SlideShare uma empresa Scribd logo
1 de 222
Baixar para ler offline
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 
___________________________________________________________________________ 
COMMISSION D’ENQUÊTE RELATIVE À 
L’IMPACT SOCIÉTAL, SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET FINANCIER DE LA RÉDUCTION PROGRESSIVE DU TEMPS DE TRAVAIL 
PARIS, le 9 décembre 2014 
Projet de rapport 
Mme Barbara ROMAGNAN, rapporteure 
Document provisoire Ă©tabli sous la responsabilitĂ© du secrĂ©tariat de la commission d’enquĂȘte
— 3 — 
SOMMAIRE 
___ 
Pages 
AVANT-PROPOS DE M. THIERRY BENOIT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE ..................................................................................... 9 
INTRODUCTION ET SYNTHÈSE ........................................................................... 11 
PREMIÈRE PARTIE – LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE DE LONG TERME DES ÉCONOMIES QUI SE DÉVELOPPENT ............................................................................................................ 17 
I. UNE TENDANCE HISTORIQUE DE LONG TERME OBSERVÉE DANS TOUS LES PAYS INDUSTRIALISÉS ....................................................................... 17 
A. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A JUSQU’À PRÉSENT ÉTÉ CONCÉDÉE ET NON PAS SPONTANÉE .......................................................... 17 
1. Les Gouvernements libéraux du XIXe siÚcle ont concédé des réductions légales du temps de travail aux enfants puis aux femmes ...................................... 17 
2. Les salariés adultes ont du se coaliser pour obtenir de travailler moins de 10 heures par jour et de 60 heures par semaine .......................................................... 18 
3. Les syndicats ouvriers sont parvenus à donner une audience mondiale à leurs revendications pour la réduction du temps de travail ............................................. 21 
B. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE MONDIALE DIVERSEMENT INSCRITE DANS LE DROIT ............................. 23 
1. Le droit international limite les durées maximales de travail à des niveaux qui sont restés relativement élevés ............................................................................... 23 
2. Les normes internationales de temps de travail sont davantage respectées dans les pays industrialisés que dans les pays émergents ............................................... 26 
3. En deçà des maxima internationaux, trois obligations complémentaires sont utilisées pour baisser légalement le temps de travail des salariés .......................... 28 
a. Le repos compensateur ....................................................................................... 29 
b. Les congés payés ................................................................................................ 31 
c. La tarification différenciée des heures de travail .................................................. 32 
4. Les lĂ©gislations nationales du travail s’affaiblissent tandis que l’individualisation des normes restaure l’autonomie du contrat ............................ 33
— 4 — 
5. Des limites méthodologiques qui rendent plus difficiles les comparaisons internationales ........................................................................................................ 36 
a. Plusieurs définitions de la durée du travail rendent les comparaisons internationales peu pertinentes ............................................................................ 36 
b. Il faut surtout tenir compte de la part du temps partiel, trùs variable d’un pays à l’autre ................................................................................................................. 39 
II. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL S’EST EXERCÉE EN FRANCE PAR DES ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES IRRÉGULIÈRES ET SANS DIMINUTION DES SALAIRES ................................................................................... 41 
A. APRÈS 1919 ET À L’EXCEPTION DE 1968, LE TEMPS DE TRAVAIL LÉGAL DES SALARIÉS A ÉTÉ RÉDUIT PAR DES MAJORITÉS DE GAUCHE .................................................................................................................. 41 
B. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL PRESCRITE PAR LES LOIS AUBRY A ÉTÉ ASSORTIE D’AMÉNAGEMENTS ET DE COMPENSATIONS FINANCIÈRES .................................................................... 45 
1. AprĂšs la rĂ©cession de 1993, des Ă©lus de tous bord tentent de favoriser l’emploi par la baisse du temps de travail ............................................................................ 45 
2. Une baisse générale est préparée par le Gouvernement de M. Lionel Jospin ........ 47 
3. Le passage Ă  la norme des 1 600 heures annuelles se fait par deux lois successives .. 48 
4. Les entreprises qui augmentaient l’emploi peu qualifiĂ© en rĂ©duisant le temps de travail payaient moins de cotisations ................................................................. 53 
5. La rĂ©duction du temps de travail s’est appliquĂ©e inĂ©galement mais les jours de repos supplĂ©mentaires dits de RTT sont « entrĂ©s dans les moeurs » ...................... 55 
6. La mise en oeuvre des 35 heures dans la fonction publique a fait l’objet d’accords spĂ©cifiques ............................................................................................. 60 
C. LA POLITIQUE D’EMPLOI PAR LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A ÉTÉ INTERROMPUE, ENTRE 2002 ET 2012, AU PROFIT D’UNE INCITATION AUX HEURES SUPPLÉMENTAIRES ............................ 64 
D. CES POLITIQUES SE SONT INSCRITES DANS UN MOUVEMENT PLUS GÉNÉRAL DE TRANSFORMATIONS DU CADRE DE TRAVAIL ET DE VIE . 65 
E. DES DIFFICULTÉS D’ORDRE MÉTHODOLOGIQUE COMPLEXIFIENT L’ÉVALUATION DES EFFETS DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ................................................................................................................... 68 
1. La mesure de la durée du travail est une science imprécise ................................... 68 
2. Certaines données disponibles sont incomplÚtes ou imprécises ............................ 69 
DEUXIÈME PARTIE – DANS L’ÉVALUATION DES LOIS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL, DES FAITS SAILLANTS SE DÉGAGENT .................................................................................................................... 71 
A. LA PÉRIODE 1997-2002 EST CARACTÉRISÉE PAR DES CRÉATIONS MASSIVES D’EMPLOIS ........................................................................................ 71 
1. Le nombre de chÎmeurs a beaucoup diminué entre 1999 et 2001 ......................... 71 
2. La pertinence d’une politique de RTT face au temps partiel ................................. 72
— 5 — 
3. La croissance était élevée pendant la période de mise en oeuvre de la législation sur le temps de travail. .......................................................................... 73 
4. Les crĂ©ations d’emplois entre 1997 et 2001 ont atteint un niveau exceptionnel dans l’histoire Ă©conomique française ..................................................................... 74 
5. La baisse du chĂŽmage est d’autant plus notable que la population active a augmentĂ© sur la pĂ©riode ......................................................................................... 77 
B. LES LOIS AUBRY ONT CONTRIBUÉ DE FAÇON IMPORTANTE AUX CRÉATIONS D’EMPLOI ........................................................................................ 79 
1. Les premiĂšres prĂ©visions des effets sur l’emploi des lois Aubry faisaient espĂ©rer la crĂ©ation de 700 000 postes ..................................................................... 79 
2. Une étude macro-économique extrapole la création de 320 000 emplois entre 1998 et 2001 ........................................................................................................... 80 
3. Des études micro-économiques commandées par la DARES confirment la création de 350 000 emplois .................................................................................. 82 
4. Controverses sur les effets de la rĂ©duction du temps de travail : crĂ©ation d’emploi ou augmentation du coĂ»t du travail et pertes de compĂ©titivitĂ© ? ............ 85 
5. Aprùs les lois Aubry, les baisses de cotisations patronales sont devenues l’instrument principal de la politique de l’emploi .................................................. 88 
C. LES LOIS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL SONT-ELLES RESPONSABLES DE LA PERTE DE COMPÉTITIVITÉ DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE ? ............................................................................... 89 
1. Le diagnostic partagĂ© par les organisations patronales et syndicales sur la compĂ©titivitĂ© indique qu’il n’y a pas eu de dĂ©rive des coĂ»ts salariaux unitaires ... 90 
2. La compĂ©titivitĂ© coĂ»t s’est amĂ©liorĂ©e de 1997 Ă  2002 et ce n’est qu’à partir de 2004 que l’évolution s’inverse, notamment vis-Ă -vis de l’Allemagne .................. 94 
3. Les comptes des entreprises n’ont pas Ă©tĂ© dĂ©gradĂ©s par les 35 heures .................. 96 
4. Les 35 heures ont amélioré la productivité horaire industrielle ............................. 97 
5. Mais les gains de productivitĂ© n’ont pu compenser la forte apprĂ©ciation de l’euro Ă  partir de 2002 ............................................................................................ 98 
6. Les industries européennes se sont adaptées à cette appréciation par des stratégies divergentes ............................................................................................. 100 
7. L’industrie française a rĂ©duit l’offre intĂ©rieure et s’est redĂ©ployĂ©e Ă  l’international... 100 
8. Les responsables d’entreprises entendus par la commission ne souhaitent pas remettre en cause les 35 heures .............................................................................. 101 
D. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A EU UN COÛT MODÉRÉ POUR LES FINANCES PUBLIQUES, COMPENSÉ PAR DES RECETTES SUPPLÉMENTAIRES ET DE MOINDRES DÉPENSES DE TRANSFERT .. 105 
1. Les conséquences financiÚres des lois Aubry ont été évaluées en 2004 ................ 105 
2. Le coût budgétaire brut des allÚgements de cotisations des lois Aubry ................. 106 
a. Un scenario de coût «conventionnel », reposant sur deux périodes distinctes ....... 108 
b. Un scenario de coût « total », qui reprend simplement la chronique de coût des allÚgements généraux sur la période 2003-2014. ................................................. 108
— 6 — 
3. Quand on tient compte des effets induits, le coĂ»t net « ex-post » des Lois Aubry pour les finances publiques s’élĂšve Ă  2,5 millards ...................................... 110 
4. Un bilan macroĂ©conomique dĂ©taillĂ© des lois Aubry, rĂ©alisĂ© avec les modĂšles de l’OFCE, conduit Ă  des rĂ©sultats voisins de ceux Ă©voquĂ©s par le directeur du Budget .................................................................................................................... 111 
E. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC S’EST FAITE À EFFECTIFS CONSTANTS SAUF À L’HÔPITAL .................. 113 
1. Le temps de travail et les effectifs dans les fonctions publiques ont été peu modifiés en pratique ............................................................................................... 113 
2. La réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale est mal connue .................................................................................................................... 116 
3. Le passage aux 35 heures dans la fonction publique hospitaliÚre a été difficile et parfois mal vécu ................................................................................................. 117 
4. L’impact budgĂ©taire des 35 heures devait ĂȘtre rĂ©duit dans la fonction publique d’État ...................................................................................................................... 119 
5. Les entreprises publiques pratiquaient déjà les 35 heures et se sont adaptées aux lois Aubry à un coût relativement limité ......................................................... 120 
F. L’EFFET DYNAMIQUE DE LA MISE EN PLACE DES 35 HEURES SUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE ........................................................................ 121 
1. Les lois Auroux : le « point de bascule » dans les liens entre temps de travail et négociation collective ............................................................................................. 121 
2. Les lois Aubry I et II : un « coup de fouet » en faveur du dialogue social ............ 122 
3. Les réticences actuelles à modifier les équilibres négociés ................................... 125 
TROISIEME PARTIE - LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (RTT) EST ÉGALEMENT UN FACTEUR DE PROGRÈS SOCIAL ......... 127 
I. LA RTT A PERMIS UNE AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE EN DEHORS DU TRAVAIL ............................................................................................... 127 
A. LA RTT A FAIT NAÎTRE UN SENTIMENT GÉNÉRAL D’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE, SANS REMETTRE EN CAUSE LA VALEUR ACCORDÉE AU TRAVAIL .................................................................................... 128 
1. Les Français portent une apprĂ©ciation globalement positive de l’incidence de la RTT sur la qualitĂ© de vie hors travail ................................................................. 128 
2. La RTT est perçue comme un acquis social ........................................................... 131 
3. La RTT n’a pas remis en cause l’attachement des salariĂ©s au travail .................... 133 
B. LA RTT N’A PAS TRANSFORMÉ LA STRUCTURE DE L’OCCUPATION DU TEMPS LIBRE, ELLE A SURTOUT CONTRIBUÉ À L’ÉPANOUIR ........ 134 
1. Un surcroĂźt de temps libre partiellement mis Ă  profit pour les loisirs .................... 134 
2. La structure de l’utilisation du temps libre a peu Ă©voluĂ© avec la RTT .................. 136 
a. Les aspirations sociĂ©tales exprimĂ©es avant la RTT n’ont pas Ă©tĂ© entiĂšrement rĂ©alisĂ©es .............................................................................................................. 136 
b. Une sociĂ©tĂ© de « temps choisi » s’est dĂ©veloppĂ©e ................................................ 138
— 7 — 
C. LA FAMILLE A ÉTÉ LA PRINCIPALE BÉNÉFICIAIRE DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL, ENTRAINANT MÊME UN DÉBUT DE RÉALLOCATION DES TEMPS DE TRAVAIL ET DE SOINS ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ......................................................... 140 
1. La RTT a facilité la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ........... 141 
2. La RTT a opéré un rééquilibrage des tùches parentales ......................................... 143 
3. L’accomplissement des tñches domestiques reste l’apanage des femmes ............. 145 
a. La persistance d’une inĂ©gale rĂ©partition des tĂąches domestiques .......................... 145 
b. La faute au temps partiel ? .................................................................................. 147 
D. MAIS LA SATISFACTION À L’ÉGARD DES AMÉLIORATIONS SOCIÉTALES ENCOURAGÉES PAR LA RTT DÉPEND ÉTROITEMENT DE SES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE .................................................. 148 
1. Une appréciation différenciée en fonction des conditions de négociation et de mise en oeuvre des 35 heures .................................................................................. 149 
2. Les jeunes gĂ©nĂ©rations se montrent plus sensibles Ă  l’incidence des 35 heures sur leurs conditions de vie ...................................................................................... 149 
3. L’apprĂ©ciation de la rĂ©duction du temps de travail varie en fonction du sexe, de la catĂ©gorie socioprofessionnelle et de la prĂ©sence d’enfants ........................... 151 
a. Entre hommes et femmes .................................................................................... 151 
b. En fonction de la catégorie socioprofessionnelle ................................................. 153 
c. En fonction de la structure familiale .................................................................... 154 
II. L’OBJECTIF D’AMÉLIORATION GÉNÉRALE DES CONDITIONS DE TRAVAIL AU REGARD DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL .......... 156 
A. LA DERNIÈRE ENQUÊTE « CONDITIONS DE TRAVAIL », RÉALISÉE EN 2013, MET EN ÉVIDENCE UNE DÉGRADATION CONTINUE DES CONDITIONS DE TRAVAIL DEPUIS LES ANNÉES 1980, AVEC UNE PARENTHÈSE ENTRE 1998 ET 2005. .............................................................. 157 
1. Les 35 heures ont pu contribuer Ă  l’intensification des conditions de travail observĂ©e .................................................................................................................. 157 
a. Une exigence accrue de polyvalence ................................................................... 160 
b. La « chasse aux heures improductives » .............................................................. 161 
c. De multiples facteurs responsables de la dégradation des conditions de travail .... 162 
2. Certains secteurs d’activitĂ© ou catĂ©gories d’entreprises ont plus fortement subi l’intensification des conditions de travail .............................................................. 163 
a. Le difficile passage aux 35 heures dans les TPE et PME ..................................... 163 
b. Les crispations liĂ©es Ă  l’intensification des conditions de travail Ă  l’hĂŽpital ......... 164 
3. L’importance du contexte dans lequel s’est opĂ©rĂ©e la RTT ................................... 165 
a. Une dĂ©gradation liĂ©e Ă  l’état du marchĂ© de l’emploi local et au pouvoir de nĂ©gociation des salariĂ©s ....................................................................................... 165 
b. Le paradoxe des cadres au forfait jours ............................................................... 166
— 8 — 
B. IL CONVIENT MAINTENANT DE REPENSER LES MODALITÉS DE NÉGOCIATION ET D’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE DU TEMPS DE TRAVAIL .................. 168 
1. Refonder la politique du temps de travail .............................................................. 168 
2. Encourager et approfondir les négociations relatives aux conditions de travail .... 169 
a. L’accord national interprofessionnel sur la qualitĂ© de vie au travail ..................... 170 
b. Choisir un niveau de négociation adapté ............................................................. 171 
3. Satisfaire des demandes variées ............................................................................. 173 
a. L’exemple de la journĂ©e de douze heures Ă  l’hĂŽpital ........................................... 174 
b. Le forfait jours .................................................................................................... 175 
c. L’organisation du temps de travail à l’heure des nouvelles technologies .............. 176 
CONCLUSION ................................................................................................................ 179 
I. LES 35 HEURES : UN BILAN RELATIVEMENT CONSENSUEL ...................... 179 
1. Une politique Ă©conomiquement efficace ................................................................ 179 
2. Un acquis social incontestable ............................................................................... 179 
II. UNE RÉFLEXION NÉCESSAIRE POUR ATTÉNUER CERTAINS EFFETS NÉFASTES .................................................................................................................... 180 
III. LA POLITIQUE DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL PEUT ÊTRE POURSUIVIE EN TIRANT LES LEÇONS DU PASSÉ .......................................... 181 
1. Des résultats économiques et sociaux reproductibles ? ......................................... 181 
a. Un soutien politique Ă  la croissance Ă©conomique ................................................. 181 
b. RĂ©duire le temps de travail pour protĂ©ger l’emploi existant ................................. 182 
c. Demain, vers les 32 heures ? ............................................................................... 183 
d. Clarifier les rÎles respectifs de la loi et de la négociation dans la définition des normes sociales ................................................................................................... 184 
2. Viser l’amĂ©lioration des conditions de travail ....................................................... 185 
3. Trouver le bon équilibre entre temps de travail et qualité de vie ........................... 185 
TRAVAUX EN COMMISSION .................................................................................. 189 
CONTRIBUTIONS ........................................................................................................ 191 
COMPTES RENDUS DES RÉUNIONS ET AUDITIONS ET LISTE DES PERSONNES ENTENDUES LORS DES DÉPLACEMENTS ........... 213 
ANNEXES ........................................................................................................................ 219 
ANNEXE 1 : RÉSOLUTION CRÉANT LA COMMISSION D’ENQUÊTE ................ 219 
ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE ......................... 221
— 9 — 
AVANT-PROPOS DE M. THIERRY BENOIT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE 
ProposĂ©e par le groupe UDI en mai 2014, la Commission d’enquĂȘte sur l’impact sociĂ©tal, social, Ă©conomique et financier de la rĂ©duction progressive du temps de travail s’est fixĂ© deux objectifs prioritaires : 
– Ă©tablir un diagnostic des rĂ©formes successives ayant impactĂ© la durĂ©e du temps de travail ; 
– formuler des propositions constructives afin de concilier exigences de performance Ă©conomique, compĂ©titivitĂ©, cohĂ©sion sociale et Ă©panouissement personnel. 
Accueillant des députés et des intervenants de sensibilités diverses, la Commission a aussi souhaité privilégier une réflexion globale sur la question du temps de travail à une approche trop restrictive qui se limiterait à la seule analyse de la durée légale hebdomadaire. 
De nombreux experts, reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile ou chefs d’entreprises, mais aussi des responsables politiques et membres du Gouvernement, ont Ă©tĂ© auditionnĂ©s afin de partager leur expertise et leurs analyses. 
Cette mĂ©thode de travail, pluridisciplinaire et transpartisane, Ă©tait l’une des exigences du groupe UDI et je me fĂ©licite, en tant que prĂ©sident de la Commission d’enquĂȘte, de la qualitĂ© des dĂ©bats et des discussions qui ont Ă©tĂ© organisĂ©s au sein de l’AssemblĂ©e Nationale. 
Pour que cette Commission d’enquĂȘte soit utile, il Ă©tait ainsi essentiel que sa rĂ©flexion s’inscrive au-delĂ  des dĂ©bats partisans et des oppositions de principe. 
Les tĂ©moignages recueillis et le travail effectuĂ© par la Commission permettront une lecture nouvelle des enjeux liĂ©s Ă  l’organisation du temps de travail. 
Je tiens, en conclusion, Ă  saluer le travail sĂ©rieux accompli par notre rapporteure Mme Barbara Romagnan, mĂȘme si je ne partage pas les conclusions de son rapport. Chacun pourra se forger sa propre opinion.
— 11 — 
INTRODUCTION ET SYNTHÈSE 
Sur la proposition du prĂ©sident du groupe UDI (Union des dĂ©mocrates et indĂ©pendants), et sur l’initiative plus particuliĂšrement de M. Thierry Benoit, en application du 2Ăšme alinĂ©a de l’article 141 du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale (1), l’AssemblĂ©e nationale a dĂ©cidĂ© Ă  l’unanimitĂ©, lors de sa sĂ©ance du 11 juin 2014, de crĂ©er une commission d’enquĂȘte relative Ă  l’impact sociĂ©tal, social, Ă©conomique et financier de la rĂ©duction progressive du temps de travail, notamment de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative Ă  la rĂ©duction du temps de travail. 
Cette commission d’enquĂȘte, composĂ©e de vingt-huit membres, Ă©tait chargĂ©e d’élaborer un bilan global. Elle a procĂ©dĂ© Ă  ses travaux dans un Ă©tat d’esprit respectant celui qui a prĂ©sidĂ© Ă  sa crĂ©ation, c’est-Ă -dire la recherche de la dĂ©termination du bilan, aussi prĂ©cis et complet que possible, de cette rĂ©forme importante, qui a marquĂ© la fin du siĂšcle dernier et le dĂ©but de l’actuel, au plan social, en France. 
Dans cette perspective, la commission d’enquĂȘte a procĂ©dĂ© Ă  37 auditions (soit prĂšs de 80 personnes), ouvertes Ă  la presse, dont les comptes rendus ont Ă©tĂ© publiĂ©s au fur et Ă  mesure et sont accessibles sur le site internet de l’AssemblĂ©e nationale (2). La rapporteure, usant des pouvoirs prĂ©vus par la loi (3), a Ă©galement interrogĂ© par Ă©crit diverses administrations et entreprises publiques et privĂ©es, de façon Ă  complĂ©ter utilement la somme de travaux, rapports, documents, Ă©tudes portant sur ce sujet. Elle s’est Ă©galement rendue sur un site hospitalier de rĂ©gion parisienne, ainsi que, accompagnĂ©e d’une dĂ©lĂ©gation de membres de la commission, en Allemagne oĂč ont pu ĂȘtre rencontrĂ©es les parties prenantes. 
La question de la rĂ©duction du temps de travail se caractĂ©rise par sa position aux confluents des domaines Ă©conomiques, social, sociĂ©tal. À ce titre, la rĂ©duction du temps de travail constitue Ă  la fois un outil Ă©conomique, un projet de sociĂ©tĂ©, et une approche renouvelĂ©e du travail et du temps libre. 
(1) Qui dispose que : « Chaque prĂ©sident de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut demander, une fois par session ordinaire, Ă  l’exception de celle prĂ©cĂ©dant le renouvellement de l’AssemblĂ©e, en ConfĂ©rence des prĂ©sidents, qu’un dĂ©bat sur une proposition de rĂ©solution tendant Ă  la crĂ©ation d’une commission d’enquĂȘte et satisfaisant aux conditions fixĂ©es par les articles 137 Ă  139 soit inscrit d’office Ă  l’ordre du jour d’une sĂ©ance de la premiĂšre semaine tenue en application de l’article 48, alinĂ©a 4, de la Constitution. » 
(2) http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/impact_reduction_progressive_temps_travail.asp 
(3) Article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblĂ©es parlementaires.
— 12 — 
* 
* * 
La rĂ©duction du temps de travail (RTT) pose implicitement la question de son partage. Or le travail est dĂ©jĂ  partagĂ©, de fait, et inĂ©galement, notamment entre ceux qui ne travaillent pas du tout, – les chĂŽmeurs –, et ceux qui travaillent, parfois trop (la durĂ©e hebdomadaire de travail Ă  temps plein est bien supĂ©rieure Ă  39 heures selon l'INSEE –Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques – en France). Entre les deux, on trouve ceux qui travaillent Ă  temps partiel - ou plutĂŽt « celles », puisque les femmes françaises constituent 82 % des travailleurs Ă  temps partiel – et ne peuvent en vivre dignement. Un des enseignements de cette enquĂȘte est d’ailleurs qu’il est essentiel, notamment dans des comparaisons internationales, de bien prĂ©ciser de quelle population et de quelle durĂ©e il est question : la place de la France varie ainsi du tout au tout selon que l’on considĂšre les seuls travailleurs Ă  temps complet ou Ă©galement les travailleurs Ă  temps partiel. 
La rĂ©duction du temps de travail implique par ailleurs de s'interroger sur les Ă©volutions du travail Ă  venir. La durĂ©e du temps de travail baisse partout en Europe, Ă  des rythmes divers. À cela s'ajoute la dĂ©mographie. Les femmes sont de plus en plus nombreuses Ă  vouloir travailler et Ă  concevoir leur emploi Ă  part entiĂšre et non comme un supplĂ©ment Ă  l'activitĂ© professionnelle de leur conjoint. La volontĂ© des femmes de travailler tout en continuant Ă  avoir des enfants met au premier plan la question de l’articulation, pour les hommes et les femmes, de la vie professionnelle et familiale : le temps de travail constitue une variable majeure, non seulement de l’organisation du travail, mais Ă©galement de la vie familiale. Les modalitĂ©s de partage du travail constituent de ce fait un vĂ©ritable choix de sociĂ©tĂ©. 
Les progrĂšs techniques, technologiques, scientifiques, organisationnels, permettent de libĂ©rer nombre d'hommes et de femmes de tĂąches pĂ©nibles et rĂ©pĂ©titives. Ils permettent Ă©galement une augmentation de la productivitĂ©. MĂȘme si certains travaux s’inquiĂštent de leur ralentissement, ces gains de productivitĂ© permettent de produire au moins autant ou davantage avec moins d’heures de travail. Ainsi, engager une rĂ©flexion sereine sur les lois Aubry est l’occasion de comprendre dans quelle mesure la RTT peut ĂȘtre un Ă©lĂ©ment de rĂ©ponse au problĂšme rĂ©current du chĂŽmage. 
* 
* * 
Dans la pĂ©riode de hausse rapide et constante du chĂŽmage que notre pays connaĂźt depuis 2008, la question de l’emploi est lĂ©gitimement au coeur des prĂ©occupations des Français et des dĂ©bats de politique Ă©conomique et sociale. Chacun est Ă  la recherche de mesures qui soient Ă  la fois efficaces pour l’emploi et dans le mĂȘme temps respectueuses des finances publiques, aujourd’hui marquĂ©es
— 13 — 
par l’importante charge de la dette (56,14 milliards d'euros, soit 14,19 % du budget de l'État selon la loi de finances pour 2013). 
C’est dans ce contexte que la pertinence et les effets de la rĂ©duction du temps de travail sont convoquĂ©s. Ils font l’objet d’un dĂ©bat ancien, qui remonte notamment Ă  l’adoption des lois dites Aubry I de 1998 et Aubry II de 2000. On peut regretter que cette discussion soit plus souvent sous-tendue par des prĂ©supposĂ©s idĂ©ologiques qu’étayĂ©e par des Ă©lĂ©ments prĂ©cis et chiffrĂ©s. 
L’initiative du groupe UDI visant Ă  crĂ©er une commission d’enquĂȘte parlementaire portant sur cette Ă©valuation se donnait comme but de dĂ©passer les postures pour parvenir Ă  une Ă©valuation la plus objective possible des effets directs et indirects de cette politique, et il est remarquable qu’elle ait Ă©tĂ© soutenue et adoptĂ©e Ă  l’unanimitĂ© des groupes politiques reprĂ©sentĂ©s Ă  l’AssemblĂ©e nationale. 
Cette objectivation des impacts de la réduction du temps de travail a été rendue possible par les données chiffrées disponibles qui concernent : 
– l’évolution de l’emploi en France, au regard de l'Ă©volution du taux de chĂŽmage sur la pĂ©riode au sens du BIT (passĂ© de 10,3 % en 1997 Ă  7,5 % en 2002) ; 
– les dĂ©penses et les recettes publiques induites par les mesures de rĂ©duction du temps de travail ; 
– la perception par les salariĂ©s de l’évolution de leurs conditions de vie et de leurs conditions de travail. 
Ont Ă©galement pu ĂȘtre sollicitĂ©s les outils permettant de mesurer la rĂ©alitĂ© du temps de travail effectif dans notre pays, l’évolution des salaires mensuels et horaires, les gains de productivitĂ© du travail, ou encore l’intensitĂ© du dialogue social dans les branches professionnelles et dans les entreprises. 
La prise en compte de ces donnĂ©es ne va pas sans difficultĂ©s, car il est toujours dĂ©licat d’isoler un facteur pour comprendre le rĂŽle spĂ©cifique qu’il joue dans un phĂ©nomĂšne complexe. Il est Ă©galement pĂ©rilleux de dresser des comparaisons internationales car les mesures ne se font pas toujours de la mĂȘme façon selon les pays. 
Pour autant, il est possible de parvenir Ă  un certain nombre de rĂ©sultats bien Ă©tablis, qui permettent de mesurer les effets de la rĂ©duction du temps de travail sur plusieurs aspects de la sociĂ©tĂ© et de l’économie françaises. Avant mĂȘme les rĂ©sultats, nous avons Ă©tĂ© frappĂ©s de constater que presque aucune des personnes auditionnĂ©es ne demandait une remise en cause des 35 heures. 
● La rĂ©duction du temps de travail dĂ©cidĂ©e par la loi de 1998 a contribuĂ© Ă  ce que l’économie française crĂ©e davantage d’emplois qu’elle ne l’aurait fait sans cette loi sur la mĂȘme pĂ©riode. Le chiffre de 350 000 est le plus communĂ©ment
— 14 — 
admis. Entre 1997 et 2001, l'INSEE estime Ă  2 millions les crĂ©ations d'emplois salariĂ©s dans le secteur marchand. Il n’est aujourd’hui pas possible de dire combien d’emplois supplĂ©mentaires auraient pu ĂȘtre crĂ©Ă©s si le processus de rĂ©duction du temps de travail n’avait pas Ă©tĂ© interrompu en 2002. 
● Cette rĂ©duction n’a pas coĂŻncidĂ© avec une dĂ©gradation de la compĂ©titivitĂ© de notre pays – notamment parce qu’elle s’est accompagnĂ©e d’une accĂ©lĂ©ration des gains de productivitĂ©. La France reste ainsi attractive et se place rĂ©guliĂšrement dans le trio de tĂȘte des IDE (investissements directs Ă  l’étranger). 
● La rĂ©duction du temps de travail, comparĂ©e Ă  d’autres politiques publiques mises en oeuvre pour stimuler l’emploi, notamment celles qui reposent sur des baisses de cotisations sociales sans conditions, apparaĂźt moins coĂ»teuse pour les finances publiques, au regard du nombre d’emplois qu’elle a permis de crĂ©er. 
● Elle a permis une rĂ©organisation du travail dans les entreprises de plus de vingt salariĂ©s grĂące Ă  la relance et au dynamisme du dialogue social pour aboutir Ă  des accords. 
● La rĂ©duction du temps de travail s’est traduite, pour la majoritĂ© des salariĂ©s qui en ont bĂ©nĂ©ficiĂ© par une amĂ©lioration de l’articulation entre le temps passĂ© au travail et le temps consacrĂ© aux activitĂ©s personnelles, familiales ou associatives. Elle a Ă©galement permis un rĂ©Ă©quilibrage, limitĂ© mais rĂ©el, des tĂąches mĂ©nagĂšres au sein des familles. Les Ă©tudes disponibles laissent penser que ce processus, s’il avait Ă©tĂ© menĂ© Ă  son terme, pouvait constituer un puissant Ă©lĂ©ment de recomposition des temps au service de l’égalitĂ© hommes-femmes. 
À l’aune de ces auditions et des documents Ă  notre disposition, il apparaĂźt que la rĂ©duction du temps de travail a constituĂ© un outil pertinent et efficace de lutte contre le chĂŽmage, un outil de transformation de la sociĂ©tĂ© et d’amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie. 
Quinze ans aprĂšs, il convient de tirer lucidement les leçons des expĂ©riences passĂ©es de rĂ©duction du temps de travail, de leurs conditions, de leurs effets positifs mais aussi de certains effets nĂ©gatifs qui peuvent expliquer les critiques. L’objectivation de ces derniers est l’un des acquis majeurs de ce rapport, et a pu Ă©galement faire l’objet d’un large consensus au sein de la commission. 
On peut Ă©voquer Ă  ce titre : 
– l’intensification du travail, repĂ©rĂ©e dans plusieurs secteurs, et qui s’est parfois accompagnĂ©e de souffrance pour les salariĂ©s ; 
– les fortes tensions dans la fonction publique hospitaliĂšre en raison d’un dĂ©calage entre l’application de la loi et le temps des recrutements importants, Ă©talĂ©s de 2002 Ă  2000. Elles ont Ă©tĂ© incontestables mais les difficultĂ©s ne rĂ©sultaient pas uniquement de la RTT;
— 15 — 
– les difficultĂ©s qu’aurait pu engendrer l’application de la loi aux entreprises de moins de 20 salariĂ©s. 
Ces effets, s’ils doivent ĂȘtre pris en compte et corrigĂ©s, n’invalident en rien le principe de cette politique. Pour se poursuivre, elle devra s’ajuster Ă  un contexte qui n’est plus celui des lois Aubry. Il nous appartient aujourd’hui, au travers de la nĂ©gociation sociale, d’accĂ©lĂ©rer l’amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie au travail, dans le secteur privĂ© et dans le secteur public, de permettre aux jeunes de construire leur parcours professionnel et de ramener de nombreux chĂŽmeurs vers l’emploi. Laisser perdurer un chĂŽmage de masse serait faire courir Ă  notre pays le risque d’une explosion sociale prochaine. 
* 
* * 
À l’issue de ces travaux, le prĂ©sent rapport propose, aprĂšs une analyse historique internationale et française du temps de travail (partie I), de dĂ©gager les rĂ©sultats significatifs de la politique de rĂ©duction du temps de travail sur l’emploi, l’économie et les relations sociales au travail en France (partie II), puis d’évaluer les effets de cette politique sur la sociĂ©tĂ© française de façon plus gĂ©nĂ©rale (partie III). 
Des propositions d’orientations gĂ©nĂ©rales concluent ce travail qui, plus qu’à celui d’une commission d’enquĂȘte s’intĂ©ressant Ă  des faits circonscrits, s’apparente Ă  une tentative d’évaluation de politique publique, mais rĂ©alisĂ©e dans un temps trĂšs limitĂ©.
— 17 — 
PREMIÈRE PARTIE – LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE DE LONG TERME DES ÉCONOMIES QUI SE DÉVELOPPENT 
I. UNE TENDANCE HISTORIQUE DE LONG TERME OBSERVÉE DANS TOUS LES PAYS INDUSTRIALISÉS 
A. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A JUSQU’À PRÉSENT ÉTÉ CONCÉDÉE ET NON PAS SPONTANÉE 
1. Les Gouvernements libéraux du XIXe siÚcle ont concédé des réductions légales du temps de travail aux enfants puis aux femmes 
L’industrialisation des Ă©conomies occidentales puis mondiales, Ă  partir du milieu du XVIIIe siĂšcle, a changĂ© les modes de vie des populations. Elle a augmentĂ© leur temps de travail et dĂ©gradĂ© les conditions de vie qu’elles espĂ©raient au contraire amĂ©liorer en fuyant les campagnes pour les villes industrielles. La littĂ©rature europĂ©enne du XIXe siĂšcle a abondamment dĂ©crit le sort difficile des familles ouvriĂšres dans ces villes. 
En l’absence d’études savantes, ces descriptions littĂ©raires permettent de comparer la proportion des actifs occupĂ©s dans les mĂ©nages ouvriers et leur temps passĂ© Ă  travailler en usine aux travaux agricoles ou Ă  la production artisanale des mĂ©nages ruraux. Cette comparaison vaut encore aujourd’hui dans les pays dont l’économie, restĂ©e traditionnelle, a Ă©chappĂ© Ă  l’industrialisation et la mĂ©canisation de la production. 
Au XIXe siĂšcle, les populations rurales ne connaissaient de journĂ©es de travail de 12 heures pour toute la famille qu’au moment des rĂ©coltes d’étĂ© alors que les semaines sans jour de repos Ă©taient devenues le lot quotidien des familles ouvriĂšres des villes industrielles. La description et le spectacle de leurs conditions de vie leur ont valu la commisĂ©ration des philanthropes et des associations caritatives ou religieuses qui les cĂŽtoyaient en ville. 
Constatant que l’industrialisation rendait le travail plus astreignant et plus dangereux, les dĂ©fenseurs des ouvriers ont rĂ©clamĂ© leur Ă©mancipation dans les termes de leur lutte simultanĂ©e contre le servage et l’esclavage. Celle-ci devait passer en premier lieu non pas par l’augmentation des salaires mais par la rĂ©duction du temps de travail, sans perte de revenus, des ouvriers les plus jeunes ou les plus exposĂ©s Ă  l’exploitation et Ă  la misĂšre en pĂ©riode de chĂŽmage. 
Ne pouvant obtenir des employeurs l’amĂ©lioration de la condition ouvriĂšre en raison de la concurrence que ceux-ci se livraient et en dĂ©pit de la sollicitude d’une partie d’entre eux, cette rĂ©duction du temps de travail en usine est devenue
— 18 — 
une revendication politique, portée devant le Parlement de Grande-Bretagne dÚs la fin du XVIIIe siÚcle. 
Les partisans de la rĂ©duction du temps de travail dans les usines ne la demandaient pas pour tous les ouvriers mais seulement pour les enfants, en refusant que ces derniers soient laissĂ©s sans instruction comme l’étaient les enfants des campagnes et qu’ils rejoignent, sans espoir d’échapper Ă  ce sort, leurs parents dans les mines ou les ateliers, pour y ĂȘtre rĂ©duits Ă  un travail Ă  la chaĂźne, pensĂ© et divisĂ© par d’autres, indiffĂ©rent Ă  leurs talents. 
Les premiĂšres lois sur les usines industrielles qui, en 1801, ont interdit au Royaume-Uni le travail des enfants de moins de 8 ans puis, en 1819, celui des moins de 9 ans, ont limitĂ© la durĂ©e du travail des plus ĂągĂ©s, alors que la mĂ©canisation de la production gĂ©nĂ©ralisait le travail en continu qui Ă©tait auparavant limitĂ© Ă  l’exploitation des mines. Au cours du siĂšcle, une quinzaine de lois ont peu Ă  peu abaissĂ© le temps de travail admissible par jour et par semaine des moins de 18 ans, prohibant Ă©galement le travail de nuit et la descente dans les mines des moins de 10 ans. Le bĂ©nĂ©fice de ces protections lĂ©gales, d’abord rĂ©servĂ© aux plus jeunes, a ainsi Ă©tĂ© accordĂ© aux enfants de 13 Ă  18 ans, ainsi qu’aux femmes qui ont obtenu une rĂ©duction de leur temps de travail quotidien dans l’industrie textile par la loi dite des 10 heures en 1847. Leur temps de travail maximal dans une semaine a ainsi Ă©tĂ© limitĂ© Ă  58 heures, la loi leur permettant de chĂŽmer chaque dimanche. 
Des lois analogues ont ensuite Ă©tĂ© instaurĂ©es en France, avec un dĂ©calage dans le temps qui suit celui de l’industrialisation du pays. Une loi de 1833 limite Ă  48 heures par semaine et 11 heures par jour le travail en usine des plus ĂągĂ©s. À la suite du « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employĂ©s dans les manufactures de coton, de laine et de soie » prĂ©sentĂ© en 1840 par Louis RenĂ© VillermĂ© devant l’AcadĂ©mie des sciences morales et politiques, une loi de 1841 interdit le travail des enfants de moins de 8 ans dans les usines et limite leur travail la nuit et le dimanche. 
Mais beaucoup de ceux qui s’émeuvent, Ă  cette Ă©poque, du travail des enfants et de leurs mĂšres dans les ateliers industriels ne se prĂ©occupent guĂšre des conditions de travail des pĂšres. Ce n’est que parce que hommes, femmes et enfants Ă©taient liĂ©s par les mĂȘmes chaĂźnes d’atelier que les premiers ont fini par obtenir Ă©galement, en Angleterre, le bĂ©nĂ©fice de la loi des 10 heures par jour et la fermeture des fabriques de textiles la nuit au milieu du XIX siĂšcle. 
2. Les salariés adultes ont du se coaliser pour obtenir de travailler moins de 10 heures par jour et de 60 heures par semaine 
Les Gouvernements qui ont adouci les conditions de travail des enfants et des femmes ont interdit aux travailleurs de se coaliser pour dĂ©fendre leurs droits face aux exigences de leurs employeurs. Les syndicats, qualifiĂ©s lĂ©galement de coalitions de travailleurs, sont interdits dĂšs le dĂ©but de l’industrialisation, en
— 19 — 
France par les lois d’Allarde puis Le Chapelier de 1791, et en Angleterre par deux lois, en 1799 et 1800. Le principe d’un repos hebdomadaire avait mĂȘme Ă©tĂ© remplacĂ©, en France, par celui d’un jour sur dix selon le calendrier du 5 octobre 1793. ConjuguĂ© Ă  la suppression des fĂȘtes religieuses, ce principe rĂ©duisait de moitiĂ© le nombre officiel de jours chĂŽmĂ©s. 
Les Gouvernements occidentaux des XVIIIe et XIXe siĂšcles qui conduisaient ces politiques industrielles, inspirĂ©s par l’individualisme des LumiĂšres, soutenaient que les contrats de travail individuels avaient Ă©tĂ© avantageusement substituĂ©s Ă  des statuts juridiques collectifs et inĂ©galitaires. Ils considĂ©raient aussi que ces contrats n’étaient pas imposĂ©s aux faibles par les forts mais librement nĂ©gociĂ©s et conclus entre parties Ă©gales. 
Ils n’accordaient aux femmes et aux enfants la protection de la loi contre les contrats de travail abusifs, Ă  l’invitation des philanthropes, qu’au motif qu’il s’agissait juridiquement de mineurs (1) Ă  l’époque, inaptes Ă  consentir un engagement contractuel sans risque de dol (2) et Ă  remplir leurs obligations Ă  l’abri des violences. Mais ces principes juridiques qui interdisait aux employeurs d’abuser de l’état de minoritĂ© pour assujettir les enfants Ă  des conditions de travail pĂ©nibles justifiaient Ă  l’inverse que des criminels soient condamnĂ©s aux travaux forcĂ©s pour s’amender et que des ouvriers majeurs qui rompaient leur contrat de travail soient sanctionnĂ©s pĂ©nalement. 
Ces principes ne sont bien Ă©videmment plus ceux du droit contemporain mais leur force juridique les imposait au XIXe siĂšcle dans les dĂ©bats publics sur l’amĂ©lioration de la condition ouvriĂšre. Cette force juridique Ă©tait assurĂ©e du concours de la puissance publique qui soutenait les intĂ©rĂȘts des employeurs et leur attribuait la pleine propriĂ©tĂ© des fabriques dont ils ne dĂ©tenaient pourtant que les immobilisations, alors que les talents et la disponibilitĂ© de la main-d’oeuvre employĂ©e Ă  tirer des profits de ces immobilisations n’était pas pris en compte. 
Ce concours public, au bĂ©nĂ©fice de l’offre et au dĂ©triment de la demande d’emploi et Ă  la valorisation des immobilisations au dĂ©triment de celle du capital humain employĂ©, a conduit Ă  une subordination de fait de cette main-d’oeuvre Ă  l’employeur, longtemps contestĂ©e en droit puisqu’elle Ă©tait contractuelle et non statutaire et moins astreignante que celles des rĂ©gimes juridiques du servage et de l’esclavage. 
Pour que cette subordination soit reconnue par les autoritĂ©s publiques et que ces derniĂšres acceptent de tempĂ©rer l’inĂ©galitĂ© produite par le concours qu’elles apportaient exclusivement aux employeurs lors des conflits avec leurs salariĂ©s, ces derniers et les demandeurs d’emploi ont dĂ» attendre la gĂ©nĂ©ralisation, dans les pays industrialisĂ©s, sous la pression populaire, du suffrage universel masculin qui a donnĂ© Ă  leurs revendications une audience politique, portĂ©e par des 
(1) Les femmes n’ont pour leur part obtenu la fin de l’incapacitĂ© civile qu’en 1938 en France. 
(2) Le dol est un agissement trompeur ayant entraßné le consentement qu'une des parties à un contrat n'aurait pas donné, si elle n'avait pas été l'objet de ces manoeuvres.
— 20 — 
luttes sociales, qui dépassait la seule commisération des milieux philanthropiques et caritatifs. 
Pour rĂ©tablir un Ă©quilibre contractuel dans l’emploi, les travailleurs rĂ©clamaient de pouvoir se coaliser afin de nĂ©gocier collectivement plutĂŽt qu’individuellement leur embauche et leurs conditions de travail. Ils demandaient aussi leur part indivise de la propriĂ©tĂ© du capital social des entreprises industrielles et, en cas de refus, leur confiscation. 
Leur droit de coalition n’a Ă©tĂ© acceptĂ© par les autoritĂ©s politiques europĂ©ennes qu’à partir des annĂ©es 1860, en raison des effets institutionnels du suffrage universel et de l’effervescence rĂ©volutionnaire persistante. LĂ©galisĂ©s, les unions de travailleurs se sont constituĂ©es en syndicats en se donnant des reprĂ©sentants qui n’ont cependant Ă©tĂ© admis Ă  exprimer publiquement des revendications collectives que dans des conditions restrictives. 
Les droits de grĂšve et de manifestation, sur la voie publique ou sur les lieux de travail, leur ont en revanche Ă©tĂ© longtemps refusĂ©s par des Gouvernements qui craignaient qu’ils ne remettent en cause le rĂ©gime de propriĂ©tĂ© appliquĂ© aux entreprises industrielles. 
Ces syndicats ouvriers, bientĂŽt unifiĂ©s en confĂ©dĂ©rations interprofessionnelles, ont entrepris des Ă©changes et des entraides au plan international qui ont portĂ© leurs revendications de pays en pays, en ne dissociant pas l’amĂ©lioration matĂ©rielle des conditions de travail des salariĂ©s de leur dĂ©finition juridique, par des conventions collectives qu’ils voulaient imposer aux contrats de travail individuels. 
Les premiĂšres conventions collectives ont Ă©tĂ© rĂ©servĂ©es aux secteurs industriels les plus syndiquĂ©s. La premiĂšre signĂ©e en France l’a Ă©tĂ© le 29 novembre 1891 Ă  Arras, entre syndicats de mineurs et compagnies houillĂšres du Pas-de-Calais, suite Ă  un mouvement de grĂšve. Elle ne portait toutefois que sur les rĂ©munĂ©rations. 
