www.bouygues.com/wpcontent/uploads/2013/12/Communiqu%C3%A9-TF1-Bilan-2013-VF.pdf
24
un pari osé pour les chaînes de diffuser certains programmes car la question est de savoir si la
révolution sociale est en phase avec les évolutions technologiques.
La chaîne M6 a par exemple acheté le programme « Qu’est-ce que je sais vraiment ? »
constitué de quatre épisodes diffusés en prime-time, à 20h50 le jeudi.
Le concept est de participer à l’émission de chez soi, de la même façon que les candidats
présents sur le plateau. Il s’agit d’un quizz de culture général proposé à des célébrités et des
étudiants en plateau. Le téléspectateur, grâce à l’application 6Play accède aux questions en
temps réel et peut y répondre. On lui propose ensuite de comparer ses résultats avec les autres
internautes en fonction de sa région et avec les invités du plateau. L’internaute qui obtient le
meilleur score à la fin du jeu remporte un gain. Il semble donc opportun d’insérer ce
programme au corpus de notre étude et d’évaluer ce que propose réellement cette émission au
téléspectateur et si les promesses d’innovation sont à la fois tenues et si elles rencontrent
l’adhésion du public.
Enfin, le dernier support de notre corpus est la mini-série « What Ze Teuf » diffusée sur D8
pendant trois semaines.
L’idée est de faire un programme court de quinze épisodes de deux minutes chaque soir juste
après la case de l’access prime time (18h30- 20h25) forte du succès du talk-show « Touche
pas à mon poste ! » Cette émission réunit quotidiennement entre 1 et 1.5 millions de
téléspectateurs, plaçant régulièrement la chaîne en tête des chaînes de la TNT.
Concernant la mini-série, un scénario de départ a été élaboré. Deux jeunes hommes se
réveillent dans l’appartement de l’humoriste Elie Sémoun, après une soirée pleine
rebondissements. Ils ne se souviennent plus de rien et chaque soir ils vont croiser la route
d’une célébrité qui les aidera à éclaircir les zones d’ombres de cette fête.
Si le pitch de départ est imposé, le déroulement de la fête et la raison pour laquelle ils se sont
réveillés dans cet appartement demeurent mystérieux. Même pour l’équipe de tournage. Le
concept est de tourner la suite de l’épisode pilote tous les jours en fonction du meilleur
scénario proposé par un internaute sur Twitter. L’internaute rédige en 140 caractères une suite
pour la série suivi du hashtag (mot dièse) « #WhatZeTeuf »
La seule chose imposée par l’équipe de la série est la célébrité du lendemain.
Il est intéressant de choisir ce programme dans notre corpus puisqu’il illustre la participation
poussée à l’extrême du téléspectateur dans un contenu audiovisuel. Il s’agit d’une
participation poussée à son extrême dans la mesure où le téléspectateur peut intervenir
25
directement sur le contenu du programme. Il est donc pertinent de voir si cette participation
fonctionne.
3.2 Exposé des méthodes d’analyse et de recherche
Nous avons sélectionné deux types de méthodes afin d’apporter des éléments de
réponse aux trois hypothèses formulées précédemment.
Dans un premier temps, nous nous appuierons sur des données dites de seconde main. Il s’agit
des mesures d’audience d’instituts spécialisés et des études d’observatoire et de cabinets.
Nous utiliserons donc les courbes d’audiences réalisées par Médiamétrie et Mesagraph pour
appréhender l’impact réel de la participation des téléspectateurs dans le contenu des
programmes qui constituent le corpus.
Nous utiliserons également des données plus générales inhérentes aux comportements et
usages du média télévision ancré dans la convergence. Pour cela, nous exploiterons les
données du Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) publiées dans Le guide de la
télévision 2014. L’étude sur les usages et les interactions télécom et média, réalisée par le
cabinet Deloitte sera une source supplémentaire ainsi que le rapport sur l’économie de la
télévision de rattrapage en 2013 publié par le Centre National du cinéma et de l’image
animée.
Enfin, nous avons utilisé la méthode de l’entretien pour bénéficier d’une autre source de
résultats exploitables. Il s’agit d’une méthode classique qualitative spécifique à l’Internet.
Dans le cadre de notre travail, les entretiens réalisés furent semi-directifs puisque les enquêtés
ont été orientés volontairement vers des thématiques en lien avec notre étude.
Dans un premier temps, nous avons interrogé Monsieur Olivier Abecassis, directeur général
de MyTF1, le portail de la chaîne et fondateur de Wat.tv, la plateforme de partage de vidéos.
Lui proposer un entretien a semblé très pertinent dans la mesure où la chaîne TF1 est la
première chaîne de télévision généraliste de France. Il s’agit du diffuseur de l’émission « The
Voice » qui compose notre corpus. TF1 est une chaîne historique privatisée par Bouygues en
1987. En 2000, le groupe TF1 crée la filiale TF1 Digital et ne cesse depuis de se développer
sur tous les supports. Avec la multiplication des chaînes de télévision et l’essor du
multitasking, les chaînes historiques sont les plus exposées aux risques soulevés
précédemment.
Le second enquêté fut Monsieur Lionel Abbo, directeur du développement et du digital au
sein de la société de production Shine France. Il s’agit de la société de production de
26
l’émission « The Voice » et de l’émission « Qu’est-ce que je sais vraiment ? », toutes deux
présentes dans notre corpus de recherche. Il a semblé pertinent d’effectuer cet entretien dans
la mesure où les enjeux étudiés dans ce travail concernent directement les producteurs de
programmes. Leur pari étant de proposer des formats en adéquation avec les mutations subies
par la télévision.
3.3 Présentation des résultats
A. « The Voice » TF1
L’émission « The Voice » est un télé-crochet musical diffusé pour la première fois en
France sur TF1 en 2012 à 20h50 le samedi soir. Composé de quatre parties, le programme
réalise chaque année des records d’audience. Dans la première phase de l’émission, « les
auditions à l’aveugle », des candidats se présentent face à un public et à quatre fauteuils
retournés. Il s’agit des fauteuils des coachs, composés de quatre chanteurs populaires. Leur
but est de composer une équipe de seize candidats. S’il l’un d’eux se retourne durant la
prestation du candidat, ce dernier intègre l’équipe du chanteur. Si plusieurs coachs se
retournent, c’est le candidat qui choisit l’équipe qu’il souhaite rejoindre. Dans le cas où
personne ne se retourne, le candidat est définitivement éliminé. Cette partie du programme
n’est pas diffusée en direct. Elle est enregistrée plusieurs semaines à l’avance et montée.
C’est également le cas de la deuxième phase de l’émission, celle des « battles ». Deux
candidats de la même équipe s’affrontent sur la même chanson à l’issue de laquelle le coach
désigne le vainqueur qui poursuivra l’aventure. Deux talents qui auraient échoués à cette
épreuve peuvent être récupérés par un coach d’une équipe concurrente. Chaque équipe est
alors constituée de 9 talents.
La troisième phase du programme, « l’épreuve ultime », oppose les talents par groupe de
trois, au sein de la même équipe. Chaque candidat chante la chanson de son choix devant les
coachs et le public. Le coach désigne ensuite les deux prestations sauvées pour la prochaine
étape du jeu. Il ne reste alors que 6 talents dans chaque équipe. Cette étape est également
enregistrée et non diffusée en direct.
Enfin la dernière étape, celle des « shows en direct » est diffusée en direct et en public. Les
candidats s’opposent toujours au sein de leur équipe. Lors des premiers primes, seuls trois
candidats par équipe s’affrontent. L’un est sauvé par le public, le second par son coach, le
27
troisième est éliminé. Après sa prestation, le candidat est invité à aller dans la « V-room » afin
de pouvoir répondre aux messages des internautes durant l’émission. Après chaque émission,
en deuxième partie de soirée (23h25), la chaîne diffuse « The Voice, la suite ».
La finale oppose les candidats de chaque équipe et le vainqueur est désigné par les votes des
téléspectateurs, par appels téléphoniques et sms.
Nous avons choisi d’étudier le dispositif « second écran » mis en place durant l’émission via
l’application « connect » du site mytf1.fr et d’observer les courbes d’audience classique et
sociale afin de mesurer l’efficacité et l’impact de ces nouveaux services. Nous nous sommes
concentrés sur la saison 3 du programme diffusée à partir du 11 janvier 2014 et qui s’est
achevée le 10 mai 2014.
Nous utiliserons les courbes d’audience des émissions diffusées le 11 janvier, le 8 février, le 8
mars, le 12 avril, le 3 mai et le 10 mai afin de mesurer l’évolution du programme au fur et à
mesure des différentes phases. De plus, nous exploiterons les données de l’observatoire
d’audience sociale Mésagraph.64
Date de diffusion
Sur TF1 à 20h50
le samedi soir
11 JANVIER
(lancement)
8 FEVRIER 8 MARS 12 AVRIL 3 MAI 10 MAI
(Finale)
Nombre de
téléspectateurs
(en millions)
9, 808 000 8, 052 000 6, 843 000 5, 736 000 5, 730 000 6, 180 000
Part de marché
sur les + de 4 ans
(en pourcentages)
40,5 36,1 31,4 27,8 26 28,7
Nombre de
tweets
530 318 200 131 115 194 104 749 198 609 293 508
On observe d’abord une chute de l’audience au fil des mois. Cependant, il est important
d’ajouter que le programme a réalisé la meilleure audience télévisuelle, toute chaîne
confondue, chaque samedi dès la première diffusion.
64
http://blog.mesagraph.com/
28
On peut également expliquer le record historique du 11 janvier par le fait qu’il s’agissait de la
première diffusion et que le lancement d’un programme est perçu comme un évènement et
suscite la curiosité des téléspectateurs.
On constate que lors de la première diffusion, il y avait environ 5% des téléspectateurs de
« The Voice » qui interagissaient durant l’émission. Cette proportion tend à baisser elle aussi
au fil des émissions pour stagner autour de 2% à 3%. On note tout de même un sursaut pour le
soir de la finale avec environ 5% des téléspectateurs qui ont tweetés sur le programme durant
la soirée. Il s’agit de la même proportion qu’au moment du lancement en janvier. Par ailleurs,
TF1 est resté leader face à l’Eurovision, diffusée ce soir-là sur France 3 et qui est également
considérée comme un « évènement ».
Néanmoins, il apparaît que cette pratique demeure très marginale pour le moment. Le
programme fonctionne très bien en audience classique. Il s’agit d’un format qui séduit. Olivier
Abecassis explique cet engouement « parce qu’on a 6 à 9 millions de téléspectateurs qui
regardent le samedi soir. Mais par ailleurs, il y a des gens qui le samedi soir font autre chose.
Soit ils regardent la télé sur une autre chaîne, soit ils font autre chose. A ceux-là on va leur
permettre de regarder le programme à un autre moment par le replay et puis d’en avoir plus
autour de plus de contenus sur un participant ou sur autre chose »
Effectivement il y a une montée de la catch-up TV en France. Il s’agit de la télévision de
rattrapage. Cela correspond « à l’ensemble des services permettant de voir ou revoir des
programmes après leur diffusion sur une chaîne de télévision, pendant une période
déterminée, gratuitement ou sans supplément dans le cadre d’un abonnement »65
65
CNC, « L’économie de la télévision de rattrapage en 2013 », mars 2014, http://www.cnc.fr/web/fr/etudes/-
/ressources/4794944 p 5.
29
On observe que la consommation de la télévision de rattrapage est en progression sur les
supports mobiles. En janvier 2013, il y avait 6.1 millions de vues sur téléphones et tablettes.
En décembre 2013, on en comptait plus de 49 millions. Cette consommation mobile se fait
aux dépens de la consommation sur ordinateur bien que le nombre de vues reste presque deux
fois supérieur. On peut donc en conclure que la télévision devient de plus en plus mobile, ce
qui confirme bien notre seconde hypothèse. De plus, l’IDATE (L’Institut de l’audiovisuel et
des télécoms en Europe),66
présage que la tablette tactile sera le premier écran de télévision
dans les foyers. Cette étude prévoit une montée croissante de l’individualisation des usages de
la télévision et un accroissement de la mobilité.
Le rapport de la SNPTV 201467
revient sur l’audience de la catch-up tv en 2013 et confirme
l’hypothèse de délinéarisation des usages puisque cette pratique progresse tous les jours.
66
http://www.idate.org/en/News/Future-Telecom-2025_842.html
67
SNPTV, « Les + de la TV 2014 », http://snptv.org/actualites/plus-tv.php , p 104.
30
L’audience principale de la catch-up tv est composée des CSP+ et des individus ayant moins
de 35 ans. On peut l’expliquer par la nécessité d’être équipé. Il faut disposer d’une connexion
internet et d’au moins un terminal connecté. Les moins de 35 ans ont du temps disponible
comme l’explique Olivier Abecassis, « Au début le replay c’était vu uniquement par les
jeunes, dont on sait qu’ils regardent moins la tv en moyenne. Si les français regardent 3h50
par jour la tv, les 12-24 ils la regardent deux heures. Donc on sait qu’ils sous-consomment la
tv mais pas moins qu’avant, et ils vont de plus en plus sur internet. Cependant, en France, ils
ne quittent pas la tv pour aller sur internet.»
31
Même si les 14-24 ans sont ceux qui ont le plus recours à la télévision de rattrapage, on peut
noter que c’est un usage qui gagne progressivement toutes les catégories. Olivier Abecassis
explique cette tendance le fait que ce soit « simple et parce que le bénéfice client est fort. Le
fait de pouvoir revoir un programme parce qu’on était occupé lors de sa diffusion, c’est un
bénéfice qui concerne 100% des utilisateurs. Quand un bénéfice concerne 100% des
32
téléspectateurs, il se répand. » On observe d’ailleurs qu’un senior (+ de 50 ans) sur cinq
regarde la télévision en rattrapage ou sur un autre écran, d’après une étude Médiamétrie.68
La question sous-jacente est celle des nouveaux dispositifs. Si le replay s’est ancré dans les
habitudes des téléspectateurs, en sera-t-il de même en ce qui concerne l’usage du second
écran ? Analysons le dispositif proposé par MyTF1 à propos de « The Voice » :
68
Médiamétrie, 9 avril 2014, http://www.mediametrie.fr/television/communiques/global-tv-les-seniors-
adeptes-du-replay-et-du-second-ecran.php?id=1045
33
De nombreux services sont mis en place et notamment celui du « 5e
coach ». L’internaute a la
possibilité de composer sa propre équipe de talents lors des premières épreuves à l’aveugle
sur l’application « Connect » de MyTF1. Le gaming est une pratique fréquente du second
écran. Pour Lionel Abbo, « le rôle du second écran va être d’accentuer la concentration sur
le premier écran par des contenus enrichis. Je pars du principe que si le téléspectateur est
déconcentré de l’écran principal il va jouer sur son smartphone ou regarder ses emails. On
va se poser la question des dispositifs à mettre en place pour recentrer l’attention du
téléspectateur. Par exemple on a mis en place le 5e
coach dans The Voice, pour solliciter la
mobilisation du public qui doit écouter la prestation du candidat pour la juger. Ce qui
nécessite qu’il soit attentif à l’écran principal. » Ce dispositif permet de pallier à la
fragmentation de l’audience causée par le multitasking.
La chaîne cherche à attirer le téléspectateur. Dans ce programme, l’idée est de rassembler
plusieurs parts marginales. Après chaque prime en direct, il est possible de télécharger les
chansons interprétées par les candidats sur iTunes. On peut penser que c’est une façon
d’attirer un public plus large. Ces services peuvent être consommés avant ou après avoir
regardé le programme. Un individu qui n’a jamais regardé « The Voice » mais qui est amateur
34
de musique, peut, en allant sur iTunes être amené à écouter un titre réinterprété par un
candidat. Si le titre lui plaît, cela peut lui donner envie de regarder le samedi prochain.
