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Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 1
FRANÇAISES, FRANÇAIS, ETC.
L’INNOVATION ENTRE LES LIGNES
ÉVOLUTIONS
FRANÇAISES, FRANÇAIS, ETC.
(R)ÉVOLUTIONS
5
(I)NTRODUCTION
“Toute crise n’a que deux solutions : la régression ou
l’imagination” expliquait le philosophe Edgar Morin
lors de la 17ème édition de l’Académie des entrepre-
neurs en novembre 2013. De quoi éclairer les propos
sur le déclin français, qui le disputent aujourd’hui à
une profusion d’articles et de communications s’atta-
chant chacun à leur manière à montrer combien l’inno-
vation ouvre un champ des possibles quasi infini.
Les récentes révolutions sociétales, économiques et
technologiques nous projettent en effet dans un pro-
cessus d’une vitesse inégalée dans l’histoire de l’huma-
nité.
Portée par des outils et des technologies appropriés
par les individus, la culture web, horizontale, libre,
coopérative, collaborative, soft, désintermédiée per-
cute de plein fouet les structures classiques de notre
organisation économique, sociale et politique. Les
élites et institutions peinent, des business et des entre-
prises meurent, de nouveaux modes de production, de
fabrication, de consommation et de distribution appa-
raissent. Maîtres en la matière, A. Huxley et H.G Wells
paraissent aujourd’hui dépassés, tant le monde réel
rattrape la science-fiction à une allure folle.
Accélération technologique, vitesse de propagation
des inventions, bouleversement des marchés, exacer-
bation mondialisée des concurrences : notre monde
est aujourd’hui un monde de la rapidité, de l’agilité, de
l’innovation continue. Aucune rente de situation n’est
plus permise : un leadership peut être contesté, ébran-
lé et perdu en quelques mois. Kodak ou Nokia s’ins-
crivent ainsi aujourd’hui en exemples emblématiques
de firmes ayant raté des tournants importants de l’in-
novation. La taille ne suffit plus à assurer et à garantir
une position. Dans une forme de David et Goliath, de
petites start-ups au départ, souples, évolutives, réac-
tives, à l’organisation horizontale taillent des crou-
pières et détrônent parfois de grandes multinationales
à la structure pyramidale moins agiles et plus lentes.
La nouveauté du monde d’aujourd’hui n’est d’ailleurs
pas tant l’innovation en soi que le foisonnement, la
rapidité de création et de diffusion des innovations.
C’est pourquoi, dans ce troisième opus de “Françaises,
Français, etc.” nous avons souhaité nous poser un ins-
tant. Non pas produire une recension supplémentaire,
partielle et forcément partiale des innovations actuelles
ou à venir, mais nous attacher à six champs de l’inno-
vation, seulement six qui, dans la Presse Quotidienne
Régionale comme dans les études de TNS Sofres, se
présentent comme véritablement structurantes pour
notre société et s’annoncent comme de véritables (r)
évolution(s) de toutes nos manières d’être, de faire,
d’agir, de penser, de produire et de consommer.
Le fait pourra étonner mais dans cette compétition de
l’innovation, la France est plutôt (très) bien placée. Et
se positionne en berceau méconnu de start-ups dyna-
miques et innovantes.
Partout sur notre territoire, des entrepreneurs créent,
inventent, innovent. Dans la géographie européenne
de l’innovation, l’Ile de France, Rhône-Alpes, PACA,
Midi-Pyrénées se classent ainsi aux meilleures places
du palmarès sur les critères de dépenses Recherche
et Développement, de brevets déposés ou de publica-
tions scientifiques . Pour la troisième année consécu-
tive, les start-ups françaises sont les plus représentées
au sein du classement Deloitte Technology Fast 500,
qui répertorie les 500 sociétés technologiques de la
zone Europe, Moyen-Orient et Afrique dont le chiffre
d’affaires a le plus progressé depuis cinq ans. En 2013,
86 entreprises françaises font partie de ce palmarès,
contre 71 au Royaume-Uni, 52 en Suède ou encore 27
6 7
en Allemagne. Et c’est une start-up française, Yma-
gis, basée à Montrouge et spécialisée dans le cinéma
numérique, qui est en tête du classement. Trois jeunes
pousses hexagonales viennent d’être primées pour leurs
produits innovants au CES de Las Vegas, la référence
internationale en la matière : Netatmo pour son ther-
mostat connecté, Sen.se pour son système “Mother”,
une sorte de poupée russe permettant de gérer plus de
20 objets connectés en même temps et Medissimo pour
sa boîte à comprimés intelligente. «Le made in France
brille au salon des objets connectés de Las Vegas” sou-
ligne la presse en janvier 2014.