L’annĂ©e suivante, la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles et des femmes dans les Ă©tablissements industriels interdisait en France l’emploi des moins de 13 ans. Elle limitait Ă  10 heures par jour celui des moins de 16 ans des deux sexes et Ă  moins de 11 heures par jour et de 60 heures par semaine celui des moins de 18 ans. 
Elle plafonnait aussi Ă  11 heures par jour le travail des filles et des femmes, selon l’expression du texte, mais sans limite hebdomadaire, ce qui permettait de les faire travailler six Ă  sept jours par semaine, ne prĂ©voyant en revanche aucune restriction pour l’emploi des hommes du mĂȘme Ăąge. Elle crĂ©ait enfin un corps administratif d’inspecteurs du travail pour veiller Ă  son application. 
Les circonstances politiques dans lesquelles ces rĂ©ductions du temps de travail des salariĂ©s de l’industrie ont Ă©tĂ© accordĂ©es indiquent qu’elles ne dĂ©coulent
— 21 — 
pas spontanĂ©ment d’une rĂ©partition des gains de productivitĂ© plus favorable aux salariĂ©s qu’à leurs employeurs ou d’une limitation spontanĂ©e de la production, passĂ© un seuil de productivitĂ©. Ces rĂ©ductions n’ont Ă©tĂ© accordĂ©es que sous la pression de l’opinion publique, au profit des enfants et des femmes et aprĂšs des luttes syndicales pour les hommes. 
3. Les syndicats ouvriers sont parvenus à donner une audience mondiale à leurs revendications pour la réduction du temps de travail 
C’est en rĂ©unissant suffisamment d’adhĂ©rents pour influencer le rĂ©sultat des Ă©lections politiques que les syndicats ouvriers ont obtenu que leurs revendications sur le temps de travail des salariĂ©s adultes, rejetĂ©es tout au long du XIXe siĂšcle par les employeurs qui se coalisaient Ă  leur tour en comitĂ©s industriels, soient dĂ©fendues dans les dĂ©bats Ă©lectoraux ou parlementaires par les partis politiques d’inspiration socialiste qui les relayaient. 
Ces revendications, d’abord locales puis nationales, sont devenues mondiales Ă  mesure que l’industrialisation a reproduit les mĂȘmes effets sociaux dans les pays qu’elle gagnait. La revendication d’une journĂ©e de travail limitĂ©e Ă  8 heures et celle de deux jours de repos hebdomadaire, limitant la semaine ouvrĂ©e Ă  40 heures ont Ă©tĂ© exprimĂ©es dĂšs 1810 par l’industriel et philanthrope gallois Robert Owens. 
Elles ont Ă©tĂ© adoptĂ©es par le mouvement syndical amĂ©ricain au dĂ©but des annĂ©es 1880 et sont devenues le mot d’ordre de la journĂ©e internationale des travailleurs du 1er mai aprĂšs la rĂ©pression brutale de la grĂšve de Chicago de 1886 qui leur a donnĂ© un retentissement mondial. 
Ces revendications en faveur d’une rĂ©duction du temps de travail ont Ă©tĂ© Ă©tendues des travailleurs de l’industrie Ă  l’ensemble des salariĂ©s, en proposant Ă  la sociĂ©tĂ© produite par l’industrialisation et le progrĂšs technique un nouveau mode de vie. Elles n’ont Ă©tĂ© satisfaites que par des lois, qui les ont imposĂ©es aux employeurs dans la plupart des principaux pays industrialisĂ©s Ă  la suite de la premiĂšre guerre mondiale. 
Pour dĂ©cider les majoritĂ©s parlementaires Ă  adopter ces lois, il a fallu que les dĂ©sastres de cette guerre rallient majoritairement les populations mobilisĂ©es sur le front ou dans les usines d’armement aux demandes des syndicats ouvriers et aux grĂšves gĂ©nĂ©rales qui ont Ă©clatĂ© en Europe continentale, renversant les rĂ©gimes politiques autoritaires qui avaient rĂ©sistĂ© aux rĂ©volutions libĂ©rales. 
L’alerte sociale fut si chaude pour les Gouvernements europĂ©ens entre 1917 et 1919 qu’une commission de la lĂ©gislation internationale du travail, prĂ©sidĂ©e par Samuel Gompers, prĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration amĂ©ricaine du travail (American Federation of Labour - AFL) fut rĂ©unie entre janvier et avril 1919 en marge de la nĂ©gociation du traitĂ© de paix Ă  Versailles, pour crĂ©er l’Organisation
— 22 — 
internationale du Travail (OIT), souhaitée par les deux réformistes « industrialistes » Roberts Owens et Daniel Legrand. 
Le statut de cette organisation constitue la XIIIe partie du TraitĂ©. Les Gouvernements signataires, qui ont acceptĂ© d’y siĂ©ger en tiers entre les reprĂ©sentants des employeurs et des travailleurs, ont admis, dans les attendus du prĂ©ambule de sa constitution : 
« 
 qu'une paix universelle et durable ne peut ĂȘtre fondĂ©e que sur la base de la justice sociale; 
« 
 qu'il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l'injustice, la misĂšre et les privations, ce qui engendre un tel mĂ©contentement que la paix et l'harmonie universelles sont mises en danger, 
« 
 qu'il est urgent d'amĂ©liorer ces conditions : par exemple, en ce qui concerne la rĂ©glementation des heures de travail, la fixation d'une durĂ©e maximum de la journĂ©e et de la semaine de travail, 
« 
 que la non-adoption par une nation quelconque d'un rĂ©gime de travail rĂ©ellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations dĂ©sireuses d'amĂ©liorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays ». 
Ces quatre attendus doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s avec la plus grande attention parce qu’ils reconnaissent des faits que les Gouvernements et les classes sociales privilĂ©giĂ©s niaient auparavant quand ils ne les justifiaient pas par la nĂ©cessitĂ© ou l’ordre naturel. Ils doivent l’ĂȘtre encore aujourd’hui parce qu’ils n’ont rien perdu de leur actualitĂ©. 
La commercialisation de biens et de services de consommation courante, standardisĂ©s et industrialisĂ©s, sur un marchĂ© ouvert au libre-Ă©change, entre des Ă©conomies dissemblables, a produit, comme aux XVIIIe et XIXe siĂšcles, des effets dĂ©stabilisateurs sur les sociĂ©tĂ©s mises en tension concurrentielle. Pour les justifier, les partisans du libre-Ă©change reprennent le principe de « destruction crĂ©atrice » utilisĂ© par Joseph Schumpeter pour dĂ©crire l’effet de l’innovation technique dans les Ă©conomies industrielles. 
Cette dynamique, qui bouleverse la Grande-Bretagne depuis le milieu du XVIIe siĂšcle, a gagnĂ© l’Europe continentale et l’AmĂ©rique du Nord dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle. AlimentĂ©e plutĂŽt que ralentie par les crises et les guerres, elle n’a Ă©tĂ© suspendue qu’entre 1945 et 1975, par la dĂ©colonisation et la division du monde en plusieurs blocs commercialement isolĂ©s. 
La remise en concurrence de l’ensemble des pays sur un marchĂ© devenu mondial mobilise Ă  nouveau leur sociĂ©tĂ©, par des transferts de capital ou de main- d’oeuvre qui enrichissent les uns, appauvrissent les autres et Ă©prouvent dans les deux cas les institutions, rouvrant aux États perdants au change la tentation du repli ou du conflit.
— 23 — 
Contre cette tentation, le prĂ©ambule de la constitution de l’OIT faisait de l’amĂ©lioration des conditions de travail et en particulier de la rĂ©duction universelle du temps de travail, gage d’un partage plus Ă©quilibrĂ© de la productivitĂ©, un enjeu de la paix mondiale. C’est Ă  cet enjeu et pas seulement Ă  celui de la concurrence entre les pays, les populations, les classes sociales et les individus, que les lois françaises sur le temps de travail de la XIIe lĂ©gislature peuvent ĂȘtre rapportĂ©es. 
B. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE MONDIALE DIVERSEMENT INSCRITE DANS LE DROIT 
1. Le droit international limite les durées maximales de travail à des niveaux qui sont restés relativement élevés 
La premiĂšre convention adoptĂ©e par les membres de l’OIT, rĂ©unis Ă  Washington en octobre 1919, a limitĂ© Ă  8 heures la durĂ©e de la journĂ©e de travail et Ă  48 heures celle de la semaine de travail dans les Ă©tablissements industriels et les mines. Cette convention est entrĂ©e en vigueur en 1921. La convention n° 30, entrĂ©e en vigueur en 1933, Ă©tend les mĂȘmes maxima aux commerces et aux bureaux. 
Ces conventions instaurent un ordre juridique international qui s’impose aux lois nationales voire aux contrats de travail passĂ©s entre particuliers. MĂȘme dans les États qui sĂ©parent l’ordre juridique interne qui rĂ©git ces contrats de l’ordre juridique international, ces conventions confortent les revendications des salariĂ©s en ĂŽtant Ă  leurs employeurs l’argument de l’avantage concĂ©dĂ© Ă  leurs concurrents par des baisses du temps de travail qui ne seraient que locales ou nationales. 
Ces conventions admettent cependant que les limites maximales posĂ©es au temps de travail ne soient pas absolues mais puissent ĂȘtre respectĂ©es en moyenne. 
Elles ménagent par ailleurs des exceptions en présence de conventions collectives plus favorables aux salariés, quand les Gouvernements les rendent applicables aux tiers, concurrents des signataires du contrat individuel. 
Ces conventions internationales admettent aussi des exceptions sectorielles, qui autorisent Ă  travailler jusqu’à 14 heures par jour et 56 ou 72 heures par semaine dans certains secteurs Ă©conomiques ou qui permettent un travail continu par Ă©quipes. Juridiquement Ă©quilibrĂ©e, la convention n° 1 de 1919 a connu un large succĂšs puisqu’elle a Ă©tĂ© ratifiĂ©e par 47 États. La convention n° 30 de 1921 ne l’a Ă©tĂ© que par 27 États. 
AprĂšs la crise Ă©conomique de 1929, l’exacerbation de la concurrence commerciale entre les pays industrialisĂ©s et les guerres qu’ils se sont livrĂ©es ont rapidement entravĂ© les efforts de l’OIT pour obtenir une nouvelle baisse du temps de travail des salariĂ©s. En tĂ©moigne l’échec de la convention n° 47 du 22 juin 1935, inspirĂ©e par une idĂ©e de John Maynard Keynes, qui posait le principe d’une durĂ©e hebdomadaire du travail de 40 heures par semaine, dans le
— 24 — 
but de partager le travail pour rĂ©duire le chĂŽmage de masse qui sĂ©vissait Ă  l’époque, sans diminuer le niveau de vie des travailleurs. Cette convention n’a Ă©tĂ© ratifiĂ©e que par 15 pays (1). Elle n’est entrĂ©e en vigueur qu’en 1957. 
Les tendances observées sur le long terme indiquent que la durée annuelle du travail a connu une forte diminution depuis le siÚcle dernier. Le tableau ci- dessous indique que la durée annuelle du travail a presque été divisée par deux dans la plupart des grands pays industrialisés, passant par exemple de 2 900 heures environ en 1870 à 1 500 ou 1 600 heures en Europe à la fin des années quatre- vingt. 
POPULATION TOTALE, EMPLOI ET DURÉE ANNUELLE DU TRAVAIL EN LONGUE PÉRIODE 
Japon 
Allemagne 
France 
États-Unis 
Italie 
Population totale (en millions) 
1870 
1989 
Emploi (en millions) 
1870 
1989 
Durée annuelle du travail (en heures) 
1870 
1987 
34,4 
123,1 
18,7 
61,3 
2 945 
2 020 
24,9 
70,0 
10,3 
27,6 
2941 
1 620 
38,4 
56,2 
17,8 
22,2 
2 941 
1 543 
40,0 
248,7 
14,7 
119,0 
2 964 
1 607 
27,9 
57,5 
15,4 
25,1 
2 886 
1 528 
Source : Maddison (1991). FrontiĂšres de 1989 (Allemagne de l'Ouest notamment). 
AprĂšs la seconde guerre mondiale, les institutions internationales placĂ©es sous l’égide des États-Unis, telles que la Banque Mondiale (Banque internationale pour la reconstruction et le dĂ©veloppement), le Fonds MonĂ©taire International (FMI), l’Organisation pour la CoopĂ©ration et le DĂ©veloppement Économique (OCDE) et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ont privilĂ©giĂ© le libre- Ă©change des biens, des capitaux et de la main-d’oeuvre et la croissance de la production plutĂŽt que le droit international du travail pour amĂ©liorer les conditions de vie des populations actives. 
Sous leur impulsion, l’extension mondiale du rĂ©gime juridique de la propriĂ©tĂ© privĂ©e du capital industriel a pris le pas sur l’harmonisation des rĂ©gimes du travail. Cette propriĂ©tĂ© privĂ©e s’est mĂȘme internationalisĂ©e tandis que les rapports sociaux sont demeurĂ©s nationaux. 
Les salariĂ©s des pays industrialisĂ©s ont nĂ©anmoins profitĂ© du plein-emploi des annĂ©es 1950 et 1960 pour obtenir des hausses de rĂ©munĂ©ration et des repos supplĂ©mentaires. Mais leur situation s’est dĂ©gradĂ©e lors des crises Ă©conomiques des dĂ©cennies suivantes, qui ont redonnĂ© l’avantage aux propriĂ©taires du capital industriel et aux employeurs dans les nĂ©gociations sociales. 
(1) L’ont ratifiĂ©e : la Nouvelle-ZĂ©lande en 1938, la FĂ©dĂ©ration de Russie, le BĂ©larus et l’Ukraine en 1956, l’Australie en 1970, la NorvĂšge en 1979, la SuĂšde en 1982, la Finlande en 1989, l’OuzbĂ©kistan, le Kirghizistan et l’AzerbaĂŻdjan en 1992, le Tadjikistan en 1993, la Lituanie en 1994, la Moldavie en 1997 et la RĂ©publique de CorĂ©e en 2011.
— 25 — 
ÉVOLUTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET DES CONGÉS PAYÉS ENTRE 1956 ET 2004 DANS QUELQUES PAYS INDUSTRIALISÉS 
Heures de travail effectives dans l’industrie textile 
Congés payés annuels 
1956 
2000-2004 
1956 
2004 
Finlande 
44,8 
37,1 
3 semaines 
20 jours ouvrables (4 semaines) 
France 
43 
35 
3 semaines 
25 jours ouvrables (5 semaines) 
Allemagne (de l’Ouest) 
48,6 
38,3 
12 jours 
24 jours ouvrables (environ 5 semaines) 
Pays-Bas 
45,2-48 
38,4 
12 jours (a) 
20 jours ouvrables (4 semaines) 
Royaume-Uni 
48,3 
41,2 
6 jours ou 2 semaines (a) 
20 jours ouvrables (4 semaines) 
États-Unis d’AmĂ©rique 
39,6 
40,8 (b) 
1 semaine (a) 
8,9-19,2 jours ouvrables (c) 
Sources : OIT, base de donnĂ©es sur les statistiques de travail et sur l’emploi et les conditions de travail, repris dans Lee Sangheon, Mc Cann Deirdre, Messenger Jon C., Working time around the world, trends in working hours, laws and policies in a global comparative perspective, Editions OIT et Routledge, GenĂšve et Londres, 2007, p. 25. 
Notes : a) par accords collectifs ; b) dans le secteur industriel ; c) selon l’anciennetĂ© dans l’entreprise 
Entre-temps, de nouveaux entrants sur le marchĂ© international des biens industriels ont dĂ», pour y gagner des parts, tirer profit de l’avantage de prix que leur procurait une main-d’oeuvre Ă  bas coĂ»t, plus sollicitĂ©e que dans les pays dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ©s. Ils ont Ă©tĂ© rĂ©ticents Ă  renoncer Ă  cet avantage pour accorder Ă  leur population des conditions de travail comparables Ă  celles des pays qui avaient dĂ©jĂ  accumulĂ© suffisamment de capital pour soulager leur main-d’oeuvre. 
Comme au XIXe siĂšcle, c’est en matiĂšre de lutte contre le travail des enfants que l’OIT, placĂ©e sous l’autoritĂ© de l’Organisation des Nations Unies (ONU) est nĂ©anmoins parvenue, sous la pression des opinions publiques occidentales, Ă  faire adopter par les uns et les autres quelques rĂšgles communes. 
L’ONU reconnaĂźt dĂ©sormais que le travail des enfants est une question essentielle des droits de l’homme au travail, aux cĂŽtĂ©s de la libertĂ© syndicale, du droit Ă  la nĂ©gociation collective, de l’abolition du travail forcĂ©, ou encore de la non-discrimination dans l’emploi et la profession. 
Elle estime que 168 millions d’enfants travaillent en 2014 alors qu’ils devraient ĂȘtre scolarisĂ©s et qu’au moins 85 millions d’entre eux sont soumis Ă  des formes de travail dangereuses pour leur santĂ©. Ces nombres diminuent chaque annĂ©e mais Ă  un rythme lent et de maniĂšre inĂ©gale selon les pays. 
Pour les autres catĂ©gories de salariĂ©s, mises Ă  part les femmes travaillant de nuit, l’OIT a renoncĂ© Ă  obtenir une baisse des maximas universels de travail pour promouvoir des normes prenant la forme juridique de recommandations et non plus de conventions. Le prĂ©ambule de la recommandation n° 116 du 26 juin 1962 ne fait plus de la semaine de 40 heures qu’une norme Ă  atteindre.
— 26 — 
Au cours de son audition, M. Gilles de Robien, ancien dĂ©putĂ©, ancien ministre, dĂ©lĂ©guĂ© du Gouvernement français Ă  l'Organisation internationale du travail (OIT) a expliquĂ© que les lois Aubry avaient exacerbĂ© les disputes sur le temps de travail entre les États membres de l’organisation : 
« L’OIT Ă©voque Ă  peine la question de la rĂ©duction du temps de travail, en raison du matraquage que cette idĂ©e a dĂ©chaĂźnĂ©. Au cours des nombreuses rĂ©unions internationales consacrĂ©es aux moyens de rĂ©pondre Ă  la crise, l’accent a bien davantage Ă©tĂ© mis sur les investissements productifs pourvoyeurs d’emplois durables dans des conditions dĂ©centes que sur les solutions possibles en termes de temps de travail
 » 
2. Les normes internationales de temps de travail sont davantage respectées dans les pays industrialisés que dans les pays émergents 
En dĂ©pit des limites juridiques des stratĂ©gies successives de l’OIT, les conventions internationales et les recommandations qu’elle a adoptĂ©es ont permis de rĂ©duire le temps de travail industriel dans le monde. 
Une enquĂȘte sur le temps de travail dans le monde (1), menĂ©e par trois chercheurs de l’Organisation et publiĂ©e en 2007 puis reprise en 2011 par un rapport d’experts du Bureau International du Travail sur le temps de travail au XXIe siĂšcle dresse une comparaison de cette baisse dans plusieurs pays de diffĂ©rents continents. 
Les auteurs de l’enquĂȘte estiment que la rĂ©duction du temps de travail progresse dans les pays en voie d’industrialisation mais que des diffĂ©rences rĂ©gionales subsistent. Le rapport, quant Ă  lui, conclut que 4 pays sur 10 fixent dĂ©sormais Ă  48 heures ou moins la durĂ©e hebdomadaire maximale de travail. 
Dans prĂšs de 2 pays sur dix, aucune durĂ©e maximale du travail n’est fixĂ©e par la loi ni appliquĂ©e. Les pays de la rĂ©gion Asie-Pacifique Ă©tudiĂ©s ont des maximas de travail par semaine qui peuvent atteindre 60 voire 72 heures. En qualifiant d’excessive une durĂ©e du travail qui dĂ©passe 48 heures par semaine, en raison des risques qu’elle fait peser sur la sĂ©curitĂ© et la santĂ© des travailleurs ainsi que sur l’équilibre de leur vie familiale, l’enquĂȘte et le rapport Ă©valuent Ă  600 millions le nombre de travailleurs soumis Ă  ces excĂšs. 
Alors que les durĂ©es de travail excessives sont en diminution dans les pays dĂ©veloppĂ©s, elles affectent encore plus de 20 % des salariĂ©s en Asie orientale, principalement des hommes. Il ne s’agit cependant que d’estimations puisque ni l’Inde ni la Chine ne fournissent de dĂ©comptes des heures travaillĂ©es par salariĂ©. 
(1) Lee Sangheon, McCann Deirdre and Messenger Jon C. : Working Time Around the World, Trends in working hours, laws and policies in a global comparative perspective, Londres-New York, Routledge, 2007. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@dgreports/@dcomm/@publ/documents/publication/wcms_104895.pdf
— 27 — 
Le rapport d’experts ajoute que « certains pays, tels que l’Afrique du Sud, l’Argentine, le BrĂ©sil, la ThaĂŻlande, affichent une nette tendance Ă  la baisse de la durĂ©e excessive du travail, tandis que dans d’autres pays, tels que le Chili, le Maroc et la Turquie, les horaires prolongĂ©s paraissent relativement stables. 
« En outre, la proportion des travailleurs concernĂ©s par la durĂ©e excessive du travail est notablement plus Ă©levĂ©e dans les pays en dĂ©veloppement (Éthiopie, Jordanie, Maroc, ThaĂŻlande et Turquie) que dans la quasi-totalitĂ© des pays dĂ©veloppĂ©s, Ă  l’exception notable de la RĂ©publique de CorĂ©e et de Singapour. » 
Le rapport relĂšve que la durĂ©e excessive du travail, tout comme le travail Ă  temps partiel, sont pratiquement inconnus dans les Ă©conomies en transition d’Europe orientale comme la Bulgarie et la FĂ©dĂ©ration de Russie, alors que le travail Ă  temps partiel progresse dans les pays d’Europe de l’Ouest. 
S’agissant des pays industrialisĂ©s, le rapport se fonde sur une compilation universitaire de statistiques de longue pĂ©riode, Ă©tablie par Angus Maddison et publiĂ©e par l’OCDE (1) pour affirmer que la durĂ©e du travail diminue depuis le XIXe siĂšcle dans l’ensemble des pays industrialisĂ©s : 
« Dans ces pays, la durĂ©e du travail, qui Ă©tait en moyenne de 2 500 Ă  3 000 heures par travailleur et par an au dĂ©but du XXe siĂšcle, a diminuĂ© progressivement. À la fin du siĂšcle, elle Ă©tait infĂ©rieure Ă  2 000 heures en moyenne par an dans presque tous les pays dĂ©veloppĂ©s et, dans un grand nombre d’entre eux
 plus proche de 1 500 heures par an. » (2) 
Le rapport relĂšve toutefois que les salariĂ©s canadiens et amĂ©ricains travaillent 300 heures de plus que leurs homologues d’Europe de l’Ouest parce qu’ils ont deux fois moins de congĂ©s payĂ©s. 
Les comparaisons prĂ©sentĂ©es par le rapport dĂ©taillent les durĂ©es de travail par branche d’activitĂ©. Elles indiquent que ces durĂ©es sont plus Ă©levĂ©es dans les pays en dĂ©veloppement que dans les pays dĂ©veloppĂ©s et que les Ă©carts sont particuliĂšrement significatifs, mĂȘme dans les secteurs de main-d’oeuvre, entre les employĂ©s de bureau et les personnels de service. 
Les semaines de travail sont particuliĂšrement longues dans le commerce, l’hĂŽtellerie et la restauration, le transport et les tĂ©lĂ©communications, surtout dans les pays en dĂ©veloppement qui recourent moins au travail Ă  temps partiel dans ces 
(1) Maddison Angus, L’économie mondiale, une perspective millĂ©naire, Paris, Centre de dĂ©veloppement de l’OCDE, 2001 - § 58 et tableaux E-3, p. 365, E-4 p. 366et E-10, p. 372. - http://www.keepeek.com/Digital- Asset-Management/oecd/economics/l-economie-mondiale_9789264289987-fr 
(2) Rapport du Bureau International du travail sur le temps de travail au XXIe siĂšcle, soumis pour discussion Ă  la rĂ©union tripartite d’experts sur l’amĂ©nagement du temps de travail des 17 Ă  21 octobre 2011, § 58, p. 19. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---protrav/--- travail/documents/publication/wcms_161741.pdf
— 28 — 
secteurs d’activitĂ©. Les semaines de travail sont plus rĂ©duites dans l’administration publique, l’éducation et les services sociaux. 
Le rapport insiste enfin sur la situation des travailleurs indĂ©pendants qui travaillent en moyenne plus longtemps que les salariĂ©s dans tous les pays, mĂȘme si, dans les pays en dĂ©veloppement, une part significative d’entre eux ont un temps de travail rĂ©duit par manque de commandes, s’agissant des hommes ou en raison de leurs charges familiales, s’agissant des femmes. 
Le rapport estime que dans ces Ă©conomies, l’économie informelle repose aux trois cinquiĂšmes sur ces travailleurs indĂ©pendants, rĂ©munĂ©rĂ©s Ă  la tĂąche, Ă  la piĂšce ou forfaitairement Ă  la journĂ©e, le salariat non dĂ©clarĂ© aux administrations couvrant les deux derniers cinquiĂšme. 
3. En deçà des maxima internationaux, trois obligations complémentaires sont utilisées pour baisser légalement le temps de travail des salariés 
Pour se conformer aux normes posĂ©es en 1919 et 1930, les lĂ©gislations nationales auraient pu imposer aux salariĂ©s des horaires fixes, sans entrer dans le dĂ©tail de l’organisation de leur activitĂ©. Des rĂšgles uniformes, semblables aux rythmes observĂ©s dans les Ă©conomies agraires, sont encore respectĂ©es dans nombre d’administrations publiques – services de sĂ©curitĂ© et secours d’urgence mis Ă  part. 
Au lieu de cela, les législations nationales ont le plus souvent laissé les partenaires sociaux négocier les horaires ou les cadences appliqués contractuellement dans les branches, les métiers, les entreprises ou les établissements. 
Les nĂ©gociations relatives au temps de travail : le cas de l’Allemagne 
Selon les informations transmises par le ministĂšre fĂ©dĂ©ral du travail et des affaires sociales allemand, dont une dĂ©lĂ©gation de la commission d’enquĂȘte a pu rencontrer des reprĂ©sentants au cours d’un dĂ©placement Ă  Berlin, les conventions collectives et les accords d’entreprise occupent une place prĂ©pondĂ©rante dans la dĂ©termination de la durĂ©e du travail en Allemagne. 
La hiĂ©rarchie des normes applicable au temps de travail en Allemagne est relativement classique : les principes gĂ©nĂ©raux sont fixĂ©s par la rĂ©glementation internationale ou par la loi allemande. Au niveau infĂ©rieur, les conventions collectives – il en existe 70 000 – dĂ©finissent les principes gĂ©nĂ©raux par branche d’activitĂ©. Ensuite, les comitĂ©s d’entreprise sont chargĂ©s de dĂ©finir les conditions applicables au sein de l’entreprise. Le salariĂ© dispose en dernier lieu d’un pouvoir de nĂ©gociation propre Ă  sa situation individuelle, la rĂšgle Ă©tant que les conditions nĂ©gociĂ©es avec le salariĂ© ne peuvent ĂȘtre moins bĂ©nĂ©fiques que celles nĂ©gociĂ©es au niveau supĂ©rieur. 
Les principes généraux relatifs au temps de travail ont été fixés en Allemagne par une loi du 6 juin 1994. Selon cette loi : 
 Tout salariĂ© doit respecter un temps de travail de huit heures par jour. Des dĂ©rogations permettant d’aller jusqu’à dix heures de travail quotidiennes sont possibles, mais elles doivent ĂȘtre prĂ©vues par un Ă©crit signĂ© par chacune des parties. En outre, la durĂ©e moyenne
— 29 — 
de travail constatĂ©e sur une durĂ©e de six mois ne peut en aucun cas ĂȘtre supĂ©rieure Ă  huit heures par jour. 
 Les dimanches et jours fĂ©riĂ©s sont des jours non travaillĂ©s, sauf en cas de dĂ©rogation nĂ©gociĂ©e avec le comitĂ© d’entreprise ou par accord de branche, lesquels prĂ©voient les conditions de rĂ©munĂ©ration liĂ©es Ă  ces dĂ©rogations. 
 En outre, le temps de pause quotidien minimal est de onze heures. 
Mais les rĂšgles de rĂ©gulation du temps de travail relĂšvent essentiellement des conventions collectives nĂ©gociĂ©es par les partenaires sociaux, en application de l’article 9 de la loi fondamentale allemande : 10 % des 70 000 conventions collectives Ă©voquent ainsi la gestion du temps de travail. La loi de 1994 a en outre introduit davantage de flexibilitĂ© dans les horaires et accordĂ© plus de souplesse pour les accords d’entreprise et les conventions collectives qui souhaitaient s’écarter des accords de branche. À cette occasion, par exemple, le travail du dimanche a Ă©tĂ© autorisĂ© pour des raisons Ă©conomiques, mais Ă©galement pour ne pas pĂ©naliser les entreprises allemandes en concurrence avec des entreprises Ă©trangĂšres (1). 
Les comitĂ©s d’entreprises jouent Ă©galement un rĂŽle clĂ© dans la dĂ©termination de la durĂ©e du travail. À titre d’illustration, au cours d’un entretien au siĂšge de l’entreprise Siemens Ă  Berlin, oĂč travaillent 11 500 salariĂ©s de Siemens rĂ©partis sur dix sites, la direction des ressources humaines de l’entreprise a indiquĂ© Ă  une dĂ©lĂ©gation de la commission d’enquĂȘte que l’accord du comitĂ© d’entreprise de Siemens Ă  Berlin prĂ©voit une durĂ©e hebdomadaire de travail de 38 heures, soit trois heures de plus que la durĂ©e de 35 heures prĂ©vue par la convention collective. 
Les législations nationales ont par ailleurs soumis la négociation contractuelle de ces clauses à des obligations destinées à baisser le temps de travail des salariés sous les maximas absolus ou moyens préalablement établis. 
Ces obligations se rĂ©partissent en trois catĂ©gories : les repos compensateurs, les congĂ©s payĂ©s et les tarifs diffĂ©renciĂ©s d’heures travaillĂ©es. 
a. Le repos compensateur 
En fixant un maximum de 48 heures de travail par semaine, les conventions internationales ont prĂ©vu un jour de repos hebdomadaire obligatoire. Il est cependant loisible aux lĂ©gislations nationales d’en accorder davantage et d’y ajouter des temps de pause quotidiens. La plupart accordent aussi des jours de fĂȘte chĂŽmĂ©s, hebdomadaires ou annuels, aux salariĂ©s. 
La protection de leur santĂ© encourage l’usage juridique qui leur accorde un temps de repos compensateur proportionnel aux heures accomplies dans une pĂ©riode d’activitĂ©. Les repos obligatoires rĂ©duisent le temps de travail salariĂ© comme le font les maxima lĂ©gaux et les temps de pause. 
Ils le font d’une maniĂšre nĂ©gociable, plus facilement acceptable par les employeurs et moins dommageable pour la production que des interruptions uniformes Ă  heures fixes. Cet usage est adaptĂ© aux secteurs qui connaissent des 
(1) Gerhard Bosch et Frank Stille, Temps de travail et rĂ©duction du temps de travail en Allemagne, Économie internationale, la revue du CEPII n°83, 3e trimestre 2000.
— 30 — 
variations de production qui rĂ©clament des horaires de travail variables pour Ă©viter de recourir Ă  une main-d’oeuvre intermittente, moins qualifiĂ©e que les salariĂ©s rĂ©guliers, ou de devoir mettre ces derniers au chĂŽmage technique. 
Cet usage juridique ne peut toutefois tenir compte de l’effort fourni par les salariĂ©s pendant la pĂ©riode de surcroĂźt d’activitĂ©, pour calculer le repos convenable, qu’au prix de subtils calculs d’intensitĂ© qui ne se prĂȘtent pas Ă  des dĂ©finitions communes Ă  des secteurs d’activitĂ© ou Ă  des modes de production disparates. 
Pour qu’une Ă©galitĂ© juridique de traitement soit maintenue entre les salariĂ©s, les lĂ©gislations qui recourent Ă  ce type d’obligations doivent Ă©tablir des rapports d’équivalence entre les activitĂ©s, les mĂ©tiers et les branches. Ces rapports d’équivalence nourrissent le droit du travail de rĂšgles particuliĂšres et se prĂȘtent Ă  des contentieux. 
En rĂ©vĂ©lant les disparitĂ©s entre les emplois qui en rendent certains plus lourds ou plus ingrats que d’autres, ils accentuent davantage les rapports de force entre employeurs et salariĂ©s au lieu de les apaiser. 
Dans ces rapports de force, qui dĂ©terminent les nĂ©gociations conventionnelles et contractuelles, les obligations lĂ©gales d’accorder un repos compensateur proportionnel ne sont en outre favorables Ă  la santĂ© du salariĂ© que lorsqu’elles imposent, comme c’est le cas pour les salariĂ©s travaillant en Ă©quipe de nuit ou en horaires dĂ©calĂ©s, que le repos compensateur soit entiĂšrement pris immĂ©diatement aprĂšs la pĂ©riode travaillĂ©e et non pas en partie reportĂ© voire mĂȘme thĂ©saurisĂ© sur des comptes. 
Dans l’Union europĂ©enne, par exemple, les directives du 23 novembre 1993 et du 22 juin 2000 prĂ©voient que la limite maximale de travail fixĂ©e Ă  48 heures par semaine soit calculĂ©e en moyenne sur au plus quatre mois consĂ©cutifs. Pour garantir aux salariĂ©s un repos quotidien, plutĂŽt que de fixer un second maximum, la directive a prĂ©fĂ©rĂ© imposer aux États de prendre les mesures nĂ©cessaires pour que tout travailleur bĂ©nĂ©ficie d'un temps de pause pour un travail journalier supĂ©rieur Ă  six heures et d'une pĂ©riode minimale de repos tous les sept jours. 
Cette pĂ©riode de repos doit ĂȘtre rĂ©partie sur la semaine mais peut l’ĂȘtre de maniĂšre inĂ©gale. Elle impose un repos minimal de 11 heures consĂ©cutives par 24 heures et de 24 heures supplĂ©mentaires sans interruption tous les sept jours, un calcul de moyenne autorisant Ă  rĂ©partir ce repos sur une pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence de deux semaines. Au final, la limite maximale de 48 heures de travail par semaine, rĂ©partie sur quatre mois, autorise des semaines de travail de 78 heures. 
Les obligations de temps de repos compensateur Ă©tablies par la directive donnent encore matiĂšre Ă  de nombreux contentieux interprĂ©tatifs dans toute l’Union, quand les salariĂ©s sont payĂ©s forfaitairement Ă  la tĂąche ou Ă  la mission, quand leur emploi consiste pour partie dans des gardes sur place ou des astreintes
— 31 — 
Ă  distance, sans activitĂ© prĂ©visible ou rĂ©guliĂšre, ou bien encore quand leurs heures de travail sont entrecoupĂ©es de pauses trop courtes pour ĂȘtre assimilĂ©es Ă  des temps de repos. 
Leur rĂ©partition doit enfin tenir compte des pĂ©riodes diurnes ou nocturnes entre lesquelles les heures de travail et les heures de repos quotidiennes sont rĂ©parties. Les directives prĂ©voient qu’un travail de nuit ne doit pas excĂ©der huit heures en moyenne par pĂ©riode de 24 heures, en raison des risques particuliers qu’il fait peser sur la santĂ© physique et mentale du salariĂ©. 
b. Les congés payés 
En complĂ©ments des fĂȘtes chĂŽmĂ©es, l’usage corporatif de jour de congĂ©s proportionnels Ă  la durĂ©e d’emploi et Ă  l’anciennetĂ© de l’employĂ©, inclus dans les jours payĂ©s par l’employeur, a Ă©tĂ© repris en droit positif en 1936, Ă  l’initiative du Gouvernement français du Front populaire, en rĂ©ponse aux grĂšves gĂ©nĂ©rales qui ont accompagnĂ© son Ă©lection. 
Plusieurs conventions de l’Organisation internationale du travail ont, depuis cette pĂ©riode, reconnu le droit des salariĂ©s Ă  des congĂ©s payĂ©s annuels. La derniĂšre en date (n° 132) adoptĂ©e en 1970 et entrĂ©e en vigueur trois ans plus tard, a Ă©tĂ© ratifiĂ©e par 36 États. Elle accorde trois semaines de congĂ©s par annĂ©e de service aux salariĂ©s de tous les secteurs d’activitĂ© Ă  l’exception des gens de mer. Elle leur interdit d’y renoncer par contrat en Ă©change d’une indemnitĂ©. 
Ce congĂ© doit ĂȘtre pris dans les 18 mois aprĂšs la fin de l’annĂ©e dans laquelle il a Ă©tĂ© acquis, deux semaines de congĂ©s au moins devant ĂȘtre posĂ©es consĂ©cutivement. Il ne doit pas inclure les fĂȘtes chĂŽmĂ©es lĂ©gales ou coutumiĂšres. Cette norme de congĂ©s payĂ©s proposĂ©e par l’OIT a Ă©tĂ© largement adoptĂ©e dans la plupart des pays, qu’ils aient ou non ratifiĂ© la convention. 
Dans de nombreux pays, les congĂ©s payĂ©s conventionnels peuvent ĂȘtre supĂ©rieurs aux congĂ©s lĂ©gaux mais ils sont alors rĂ©servĂ©s aux salariĂ©s ayant acquis une anciennetĂ© minimale dans l’entreprise. Ils sont accordĂ©s en fonction de cette anciennetĂ©, ce qui crĂ©e d’importantes inĂ©galitĂ©s de situations au sein des collectifs de travail. 
Selon le rapport d’expert de 2011, presque tous les pays ont inscrit dans leur lĂ©gislation le droit Ă  une pĂ©riode minimale de congĂ©s payĂ©s annuels et la moitiĂ© d’entre eux en accordent 20 jours. Certains y incluent toutefois les fĂȘtes chĂŽmĂ©es, dont le nombre de jours par an est trĂšs variable selon les pays, entre 7 et 20. 
Le rapport relĂšve qu’en Asie-Pacifique, en AmĂ©rique latine et dans les CaraĂŻbes, un tiers des pays accordent moins de 10 jours de congĂ©s et plus de la moitiĂ© moins de 15 jours ouvrables tout en Ă©tant prodigues en fĂȘtes chĂŽmĂ©es.
— 32 — 
En Europe, la directive sur l’amĂ©nagement du temps de travail impose aux employeurs d’accorder Ă  leurs salariĂ©s un congĂ© annuel rĂ©munĂ©rĂ© d'au moins quatre semaines. Plusieurs lĂ©gislations octroient une cinquiĂšme semaine. La France fait figure d’exception puisque ses salariĂ©s bĂ©nĂ©ficient en moyenne de 6,6 semaines de congĂ©s, contre 4 semaines lĂ©gales en Allemagne. 
Cette moyenne couvre les cinq semaines lĂ©gales (dont la cinquiĂšme a Ă©tĂ© accordĂ©e en 1981) et les jours de congĂ©s conventionnels attribuĂ©s en compensation d’un travail hebdomadaire supĂ©rieur Ă  35 heures et qualifiĂ© de jours de rĂ©duction du temps de travail (RTT). Il importe de relever que ceux-ci peuvent reprĂ©senter jusqu’à quatre semaines supplĂ©mentaires pour les cadres au forfait. 
c. La tarification différenciée des heures de travail 
Le dernier moyen lĂ©gal utilisĂ© pour rĂ©duire le temps de travail moyen des salariĂ©s consiste Ă  imposer aux employeurs de les payer Ă  l’heure et non plus Ă  la piĂšce et de fixer des barĂšmes progressifs de rĂ©munĂ©ration des heures qui excĂšdent des seuils ou bien des heures travaillĂ©es pendant des pĂ©riodes habituellement dĂ©volues au repos. 
La lĂ©gislation impose souvent un tarif plus Ă©levĂ© pour les heures de travail accomplies la nuit, lors des jours habituels de repos hebdomadaire ou lors des fĂȘtes chĂŽmĂ©es. Elle peut Ă©galement prĂ©voir des limites maximales sous forme de contingents d’heures nocturnes, dominicales ou supplĂ©mentaires. 
Cette tarification dissuade les employeurs de dĂ©passer les seuils fixĂ©s ou convenus autant qu’elle peut inciter les salariĂ©s Ă  en bĂ©nĂ©ficier. Les heures supplĂ©mentaires sont cependant trĂšs largement utilisĂ©es dans les Ă©conomies industrialisĂ©es et prĂšs de la moitiĂ© des salariĂ©s en font chaque annĂ©e mĂȘme si toutes ne leur sont pas payĂ©es ni compensĂ©es par un repos consĂ©cutif plus long. 
Leur tarification entre en conflit avec les normes qui dĂ©finissent le temps de travail habituel lorsque ces normes ne s’appliquent qu’en moyenne sur de longues pĂ©riodes. Il n’est en effet alors plus nĂ©cessaire Ă  l’employeur de rĂ©partir sa production prĂ©visible dans le temps pour Ă©viter de mobiliser davantage sa main- d’oeuvre dans les pĂ©riodes de pointe ou pour la laisser en chĂŽmage technique dans les pĂ©riodes creuses. Il lui suffit de calculer la durĂ©e contractuelle du travail sur l’annĂ©e pour respecter les normes quotidiennes et hebdomadaires de temps de travail sans plus devoir acquitter de supplĂ©ments de rĂ©munĂ©ration pour les heures nocturnes, dominicales ou supplĂ©mentaires ni concĂ©der de congĂ©s de rĂ©cupĂ©ration. 
C’est pourquoi le droit du temps de travail s’attache de plus en plus aux temps de repos compensateur et non plus aux maximas, aux normes de travail ou aux catĂ©gories d’heures, individualisant les temps de repos et modifiant les coutumes sociales des jours collectivement chĂŽmĂ©s, fixĂ©s auparavant par le comput officiel, les lois et traditions religieuses.
— 33 — 
Incidence de la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence choisie pour vĂ©rifier le respect des moyennes normales de temps de travail et des obligations qui s’y attachent 
À la diffĂ©rence de la fixation des maximas universels de temps de travail, la dĂ©finition d’une norme peut tenir compte non seulement des catĂ©gories d’employĂ©s et des secteurs Ă©conomiques mais aussi de la pĂ©riode de temps choisie pour l’appliquer. 
Elle permet d’intĂ©grer dans le calcul des moyennes, en plus des pauses et des repos quotidiens et hebdomadaires minimas, les congĂ©s payĂ©s et les fĂȘtes chĂŽmĂ©es. La recommandation de 1962 laisse aux autoritĂ©s de chaque pays la dĂ©termination de l'Ă©tendue maximale de la pĂ©riode sur laquelle les heures de travail pourront ĂȘtre calculĂ©es. 
Le choix d’une pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence longue et en particulier l’annualisation du calcul du temps de travail favorise les organisations qui peuvent soutenir des stratĂ©gies prĂ©visibles sur le long terme au dĂ©triment des individus. Elle reporte sur les individus les plus faibles et les moins prĂ©voyants le fardeau des alĂ©as que les assurances sociales avaient socialisĂ©. 
Un calcul sur l’annĂ©e, sur plusieurs annĂ©es voire sur la durĂ©e d’une vie professionnelle, s’avĂšre en outre particuliĂšrement favorable aux employeurs puisqu’il autorise de grandes amplitudes de variations dans les temps de travail intermĂ©diaires. 
Ces amplitudes, dissimulĂ©es par la moyenne, permettent Ă  l’employeur de diffĂ©rer les repos et les demandes de congĂ©s payĂ©s de ses salariĂ©s ou de suspendre voire de rompre le contrat de travail pendant des temps de repos de longue durĂ©e, nĂ©cessaires pour Ă©quilibrer les pĂ©riodes de forte activitĂ©. 
Ces reports de longue durĂ©e s’appliquent au dĂ©triment de la santĂ© de nombre de salariĂ©s qui thĂ©saurisent des jours de repos sur des comptes d’épargne-temps et acceptent implicitement, en contrepartie, une baisse de leur salaire horaire rĂ©el, fixĂ© sur les normes de travail contractuelles et non sur les heures rĂ©ellement faites ou sur des forfaits. 
Enfin, les périodes de référence de longue durée, par exemple annuelle, suppriment ou diminuent fortement la portée des tarifications différenciées des heures de travail habituelles et supplémentaires. 
4. Les lĂ©gislations nationales du travail s’affaiblissent tandis que l’individualisation des normes restaure l’autonomie du contrat 
Les obligations légales imposées aux conventions collectives et aux contrats individuels pour réduire le temps de travail des salariés ont pu répondre à des intentions politiques diverses. 
Les unes ont souhaitĂ© protĂ©ger la santĂ© des travailleurs les plus jeunes des deux sexes, pour assurer la reconstitution de la force de travail nationale ou mĂȘme parfois pour maintenir une conscription militaire, ce qui n’entrait pas dans les prĂ©occupations des employeurs. 
D’autres, dans des États moins autoritaires, ont recherchĂ© un maintien de l’ordre public Ă  moindre coĂ»t, en Ă©vitant, par une rĂ©glementation, d’avoir Ă  rĂ©primer les contestations collectives des conditions de travail les plus pĂ©nibles, dans des secteurs Ă©conomiques syndicalisĂ©s ou dans ceux qui Ă©taient frĂ©quemment exposĂ©s Ă  des coalitions spontanĂ©es de travailleurs ou Ă  des grĂšves.
— 34 — 
Dans les États dĂ©mocratiques, ces obligations imposĂ©es ont Ă©tĂ© adoptĂ©es par les lĂ©gislations nationales aprĂšs des Ă©lections qui ont portĂ© au pouvoir des majoritĂ©s favorables Ă  l’amĂ©lioration des conditions de vie des salariĂ©s, le plus souvent d’inspiration socialiste ou social-dĂ©mocrate. 
Ces obligations ont permis de rĂ©duire le temps de travail des salariĂ©s en- deçà des maxima internationaux. Si elles ont atteint leur objectif, ces obligations ont eu des effets qui n’étaient ni anticipĂ©s ni souhaitĂ©s par leurs initiateurs, soit en traversant leur stratĂ©gie industrielle ou commerciale d’insertion dans le marchĂ© mondial, soit en suscitant des adaptations du corps social imprĂ©vues. 
Ces obligations ont, au cours des derniĂšres dĂ©cennies, Ă©tĂ© assorties de variations croissantes dans la comptabilisation des heures, le calcul des moyennes et le choix des rythmes de travail, jusqu’à conduire Ă  Ă©manciper en pratique les contrats de travail individuels des rĂšgles collectives destinĂ©es Ă  protĂ©ger les salariĂ©s des excĂšs et des abus.
— 35 — 
Avant 1919, le temps de travail légal reprend les lois anglaises 
Le rapport n° 652 dĂ©posĂ© le 22 janvier 1998 par M. Jean Le Garrec au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’AssemblĂ©e nationale sur le projet de loi d’orientation et d’incitation relatif Ă  la rĂ©duction du temps de travail de dĂ©cembre 1997, qu’on peut encore lire sur le site Internet de l’AssemblĂ©e (1), retraçait les principales Ă©tapes de la lĂ©gislation française de la durĂ©e du travail depuis le milieu du XIXe siĂšcle. Cette lĂ©gislation a suivi l’exemple donnĂ© par les lois britanniques sur les usines. 
La loi du 18 novembre 1814 confirme l’obligation du repos dominical, tradition de l’Ancien RĂ©gime remise souvent en cause durant la pĂ©riode rĂ©volutionnaire et impĂ©riale. La loi du 22 mars 1841 interdit le travail avant 8 ans et en fixe la durĂ©e maximum Ă  8 heures par jour de 8 Ă  12 ans et 12 heures de 12 Ă  16 ans dans les usines de plus de 20 ouvriers. Elle accorde un repos dominical aux enfants et apprentis, dĂ©jĂ  prĂ©vu par la loi de 1814 mais sans effet. 
Un décret du 2 mars 1848 limite la journée de travail des ouvriers à 10 heures à Paris et 11 heures en province. Ce texte est abrogé le 9 septembre 1848, aprÚs la répression des émeutes de juin par un autre décret qui limite la journée de travail ouvriÚre à 12 heures pour la France entiÚre, sauf exceptions, qui donneront lieu à des précisions réglementaires sous le second empire. 
La loi du 19 mai 1874 retarde de 8 Ă  12 ans l’ñge minimum d’emploi Ă  temps plein et Ă  10 ans celui d’un salariĂ© employĂ© Ă  mi-temps, 6 heures par jour. Elle interdit le travail de nuit des garçons jusqu’à 16 ans et des filles jusqu’à 20 ans. Elle leur accorde un repos les dimanches et fĂȘtes. Elle s’applique Ă  toutes les activitĂ©s Ă©conomiques, alors que les prĂ©cĂ©dents textes concernaient exclusivement l’industrie. 
La loi 2 novembre 1892 accorde un repos hebdomadaire aux femmes de plus de 20 ans sans faire cas du dimanche et limite leur journĂ©e de travail Ă  11 heures. Elle interdit le travail de nuit aux hommes de moins de 18 ans et aux femmes. Elle relĂšve l’ñge minimum d’emploi Ă  13 ans. Le travail des enfants est rĂ©duit Ă  10 heures par jour pour les 13–16 ans et 11 heures pour les 16–18 ans. 
La loi du 30 mars 1900 harmonise la durée maximale du travail dans les ateliers qui réunissent hommes, femmes et enfants à 10 h 30 en 1902 puis 10 heures en 1904. La loi du 15 juillet 1906 accorde un repos hebdomadaire à tous les salariés en abrogeant la loi de juillet 1880. 
La loi du 5 avril 1910, qui instaure des retraites obligatoires, par capitalisation, financĂ©es par des contributions de l’État, des employeurs et des travailleurs, fixe Ă  65 ans l’ñge de liquidation de ces retraites. Cet Ăąge est abaissĂ© Ă  60 ans par une loi de 1912. 
Au Royaume-Uni, les lois du XXe siĂšcle sur les usines ne limitent le temps de travail que pour les femmes et les enfants. La directive europĂ©enne de 1993 prĂ©citĂ©e, plus favorable que le droit en vigueur, y est d’autant plus dĂ©criĂ©e que, pour s’y conformer, la loi sur les rĂšgles de temps de travail (Working time regulations) a accordĂ© 4 semaines de congĂ©s annuels aux salariĂ©s Ă  temps plein, soit 20 jours auxquels s’ajoutent 8 jours fĂ©riĂ©s et chĂŽmĂ©s. 
Auparavant, selon le rapport de M. Le Garrec, « en 1994, parmi les salariĂ©s Ă  temps plein, plus d’un quart des hommes et un peu moins de 10 % des femmes travaillaient, en Grande-Bretagne, habituellement plus de 48 heures par semaine... De mĂȘme, environ 10 % des salariĂ©s ne bĂ©nĂ©ficiaient d’aucuns congĂ©s payĂ©s et 18 % bĂ©nĂ©ficiaient de moins de trois semaines de congĂ©s payĂ©s. » 
(1) http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/970512.asp
— 36 — 
5. Des limites méthodologiques qui rendent plus difficiles les comparaisons internationales 
a. Plusieurs définitions de la durée du travail rendent les comparaisons internationales peu pertinentes 
 La notion de « durĂ©e du travail » est complexe Ă  dĂ©finir, Ă  mesurer et Ă  interprĂ©ter. 
La premiĂšre dĂ©finition possible du temps de travail est la durĂ©e « lĂ©gale » du travail. En France, elle correspond depuis 2002 Ă  35 heures hebdomadaires, ou Ă  1 607 heures annuelles pour toutes les entreprises. Il s’agit d’une durĂ©e de rĂ©fĂ©rence pour le travail Ă  temps complet, un seuil au-delĂ  duquel les heures supplĂ©mentaires sont calculĂ©es. Certaines branches d’activitĂ© dĂ©rogent nĂ©anmoins Ă  cette durĂ©e lĂ©gale : par exemple, la convention collective nationale des salariĂ©s du particulier employeur fixe la durĂ©e de travail Ă  quarante heures hebdomadaires pour un salariĂ© Ă  temps plein. 
La durĂ©e du travail gĂ©nĂ©ralement retenue pour mener Ă  bien les enquĂȘtes relatives au temps de travail en France est la durĂ©e « effective » du travail. CalculĂ©e sur la journĂ©e, la semaine, le mois ou l’annĂ©e, elle est dĂ©finie Ă  l’article L. 3121-1 du code du travail comme « le temps pendant lequel le salariĂ© est Ă  la disposition de l’employeur et se conforme Ă  ses directives sans pouvoir vaquer librement Ă  ses occupations personnelles ». Pour les statisticiens, la durĂ©e annuelle effective renvoie au temps rĂ©ellement consacrĂ© par les personnes Ă  leur activitĂ© professionnelle au cours d’une annĂ©e. Depuis 2003, les enquĂȘtes de la Direction de l’animation de la recherche, des Ă©tudes et des statistiques (DARES) utilisant la durĂ©e annuelle effective intĂšgrent tous les Ă©lĂ©ments de variation individuelle du temps de travail sur l’annĂ©e (heures supplĂ©mentaires ponctuelles rĂ©munĂ©rĂ©es ou non, congĂ©s, absences, chĂŽmage partiel, grĂšve
). En France, cette durĂ©e est mesurĂ©e directement auprĂšs des mĂ©nages par l’enquĂȘte « Emploi » de l’Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques (INSEE). 
En complĂ©ment de cette durĂ©e effective du travail peut ĂȘtre dĂ©finie une durĂ©e « collective » de travail, qui mesure l’horaire de travail commun Ă  un groupe de salariĂ©s, par exemple l’horaire tel qu’il est affichĂ© sur le lieu de travail. Elle est gĂ©nĂ©ralement calculĂ©e sur une base hebdomadaire. 
Enfin, la durĂ©e « habituelle » hebdomadaire de travail mesure la durĂ©e de travail d’un individu lors d’une semaine « normale », c’est-Ă -dire sans Ă©vĂšnement particulier  jours fĂ©riĂ©s, jours de rĂ©duction du temps de travail, absence pour maladie ou formation
 