Par ailleurs, l’application prévoit l’utilisation des réseaux sociaux pour partager son opinion
avec sa communauté Twitter, Facebook et même avec ses contacts emails. Voici un exemple
de ce qui était proposé lors de la diffusion de la finale du 10 mai. L’internaute est invité à
tweeter en cliquant simplement sur le logo du réseau social. Un tweet pré-écrit s’affiche. Ce
même message apparaît également si l’on clique sur le logo Facebook ou sur celui de la boite
35
de messagerie. D’après la grille d’observation69
proposée par Josiane Jouët et Coralie Le
Caroff dans le chapitre 7 de l’ouvrage « Manuel d’analyse du web » de Christine Barats, il
s’agit d’indicateurs du lien social électronique qui « réfère explicitement à la production
d’échanges entre les membres d’un site ou d’une plateforme relationnelle. […] L’échange
interne au site se double de la mise à disposition d’outils de partage de contributions
personnelles et/ou de liens vers d’autres espaces numériques que ce soit pour une diffusion de
flux RSS ou dans les réseaux de l’internaute.70
»
L’interface de l’application de MyTF1 propose de voir le programme en direct (en haut à
gauche), en bas à gauche, le téléspectateur peut jouer simultanément et sur la plus grande
partie de l’interface, il peut donc partager son expérience télévisuelle.
« L’instant replay » est également une pratique du second écran. Elle consiste à revoir les
trente dernières secondes du programme et à les partager au sein de ses communautés.
L’avantage est de permettre au téléspectateur de ne pas être déstabilisé par son autre activité
(jeux, réseaux sociaux) et cela crée du flux autour du programme. Si le téléspectateur qui
regarde décide de partager un instant de l’émission avec ses amis Facebook, l’un de ses amis
qui ne regardait pas initialement le programme pourra être tenté de le faire après le visionnage
de la vidéo. L’audience peut donc être élargie grâce à l’audience sociale.
Dans ce cas, on peut donc dire que la convergence encourage l’interactivité entre le
programme et le téléspectateur. Les réseaux sociaux permettant un impact plus conséquent.
Cet exemple, ne nous permet toutefois pas d’affirmer qu’il y a un réel renouvellement de
l’interactivité. Le sociologue Dominique Wolton estime que « le rôle essentiel de la télévision
est autant d’assurer la communication des programmes et des images que de constituer une
sorte de lien invisible entre des millions de citoyens que tout sépare dans une société de plus
en plus atomisée.71
»
Ce lien social se renouvelle sans doute grâce à l’essor des réseaux sociaux. Il n’en reste pas
moins qu’employer le terme de « révolution » reflète une vision de la réalité décalée.
69
Josiane JOUET et Coralie LE CAROFF, Chapitre 7 « L’observation ethnographique en ligne » dans « Manuel
d’analyse du web » de Christine BARATS, Armand Colin, 2013, p 150.
70
Josiane JOUET et Coralie LE CAROFF, Op Cit., p 152-153.
71
SNPTV, « Les + de la TV 2014 », http://snptv.org/actualites/plus-tv.php , p 118.
36
B. « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » M6
L’émission « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » a été diffusée sur M6 les jeudis 13 mars,
20 mars, 27 mars et 3 avril 2014 à 20h50. Il s’agit d’un quizz de culture générale opposant un
public d’étudiants munis d’une télécommande de jeu et des candidats issus de la télévision.
Chaque célébrité défend une association et le vainqueur du quizz remporte de l’argent pour
son association. Le meilleur joueur du public remporte un gain. L’originalité de ce quizz
réside dans l’interaction proposée avec les téléspectateurs. Ceux-ci ont la possibilité de
répondre simultanément aux questions sur l’application 6play, plateforme de la chaîne M6.
Après s’y être inscrit brièvement en renseignant son âge, son sexe et sa région d’habitation.
Le meilleur joueur-téléspectateur remporte lui aussi un gain.
Ce qui apparaît d’emblée comme une limite au concept est que ceux qui ne jouent pas en
regardant le programme peuvent très vite se lasser. Il y a donc un risque d’exclusion d’une
partie du public alors qu’M6 est une chaîne généraliste historique. Fondée en 1987, elle
rassemble plusieurs millions de téléspectateurs chaque soir. La contre-programmation fait
partie de l’ADN de la chaîne. Depuis son lancement, M6 propose par exemple un journal
télévisé de très courte durée (le 6 minutes, le 19-45) s’opposant ainsi aux traditionnels 20
heures de TF1 et France 2. C’est une chaîne qui tente d’innover. En 2013, elle rachète le
format israélien « Rising Star » à la société de production Keshet. Il s’agit d’un télé-crochet
musical où les candidats sont sélectionnés par les téléspectateurs qui votent à travers
l’application mise en place sur la plateforme de la chaîne. Apres 70% d’approbation des
téléspectateurs, un mur s’ouvre face au candidat qui obtient son billet d’accès pour la seconde
étape du concours de chant. La diffusion de ce programme est prévue pour le mois de
septembre 2014 sur M6. La chaîne a donc testé un format interactif avec « Qu’est-ce que je
sais vraiment ? » afin d’évaluer l’engagement du téléspectateur. Analysons les audiences :
Date de diffusion
sur M6
13 MARS 20 MARS 27 MARS 3 AVRIL
Nombre de
téléspectateurs
(en millions)
3, 347 000 2, 505 000 2, 630 000 2, 392 000
Part de marché
sur les + de 4 ans
(en pourcentages)
14, 9 11,4 12, 1 10,5
37
Nous avons choisi de ne pas analyser les audiences sociales en termes de tweets mais de
mesurer l’impact entre l’audience réelle et le nombre de téléspectateurs ayant participé à
l’expérience interactive avec le second écran. Nous ne disposons pas de chiffres précis.
Cependant, Lionel Abbo nous a assuré qu’environ 500 000 téléspectateurs ont participé au
second écran à chaque diffusion. La presse a repris cette estimation également. Nous partirons
donc du postulat que cette information est vraie.
Dans un premier temps, on observe que l’audience réelle chute continuellement au fil des
diffusions alors que l’audience du second écran est stable. On peut penser qu’il s’agit du
noyau dur de l’audience. Olivier Abecassis explique que « M6 a annoncé des bons scores
d’audience sociale pour le jeu « qu’est-ce que je sais vraiment ?» alors qu’en vérité le
programme n’a cessé de baisser en audience réelle, probablement parce que si on n’était pas
avec sa tablette devant le programme, on s’ennuyait à mourir. Donc la question c’est
comment ne pas être excluant pour les autres. »
Il y a effectivement deux constats qui découlent de ces résultats statistiques.
Le premier est que le format a suscité l’adhésion d’une partie du public et on ne peut pas
parler d’un échec d’audience d’autant plus que l’émission est arrivée deuxième et troisième
dans le classement des audiences ces soirs là en France. De plus, un téléspectateur sur cinq
était actif sur le second écran et participait au jeu. Lionel Abbo explique cet engouement. « Le
dispositif second écran de « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » a fonctionné avec presque un
demi-million de connectés chaque soir parce que c’est un dispositif extrêmement simple. Il
fallait répondre à des questions sur son application, réponse A, B ou C. il n’y avait pas
d’inscription ou de photo à mettre. Il n’y avait pas de barrière à l’entrée. » Il soulève ainsi un
point extrêmement important sur lequel les deux enquêtés s’accordent, celui de la simplicité
d’usage. En effet, la facilité d’accès à ces dispositifs est un critère prépondérant. C’est ce
qu’évoquait Olivier Abecassis sur le replay. Toutefois, il expliquait l’importance du service
exploitable par 100% des utilisateurs. Ce qui n’est pas le cas de ce format.
Le deuxième point est donc que le succès de l’émission est nuancé. Le programme a perdu
continuellement des parts de marché même si le noyau dur est resté. Ce qui illustre que pour
rester devant l’émission, mieux valait disposer d’un second écran et souhaiter l’utiliser. Lionel
Abbo parle d’équilibre. « L’interactivité apporte une expérience enrichie au téléspectateur
qui a envie de la vivre. Mais elle ne doit pas déranger celui qui n’en a pas envie. »
38
Si l’on se réfère au graphique de la SNPTV72
, on constate que 48% des télénautes sont âgés
de moins de 35 ans.
72
SNPTV, « Les + de la TV 2014 », http://snptv.org/actualites/plus-tv.php , p 123.
39
En proposant un programme dont l’essence relevait du principe même de participation active
dans le programme, M6 a pris le risque de segmenter davantage son public. Un public qui n’a
peut-être pas envie d’interférer à ce point dans l’émission. Ce qui remet en cause notre
troisième hypothèse selon laquelle la convergence entraîne des mutations de la consommation
télévisuelle. Effectivement, il y a une transformation des usages et elle est plébiscitée par les
moins de 35 ans. Cependant, aucune généralisation n’est possible à ce stade. Quant à savoir si
cette pratique va se répandre à l’avenir de la même manière que la télévision de rattrapage, il
n’y a aucun élément nous permettant de l’affirmer.
C. « What Ze Teuf » D8
Lundi 2 décembre 2013, D8 diffusait pour la première fois la série participative « What
Ze Teuf » à 20h30.
Ce programme de deux minutes incitait les membres de Twitter à proposer un scénario
pour l’épisode du lendemain avec le hashtag #WhatZeTeuf. La chaîne Direct 8 a été rachetée
par le groupe Canal+ après approbation de l’Autorité de la Concurrence le 23 juillet 2012.
Elle fait partie de la TNT accessible gratuitement. Analysons les audiences :
Date de diffusion
sur D8
Episode 1 Episode 2 Episode 3 Episode 4 Episode 5
Nombre de
téléspectateurs
848 000 512 000 790 000 763 000 1 681 000
Date de
diffusion sur D8
Episode 6 Episode 7 Episode 8 Episode 9 Episode 10
Nombre de
téléspectateurs
815 000 678 000 774 000 942 576 1 863 000
40
Date de
diffusion sur D8
Episode 11 Episode 12 Episode 13 Episode 14 Episode 15
Nombre de
téléspectateurs
1 039 000 769 000 889 000 783 000 1 820 000
Il convient d’abord de préciser que les audiences des épisodes 5, 10 et 15 prennent en compte
les rediffusions survenues durant le week-end. Par ailleurs, nous n’avons pas pu nous procurer
les chiffres de l’audience sociale de tous les épisodes. C’est pourquoi ils ne figurent pas dans
le tableau. En revanche, nous utiliserons les données accessibles sur le site Transmedia Lab.73
D’après le site, « lundi 2 décembre, date de la diffusion du premier épisode de What Ze Teuf,
les twittos ont partagé 1200 messages et surtout ils étaient pour 60% devant le petit écran.
Une base non négligeable pour développer une vraie communauté au fil des épisodes. La
meilleure performance interviendra le 16 décembre avec Vincent Desagnat, co-animateur de
la matinale de D17 ce qui permettra le lendemain à Eric Judor de bénéficier de quelques 800
tweets durant son épisode. Il est également intéressant de noter que Cartman, l’associé de
Vincent Desagnat sur D17, a généré plus de 600 tweets durant son passage dans WZT. Le
succès des deux animateurs, pourtant moins connus que Bruno Solo ou Elie Semoun,
s’explique certainement par le fait que D17 rediffusait quotidiennement l’émission et donc
que leurs fans – sur le long terme – se sont particulièrement impliqués. Avec 600 000
spectateurs en moyenne et environ 9000 Tweets, dont 3600 propositions de scénario au
total. »
A la fin de chaque épisode, les internautes ayant inspirés l’épisode du jour sont remerciés.
73
http://www.transmedialab.org/the-blog/what-ze-teuf/
41
On observe avec ces résultats que la part de participants reste marginale, comme pour les
autres programmes étudiés. Cependant, la mini-série a réalisé de belles audiences. Que peut-
on en déduire pour nos hypothèses ? S’agit-il une innovation incroyable ?
Le 15 octobre 1986, la première chaîne diffusait la série « Salut les homards ». A la fin de
chaque épisode, le téléspectateur était invité à choisir la fin entre plusieurs scénarios
possibles. Pour cela, il devait se servir du minitel.
Interférer directement à travers un programme n’est donc pas une révolution. Comme nous
l’avons dit, la télévision a toujours été un média social. Force est de constater cependant que
le progrès technique a amplifié ce rôle. Olivier Abecassis estime que « jusqu’à maintenant,
technologiquement, on ne pouvait pas faire tout ce qu’on fait maintenant. Ça ne veut pas dire
pour autant qu’on était rétrograde, on n’avait juste pas la possibilité. » La question sous-
jacente est de savoir si maintenant que nous en avons la possibilité, devons-nous
nécessairement rendre tous les programmes interactifs et proposer des contenus enrichis ?
Il semble qu’effectivement il y ait une révolution technique. La révolution sociale quant à elle
demeure plus discrète
42
CONCLUSION
« Il y a toujours un grand nombre de personnes qui préfèrent regarder la télévision sur
leur canapé passivement. Et si ça change ça ne voudra pas dire que la télévision sera morte,
cela voudra dire qu’il y aura une façon d’interagir avec la télévision qui aura évolué. Ça sera
la télévision qui se sera réinventée » conclut Olivier Abecassis.
Dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous sommes interrogés sur l’impact de la
convergence numérique sur le média télévision. La question de la fusion de la télévision s’est
imposée. Au fur et à mesure de l’avancée de nos travaux, une évidence est apparue : nous ne
pouvons pas répondre à cette question. Seul l’avenir nous le dira.
Il y a une convergence, c’est un point indiscutable. Notre terrain de recherche a permis de
confirmer les trois hypothèses que nous avions formulées. Effectivement, il y a un
renouvellement de l’interactivité qui est permis par les réseaux sociaux et la multiplication des
contenus enrichis sur les nouveaux supports. La mobilité de ces derniers nous permet
d’envisager une télévision différente plus personnalisée. Jean-Louis Missika craignait une
disparition du modèle classique de la télévision avec comme essence, celle de créer du lien
social. Or, si révolution technologique il y a, certaines valeurs ancestrales demeurent. Les
professionnels du secteur ainsi que certains chercheurs sont unanimes sur cette question. La
télévision telle que nous l’avons toujours connu, a encore de beaux jours devant elle. Cet
avenir réside dans la capacité pour les diffuseurs et les producteurs de fédérer un public large
autour d’un évènement.
En ce qui concerne la délinéarisation des programmes, les recherches ont montré que les
contenus enrichis sur les plateformes des chaînes ne suscitaient pas suffisamment l’intérêt
d’un nombre significatif de téléspectateurs. L’enjeu est par conséquent de créer des formats
qui pourront à la fois satisfaire ceux qui souhaitent accéder à ces contenus sans pour autant
causer une rupture avec le reste du public.
Au moment où s’écrivent ces lignes, une fusion entre les deux médias apparaît bien
excentrique.
La télévision n’a eu de cesse de se renouveler. Souhaitons-lui qu’elle se renouvelle encore en
se forgeant une place au cœur de ce nouvel écosystème.
43
BIBLIOGRAPHIE
 Ouvrages
BALLE Francis, Médias et Sociétés, Montchrestien, 2011.
BARATS Christine, Manuel d’analyse du web, Armand Colin, 2013.
DELAVAUD Gilles, Permanence de la télévision, Apogée, 2011.
JENKINS Henry, La culture de la convergence, Armand Colin, 2013.
MISSIKA Jean-Louis, la fin de la télévision, Seuil, 2006.
PARACUELLOS Jean-Charles, BENGHOZI Pierre-Jean, Télévision, l’ère du numérique, La
Documentation Française, 2011.
SONNAC Nathalie, GABSZEWICZ Jean, L’industrie des médias à l’ère du numérique, La
Découverte, 2013.
VEYRAT-MASSON Isabelle, SAUVAGE Monique, Histoire de la télévision française,
Nouveau Monde Editions, 2012.
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 Etudes
CNC, « L’économie de la télévision de rattrapage en 2013 »
CSA, « Première approche de la télévision sociale », Commission de réflexion prospective sur
l’audiovisuel, Février 2013.
