Présentation donnée dans le cadre du cycle de conférences "JuriTIC" organisé par le Centre de recherches information, droit et société (CRIDS) de l'Université de Namur, en mai 2010.
Cette présentation envisage une question importante des opérations informatiques complexes: la réversibilité, c'est à dire le transfert à un autre opérateur des services ou des données en fin de contrat.
Elle décrit d'abord le régime juridique de droit commun de la réversibilité, avant de se pencher sur la manière dont celle-ci peut (et devrait) être organisée conventionnellement.
Le point sur la responsabilité des intermédiaires de l'Internet [2012]
La fin du contrat, et après ? [2010]
1. Contrats informatiques – questions choisies
Bruxelles, le 7 mai 2010
La fin du contrat. Et après ?
François Coppens
Chercheur au CRID
Avocat (De Wolf & Partners)
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2. Introduction
L’informatique est devenue un outil stratégique de la
plupart des organisations
Les données des organisations (et des particuliers) sont un actif
de la plus haute importance (cf. Facebook, Google, etc.)
Les tendances actuelles en matière informatique
impliquent souvent une perte de contrôle croissante du
client
sur le Hardware (hébergement, outsourcing)
sur le Software (outsourcing, SaaS)
sur les données (SaaS, Cloud Computing)
3. Introduction (II)
La bonne volonté et la collaboration sont parfois
écornées en fin de contrat (surtout s’il s’agit de changer
de fournisseur)
L’organisation de la réversibilité est une question
primordiale
Désigne l’ensemble des opérations qui permettent au client de
récupérer la maîtrise d’un système informatique externalisé ou
de la transférer à un tiers à la fin du contrat
Les systèmes informatiques concernés sont souvent
complexes
Exemple : Progiciel de Gestion Intégrée (ERP)
• Logiciel de gestion (différent modules)
• Base de données centralisée
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5. Intérêts du fournisseur
Protéger sa propriété intellectuelle et son know-how
Structure de base de données originale
Peut révéler des informations sur le fonctionnement du logiciel
(cf. codes sources)
Fixer les conditions techniques et commerciales de la
réversibilité
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Prestations supplémentaires
Transfert de bases de données (opération délicate)
Répartition des responsabilités
Délais d’exécution
Etc.
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6. Droits du fournisseur
Propriété intellectuelle sur les logiciels et bases de
données
Droit de « non-divulgation », de « non-reproduction » et de
« non-communication au public »
Mesures techniques de protection, juridiquement protégées
Secrets d’affaire et confidentialité
Droit de protéger ses secrets d’affaires
Obligation de confidentialité très souvent prévue dans les
contrats
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7. Intérêts et droits du Client
Intérêt : accès et maîtrise de ses données
Droits intellectuels éventuels
Seulement droit d’autoriser ou d’interdire, ne comprend pas le
droit de récupérer ses œuvres ;
Droit d’accès ?
• Seulement auteur – personne physique
• Application malaisée à propos de données (incorporelles)
• « raisonnable pour l’exercice de ses droits patrimoniaux »
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8. Droits du client (suite)
Protection de la vie privée ?
Uniquement s’il s’agit de données à caractère personnel
Uniquement si le client est responsable du traitement
Contrat de dépôt accessoire ?
Ne peut porter que sur des choses corporelles (controverse)
Suppose une dépossession de la chose (alors que le client a
toujours accès à ses données)
Obligation de résultat (peu adaptée)
Ne permet pas de résoudre toutes les questions (frais de
restitution, format de restitution, etc.)
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9. Arbitrage juridiques
Exécution de bonne foi du contrat
Obligation de principe de restituer les données ?
MAIS limitée à ce principe. Les modalités sont à déterminer en
interprétant le contrat ou soumises à l’accord ultérieur des parties
• Les conditions en termes de confidentialité et de propriété
intellectuelle posées par le fournisseur reposent sur des bases
juridiques solides
• Les conditions techniques et financière d’exécution de la réversibilité
sont soumises à la libre négociation des parties (en dépit de la
position de force éventuelle du prestataire)
Les contours de l’exécution de bonne foi dépendent des
termes du contrat
Clauses concernant la propriété intellectuelle et la confidentialité
Responsabilité de la sauvegarde des données, etc.