Et si, finalement, l’imagination, l’innovation et son
partage l’emportaient sur le déclin Français ? Dans
l’ère de la défiance généralisée et de la société bloquée,
créateurs et innovateurs amènent de la confiance et de
l’espoir dans le progrès. Malgré la morosité et le pessi-
misme ambiant, trois quarts des Français conservent
confiance dans le progrès et deux tiers d’entre eux anti-
cipent aujourd’hui “que l’on vivra mieux dans 20 ans
grâce aux technologies”. Et start-ups, PME, scienti-
fiques et associations s’imposent de loin, de très loin,
comme les acteurs suscitant le plus de confiance pour
sortir de la crise actuelle . C’est donc bien localement,
au sein des territoires, dans une dynamique mêlant
création entrepreneuriale, expansion des FabLabs,
recherche au sein des laboratoires de scientifiques et
universitaires, et innovations sociales et associatives
que se construisent aujourd’hui les réponses à la crise
et que se posent les fondations du monde de demain.
La Presse Quotidienne Régionale observe chaque jour
ce foisonnement d’initiatives et s’en fait l’écho toute
l’année. Le dynamisme local, producteur de richesses
et d’emplois est un fondamental rédactionnel des jour-
naux quotidiens régionaux. Combien d’articles sur les
Fablabs ? Combien de portraits d’entrepreneurs des
nouvelles technologies ? Combien de dossiers sur les
objets connectés, inventés sur le territoire local et pré-
sentés ensuite à Las Vegas ou Tokyo ? Avant d’être des
réussites internationales, les jeunes pousses Françaises
sont toujours des projets locaux, que la PQR met en
scène et encourage. … La PQR créait il y a 10 ans le
slogan “L’origine de toute chose est locale”. Voilà une
chose qui n’a pas changé !
Observer ces mutations et innovations permanentes
permet aux industriels et annonceurs d’aujourd’hui,
au-delà de l’inspiration qu’ils peuvent en tirer pour
eux-mêmes, de comprendre à quel point le monde de
leurs clients change. Le regard sur la productivité, sur
les objets, est bouleversé. Les attentes en matière de
distribution comme de monétisation sont remis en
cause, challengés. Le monde de la connaissance et de la
communication se fragmentent, créant des interactions
nouvelles. Le regard porté sur les entreprises même, en
tant qu’acteurs sociaux et responsables devient crucial
dans l’adhésion aux produits et aux marques. Com-
prendre ces (R)évolutions que la PQR observe et relate
chaque jour, c’est comprendre que l’innovation est la
clé du succès et de l’attraction de clients qui ont chan-
gé. Et au-delà de l’innovation, que la capacité même
des annonceurs à communiquer et diffuser leur vision
du monde et du changement est la clé de leur pérennité.
Les lecteurs et rédactions de la PQR suivent ces inno-
vations jour après jour. Nous vous souhaitons à notre
tour un agréable voyage dans le futur immédiat !
Guénaëlle GAULT,
Directrice du département Stratégies
d’Opinion,
TNS Sofres.
