Présentation des problématiques françaises de la promotion des énergies renouvelables dans les documents d'urbanisme, dans le cadre d'un séminaire coorganisé par la faculté de droit de Université d'Etat de Rio de Janeiro et le SERDEAUT, centre de recherches en droit de l'urbanisme de l’Université Paris Panthéon Sorbonne
1. PLANIFICATION URBAINE
ET
ENERGIES RENOUVELABLES
LES PROBLEMATIQUES DU DROIT FRANCAIS
PAR FREDERIC ROLIN
PROFESSEUR A L'UNIVERSITE PARIS SACLAY
MEMBRE DU SERDEAUT
SEMINAIRE UERJ /SERDEAUT 25 MAI 2015
RIO DE JANEIRO
2. INTRODUCTION
I : Quelques rappels techniques sur les outils de planification
urbaine française :
- C'est l'Etat qui définit (dans le code de l'urbanisme) les compétences des
autorités locales pour établir des actes de planification urbaine. Est ainsi
énonce ce qu'elles doivent faire, ce qu'elles peuvent faire, et ce qu'elles ne
doivent pas faire.
- il existe deux grands types de documents de planification urbaine :
* les « schémas de cohérence territoriale » (SCOT) pour la planification
stratégique qui fixe des orientations pour des territoires de taille variable
( moyenne 2014 : 780 km2, 53 communes, 113000 habitants).
* les plans locaux d'urbanisme (PLU) pour la planification réglementaire, soit à
l'échelon de la commune, soit à l'échelon d'un groupe de communes.
- les PLU doivent respecter les grandes orientations des SCOT (principe de
compatibilité)
3. INTRODUCTION
I : Quelques rappels techniques sur les outils de planification
urbaine française :
* il faut ajouter, pour ce qui concerne les énergies renouvelables les « schémas
régionaux climat air énergie » qui sont définis par l'Etat au niveau régional et
comprennent un volet de promotion des énergies renouvelables et un plan de
développement de l'énergie éolienne.
Ces documents ont une incidence faible sur les documents de planification
urbaine qui ne sont pas tenus de les respecter mais doivent seulement les
« prendre en compte », obligation qui n'est pas juridiquement sanctionnée.
4. INTRODUCTION
II : la place de la promotion des énergies renouvelables dans le
droit de l'urbanisme
1 – le droit de l'urbanisme ne considère pas de la même manière toutes les
sources d'énergies renouvelables :
* intérêt principal pour les sources d'énergies renouvelables qui ont impact
urbanistique (éolien, solaire photovoltaïque ou thermique).
* peu de préoccupations pour la filière bois, les réseaux de chaleur utilisant des
déchets.
* situation particulière de l'hydro-électricité : peu de nouveaux barrages en
France et situation sur le domaine public avec une forte composante liée à la
puissance publique en font un objet peu analysé en droit de l'urbanisme
5. INTRODUCTION
II : la place de la promotion des énergies renouvelables dans le
droit de l'urbanisme
2- les énergies renouvelables constituent en droit de la planification urbaine un
sous ensemble des questions touchant à la performance énergétique des
constructions et des espaces :
* réduction des transports polluants par l'aménagement des espaces
* amélioration des performances énergétiques des bâtiments
Elles sont rarement traitées de manière séparée de ces autres questions dans
les documents de planification urbaine.
Exemple : l'amélioration des performances énergétiques des bâtiments passe à
la fois par le fait de ne pas pénaliser les procédés d'isolation thermique et par
celui de permettre d'installer des dispositifs de production d'énergie
6. INTRODUCTION
III Objectif de notre présentation :
montrer la difficulté de mise en œuvre de politiques de promotion
des énergies renouvelables dans les documents de planification
urbaine en raison d'un conflit entre global et local : un discours
national volontariste, une pratique locale minimaliste
1- il existe un cadre national volontariste
2 - la pratique locale reste en revanche minimaliste et conservatrice
3 – les instruments juridique pour tenter de remettre en cause ces
réticences sont peu efficaces
Ce qui nous amènera en conclusion à nous demander si la
planification urbaine est un support pertinent pour assurer la
promotion des énergies renouvelables.
7. Première partie :
Un cadre juridique national volontariste
I : une multiplication des textes législatifs et réglementaires
qui assurent la promotion des énergies renouvelables
- depuis environ 10 ans de nombreux textes ont inscrit la promotion
des énergies renouvelables dans notre droit positif, avec un volet
relatif aux documents d'urbanisme
- loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005 ;
- loi portant engagement national pour l’environnement du 12 juillet 2010 ;
- loi pour un accès au logement et à un urbanisme rénové du 24 mars 2014
S'y ajoute un projet de loi en cours de discussion : la loi sur la transition énergétique
8. Première partie :
Un cadre juridique national volontariste
II : Des textes qui posent des principes généraux peu
contraignants
Ex : article L. 121-1 du Code de l'urbanisme :
« Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux
d'urbanisme (...) déterminent les conditions permettant d'assurer,
dans le respect des objectifs du développement durable :
(...)3° La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la
maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de
sources renouvelables (...) »
9. Première partie :
Un cadre juridique national volontariste
III : Des textes qui ouvrent des possibilités mais n'imposent
pas d'obligations
Ex : article L.128-1 Code de l'urbanisme :
« Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le règlement peut autoriser un dépassement
des règles relatives au gabarit résultant du plan local d'urbanisme dans la limite de 30
% et dans le respect des autres règles établies par le document, pour les
constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou
alimentées à partir d'équipements performants de production d'énergie
renouvelable ou de récupération ».