Face Ă  la coexistence de ces diffĂ©rentes dĂ©finitions de la durĂ©e du travail, et si l’on considĂšre que la mesure de la durĂ©e du travail est Ă©galement susceptible de varier considĂ©rablement en fonction du champ considĂ©rĂ© – temps complet, temps partiel, secteur public, secteur privĂ©, etc. , la notion de « durĂ©e du travail » se rĂ©vĂšle particuliĂšrement sujette Ă  controverses.
— 37 — 
La DARES a ainsi attirĂ© l’attention sur les risques engendrĂ©s par l’existence de ces diffĂ©rentes dĂ©finitions dans une publication de juillet 2013 : « selon le champ (salariĂ©s, non-salariĂ©s, ensemble des actifs occupĂ©s), le temps de travail (temps complet, temps partiel, toutes durĂ©es du travail) et le concept mĂȘme de durĂ©e, en particulier lorsque la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence est hebdomadaire (durĂ©e lĂ©gale, collective, effective ou habituelle), les mesures peuvent donner des rĂ©sultats trĂšs diffĂ©rents et mener Ă  des comparaisons plus ou moins pertinentes » (1). 
 Les comparaisons internationales sont peu pertinentes 
Plusieurs enquĂȘtes internationales s’attachent Ă  comparer les durĂ©es du travail entre les États. Cependant, en raison de l’impossibilitĂ© de s’accorder sur une dĂ©finition de la durĂ©e du travail et des limites mĂ©thodologiques inhĂ©rentes Ă  l’exercice de la mesure du temps de travail, l’établissement de comparaisons internationales sur la durĂ©e du travail s’avĂšre trĂšs dĂ©licat. 
Un exemple de la difficulté de comparer les durées du travail entre pays (2) 
Selon l’enquĂȘte LFS, la durĂ©e annuelle effective des salariĂ©s Ă  temps complet en Allemagne est l’une des plus Ă©levĂ©es de l’Union europĂ©enne, Ă  1 898 heures en 2010 contre 1 672 heures en France. Or la DARES a montrĂ© que cet Ă©cart de prĂšs de 230 heures est nettement supĂ©rieur Ă  l’écart constatĂ© entre les durĂ©es habituelles hebdomadaires, qui s’élĂšvent respectivement Ă  39,4 heures en France contre 40,6 heures en Allemagne, d’oĂč un Ă©cart de 62 heures sur la durĂ©e annuelle effective. 
L’analyse de cet Ă©cart rĂ©vĂšle des diffĂ©rences significatives entre les absences prises en compte durant la totalitĂ© de la semaine de rĂ©fĂ©rence. D’aprĂšs les dĂ©clarations des salariĂ©s Ă  temps complet dans les LFS en 2010, 14,8 % des salariĂ©s Ă  temps complet en France se dĂ©claraient absents durant la totalitĂ© de la semaine de rĂ©fĂ©rence, contre 9,8 % en Allemagne. Parmi eux, 70,9 % l’étaient pour raison de congĂ©s en France, contre 52,9 % en Allemagne, cet Ă©cart de taux reprĂ©sentant 5,4 semaines de congĂ©s en France, soit deux fois plus que pour l’Allemagne. 
Mais l’ampleur de l’écart constatĂ© sur les congĂ©s peine Ă  trouver une explication naturelle, puisqu’il excĂšde les diffĂ©rences de congĂ©s lĂ©gaux ou conventionnels entre les deux pays. Parmi les pistes d’explication avancĂ©es par la DARES, le mode d’interrogation des mĂ©nages dans les enquĂȘtes LFS menĂ©es dans chacun des deux pays pourrait ĂȘtre Ă  l’origine de l’écart inexpliquĂ©, ce qu’a confirmĂ© l’audition du directeur gĂ©nĂ©ral de l’INSEE, M. Jean- Luc Tavernier. 
Parmi les enquĂȘtes internationales les plus exhaustives, l’Organisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomiques (OCDE) publie dans les Perspectives de l’emploi des donnĂ©es sur la durĂ©e du travail pour l’ensemble des salariĂ©s (Ă  temps plein et Ă  temps partiel), en se fondant sur les donnĂ©es transmises par les comptes nationaux des trente-quatre États membres de l’Organisation. Or le recueil de ces donnĂ©es s’apparente davantage Ă  une « base de donnĂ©es » qu’à un vĂ©ritable travail statistique, car l’OCDE n’harmonise pas les mĂ©thodes de calcul 
(1) DARES, « La durée du travail des salariés à temps complet », Analyses n°47 (juillet 2013). 
(2) Exemple tiré de la publication de la DARES Analyses n°47 (juillet 2013).
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire
Rapport  35h commission parlementaire