REBOUL Mathieu, « TV connectée et 2nd
écran : Internet à l’assaut de la télévision », INA
Global, La revue des industries créatives et des médias, 7 mars 2013.
SNPTV, « Les + de TV 2014 »
 Données statistiques
Médiamétrie : http://www.mediametrie.fr/
Mesagraph : http://blog.mesagraph.com/
 Méthode de l’entretien semi-directif
- Olivier ABECASSIS, directeur général de MyTF1 et créateur de WAT.TV
- Lionel ABBO, directeur du développement et du digital – Shine France
44
ANNEXES
1. Modèle en couches appliqué à l’écosystème des TIC. Rapport Coe-Rexecode,
Document de travail n°16 « Les opérateurs de réseaux dans l’économie numérique,
ligne de force, enjeux et dynamiques », janvier 2010, p 10.
2. TV : un média social qui évolue, SNPTV « Les + de la TV 2014 », p 119.
45
3. Entretiens semi-directifs
ENTRETIEN OLIVIER ABECASSIS – LA CONVERGENCE NUMERIQUE :
QUELLE PLACE POUR LA TELEVISION ?
Est-ce qu’on tend vers une fusion des médias TV/ INTERNET ?
Olivier ABECASSIS : Il y a un problème de définition de ce que c’est la télébision. Est-ce
que c’est juste l’écran qu’on a juste dans son salon sur lequel on reçoit des chaînes
linéaires telles que TF1 ? Si la TV c’est ça, je comprends la question.
Mais la TV ce n’est plus ça. En tout cas, la TV qu’on imagine du point de vue d’une
chaîne de TV comme TF1, elle consiste à considérer qu’on a un programme, ce
programme il va se retrouver sur tous les écrans avec évidemment encore aujourd’hui un
moment fort qui est celui du samedi soir lors de diffusion. Mais il y a un moment aussi
parfois qui va être celui de l’avant, et un moment qui est de l’après. La télé, c’est avant
tout des contenus qui sont pensés pour une cible donnée ou un ensemble de cibles. Et
ensuite on va faire en sorte d’atteindre ces cibles là où elles sont. On les atteint en donnant
rendez-vous le samedi soir à 20h50 pour faire « The Voice ». « The Voice » existe parce
qu’on a 6 à 9 millions de téléspectateurs qui regardent le samedi soir. Mais par ailleurs, il
y a des gens qui le samedi soir font autre chose. Soit ils regardent la télé sur une autre
chaîne, soit ils font autre chose. A ceux-là on va leur permettre de regarder le programme
à un autre moment par le replay et puis d’en avoir plus autour de plus de contenus sur un
participant ou sur autre chose et c’est pas parce que c’est pas un contenu qui a été diffusé
sur le réseau hertzien et vu sur un téléviseur que ce n’est pas de la télévision.
La TV c’est le fait de sélectionner les contenus, les programmer et les diffuser. Mais y
rien dans tout ça qui nécessite qu’on se limite au simple téléviseur qu’on a dans le salon.
Pour moi, y a un problème de hiérarchie. La TV c’est programmer des contenus et ça se
fait ensuite sur tous les médias et internet est en fait un des supports qui permet à la fois
d’étendre le mode de consommation (replay etc.) mais aussi qui permet d’en voir plus et
aussi différemment. Sur internet, on peut ne pas regarder le programme en intégralité mais
juste revoir les trois séquences dont tout le monde parlait. On multiplie simplement les
opportunités de contact d’un programme avec ses téléspectateurs mais ça reste toujours de
la télé.
46
Quand on interagit sur Twitter, c’est pareil, on parle de « The Voice », ça commence sur la
prestation d’un candidat, et puis on a la possibilité de revoir sa prestation. Et puis c’est
l’occasion de se reconnecter soit avec MYTF1 soit avec TF1 parce qu’on se dit finalement
il s’est passé un truc fou dans « The Voice » et j’ai envie de le voir.
Donc il n’y a pas de concurrence avec d’un côté la télé, média des générations précédentes
et de l’autre internet avec la génération nouvelle. Aujourd’hui, il y a encore une tendance
qui est forte puisque les Français passent en moyenne 3h50 par jour à regarder la
télévision. Et à côté de ça, monte minute par minute la consommation sur les nouveaux
supports mais il n’y a pas de raison de considérer qu’il y en a un qui va prendre le pas sur
l’autre. Aujourd’hui il y a simplement une opportunité différente.
Y a 25 ans, quand on voulait faire une chaîne de TV, il fallait faire un travail de
programmation où on choisit les contenus parce qu’on avait pas la possibilité d’en mettre
un certain nombre dans une journée et puis on diffusait historiquement sur le réseau
hertzien où sur le câble et le satellite.
Ce modèle là il est aujourd’hui balayé parce que les chaines historique ont la possibilité
d’être présent sur tous les supports et puis parallèlement pour des contenus qui n’avaient
pas la possibilité d’être diffusés parce qu’il n’y avait juste pas le nombre de canaux qu’il
fallait, pour avoir une offre qui soit illimitée. Et c’est le cas des chaînes YouTube qui vont
faire sur une thématique donnée, beaucoup de contenus parce que par exemple un
passionné de cuisine n’aura plus à attendre l’émission diffusée à tel moment sur telle
chaîne spécialisée, on va rentrer dans une logique où y a des centaines de programmes
consacrés à la cuisine sur les chaînes YouTube.
Ça pose toujours les mêmes questions de savoir comment on maximise le contact d’un
contenu avec la cible la plus large mais la télé, elle a juste évolué par les possibilités
technologiques et d’usage qui nous sont offertes. Donc je préfère l’idée de convergence
qui dit qu’à la fin on a bien une idée, une capacité de consommer les contenus dans tous
les endroits mais je ne pense pas qu’il y a une victoire d’internet sur la télé comme il n’y a
pas eu de victoire de la télé sur internet. Les deux sont différentes et pour moi
hiérarchisés.
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La convergence numérique: Quelle place pour la télévision ?

  • 1. Mémoire de recherche réalisé sous la direction de Monsieur Rebillard LA CONVERGENCE NUMERIQUE : QUELLE PLACE POUR LA TELEVISION ? Gabrielle Benchetrit 211 06 283 12/05/2014
  • 2. 1 SOMMAIRE INTRODUCTION .......................................................................................................................................2 Objet et objectifs de la recherche ............................................................................................................2 Justification du choix du sujet.................................................................................................................3 Pertinence dans une perspective communicationnelle ............................................................................4 I. ANALYSE –SYNTHESE DES OUVRAGES PRINCIPAUX...........................................................5 1.1 L’industrie des médias à l’ère du numérique, Nathalie SONNAC et Jean GABSZEVICZ...........5 1.2 La fin de la télévision, Jean-Louis MISSIKA.................................................................................8 1.3 Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD .....................................11 1.4 Télévision, l’ère du numérique sous la direction de Pierre-Jean BENGHOZI et Jean-Charles PARACUELLOS ...............................................................................................................................16 PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE ...............................................................................................................19 II. HYPOTHESES ......................................................................................................................20 2.1 Hypothèse 1 : La convergence modifie l’usage de la télévision grâce à la mobilité des nouveaux supports ..........................................................................................................................20 2.2 Hypothèse 2 : La convergence donne une plus grande part d’interactivité entre les programmes et les téléspectateurs .................................................................................................21 2.3 Hypothèse 3 : La convergence engendre des mutations dans la consommation de la télévision...........................................................................................................................................22 III. TERRAIN .............................................................................................................................23 3.1 Critères retenus pour la constitution de corpus ..........................................................................23 3.2 Exposé des méthodes d’analyse et de recherche ........................................................................25 3.3 Présentation des résultats..............................................................................................................26 A « The Voice » TF1.................................................................................................................26 B « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » M6...............................................................................36 C « What Ze Teuf » D8.............................................................................................................39 CONCLUSION..........................................................................................................................................42 BIBLIOGRAPHIE .....................................................................................................................................43 ANNEXES ................................................................................................................................................44
  • 3. 2 INTRODUCTION OBJET ET OBJECTIFS DE LA RECHERCHE Le mot « télévision » est prononcé pour la première fois en 1900 lors d’une conférence qui a eu lieu à l’Exposition universelle de Paris mais ce n’est qu’en 1935 que la télévision fait son apparition en France au ministère PTT. A l’origine, on définissait la télévision comme « la transmission à distance d’images animées et sonorisées1 . » Cependant, la diversité des programmes a rapidement permis aux téléspectateurs passifs de devenir plus actifs durant la diffusion des programmes. Ce mass media a d’ailleurs très rapidement été un moyen de cohésion sociale : rassemblement de la famille autour d’un programme, sujet de conversation sur le lieu de travail. Jean-Louis Missika revient sur ce rôle dans son ouvrage La fin de la télévision2 où il qualifie cette période de « paléo-télévision ». Selon lui, « ce premier âge coïncide évidemment avec le temps de la découverte.3 » Et la définition même de télévision a changé. Aujourd’hui, la télévision en tant que produit social a évolué. Elle provoque toujours des sujets de conversation entre les individus mais ce rôle diffère avec la convergence numérique. En effet, les réseaux sociaux et l’explosion de la bulle internet ont été des facteurs prépondérants dans la mutation de la télévision. La facilité des échanges, la proximité instantanée permise par les outils tels que Facebook et Twitter ainsi que la multiplication des plateformes digitales mises en place par les chaînes de télévision ont véritablement révolutionné l’industrie télévisuelle. A cela s’ajoute la convergence des supports qui transforme l’usage de la télévision. Nous assistons par conséquent à deux types de mutations. Technique d’une part et sociale d’autre part. D’après une étude CSA4 , « la télévision sociale est utilisée pour désigner les technologies apportant un enrichissement des contenus et une interaction entre le téléspectateur et le contenu qu’il regarde ou souhaite regarder et entre les téléspectateurs eux- mêmes autour de ce contenu. Les modalités d’interaction regroupent le fait de rédiger des commentaires, de recommander un programme, de voter, de jouer et même de piloter un programme. » Ces services sont majoritairement offerts par les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter ou Google+. Toutefois, d’autres services proposent des enrichissements et 1 Francis BALLE, Médias et sociétés, Montchrestien, 2011, p 169. 2 Jean-Louis MISSIKA, La fin de la télévision, Seuil, 2006. 3 Jean-Louis MISSIKA, Op Cit., p 12. 4 « Première approche de la télévision sociale », Commission de réflexion prospective sur l’audiovisuel, Février 2013, CSA, p 2.
  • 4. 3 des interactions avec les contenus télévisuels et participent plus globalement de « l’écosystème » qui est en train de se construire (sites des chaines de télévision de rattrapage, sites de discussions, blogs et forums). Les objectifs de ces services sont de promouvoir un programme, conserver l’audience, enrichir les programmes télévisuels et les élargir à de nouveaux publics. En somme, il s’agit de créer une nouvelle relation, enrichie, entre les différents acteurs, en plus de la diffusion télévisuelle classique. Cette télévision dite « sociale » est apparue en France il y a seulement quelques années et pourtant certains acteurs de l’industrie audiovisuelle et certains chercheurs en sciences de l’information et de la communication s’accordent à dire que c’est dans la construction de cette nouvelle relation que réside l’avenir de la télévision. D’autres en revanche, pensent que nous pourrions aboutir à une fusion plutôt qu’à une convergence entre les médias télévision et internet et que celle-ci se ferait aux dépens du petit écran. La télévision a toujours été un média social favorisant la participation du téléspectateur durant la diffusion des programmes. Elle a toujours eu pour but de créer du lien. Aujourd’hui cependant, les dispositifs permettent une expérience télévisuelle enrichie. Il faut rappeler que le téléphone a permis une plus grande marge de participation dans un programme télévisé. Au début des années 2000, cette participation s’amplifie avec l’essor de la réalité dont le concept est fondé sur les éliminations des candidats et la désignation du vainqueur ; grâce au vote des téléspectateurs. Pour Henry Jenkins, la télévision est passée « d’un modèle fondé sur le rendez-vous à un modèle fondé sur l’engagement.5 » Les réseaux sociaux y sont sans doute pour quelque chose. L’essor de ces nouveaux modes de communication a offert une place différente au téléspectateur à tel point qu’aujourd’hui l’audience sociale d’un programme est considérée comme une nouvelle mesure d’audience. JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET Etudier l’évolution du média de masse le plus populaire, dans un contexte de convergence numérique, apparaît comme une évidence pour peu que l’on se passionne des médias et de leur place dans la société d’aujourd’hui. Certains spécialistes du numérique 5 Henry JENKINS, La culture de la convergence, Armand Colin, 2013, p 157.
  • 5. 4 s’accordent même à dire qu’il s’agit d’une « révolution numérique » et que son impact est comparable à celui de la Révolution industrielle du XIXe siècle.6 Depuis 2012, la télévision sociale a connu un véritable essor en France et une majorité de programmes télévisuels propose désormais à l’internaute d’interagir durant l’émission. Les grandes chaînes proposent également un dispositif en adaptation avec l’émergence de nouveaux supports de diffusion, prolongeant l’expérience télévisuelle avec des contenus enrichis. Ce sujet s’inscrit donc dans une perspective totalement contemporaine ainsi qu’en cohérence avec mes aspirations professionnelles puisque ce sujet a suscité une incontestable vocation et m’a permis d’affiner mon projet professionnel. PERTINENCE DANS UNE PERSPECTIVE COMMUNICATIONNELLE D’après Médiamétrie, les Français passent en moyenne 3h46 par jour devant la télévision7 . Par ailleurs, on observe que les grands évènements télévisuels ayant rassemblés le plus d’audience sont également ceux qui ont été les plus commentés sur les réseaux sociaux. La chaîne TF1 cumule ainsi le top 3 des meilleures audiences sociales avec « Les NRJ Music Awards 2014 » et plus de 2,8 millions de tweets, la cérémonie des « Miss France » du 7 décembre avec 1 220 195 tweets et le match de foot France-Ukraine du 19 novembre avec 1 113 968 tweets.8 Ces nouveaux usages sont donc de plus en plus ancrés dans notre quotidien bien que la convergence engendre des mutations permanentes de notre consommation. Le choix de ce sujet semble donc pertinent au regard de sa valeur à la fois contemporaine et à la fois incertaine. En effet, la participation active des téléspectateurs inhérente à la télévision sociale demeure pour le moment un phénomène limité même si la majorité des programmes télévisuels se sont adaptés à cette nouvelle consommation en incitant les individus à interagir. Par ailleurs, les avancées technologiques en matière de support de diffusion bouleversent l’usage même de la télévision. C’est pourquoi la question de la place de ce média dans le 6 http://www.atlantico.fr/decryptage/internet-3eme-revolution-industrielle-mais-sommes-sortis-age-pierre- numerique-jean-pierre-corniou-benoit-thieulin-david-fayon-644091.html 7 Communiqué Médiamétrie, 30 janvier 2014, http://www.mediametrie.fr/television/communiques/l-annee- tv-2013.php?id=1004 8 Communiqué Mesagraph, 16 janvier 2014, http://blog.mesagraph.com/2014/01/16/mesagraph-classement- emissions-tv-populaires-twitter-2013/
  • 6. 5 nouveau paysage médiatique semble tout à fait pertinente, d’autant plus que ce rôle est incertain. Il est toujours difficile de prévoir véritablement l’ampleur d’une révolution lorsqu’elle est en cours. La télévision est le média préféré des Français. Il s’agit du média de masse par excellence. Sa capacité de fédérer un nombre très important de gens devant un seul programme en fait un média extrêmement plébiscité et puissant. De plus, sa place de numéro un en fait un média influent. Si la télévision supporte des bouleversements, de nombreux secteurs en subissent par ricochet. Ainsi, la convergence numérique provoque des transformations tant pour les diffuseurs que pour les créateurs de programmes. Les annonceurs sont bien entendu concernés par la fragmentation de l’audience et la délinéarisation de la consommation. Enfin, les mutations étant très récentes dans le paysage audiovisuel Français, il y a encore peu de recherches scientifiques sur le sujet. Certains changements apparaissent rapidement et rendent les études faites il y a quelques années un peu désuètes. Du point de vue des sciences de l’information et de la communication, la recherche concernant la nouvelle place de la télévision dans la convergence numérique mobilise plusieurs domaines. La sociologie des médias sera donc très largement utilisée afin d’appréhender les nouveaux comportements de consommation de la télévision. Nous utiliserons également des éléments de sémiologie pour analyser les différents dispositifs mis en place dans les émissions qui composent notre corpus. I. ANALYSE - SYNTHESE DES OUVRAGES PRINCIPAUX 1.1 L’industrie des médias à l’ère du numérique, Nathalie SONNAC et Jean GABSZEWICZ Nathalie Sonnac est professeur en Sciences de l’information et de la communication et chercheur au CARISM9 . Jean Gabszewicz est quant à lui professeur et économiste. Dans cet ouvrage, les auteurs reviennent sur un constat essentiel de l’organisation économique et sociale des industries de la culture et des médias. Cette dernière est en pleine mutation. Cette 9 Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias.