Jacques HARDOIN
Président de la Commission de la Publicité
Syndicat de la Presse Quotidienne
Régionale
Sommaire
(R)évolution
de nos modes de production	8
		 La joyeuse collectivisation des “Fablabs”	 11
		 Le made in home, ou l’industrie 2.0	 14
		 De la fin du gâchis aux objets éphémères	 16
(R)évolution
de nos espaces physiques
et mentaux	 24
	
		 Génération mobiquité	 27
		Le travail n’a plus d’unité de lieu, ni de temps	 29
		 Desk sharing et soft power	 31
		 La «startupisation»des formes entrepreneuriales	 33
(R)évolution de l’éducation 	 36
		 La connaissance nomade, ou suivre un cours de Stanford au fin fond de la Creuse	 39
		 Polytechnicien sans passer de concours ? 	 41
		 Born to code ?	 43
(R)évolution
du jeu, culture et médiation	52
		 Le jeu vidéo comme fait social total 	 55
		 Gamification ou ludification :
		 la culture gaming du numérique se diffuse à l’ensemble de la société	 56
(R)évolution des objets	 64
		 Le conte du pyjama connecté 	 67
		 De l’hyperconnexion…	 69
		 … à la déconnexion momentanée 	 71
		 Au-delà de la science-fiction, de l’émotion dans la technologie	 73
(R)évolution
de notre rapport à l’argent 	 76
		 Acheter sa baguette avec son smartphone ? 	 79
		 Micro-mécénat et micro-crédit : l’individu co-financeur	 81
		 Des îles Caïman à la monnaie libre	 83
		 Parce que vous le voulez bien : le Pay What You Want, tendance de demain ?	 85
10 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 11
(R)
ÉVOLUTION DE
NOS MODES
DE PRODUCTION
Débarquant dans les rayons
des grands magasins et
les “Fablabs”, l’imprimante
3D nous fait entrer dans l’ère
de l’individu-producteur et
de la production désintermédiée,
personnalisée, décentralisée
et déstandardisée.
14 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 15
LE SUD OUEST DERNIÈRE NOUVELLE D’ALSACE MIDI LIBRE LE SUD OUEST
LA VOIX DU NORD
LE SUD OUEST L’EST RÉPUBLICAIN
L’ÉCHO RÉPUBLICAIN
L’YONNE RÉPUBLICAIN
L’YONNE RÉPUBLICAIN
L’YONNE RÉPUBLICAIN
LE RÉPUBLICAIN LORRAIN
LE SUD OUEST
LE SUD OUEST
LE SUD OUEST
LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE
DERNIÈRE NOUVELLE D’ALSACE
(R)évolution de nos modes productifs 17
Création, co-création, recyclage, re-création… quand les Français redéfinissent le rapport aux objets :
quelles promesses des marques et quelle adaptation des produits en 2014 ?
Aldous Huxley et sa cuisine moléculaire n’appartiennent plus à la science-fiction : l’invention par la NASA d’une
imprimante à pizza permettant, à partir de nutriments et de molécules protéinées, de créer un plat cuisiné tridimen-
sionnel fait entrer le “meilleur des mondes” en pleine réalité. Il est prévu que la machine accompagne les prochains
voyages spatiaux, y compris les plus longs, les nutriments pouvant se conserver pendant… trente ans. Et elle promet
déjà d’autres débouchés : il sera sans doute bientôt possible d’imprimer des steaks (des chercheurs sont parvenus à
créer de la viande artificielle à partir de cellules souches cultivées et d’une imprimante 3D mais, à 250 000 euros,
le coût du burger est encore un peu élevé !) et on peut imaginer, dans un futur peut-être pas si lointain, que chacun
dispose à son domicile d’une imprimante alimentaire pour se constituer son propre régime personnalisé…
La technologie des imprimantes 3D ouvre un champ des possibles quasi-infini, que l’esprit humain a aujourd’hui
du mal à embrasser dans sa totalité. De la nourriture, des organes, des maisons et bientôt même des voitures ? L’im-
primante n’imprime plus mais recrée : bits et octets donnent aujourd’hui naissance à des objets bien concrets.
Et pourraient révolutionner très rapidement nos modes de consommation mais aussi de production.