Mais conteĂșdo relacionado

Mais procurados

Le programme de stabilité 2014-2017
Le programme de stabilité 2014-2017Le programme de stabilité 2014-2017
Le programme de stabilité 2014-2017FactaMedia
 
Rapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANI
Rapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANIRapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANI
Rapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANIJean-Michel Boudon
 
Le troisiĂšme Plan de modernisation et d'Ă©quipement (Partie 1)
Le troisiĂšme Plan de modernisation et d'Ă©quipement (Partie 1)Le troisiĂšme Plan de modernisation et d'Ă©quipement (Partie 1)
Le troisiÚme Plan de modernisation et d'équipement (Partie 1)France Stratégie
 
Le cinquiÚme Plan de développement économique et social
Le cinquiÚme Plan de développement économique et socialLe cinquiÚme Plan de développement économique et social
Le cinquiÚme Plan de développement économique et socialFrance Stratégie
 
Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...
Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...
Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...Nathalie SALLES
 
Le quatriÚme Plan de développement économique et social
Le quatriÚme Plan de développement économique et socialLe quatriÚme Plan de développement économique et social
Le quatriÚme Plan de développement économique et socialFrance Stratégie
 
Financer son association par les 6 manifestations annuelles exonerees
Financer son association par les 6 manifestations annuelles exonereesFinancer son association par les 6 manifestations annuelles exonerees
Financer son association par les 6 manifestations annuelles exonereesLionel Girard
 
Rapport Percheron sur le revenu universel
Rapport Percheron sur le revenu universelRapport Percheron sur le revenu universel
Rapport Percheron sur le revenu universelSociété Tripalio
 
Memento du candidat aux elections legislatives 2017
Memento du candidat aux elections legislatives 2017Memento du candidat aux elections legislatives 2017
Memento du candidat aux elections legislatives 2017Agathe Mercante
 
Le sixiÚme Plan de développement économique et social
Le sixiÚme Plan de développement économique et socialLe sixiÚme Plan de développement économique et social
Le sixiÚme Plan de développement économique et socialFrance Stratégie
 
Notes du cours de français (1)
Notes du cours de français (1)Notes du cours de français (1)
Notes du cours de français (1)biblioburguillos
 
Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...
Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...
Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...FactaMedia
 
L'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPON
L'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPONL'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPON
L'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPONAntoine KOUADIO Junior
 
tourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomie
tourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomietourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomie
tourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomieHamdane ALIOUAT
 
Rapport sur l'adaptation du droit français au RGPD
Rapport sur l'adaptation du droit français au RGPDRapport sur l'adaptation du droit français au RGPD
Rapport sur l'adaptation du droit français au RGPDSociété Tripalio
 

Mais procurados (18)

presse ethiques
presse ethiquespresse ethiques
presse ethiques
 
Le programme de stabilité 2014-2017
Le programme de stabilité 2014-2017Le programme de stabilité 2014-2017
Le programme de stabilité 2014-2017
 
Rapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANI
Rapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANIRapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANI
Rapport de la Com. Aff. Soc de l'assemmblée Nationale JM Germain sur l'ANI
 
Le troisiĂšme Plan de modernisation et d'Ă©quipement (Partie 1)
Le troisiĂšme Plan de modernisation et d'Ă©quipement (Partie 1)Le troisiĂšme Plan de modernisation et d'Ă©quipement (Partie 1)
Le troisiĂšme Plan de modernisation et d'Ă©quipement (Partie 1)
 
Le cinquiÚme Plan de développement économique et social
Le cinquiÚme Plan de développement économique et socialLe cinquiÚme Plan de développement économique et social
Le cinquiÚme Plan de développement économique et social
 
Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...
Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...
Rapport de la Cour des comptes : Le marché du travail : face à un chÎmage éle...
 
Le quatriÚme Plan de développement économique et social
Le quatriÚme Plan de développement économique et socialLe quatriÚme Plan de développement économique et social
Le quatriÚme Plan de développement économique et social
 
Financer son association par les 6 manifestations annuelles exonerees
Financer son association par les 6 manifestations annuelles exonereesFinancer son association par les 6 manifestations annuelles exonerees
Financer son association par les 6 manifestations annuelles exonerees
 
Guide utilisateur v01_x08,1
Guide utilisateur v01_x08,1Guide utilisateur v01_x08,1
Guide utilisateur v01_x08,1
 
Rapport Percheron sur le revenu universel
Rapport Percheron sur le revenu universelRapport Percheron sur le revenu universel
Rapport Percheron sur le revenu universel
 
Memento du candidat aux elections legislatives 2017
Memento du candidat aux elections legislatives 2017Memento du candidat aux elections legislatives 2017
Memento du candidat aux elections legislatives 2017
 
Débat d'orientation budgétaire 2016
Débat d'orientation budgétaire 2016Débat d'orientation budgétaire 2016
Débat d'orientation budgétaire 2016
 
Le sixiÚme Plan de développement économique et social
Le sixiÚme Plan de développement économique et socialLe sixiÚme Plan de développement économique et social
Le sixiÚme Plan de développement économique et social
 
Notes du cours de français (1)
Notes du cours de français (1)Notes du cours de français (1)
Notes du cours de français (1)
 
Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...
Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...
Rapport sur l’application des lois de financement de la sĂ©curitĂ© sociale - 17...
 
L'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPON
L'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPONL'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPON
L'APPORT DU LITTORAL DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU JAPON
 
tourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomie
tourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomietourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomie
tourisme d'affaires : un atout majeur pour l'Ă©conomie
 
Rapport sur l'adaptation du droit français au RGPD
Rapport sur l'adaptation du droit français au RGPDRapport sur l'adaptation du droit français au RGPD
Rapport sur l'adaptation du droit français au RGPD
 

Destaque

Au service de quel systéme bancaire somme nous ?
Au service de quel systéme bancaire somme nous ?Au service de quel systéme bancaire somme nous ?
Au service de quel systéme bancaire somme nous ?Fanny Despouys
 
Los Lugares Abandonados del Mundo
Los Lugares Abandonados del MundoLos Lugares Abandonados del Mundo
Los Lugares Abandonados del MundoAleeex08
 
Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...
Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...
Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...Romain Pelisse
 
Qu'est-ce qu'un impĂŽt progressif
Qu'est-ce qu'un impĂŽt progressifQu'est-ce qu'un impĂŽt progressif
Qu'est-ce qu'un impĂŽt progressifbixiou
 
Catalogue palazzetti foyers Ă  air
Catalogue palazzetti foyers Ă  airCatalogue palazzetti foyers Ă  air
Catalogue palazzetti foyers Ă  airpixelsEtvisuels
 
Synthe`se projet associatif+orientations
Synthe`se projet associatif+orientations Synthe`se projet associatif+orientations
Synthe`se projet associatif+orientations Ireps
 
Global caribbean pp
Global caribbean ppGlobal caribbean pp
Global caribbean ppAicasc
 
Le bénévolat : un atout à ta carriÚre
Le bénévolat : un atout à ta carriÚreLe bénévolat : un atout à ta carriÚre
Le bénévolat : un atout à ta carriÚreCatherine Bernier
 
reglamento estudiantil-upc
reglamento estudiantil-upcreglamento estudiantil-upc
reglamento estudiantil-upcEli Claro
 
Presentacion power point
Presentacion power pointPresentacion power point
Presentacion power pointRomi Espeche
 
Génération de Langage Naturel (NLG)
Génération de Langage Naturel (NLG)Génération de Langage Naturel (NLG)
Génération de Langage Naturel (NLG)Yseop France
 
El significado de las palabras octavo
El significado de las palabras octavoEl significado de las palabras octavo
El significado de las palabras octavogrupoj5
 
Quelques projets
Quelques projetsQuelques projets
Quelques projetslambret
 
présentation du CDI pour JPO
présentation du CDI pour JPOprésentation du CDI pour JPO
présentation du CDI pour JPOCollegePaulEluard
 
PBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREY
PBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREYPBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREY
PBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREYCasa Schoenstatt Monterrey
 

Destaque (20)

Au service de quel systéme bancaire somme nous ?
Au service de quel systéme bancaire somme nous ?Au service de quel systéme bancaire somme nous ?
Au service de quel systéme bancaire somme nous ?
 
Los Lugares Abandonados del Mundo
Los Lugares Abandonados del MundoLos Lugares Abandonados del Mundo
Los Lugares Abandonados del Mundo
 
Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...
Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...
Les gestionnaires de sources distribués et leurs cas d'utiliation - Solutions...
 
Qu'est-ce qu'un impĂŽt progressif
Qu'est-ce qu'un impĂŽt progressifQu'est-ce qu'un impĂŽt progressif
Qu'est-ce qu'un impĂŽt progressif
 
Catalogue palazzetti foyers Ă  air
Catalogue palazzetti foyers Ă  airCatalogue palazzetti foyers Ă  air
Catalogue palazzetti foyers Ă  air
 
Lettre d’Information Investessor - Janvier 2013
Lettre d’Information Investessor - Janvier 2013Lettre d’Information Investessor - Janvier 2013
Lettre d’Information Investessor - Janvier 2013
 
Synthe`se projet associatif+orientations
Synthe`se projet associatif+orientations Synthe`se projet associatif+orientations
Synthe`se projet associatif+orientations
 
Global caribbean pp
Global caribbean ppGlobal caribbean pp
Global caribbean pp
 
Le bénévolat : un atout à ta carriÚre
Le bénévolat : un atout à ta carriÚreLe bénévolat : un atout à ta carriÚre
Le bénévolat : un atout à ta carriÚre
 
Images
ImagesImages
Images
 
reglamento estudiantil-upc
reglamento estudiantil-upcreglamento estudiantil-upc
reglamento estudiantil-upc
 
Presentacion power point
Presentacion power pointPresentacion power point
Presentacion power point
 
Fauna
FaunaFauna
Fauna
 
Génération de Langage Naturel (NLG)
Génération de Langage Naturel (NLG)Génération de Langage Naturel (NLG)
Génération de Langage Naturel (NLG)
 
El significado de las palabras octavo
El significado de las palabras octavoEl significado de las palabras octavo
El significado de las palabras octavo
 
Quelques projets
Quelques projetsQuelques projets
Quelques projets
 
présentation du CDI pour JPO
présentation du CDI pour JPOprésentation du CDI pour JPO
présentation du CDI pour JPO
 
PBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREY
PBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREYPBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREY
PBLICACION LA SILLA, CELEBRACIÓN 100 AÑOS SCHOENSTATT EN MONTERREY
 
Web 2.0
Web 2.0Web 2.0
Web 2.0
 
Birds' high fashion show
Birds' high fashion show   Birds' high fashion show
Birds' high fashion show
 

Semelhante a Rapport 35h commission parlementaire

Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...
Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...
Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...Groupe SFC, cabinet d'expertise comptable
 
Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014
Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014
Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014FactaMedia
 
Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016
Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016
Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016yann le gigan
 
Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012
Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012
Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012Nathalie SALLES
 
PLFSS 2018 : rapport au SĂ©nat
PLFSS 2018 : rapport au SĂ©natPLFSS 2018 : rapport au SĂ©nat
PLFSS 2018 : rapport au SénatSociété Tripalio
 
Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010
Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010
Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010Michel PĂ©ters
 
Rapport lefranc 25 mai 2011
Rapport lefranc 25 mai 2011Rapport lefranc 25 mai 2011
Rapport lefranc 25 mai 2011Philippe Porta
 
Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...
Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...
Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...France Stratégie
 
Les MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne Wasmer
Les MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne WasmerLes MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne Wasmer
Les MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne WasmerMathilde Lemoine
 
France stratégie
France stratégieFrance stratégie
France stratégieNetPME
 
Les exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPE
Les exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPELes exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPE
Les exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPEFrance Stratégie
 
Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites en France
Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites en FranceLe rapport Moreau sur l'avenir des retraites en France
Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites en FranceThierry Labro
 
Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014
Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014
Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014benj_2
 
Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...
Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...
Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...Ministùre de l'Économie et des Finances
 
Rapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraites
Rapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraitesRapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraites
Rapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraitesSociété Tripalio
 
Rapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justice
Rapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justiceRapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justice
Rapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justiceNathalie SALLES
 

Semelhante a Rapport 35h commission parlementaire (20)

Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...
Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...
Social rapport-impact-societal-social-eco-financier-de-reduction-temps-de-tra...
 
Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014
Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014
Rapport d'information sur le CICE - Yves Blein - 02/10/2014
 
Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016
Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016
Rapport Terrasse sur l'Ă©conomie collaborative - FĂ©vrier 2016
 
Rapport Terrasse, 2016
Rapport Terrasse, 2016Rapport Terrasse, 2016
Rapport Terrasse, 2016
 
Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012
Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012
Rapport du froupe d'Experts du SMIC - 2012
 
PLFSS 2018 : rapport au SĂ©nat
PLFSS 2018 : rapport au SĂ©natPLFSS 2018 : rapport au SĂ©nat
PLFSS 2018 : rapport au SĂ©nat
 
Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010
Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010
Programme MR pour les LĂ©gislatives 2010
 
Rapport lefranc 25 mai 2011
Rapport lefranc 25 mai 2011Rapport lefranc 25 mai 2011
Rapport lefranc 25 mai 2011
 
Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...
Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...
Rapport 2014 du Comité de suivi du Crédit d'impÎt pour la compétitivité et l'...
 
Les MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne Wasmer
Les MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne WasmerLes MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne Wasmer
Les MobilitĂ©s des salariĂ©s - Mathilde Lemoine & Étienne Wasmer
 
France stratégie
France stratégieFrance stratégie
France stratégie
 
Rapport prelevements fiscaux sociaux france allemagne-04032011
Rapport prelevements fiscaux sociaux france allemagne-04032011Rapport prelevements fiscaux sociaux france allemagne-04032011
Rapport prelevements fiscaux sociaux france allemagne-04032011
 
Les exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPE
Les exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPELes exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPE
Les exonérations générales de cotisations - Rapport 2017 du COSAPE
 
Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites en France
Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites en FranceLe rapport Moreau sur l'avenir des retraites en France
Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites en France
 
Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014
Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014
Rapport de la cour des comptes sur la sécurité sociale 2014
 
Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...
Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...
Crise et croissance_cae (http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/crise_et_croissance_C...
 
Rapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraites
Rapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraitesRapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraites
Rapport "Moreau" de la commission sur l'avenir des retraites
 
Rapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justice
Rapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justiceRapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justice
Rapport Moreau : Nos retraites demain : Ă©quilibre financier et justice
 
Rapport ofe financement des tpe juin 2014
Rapport ofe financement des tpe juin 2014Rapport ofe financement des tpe juin 2014
Rapport ofe financement des tpe juin 2014
 
Mise en application réforme des retraites rapport information3629
Mise en application réforme des retraites rapport information3629Mise en application réforme des retraites rapport information3629
Mise en application réforme des retraites rapport information3629
 

Mais de Fanny Despouys

Publication etat deslieaux_democratie_participative_0
Publication etat deslieaux_democratie_participative_0Publication etat deslieaux_democratie_participative_0
Publication etat deslieaux_democratie_participative_0Fanny Despouys
 
Brochure juridique Etat d'urgence
Brochure juridique Etat d'urgenceBrochure juridique Etat d'urgence
Brochure juridique Etat d'urgenceFanny Despouys
 
Self data mesinfos_mai 2015_vf_hd
Self data mesinfos_mai 2015_vf_hdSelf data mesinfos_mai 2015_vf_hd
Self data mesinfos_mai 2015_vf_hdFanny Despouys
 
Jardiner nature def-web
Jardiner nature def-webJardiner nature def-web
Jardiner nature def-webFanny Despouys
 
Kitmobilisation climat 21 pdf
Kitmobilisation climat 21 pdfKitmobilisation climat 21 pdf
Kitmobilisation climat 21 pdfFanny Despouys
 
Livre blanc living labs final (1)
Livre blanc living labs  final (1)Livre blanc living labs  final (1)
Livre blanc living labs final (1)Fanny Despouys
 
Big Data RenaissanceNumerique
Big Data RenaissanceNumeriqueBig Data RenaissanceNumerique
Big Data RenaissanceNumeriqueFanny Despouys
 
Les clés de l'entreprise sociale
Les clés de l'entreprise socialeLes clés de l'entreprise sociale
Les clés de l'entreprise socialeFanny Despouys
 
Les Français et l'environnement /ADEME
Les Français et l'environnement /ADEMELes Français et l'environnement /ADEME
Les Français et l'environnement /ADEMEFanny Despouys
 
J1 v2 4_pages Mouvement utopia : la feuille de choux
J1 v2 4_pages Mouvement   utopia  : la feuille de choux J1 v2 4_pages Mouvement   utopia  : la feuille de choux
J1 v2 4_pages Mouvement utopia : la feuille de choux Fanny Despouys
 
Europe et démocratie doc non officiel de formation
Europe et démocratie   doc non officiel de formationEurope et démocratie   doc non officiel de formation
Europe et démocratie doc non officiel de formationFanny Despouys
 
Linconditionnel ( Revenu de Base) numero1 final
Linconditionnel ( Revenu de Base) numero1 finalLinconditionnel ( Revenu de Base) numero1 final
Linconditionnel ( Revenu de Base) numero1 finalFanny Despouys
 
254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015
254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015
254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015Fanny Despouys
 
Kit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grecKit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grecFanny Despouys
 
Revenu de base : L'inconditionnel numero1
Revenu de base : L'inconditionnel numero1 Revenu de base : L'inconditionnel numero1
Revenu de base : L'inconditionnel numero1 Fanny Despouys
 
Autoroutes-le-rapport-chanteguet
Autoroutes-le-rapport-chanteguetAutoroutes-le-rapport-chanteguet
Autoroutes-le-rapport-chanteguetFanny Despouys
 
Comunique presse4decembrerev
Comunique presse4decembrerevComunique presse4decembrerev
Comunique presse4decembrerevFanny Despouys
 
Public Capital in the 21st Century
Public Capital in the 21st CenturyPublic Capital in the 21st Century
Public Capital in the 21st CenturyFanny Despouys
 
La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...
La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...
La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...Fanny Despouys
 
Memorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traduction
Memorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traductionMemorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traduction
Memorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traductionFanny Despouys
 

Mais de Fanny Despouys (20)

Publication etat deslieaux_democratie_participative_0
Publication etat deslieaux_democratie_participative_0Publication etat deslieaux_democratie_participative_0
Publication etat deslieaux_democratie_participative_0
 
Brochure juridique Etat d'urgence
Brochure juridique Etat d'urgenceBrochure juridique Etat d'urgence
Brochure juridique Etat d'urgence
 
Self data mesinfos_mai 2015_vf_hd
Self data mesinfos_mai 2015_vf_hdSelf data mesinfos_mai 2015_vf_hd
Self data mesinfos_mai 2015_vf_hd
 
Jardiner nature def-web
Jardiner nature def-webJardiner nature def-web
Jardiner nature def-web
 
Kitmobilisation climat 21 pdf
Kitmobilisation climat 21 pdfKitmobilisation climat 21 pdf
Kitmobilisation climat 21 pdf
 
Livre blanc living labs final (1)
Livre blanc living labs  final (1)Livre blanc living labs  final (1)
Livre blanc living labs final (1)
 
Big Data RenaissanceNumerique
Big Data RenaissanceNumeriqueBig Data RenaissanceNumerique
Big Data RenaissanceNumerique
 
Les clés de l'entreprise sociale
Les clés de l'entreprise socialeLes clés de l'entreprise sociale
Les clés de l'entreprise sociale
 
Les Français et l'environnement /ADEME
Les Français et l'environnement /ADEMELes Français et l'environnement /ADEME
Les Français et l'environnement /ADEME
 
J1 v2 4_pages Mouvement utopia : la feuille de choux
J1 v2 4_pages Mouvement   utopia  : la feuille de choux J1 v2 4_pages Mouvement   utopia  : la feuille de choux
J1 v2 4_pages Mouvement utopia : la feuille de choux
 
Europe et démocratie doc non officiel de formation
Europe et démocratie   doc non officiel de formationEurope et démocratie   doc non officiel de formation
Europe et démocratie doc non officiel de formation
 
Linconditionnel ( Revenu de Base) numero1 final
Linconditionnel ( Revenu de Base) numero1 finalLinconditionnel ( Revenu de Base) numero1 final
Linconditionnel ( Revenu de Base) numero1 final
 
254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015
254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015
254481918 ttip-ec-regulatory-cooperation-text-new-leaked-version-28-01-2015
 
Kit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grecKit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grec
 
Revenu de base : L'inconditionnel numero1
Revenu de base : L'inconditionnel numero1 Revenu de base : L'inconditionnel numero1
Revenu de base : L'inconditionnel numero1
 
Autoroutes-le-rapport-chanteguet
Autoroutes-le-rapport-chanteguetAutoroutes-le-rapport-chanteguet
Autoroutes-le-rapport-chanteguet
 
Comunique presse4decembrerev
Comunique presse4decembrerevComunique presse4decembrerev
Comunique presse4decembrerev
 
Public Capital in the 21st Century
Public Capital in the 21st CenturyPublic Capital in the 21st Century
Public Capital in the 21st Century
 
La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...
La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...
La fondation Copernic , ATTAC et les Economistes Attérés : Pourquoi le budget...
 
Memorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traduction
Memorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traductionMemorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traduction
Memorandum on-leaked-tisa-financial-services-text-fr-traduction
 