  • 7. 6 mutation s’explique d’abord par l’entrée dans une nouvelle ère : celle de la numérisation de l’information entraînant ainsi des bouleversements à la fois sur le plan économique mais aussi social et bien sûr technologique. Il est question de convergence entre les secteurs des télécommunications, de l’information et des médias qui se traduit par « une transformation de la configuration industrielle du secteur de l’économie numérique et par de nouveaux défis 10 » Cette réflexion amène les auteurs à décrire Internet comme un « méta-média qui offre la possibilité aux producteurs de site, mais aussi aux consommateurs de combiner son, image et écrit sur un même support. » Le développement d’Internet et notamment du réseau haut débit permet ainsi l’apparition de nouvelles formes de consommation de contenus audiovisuels. La numérisation de l’information a une incidence sur les médias traditionnels. Ainsi, la radio et la presse sont également visés par ces mutations. Mais nous n’étudierons que les conséquences liées à la télévision. L’ouvrage met en exergue le principe de délinéarisation des services télévisuels qui permettent de regarder un programme à un moment choisi par le téléspectateur et non plus dans un contexte imposé par la grille de programmation d’une chaîne. Télévision de rattrapage (catch-up TV), vidéo à la demande et télévision connectée sont les principaux services répondant aux nouveaux usages des individus. La multiplication des supports de diffusion ouvre de ce fait le champ à ces services innovants. L’ouvrage de Nathalie Sonnac et de Jean Gabszewicz pose un cadre théorique aux problématiques soulevées par la révolution numérique en proposant des définir les termes clés de cette nouvelle ère tout en revenant sur l’impact économique engendré par celle-ci. Le premier terme à définir est celui de média. Pour les auteurs, un média est « un ensemble homogène de supports qui relèvent tous d’un même mode de communication. Il a pour objectif de faciliter la communication à partir d’une même source vers de nombreux destinataires » tandis que le produit médiatique désigne « l’ensemble des messages et des communications qui utilisent un média particulier comme support. » 11 La question du support est donc un enjeu majeur de notre réflexion puisque la multiplication des modes de diffusion participe à cette révolution. En effet, face à l’arrivée des nouvelles technologies sur le marché de l’audiovisuel, l’offre de télévision s’est 10 Rapport Coe-Rexecode, Document de travail n°16 « Les opérateurs de réseaux dans l’économie numérique, ligne de force, enjeux et dynamiques », janvier 2010 p 10. 11 Nathalie Sonnac, Jean Gabszewicz, L’industrie des médias à l’ère du numérique, La Découverte, 2013, p 10.
  • 8. 7 fragmentée. On assiste à un phénomène de délinéarisation des programmes que les auteurs définissent par le fait que les « téléspectateurs ne sont plus contraints de regarder leurs émissions à un moment programmé par des chaînes mais les visionnent quand ils le souhaitent, sur différents types de supports (tablette numérique, ordinateur, Smartphone). 12 » Cela remet en cause le modèle économique traditionnel des médias, financés en grande partie par la publicité, mais également bouleverse la consommation de la télévision. D’un point de vue économique, on assiste à une explosion de la concurrence sur le marché de l’offre de produits médiatiques notamment grâce à l’arrivée de la TNT en 2005 et l’arrivée des télécoms dans le secteur de l’audiovisuel. Les grands opérateurs de téléphonie mobile se sont lancés dans des offres multi-pack incluant un portail de chaînes gratuites et payantes. On observe donc une mutation du paysage médiatique illustrée par le bouleversement « des règles du jeu et les positions de force des principaux acteurs ».13 Les auteurs distinguent les programmes de flux destinés à une diffusion unique et les programmes de stocks dont la durée de vie est plus longue. Ces derniers constituent le « patrimoine audiovisuel de la chaîne ».14 Si dans une première partie les auteurs étudient les enjeux du point de vue de l’offre de produits médiatiques, dans une seconde partie, ils les envisagent également du point de vue de la demande. Les bouleversements décrits précédemment ont un impact direct sur la demande de produits médiatiques et leur consommation. On aboutit à une fragmentation de l’audience et surtout à l’instauration d’une place centrale pour le téléspectateur au cœur de cet écosystème en mutation. Les consommateurs de produits médiatiques sont devenus « des créateurs, des producteurs, des diffuseurs, voire des prescripteurs de contenus obligeant à repenser l’analyse de la demande. 15 » Nathalie Sonnac et Jean Gabszewicz étayent une partie de leur réflexion avec plusieurs études statistiques et sociologiques. Ils constatent ainsi que la télévision représente le premier mode de distraction et la pratique culturelle la plus répandue en France, toute tranche d’âge confondue. En outre, les Français disposent en moyenne d’un parc audiovisuel de huit appareils par foyer, dont cinq fixes et trois mobiles.16 Les auteurs reprennent aussi les résultats des études qui mesurent l’audience de la télévision en fonction des mutations relatées précédemment et du taux 12 Id., p 13. 13 Id., p 21. 14 Id., p 25. 15 Id., p 39. 16 Id., p 41.
  • 9. 8 d’équipement internet des foyers. Ces chiffres datent de 2010. Nous utiliserons des données plus récentes lors de l’explication de nos propres résultats (partie III). Cependant, la notion d’audience est fondamentale dans la recherche menée par les auteurs ainsi que dans notre recherche. Nathalie Sonnac et Jean Gabszewicz distinguent d’ailleurs l’audience médiatique de l’audience publicitaire. La distinction réside dans le fait que « le contact avec le support médiatique n’est pas suffisant pour garantir le contact avec le support publicitaire ».17 Par ailleurs, la mesure de l’audience répond à la nécessité de « qualifier les comportements des téléspectateurs face leur écran : leur fidélité à une émission, la durée d’exposition à une campagne publicitaire ou encore la définition des publics, selon les principaux indicateurs sociodémographiques. 18 » C’est pourquoi la multiplication des canaux de diffusion complexifie les mesures d’audience et pose la question d’un nouvel indicateur d’audience davantage centré sur l’individu lui-même et non plus le support qu’il utilise. Le public tend à se substituer à l’audience. 1.2 La fin de la télévision, Jean-Louis MISSIKA Revenons d’abord sur la thèse soutenue par Jean-Louis Missika dans son ouvrage La fin de la télévision. Le sociologue se livre à une définition de la télévision. Il s’agit d’un « moyen de diffusion de contenus vidéo contrôlé par des sociétés publiques ou privées, titulaires de licence de diffusion délivrées par une autorité publique, achetant des droit de diffusion ou produisant des programmes à destination d’un public défini. 19 » Pour l’auteur, le modèle historique de la télévision était hégémonique jusqu’à l’arrivée d’autres modèles engendrés par les nouveaux acteurs du numérique, davantage en phase avec les attentes du public. Il évoque lui aussi le terme de « révolution ». La conséquence principale de celle-ci réside dans la transformation profonde de la relation du téléspectateur avec ses programmes. 17 Id., p 50. 18 Id., p 51. 19 Jean-Louis MISSIKA, Op.cit., p 8.
  • 10. 9 Dans un premier chapitre, il rappelle les trois âges de la télévision : la paléo-télévision, la néo- télévision et la post-télévision. La première phase, il y a vingt-cinq ans, se traduit par une relation sommaire entre le téléspectateur et le programme diffuseur de savoir. En somme, une position passive de la part du téléspectateur « élève d’une télévision messagère.20 » La télévision ne compte alors que trois chaînes. Il souligne cependant que « dans l’esprit des créateurs de l’époque, la question de la relation avec le téléspectateur est déjà considérée comme centrale. Dès le départ, programmateurs et producteurs ont senti d’instinct que la présence du téléspectateur chez lui, dans son intimité, de l’autre côté de l’écran, faisait de la télévision un média radicalement différent de tous les autres.21 » Il sous-entend par là qu’il s’agissait déjà d’un média de participation. C’est dans le milieu des années 1980 que la télévision bascule dans la deuxième phase avec un doublement de l’offre et l’apparition de la première chaîne privée. Pour l’auteur, il est déjà question d’une fragmentation de l’audience liée à la diversification de l’offre. « Compréhension et complicité entre émetteur et récepteur constituent les principes de base de la néo-télévision […] entre l’invité et le téléspectateur, la relation reste indirecte. 22 » C’est lors de cette phase qu’apparaissent les études d’audience qualitatives et quantitatives appliquées à la télévision. Jean-Louis Missika dit que le rôle de la télévision dans cette phase est de porter assistance aux individus en réparant le lien social brisé par la crise économique et le choc pétrolier. A partir de là, les programmes proposés aux téléspectateurs vont centrer des anonymes au cœur de leurs concepts et provoquer ainsi l’identification du récepteur. « Ce n’est plus la télévision qui parle au téléspectateur, mais, par un jeu de miroirs, le téléspectateur qui se parle à lui-même et de lui-même. Le téléspectateur-récepteur est bien au cœur du dispositif de la néo-télévision23 » L’avènement du troisième âge de la télévision est marqué par un changement social important, celui de la montée de l’autonomie individuelle. L’auteur explique que les programmes proposés qui mettent au cœur des individus anonymes détruisent désormais le lien social puisque le concept des émissions repose sur l’élimination et la concurrence entre les candidats. 20 Id., p 14. 21 Id., p 15. 22 Id., p 21. 23 Id., p 25.
  • 11. 10 Dans le second chapitre de son ouvrage, l’auteur explore la thèse de la disparition de la télévision. Selon lui, « les habitudes ne changent pas facilement. La société résiste aux innovations techniques et aux évolutions du marché. » Il aboutit donc à la conclusion que la révolution tant annoncée est un « mythe.24 » Il nuance cependant immédiatement son propos en expliquant que le modèle que nous connaissons de la télévision est en train de s’effondrer pour laisser place, à long terme, à de multiples dispositifs qui affaibliront la place de média dominant qu’occupe actuellement la télévision. Ce processus se traduit par plusieurs phénomènes. La démédiation consiste à faire disparaître l’intermédiaire qu’était la télévision entre la production et les téléspectateurs. On assiste également à une hypersegmentation provoquée par la multiplication des chaînes du câble et des bouquets satellite. Il y a création de niches. Ce qui amène au passage « d’une télévision fragmentée à une télévision atomisée » […] avec l’entrée dans l’ère de « l’hyperchoix. Cette multiplication des canaux et de chaînes modifie doucement le comportement des consommateurs. 25 » Il y a une banalisation de la consommation cross média, c’est-à-dire de la consommation simultanée de plusieurs médias. Cela rend l’écoute flottante et entraîne un glissement progressif de la relation entre le téléspectateur et les programmes télévisuels. Jean- Louis Missika développe l’idée selon laquelle ces bouleversements entraînent un dérèglement de l’horloge. « La capacité de la télévision à fixer des rendez-vous, qui est à la base de sa capacité d’attraction, s’en trouve considérablement affaiblie. […] On assiste par conséquent à l’érosion du concept même de chaîne. 26 » Enfin, le dernier argument de l’auteur concerne la participation du public qui est un critère de la mort de la télévision. Il ajoute même qu’il s’agit du plus destructeur. En effet, l’une des caractéristiques essentielle de la télévision traditionnelle est d’être fabriquée par des professionnels. Et cette caractéristique se retrouve mise à mal par la volonté nouvelle du téléspectateur à vouloir influer directement sur le contenu du programme qu’il regarde. Au fil des âges de la télévision, « nous sommes passés d’un téléspectateur passif et respectueux de ce qu’il découvrait à l’écran et qu’il considérait comme inaccessible, à un téléspectateur actif, sûr de lui, et qui estime que la prise de parole n’est pas une chance mais un droit.27 » Il complète son analyse en disant que ce nouveau pouvoir du téléspectateur est en réalité un 24 Id., p 38. 25 Id., p 40. 26 Id., p 42. 27 Id., p 65.
  • 12. 11 leurre et que la véritable révolution à laquelle nous faisons face n’est pas technique mais plutôt révélatrice des comportements en cours. Il apporte tout de même une limite à cette interactivité dans la mesure où le public se plaît dans la passivité qu’il considère comme une forme de relaxation. En somme, si l’avenir de la télévision se concrétise par une intervention beaucoup plus forte du téléspectateur, il n’en reste pas moins que cela ne se prête pas forcément à l’ensemble des contenus audiovisuels. Une généralisation de ce comportement serait par conséquent réductrice. Enfin, il conclut son ouvrage avec une note assez pessimiste en écrivant qu’avec « la fragmentation et la vidéo à la demande, le rendez-vous disparaît. Avec la démédiation et la dépendance, le média s’efface.28 » Cette fin de la télévision annoncée par le sociologue a fait l’objet de nombreuses critiques et remises en question. Gilles Delavaud a notamment réunis des articles soutenant au contraire l’hypothèse d’une permanence de la télévision grâce aux avancées technologiques. Une fusion entre le média Internet et le média télévision lui semble peu probable. 1.3 Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD Gilles Delavaud est professeur en Sciences de l’information et de la communication ainsi que chercheur au CEMTI.29 Cet ouvrage réunit les articles de plusieurs auteurs. Les premiers articles sont consacrés aux bouleversements en cours supportés par la télévision tandis que la deuxième série d’articles s’attache aux différents programmes appréhendés sous l’angle des innovations. Dans le cadre de notre réflexion, seule la première série d’articles sera utilisée en tant que cadre théorique. Nous en expliquerons les principales problématiques soulevées par les auteurs et nous ferons un parallèle avec la thèse de Jean-Louis Missika dans son ouvrage La fin de la télévision.30 Le premier article auquel nous nous intéressons est celui de François Jost, rédigé dans le cadre du programme de recherche « Qu’est-ce que la création télévisuelle ? » et intitulé « Où va la télévision ? De l’influence de la télévision numérique sur les programmes et la programmation. » 28 Id., p 105. 29 Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation. 30 Jean-Louis MISSIKA, La fin de la télévision, Seuil, 2006.