L’innovation en elle-même n’est pas récente : les impri-
mantes 3D sont en effet utilisées depuis des décennies
dans l’industrie, automobile et aérospatiale notam-
ment. La grande nouveauté, c’est que cette nouvelle
technologie révolutionnaire qui permet de faire des
objets à la maison sera bientôt à la portée de tous.
L’imprimante 3D débarque dans le grand public, avec
des conséquences sans doute encore insoupçonnables.
Le fait est passé inaperçu mais sera peut-être regardé
comme historique par les générations futures : l’impri-
mante 3D est apparue pour la première fois physique-
ment à la vente dans les rayons de la grande distribu-
tion, chez Systême U, pour les fêtes de fin d’année :
de premiers prototypes y étaient accessibles autour de
1500 euros.
Pour ceux qui n’en n’ont pas les moyens ou
s’interrogent encore, un rapide survol de la
PQR en 2013 permettra de comprendre que
les initiatives foisonnent sur tout le territoire
pour diffuser l’innovation et permettre à cha-
cun de se familiariser avec cet objet venu de la
troisième dimension.
Le 27 novembre dernier, La Poste a ainsi
lancé dans trois de ses bureaux sur le terri-
toire un service d’impression 3D à destination
des particuliers et des professionnels, avant
un éventuel déploiement sur l’ensemble du territoire.
Dans le centre commercial d’Aéroville, Auchan offre à
ses clients la possibilité d’utiliser en libre-service des
imprimantes 3D.
A Moirans-en-Montagne, dans le Jura, le musée du
Jouet permet aux enfants de jouer les apprentis desi-
gners et de créer, grâce à une imprimante 3D, leurs
propres jouets. Aidée par les collectivités locales, la
pépinière d’entreprises de Limoux, dans l’Aude, s’ap-
prête à acquérir sa première imprimante 3D.
Partout en France, des Fablabs se créent pour utili-
ser et partager l’innovation, accompagner du simple
bricolage aux projets professionnels ambitieux. C’est
le cas du Technisub de Mulhouse, atelier-laboratoire
mettant à disposition des entreprises les machines et
moyens de réaliser des objets techniques. A Strasbourg
également, où la Fabrique, une usine de 2000 mètres
carrés au cœur de la ville, est mise à disposition des
citoyens. De même que la Filature de Ligugé en Poitou-
Charentes en milieu rural.
Gratuits, organisés en communautés d’utilisateurs, ou-
verts à la créativité et à la fabrication personnelles, vi-
sant à mutualiser des outils technologiques de pointe
pour les rendre accessibles au plus grand nombre et en
améliorer l’usage et les applications par l’intelligence
collective, ces lieux rompent avec la logique capitaliste
de propriété des moyens de production. Ils créent une
forme de collectivisation libre, non idéologique où la
propriété des outils n’est plus le seul apanage des entre-
prises ou des laboratoires institutionnels. Une forme
d’open innovation de masse.
Dans la culture moderne, les Fablabs peuvent se re-
garder comme l’incarnation physique et concrète du
crowdsourcing, c’est-à-dire de la coproduction collec-
tive à partir de l’utilisation de la créativité, de l’intel-
ligence et des connaissances du plus grand nombre.
L’exemple le plus célèbre de crowdsourcing est Wiki-
pédia. Le modèle, restreint jusqu’à présent à la pro-
duction de connaissances, est en train de s’étendre à la
production de biens tangibles et d’objets. Ainsi en est-il
du programme Wikispeed, un projet crowdsourcing de
conception et de construction d’une voiture peu chère,
La joyeuse collectivisation des “Fablabs”
16 (R)évolution de nos modes productifs
(R)évolution
de nos modes de
production
(1)
CES LIEUX ROMPENT
AVEC LA LOGIQUE
CAPITALISTE
DE PROPRIÉTÉ
DES MOYENS
DE PRODUCTION.