Rapport 35h commission parlementaire

  • 1. RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________________________________________________________________________ COMMISSION D’ENQUÊTE RELATIVE À L’IMPACT SOCIÉTAL, SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET FINANCIER DE LA RÉDUCTION PROGRESSIVE DU TEMPS DE TRAVAIL PARIS, le 9 dĂ©cembre 2014 Projet de rapport Mme Barbara ROMAGNAN, rapporteure Document provisoire Ă©tabli sous la responsabilitĂ© du secrĂ©tariat de la commission d’enquĂȘte
  • 2.
  • 3. — 3 — SOMMAIRE ___ Pages AVANT-PROPOS DE M. THIERRY BENOIT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE ..................................................................................... 9 INTRODUCTION ET SYNTHÈSE ........................................................................... 11 PREMIÈRE PARTIE – LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE DE LONG TERME DES ÉCONOMIES QUI SE DÉVELOPPENT ............................................................................................................ 17 I. UNE TENDANCE HISTORIQUE DE LONG TERME OBSERVÉE DANS TOUS LES PAYS INDUSTRIALISÉS ....................................................................... 17 A. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A JUSQU’À PRÉSENT ÉTÉ CONCÉDÉE ET NON PAS SPONTANÉE .......................................................... 17 1. Les Gouvernements libĂ©raux du XIXe siĂšcle ont concĂ©dĂ© des rĂ©ductions lĂ©gales du temps de travail aux enfants puis aux femmes ...................................... 17 2. Les salariĂ©s adultes ont du se coaliser pour obtenir de travailler moins de 10 heures par jour et de 60 heures par semaine .......................................................... 18 3. Les syndicats ouvriers sont parvenus Ă  donner une audience mondiale Ă  leurs revendications pour la rĂ©duction du temps de travail ............................................. 21 B. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE MONDIALE DIVERSEMENT INSCRITE DANS LE DROIT ............................. 23 1. Le droit international limite les durĂ©es maximales de travail Ă  des niveaux qui sont restĂ©s relativement Ă©levĂ©s ............................................................................... 23 2. Les normes internationales de temps de travail sont davantage respectĂ©es dans les pays industrialisĂ©s que dans les pays Ă©mergents ............................................... 26 3. En deçà des maxima internationaux, trois obligations complĂ©mentaires sont utilisĂ©es pour baisser lĂ©galement le temps de travail des salariĂ©s .......................... 28 a. Le repos compensateur ....................................................................................... 29 b. Les congĂ©s payĂ©s ................................................................................................ 31 c. La tarification diffĂ©renciĂ©e des heures de travail .................................................. 32 4. Les lĂ©gislations nationales du travail s’affaiblissent tandis que l’individualisation des normes restaure l’autonomie du contrat ............................ 33
  • 4. — 4 — 5. Des limites mĂ©thodologiques qui rendent plus difficiles les comparaisons internationales ........................................................................................................ 36 a. Plusieurs dĂ©finitions de la durĂ©e du travail rendent les comparaisons internationales peu pertinentes ............................................................................ 36 b. Il faut surtout tenir compte de la part du temps partiel, trĂšs variable d’un pays Ă  l’autre ................................................................................................................. 39 II. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL S’EST EXERCÉE EN FRANCE PAR DES ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES IRRÉGULIÈRES ET SANS DIMINUTION DES SALAIRES ................................................................................... 41 A. APRÈS 1919 ET À L’EXCEPTION DE 1968, LE TEMPS DE TRAVAIL LÉGAL DES SALARIÉS A ÉTÉ RÉDUIT PAR DES MAJORITÉS DE GAUCHE .................................................................................................................. 41 B. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL PRESCRITE PAR LES LOIS AUBRY A ÉTÉ ASSORTIE D’AMÉNAGEMENTS ET DE COMPENSATIONS FINANCIÈRES .................................................................... 45 1. AprĂšs la rĂ©cession de 1993, des Ă©lus de tous bord tentent de favoriser l’emploi par la baisse du temps de travail ............................................................................ 45 2. Une baisse gĂ©nĂ©rale est prĂ©parĂ©e par le Gouvernement de M. Lionel Jospin ........ 47 3. Le passage Ă  la norme des 1 600 heures annuelles se fait par deux lois successives .. 48 4. Les entreprises qui augmentaient l’emploi peu qualifiĂ© en rĂ©duisant le temps de travail payaient moins de cotisations ................................................................. 53 5. La rĂ©duction du temps de travail s’est appliquĂ©e inĂ©galement mais les jours de repos supplĂ©mentaires dits de RTT sont « entrĂ©s dans les moeurs » ...................... 55 6. La mise en oeuvre des 35 heures dans la fonction publique a fait l’objet d’accords spĂ©cifiques ............................................................................................. 60 C. LA POLITIQUE D’EMPLOI PAR LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A ÉTÉ INTERROMPUE, ENTRE 2002 ET 2012, AU PROFIT D’UNE INCITATION AUX HEURES SUPPLÉMENTAIRES ............................ 64 D. CES POLITIQUES SE SONT INSCRITES DANS UN MOUVEMENT PLUS GÉNÉRAL DE TRANSFORMATIONS DU CADRE DE TRAVAIL ET DE VIE . 65 E. DES DIFFICULTÉS D’ORDRE MÉTHODOLOGIQUE COMPLEXIFIENT L’ÉVALUATION DES EFFETS DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ................................................................................................................... 68 1. La mesure de la durĂ©e du travail est une science imprĂ©cise ................................... 68 2. Certaines donnĂ©es disponibles sont incomplĂštes ou imprĂ©cises ............................ 69 DEUXIÈME PARTIE – DANS L’ÉVALUATION DES LOIS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL, DES FAITS SAILLANTS SE DÉGAGENT .................................................................................................................... 71 A. LA PÉRIODE 1997-2002 EST CARACTÉRISÉE PAR DES CRÉATIONS MASSIVES D’EMPLOIS ........................................................................................ 71 1. Le nombre de chĂŽmeurs a beaucoup diminuĂ© entre 1999 et 2001 ......................... 71 2. La pertinence d’une politique de RTT face au temps partiel ................................. 72
  • 5. — 5 — 3. La croissance Ă©tait Ă©levĂ©e pendant la pĂ©riode de mise en oeuvre de la lĂ©gislation sur le temps de travail. .......................................................................... 73 4. Les crĂ©ations d’emplois entre 1997 et 2001 ont atteint un niveau exceptionnel dans l’histoire Ă©conomique française ..................................................................... 74 5. La baisse du chĂŽmage est d’autant plus notable que la population active a augmentĂ© sur la pĂ©riode ......................................................................................... 77 B. LES LOIS AUBRY ONT CONTRIBUÉ DE FAÇON IMPORTANTE AUX CRÉATIONS D’EMPLOI ........................................................................................ 79 1. Les premiĂšres prĂ©visions des effets sur l’emploi des lois Aubry faisaient espĂ©rer la crĂ©ation de 700 000 postes ..................................................................... 79 2. Une Ă©tude macro-Ă©conomique extrapole la crĂ©ation de 320 000 emplois entre 1998 et 2001 ........................................................................................................... 80 3. Des Ă©tudes micro-Ă©conomiques commandĂ©es par la DARES confirment la crĂ©ation de 350 000 emplois .................................................................................. 82 4. Controverses sur les effets de la rĂ©duction du temps de travail : crĂ©ation d’emploi ou augmentation du coĂ»t du travail et pertes de compĂ©titivitĂ© ? ............ 85 5. AprĂšs les lois Aubry, les baisses de cotisations patronales sont devenues l’instrument principal de la politique de l’emploi .................................................. 88 C. LES LOIS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL SONT-ELLES RESPONSABLES DE LA PERTE DE COMPÉTITIVITÉ DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE ? ............................................................................... 89 1. Le diagnostic partagĂ© par les organisations patronales et syndicales sur la compĂ©titivitĂ© indique qu’il n’y a pas eu de dĂ©rive des coĂ»ts salariaux unitaires ... 90 2. La compĂ©titivitĂ© coĂ»t s’est amĂ©liorĂ©e de 1997 Ă  2002 et ce n’est qu’à partir de 2004 que l’évolution s’inverse, notamment vis-Ă -vis de l’Allemagne .................. 94 3. Les comptes des entreprises n’ont pas Ă©tĂ© dĂ©gradĂ©s par les 35 heures .................. 96 4. Les 35 heures ont amĂ©liorĂ© la productivitĂ© horaire industrielle ............................. 97 5. Mais les gains de productivitĂ© n’ont pu compenser la forte apprĂ©ciation de l’euro Ă  partir de 2002 ............................................................................................ 98 6. Les industries europĂ©ennes se sont adaptĂ©es Ă  cette apprĂ©ciation par des stratĂ©gies divergentes ............................................................................................. 100 7. L’industrie française a rĂ©duit l’offre intĂ©rieure et s’est redĂ©ployĂ©e Ă  l’international... 100 8. Les responsables d’entreprises entendus par la commission ne souhaitent pas remettre en cause les 35 heures .............................................................................. 101 D. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A EU UN COÛT MODÉRÉ POUR LES FINANCES PUBLIQUES, COMPENSÉ PAR DES RECETTES SUPPLÉMENTAIRES ET DE MOINDRES DÉPENSES DE TRANSFERT .. 105 1. Les consĂ©quences financiĂšres des lois Aubry ont Ă©tĂ© Ă©valuĂ©es en 2004 ................ 105 2. Le coĂ»t budgĂ©taire brut des allĂšgements de cotisations des lois Aubry ................. 106 a. Un scenario de coĂ»t «conventionnel », reposant sur deux pĂ©riodes distinctes ....... 108 b. Un scenario de coĂ»t « total », qui reprend simplement la chronique de coĂ»t des allĂšgements gĂ©nĂ©raux sur la pĂ©riode 2003-2014. ................................................. 108
  • 6. — 6 — 3. Quand on tient compte des effets induits, le coĂ»t net « ex-post » des Lois Aubry pour les finances publiques s’élĂšve Ă  2,5 millards ...................................... 110 4. Un bilan macroĂ©conomique dĂ©taillĂ© des lois Aubry, rĂ©alisĂ© avec les modĂšles de l’OFCE, conduit Ă  des rĂ©sultats voisins de ceux Ă©voquĂ©s par le directeur du Budget .................................................................................................................... 111 E. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC S’EST FAITE À EFFECTIFS CONSTANTS SAUF À L’HÔPITAL .................. 113 1. Le temps de travail et les effectifs dans les fonctions publiques ont Ă©tĂ© peu modifiĂ©s en pratique ............................................................................................... 113 2. La rĂ©duction du temps de travail dans la fonction publique territoriale est mal connue .................................................................................................................... 116 3. Le passage aux 35 heures dans la fonction publique hospitaliĂšre a Ă©tĂ© difficile et parfois mal vĂ©cu ................................................................................................. 117 4. L’impact budgĂ©taire des 35 heures devait ĂȘtre rĂ©duit dans la fonction publique d’État ...................................................................................................................... 119 5. Les entreprises publiques pratiquaient dĂ©jĂ  les 35 heures et se sont adaptĂ©es aux lois Aubry Ă  un coĂ»t relativement limitĂ© ......................................................... 120 F. L’EFFET DYNAMIQUE DE LA MISE EN PLACE DES 35 HEURES SUR LA NÉGOCIATION COLLECTIVE ........................................................................ 121 1. Les lois Auroux : le « point de bascule » dans les liens entre temps de travail et nĂ©gociation collective ............................................................................................. 121 2. Les lois Aubry I et II : un « coup de fouet » en faveur du dialogue social ............ 122 3. Les rĂ©ticences actuelles Ă  modifier les Ă©quilibres nĂ©gociĂ©s ................................... 125 TROISIEME PARTIE - LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (RTT) EST ÉGALEMENT UN FACTEUR DE PROGRÈS SOCIAL ......... 127 I. LA RTT A PERMIS UNE AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE EN DEHORS DU TRAVAIL ............................................................................................... 127 A. LA RTT A FAIT NAÎTRE UN SENTIMENT GÉNÉRAL D’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE, SANS REMETTRE EN CAUSE LA VALEUR ACCORDÉE AU TRAVAIL .................................................................................... 128 1. Les Français portent une apprĂ©ciation globalement positive de l’incidence de la RTT sur la qualitĂ© de vie hors travail ................................................................. 128 2. La RTT est perçue comme un acquis social ........................................................... 131 3. La RTT n’a pas remis en cause l’attachement des salariĂ©s au travail .................... 133 B. LA RTT N’A PAS TRANSFORMÉ LA STRUCTURE DE L’OCCUPATION DU TEMPS LIBRE, ELLE A SURTOUT CONTRIBUÉ À L’ÉPANOUIR ........ 134 1. Un surcroĂźt de temps libre partiellement mis Ă  profit pour les loisirs .................... 134 2. La structure de l’utilisation du temps libre a peu Ă©voluĂ© avec la RTT .................. 136 a. Les aspirations sociĂ©tales exprimĂ©es avant la RTT n’ont pas Ă©tĂ© entiĂšrement rĂ©alisĂ©es .............................................................................................................. 136 b. Une sociĂ©tĂ© de « temps choisi » s’est dĂ©veloppĂ©e ................................................ 138
  • 7. — 7 — C. LA FAMILLE A ÉTÉ LA PRINCIPALE BÉNÉFICIAIRE DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL, ENTRAINANT MÊME UN DÉBUT DE RÉALLOCATION DES TEMPS DE TRAVAIL ET DE SOINS ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ......................................................... 140 1. La RTT a facilitĂ© la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ........... 141 2. La RTT a opĂ©rĂ© un rĂ©Ă©quilibrage des tĂąches parentales ......................................... 143 3. L’accomplissement des tĂąches domestiques reste l’apanage des femmes ............. 145 a. La persistance d’une inĂ©gale rĂ©partition des tĂąches domestiques .......................... 145 b. La faute au temps partiel ? .................................................................................. 147 D. MAIS LA SATISFACTION À L’ÉGARD DES AMÉLIORATIONS SOCIÉTALES ENCOURAGÉES PAR LA RTT DÉPEND ÉTROITEMENT DE SES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE .................................................. 148 1. Une apprĂ©ciation diffĂ©renciĂ©e en fonction des conditions de nĂ©gociation et de mise en oeuvre des 35 heures .................................................................................. 149 2. Les jeunes gĂ©nĂ©rations se montrent plus sensibles Ă  l’incidence des 35 heures sur leurs conditions de vie ...................................................................................... 149 3. L’apprĂ©ciation de la rĂ©duction du temps de travail varie en fonction du sexe, de la catĂ©gorie socioprofessionnelle et de la prĂ©sence d’enfants ........................... 151 a. Entre hommes et femmes .................................................................................... 151 b. En fonction de la catĂ©gorie socioprofessionnelle ................................................. 153 c. En fonction de la structure familiale .................................................................... 154 II. L’OBJECTIF D’AMÉLIORATION GÉNÉRALE DES CONDITIONS DE TRAVAIL AU REGARD DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL .......... 156 A. LA DERNIÈRE ENQUÊTE « CONDITIONS DE TRAVAIL », RÉALISÉE EN 2013, MET EN ÉVIDENCE UNE DÉGRADATION CONTINUE DES CONDITIONS DE TRAVAIL DEPUIS LES ANNÉES 1980, AVEC UNE PARENTHÈSE ENTRE 1998 ET 2005. .............................................................. 157 1. Les 35 heures ont pu contribuer Ă  l’intensification des conditions de travail observĂ©e .................................................................................................................. 157 a. Une exigence accrue de polyvalence ................................................................... 160 b. La « chasse aux heures improductives » .............................................................. 161 c. De multiples facteurs responsables de la dĂ©gradation des conditions de travail .... 162 2. Certains secteurs d’activitĂ© ou catĂ©gories d’entreprises ont plus fortement subi l’intensification des conditions de travail .............................................................. 163 a. Le difficile passage aux 35 heures dans les TPE et PME ..................................... 163 b. Les crispations liĂ©es Ă  l’intensification des conditions de travail Ă  l’hĂŽpital ......... 164 3. L’importance du contexte dans lequel s’est opĂ©rĂ©e la RTT ................................... 165 a. Une dĂ©gradation liĂ©e Ă  l’état du marchĂ© de l’emploi local et au pouvoir de nĂ©gociation des salariĂ©s ....................................................................................... 165 b. Le paradoxe des cadres au forfait jours ............................................................... 166
  • 8. — 8 — B. IL CONVIENT MAINTENANT DE REPENSER LES MODALITÉS DE NÉGOCIATION ET D’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE DU TEMPS DE TRAVAIL .................. 168 1. Refonder la politique du temps de travail .............................................................. 168 2. Encourager et approfondir les nĂ©gociations relatives aux conditions de travail .... 169 a. L’accord national interprofessionnel sur la qualitĂ© de vie au travail ..................... 170 b. Choisir un niveau de nĂ©gociation adaptĂ© ............................................................. 171 3. Satisfaire des demandes variĂ©es ............................................................................. 173 a. L’exemple de la journĂ©e de douze heures Ă  l’hĂŽpital ........................................... 174 b. Le forfait jours .................................................................................................... 175 c. L’organisation du temps de travail Ă  l’heure des nouvelles technologies .............. 176 CONCLUSION ................................................................................................................ 179 I. LES 35 HEURES : UN BILAN RELATIVEMENT CONSENSUEL ...................... 179 1. Une politique Ă©conomiquement efficace ................................................................ 179 2. Un acquis social incontestable ............................................................................... 179 II. UNE RÉFLEXION NÉCESSAIRE POUR ATTÉNUER CERTAINS EFFETS NÉFASTES .................................................................................................................... 180 III. LA POLITIQUE DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL PEUT ÊTRE POURSUIVIE EN TIRANT LES LEÇONS DU PASSÉ .......................................... 181 1. Des rĂ©sultats Ă©conomiques et sociaux reproductibles ? ......................................... 181 a. Un soutien politique Ă  la croissance Ă©conomique ................................................. 181 b. RĂ©duire le temps de travail pour protĂ©ger l’emploi existant ................................. 182 c. Demain, vers les 32 heures ? ............................................................................... 183 d. Clarifier les rĂŽles respectifs de la loi et de la nĂ©gociation dans la dĂ©finition des normes sociales ................................................................................................... 184 2. Viser l’amĂ©lioration des conditions de travail ....................................................... 185 3. Trouver le bon Ă©quilibre entre temps de travail et qualitĂ© de vie ........................... 185 TRAVAUX EN COMMISSION .................................................................................. 189 CONTRIBUTIONS ........................................................................................................ 191 COMPTES RENDUS DES RÉUNIONS ET AUDITIONS ET LISTE DES PERSONNES ENTENDUES LORS DES DÉPLACEMENTS ........... 213 ANNEXES ........................................................................................................................ 219 ANNEXE 1 : RÉSOLUTION CRÉANT LA COMMISSION D’ENQUÊTE ................ 219 ANNEXE 2 : COMPOSITION DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE ......................... 221
  • 9. — 9 — AVANT-PROPOS DE M. THIERRY BENOIT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE ProposĂ©e par le groupe UDI en mai 2014, la Commission d’enquĂȘte sur l’impact sociĂ©tal, social, Ă©conomique et financier de la rĂ©duction progressive du temps de travail s’est fixĂ© deux objectifs prioritaires : – Ă©tablir un diagnostic des rĂ©formes successives ayant impactĂ© la durĂ©e du temps de travail ; – formuler des propositions constructives afin de concilier exigences de performance Ă©conomique, compĂ©titivitĂ©, cohĂ©sion sociale et Ă©panouissement personnel. Accueillant des dĂ©putĂ©s et des intervenants de sensibilitĂ©s diverses, la Commission a aussi souhaitĂ© privilĂ©gier une rĂ©flexion globale sur la question du temps de travail Ă  une approche trop restrictive qui se limiterait Ă  la seule analyse de la durĂ©e lĂ©gale hebdomadaire. De nombreux experts, reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile ou chefs d’entreprises, mais aussi des responsables politiques et membres du Gouvernement, ont Ă©tĂ© auditionnĂ©s afin de partager leur expertise et leurs analyses. Cette mĂ©thode de travail, pluridisciplinaire et transpartisane, Ă©tait l’une des exigences du groupe UDI et je me fĂ©licite, en tant que prĂ©sident de la Commission d’enquĂȘte, de la qualitĂ© des dĂ©bats et des discussions qui ont Ă©tĂ© organisĂ©s au sein de l’AssemblĂ©e Nationale. Pour que cette Commission d’enquĂȘte soit utile, il Ă©tait ainsi essentiel que sa rĂ©flexion s’inscrive au-delĂ  des dĂ©bats partisans et des oppositions de principe. Les tĂ©moignages recueillis et le travail effectuĂ© par la Commission permettront une lecture nouvelle des enjeux liĂ©s Ă  l’organisation du temps de travail. Je tiens, en conclusion, Ă  saluer le travail sĂ©rieux accompli par notre rapporteure Mme Barbara Romagnan, mĂȘme si je ne partage pas les conclusions de son rapport. Chacun pourra se forger sa propre opinion.
  • 10.
  • 11. — 11 — INTRODUCTION ET SYNTHÈSE Sur la proposition du prĂ©sident du groupe UDI (Union des dĂ©mocrates et indĂ©pendants), et sur l’initiative plus particuliĂšrement de M. Thierry Benoit, en application du 2Ăšme alinĂ©a de l’article 141 du RĂšglement de l’AssemblĂ©e nationale (1), l’AssemblĂ©e nationale a dĂ©cidĂ© Ă  l’unanimitĂ©, lors de sa sĂ©ance du 11 juin 2014, de crĂ©er une commission d’enquĂȘte relative Ă  l’impact sociĂ©tal, social, Ă©conomique et financier de la rĂ©duction progressive du temps de travail, notamment de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative Ă  la rĂ©duction du temps de travail. Cette commission d’enquĂȘte, composĂ©e de vingt-huit membres, Ă©tait chargĂ©e d’élaborer un bilan global. Elle a procĂ©dĂ© Ă  ses travaux dans un Ă©tat d’esprit respectant celui qui a prĂ©sidĂ© Ă  sa crĂ©ation, c’est-Ă -dire la recherche de la dĂ©termination du bilan, aussi prĂ©cis et complet que possible, de cette rĂ©forme importante, qui a marquĂ© la fin du siĂšcle dernier et le dĂ©but de l’actuel, au plan social, en France. Dans cette perspective, la commission d’enquĂȘte a procĂ©dĂ© Ă  37 auditions (soit prĂšs de 80 personnes), ouvertes Ă  la presse, dont les comptes rendus ont Ă©tĂ© publiĂ©s au fur et Ă  mesure et sont accessibles sur le site internet de l’AssemblĂ©e nationale (2). La rapporteure, usant des pouvoirs prĂ©vus par la loi (3), a Ă©galement interrogĂ© par Ă©crit diverses administrations et entreprises publiques et privĂ©es, de façon Ă  complĂ©ter utilement la somme de travaux, rapports, documents, Ă©tudes portant sur ce sujet. Elle s’est Ă©galement rendue sur un site hospitalier de rĂ©gion parisienne, ainsi que, accompagnĂ©e d’une dĂ©lĂ©gation de membres de la commission, en Allemagne oĂč ont pu ĂȘtre rencontrĂ©es les parties prenantes. La question de la rĂ©duction du temps de travail se caractĂ©rise par sa position aux confluents des domaines Ă©conomiques, social, sociĂ©tal. À ce titre, la rĂ©duction du temps de travail constitue Ă  la fois un outil Ă©conomique, un projet de sociĂ©tĂ©, et une approche renouvelĂ©e du travail et du temps libre. (1) Qui dispose que : « Chaque prĂ©sident de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire peut demander, une fois par session ordinaire, Ă  l’exception de celle prĂ©cĂ©dant le renouvellement de l’AssemblĂ©e, en ConfĂ©rence des prĂ©sidents, qu’un dĂ©bat sur une proposition de rĂ©solution tendant Ă  la crĂ©ation d’une commission d’enquĂȘte et satisfaisant aux conditions fixĂ©es par les articles 137 Ă  139 soit inscrit d’office Ă  l’ordre du jour d’une sĂ©ance de la premiĂšre semaine tenue en application de l’article 48, alinĂ©a 4, de la Constitution. » (2) http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/impact_reduction_progressive_temps_travail.asp (3) Article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblĂ©es parlementaires.
  • 12. — 12 — * * * La rĂ©duction du temps de travail (RTT) pose implicitement la question de son partage. Or le travail est dĂ©jĂ  partagĂ©, de fait, et inĂ©galement, notamment entre ceux qui ne travaillent pas du tout, – les chĂŽmeurs –, et ceux qui travaillent, parfois trop (la durĂ©e hebdomadaire de travail Ă  temps plein est bien supĂ©rieure Ă  39 heures selon l'INSEE –Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques – en France). Entre les deux, on trouve ceux qui travaillent Ă  temps partiel - ou plutĂŽt « celles », puisque les femmes françaises constituent 82 % des travailleurs Ă  temps partiel – et ne peuvent en vivre dignement. Un des enseignements de cette enquĂȘte est d’ailleurs qu’il est essentiel, notamment dans des comparaisons internationales, de bien prĂ©ciser de quelle population et de quelle durĂ©e il est question : la place de la France varie ainsi du tout au tout selon que l’on considĂšre les seuls travailleurs Ă  temps complet ou Ă©galement les travailleurs Ă  temps partiel. La rĂ©duction du temps de travail implique par ailleurs de s'interroger sur les Ă©volutions du travail Ă  venir. La durĂ©e du temps de travail baisse partout en Europe, Ă  des rythmes divers. À cela s'ajoute la dĂ©mographie. Les femmes sont de plus en plus nombreuses Ă  vouloir travailler et Ă  concevoir leur emploi Ă  part entiĂšre et non comme un supplĂ©ment Ă  l'activitĂ© professionnelle de leur conjoint. La volontĂ© des femmes de travailler tout en continuant Ă  avoir des enfants met au premier plan la question de l’articulation, pour les hommes et les femmes, de la vie professionnelle et familiale : le temps de travail constitue une variable majeure, non seulement de l’organisation du travail, mais Ă©galement de la vie familiale. Les modalitĂ©s de partage du travail constituent de ce fait un vĂ©ritable choix de sociĂ©tĂ©. Les progrĂšs techniques, technologiques, scientifiques, organisationnels, permettent de libĂ©rer nombre d'hommes et de femmes de tĂąches pĂ©nibles et rĂ©pĂ©titives. Ils permettent Ă©galement une augmentation de la productivitĂ©. MĂȘme si certains travaux s’inquiĂštent de leur ralentissement, ces gains de productivitĂ© permettent de produire au moins autant ou davantage avec moins d’heures de travail. Ainsi, engager une rĂ©flexion sereine sur les lois Aubry est l’occasion de comprendre dans quelle mesure la RTT peut ĂȘtre un Ă©lĂ©ment de rĂ©ponse au problĂšme rĂ©current du chĂŽmage. * * * Dans la pĂ©riode de hausse rapide et constante du chĂŽmage que notre pays connaĂźt depuis 2008, la question de l’emploi est lĂ©gitimement au coeur des prĂ©occupations des Français et des dĂ©bats de politique Ă©conomique et sociale. Chacun est Ă  la recherche de mesures qui soient Ă  la fois efficaces pour l’emploi et dans le mĂȘme temps respectueuses des finances publiques, aujourd’hui marquĂ©es
  • 13. — 13 — par l’importante charge de la dette (56,14 milliards d'euros, soit 14,19 % du budget de l'État selon la loi de finances pour 2013). C’est dans ce contexte que la pertinence et les effets de la rĂ©duction du temps de travail sont convoquĂ©s. Ils font l’objet d’un dĂ©bat ancien, qui remonte notamment Ă  l’adoption des lois dites Aubry I de 1998 et Aubry II de 2000. On peut regretter que cette discussion soit plus souvent sous-tendue par des prĂ©supposĂ©s idĂ©ologiques qu’étayĂ©e par des Ă©lĂ©ments prĂ©cis et chiffrĂ©s. L’initiative du groupe UDI visant Ă  crĂ©er une commission d’enquĂȘte parlementaire portant sur cette Ă©valuation se donnait comme but de dĂ©passer les postures pour parvenir Ă  une Ă©valuation la plus objective possible des effets directs et indirects de cette politique, et il est remarquable qu’elle ait Ă©tĂ© soutenue et adoptĂ©e Ă  l’unanimitĂ© des groupes politiques reprĂ©sentĂ©s Ă  l’AssemblĂ©e nationale. Cette objectivation des impacts de la rĂ©duction du temps de travail a Ă©tĂ© rendue possible par les donnĂ©es chiffrĂ©es disponibles qui concernent : – l’évolution de l’emploi en France, au regard de l'Ă©volution du taux de chĂŽmage sur la pĂ©riode au sens du BIT (passĂ© de 10,3 % en 1997 Ă  7,5 % en 2002) ; – les dĂ©penses et les recettes publiques induites par les mesures de rĂ©duction du temps de travail ; – la perception par les salariĂ©s de l’évolution de leurs conditions de vie et de leurs conditions de travail. Ont Ă©galement pu ĂȘtre sollicitĂ©s les outils permettant de mesurer la rĂ©alitĂ© du temps de travail effectif dans notre pays, l’évolution des salaires mensuels et horaires, les gains de productivitĂ© du travail, ou encore l’intensitĂ© du dialogue social dans les branches professionnelles et dans les entreprises. La prise en compte de ces donnĂ©es ne va pas sans difficultĂ©s, car il est toujours dĂ©licat d’isoler un facteur pour comprendre le rĂŽle spĂ©cifique qu’il joue dans un phĂ©nomĂšne complexe. Il est Ă©galement pĂ©rilleux de dresser des comparaisons internationales car les mesures ne se font pas toujours de la mĂȘme façon selon les pays. Pour autant, il est possible de parvenir Ă  un certain nombre de rĂ©sultats bien Ă©tablis, qui permettent de mesurer les effets de la rĂ©duction du temps de travail sur plusieurs aspects de la sociĂ©tĂ© et de l’économie françaises. Avant mĂȘme les rĂ©sultats, nous avons Ă©tĂ© frappĂ©s de constater que presque aucune des personnes auditionnĂ©es ne demandait une remise en cause des 35 heures. ● La rĂ©duction du temps de travail dĂ©cidĂ©e par la loi de 1998 a contribuĂ© Ă  ce que l’économie française crĂ©e davantage d’emplois qu’elle ne l’aurait fait sans cette loi sur la mĂȘme pĂ©riode. Le chiffre de 350 000 est le plus communĂ©ment