Ce n'est qu'une faculté et non une obligation, dont nous verrons plus tard qu'elle est assez
peu utilisée.
10. Première partie :
Un cadre juridique national volontariste
IV : Le cas particulier des installations éoliennes :
La vive contestation de l'impact des éoliennes sur les paysages a conduit à des règles
nationales très strictes (distance des éoliennes par rapport aux constructions,
créations de zones dans lesquelles l'implantation sera autorisée, etc.).
11. Deuxième partie :
Une pratique locale très restrictive
I : Les SCOT jouent mal leur rôle de planification stratégique en matière d'énergies
renouvelables
Exemple SCOT de Caen :
« Pour les équipements commerciaux à créer dont la SHON excéderait 10 000 m², il
conviendrait de veiller à la mise en place de systèmes ou processus permettant
d’atteindre les objectifs de réduction des consommations énergétiques […]. La
possibilité d’utiliser la toiture des bâtiments pour implanter des équipements de
production d’énergie solaire devra faire l’objet d’une attention particulière »
Il s'agit davantage de bonnes pratiques que de règles juridiquement sanctionnées (J.Ph.
Brouant, SCOT et énergie, fiche Gridauh 2011)
Les auteurs de PLU subissent ainsi très peu de contraintes.
12. Deuxième partie :
Une pratique locale très restrictive
II : Les PLU mettent très faiblement en œuvre les possibilités qui leurs sont
ouvertes au plan national
A : Le constat :
- les augmentations du droit de construire en cas d'utilisation d'énergies renouvelables
sont rarement accordées ;
- les PLU prennent rarement en compte les exigences propres à l'efficacité des énergies
renouvelables (ex. orientation des bâtiments pour l'énergie solaire)
- Les PLU créent des obligations sur l'aspect extérieur des constructions qui limitent la
possibilité de sources d'énergies renouvelables (toitures en tuile, pente des toits,
« insertion dans le milieu urbain » des dispositifs d’énergies renouvelables.
13. Deuxième partie :
Une pratique locale très restrictive
II : Les PLU mettent très faiblement en œuvre les possibilités qui leurs sont
ouvertes au plan national
B : Les disparités locales
- Les communes les plus importantes et les plus urbanisées sont souvent plus actives
dans la promotion des énergies renouvelables (en raison des compétences techniques
qu'elles possèdent, de leur capacité financer des études et de la moindre réticence des
personnes qui vivent dans un milieu déjà pleinement urbanisé.
- En revanche les communes peri-urbaines ou rurales opposent une forte résistance qui
est partagée par les habitants : les mesures favorables aux énergies renouvelables
étant vues comme un moyen de favoriser la densification des espaces et la remise ne
cause de l'habitat individuel au profit de l'habitat collectif.
- Faute de statistiques il est difficile de quantifier ces phénomènes, mais en prenant un
échantillon de PLU d'un département péri urbain de la région parisienne on peut
14. Troisième partie :
Comment surmonter les blocages locaux et assurer une
réelle promotion des énergies renouvelables ?
I : Des mesures nationales permettant de déroger aux règles d'urbanisme locales
restrictives
- article L. 111-6-2 Code de l'urbanisme :
Inopposabilité des règles du PLU « relatives à l'aspect extérieur des constructions » pour
les permis de construire qui utilisent des dispositifs favorisant ...la production d'énergie
renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des
occupants de l'immeuble ou de la partie d'immeuble concernés.
Ces dérogations restent toutefois limitées : la commune peut les exclure pour des motifs
de protection esthétique, et ils ne donnent pas droit à de véritables « bonus » de
constructibilité
15. Troisième partie :
Comment surmonter les blocages locaux et assurer une
réelle promotion des énergies renouvelables ?
I : Des mesures nationales permettant de déroger aux règles d'urbanisme locales
restrictives
- article L. 111-6-2 Code de l'urbanisme :
Inopposabilité des règles du PLU « relatives à l'aspect extérieur des constructions » pour
les permis de construire qui utilisent des dispositifs favorisant ...la production d'énergie
renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des
occupants de l'immeuble ou de la partie d'immeuble concernés.
Ces dérogations restent toutefois limitées : la commune peut les exclure pour des motifs
de protection esthétique, et ils ne donnent pas droit à de véritables « bonus » de
constructibilité
- le projet de loi sur la transition énergétique en cours de discussion n'apporte pas
16. Troisième partie :
Comment surmonter les blocages locaux et assurer une
réelle promotion des énergies renouvelables ?
II : changer de paradigme ?
A : Quelques questions provocatrices :
- peut-on faire confiance aux élus locaux pour mettre en œuvre des
mesures qui vont contre l'opinion majoritaire de leurs électeurs ?
- peut-on engager une démarche volontariste de promotion des
énergies renouvelables sur la base de dispositifs simplement
incitatifs ou procéduraux ?
- peut-on espérer un effet suffisamment massif et rapide de
dispositifs qui ne seront intégrés dans les documents
d'urbanisme qu'à moyen terme ?
17. Troisième partie :
Comment surmonter les blocages locaux et assurer une
réelle promotion des énergies renouvelables ?
II : changer de paradigme ?
B : Quelques propositions provocatrices :
- Définir un cadre juridique national contraignant qui n'a pas besoin
de mesures d'application locales.
- imposer des objectifs chiffrés aux collectivités locales avec des
effets de bonus/malus sur les dotations financières qui leurs sont
attribuées par l'Etat.
- voire de manière plus ambitieuse encore, créer un droit de la
performance énergétique incluant les énergies renouvelables
entièrement dérogatoire aux règles contenues dans les
documents d'urbanisme.