18 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 19
Sera-t-il demain aussi facile de fabriquer nos verres,
nos assiettes, nos vêtements qu’il est aisé d’imprimer
des photos aujourd’hui ? Probablement. L’imprimante
3D domestique nous place à l’aube d’une immense
mutation, une troisième révolution numérique disent
certains, après l’ordinateur et Internet.
“Nous en sommes aujourd’hui au même niveau qu’à
l’arrivée du Macintosh sur le marché en 1984”, estime
ainsi, Chris Anderson, geek reconnu, fondateur du
respecté Wired aux Etats-Unis et auteur de Makers
ou la nouvelle révolution
industrielle. “La production
d’objets physiques pourra
se faire de façon très simple.
Au lieu d’acheter une tasse
dépareillée au supermarché
on pourra la faire à domi-
cile, les médecins pourront
produire des prothèses,
implants… La production
des objets sera individua-
lisée” anticipe Jean-Daniel
Fekete, chercheur français en informatique à l’INRIA,
établissement public de recherche dédié aux sciences
du numérique .
Le développement de l’individualisme contemporain
avait orienté les marques vers la personnalisation et la
customisation : des photos de famille sur les mugs aux
chaussures Nike dont on choisit la forme, la couleur
de la semelle et des lacets, chacun pouvait acheter ses
objets personnalisés. L’imprimante 3D va plus loin en
offrant désormais la production même d’objets aux
individus.
Si le bricolage a toujours existé, la grande nouveau-
té réside dans la possibilité de passer à la fabrication
d’objets manufacturés de très bonne qualité. L’impri-
mante 3D et les FabLabs nous font entrer dans l’ère
de l’industrie 2.0, personnalisée, décentralisée et dés-
tandardisée, bref dans l’ère de la production sans
intermédiation. Home made: le fait maison n’est plus
seulement une tendance culinaire à la mode mais peut
potentiellement désormais
concerner une grande partie de
la production industrielle.
Marques et entreprises de-
vaient jusqu’à présent compo-
ser avec l’individu-citoyen et
avec l’individu-consommateur :
il va leur falloir désormais pen-
ser une troisième dimension,
celle de l’individu-producteur.
Certains y voient une véritable
et nouvelle révolution industrielle. C’est notamment la
thèse de Chris Anderson pour qui ce mouvement inno-
vant, high-tech et open-sourcé est en train de débou-
cher sur la création de véritables entreprises, déjà pré-
sentes dans le tissu économique. Car chaque inventeur
est désormais un potentiel entrepreneur. D’autres sont
plus mesurés et pensent qu’on devrait plutôt en rester à
une “brico-industrie”, ou à un “artisanat 2.0”. Quelle
que soit l’ampleur de l’évolution, des marques comme
Playmobil et Lego s’inquiètent déjà. Quid de leur busi-
ness quand chacun chez soi pourra créer et fabriquer
sa propre figurine ou toutes les briquettes possibles et
imaginables 3
?
Les conséquences de cette innovation pourraient, en
tous cas, fondamentalement venir bouleverser notre
modèle marchand traditionnel. Dans l’ère de l’indus-
trie 2.0, plus d’économies d’échelle en effet, puisqu’on
peut créer un objet unique à aussi faible coût que la
production en série. Dans l’ère de l’industrie 2.0, ca-
ducs le copyright et la propriété intellectuelle quand
chacun pourra chez soi créer une multitude d’objets et
quand tous, collectivement et gratuitement au sein des
Fablabs peuvent en inventer quotidiennement.
Les nouveaux usages domestiques ou collaboratifs de
l’impression 3D ont d’autant plus de chances d’être
rapidement appropriés par les individus qu’ils s’ins-
crivent pleinement dans la tendance du Do it your-
self, majeure depuis des années ! La communauté
des makers, désignation générique de tous ceux qui
fabriquent, créent, réparent, remplacent les pièces
cassées et partagent une vision du monde et une phi-
losophie, contre la standardisation, le gâchis, l’obso-
lescence programmée et pour la personnalisation des
objets, la réappropriation des moyens de production,
préexistait à la diffusion des imprimantes 3D. Ces der-
nières vont donc venir s’inscrire comme un outil, un
levier supplémentaire pour recycler, réparer, bref en un
mot, donner une seconde vie aux objets.