  • 14. — 14 — admis. Entre 1997 et 2001, l'INSEE estime Ă  2 millions les crĂ©ations d'emplois salariĂ©s dans le secteur marchand. Il n’est aujourd’hui pas possible de dire combien d’emplois supplĂ©mentaires auraient pu ĂȘtre crĂ©Ă©s si le processus de rĂ©duction du temps de travail n’avait pas Ă©tĂ© interrompu en 2002. ● Cette rĂ©duction n’a pas coĂŻncidĂ© avec une dĂ©gradation de la compĂ©titivitĂ© de notre pays – notamment parce qu’elle s’est accompagnĂ©e d’une accĂ©lĂ©ration des gains de productivitĂ©. La France reste ainsi attractive et se place rĂ©guliĂšrement dans le trio de tĂȘte des IDE (investissements directs Ă  l’étranger). ● La rĂ©duction du temps de travail, comparĂ©e Ă  d’autres politiques publiques mises en oeuvre pour stimuler l’emploi, notamment celles qui reposent sur des baisses de cotisations sociales sans conditions, apparaĂźt moins coĂ»teuse pour les finances publiques, au regard du nombre d’emplois qu’elle a permis de crĂ©er. ● Elle a permis une rĂ©organisation du travail dans les entreprises de plus de vingt salariĂ©s grĂące Ă  la relance et au dynamisme du dialogue social pour aboutir Ă  des accords. ● La rĂ©duction du temps de travail s’est traduite, pour la majoritĂ© des salariĂ©s qui en ont bĂ©nĂ©ficiĂ© par une amĂ©lioration de l’articulation entre le temps passĂ© au travail et le temps consacrĂ© aux activitĂ©s personnelles, familiales ou associatives. Elle a Ă©galement permis un rĂ©Ă©quilibrage, limitĂ© mais rĂ©el, des tĂąches mĂ©nagĂšres au sein des familles. Les Ă©tudes disponibles laissent penser que ce processus, s’il avait Ă©tĂ© menĂ© Ă  son terme, pouvait constituer un puissant Ă©lĂ©ment de recomposition des temps au service de l’égalitĂ© hommes-femmes. À l’aune de ces auditions et des documents Ă  notre disposition, il apparaĂźt que la rĂ©duction du temps de travail a constituĂ© un outil pertinent et efficace de lutte contre le chĂŽmage, un outil de transformation de la sociĂ©tĂ© et d’amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie. Quinze ans aprĂšs, il convient de tirer lucidement les leçons des expĂ©riences passĂ©es de rĂ©duction du temps de travail, de leurs conditions, de leurs effets positifs mais aussi de certains effets nĂ©gatifs qui peuvent expliquer les critiques. L’objectivation de ces derniers est l’un des acquis majeurs de ce rapport, et a pu Ă©galement faire l’objet d’un large consensus au sein de la commission. On peut Ă©voquer Ă  ce titre : – l’intensification du travail, repĂ©rĂ©e dans plusieurs secteurs, et qui s’est parfois accompagnĂ©e de souffrance pour les salariĂ©s ; – les fortes tensions dans la fonction publique hospitaliĂšre en raison d’un dĂ©calage entre l’application de la loi et le temps des recrutements importants, Ă©talĂ©s de 2002 Ă  2000. Elles ont Ă©tĂ© incontestables mais les difficultĂ©s ne rĂ©sultaient pas uniquement de la RTT;
  • 15. — 15 — – les difficultĂ©s qu’aurait pu engendrer l’application de la loi aux entreprises de moins de 20 salariĂ©s. Ces effets, s’ils doivent ĂȘtre pris en compte et corrigĂ©s, n’invalident en rien le principe de cette politique. Pour se poursuivre, elle devra s’ajuster Ă  un contexte qui n’est plus celui des lois Aubry. Il nous appartient aujourd’hui, au travers de la nĂ©gociation sociale, d’accĂ©lĂ©rer l’amĂ©lioration de la qualitĂ© de vie au travail, dans le secteur privĂ© et dans le secteur public, de permettre aux jeunes de construire leur parcours professionnel et de ramener de nombreux chĂŽmeurs vers l’emploi. Laisser perdurer un chĂŽmage de masse serait faire courir Ă  notre pays le risque d’une explosion sociale prochaine. * * * À l’issue de ces travaux, le prĂ©sent rapport propose, aprĂšs une analyse historique internationale et française du temps de travail (partie I), de dĂ©gager les rĂ©sultats significatifs de la politique de rĂ©duction du temps de travail sur l’emploi, l’économie et les relations sociales au travail en France (partie II), puis d’évaluer les effets de cette politique sur la sociĂ©tĂ© française de façon plus gĂ©nĂ©rale (partie III). Des propositions d’orientations gĂ©nĂ©rales concluent ce travail qui, plus qu’à celui d’une commission d’enquĂȘte s’intĂ©ressant Ă  des faits circonscrits, s’apparente Ă  une tentative d’évaluation de politique publique, mais rĂ©alisĂ©e dans un temps trĂšs limitĂ©.
  • 16.
  • 17. — 17 — PREMIÈRE PARTIE – LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE DE LONG TERME DES ÉCONOMIES QUI SE DÉVELOPPENT I. UNE TENDANCE HISTORIQUE DE LONG TERME OBSERVÉE DANS TOUS LES PAYS INDUSTRIALISÉS A. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL A JUSQU’À PRÉSENT ÉTÉ CONCÉDÉE ET NON PAS SPONTANÉE 1. Les Gouvernements libĂ©raux du XIXe siĂšcle ont concĂ©dĂ© des rĂ©ductions lĂ©gales du temps de travail aux enfants puis aux femmes L’industrialisation des Ă©conomies occidentales puis mondiales, Ă  partir du milieu du XVIIIe siĂšcle, a changĂ© les modes de vie des populations. Elle a augmentĂ© leur temps de travail et dĂ©gradĂ© les conditions de vie qu’elles espĂ©raient au contraire amĂ©liorer en fuyant les campagnes pour les villes industrielles. La littĂ©rature europĂ©enne du XIXe siĂšcle a abondamment dĂ©crit le sort difficile des familles ouvriĂšres dans ces villes. En l’absence d’études savantes, ces descriptions littĂ©raires permettent de comparer la proportion des actifs occupĂ©s dans les mĂ©nages ouvriers et leur temps passĂ© Ă  travailler en usine aux travaux agricoles ou Ă  la production artisanale des mĂ©nages ruraux. Cette comparaison vaut encore aujourd’hui dans les pays dont l’économie, restĂ©e traditionnelle, a Ă©chappĂ© Ă  l’industrialisation et la mĂ©canisation de la production. Au XIXe siĂšcle, les populations rurales ne connaissaient de journĂ©es de travail de 12 heures pour toute la famille qu’au moment des rĂ©coltes d’étĂ© alors que les semaines sans jour de repos Ă©taient devenues le lot quotidien des familles ouvriĂšres des villes industrielles. La description et le spectacle de leurs conditions de vie leur ont valu la commisĂ©ration des philanthropes et des associations caritatives ou religieuses qui les cĂŽtoyaient en ville. Constatant que l’industrialisation rendait le travail plus astreignant et plus dangereux, les dĂ©fenseurs des ouvriers ont rĂ©clamĂ© leur Ă©mancipation dans les termes de leur lutte simultanĂ©e contre le servage et l’esclavage. Celle-ci devait passer en premier lieu non pas par l’augmentation des salaires mais par la rĂ©duction du temps de travail, sans perte de revenus, des ouvriers les plus jeunes ou les plus exposĂ©s Ă  l’exploitation et Ă  la misĂšre en pĂ©riode de chĂŽmage. Ne pouvant obtenir des employeurs l’amĂ©lioration de la condition ouvriĂšre en raison de la concurrence que ceux-ci se livraient et en dĂ©pit de la sollicitude d’une partie d’entre eux, cette rĂ©duction du temps de travail en usine est devenue
  • 18. — 18 — une revendication politique, portĂ©e devant le Parlement de Grande-Bretagne dĂšs la fin du XVIIIe siĂšcle. Les partisans de la rĂ©duction du temps de travail dans les usines ne la demandaient pas pour tous les ouvriers mais seulement pour les enfants, en refusant que ces derniers soient laissĂ©s sans instruction comme l’étaient les enfants des campagnes et qu’ils rejoignent, sans espoir d’échapper Ă  ce sort, leurs parents dans les mines ou les ateliers, pour y ĂȘtre rĂ©duits Ă  un travail Ă  la chaĂźne, pensĂ© et divisĂ© par d’autres, indiffĂ©rent Ă  leurs talents. Les premiĂšres lois sur les usines industrielles qui, en 1801, ont interdit au Royaume-Uni le travail des enfants de moins de 8 ans puis, en 1819, celui des moins de 9 ans, ont limitĂ© la durĂ©e du travail des plus ĂągĂ©s, alors que la mĂ©canisation de la production gĂ©nĂ©ralisait le travail en continu qui Ă©tait auparavant limitĂ© Ă  l’exploitation des mines. Au cours du siĂšcle, une quinzaine de lois ont peu Ă  peu abaissĂ© le temps de travail admissible par jour et par semaine des moins de 18 ans, prohibant Ă©galement le travail de nuit et la descente dans les mines des moins de 10 ans. Le bĂ©nĂ©fice de ces protections lĂ©gales, d’abord rĂ©servĂ© aux plus jeunes, a ainsi Ă©tĂ© accordĂ© aux enfants de 13 Ă  18 ans, ainsi qu’aux femmes qui ont obtenu une rĂ©duction de leur temps de travail quotidien dans l’industrie textile par la loi dite des 10 heures en 1847. Leur temps de travail maximal dans une semaine a ainsi Ă©tĂ© limitĂ© Ă  58 heures, la loi leur permettant de chĂŽmer chaque dimanche. Des lois analogues ont ensuite Ă©tĂ© instaurĂ©es en France, avec un dĂ©calage dans le temps qui suit celui de l’industrialisation du pays. Une loi de 1833 limite Ă  48 heures par semaine et 11 heures par jour le travail en usine des plus ĂągĂ©s. À la suite du « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employĂ©s dans les manufactures de coton, de laine et de soie » prĂ©sentĂ© en 1840 par Louis RenĂ© VillermĂ© devant l’AcadĂ©mie des sciences morales et politiques, une loi de 1841 interdit le travail des enfants de moins de 8 ans dans les usines et limite leur travail la nuit et le dimanche. Mais beaucoup de ceux qui s’émeuvent, Ă  cette Ă©poque, du travail des enfants et de leurs mĂšres dans les ateliers industriels ne se prĂ©occupent guĂšre des conditions de travail des pĂšres. Ce n’est que parce que hommes, femmes et enfants Ă©taient liĂ©s par les mĂȘmes chaĂźnes d’atelier que les premiers ont fini par obtenir Ă©galement, en Angleterre, le bĂ©nĂ©fice de la loi des 10 heures par jour et la fermeture des fabriques de textiles la nuit au milieu du XIX siĂšcle. 2. Les salariĂ©s adultes ont du se coaliser pour obtenir de travailler moins de 10 heures par jour et de 60 heures par semaine Les Gouvernements qui ont adouci les conditions de travail des enfants et des femmes ont interdit aux travailleurs de se coaliser pour dĂ©fendre leurs droits face aux exigences de leurs employeurs. Les syndicats, qualifiĂ©s lĂ©galement de coalitions de travailleurs, sont interdits dĂšs le dĂ©but de l’industrialisation, en
  • 19. — 19 — France par les lois d’Allarde puis Le Chapelier de 1791, et en Angleterre par deux lois, en 1799 et 1800. Le principe d’un repos hebdomadaire avait mĂȘme Ă©tĂ© remplacĂ©, en France, par celui d’un jour sur dix selon le calendrier du 5 octobre 1793. ConjuguĂ© Ă  la suppression des fĂȘtes religieuses, ce principe rĂ©duisait de moitiĂ© le nombre officiel de jours chĂŽmĂ©s. Les Gouvernements occidentaux des XVIIIe et XIXe siĂšcles qui conduisaient ces politiques industrielles, inspirĂ©s par l’individualisme des LumiĂšres, soutenaient que les contrats de travail individuels avaient Ă©tĂ© avantageusement substituĂ©s Ă  des statuts juridiques collectifs et inĂ©galitaires. Ils considĂ©raient aussi que ces contrats n’étaient pas imposĂ©s aux faibles par les forts mais librement nĂ©gociĂ©s et conclus entre parties Ă©gales. Ils n’accordaient aux femmes et aux enfants la protection de la loi contre les contrats de travail abusifs, Ă  l’invitation des philanthropes, qu’au motif qu’il s’agissait juridiquement de mineurs (1) Ă  l’époque, inaptes Ă  consentir un engagement contractuel sans risque de dol (2) et Ă  remplir leurs obligations Ă  l’abri des violences. Mais ces principes juridiques qui interdisait aux employeurs d’abuser de l’état de minoritĂ© pour assujettir les enfants Ă  des conditions de travail pĂ©nibles justifiaient Ă  l’inverse que des criminels soient condamnĂ©s aux travaux forcĂ©s pour s’amender et que des ouvriers majeurs qui rompaient leur contrat de travail soient sanctionnĂ©s pĂ©nalement. Ces principes ne sont bien Ă©videmment plus ceux du droit contemporain mais leur force juridique les imposait au XIXe siĂšcle dans les dĂ©bats publics sur l’amĂ©lioration de la condition ouvriĂšre. Cette force juridique Ă©tait assurĂ©e du concours de la puissance publique qui soutenait les intĂ©rĂȘts des employeurs et leur attribuait la pleine propriĂ©tĂ© des fabriques dont ils ne dĂ©tenaient pourtant que les immobilisations, alors que les talents et la disponibilitĂ© de la main-d’oeuvre employĂ©e Ă  tirer des profits de ces immobilisations n’était pas pris en compte. Ce concours public, au bĂ©nĂ©fice de l’offre et au dĂ©triment de la demande d’emploi et Ă  la valorisation des immobilisations au dĂ©triment de celle du capital humain employĂ©, a conduit Ă  une subordination de fait de cette main-d’oeuvre Ă  l’employeur, longtemps contestĂ©e en droit puisqu’elle Ă©tait contractuelle et non statutaire et moins astreignante que celles des rĂ©gimes juridiques du servage et de l’esclavage. Pour que cette subordination soit reconnue par les autoritĂ©s publiques et que ces derniĂšres acceptent de tempĂ©rer l’inĂ©galitĂ© produite par le concours qu’elles apportaient exclusivement aux employeurs lors des conflits avec leurs salariĂ©s, ces derniers et les demandeurs d’emploi ont dĂ» attendre la gĂ©nĂ©ralisation, dans les pays industrialisĂ©s, sous la pression populaire, du suffrage universel masculin qui a donnĂ© Ă  leurs revendications une audience politique, portĂ©e par des (1) Les femmes n’ont pour leur part obtenu la fin de l’incapacitĂ© civile qu’en 1938 en France. (2) Le dol est un agissement trompeur ayant entraĂźnĂ© le consentement qu'une des parties Ă  un contrat n'aurait pas donnĂ©, si elle n'avait pas Ă©tĂ© l'objet de ces manoeuvres.
  • 20. — 20 — luttes sociales, qui dĂ©passait la seule commisĂ©ration des milieux philanthropiques et caritatifs. Pour rĂ©tablir un Ă©quilibre contractuel dans l’emploi, les travailleurs rĂ©clamaient de pouvoir se coaliser afin de nĂ©gocier collectivement plutĂŽt qu’individuellement leur embauche et leurs conditions de travail. Ils demandaient aussi leur part indivise de la propriĂ©tĂ© du capital social des entreprises industrielles et, en cas de refus, leur confiscation. Leur droit de coalition n’a Ă©tĂ© acceptĂ© par les autoritĂ©s politiques europĂ©ennes qu’à partir des annĂ©es 1860, en raison des effets institutionnels du suffrage universel et de l’effervescence rĂ©volutionnaire persistante. LĂ©galisĂ©s, les unions de travailleurs se sont constituĂ©es en syndicats en se donnant des reprĂ©sentants qui n’ont cependant Ă©tĂ© admis Ă  exprimer publiquement des revendications collectives que dans des conditions restrictives. Les droits de grĂšve et de manifestation, sur la voie publique ou sur les lieux de travail, leur ont en revanche Ă©tĂ© longtemps refusĂ©s par des Gouvernements qui craignaient qu’ils ne remettent en cause le rĂ©gime de propriĂ©tĂ© appliquĂ© aux entreprises industrielles. Ces syndicats ouvriers, bientĂŽt unifiĂ©s en confĂ©dĂ©rations interprofessionnelles, ont entrepris des Ă©changes et des entraides au plan international qui ont portĂ© leurs revendications de pays en pays, en ne dissociant pas l’amĂ©lioration matĂ©rielle des conditions de travail des salariĂ©s de leur dĂ©finition juridique, par des conventions collectives qu’ils voulaient imposer aux contrats de travail individuels. Les premiĂšres conventions collectives ont Ă©tĂ© rĂ©servĂ©es aux secteurs industriels les plus syndiquĂ©s. La premiĂšre signĂ©e en France l’a Ă©tĂ© le 29 novembre 1891 Ă  Arras, entre syndicats de mineurs et compagnies houillĂšres du Pas-de-Calais, suite Ă  un mouvement de grĂšve. Elle ne portait toutefois que sur les rĂ©munĂ©rations. L’annĂ©e suivante, la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles et des femmes dans les Ă©tablissements industriels interdisait en France l’emploi des moins de 13 ans. Elle limitait Ă  10 heures par jour celui des moins de 16 ans des deux sexes et Ă  moins de 11 heures par jour et de 60 heures par semaine celui des moins de 18 ans. Elle plafonnait aussi Ă  11 heures par jour le travail des filles et des femmes, selon l’expression du texte, mais sans limite hebdomadaire, ce qui permettait de les faire travailler six Ă  sept jours par semaine, ne prĂ©voyant en revanche aucune restriction pour l’emploi des hommes du mĂȘme Ăąge. Elle crĂ©ait enfin un corps administratif d’inspecteurs du travail pour veiller Ă  son application. Les circonstances politiques dans lesquelles ces rĂ©ductions du temps de travail des salariĂ©s de l’industrie ont Ă©tĂ© accordĂ©es indiquent qu’elles ne dĂ©coulent
  • 21. — 21 — pas spontanĂ©ment d’une rĂ©partition des gains de productivitĂ© plus favorable aux salariĂ©s qu’à leurs employeurs ou d’une limitation spontanĂ©e de la production, passĂ© un seuil de productivitĂ©. Ces rĂ©ductions n’ont Ă©tĂ© accordĂ©es que sous la pression de l’opinion publique, au profit des enfants et des femmes et aprĂšs des luttes syndicales pour les hommes. 3. Les syndicats ouvriers sont parvenus Ă  donner une audience mondiale Ă  leurs revendications pour la rĂ©duction du temps de travail C’est en rĂ©unissant suffisamment d’adhĂ©rents pour influencer le rĂ©sultat des Ă©lections politiques que les syndicats ouvriers ont obtenu que leurs revendications sur le temps de travail des salariĂ©s adultes, rejetĂ©es tout au long du XIXe siĂšcle par les employeurs qui se coalisaient Ă  leur tour en comitĂ©s industriels, soient dĂ©fendues dans les dĂ©bats Ă©lectoraux ou parlementaires par les partis politiques d’inspiration socialiste qui les relayaient. Ces revendications, d’abord locales puis nationales, sont devenues mondiales Ă  mesure que l’industrialisation a reproduit les mĂȘmes effets sociaux dans les pays qu’elle gagnait. La revendication d’une journĂ©e de travail limitĂ©e Ă  8 heures et celle de deux jours de repos hebdomadaire, limitant la semaine ouvrĂ©e Ă  40 heures ont Ă©tĂ© exprimĂ©es dĂšs 1810 par l’industriel et philanthrope gallois Robert Owens. Elles ont Ă©tĂ© adoptĂ©es par le mouvement syndical amĂ©ricain au dĂ©but des annĂ©es 1880 et sont devenues le mot d’ordre de la journĂ©e internationale des travailleurs du 1er mai aprĂšs la rĂ©pression brutale de la grĂšve de Chicago de 1886 qui leur a donnĂ© un retentissement mondial. Ces revendications en faveur d’une rĂ©duction du temps de travail ont Ă©tĂ© Ă©tendues des travailleurs de l’industrie Ă  l’ensemble des salariĂ©s, en proposant Ă  la sociĂ©tĂ© produite par l’industrialisation et le progrĂšs technique un nouveau mode de vie. Elles n’ont Ă©tĂ© satisfaites que par des lois, qui les ont imposĂ©es aux employeurs dans la plupart des principaux pays industrialisĂ©s Ă  la suite de la premiĂšre guerre mondiale. Pour dĂ©cider les majoritĂ©s parlementaires Ă  adopter ces lois, il a fallu que les dĂ©sastres de cette guerre rallient majoritairement les populations mobilisĂ©es sur le front ou dans les usines d’armement aux demandes des syndicats ouvriers et aux grĂšves gĂ©nĂ©rales qui ont Ă©clatĂ© en Europe continentale, renversant les rĂ©gimes politiques autoritaires qui avaient rĂ©sistĂ© aux rĂ©volutions libĂ©rales. L’alerte sociale fut si chaude pour les Gouvernements europĂ©ens entre 1917 et 1919 qu’une commission de la lĂ©gislation internationale du travail, prĂ©sidĂ©e par Samuel Gompers, prĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration amĂ©ricaine du travail (American Federation of Labour - AFL) fut rĂ©unie entre janvier et avril 1919 en marge de la nĂ©gociation du traitĂ© de paix Ă  Versailles, pour crĂ©er l’Organisation
  • 22. — 22 — internationale du Travail (OIT), souhaitĂ©e par les deux rĂ©formistes « industrialistes » Roberts Owens et Daniel Legrand. Le statut de cette organisation constitue la XIIIe partie du TraitĂ©. Les Gouvernements signataires, qui ont acceptĂ© d’y siĂ©ger en tiers entre les reprĂ©sentants des employeurs et des travailleurs, ont admis, dans les attendus du prĂ©ambule de sa constitution : « 
 qu'une paix universelle et durable ne peut ĂȘtre fondĂ©e que sur la base de la justice sociale; « 
 qu'il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l'injustice, la misĂšre et les privations, ce qui engendre un tel mĂ©contentement que la paix et l'harmonie universelles sont mises en danger, « 
 qu'il est urgent d'amĂ©liorer ces conditions : par exemple, en ce qui concerne la rĂ©glementation des heures de travail, la fixation d'une durĂ©e maximum de la journĂ©e et de la semaine de travail, « 
 que la non-adoption par une nation quelconque d'un rĂ©gime de travail rĂ©ellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations dĂ©sireuses d'amĂ©liorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays ». Ces quatre attendus doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s avec la plus grande attention parce qu’ils reconnaissent des faits que les Gouvernements et les classes sociales privilĂ©giĂ©s niaient auparavant quand ils ne les justifiaient pas par la nĂ©cessitĂ© ou l’ordre naturel. Ils doivent l’ĂȘtre encore aujourd’hui parce qu’ils n’ont rien perdu de leur actualitĂ©. La commercialisation de biens et de services de consommation courante, standardisĂ©s et industrialisĂ©s, sur un marchĂ© ouvert au libre-Ă©change, entre des Ă©conomies dissemblables, a produit, comme aux XVIIIe et XIXe siĂšcles, des effets dĂ©stabilisateurs sur les sociĂ©tĂ©s mises en tension concurrentielle. Pour les justifier, les partisans du libre-Ă©change reprennent le principe de « destruction crĂ©atrice » utilisĂ© par Joseph Schumpeter pour dĂ©crire l’effet de l’innovation technique dans les Ă©conomies industrielles. Cette dynamique, qui bouleverse la Grande-Bretagne depuis le milieu du XVIIe siĂšcle, a gagnĂ© l’Europe continentale et l’AmĂ©rique du Nord dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle. AlimentĂ©e plutĂŽt que ralentie par les crises et les guerres, elle n’a Ă©tĂ© suspendue qu’entre 1945 et 1975, par la dĂ©colonisation et la division du monde en plusieurs blocs commercialement isolĂ©s. La remise en concurrence de l’ensemble des pays sur un marchĂ© devenu mondial mobilise Ă  nouveau leur sociĂ©tĂ©, par des transferts de capital ou de main- d’oeuvre qui enrichissent les uns, appauvrissent les autres et Ă©prouvent dans les deux cas les institutions, rouvrant aux États perdants au change la tentation du repli ou du conflit.
  • 23. — 23 — Contre cette tentation, le prĂ©ambule de la constitution de l’OIT faisait de l’amĂ©lioration des conditions de travail et en particulier de la rĂ©duction universelle du temps de travail, gage d’un partage plus Ă©quilibrĂ© de la productivitĂ©, un enjeu de la paix mondiale. C’est Ă  cet enjeu et pas seulement Ă  celui de la concurrence entre les pays, les populations, les classes sociales et les individus, que les lois françaises sur le temps de travail de la XIIe lĂ©gislature peuvent ĂȘtre rapportĂ©es. B. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL EST UNE TENDANCE MONDIALE DIVERSEMENT INSCRITE DANS LE DROIT 1. Le droit international limite les durĂ©es maximales de travail Ă  des niveaux qui sont restĂ©s relativement Ă©levĂ©s La premiĂšre convention adoptĂ©e par les membres de l’OIT, rĂ©unis Ă  Washington en octobre 1919, a limitĂ© Ă  8 heures la durĂ©e de la journĂ©e de travail et Ă  48 heures celle de la semaine de travail dans les Ă©tablissements industriels et les mines. Cette convention est entrĂ©e en vigueur en 1921. La convention n° 30, entrĂ©e en vigueur en 1933, Ă©tend les mĂȘmes maxima aux commerces et aux bureaux. Ces conventions instaurent un ordre juridique international qui s’impose aux lois nationales voire aux contrats de travail passĂ©s entre particuliers. MĂȘme dans les États qui sĂ©parent l’ordre juridique interne qui rĂ©git ces contrats de l’ordre juridique international, ces conventions confortent les revendications des salariĂ©s en ĂŽtant Ă  leurs employeurs l’argument de l’avantage concĂ©dĂ© Ă  leurs concurrents par des baisses du temps de travail qui ne seraient que locales ou nationales. Ces conventions admettent cependant que les limites maximales posĂ©es au temps de travail ne soient pas absolues mais puissent ĂȘtre respectĂ©es en moyenne. Elles mĂ©nagent par ailleurs des exceptions en prĂ©sence de conventions collectives plus favorables aux salariĂ©s, quand les Gouvernements les rendent applicables aux tiers, concurrents des signataires du contrat individuel. Ces conventions internationales admettent aussi des exceptions sectorielles, qui autorisent Ă  travailler jusqu’à 14 heures par jour et 56 ou 72 heures par semaine dans certains secteurs Ă©conomiques ou qui permettent un travail continu par Ă©quipes. Juridiquement Ă©quilibrĂ©e, la convention n° 1 de 1919 a connu un large succĂšs puisqu’elle a Ă©tĂ© ratifiĂ©e par 47 États. La convention n° 30 de 1921 ne l’a Ă©tĂ© que par 27 États. AprĂšs la crise Ă©conomique de 1929, l’exacerbation de la concurrence commerciale entre les pays industrialisĂ©s et les guerres qu’ils se sont livrĂ©es ont rapidement entravĂ© les efforts de l’OIT pour obtenir une nouvelle baisse du temps de travail des salariĂ©s. En tĂ©moigne l’échec de la convention n° 47 du 22 juin 1935, inspirĂ©e par une idĂ©e de John Maynard Keynes, qui posait le principe d’une durĂ©e hebdomadaire du travail de 40 heures par semaine, dans le
  • 24. — 24 — but de partager le travail pour rĂ©duire le chĂŽmage de masse qui sĂ©vissait Ă  l’époque, sans diminuer le niveau de vie des travailleurs. Cette convention n’a Ă©tĂ© ratifiĂ©e que par 15 pays (1). Elle n’est entrĂ©e en vigueur qu’en 1957. Les tendances observĂ©es sur le long terme indiquent que la durĂ©e annuelle du travail a connu une forte diminution depuis le siĂšcle dernier. Le tableau ci- dessous indique que la durĂ©e annuelle du travail a presque Ă©tĂ© divisĂ©e par deux dans la plupart des grands pays industrialisĂ©s, passant par exemple de 2 900 heures environ en 1870 Ă  1 500 ou 1 600 heures en Europe Ă  la fin des annĂ©es quatre- vingt. POPULATION TOTALE, EMPLOI ET DURÉE ANNUELLE DU TRAVAIL EN LONGUE PÉRIODE Japon Allemagne France États-Unis Italie Population totale (en millions) 1870 1989 Emploi (en millions) 1870 1989 DurĂ©e annuelle du travail (en heures) 1870 1987 34,4 123,1 18,7 61,3 2 945 2 020 24,9 70,0 10,3 27,6 2941 1 620 38,4 56,2 17,8 22,2 2 941 1 543 40,0 248,7 14,7 119,0 2 964 1 607 27,9 57,5 15,4 25,1 2 886 1 528 Source : Maddison (1991). FrontiĂšres de 1989 (Allemagne de l'Ouest notamment). AprĂšs la seconde guerre mondiale, les institutions internationales placĂ©es sous l’égide des États-Unis, telles que la Banque Mondiale (Banque internationale pour la reconstruction et le dĂ©veloppement), le Fonds MonĂ©taire International (FMI), l’Organisation pour la CoopĂ©ration et le DĂ©veloppement Économique (OCDE) et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ont privilĂ©giĂ© le libre- Ă©change des biens, des capitaux et de la main-d’oeuvre et la croissance de la production plutĂŽt que le droit international du travail pour amĂ©liorer les conditions de vie des populations actives. Sous leur impulsion, l’extension mondiale du rĂ©gime juridique de la propriĂ©tĂ© privĂ©e du capital industriel a pris le pas sur l’harmonisation des rĂ©gimes du travail. Cette propriĂ©tĂ© privĂ©e s’est mĂȘme internationalisĂ©e tandis que les rapports sociaux sont demeurĂ©s nationaux. Les salariĂ©s des pays industrialisĂ©s ont nĂ©anmoins profitĂ© du plein-emploi des annĂ©es 1950 et 1960 pour obtenir des hausses de rĂ©munĂ©ration et des repos supplĂ©mentaires. Mais leur situation s’est dĂ©gradĂ©e lors des crises Ă©conomiques des dĂ©cennies suivantes, qui ont redonnĂ© l’avantage aux propriĂ©taires du capital industriel et aux employeurs dans les nĂ©gociations sociales. (1) L’ont ratifiĂ©e : la Nouvelle-ZĂ©lande en 1938, la FĂ©dĂ©ration de Russie, le BĂ©larus et l’Ukraine en 1956, l’Australie en 1970, la NorvĂšge en 1979, la SuĂšde en 1982, la Finlande en 1989, l’OuzbĂ©kistan, le Kirghizistan et l’AzerbaĂŻdjan en 1992, le Tadjikistan en 1993, la Lituanie en 1994, la Moldavie en 1997 et la RĂ©publique de CorĂ©e en 2011.
  • 25. — 25 — ÉVOLUTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET DES CONGÉS PAYÉS ENTRE 1956 ET 2004 DANS QUELQUES PAYS INDUSTRIALISÉS Heures de travail effectives dans l’industrie textile CongĂ©s payĂ©s annuels 1956 2000-2004 1956 2004 Finlande 44,8 37,1 3 semaines 20 jours ouvrables (4 semaines) France 43 35 3 semaines 25 jours ouvrables (5 semaines) Allemagne (de l’Ouest) 48,6 38,3 12 jours 24 jours ouvrables (environ 5 semaines) Pays-Bas 45,2-48 38,4 12 jours (a) 20 jours ouvrables (4 semaines) Royaume-Uni 48,3 41,2 6 jours ou 2 semaines (a) 20 jours ouvrables (4 semaines) États-Unis d’AmĂ©rique 39,6 40,8 (b) 1 semaine (a) 8,9-19,2 jours ouvrables (c) Sources : OIT, base de donnĂ©es sur les statistiques de travail et sur l’emploi et les conditions de travail, repris dans Lee Sangheon, Mc Cann Deirdre, Messenger Jon C., Working time around the world, trends in working hours, laws and policies in a global comparative perspective, Editions OIT et Routledge, GenĂšve et Londres, 2007, p. 25. Notes : a) par accords collectifs ; b) dans le secteur industriel ; c) selon l’anciennetĂ© dans l’entreprise Entre-temps, de nouveaux entrants sur le marchĂ© international des biens industriels ont dĂ», pour y gagner des parts, tirer profit de l’avantage de prix que leur procurait une main-d’oeuvre Ă  bas coĂ»t, plus sollicitĂ©e que dans les pays dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ©s. Ils ont Ă©tĂ© rĂ©ticents Ă  renoncer Ă  cet avantage pour accorder Ă  leur population des conditions de travail comparables Ă  celles des pays qui avaient dĂ©jĂ  accumulĂ© suffisamment de capital pour soulager leur main-d’oeuvre. Comme au XIXe siĂšcle, c’est en matiĂšre de lutte contre le travail des enfants que l’OIT, placĂ©e sous l’autoritĂ© de l’Organisation des Nations Unies (ONU) est nĂ©anmoins parvenue, sous la pression des opinions publiques occidentales, Ă  faire adopter par les uns et les autres quelques rĂšgles communes. L’ONU reconnaĂźt dĂ©sormais que le travail des enfants est une question essentielle des droits de l’homme au travail, aux cĂŽtĂ©s de la libertĂ© syndicale, du droit Ă  la nĂ©gociation collective, de l’abolition du travail forcĂ©, ou encore de la non-discrimination dans l’emploi et la profession. Elle estime que 168 millions d’enfants travaillent en 2014 alors qu’ils devraient ĂȘtre scolarisĂ©s et qu’au moins 85 millions d’entre eux sont soumis Ă  des formes de travail dangereuses pour leur santĂ©. Ces nombres diminuent chaque annĂ©e mais Ă  un rythme lent et de maniĂšre inĂ©gale selon les pays. Pour les autres catĂ©gories de salariĂ©s, mises Ă  part les femmes travaillant de nuit, l’OIT a renoncĂ© Ă  obtenir une baisse des maximas universels de travail pour promouvoir des normes prenant la forme juridique de recommandations et non plus de conventions. Le prĂ©ambule de la recommandation n° 116 du 26 juin 1962 ne fait plus de la semaine de 40 heures qu’une norme Ă  atteindre.
  • 26. — 26 — Au cours de son audition, M. Gilles de Robien, ancien dĂ©putĂ©, ancien ministre, dĂ©lĂ©guĂ© du Gouvernement français Ă  l'Organisation internationale du travail (OIT) a expliquĂ© que les lois Aubry avaient exacerbĂ© les disputes sur le temps de travail entre les États membres de l’organisation : « L’OIT Ă©voque Ă  peine la question de la rĂ©duction du temps de travail, en raison du matraquage que cette idĂ©e a dĂ©chaĂźnĂ©. Au cours des nombreuses rĂ©unions internationales consacrĂ©es aux moyens de rĂ©pondre Ă  la crise, l’accent a bien davantage Ă©tĂ© mis sur les investissements productifs pourvoyeurs d’emplois durables dans des conditions dĂ©centes que sur les solutions possibles en termes de temps de travail
 » 2. Les normes internationales de temps de travail sont davantage respectĂ©es dans les pays industrialisĂ©s que dans les pays Ă©mergents En dĂ©pit des limites juridiques des stratĂ©gies successives de l’OIT, les conventions internationales et les recommandations qu’elle a adoptĂ©es ont permis de rĂ©duire le temps de travail industriel dans le monde. Une enquĂȘte sur le temps de travail dans le monde (1), menĂ©e par trois chercheurs de l’Organisation et publiĂ©e en 2007 puis reprise en 2011 par un rapport d’experts du Bureau International du Travail sur le temps de travail au XXIe siĂšcle dresse une comparaison de cette baisse dans plusieurs pays de diffĂ©rents continents. Les auteurs de l’enquĂȘte estiment que la rĂ©duction du temps de travail progresse dans les pays en voie d’industrialisation mais que des diffĂ©rences rĂ©gionales subsistent. Le rapport, quant Ă  lui, conclut que 4 pays sur 10 fixent dĂ©sormais Ă  48 heures ou moins la durĂ©e hebdomadaire maximale de travail. Dans prĂšs de 2 pays sur dix, aucune durĂ©e maximale du travail n’est fixĂ©e par la loi ni appliquĂ©e. Les pays de la rĂ©gion Asie-Pacifique Ă©tudiĂ©s ont des maximas de travail par semaine qui peuvent atteindre 60 voire 72 heures. En qualifiant d’excessive une durĂ©e du travail qui dĂ©passe 48 heures par semaine, en raison des risques qu’elle fait peser sur la sĂ©curitĂ© et la santĂ© des travailleurs ainsi que sur l’équilibre de leur vie familiale, l’enquĂȘte et le rapport Ă©valuent Ă  600 millions le nombre de travailleurs soumis Ă  ces excĂšs. Alors que les durĂ©es de travail excessives sont en diminution dans les pays dĂ©veloppĂ©s, elles affectent encore plus de 20 % des salariĂ©s en Asie orientale, principalement des hommes. Il ne s’agit cependant que d’estimations puisque ni l’Inde ni la Chine ne fournissent de dĂ©comptes des heures travaillĂ©es par salariĂ©. (1) Lee Sangheon, McCann Deirdre and Messenger Jon C. : Working Time Around the World, Trends in working hours, laws and policies in a global comparative perspective, Londres-New York, Routledge, 2007. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@dgreports/@dcomm/@publ/documents/publication/wcms_104895.pdf