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10. Arbitrages juridiques (II)
Obligation d’information et de conseil du prestataire
professionnel (dépendra des circonstances)
Filet de sécurité : l’abus de droit
Le prestataire qui refuse toute restitution des données ou pose
des conditions exorbitantes doit pouvoir être sanctionné
Analogie : la divulgation des codes sources (en l’absence
de mentions contractuelles)
Logiciels développés sur mesure
Perturbation grave de l’activité du prestataire
Droit de la concurrence (abus de position dominante)
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11. Arbitrages juridiques (III)
Intervention du juge des référés :
Le demandeur ne peut avoir créé l’urgence
Le juge ne peut ordonner de mesures qui porteraient aux parties
un préjudice définitif et irrémédiable (divulgation de secret)
En matière contractuelle, le juge doit s’abstenir de prononcer une
ordonnance anticipant un droit qui est sérieusement contestable
• Or, les « droits » du client sont relativement fragiles
Appel à la prudence des juges des référés (analogie :
saisies-descriptions)
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13. Organiser la réversibilité
Le « droit commun » dégagé permet de tracer les
contours (flous) d’une obligation de permettre la
réversibilité
Il est toutefois impuissant à en déterminer les modalités
et conditions
L’anticipation contractuelle de la réversibilité est la
réponse la plus sûre pour les deux parties
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14. Clauses de réversibilité – du
côté du client (I)
Les clauses concernant la réversibilité doivent pouvoir
être mises en œuvre quelles que soient les raisons et
circonstances de l’expiration du contrat
Obligation générale de collaboration, d’assistance et de
fourniture d’information
Maintenir l’accès aux ressources informatiques prévues
dans le contrat jusqu’à la fin des opérations concernant la
réversibilité
Charger le prestataire (ou les deux parties en
collaboration) d’établir un plan de réversibilité en cours
de contrat
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15. Clauses de réversibilité – du
côté du client (II)
Clauses concernant les données :
Établir expressément la « propriété » du client sur les données et
l’obligation du prestataire de les restituer
Indiquer le format (standard) dans lequel les données seront
conservées et restituées, qui permettra leur importation dans un
autre système
Éventuel « escrow agreement » portant sur les données (par
exemple dans un modèle SaaS ou Cloud Computing)
Obligation du prestataire de réaliser une copie de sauvegarde de
la base de données jusqu’à la (bonne) fin des opérations de
réversibilité
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16. Clauses de réversibilité – du
côté du client (III)
Clauses concernant les opérations de réversibilité :
Obligation du prestataire d’accepter de fournir les prestations
demandées par le client, sauf pour des motifs sérieux et
légitimes
Allouer les ressources prévues au contrat aux opérations de
réversibilité (sans coûts supplémentaires)
Etablir les conditions financières d’éventuelles prestations
supplémentaires
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17. Clauses de réversibilité – du
côté du prestataire (I)
Reconnaissance de ses droits intellectuels, de son knowhow et de la confidentialité de ces éléments
Intervention du prestataire lui-même ou d’une entreprise
tierce et indépendante en cas de transfert vers un
système fourni par un concurrent
Qualification des obligations du prestataire (de moyens
ou de résultats)
Éventuelles garanties offertes
Délais d’exécution
Conditions financières
Etc.
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18. Conclusion
Droits, intérêts et prétentions légitimes mais opposés des
parties en présence
Prétentions simultanées sur deux réalités différentes
mais indivisibles d’une base de données :
Le prestataire a des droits sur le contenant
Le client a un intérêt à maîtriser le contenu
=> le juge doit tenir compte des répercussions sur l’un quand il
accorde une décision en faveur de l’autre
Un arbitrage par le droit commun bien incertain
Difficile à tracer en ce qui concerne les principes
Impossible pour fixer les modalités
Piste de réflexion : privilégier le logiciel libre ?
L’organisation conventionnelle est la solution la plus sûre
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19. Merci de votre attention
François Coppens
Chercheur au CRID
francois.coppens-1@fundp.ac.be
Avocat au Barreau de Bruxelles (De Wolf & Partners)
francois.coppens@dewolf-law.be
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