Crise, recherche du bon plan et conscience écolo-
gique anti-gaspi se conjuguent pour faire du recy-
clage, du troc, de la revente, du réemploi des objets
et de l’échange de services des pratiques de consom-
mation désormais courantes. Ce qui était encore il y
a quelques années une tendance émergente est devenu
mainstream en s’instituant en norme de comportement
et en véritable fait social. La consommation collabo-
rative, c’est-à-dire le partage, l’échange ou la vente de
biens ou services entre particuliers à l’écart des circuits
classiques n’est plus ni un micro phénomène, ni une
tendance émergente mais devient un comportement
courant de consommation, pratiqué aujourd’hui de
manière régulière par près d’un Français sur deux4
.
Au cours des deux dernières années, trois quarts des
Français ont fréquenté des brocantes et des vides gre-
niers, deux tiers des sites de vente ou d’achat de pro-
duits d’occasion et un sur deux a déjà revendu des
objets qui lui appartenaient, que ce soit sur Internet
ou dans un vide grenier, selon une étude TNS-Sofres5
.
Partout en France, communautés sur Internet (comme
le site collaborative Recycle de Linkedin), associations
et collectivités (le site du Grand Poitiers propose par
exemple un guide du réemploi et référence sur son ter-
ritoire 110 structures permettant d’offrir une seconde
vie aux objets) fédèrent, soutiennent et promeuvent
des initiatives de don, de recyclage, de troc ou de vente,
bref tout ce qui permet aux objets de ne plus mourir…
L’imprimante 3D arrive ainsi indéniablement sur un
terreau favorable et pourrait donc être facilement ap-
propriée par des consommateurs soucieux de consom-
mer autrement, ne pas gâcher et de ne plus jeter parce
qu’une petite pièce est manquante.
Devenue culture dominante, la seconde vie des objets
génère déjà sa propre contre-culture. L’année 2013 a
ainsi clairement été marquée par la création d’objets
éphémères et autodestructeurs. “Demain, les objets ne
s’useront plus, ils s’autodétruiront. Vos meubles dispa-
raîtront dans un nuage de fumée ou se transformeront
en citrouille, et vos vêtements fondront avant même
d’être démodés” : le magazine de l’innovation sur le
web, Soon Soon Soon, a compilé quelques inventions
de cette techno-fugacité. Des étudiants en Université
d’Art et de Design ont ainsi inventé la chaise éphémère
: une chaise dont les joints fondent et qui s’autodé-
truit au bout de huit utilisations. Une maison d’édi-
tion a publié le premier livre qui s’autodétruit. Deux
mois après son ouverture, l’encre s’efface pour laisser
place à une page blanche. Une initiative à l’opposé de
Le made in home, ou l’industrie 2.0 De la fin du gâchis aux objets éphémères
L’IMPRIMANTE 3D
VA PLUS LOIN
EN OFFRANT
DÉSORMAIS LA
PRODUCTION
MÊME D’OBJETS
AUX INDIVIDUS.
peu consommatrice d’essence, rapide et sûre, hors de
tout cadre organisationnel classique, et où les membres
sont tous bénévoles et issus du monde entier.
L’essor des Fablabs, comme le projet Wikispeed,
marquent aujourd’hui l’avènement, par la technolo-
gie, de collectifs de travail productifs, collaboratifs et
informels rompant totalement avec nos modes de pro-
duction habituels. Après avoir bousculé la distribution
traditionnelle, la technologie numérique pourrait bien
aussi radicalement changer la production et l’industrie.