  • 13. 12 L’auteur revient d’abord sur l’ère de la convergence dans la laquelle nous vivons depuis qu’il n’y a plus d’appareil dédié à un seul usage. Il explique que le numérique et la multiplication des supports de diffusion n’annoncent certainement pas la fin de la télévision mais au contraire ses débuts. Cette idée est fondée sur les aspirations ancestrales de l’Homme : « être où il n’est pas et voir à distance 31 ». Il revient également à travers cette réflexion sur la notion d’écran dans lequel résident les véritables changements. La multiplication des écrans de diffusion des programmes est à l’origine de l’autonomie du téléspectateur. Autrefois contraint de se rendre disponible pour regarder un programme à l’heure et sur la chaîne prévue à cet effet, le téléspectateur peut désormais choisir non seulement l’écran sur le lequel sera diffusé son programme mais également le moment auquel il souhaite le regarder. Il note ainsi une baisse mécanique de l’audience des grandes chaînes vers les nouveaux canaux gratuits suffit à démontrer la fragmentation de l’audience et à remettre en cause le principe de fidélisation. Il ajoute par ailleurs que le grand changement apporté par le numérique s’observe du point de vue de la relation entre l’émetteur et le récepteur. A l’origine, le dialogue entre la télévision et son public était « hétérosémiotique : la chaîne envoie des messages audiovisuels et le téléspectateur, au tout début, répond par lettre puis par téléphone et aujourd’hui par sms.32 » Le numérique rend la relation réversible et l’interactivité s’accroît. Nous verrons en quoi les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant dans cette innovation culturelle. Il remarque également que l’avenir de la télévision pourrait bien se trouver dans la production plutôt que dans la diffusion, pourtant son « métier de base ».33 Une toute nouvelle écriture télévisuelle serait dont la solution des acteurs du paysage audiovisuel pour pallier aux mutations que nous sommes en train de décrire. La mobilité est une autre conséquence de la convergence numérique. L’auteur explique que « le téléphone, la télévision, l’ordinateur ne sont plus des objets délimités par des frontières infranchissables, aux usages nettement séparés ». 34 31 François JOST, « Où va la télévision ? De l’influence de la télévision numérique sur les programmes et la programmation » dans Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD, Apogée, 2011, p 36. 32 Id., p 25. 33 Id., p28. 34 Id., p 33.
  • 14. 13 Cette mobilité pose le problème de la définition du public disponible et par conséquent celui de l’audience publicitaire disponible au moment de la diffusion d’un programme. Cependant, l’hypothèse d’accéder à son programme télévisé sur un terminal mobile sans interruption entre son domicile et l’extérieur constitue pour l’auteur l’accroissement du pourvoir de la télévision. Il nuance par ailleurs ses propos dans la mesure où le « public n’est pas segmentable indéfiniment.35 » L’apparition d’une offre pléthorique de chaînes spécialisées (cuisine, mode, sports extrêmes etc.) illustre bien le paradoxe de cette convergence numérique. En effet, l’auteur observe que les chaînes de la TNT ayant le plus de succès sont les chaînes généralistes. Il aboutit à la conclusion que la « télévision de marketing n’a pas su découper le public et a raté sa cible 36 » et il souligne par ailleurs la résistance de la télévision cérémonielle sur le support traditionnel. Le téléspectateur, malgré les nouveaux usages de la télévision qui s’offrent à lui, préfère pour le moment regarder les grands évènements sur l’écran classique de télévision, avec son entourage. Cela nuance ainsi donc également l’idée que le taux d’équipement des foyers en écrans fixes et mobiles révèle nécessairement un usage isolé des membres du foyer. Le second article auquel nous nous intéressons est celui de Roei Amit, « La télé connectée, ou comment la télévision se réinvente avec le web ». L’auteur revient sur les thèses qui soutiennent la fin de la télévision. Ils les réfutent pour diverses raisons. Il pense qu’au contraire que « les nouvelles technologies sont de formidables accélérateurs de changement et non pas des tueurs qu’il faut redouter. 37 » Pour l’auteur, nous assistons à des mutations très importantes qui marquent le renouvellement de la télévision. La première mutation concerne le support de diffusion. « Une rupture s’est introduite entre le support de la télévision et son contenu qui peut, aujourd’hui, être vu sur une multitude d’écrans très différents dans des situations les plus diverses 38 ». Ce changement provoque la délinéarisation de la programmation et du rythme d’exposition du contenu que l’auteur résume par l’expression « où je veux, quand je veux ». Il note que subsistent certains aspects de la télévision traditionnelle telle que la posture adoptée devant son écran. Pour 35 Id., p 36. 36 Id., p 35. 37 Roei AMIT, « La télé connectée ou comment la télévision se réinvente avec le Web » dans Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD, Apogée, 2011, p 39. 38 Id., p 41.
  • 15. 14 autant, la permanence de la télévision serait justement assurée par le renouvellement des usages intrinsèques au Web. En outre, il considère le web comme « un nouveau média en soi »39 avec la propagation d’un nouveau mode de diffusion des contenus. Roei Amit envisage l’horizon de la télévision connectée comme l’opportunité de réunir à la fois l’écran originel de la télévision et les technologies de diffusion du Web. Ce qui ouvre le marché audiovisuel à de nouveaux acteurs comme les constructeurs ou les opérateurs de téléphonie mobile. De plus, cette rencontre entre les deux médias permet différents degrés d’implication pour le téléspectateur. Il a le choix de rester plutôt passif ou au contraire d’atteindre un fort degré d’interaction avec le contenu. Dans cet article, l’auteur n’apporte pas de réponse à la question de l’avenir de la télévision prise dans la convergence numérique. Il reste cependant évident pour lui que « l’arrivée de la télévision connectée s’inscrit dans la ligne des bouleversements majeurs qui réarticulent le paysage audiovisuel. Plus que jamais ce phénomène confirme que la télévision n’est pas seulement une affaire de technique ou de contenu diffusé, mais l’articulation fine de ces divers éléments, surtout dans le contexte des usages. 40 » Pour Thomas Paris, il y a quatre dimensions à prendre en compte dans les transformations de l’audiovisuel. Il les explique dans son article « L’audiovisuel à l’ère du Web. Eclatement des marchés et nouvelles prescriptions ». Les technologies, le droit, les usages des consommateurs et les acteurs économiques impliqués dans leurs positionnements et dans leurs stratégies évoluent ensemble pour créer un mouvement complexe expliquant ces transformations. L’auteur emploie le terme de « révolution » pour décrire les mutations traduites par « la mise à mal de la notion de grille de programmes et la liberté nouvelle du consommateur, la surabondance de l’offre et l’explosion des canaux de diffusion.41 » Il explique au fil de son article que le modèle historique de l’audiovisuel qui comprend la production, l’agrégation, la distribution, la diffusion et la consommation est remis en cause par la convergence. Il la 39 Ibid. 40 Id., p 48. 41 Thomas PARIS, « L’audiovisuel à l’ère du Web. Eclatement des marchés et nouvelles prescriptions », dans Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD, Apogée, 2011, p 49.
  • 16. 15 définit comme « le fait de la désolidarisation des contenus et des contenants, la possibilité de transmettre tous les contenus par tous les tuyaux et sur tous les terminaux.42 » Il ajoute ensuite qu’Internet « a consisté en la construction d’un réseau dense, dans lequel chaque nœud est à la fois récepteur et émetteur. 43 » C’est ce qui explique que la nature du réseau de l’audiovisuel soit à ce point bouleversé, le nombre d’émetteurs étant à l’origine restreint. Le réseau Internet permet désormais de multiplier l’offre de diffusion. Le téléspectateur a une variété de choix et une variété d’utilisation. Dans cet article, l’auteur aboutit à la conclusion que nous sommes arrivés à la fin de la télévision unique. Celle-ci laissant place à l’éclatement du marché de l’audiovisuel. Il est alors question d’un « nouvel équilibre dans lequel chaque acteur qui survivra sera positionné sur une dimension particulière de la valeur : la capacité à fédérer autour d’évènements.44 » Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans le modèle traditionnel de l’audiovisuel pour autant il y a plusieurs modèles qui devront cohabiter. Les grandes chaînes devront trouver le moyen de créer des évènements tandis que les chaînes plus spécialisées pourront se démarquer avec des contenus premium. Il s’agit de la segmentation du marché qui découle de l’ère du Web. Le dernier article étudié dans l’ouvrage de Gilles Delavaud est celui de Marie Thonon intitulé « Arrêt sur écran 45 » et qui propose de confronter deux hypothèses : celle de la fin de la télévision dans un premier temps avec celle de la permanence de la télévision dans un second temps. La sociologue explore d’abord la thèse de Jean-Louis Missika qu’elle résume par le fait que c’est la révolution numérique qui lui permet d’annoncer la disparition de la télévision. Elle précise que par disparition, il faut comprendre disparition du rôle essentiel de la télévision : « celui d’un média-lien-social devenu nécessaire, naturel, pratique sociale et culturelle devenue en si peu de temps, une véritable habitude de nos sociétés.46 » Elle résume cette théorie par l’asservissement de la télévision à Internet. L’auteur parcourt ensuite l’hypothèse inverse, celle de la permanence de la télévision. Plus qu’une permanence il s’agit plutôt d’un renouvellement, d’une télévision différente. Elle 42 Id., p 51. 43 Ibid. 44 Id., p 53. 45 Marie THONON, « Arrêt sur écran », dans Permanence de la télévision, sous la direction de Gilles DELAVAUD, Apogée, 2011. 46 Id., p 71.
  • 17. 16 récapitule cela en écrivant qu’il ne s’agirait « non plus la grand-messe du vingt heures, non plus le zapping informatif et sans mémoire de l’actualité, non plus le débat démocratique obligatoire où le refus de dialogue n’est plus rare, non plus l’émotion-langue de bois et de pathos qui tient lieu de raison et d’analyse critique. Permanence-utopie qu’il faut tenir vivante, alors que les termes du changement sont posés, techniques et radicaux.47 » Pour comprendre les interrogations suscitées par la convergence numérique, l’auteur décrit simplement qu’à chaque grand changement dans l’histoire des médias, il y a eu les mêmes soupçons de disparation qui trônait sur le média précédent. Elle fait ainsi le parallèle entre les suspicions de disparition du théâtre avec l’arrivée du cinéma ou de l’effacement de la peinture face à l’émergence de la photographie. Il est donc tout à fait normal que la télévision se cherche une place avec l’arrivée d’Internet. A cette réflexion s’ajoute celle des écrans en tant que support. Une étude menée par Olivier Donnat en 2008 sur les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique48 a permis de souligner que « l’irrésistible montée d’une culture d’écran qui consiste à faire du "chez-soi ", un lieu privilégié de distraction et d’accès à la culture au détriment des équipements culturels. 49 » Pour Marie Thonon, la permanence de la télévision se situe dans sa capacité à maintenir une communauté sensible et corporelle dans « l’océan numérique du monde de nos écrans »50 1.4 Télévision, l’ère du numérique Cet ouvrage dirigé par Jean-Charles Paracuellos, ancien cadre dirigeant de France Télévisions et Pierre-Jean Benghozi, directeur spécialiste de l’économie du numérique et des médias, rassemble différents points de vue sur les profonds changements qui affectent le média télévision. Sont étudiés, les enjeux techniques, juridiques, économiques et culturels. Dans le cadre de notre recherche, nous reviendrons sur les enjeux de la numérisation soulevés par Jean Dacié et sur la télévision au service du public et des annonceurs sous l’angle de Philippe Santini et François Ober. 47 Id., p 73. 48 Olivier DONNAT, http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf « Les pratiques culturelles des Français à l’ère du numérique », 2008. 49 Ibid. 50 Marie THONON, Op.cit., p 79.
  • 18. 17 Jean Dacié est expert du marché des nouvelles technologies et services audiovisuels. Dans le chapitre trois de « Télévision, l’ère du numérique 51 », il revient sur les enjeux de la numérisation. Il explique que l’on peut tout aussi bien parler de révolution que d’évolution dans le sens où « l’internet reconfigure la télévision, et simultanément, la télévision propulse les usages de l’internet.52 » Il pose ainsi la question de la dilution de la télévision avec d’autres médias et particulièrement avec Internet. Pour répondre à cette problématique, il renvoie à l’avènement du numérique en France et aux conséquences que cela a engendré. C’est en 1996 que la télévision numérique arrive en France avec le lancement des bouquets numériques. L’auteur propose une définition de la télévision numérique. Il s’agit d’une télévision qui traite des signaux de type numérique : « la technologie de compression numérique transforme les images et les sons en langage binaire (de type informatique). Cette technologie permet ainsi de démultiplier les capacités de transmission : numérisées et compressées, les images produites sont six à huit fois moins volumineuses que les images analogiques correspondantes et de meilleure qualité pour l’image et pour le son.53 » Cet allègement des contraintes techniques et à fortiori de coûts a engendré une multiplication des offres de programmes et a vu naître une profusion de nouvelles chaînes. En outre, les services associés à cette multiplication se sont développés et notamment des services interactifs. L’auteur parle de l’avènement d’une « nouvelle télévision plus mobile et qui sort les écrans du foyer, en créant de nouveaux usages.54 » De nouveaux acteurs sont entrés dans ce marché comme les professionnels des télécommunications qui proposent des offres multiple play comprenant téléphonie mobile, télévision et internet. Les chaînes ont, elles aussi, étendu leurs offres en fournissant des contenus enrichis, des jeux et des moyens d’interaction sur leur portail numérique. (MyTF1, Pluzz, M6 Replay etc.) Jean Dacié soulève ainsi le paradoxe du passage du premier média de masse au développement d’une certaine « personnalisation 55 » de la télévision. La convergence des médias s’illustre alors par le concept « Atawad » qui signifie « Anytime, Anywhere, Anydevice ». Ces services sont apparus pour satisfaire la demande répondant aux nouveaux 51 Jean-Charles PARACUELLOS Et Pierre-Jean BENGHOZI, « Télévision, l’ère du numérique », La Documentation Française, 2011. 52 Jean DACIE, Op Cit., p 63. 53 Jean DACIE, Op Cit., p 64. 54 Ibid. 55 Jean DACIE, Op Cit., p 65.
  • 19. 18 usages des consommateurs. L’auteur observe que très vite, le site YouTube a rencontré un immense succès en moins de deux ans avec plus de 100 millions de visiteurs uniques. Comment expliquer un tel succès ? Le site permet de partager des contenus gratuitement, sans frontières et quasi instantanément. C’est pour endiguer le piratage et pour contrôler le contenu que les acteurs de l’audiovisuel ont eux aussi créer leur plateforme d’accès à ces mêmes contenus. Dans les faits, YouTube continue de jouir d’une position de leader sur Internet. Néanmoins, force est de constater que la fréquentation des portails des chaînes ne cesse d’augmenter. Philippe Santini a été directeur général de France Télévisions Publicité jusqu’en 2012 tandis que François Ober est responsable des études prospectives à France Télévisions Publicité. Le chapitre conjointement écrit envisage les différentes mutations auxquelles est confrontée la télévision d’aujourd’hui. Il faut appréhender l’audience en fonction des nouveaux usages. C’est l’un des défis majeurs que les acteurs de l’audiovisuel devront relever. Pour les auteurs, « l’enjeu, pour le marché publicitaire de la télévision, est désormais celui du passage d’une culture de la visibilité probabilisée sur des publics de masse à une culture de l’économétrie prouvée sur des publics de plus en plus morcelés ; celui du passage d’une évaluation à posteriori à une évaluation en temps réel des comportements des téléspectateurs/consommateurs.56 » Nous verrons dans la troisième partie notre travail quels outils ont été développés depuis la rédaction de cet ouvrage pour mesurer les nouvelles formes d’audience. Au moment où le livre a été rédigé, les auteurs ont utilisé des données qui indiquaient qu’il n’y avait pas de substitution entre la fréquentation du média télévision et le média Internet. Les Français passaient en moyenne 3h25 par jour devant la télévision (2009) tandis qu’Internet occupait la quatrième place dans le classement de fréquentation des médias. Par ailleurs, le téléviseur classique demeure au centre des équipements multimédia du foyer malgré la multiplication des supports de diffusion de contenus audiovisuels en 2009. Toutefois, les auteurs étaient conscients de la rapidité des mutations engendrées par la convergence numérique. C’est pourquoi, ils se sont prêtés à un exercice d’anticipation des bouleversements à venir. Ils supposent ainsi que l’ergonomie naturelle de l’Internet sera préférée au détriment de l’écran classique, entraînant pour conséquence la dilution de la 56 Philippe SANTINI et François OBER, Op Cit., p 109.