  • 27. — 27 — Le rapport d’experts ajoute que « certains pays, tels que l’Afrique du Sud, l’Argentine, le BrĂ©sil, la ThaĂŻlande, affichent une nette tendance Ă  la baisse de la durĂ©e excessive du travail, tandis que dans d’autres pays, tels que le Chili, le Maroc et la Turquie, les horaires prolongĂ©s paraissent relativement stables. « En outre, la proportion des travailleurs concernĂ©s par la durĂ©e excessive du travail est notablement plus Ă©levĂ©e dans les pays en dĂ©veloppement (Éthiopie, Jordanie, Maroc, ThaĂŻlande et Turquie) que dans la quasi-totalitĂ© des pays dĂ©veloppĂ©s, Ă  l’exception notable de la RĂ©publique de CorĂ©e et de Singapour. » Le rapport relĂšve que la durĂ©e excessive du travail, tout comme le travail Ă  temps partiel, sont pratiquement inconnus dans les Ă©conomies en transition d’Europe orientale comme la Bulgarie et la FĂ©dĂ©ration de Russie, alors que le travail Ă  temps partiel progresse dans les pays d’Europe de l’Ouest. S’agissant des pays industrialisĂ©s, le rapport se fonde sur une compilation universitaire de statistiques de longue pĂ©riode, Ă©tablie par Angus Maddison et publiĂ©e par l’OCDE (1) pour affirmer que la durĂ©e du travail diminue depuis le XIXe siĂšcle dans l’ensemble des pays industrialisĂ©s : « Dans ces pays, la durĂ©e du travail, qui Ă©tait en moyenne de 2 500 Ă  3 000 heures par travailleur et par an au dĂ©but du XXe siĂšcle, a diminuĂ© progressivement. À la fin du siĂšcle, elle Ă©tait infĂ©rieure Ă  2 000 heures en moyenne par an dans presque tous les pays dĂ©veloppĂ©s et, dans un grand nombre d’entre eux
 plus proche de 1 500 heures par an. » (2) Le rapport relĂšve toutefois que les salariĂ©s canadiens et amĂ©ricains travaillent 300 heures de plus que leurs homologues d’Europe de l’Ouest parce qu’ils ont deux fois moins de congĂ©s payĂ©s. Les comparaisons prĂ©sentĂ©es par le rapport dĂ©taillent les durĂ©es de travail par branche d’activitĂ©. Elles indiquent que ces durĂ©es sont plus Ă©levĂ©es dans les pays en dĂ©veloppement que dans les pays dĂ©veloppĂ©s et que les Ă©carts sont particuliĂšrement significatifs, mĂȘme dans les secteurs de main-d’oeuvre, entre les employĂ©s de bureau et les personnels de service. Les semaines de travail sont particuliĂšrement longues dans le commerce, l’hĂŽtellerie et la restauration, le transport et les tĂ©lĂ©communications, surtout dans les pays en dĂ©veloppement qui recourent moins au travail Ă  temps partiel dans ces (1) Maddison Angus, L’économie mondiale, une perspective millĂ©naire, Paris, Centre de dĂ©veloppement de l’OCDE, 2001 - § 58 et tableaux E-3, p. 365, E-4 p. 366et E-10, p. 372. - http://www.keepeek.com/Digital- Asset-Management/oecd/economics/l-economie-mondiale_9789264289987-fr (2) Rapport du Bureau International du travail sur le temps de travail au XXIe siĂšcle, soumis pour discussion Ă  la rĂ©union tripartite d’experts sur l’amĂ©nagement du temps de travail des 17 Ă  21 octobre 2011, § 58, p. 19. http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---protrav/--- travail/documents/publication/wcms_161741.pdf
  • 28. — 28 — secteurs d’activitĂ©. Les semaines de travail sont plus rĂ©duites dans l’administration publique, l’éducation et les services sociaux. Le rapport insiste enfin sur la situation des travailleurs indĂ©pendants qui travaillent en moyenne plus longtemps que les salariĂ©s dans tous les pays, mĂȘme si, dans les pays en dĂ©veloppement, une part significative d’entre eux ont un temps de travail rĂ©duit par manque de commandes, s’agissant des hommes ou en raison de leurs charges familiales, s’agissant des femmes. Le rapport estime que dans ces Ă©conomies, l’économie informelle repose aux trois cinquiĂšmes sur ces travailleurs indĂ©pendants, rĂ©munĂ©rĂ©s Ă  la tĂąche, Ă  la piĂšce ou forfaitairement Ă  la journĂ©e, le salariat non dĂ©clarĂ© aux administrations couvrant les deux derniers cinquiĂšme. 3. En deçà des maxima internationaux, trois obligations complĂ©mentaires sont utilisĂ©es pour baisser lĂ©galement le temps de travail des salariĂ©s Pour se conformer aux normes posĂ©es en 1919 et 1930, les lĂ©gislations nationales auraient pu imposer aux salariĂ©s des horaires fixes, sans entrer dans le dĂ©tail de l’organisation de leur activitĂ©. Des rĂšgles uniformes, semblables aux rythmes observĂ©s dans les Ă©conomies agraires, sont encore respectĂ©es dans nombre d’administrations publiques – services de sĂ©curitĂ© et secours d’urgence mis Ă  part. Au lieu de cela, les lĂ©gislations nationales ont le plus souvent laissĂ© les partenaires sociaux nĂ©gocier les horaires ou les cadences appliquĂ©s contractuellement dans les branches, les mĂ©tiers, les entreprises ou les Ă©tablissements. Les nĂ©gociations relatives au temps de travail : le cas de l’Allemagne Selon les informations transmises par le ministĂšre fĂ©dĂ©ral du travail et des affaires sociales allemand, dont une dĂ©lĂ©gation de la commission d’enquĂȘte a pu rencontrer des reprĂ©sentants au cours d’un dĂ©placement Ă  Berlin, les conventions collectives et les accords d’entreprise occupent une place prĂ©pondĂ©rante dans la dĂ©termination de la durĂ©e du travail en Allemagne. La hiĂ©rarchie des normes applicable au temps de travail en Allemagne est relativement classique : les principes gĂ©nĂ©raux sont fixĂ©s par la rĂ©glementation internationale ou par la loi allemande. Au niveau infĂ©rieur, les conventions collectives – il en existe 70 000 – dĂ©finissent les principes gĂ©nĂ©raux par branche d’activitĂ©. Ensuite, les comitĂ©s d’entreprise sont chargĂ©s de dĂ©finir les conditions applicables au sein de l’entreprise. Le salariĂ© dispose en dernier lieu d’un pouvoir de nĂ©gociation propre Ă  sa situation individuelle, la rĂšgle Ă©tant que les conditions nĂ©gociĂ©es avec le salariĂ© ne peuvent ĂȘtre moins bĂ©nĂ©fiques que celles nĂ©gociĂ©es au niveau supĂ©rieur. Les principes gĂ©nĂ©raux relatifs au temps de travail ont Ă©tĂ© fixĂ©s en Allemagne par une loi du 6 juin 1994. Selon cette loi :  Tout salariĂ© doit respecter un temps de travail de huit heures par jour. Des dĂ©rogations permettant d’aller jusqu’à dix heures de travail quotidiennes sont possibles, mais elles doivent ĂȘtre prĂ©vues par un Ă©crit signĂ© par chacune des parties. En outre, la durĂ©e moyenne
  • 29. — 29 — de travail constatĂ©e sur une durĂ©e de six mois ne peut en aucun cas ĂȘtre supĂ©rieure Ă  huit heures par jour.  Les dimanches et jours fĂ©riĂ©s sont des jours non travaillĂ©s, sauf en cas de dĂ©rogation nĂ©gociĂ©e avec le comitĂ© d’entreprise ou par accord de branche, lesquels prĂ©voient les conditions de rĂ©munĂ©ration liĂ©es Ă  ces dĂ©rogations.  En outre, le temps de pause quotidien minimal est de onze heures. Mais les rĂšgles de rĂ©gulation du temps de travail relĂšvent essentiellement des conventions collectives nĂ©gociĂ©es par les partenaires sociaux, en application de l’article 9 de la loi fondamentale allemande : 10 % des 70 000 conventions collectives Ă©voquent ainsi la gestion du temps de travail. La loi de 1994 a en outre introduit davantage de flexibilitĂ© dans les horaires et accordĂ© plus de souplesse pour les accords d’entreprise et les conventions collectives qui souhaitaient s’écarter des accords de branche. À cette occasion, par exemple, le travail du dimanche a Ă©tĂ© autorisĂ© pour des raisons Ă©conomiques, mais Ă©galement pour ne pas pĂ©naliser les entreprises allemandes en concurrence avec des entreprises Ă©trangĂšres (1). Les comitĂ©s d’entreprises jouent Ă©galement un rĂŽle clĂ© dans la dĂ©termination de la durĂ©e du travail. À titre d’illustration, au cours d’un entretien au siĂšge de l’entreprise Siemens Ă  Berlin, oĂč travaillent 11 500 salariĂ©s de Siemens rĂ©partis sur dix sites, la direction des ressources humaines de l’entreprise a indiquĂ© Ă  une dĂ©lĂ©gation de la commission d’enquĂȘte que l’accord du comitĂ© d’entreprise de Siemens Ă  Berlin prĂ©voit une durĂ©e hebdomadaire de travail de 38 heures, soit trois heures de plus que la durĂ©e de 35 heures prĂ©vue par la convention collective. Les lĂ©gislations nationales ont par ailleurs soumis la nĂ©gociation contractuelle de ces clauses Ă  des obligations destinĂ©es Ă  baisser le temps de travail des salariĂ©s sous les maximas absolus ou moyens prĂ©alablement Ă©tablis. Ces obligations se rĂ©partissent en trois catĂ©gories : les repos compensateurs, les congĂ©s payĂ©s et les tarifs diffĂ©renciĂ©s d’heures travaillĂ©es. a. Le repos compensateur En fixant un maximum de 48 heures de travail par semaine, les conventions internationales ont prĂ©vu un jour de repos hebdomadaire obligatoire. Il est cependant loisible aux lĂ©gislations nationales d’en accorder davantage et d’y ajouter des temps de pause quotidiens. La plupart accordent aussi des jours de fĂȘte chĂŽmĂ©s, hebdomadaires ou annuels, aux salariĂ©s. La protection de leur santĂ© encourage l’usage juridique qui leur accorde un temps de repos compensateur proportionnel aux heures accomplies dans une pĂ©riode d’activitĂ©. Les repos obligatoires rĂ©duisent le temps de travail salariĂ© comme le font les maxima lĂ©gaux et les temps de pause. Ils le font d’une maniĂšre nĂ©gociable, plus facilement acceptable par les employeurs et moins dommageable pour la production que des interruptions uniformes Ă  heures fixes. Cet usage est adaptĂ© aux secteurs qui connaissent des (1) Gerhard Bosch et Frank Stille, Temps de travail et rĂ©duction du temps de travail en Allemagne, Économie internationale, la revue du CEPII n°83, 3e trimestre 2000.
  • 30. — 30 — variations de production qui rĂ©clament des horaires de travail variables pour Ă©viter de recourir Ă  une main-d’oeuvre intermittente, moins qualifiĂ©e que les salariĂ©s rĂ©guliers, ou de devoir mettre ces derniers au chĂŽmage technique. Cet usage juridique ne peut toutefois tenir compte de l’effort fourni par les salariĂ©s pendant la pĂ©riode de surcroĂźt d’activitĂ©, pour calculer le repos convenable, qu’au prix de subtils calculs d’intensitĂ© qui ne se prĂȘtent pas Ă  des dĂ©finitions communes Ă  des secteurs d’activitĂ© ou Ă  des modes de production disparates. Pour qu’une Ă©galitĂ© juridique de traitement soit maintenue entre les salariĂ©s, les lĂ©gislations qui recourent Ă  ce type d’obligations doivent Ă©tablir des rapports d’équivalence entre les activitĂ©s, les mĂ©tiers et les branches. Ces rapports d’équivalence nourrissent le droit du travail de rĂšgles particuliĂšres et se prĂȘtent Ă  des contentieux. En rĂ©vĂ©lant les disparitĂ©s entre les emplois qui en rendent certains plus lourds ou plus ingrats que d’autres, ils accentuent davantage les rapports de force entre employeurs et salariĂ©s au lieu de les apaiser. Dans ces rapports de force, qui dĂ©terminent les nĂ©gociations conventionnelles et contractuelles, les obligations lĂ©gales d’accorder un repos compensateur proportionnel ne sont en outre favorables Ă  la santĂ© du salariĂ© que lorsqu’elles imposent, comme c’est le cas pour les salariĂ©s travaillant en Ă©quipe de nuit ou en horaires dĂ©calĂ©s, que le repos compensateur soit entiĂšrement pris immĂ©diatement aprĂšs la pĂ©riode travaillĂ©e et non pas en partie reportĂ© voire mĂȘme thĂ©saurisĂ© sur des comptes. Dans l’Union europĂ©enne, par exemple, les directives du 23 novembre 1993 et du 22 juin 2000 prĂ©voient que la limite maximale de travail fixĂ©e Ă  48 heures par semaine soit calculĂ©e en moyenne sur au plus quatre mois consĂ©cutifs. Pour garantir aux salariĂ©s un repos quotidien, plutĂŽt que de fixer un second maximum, la directive a prĂ©fĂ©rĂ© imposer aux États de prendre les mesures nĂ©cessaires pour que tout travailleur bĂ©nĂ©ficie d'un temps de pause pour un travail journalier supĂ©rieur Ă  six heures et d'une pĂ©riode minimale de repos tous les sept jours. Cette pĂ©riode de repos doit ĂȘtre rĂ©partie sur la semaine mais peut l’ĂȘtre de maniĂšre inĂ©gale. Elle impose un repos minimal de 11 heures consĂ©cutives par 24 heures et de 24 heures supplĂ©mentaires sans interruption tous les sept jours, un calcul de moyenne autorisant Ă  rĂ©partir ce repos sur une pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence de deux semaines. Au final, la limite maximale de 48 heures de travail par semaine, rĂ©partie sur quatre mois, autorise des semaines de travail de 78 heures. Les obligations de temps de repos compensateur Ă©tablies par la directive donnent encore matiĂšre Ă  de nombreux contentieux interprĂ©tatifs dans toute l’Union, quand les salariĂ©s sont payĂ©s forfaitairement Ă  la tĂąche ou Ă  la mission, quand leur emploi consiste pour partie dans des gardes sur place ou des astreintes
  • 31. — 31 — Ă  distance, sans activitĂ© prĂ©visible ou rĂ©guliĂšre, ou bien encore quand leurs heures de travail sont entrecoupĂ©es de pauses trop courtes pour ĂȘtre assimilĂ©es Ă  des temps de repos. Leur rĂ©partition doit enfin tenir compte des pĂ©riodes diurnes ou nocturnes entre lesquelles les heures de travail et les heures de repos quotidiennes sont rĂ©parties. Les directives prĂ©voient qu’un travail de nuit ne doit pas excĂ©der huit heures en moyenne par pĂ©riode de 24 heures, en raison des risques particuliers qu’il fait peser sur la santĂ© physique et mentale du salariĂ©. b. Les congĂ©s payĂ©s En complĂ©ments des fĂȘtes chĂŽmĂ©es, l’usage corporatif de jour de congĂ©s proportionnels Ă  la durĂ©e d’emploi et Ă  l’anciennetĂ© de l’employĂ©, inclus dans les jours payĂ©s par l’employeur, a Ă©tĂ© repris en droit positif en 1936, Ă  l’initiative du Gouvernement français du Front populaire, en rĂ©ponse aux grĂšves gĂ©nĂ©rales qui ont accompagnĂ© son Ă©lection. Plusieurs conventions de l’Organisation internationale du travail ont, depuis cette pĂ©riode, reconnu le droit des salariĂ©s Ă  des congĂ©s payĂ©s annuels. La derniĂšre en date (n° 132) adoptĂ©e en 1970 et entrĂ©e en vigueur trois ans plus tard, a Ă©tĂ© ratifiĂ©e par 36 États. Elle accorde trois semaines de congĂ©s par annĂ©e de service aux salariĂ©s de tous les secteurs d’activitĂ© Ă  l’exception des gens de mer. Elle leur interdit d’y renoncer par contrat en Ă©change d’une indemnitĂ©. Ce congĂ© doit ĂȘtre pris dans les 18 mois aprĂšs la fin de l’annĂ©e dans laquelle il a Ă©tĂ© acquis, deux semaines de congĂ©s au moins devant ĂȘtre posĂ©es consĂ©cutivement. Il ne doit pas inclure les fĂȘtes chĂŽmĂ©es lĂ©gales ou coutumiĂšres. Cette norme de congĂ©s payĂ©s proposĂ©e par l’OIT a Ă©tĂ© largement adoptĂ©e dans la plupart des pays, qu’ils aient ou non ratifiĂ© la convention. Dans de nombreux pays, les congĂ©s payĂ©s conventionnels peuvent ĂȘtre supĂ©rieurs aux congĂ©s lĂ©gaux mais ils sont alors rĂ©servĂ©s aux salariĂ©s ayant acquis une anciennetĂ© minimale dans l’entreprise. Ils sont accordĂ©s en fonction de cette anciennetĂ©, ce qui crĂ©e d’importantes inĂ©galitĂ©s de situations au sein des collectifs de travail. Selon le rapport d’expert de 2011, presque tous les pays ont inscrit dans leur lĂ©gislation le droit Ă  une pĂ©riode minimale de congĂ©s payĂ©s annuels et la moitiĂ© d’entre eux en accordent 20 jours. Certains y incluent toutefois les fĂȘtes chĂŽmĂ©es, dont le nombre de jours par an est trĂšs variable selon les pays, entre 7 et 20. Le rapport relĂšve qu’en Asie-Pacifique, en AmĂ©rique latine et dans les CaraĂŻbes, un tiers des pays accordent moins de 10 jours de congĂ©s et plus de la moitiĂ© moins de 15 jours ouvrables tout en Ă©tant prodigues en fĂȘtes chĂŽmĂ©es.
  • 32. — 32 — En Europe, la directive sur l’amĂ©nagement du temps de travail impose aux employeurs d’accorder Ă  leurs salariĂ©s un congĂ© annuel rĂ©munĂ©rĂ© d'au moins quatre semaines. Plusieurs lĂ©gislations octroient une cinquiĂšme semaine. La France fait figure d’exception puisque ses salariĂ©s bĂ©nĂ©ficient en moyenne de 6,6 semaines de congĂ©s, contre 4 semaines lĂ©gales en Allemagne. Cette moyenne couvre les cinq semaines lĂ©gales (dont la cinquiĂšme a Ă©tĂ© accordĂ©e en 1981) et les jours de congĂ©s conventionnels attribuĂ©s en compensation d’un travail hebdomadaire supĂ©rieur Ă  35 heures et qualifiĂ© de jours de rĂ©duction du temps de travail (RTT). Il importe de relever que ceux-ci peuvent reprĂ©senter jusqu’à quatre semaines supplĂ©mentaires pour les cadres au forfait. c. La tarification diffĂ©renciĂ©e des heures de travail Le dernier moyen lĂ©gal utilisĂ© pour rĂ©duire le temps de travail moyen des salariĂ©s consiste Ă  imposer aux employeurs de les payer Ă  l’heure et non plus Ă  la piĂšce et de fixer des barĂšmes progressifs de rĂ©munĂ©ration des heures qui excĂšdent des seuils ou bien des heures travaillĂ©es pendant des pĂ©riodes habituellement dĂ©volues au repos. La lĂ©gislation impose souvent un tarif plus Ă©levĂ© pour les heures de travail accomplies la nuit, lors des jours habituels de repos hebdomadaire ou lors des fĂȘtes chĂŽmĂ©es. Elle peut Ă©galement prĂ©voir des limites maximales sous forme de contingents d’heures nocturnes, dominicales ou supplĂ©mentaires. Cette tarification dissuade les employeurs de dĂ©passer les seuils fixĂ©s ou convenus autant qu’elle peut inciter les salariĂ©s Ă  en bĂ©nĂ©ficier. Les heures supplĂ©mentaires sont cependant trĂšs largement utilisĂ©es dans les Ă©conomies industrialisĂ©es et prĂšs de la moitiĂ© des salariĂ©s en font chaque annĂ©e mĂȘme si toutes ne leur sont pas payĂ©es ni compensĂ©es par un repos consĂ©cutif plus long. Leur tarification entre en conflit avec les normes qui dĂ©finissent le temps de travail habituel lorsque ces normes ne s’appliquent qu’en moyenne sur de longues pĂ©riodes. Il n’est en effet alors plus nĂ©cessaire Ă  l’employeur de rĂ©partir sa production prĂ©visible dans le temps pour Ă©viter de mobiliser davantage sa main- d’oeuvre dans les pĂ©riodes de pointe ou pour la laisser en chĂŽmage technique dans les pĂ©riodes creuses. Il lui suffit de calculer la durĂ©e contractuelle du travail sur l’annĂ©e pour respecter les normes quotidiennes et hebdomadaires de temps de travail sans plus devoir acquitter de supplĂ©ments de rĂ©munĂ©ration pour les heures nocturnes, dominicales ou supplĂ©mentaires ni concĂ©der de congĂ©s de rĂ©cupĂ©ration. C’est pourquoi le droit du temps de travail s’attache de plus en plus aux temps de repos compensateur et non plus aux maximas, aux normes de travail ou aux catĂ©gories d’heures, individualisant les temps de repos et modifiant les coutumes sociales des jours collectivement chĂŽmĂ©s, fixĂ©s auparavant par le comput officiel, les lois et traditions religieuses.
  • 33. — 33 — Incidence de la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence choisie pour vĂ©rifier le respect des moyennes normales de temps de travail et des obligations qui s’y attachent À la diffĂ©rence de la fixation des maximas universels de temps de travail, la dĂ©finition d’une norme peut tenir compte non seulement des catĂ©gories d’employĂ©s et des secteurs Ă©conomiques mais aussi de la pĂ©riode de temps choisie pour l’appliquer. Elle permet d’intĂ©grer dans le calcul des moyennes, en plus des pauses et des repos quotidiens et hebdomadaires minimas, les congĂ©s payĂ©s et les fĂȘtes chĂŽmĂ©es. La recommandation de 1962 laisse aux autoritĂ©s de chaque pays la dĂ©termination de l'Ă©tendue maximale de la pĂ©riode sur laquelle les heures de travail pourront ĂȘtre calculĂ©es. Le choix d’une pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence longue et en particulier l’annualisation du calcul du temps de travail favorise les organisations qui peuvent soutenir des stratĂ©gies prĂ©visibles sur le long terme au dĂ©triment des individus. Elle reporte sur les individus les plus faibles et les moins prĂ©voyants le fardeau des alĂ©as que les assurances sociales avaient socialisĂ©. Un calcul sur l’annĂ©e, sur plusieurs annĂ©es voire sur la durĂ©e d’une vie professionnelle, s’avĂšre en outre particuliĂšrement favorable aux employeurs puisqu’il autorise de grandes amplitudes de variations dans les temps de travail intermĂ©diaires. Ces amplitudes, dissimulĂ©es par la moyenne, permettent Ă  l’employeur de diffĂ©rer les repos et les demandes de congĂ©s payĂ©s de ses salariĂ©s ou de suspendre voire de rompre le contrat de travail pendant des temps de repos de longue durĂ©e, nĂ©cessaires pour Ă©quilibrer les pĂ©riodes de forte activitĂ©. Ces reports de longue durĂ©e s’appliquent au dĂ©triment de la santĂ© de nombre de salariĂ©s qui thĂ©saurisent des jours de repos sur des comptes d’épargne-temps et acceptent implicitement, en contrepartie, une baisse de leur salaire horaire rĂ©el, fixĂ© sur les normes de travail contractuelles et non sur les heures rĂ©ellement faites ou sur des forfaits. Enfin, les pĂ©riodes de rĂ©fĂ©rence de longue durĂ©e, par exemple annuelle, suppriment ou diminuent fortement la portĂ©e des tarifications diffĂ©renciĂ©es des heures de travail habituelles et supplĂ©mentaires. 4. Les lĂ©gislations nationales du travail s’affaiblissent tandis que l’individualisation des normes restaure l’autonomie du contrat Les obligations lĂ©gales imposĂ©es aux conventions collectives et aux contrats individuels pour rĂ©duire le temps de travail des salariĂ©s ont pu rĂ©pondre Ă  des intentions politiques diverses. Les unes ont souhaitĂ© protĂ©ger la santĂ© des travailleurs les plus jeunes des deux sexes, pour assurer la reconstitution de la force de travail nationale ou mĂȘme parfois pour maintenir une conscription militaire, ce qui n’entrait pas dans les prĂ©occupations des employeurs. D’autres, dans des États moins autoritaires, ont recherchĂ© un maintien de l’ordre public Ă  moindre coĂ»t, en Ă©vitant, par une rĂ©glementation, d’avoir Ă  rĂ©primer les contestations collectives des conditions de travail les plus pĂ©nibles, dans des secteurs Ă©conomiques syndicalisĂ©s ou dans ceux qui Ă©taient frĂ©quemment exposĂ©s Ă  des coalitions spontanĂ©es de travailleurs ou Ă  des grĂšves.
  • 34. — 34 — Dans les États dĂ©mocratiques, ces obligations imposĂ©es ont Ă©tĂ© adoptĂ©es par les lĂ©gislations nationales aprĂšs des Ă©lections qui ont portĂ© au pouvoir des majoritĂ©s favorables Ă  l’amĂ©lioration des conditions de vie des salariĂ©s, le plus souvent d’inspiration socialiste ou social-dĂ©mocrate. Ces obligations ont permis de rĂ©duire le temps de travail des salariĂ©s en- deçà des maxima internationaux. Si elles ont atteint leur objectif, ces obligations ont eu des effets qui n’étaient ni anticipĂ©s ni souhaitĂ©s par leurs initiateurs, soit en traversant leur stratĂ©gie industrielle ou commerciale d’insertion dans le marchĂ© mondial, soit en suscitant des adaptations du corps social imprĂ©vues. Ces obligations ont, au cours des derniĂšres dĂ©cennies, Ă©tĂ© assorties de variations croissantes dans la comptabilisation des heures, le calcul des moyennes et le choix des rythmes de travail, jusqu’à conduire Ă  Ă©manciper en pratique les contrats de travail individuels des rĂšgles collectives destinĂ©es Ă  protĂ©ger les salariĂ©s des excĂšs et des abus.
  • 35. — 35 — Avant 1919, le temps de travail lĂ©gal reprend les lois anglaises Le rapport n° 652 dĂ©posĂ© le 22 janvier 1998 par M. Jean Le Garrec au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’AssemblĂ©e nationale sur le projet de loi d’orientation et d’incitation relatif Ă  la rĂ©duction du temps de travail de dĂ©cembre 1997, qu’on peut encore lire sur le site Internet de l’AssemblĂ©e (1), retraçait les principales Ă©tapes de la lĂ©gislation française de la durĂ©e du travail depuis le milieu du XIXe siĂšcle. Cette lĂ©gislation a suivi l’exemple donnĂ© par les lois britanniques sur les usines. La loi du 18 novembre 1814 confirme l’obligation du repos dominical, tradition de l’Ancien RĂ©gime remise souvent en cause durant la pĂ©riode rĂ©volutionnaire et impĂ©riale. La loi du 22 mars 1841 interdit le travail avant 8 ans et en fixe la durĂ©e maximum Ă  8 heures par jour de 8 Ă  12 ans et 12 heures de 12 Ă  16 ans dans les usines de plus de 20 ouvriers. Elle accorde un repos dominical aux enfants et apprentis, dĂ©jĂ  prĂ©vu par la loi de 1814 mais sans effet. Un dĂ©cret du 2 mars 1848 limite la journĂ©e de travail des ouvriers Ă  10 heures Ă  Paris et 11 heures en province. Ce texte est abrogĂ© le 9 septembre 1848, aprĂšs la rĂ©pression des Ă©meutes de juin par un autre dĂ©cret qui limite la journĂ©e de travail ouvriĂšre Ă  12 heures pour la France entiĂšre, sauf exceptions, qui donneront lieu Ă  des prĂ©cisions rĂ©glementaires sous le second empire. La loi du 19 mai 1874 retarde de 8 Ă  12 ans l’ñge minimum d’emploi Ă  temps plein et Ă  10 ans celui d’un salariĂ© employĂ© Ă  mi-temps, 6 heures par jour. Elle interdit le travail de nuit des garçons jusqu’à 16 ans et des filles jusqu’à 20 ans. Elle leur accorde un repos les dimanches et fĂȘtes. Elle s’applique Ă  toutes les activitĂ©s Ă©conomiques, alors que les prĂ©cĂ©dents textes concernaient exclusivement l’industrie. La loi 2 novembre 1892 accorde un repos hebdomadaire aux femmes de plus de 20 ans sans faire cas du dimanche et limite leur journĂ©e de travail Ă  11 heures. Elle interdit le travail de nuit aux hommes de moins de 18 ans et aux femmes. Elle relĂšve l’ñge minimum d’emploi Ă  13 ans. Le travail des enfants est rĂ©duit Ă  10 heures par jour pour les 13–16 ans et 11 heures pour les 16–18 ans. La loi du 30 mars 1900 harmonise la durĂ©e maximale du travail dans les ateliers qui rĂ©unissent hommes, femmes et enfants Ă  10 h 30 en 1902 puis 10 heures en 1904. La loi du 15 juillet 1906 accorde un repos hebdomadaire Ă  tous les salariĂ©s en abrogeant la loi de juillet 1880. La loi du 5 avril 1910, qui instaure des retraites obligatoires, par capitalisation, financĂ©es par des contributions de l’État, des employeurs et des travailleurs, fixe Ă  65 ans l’ñge de liquidation de ces retraites. Cet Ăąge est abaissĂ© Ă  60 ans par une loi de 1912. Au Royaume-Uni, les lois du XXe siĂšcle sur les usines ne limitent le temps de travail que pour les femmes et les enfants. La directive europĂ©enne de 1993 prĂ©citĂ©e, plus favorable que le droit en vigueur, y est d’autant plus dĂ©criĂ©e que, pour s’y conformer, la loi sur les rĂšgles de temps de travail (Working time regulations) a accordĂ© 4 semaines de congĂ©s annuels aux salariĂ©s Ă  temps plein, soit 20 jours auxquels s’ajoutent 8 jours fĂ©riĂ©s et chĂŽmĂ©s. Auparavant, selon le rapport de M. Le Garrec, « en 1994, parmi les salariĂ©s Ă  temps plein, plus d’un quart des hommes et un peu moins de 10 % des femmes travaillaient, en Grande-Bretagne, habituellement plus de 48 heures par semaine... De mĂȘme, environ 10 % des salariĂ©s ne bĂ©nĂ©ficiaient d’aucuns congĂ©s payĂ©s et 18 % bĂ©nĂ©ficiaient de moins de trois semaines de congĂ©s payĂ©s. » (1) http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/970512.asp
  • 36. — 36 — 5. Des limites mĂ©thodologiques qui rendent plus difficiles les comparaisons internationales a. Plusieurs dĂ©finitions de la durĂ©e du travail rendent les comparaisons internationales peu pertinentes  La notion de « durĂ©e du travail » est complexe Ă  dĂ©finir, Ă  mesurer et Ă  interprĂ©ter. La premiĂšre dĂ©finition possible du temps de travail est la durĂ©e « lĂ©gale » du travail. En France, elle correspond depuis 2002 Ă  35 heures hebdomadaires, ou Ă  1 607 heures annuelles pour toutes les entreprises. Il s’agit d’une durĂ©e de rĂ©fĂ©rence pour le travail Ă  temps complet, un seuil au-delĂ  duquel les heures supplĂ©mentaires sont calculĂ©es. Certaines branches d’activitĂ© dĂ©rogent nĂ©anmoins Ă  cette durĂ©e lĂ©gale : par exemple, la convention collective nationale des salariĂ©s du particulier employeur fixe la durĂ©e de travail Ă  quarante heures hebdomadaires pour un salariĂ© Ă  temps plein. La durĂ©e du travail gĂ©nĂ©ralement retenue pour mener Ă  bien les enquĂȘtes relatives au temps de travail en France est la durĂ©e « effective » du travail. CalculĂ©e sur la journĂ©e, la semaine, le mois ou l’annĂ©e, elle est dĂ©finie Ă  l’article L. 3121-1 du code du travail comme « le temps pendant lequel le salariĂ© est Ă  la disposition de l’employeur et se conforme Ă  ses directives sans pouvoir vaquer librement Ă  ses occupations personnelles ». Pour les statisticiens, la durĂ©e annuelle effective renvoie au temps rĂ©ellement consacrĂ© par les personnes Ă  leur activitĂ© professionnelle au cours d’une annĂ©e. Depuis 2003, les enquĂȘtes de la Direction de l’animation de la recherche, des Ă©tudes et des statistiques (DARES) utilisant la durĂ©e annuelle effective intĂšgrent tous les Ă©lĂ©ments de variation individuelle du temps de travail sur l’annĂ©e (heures supplĂ©mentaires ponctuelles rĂ©munĂ©rĂ©es ou non, congĂ©s, absences, chĂŽmage partiel, grĂšve
). En France, cette durĂ©e est mesurĂ©e directement auprĂšs des mĂ©nages par l’enquĂȘte « Emploi » de l’Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques (INSEE). En complĂ©ment de cette durĂ©e effective du travail peut ĂȘtre dĂ©finie une durĂ©e « collective » de travail, qui mesure l’horaire de travail commun Ă  un groupe de salariĂ©s, par exemple l’horaire tel qu’il est affichĂ© sur le lieu de travail. Elle est gĂ©nĂ©ralement calculĂ©e sur une base hebdomadaire. Enfin, la durĂ©e « habituelle » hebdomadaire de travail mesure la durĂ©e de travail d’un individu lors d’une semaine « normale », c’est-Ă -dire sans Ă©vĂšnement particulier  jours fĂ©riĂ©s, jours de rĂ©duction du temps de travail, absence pour maladie ou formation
 Face Ă  la coexistence de ces diffĂ©rentes dĂ©finitions de la durĂ©e du travail, et si l’on considĂšre que la mesure de la durĂ©e du travail est Ă©galement susceptible de varier considĂ©rablement en fonction du champ considĂ©rĂ© – temps complet, temps partiel, secteur public, secteur privĂ©, etc. , la notion de « durĂ©e du travail » se rĂ©vĂšle particuliĂšrement sujette Ă  controverses.
  • 37. — 37 — La DARES a ainsi attirĂ© l’attention sur les risques engendrĂ©s par l’existence de ces diffĂ©rentes dĂ©finitions dans une publication de juillet 2013 : « selon le champ (salariĂ©s, non-salariĂ©s, ensemble des actifs occupĂ©s), le temps de travail (temps complet, temps partiel, toutes durĂ©es du travail) et le concept mĂȘme de durĂ©e, en particulier lorsque la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence est hebdomadaire (durĂ©e lĂ©gale, collective, effective ou habituelle), les mesures peuvent donner des rĂ©sultats trĂšs diffĂ©rents et mener Ă  des comparaisons plus ou moins pertinentes » (1).  Les comparaisons internationales sont peu pertinentes Plusieurs enquĂȘtes internationales s’attachent Ă  comparer les durĂ©es du travail entre les États. Cependant, en raison de l’impossibilitĂ© de s’accorder sur une dĂ©finition de la durĂ©e du travail et des limites mĂ©thodologiques inhĂ©rentes Ă  l’exercice de la mesure du temps de travail, l’établissement de comparaisons internationales sur la durĂ©e du travail s’avĂšre trĂšs dĂ©licat. Un exemple de la difficultĂ© de comparer les durĂ©es du travail entre pays (2) Selon l’enquĂȘte LFS, la durĂ©e annuelle effective des salariĂ©s Ă  temps complet en Allemagne est l’une des plus Ă©levĂ©es de l’Union europĂ©enne, Ă  1 898 heures en 2010 contre 1 672 heures en France. Or la DARES a montrĂ© que cet Ă©cart de prĂšs de 230 heures est nettement supĂ©rieur Ă  l’écart constatĂ© entre les durĂ©es habituelles hebdomadaires, qui s’élĂšvent respectivement Ă  39,4 heures en France contre 40,6 heures en Allemagne, d’oĂč un Ă©cart de 62 heures sur la durĂ©e annuelle effective. L’analyse de cet Ă©cart rĂ©vĂšle des diffĂ©rences significatives entre les absences prises en compte durant la totalitĂ© de la semaine de rĂ©fĂ©rence. D’aprĂšs les dĂ©clarations des salariĂ©s Ă  temps complet dans les LFS en 2010, 14,8 % des salariĂ©s Ă  temps complet en France se dĂ©claraient absents durant la totalitĂ© de la semaine de rĂ©fĂ©rence, contre 9,8 % en Allemagne. Parmi eux, 70,9 % l’étaient pour raison de congĂ©s en France, contre 52,9 % en Allemagne, cet Ă©cart de taux reprĂ©sentant 5,4 semaines de congĂ©s en France, soit deux fois plus que pour l’Allemagne. Mais l’ampleur de l’écart constatĂ© sur les congĂ©s peine Ă  trouver une explication naturelle, puisqu’il excĂšde les diffĂ©rences de congĂ©s lĂ©gaux ou conventionnels entre les deux pays. Parmi les pistes d’explication avancĂ©es par la DARES, le mode d’interrogation des mĂ©nages dans les enquĂȘtes LFS menĂ©es dans chacun des deux pays pourrait ĂȘtre Ă  l’origine de l’écart inexpliquĂ©, ce qu’a confirmĂ© l’audition du directeur gĂ©nĂ©ral de l’INSEE, M. Jean- Luc Tavernier. Parmi les enquĂȘtes internationales les plus exhaustives, l’Organisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomiques (OCDE) publie dans les Perspectives de l’emploi des donnĂ©es sur la durĂ©e du travail pour l’ensemble des salariĂ©s (Ă  temps plein et Ă  temps partiel), en se fondant sur les donnĂ©es transmises par les comptes nationaux des trente-quatre États membres de l’Organisation. Or le recueil de ces donnĂ©es s’apparente davantage Ă  une « base de donnĂ©es » qu’à un vĂ©ritable travail statistique, car l’OCDE n’harmonise pas les mĂ©thodes de calcul (1) DARES, « La durĂ©e du travail des salariĂ©s Ă  temps complet », Analyses n°47 (juillet 2013). (2) Exemple tirĂ© de la publication de la DARES Analyses n°47 (juillet 2013).