10% TRÈS SOUVENT
30% SOUVENT
37% RAREMENT
14% TRÈS SOUVENT
30% SOUVENT
20% RAREMENT
26% OUI, IL Y A MOINS DE 6 MOIS
11% OUI, DE 6 MOIS À UN AN
10% OUI, DE 1 AN À 2 ANS
9% OUI, IL Y A PLUS DE 2 ANS
VOUS EST-IL DÉJÀ ARRIVÉ
DE VENDRE UN PRODUIT,
UN OBJET DONT VOUS NE
VOUS SERVIEZ PLUS ?
Méthodologie
Etude réalisée par téléphone du 30 mai au 6 juin 2012 sur un échantillon de 1003 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus.
toutes les numérisations en cours, et notamment celles
de Google, visant à rendre éternel le patrimoine litté-
raire de l’humanité. Et, au plan mondial, le succès de
Snapchat, 40 millions d’usagers pour 400 millions de
messages, ce réseau social basé sur l’autodestruction
des messages photos que vous envoyez, fait déjà pré-
dire à certains l’émergence d’un Web de l’éphémérité.
Un jeu sur l’éphémère sur lequel pourraient capitaliser
les marques en leur permettant de contourner le besoin
toujours plus affirmé de recyclage ?
OUI
OUI
OUI
AU COURS DES DEUX DER-
NIÈRES ANNÉES, AVEZ-VOUS
FRÉQUENTÉ DES SITES
DE VENTE OU D’ACHAT DE
PRODUITS D’OCCASION SUR
INTERNET?
AU COURS DES DEUX DERNIÈRES
ANNÉES, AVEZ-VOUS FRÉQUENTÉ DES
BROCANTES, VIDES GRENIER?
22 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 2322 2322
(R)
ÉVOLUTION
DE NOS ESPACES
PHYSIQUES
ET MENTAUX
La société mobile et connectée
offre le don d’ubiquité aux indivi-
dus. La “mobiquité” décloisonne nos
espaces, fait éclater l’unité spatio-
temporelle du travail. Et reconfigure
le management, l’espace et l’archi-
tecture même des entreprises, sur le
modèle “horizontal” des start-ups.
26 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 2726 (R)évolution de nos espaces physiques et mentaux 	 (R)évolution de nos espaces physiques et mentaux 27
LE SUD OUEST
LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE
LE SUD OUEST
LE COURRIER PICARD
MIDI LIBRE
LE COURRIER PICARD
LA VOIX DU NORD
LE RÉPUBLICAIN LORRAIN LA PROVENCE
LE SUD OUEST
LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE
LA PROVENCE
LA PROVENCE
LA PROVENCE
LA MONTAGNE DNA LE SUD OUEST
LE MAINE LIBRE
DNA
28 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 	 (R)évolution de nos modes productifs 29
Co-working, mobiquité, desk sharing, nearshoring… ou quand le défi de l’adaptation aux nouveaux modes de vie
des Français touche l’entreprise. L’innovation sociale, RH, peut créer l’adhésion à l’entreprise, à son image corpo-
rate, et devenir un enjeu central de communication, de recrutement, d’image… et de productivité.
Les dead drops, vous connaissez ? Ce sont de drôles de clefs USB cachées dans la ville, sorte de fusion entre
street art et monde digital. Elles se trouvent sous un banc, derrière une statue, incrustées dans un mur, sous un
pont ou un porche… Une fois dénichées, on y connecte son téléphone ou son ordinateur pour télécharger un
contenu “surprise” de façon anonyme, et bien évidemment, gratuite. Musique, articles, vidéos documentaires,
photographies... Des échanges dont chacun est acteur, en ajoutant ses propres fichiers sur la clé ou en installant
son dead drop personnel, selon la procédure disponible sur le site collectif du projet, deaddrops.com.
Inventé par l’artiste allemand Aram Bartholl, le Dead Drop, version moderne et numérique de la “boîte aux
lettres mortes” - ces caches utilisées par les espions pendant la guerre froide pour échanger des informations
secrètes - a démarré à New York pour ensuite essaimer dans le monde entier. De la Normandie à Honolulu, de
Dakar à Barcelone, de Londres à Lyon, il y a aujourd’hui plus de 1100 dead drops cachés dans les interstices
urbains.