  • 20. 19 notion même de chaîne. On pourra alors considérer que « le véritable prime time de ce nouvel écran sera constitué par des marques programmes fortement identitaires et identifiées, développées à l’origine dans l’univers de la télévision, mais qui auront su créer les conditions d’un déploiement et d’une visibilité plus large, notamment sur internet.57 » Alors que pour Jean-Louis Missika, la délinéarisation de la consommation télévisuelle apparait comme un élément favorisant la thèse de la disparition de la télévision, Philippe Santini et François Ober considèrent au contraire que c’est ce qui lui permet de se renouveler et d’appréhender au mieux cette convergence entre les médias. La délinéarisation représente « la reconquête de la valeur des marques des grandes chaînes hertziennes traditionnelles.58 » Proposer des services en plus de la simple diffusion revient à offrir des services « complémentaires à l’offre de télévision linéaire, sans détourner les téléspectateurs de l’écoute en direct et en maintenant le lien avec les programmes des chaînes. 59 » Il faudra donc être attentif à trouver un moyen de mesurer cette nouvelle forme d’audience pour être en adéquation avec ces mutations d’usages afin de les évaluer et de permettre une valorisation commerciale crédible. PROBLEMATIQUE GENERALE A la lecture des ouvrages, on peut observer que la télévision fait l’objet de fortes mutations. A la fois sur le plan des supports mais également du point de vue du contenu offert aux téléspectateurs. Il résulte de ces lectures des avancées évidentes que certains auteurs qualifient de « révolution ». Celle-ci se traduit par une consommation télévisuelle sur de multiples supports et l’accès à des contenus enrichis. L’interactivité du téléspectateur s’est par conséquent accrue. Se manifestant auparavant par une interprétation personnelle, elle se traduit aujourd’hui par une intervention directe dans le contenu des émissions. Si cette évolution est très présente dans le paysage audiovisuel français, il convient tout de même de rappeler que l’interactivité telle que nous venons de la définir, existe depuis les années 70. 57 Id., p 114. 58 Id., p 115. 59 Ibid.
  • 21. 20 La convergence numérique, en tant qu’ « altération le rapport entre les technologies les industries, les marchés, les genres existants, d’un côté et les publics de l’autre est un processus et non un point final.60 » Pour autant, elle modifie considérablement le paysage médiatique. Par ailleurs, les auteurs des différents ouvrages pointent également les limites de cette révolution. Fragmentation de l’audience, délinéarisation de la consommation télévisuelle, concurrence des nouveaux acteurs, risque de dépendance vis-à-vis des plateformes sociales en sont les principaux risques soulevés. Pour certains auteurs, ces signes annoncent la disparition de la télévision. Pour d’autres en revanche, il s’agit d’opportunités de renouvellement. Tous s’accordent à dire que le modèle de la télévision traditionnelle s’essouffle. On peut alors se demander si la télévision ne tend pas à se fondre avec l’usage d’internet. Cela suppose une concurrence entre les deux médias. Il faut par conséquent s’interroger sur les impacts de cette fusion si elle a lieu, entre les différents acteurs de l’audiovisuel et la modification de la relation que ceux-ci entretiennent avec le public. II. HYPOTHESES A la lecture de ces recherches, nous pouvons mettre en exergue plusieurs hypothèses concernant la question de la fusion entre le média internet et le média télévision. S’il est vrai que les auteurs s’accordent sur le fait que nous traversons une période charnière dans l’industrie des médias, il semble toutefois qu’ils n’aboutissent résolument pas aux mêmes conclusions. Néanmoins, les trois hypothèses se distinguent nettement de nos lectures. La convergence modifie le rapport entre les deux médias et la télévision s’en trouve naturellement affectée. 2.1 La convergence modifie l’usage de la télévision grâce à la mobilité des nouveaux supports. Le multitasking désigne le fait de faire plusieurs tâches en même temps. Cette expression est très utilisée dans le langage des médias notamment depuis la multiplication des canaux de diffusion. Tablette tactile, Smartphone, ordinateur portable sont autant d’écrans mobiles mis à la disposition des individus. Aujourd’hui, chaque foyer possède environ 8 écrans. Il y a donc 60 Henry JENKINS, Op Cit,. p 35.
  • 22. 21 une nouvelle consommation sur support mobile qui s’est développée en France entrainant naturellement des conséquences sur tous les médias. La presse peut être lue au format numérique, la radio peut être écoutée depuis un support mobile grâce à une connexion internet et bien entendu la télévision peut être regardée depuis ces supports. Il y a des programmes télévisuels qui se prêteraient davantage à la mobilité. En outre, la segmentation du public entraîne nécessairement une obligation pour les annonceurs de repenser le marché publicitaire. Cette multiplication des supports de diffusion est également marquée par l’entrée de nouveaux acteurs dans le marché audiovisuel. En effet, fournisseurs d’accès à internet et opérateurs mobiles y voient eux-aussi leurs intérêts. L’autre question sous-jacente à cette hypothèse est celle de la notion d’écran. L’écran classique - téléviseur - qui siège dans le salon des Français a-t-il encore un avenir ? Par ailleurs, la mobilité des écrans supposent aussi que nous puissions en regarder plusieurs à la fois. Cela pose donc la question de la place de l’écran compagnon ou second écran, dans les programmes télévisuels. Les producteurs et les diffuseurs ont tout intérêt à tenir compte de cette évolution des usages pour attirer le téléspectateur et pallier à la fragmentation de l’audience. Cela permet également de renforcer la marque d’une émission. 2.2 La convergence donne une plus grande part d’interactivité entre les programmes et les téléspectateurs. L’engagement du téléspectateur a évolué en même temps que la télévision. Le passage d’un mode passif à un mode actif s’est fait par étapes. Francis Balle considère notamment que le zapping a été la première forme d’interactivité proposée au téléspectateur. « Le choix offert à l’usager est d’autant plus significatif que le nombre et la diversité des chaînes augmentent.61 »En lui donnant la possibilité de choisir le programme qu’il souhaitait voir, le téléspectateur devenait actif. Aujourd’hui, la participation de l’individu qui regarde un programme a assurément changé puisqu’il a désormais la possibilité d’impacter directement le programme qu’il regarde. De nombreux moyens sont mis en œuvre par les chaînes et par les sociétés de production pour permettre cette interactivité nouvelle. Dispositif, plateforme sociale, utilisation intensive des réseaux sociaux, occupent une place de plus en plus importante dans les émissions. Certains programmes vont même jusqu’à modifier leur écriture pour rajouter ses aspects sociaux et 61 Francis BALLE, Op Cit., p 205.
  • 23. 22 techniques dans l’essence du concept. Les grandes chaînes s’intéressent de plus en plus à ce genre d’émissions. En témoigne le succès de la boite de production israélienne Keshet au MIPTV 2013 et 2014 avec le rachat par M6 et TF1 de « Rising Star » et « Boom » : deux programmes qui placent l’interactivité au cœur de leur concept. L’autre point à soulever est celui de la place des réseaux sociaux dans ces dispositifs et l’utilisation qui en est faite par les diffuseurs. L’audience sociale a-t-elle un impact sur l’audience réelle d’un programme ? La question est de savoir à qui s’adressent ses dispositifs. La convergence incite à une plus grande part d’interactivité entre émetteur et récepteur, pour autant la télévision de demain doit-elle nécessairement impliquer le téléspectateur pour continuer d’exister en tant que média à part entière ? C’est la question que soulève cette hypothèse. 2.3 La convergence engendre des mutations dans la consommation de la télévision. La dernière hypothèse relève des risques relevés par certains auteurs concernant la possible fusion des médias internet et télévision. La convergence, puisqu’elle se traduit par des innovations techniques, entraîne à fortiori des changements dans la consommation de la télévision. Comme nous l’avons déjà dit, la télévision était autrefois cet écran qui trônait dans les salons, créateur de lien social et surtout à l’origine d’une fidélisation de l’audience autour d’un rendez-vous. Qu’en est-il aujourd’hui ? La multiplication des supports de diffusion et l’émergence de nouveaux dispositifs sont à l’origine de plusieurs phénomènes. Dans un premier temps, on peut supposer que l’audience sera amenée à être fragmentée dans la mesure où chaque membre du foyer pourra regarder le programme de son choix sur l’écran de son choix. Dans un second temps, les recherches nous amènent à penser que nous devrons faire face à la délinéarisation de la consommation télévisuelle. Ce dernier phénomène remet en cause certains principes ancestraux de la télévision, notamment l’instauration d’un rendez- vous et de ce que Jean-Louis Missika appelle « l’être-ensemble ».62 Le principe de fidélisation du téléspectateur sous-jacent à celui de rendez-vous est affecté. Le téléspectateur a désormais le choix du programme qu’il souhaite regarder parmi des centaines de chaînes. Il peut choisir le moment, le support, le lieu et même le contenu. Il peut choisir de n’en regarder qu’une partie. Toutes ces marges de manœuvre mettent à mal les annonceurs. Il 62 Jean-Louis MISSIKA, Op.cit., p 45.
  • 24. 23 devient plus difficile de cibler le public d’un programme et la délinéarisation de la consommation télévisuelle entraîne inévitablement une dévalorisation des espaces publicitaires. On suppose enfin qu’il y a une déstructuration du modèle de flots de Miège qui fait référence à des produits « caractérisés par la continuité et l’amplitude de leur diffusion ; ceci impliquant que chaque jour de nouveaux produits rendent obsolètes ceux de la veille. » III. LE TERRAIN 3.1 Critères retenus pour la constitution de corpus Le prime-time du samedi soir est le rendez-vous incontournable d’une grille de programmation. Les diffuseurs mettent en avant leurs meilleurs programmes pour atteindre la meilleure audience. Les annonceurs affectionnent évidemment cette fameuse case en or. TF1 est la première chaîne française. La chaîne enregistre 99 des 100 meilleures audiences de l’année 201363 . En trois ans, la chaîne a réussi à moderniser le genre du télé-crochet en proposant l’émission The Voice, produit par la société de production Shine France. Au fil des trois saisons, l’émission a évolué en cohérence avec les mutations subies par la télévision. Par ailleurs, le programme réunit chaque samedi soir plusieurs millions de téléspectateurs et réalise les meilleures audiences face à la concurrence des autres chaînes. La société de production Shine France estime qu’elle n’a pas vendu un programme mais un « packaging » incluant ainsi des contenus enrichis et des dispositifs innovants en adéquation avec l’évolution de la télévision. C’est pourquoi il apparait intéressant de retenir l’émission The Voice pour la constitution du corpus de cette recherche. Il faut préciser que TF1 dispose d’une plateforme digitale importante, MyTF1. Celle-ci permet aux téléspectateurs de jouir de tous les services enrichis proposés. Nous pourrons ainsi évaluer l’impact des nouveaux services proposés sur un programme aussi fort, qui par ses courbes d’audience, ne semble pas nécessiter de contenus supplémentaires. La société de production Shine France se démarque par sa capacité à s’adapter aux mutations de la télévision et propose des programmes innovants aux diffuseurs. On peut penser que c’est 63 Communiqué de presse TF1, 30 décembre 2013 http://www.bouygues.com/wpcontent/uploads/2013/12/Communiqu%C3%A9-TF1-Bilan-2013-VF.pdf
  • 25. 24 un pari osé pour les chaînes de diffuser certains programmes car la question est de savoir si la révolution sociale est en phase avec les évolutions technologiques. La chaîne M6 a par exemple acheté le programme « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » constitué de quatre épisodes diffusés en prime-time, à 20h50 le jeudi. Le concept est de participer à l’émission de chez soi, de la même façon que les candidats présents sur le plateau. Il s’agit d’un quizz de culture général proposé à des célébrités et des étudiants en plateau. Le téléspectateur, grâce à l’application 6Play accède aux questions en temps réel et peut y répondre. On lui propose ensuite de comparer ses résultats avec les autres internautes en fonction de sa région et avec les invités du plateau. L’internaute qui obtient le meilleur score à la fin du jeu remporte un gain. Il semble donc opportun d’insérer ce programme au corpus de notre étude et d’évaluer ce que propose réellement cette émission au téléspectateur et si les promesses d’innovation sont à la fois tenues et si elles rencontrent l’adhésion du public. Enfin, le dernier support de notre corpus est la mini-série « What Ze Teuf » diffusée sur D8 pendant trois semaines. L’idée est de faire un programme court de quinze épisodes de deux minutes chaque soir juste après la case de l’access prime time (18h30- 20h25) forte du succès du talk-show « Touche pas à mon poste ! » Cette émission réunit quotidiennement entre 1 et 1.5 millions de téléspectateurs, plaçant régulièrement la chaîne en tête des chaînes de la TNT. Concernant la mini-série, un scénario de départ a été élaboré. Deux jeunes hommes se réveillent dans l’appartement de l’humoriste Elie Sémoun, après une soirée pleine rebondissements. Ils ne se souviennent plus de rien et chaque soir ils vont croiser la route d’une célébrité qui les aidera à éclaircir les zones d’ombres de cette fête. Si le pitch de départ est imposé, le déroulement de la fête et la raison pour laquelle ils se sont réveillés dans cet appartement demeurent mystérieux. Même pour l’équipe de tournage. Le concept est de tourner la suite de l’épisode pilote tous les jours en fonction du meilleur scénario proposé par un internaute sur Twitter. L’internaute rédige en 140 caractères une suite pour la série suivi du hashtag (mot dièse) « #WhatZeTeuf » La seule chose imposée par l’équipe de la série est la célébrité du lendemain. Il est intéressant de choisir ce programme dans notre corpus puisqu’il illustre la participation poussée à l’extrême du téléspectateur dans un contenu audiovisuel. Il s’agit d’une participation poussée à son extrême dans la mesure où le téléspectateur peut intervenir
  • 26. 25 directement sur le contenu du programme. Il est donc pertinent de voir si cette participation fonctionne. 3.2 Exposé des méthodes d’analyse et de recherche Nous avons sélectionné deux types de méthodes afin d’apporter des éléments de réponse aux trois hypothèses formulées précédemment. Dans un premier temps, nous nous appuierons sur des données dites de seconde main. Il s’agit des mesures d’audience d’instituts spécialisés et des études d’observatoire et de cabinets. Nous utiliserons donc les courbes d’audiences réalisées par Médiamétrie et Mesagraph pour appréhender l’impact réel de la participation des téléspectateurs dans le contenu des programmes qui constituent le corpus. Nous utiliserons également des données plus générales inhérentes aux comportements et usages du média télévision ancré dans la convergence. Pour cela, nous exploiterons les données du Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV) publiées dans Le guide de la télévision 2014. L’étude sur les usages et les interactions télécom et média, réalisée par le cabinet Deloitte sera une source supplémentaire ainsi que le rapport sur l’économie de la télévision de rattrapage en 2013 publié par le Centre National du cinéma et de l’image animée. Enfin, nous avons utilisé la méthode de l’entretien pour bénéficier d’une autre source de résultats exploitables. Il s’agit d’une méthode classique qualitative spécifique à l’Internet. Dans le cadre de notre travail, les entretiens réalisés furent semi-directifs puisque les enquêtés ont été orientés volontairement vers des thématiques en lien avec notre étude. Dans un premier temps, nous avons interrogé Monsieur Olivier Abecassis, directeur général de MyTF1, le portail de la chaîne et fondateur de Wat.tv, la plateforme de partage de vidéos. Lui proposer un entretien a semblé très pertinent dans la mesure où la chaîne TF1 est la première chaîne de télévision généraliste de France. Il s’agit du diffuseur de l’émission « The Voice » qui compose notre corpus. TF1 est une chaîne historique privatisée par Bouygues en 1987. En 2000, le groupe TF1 crée la filiale TF1 Digital et ne cesse depuis de se développer sur tous les supports. Avec la multiplication des chaînes de télévision et l’essor du multitasking, les chaînes historiques sont les plus exposées aux risques soulevés précédemment. Le second enquêté fut Monsieur Lionel Abbo, directeur du développement et du digital au sein de la société de production Shine France. Il s’agit de la société de production de
  • 27. 26 l’émission « The Voice » et de l’émission « Qu’est-ce que je sais vraiment ? », toutes deux présentes dans notre corpus de recherche. Il a semblé pertinent d’effectuer cet entretien dans la mesure où les enjeux étudiés dans ce travail concernent directement les producteurs de programmes. Leur pari étant de proposer des formats en adéquation avec les mutations subies par la télévision. 3.3 Présentation des résultats A. « The Voice » TF1 L’émission « The Voice » est un télé-crochet musical diffusé pour la première fois en France sur TF1 en 2012 à 20h50 le samedi soir. Composé de quatre parties, le programme réalise chaque année des records d’audience. Dans la première phase de l’émission, « les auditions à l’aveugle », des candidats se présentent face à un public et à quatre fauteuils retournés. Il s’agit des fauteuils des coachs, composés de quatre chanteurs populaires. Leur but est de composer une équipe de seize candidats. S’il l’un d’eux se retourne durant la prestation du candidat, ce dernier intègre l’équipe du chanteur. Si plusieurs coachs se retournent, c’est le candidat qui choisit l’équipe qu’il souhaite rejoindre. Dans le cas où personne ne se retourne, le candidat est définitivement éliminé. Cette partie du programme n’est pas diffusée en direct. Elle est enregistrée plusieurs semaines à l’avance et montée. C’est également le cas de la deuxième phase de l’émission, celle des « battles ». Deux candidats de la même équipe s’affrontent sur la même chanson à l’issue de laquelle le coach désigne le vainqueur qui poursuivra l’aventure. Deux talents qui auraient échoués à cette épreuve peuvent être récupérés par un coach d’une équipe concurrente. Chaque équipe est alors constituée de 9 talents. La troisième phase du programme, « l’épreuve ultime », oppose les talents par groupe de trois, au sein de la même équipe. Chaque candidat chante la chanson de son choix devant les coachs et le public. Le coach désigne ensuite les deux prestations sauvées pour la prochaine étape du jeu. Il ne reste alors que 6 talents dans chaque équipe. Cette étape est également enregistrée et non diffusée en direct. Enfin la dernière étape, celle des « shows en direct » est diffusée en direct et en public. Les candidats s’opposent toujours au sein de leur équipe. Lors des premiers primes, seuls trois candidats par équipe s’affrontent. L’un est sauvé par le public, le second par son coach, le
  • 28. 27 troisième est éliminé. Après sa prestation, le candidat est invité à aller dans la « V-room » afin de pouvoir répondre aux messages des internautes durant l’émission. Après chaque émission, en deuxième partie de soirée (23h25), la chaîne diffuse « The Voice, la suite ». La finale oppose les candidats de chaque équipe et le vainqueur est désigné par les votes des téléspectateurs, par appels téléphoniques et sms. Nous avons choisi d’étudier le dispositif « second écran » mis en place durant l’émission via l’application « connect » du site mytf1.fr et d’observer les courbes d’audience classique et sociale afin de mesurer l’efficacité et l’impact de ces nouveaux services. Nous nous sommes concentrés sur la saison 3 du programme diffusée à partir du 11 janvier 2014 et qui s’est achevée le 10 mai 2014. Nous utiliserons les courbes d’audience des émissions diffusées le 11 janvier, le 8 février, le 8 mars, le 12 avril, le 3 mai et le 10 mai afin de mesurer l’évolution du programme au fur et à mesure des différentes phases. De plus, nous exploiterons les données de l’observatoire d’audience sociale Mésagraph.64 Date de diffusion Sur TF1 à 20h50 le samedi soir 11 JANVIER (lancement) 8 FEVRIER 8 MARS 12 AVRIL 3 MAI 10 MAI (Finale) Nombre de téléspectateurs (en millions) 9, 808 000 8, 052 000 6, 843 000 5, 736 000 5, 730 000 6, 180 000 Part de marché sur les + de 4 ans (en pourcentages) 40,5 36,1 31,4 27,8 26 28,7 Nombre de tweets 530 318 200 131 115 194 104 749 198 609 293 508 On observe d’abord une chute de l’audience au fil des mois. Cependant, il est important d’ajouter que le programme a réalisé la meilleure audience télévisuelle, toute chaîne confondue, chaque samedi dès la première diffusion. 64 http://blog.mesagraph.com/
  • 29. 28 On peut également expliquer le record historique du 11 janvier par le fait qu’il s’agissait de la première diffusion et que le lancement d’un programme est perçu comme un évènement et suscite la curiosité des téléspectateurs. On constate que lors de la première diffusion, il y avait environ 5% des téléspectateurs de « The Voice » qui interagissaient durant l’émission. Cette proportion tend à baisser elle aussi au fil des émissions pour stagner autour de 2% à 3%. On note tout de même un sursaut pour le soir de la finale avec environ 5% des téléspectateurs qui ont tweetés sur le programme durant la soirée. Il s’agit de la même proportion qu’au moment du lancement en janvier. Par ailleurs, TF1 est resté leader face à l’Eurovision, diffusée ce soir-là sur France 3 et qui est également considérée comme un « évènement ». Néanmoins, il apparaît que cette pratique demeure très marginale pour le moment. Le programme fonctionne très bien en audience classique. Il s’agit d’un format qui séduit. Olivier Abecassis explique cet engouement « parce qu’on a 6 à 9 millions de téléspectateurs qui regardent le samedi soir. Mais par ailleurs, il y a des gens qui le samedi soir font autre chose. Soit ils regardent la télé sur une autre chaîne, soit ils font autre chose. A ceux-là on va leur permettre de regarder le programme à un autre moment par le replay et puis d’en avoir plus autour de plus de contenus sur un participant ou sur autre chose » Effectivement il y a une montée de la catch-up TV en France. Il s’agit de la télévision de rattrapage. Cela correspond « à l’ensemble des services permettant de voir ou revoir des programmes après leur diffusion sur une chaîne de télévision, pendant une période déterminée, gratuitement ou sans supplément dans le cadre d’un abonnement »65 65 CNC, « L’économie de la télévision de rattrapage en 2013 », mars 2014, http://www.cnc.fr/web/fr/etudes/- /ressources/4794944 p 5.
  • 30. 29 On observe que la consommation de la télévision de rattrapage est en progression sur les supports mobiles. En janvier 2013, il y avait 6.1 millions de vues sur téléphones et tablettes. En décembre 2013, on en comptait plus de 49 millions. Cette consommation mobile se fait aux dépens de la consommation sur ordinateur bien que le nombre de vues reste presque deux fois supérieur. On peut donc en conclure que la télévision devient de plus en plus mobile, ce qui confirme bien notre seconde hypothèse. De plus, l’IDATE (L’Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe),66 présage que la tablette tactile sera le premier écran de télévision dans les foyers. Cette étude prévoit une montée croissante de l’individualisation des usages de la télévision et un accroissement de la mobilité. Le rapport de la SNPTV 201467 revient sur l’audience de la catch-up tv en 2013 et confirme l’hypothèse de délinéarisation des usages puisque cette pratique progresse tous les jours. 66 http://www.idate.org/en/News/Future-Telecom-2025_842.html 67 SNPTV, « Les + de la TV 2014 », http://snptv.org/actualites/plus-tv.php , p 104.
  • 31. 30 L’audience principale de la catch-up tv est composée des CSP+ et des individus ayant moins de 35 ans. On peut l’expliquer par la nécessité d’être équipé. Il faut disposer d’une connexion internet et d’au moins un terminal connecté. Les moins de 35 ans ont du temps disponible comme l’explique Olivier Abecassis, « Au début le replay c’était vu uniquement par les jeunes, dont on sait qu’ils regardent moins la tv en moyenne. Si les français regardent 3h50 par jour la tv, les 12-24 ils la regardent deux heures. Donc on sait qu’ils sous-consomment la tv mais pas moins qu’avant, et ils vont de plus en plus sur internet. Cependant, en France, ils ne quittent pas la tv pour aller sur internet.»
  • 32. 31 Même si les 14-24 ans sont ceux qui ont le plus recours à la télévision de rattrapage, on peut noter que c’est un usage qui gagne progressivement toutes les catégories. Olivier Abecassis explique cette tendance le fait que ce soit « simple et parce que le bénéfice client est fort. Le fait de pouvoir revoir un programme parce qu’on était occupé lors de sa diffusion, c’est un bénéfice qui concerne 100% des utilisateurs. Quand un bénéfice concerne 100% des
  • 33. 32 téléspectateurs, il se répand. » On observe d’ailleurs qu’un senior (+ de 50 ans) sur cinq regarde la télévision en rattrapage ou sur un autre écran, d’après une étude Médiamétrie.68 La question sous-jacente est celle des nouveaux dispositifs. Si le replay s’est ancré dans les habitudes des téléspectateurs, en sera-t-il de même en ce qui concerne l’usage du second écran ? Analysons le dispositif proposé par MyTF1 à propos de « The Voice » : 68 Médiamétrie, 9 avril 2014, http://www.mediametrie.fr/television/communiques/global-tv-les-seniors- adeptes-du-replay-et-du-second-ecran.php?id=1045
  • 34. 33 De nombreux services sont mis en place et notamment celui du « 5e coach ». L’internaute a la possibilité de composer sa propre équipe de talents lors des premières épreuves à l’aveugle sur l’application « Connect » de MyTF1. Le gaming est une pratique fréquente du second écran. Pour Lionel Abbo, « le rôle du second écran va être d’accentuer la concentration sur le premier écran par des contenus enrichis. Je pars du principe que si le téléspectateur est déconcentré de l’écran principal il va jouer sur son smartphone ou regarder ses emails. On va se poser la question des dispositifs à mettre en place pour recentrer l’attention du téléspectateur. Par exemple on a mis en place le 5e coach dans The Voice, pour solliciter la mobilisation du public qui doit écouter la prestation du candidat pour la juger. Ce qui nécessite qu’il soit attentif à l’écran principal. » Ce dispositif permet de pallier à la fragmentation de l’audience causée par le multitasking. La chaîne cherche à attirer le téléspectateur. Dans ce programme, l’idée est de rassembler plusieurs parts marginales. Après chaque prime en direct, il est possible de télécharger les chansons interprétées par les candidats sur iTunes. On peut penser que c’est une façon d’attirer un public plus large. Ces services peuvent être consommés avant ou après avoir regardé le programme. Un individu qui n’a jamais regardé « The Voice » mais qui est amateur
  • 35. 34 de musique, peut, en allant sur iTunes être amené à écouter un titre réinterprété par un candidat. Si le titre lui plaît, cela peut lui donner envie de regarder le samedi prochain. Par ailleurs, l’application prévoit l’utilisation des réseaux sociaux pour partager son opinion avec sa communauté Twitter, Facebook et même avec ses contacts emails. Voici un exemple de ce qui était proposé lors de la diffusion de la finale du 10 mai. L’internaute est invité à tweeter en cliquant simplement sur le logo du réseau social. Un tweet pré-écrit s’affiche. Ce même message apparaît également si l’on clique sur le logo Facebook ou sur celui de la boite
  • 36. 35 de messagerie. D’après la grille d’observation69 proposée par Josiane Jouët et Coralie Le Caroff dans le chapitre 7 de l’ouvrage « Manuel d’analyse du web » de Christine Barats, il s’agit d’indicateurs du lien social électronique qui « réfère explicitement à la production d’échanges entre les membres d’un site ou d’une plateforme relationnelle. […] L’échange interne au site se double de la mise à disposition d’outils de partage de contributions personnelles et/ou de liens vers d’autres espaces numériques que ce soit pour une diffusion de flux RSS ou dans les réseaux de l’internaute.70 » L’interface de l’application de MyTF1 propose de voir le programme en direct (en haut à gauche), en bas à gauche, le téléspectateur peut jouer simultanément et sur la plus grande partie de l’interface, il peut donc partager son expérience télévisuelle. « L’instant replay » est également une pratique du second écran. Elle consiste à revoir les trente dernières secondes du programme et à les partager au sein de ses communautés. L’avantage est de permettre au téléspectateur de ne pas être déstabilisé par son autre activité (jeux, réseaux sociaux) et cela crée du flux autour du programme. Si le téléspectateur qui regarde décide de partager un instant de l’émission avec ses amis Facebook, l’un de ses amis qui ne regardait pas initialement le programme pourra être tenté de le faire après le visionnage de la vidéo. L’audience peut donc être élargie grâce à l’audience sociale. Dans ce cas, on peut donc dire que la convergence encourage l’interactivité entre le programme et le téléspectateur. Les réseaux sociaux permettant un impact plus conséquent. Cet exemple, ne nous permet toutefois pas d’affirmer qu’il y a un réel renouvellement de l’interactivité. Le sociologue Dominique Wolton estime que « le rôle essentiel de la télévision est autant d’assurer la communication des programmes et des images que de constituer une sorte de lien invisible entre des millions de citoyens que tout sépare dans une société de plus en plus atomisée.71 » Ce lien social se renouvelle sans doute grâce à l’essor des réseaux sociaux. Il n’en reste pas moins qu’employer le terme de « révolution » reflète une vision de la réalité décalée. 69 Josiane JOUET et Coralie LE CAROFF, Chapitre 7 « L’observation ethnographique en ligne » dans « Manuel d’analyse du web » de Christine BARATS, Armand Colin, 2013, p 150. 70 Josiane JOUET et Coralie LE CAROFF, Op Cit., p 152-153. 71 SNPTV, « Les + de la TV 2014 », http://snptv.org/actualites/plus-tv.php , p 118.
  • 37. 36 B. « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » M6 L’émission « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » a été diffusée sur M6 les jeudis 13 mars, 20 mars, 27 mars et 3 avril 2014 à 20h50. Il s’agit d’un quizz de culture générale opposant un public d’étudiants munis d’une télécommande de jeu et des candidats issus de la télévision. Chaque célébrité défend une association et le vainqueur du quizz remporte de l’argent pour son association. Le meilleur joueur du public remporte un gain. L’originalité de ce quizz réside dans l’interaction proposée avec les téléspectateurs. Ceux-ci ont la possibilité de répondre simultanément aux questions sur l’application 6play, plateforme de la chaîne M6. Après s’y être inscrit brièvement en renseignant son âge, son sexe et sa région d’habitation. Le meilleur joueur-téléspectateur remporte lui aussi un gain. Ce qui apparaît d’emblée comme une limite au concept est que ceux qui ne jouent pas en regardant le programme peuvent très vite se lasser. Il y a donc un risque d’exclusion d’une partie du public alors qu’M6 est une chaîne généraliste historique. Fondée en 1987, elle rassemble plusieurs millions de téléspectateurs chaque soir. La contre-programmation fait partie de l’ADN de la chaîne. Depuis son lancement, M6 propose par exemple un journal télévisé de très courte durée (le 6 minutes, le 19-45) s’opposant ainsi aux traditionnels 20 heures de TF1 et France 2. C’est une chaîne qui tente d’innover. En 2013, elle rachète le format israélien « Rising Star » à la société de production Keshet. Il s’agit d’un télé-crochet musical où les candidats sont sélectionnés par les téléspectateurs qui votent à travers l’application mise en place sur la plateforme de la chaîne. Apres 70% d’approbation des téléspectateurs, un mur s’ouvre face au candidat qui obtient son billet d’accès pour la seconde étape du concours de chant. La diffusion de ce programme est prévue pour le mois de septembre 2014 sur M6. La chaîne a donc testé un format interactif avec « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » afin d’évaluer l’engagement du téléspectateur. Analysons les audiences : Date de diffusion sur M6 13 MARS 20 MARS 27 MARS 3 AVRIL Nombre de téléspectateurs (en millions) 3, 347 000 2, 505 000 2, 630 000 2, 392 000 Part de marché sur les + de 4 ans (en pourcentages) 14, 9 11,4 12, 1 10,5
  • 38. 37 Nous avons choisi de ne pas analyser les audiences sociales en termes de tweets mais de mesurer l’impact entre l’audience réelle et le nombre de téléspectateurs ayant participé à l’expérience interactive avec le second écran. Nous ne disposons pas de chiffres précis. Cependant, Lionel Abbo nous a assuré qu’environ 500 000 téléspectateurs ont participé au second écran à chaque diffusion. La presse a repris cette estimation également. Nous partirons donc du postulat que cette information est vraie. Dans un premier temps, on observe que l’audience réelle chute continuellement au fil des diffusions alors que l’audience du second écran est stable. On peut penser qu’il s’agit du noyau dur de l’audience. Olivier Abecassis explique que « M6 a annoncé des bons scores d’audience sociale pour le jeu « qu’est-ce que je sais vraiment ?» alors qu’en vérité le programme n’a cessé de baisser en audience réelle, probablement parce que si on n’était pas avec sa tablette devant le programme, on s’ennuyait à mourir. Donc la question c’est comment ne pas être excluant pour les autres. » Il y a effectivement deux constats qui découlent de ces résultats statistiques. Le premier est que le format a suscité l’adhésion d’une partie du public et on ne peut pas parler d’un échec d’audience d’autant plus que l’émission est arrivée deuxième et troisième dans le classement des audiences ces soirs là en France. De plus, un téléspectateur sur cinq était actif sur le second écran et participait au jeu. Lionel Abbo explique cet engouement. « Le dispositif second écran de « Qu’est-ce que je sais vraiment ? » a fonctionné avec presque un demi-million de connectés chaque soir parce que c’est un dispositif extrêmement simple. Il fallait répondre à des questions sur son application, réponse A, B ou C. il n’y avait pas d’inscription ou de photo à mettre. Il n’y avait pas de barrière à l’entrée. » Il soulève ainsi un point extrêmement important sur lequel les deux enquêtés s’accordent, celui de la simplicité d’usage. En effet, la facilité d’accès à ces dispositifs est un critère prépondérant. C’est ce qu’évoquait Olivier Abecassis sur le replay. Toutefois, il expliquait l’importance du service exploitable par 100% des utilisateurs. Ce qui n’est pas le cas de ce format. Le deuxième point est donc que le succès de l’émission est nuancé. Le programme a perdu continuellement des parts de marché même si le noyau dur est resté. Ce qui illustre que pour rester devant l’émission, mieux valait disposer d’un second écran et souhaiter l’utiliser. Lionel Abbo parle d’équilibre. « L’interactivité apporte une expérience enrichie au téléspectateur qui a envie de la vivre. Mais elle ne doit pas déranger celui qui n’en a pas envie. »
  • 39. 38 Si l’on se réfère au graphique de la SNPTV72 , on constate que 48% des télénautes sont âgés de moins de 35 ans. 72 SNPTV, « Les + de la TV 2014 », http://snptv.org/actualites/plus-tv.php , p 123.
  • 40. 39 En proposant un programme dont l’essence relevait du principe même de participation active dans le programme, M6 a pris le risque de segmenter davantage son public. Un public qui n’a peut-être pas envie d’interférer à ce point dans l’émission. Ce qui remet en cause notre troisième hypothèse selon laquelle la convergence entraîne des mutations de la consommation télévisuelle. Effectivement, il y a une transformation des usages et elle est plébiscitée par les moins de 35 ans. Cependant, aucune généralisation n’est possible à ce stade. Quant à savoir si cette pratique va se répandre à l’avenir de la même manière que la télévision de rattrapage, il n’y a aucun élément nous permettant de l’affirmer. C. « What Ze Teuf » D8 Lundi 2 décembre 2013, D8 diffusait pour la première fois la série participative « What Ze Teuf » à 20h30. Ce programme de deux minutes incitait les membres de Twitter à proposer un scénario pour l’épisode du lendemain avec le hashtag #WhatZeTeuf. La chaîne Direct 8 a été rachetée par le groupe Canal+ après approbation de l’Autorité de la Concurrence le 23 juillet 2012. Elle fait partie de la TNT accessible gratuitement. Analysons les audiences : Date de diffusion sur D8 Episode 1 Episode 2 Episode 3 Episode 4 Episode 5 Nombre de téléspectateurs 848 000 512 000 790 000 763 000 1 681 000 Date de diffusion sur D8 Episode 6 Episode 7 Episode 8 Episode 9 Episode 10 Nombre de téléspectateurs 815 000 678 000 774 000 942 576 1 863 000
  • 41. 40 Date de diffusion sur D8 Episode 11 Episode 12 Episode 13 Episode 14 Episode 15 Nombre de téléspectateurs 1 039 000 769 000 889 000 783 000 1 820 000 Il convient d’abord de préciser que les audiences des épisodes 5, 10 et 15 prennent en compte les rediffusions survenues durant le week-end. Par ailleurs, nous n’avons pas pu nous procurer les chiffres de l’audience sociale de tous les épisodes. C’est pourquoi ils ne figurent pas dans le tableau. En revanche, nous utiliserons les données accessibles sur le site Transmedia Lab.73 D’après le site, « lundi 2 décembre, date de la diffusion du premier épisode de What Ze Teuf, les twittos ont partagé 1200 messages et surtout ils étaient pour 60% devant le petit écran. Une base non négligeable pour développer une vraie communauté au fil des épisodes. La meilleure performance interviendra le 16 décembre avec Vincent Desagnat, co-animateur de la matinale de D17 ce qui permettra le lendemain à Eric Judor de bénéficier de quelques 800 tweets durant son épisode. Il est également intéressant de noter que Cartman, l’associé de Vincent Desagnat sur D17, a généré plus de 600 tweets durant son passage dans WZT. Le succès des deux animateurs, pourtant moins connus que Bruno Solo ou Elie Semoun, s’explique certainement par le fait que D17 rediffusait quotidiennement l’émission et donc que leurs fans – sur le long terme – se sont particulièrement impliqués. Avec 600 000 spectateurs en moyenne et environ 9000 Tweets, dont 3600 propositions de scénario au total. » A la fin de chaque épisode, les internautes ayant inspirés l’épisode du jour sont remerciés. 73 http://www.transmedialab.org/the-blog/what-ze-teuf/
  • 42. 41 On observe avec ces résultats que la part de participants reste marginale, comme pour les autres programmes étudiés. Cependant, la mini-série a réalisé de belles audiences. Que peut- on en déduire pour nos hypothèses ? S’agit-il une innovation incroyable ? Le 15 octobre 1986, la première chaîne diffusait la série « Salut les homards ». A la fin de chaque épisode, le téléspectateur était invité à choisir la fin entre plusieurs scénarios possibles. Pour cela, il devait se servir du minitel. Interférer directement à travers un programme n’est donc pas une révolution. Comme nous l’avons dit, la télévision a toujours été un média social. Force est de constater cependant que le progrès technique a amplifié ce rôle. Olivier Abecassis estime que « jusqu’à maintenant, technologiquement, on ne pouvait pas faire tout ce qu’on fait maintenant. Ça ne veut pas dire pour autant qu’on était rétrograde, on n’avait juste pas la possibilité. » La question sous- jacente est de savoir si maintenant que nous en avons la possibilité, devons-nous nécessairement rendre tous les programmes interactifs et proposer des contenus enrichis ? Il semble qu’effectivement il y ait une révolution technique. La révolution sociale quant à elle demeure plus discrète
  • 43. 42 CONCLUSION « Il y a toujours un grand nombre de personnes qui préfèrent regarder la télévision sur leur canapé passivement. Et si ça change ça ne voudra pas dire que la télévision sera morte, cela voudra dire qu’il y aura une façon d’interagir avec la télévision qui aura évolué. Ça sera la télévision qui se sera réinventée » conclut Olivier Abecassis. Dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous sommes interrogés sur l’impact de la convergence numérique sur le média télévision. La question de la fusion de la télévision s’est imposée. Au fur et à mesure de l’avancée de nos travaux, une évidence est apparue : nous ne pouvons pas répondre à cette question. Seul l’avenir nous le dira. Il y a une convergence, c’est un point indiscutable. Notre terrain de recherche a permis de confirmer les trois hypothèses que nous avions formulées. Effectivement, il y a un renouvellement de l’interactivité qui est permis par les réseaux sociaux et la multiplication des contenus enrichis sur les nouveaux supports. La mobilité de ces derniers nous permet d’envisager une télévision différente plus personnalisée. Jean-Louis Missika craignait une disparition du modèle classique de la télévision avec comme essence, celle de créer du lien social. Or, si révolution technologique il y a, certaines valeurs ancestrales demeurent. Les professionnels du secteur ainsi que certains chercheurs sont unanimes sur cette question. La télévision telle que nous l’avons toujours connu, a encore de beaux jours devant elle. Cet avenir réside dans la capacité pour les diffuseurs et les producteurs de fédérer un public large autour d’un évènement. En ce qui concerne la délinéarisation des programmes, les recherches ont montré que les contenus enrichis sur les plateformes des chaînes ne suscitaient pas suffisamment l’intérêt d’un nombre significatif de téléspectateurs. L’enjeu est par conséquent de créer des formats qui pourront à la fois satisfaire ceux qui souhaitent accéder à ces contenus sans pour autant causer une rupture avec le reste du public. Au moment où s’écrivent ces lignes, une fusion entre les deux médias apparaît bien excentrique. La télévision n’a eu de cesse de se renouveler. Souhaitons-lui qu’elle se renouvelle encore en se forgeant une place au cœur de ce nouvel écosystème.
  • 44. 43 BIBLIOGRAPHIE  Ouvrages BALLE Francis, Médias et Sociétés, Montchrestien, 2011. BARATS Christine, Manuel d’analyse du web, Armand Colin, 2013. DELAVAUD Gilles, Permanence de la télévision, Apogée, 2011. JENKINS Henry, La culture de la convergence, Armand Colin, 2013. MISSIKA Jean-Louis, la fin de la télévision, Seuil, 2006. PARACUELLOS Jean-Charles, BENGHOZI Pierre-Jean, Télévision, l’ère du numérique, La Documentation Française, 2011. SONNAC Nathalie, GABSZEWICZ Jean, L’industrie des médias à l’ère du numérique, La Découverte, 2013. VEYRAT-MASSON Isabelle, SAUVAGE Monique, Histoire de la télévision française, Nouveau Monde Editions, 2012. .  Etudes CNC, « L’économie de la télévision de rattrapage en 2013 » CSA, « Première approche de la télévision sociale », Commission de réflexion prospective sur l’audiovisuel, Février 2013. REBOUL Mathieu, « TV connectée et 2nd écran : Internet à l’assaut de la télévision », INA Global, La revue des industries créatives et des médias, 7 mars 2013. SNPTV, « Les + de TV 2014 »  Données statistiques Médiamétrie : http://www.mediametrie.fr/ Mesagraph : http://blog.mesagraph.com/  Méthode de l’entretien semi-directif - Olivier ABECASSIS, directeur général de MyTF1 et créateur de WAT.TV - Lionel ABBO, directeur du développement et du digital – Shine France
  • 45. 44 ANNEXES 1. Modèle en couches appliqué à l’écosystème des TIC. Rapport Coe-Rexecode, Document de travail n°16 « Les opérateurs de réseaux dans l’économie numérique, ligne de force, enjeux et dynamiques », janvier 2010, p 10. 2. TV : un média social qui évolue, SNPTV « Les + de la TV 2014 », p 119.
  • 46. 45 3. Entretiens semi-directifs ENTRETIEN OLIVIER ABECASSIS – LA CONVERGENCE NUMERIQUE : QUELLE PLACE POUR LA TELEVISION ? Est-ce qu’on tend vers une fusion des médias TV/ INTERNET ? Olivier ABECASSIS : Il y a un problème de définition de ce que c’est la télébision. Est-ce que c’est juste l’écran qu’on a juste dans son salon sur lequel on reçoit des chaînes linéaires telles que TF1 ? Si la TV c’est ça, je comprends la question. Mais la TV ce n’est plus ça. En tout cas, la TV qu’on imagine du point de vue d’une chaîne de TV comme TF1, elle consiste à considérer qu’on a un programme, ce programme il va se retrouver sur tous les écrans avec évidemment encore aujourd’hui un moment fort qui est celui du samedi soir lors de diffusion. Mais il y a un moment aussi parfois qui va être celui de l’avant, et un moment qui est de l’après. La télé, c’est avant tout des contenus qui sont pensés pour une cible donnée ou un ensemble de cibles. Et ensuite on va faire en sorte d’atteindre ces cibles là où elles sont. On les atteint en donnant rendez-vous le samedi soir à 20h50 pour faire « The Voice ». « The Voice » existe parce qu’on a 6 à 9 millions de téléspectateurs qui regardent le samedi soir. Mais par ailleurs, il y a des gens qui le samedi soir font autre chose. Soit ils regardent la télé sur une autre chaîne, soit ils font autre chose. A ceux-là on va leur permettre de regarder le programme à un autre moment par le replay et puis d’en avoir plus autour de plus de contenus sur un participant ou sur autre chose et c’est pas parce que c’est pas un contenu qui a été diffusé sur le réseau hertzien et vu sur un téléviseur que ce n’est pas de la télévision. La TV c’est le fait de sélectionner les contenus, les programmer et les diffuser. Mais y rien dans tout ça qui nécessite qu’on se limite au simple téléviseur qu’on a dans le salon. Pour moi, y a un problème de hiérarchie. La TV c’est programmer des contenus et ça se fait ensuite sur tous les médias et internet est en fait un des supports qui permet à la fois d’étendre le mode de consommation (replay etc.) mais aussi qui permet d’en voir plus et aussi différemment. Sur internet, on peut ne pas regarder le programme en intégralité mais juste revoir les trois séquences dont tout le monde parlait. On multiplie simplement les opportunités de contact d’un programme avec ses téléspectateurs mais ça reste toujours de la télé.
  • 47. 46 Quand on interagit sur Twitter, c’est pareil, on parle de « The Voice », ça commence sur la prestation d’un candidat, et puis on a la possibilité de revoir sa prestation. Et puis c’est l’occasion de se reconnecter soit avec MYTF1 soit avec TF1 parce qu’on se dit finalement il s’est passé un truc fou dans « The Voice » et j’ai envie de le voir. Donc il n’y a pas de concurrence avec d’un côté la télé, média des générations précédentes et de l’autre internet avec la génération nouvelle. Aujourd’hui, il y a encore une tendance qui est forte puisque les Français passent en moyenne 3h50 par jour à regarder la télévision. Et à côté de ça, monte minute par minute la consommation sur les nouveaux supports mais il n’y a pas de raison de considérer qu’il y en a un qui va prendre le pas sur l’autre. Aujourd’hui il y a simplement une opportunité différente. Y a 25 ans, quand on voulait faire une chaîne de TV, il fallait faire un travail de programmation où on choisit les contenus parce qu’on avait pas la possibilité d’en mettre un certain nombre dans une journée et puis on diffusait historiquement sur le réseau hertzien où sur le câble et le satellite. Ce modèle là il est aujourd’hui balayé parce que les chaines historique ont la possibilité d’être présent sur tous les supports et puis parallèlement pour des contenus qui n’avaient pas la possibilité d’être diffusés parce qu’il n’y avait juste pas le nombre de canaux qu’il fallait, pour avoir une offre qui soit illimitée. Et c’est le cas des chaînes YouTube qui vont faire sur une thématique donnée, beaucoup de contenus parce que par exemple un passionné de cuisine n’aura plus à attendre l’émission diffusée à tel moment sur telle chaîne spécialisée, on va rentrer dans une logique où y a des centaines de programmes consacrés à la cuisine sur les chaînes YouTube. Ça pose toujours les mêmes questions de savoir comment on maximise le contact d’un contenu avec la cible la plus large mais la télé, elle a juste évolué par les possibilités technologiques et d’usage qui nous sont offertes. Donc je préfère l’idée de convergence qui dit qu’à la fin on a bien une idée, une capacité de consommer les contenus dans tous les endroits mais je ne pense pas qu’il y a une victoire d’internet sur la télé comme il n’y a pas eu de victoire de la télé sur internet. Les deux sont différentes et pour moi hiérarchisés.