Le Dead Drop est un magnifique révélateur du nou-
veau monde. Il incarne la circulation de l’information
mondialisée. Il porte intrinsèquement des valeurs mises
en avant par le numérique : gratuit, ouvert, collabora-
tif, horizontal et de pair à pair. Il est aussi significatif
du partage du réseau et du décloisonnement des fonc-
tions assignées aux espaces, parcourus désormais par
des usages multiples et transversaux, le pied d’un pont
ou une marche d’escalier devenant presque un lieu de
culture, en tout cas un espace d’accès à de l’informa-
tion.
En un mot, il symbolise la “mobiquité”, pour re-
prendre l’expression forgée par Xavier Dalloz à partir
des termes de mobilité et d’ubiquité. Mobiquité qui
signifie la capacité d’un individu mobile à être à plu-
sieurs endroits à la fois et à avoir désormais accès à
n’importe quel contenu, n’importe où et à n’importe
quel moment (le concept anglo-saxon d’ATAWADAC,
any time, anywhere, any device, any content).
Rien moins qu’un fondamental décloisonnement de
nos espaces physiques et mentaux. Equipée de son
smartphone, de sa tablette, ou de son Transformer, la
“génération mobiquité” peut à la fois travailler sur un
dossier, répondre à un email, partager une information
avec ses followers, envoyer une photo à son réseau tout
en acceptant une invitation à une réunion virtuelle tout
en transférant de l’argent sur son compte mobile…
Une nouvelle forme de nomadisme qui pourrait bien
devenir norme demain.
La mobiquité révolutionne déjà les stratégies marke-
ting : par un, et un seul message sur Twitter, et grâce à
sa fanbase, Beyoncé est parvenue à vendre en un jour
430 000 exemplaires de son nouvel album sur iTunes
aux Etats-Unis et à se classer en tête des ventes du site
dans 112 autres pays !
Au-delà de cette anecdote, et plus profondément en-
core, la mobiquité est en train de bouleverser et de re-
configurer la forme, l’espace, l’architecture même des
entreprises et des relations de travail en leur sein.
Sous l’effet de la tendance à l’individualisation et de la
mobilité connectée, les cadres traditionnels du travail
sont en effet ébranlés. Qu’ils s’agissent du lieu phy-
sique, de la temporalité, de la hiérarchie, du manage-
ment ou des frontières mêmes de l’activité travail.
Travail en mobilité, travail à distance, travail “débor-
dé” en dehors des heures de bureau, émergence de nou-
veaux lieux (espaces de co-working en expansion sur
tout le territoire, cafés wifi…), créent un véritable écla-
tement spatial qui, en s’affranchissant de plus en plus
du bureau, devient “ubiquitaire”.
Il peut désormais s’effectuer “en tiers lieu” (traduit
de l’anglais the third place), c’est-à-dire au sein d’un
espace qui n’est ni le bureau, ni la maison.
Parmi 4 109 centres d’affaires, bureaux partagés, es-
paces de co-working et télécentres, le site eworky per-
met aujourd’hui de trouver “le meilleur endroit pour
travailler partout en France”.
Sur le modèle de ce que fait Régus à Amsterdam, la
SNCF prépare en gare du Mans son premier espace de
co-working.
Soutenu par la Région, le site “la coopérative des Tiers
lieux” recense les endroits et initiatives permettant de
travailler autrement en Aquitaine.
L’éclatement est également temporel : dans l’ère de la
mobiquité, sphère privée et professionnelle se mêlent,
s’interpénètrent et se confondent de plus en plus.
L’équipement personnel autorise les communications
privées au bureau, de même que la mobilité du travail
et l’accès au cloud de l’entreprise favorisent le travail à
domicile. L’interpénétration se joue dans les deux sens,
requérant une véritable agilité temporelle de la part des
individus.
Dans ce contexte, les frontières entre travail, activité, et
non-travail s’estompent, au point de quasi disparaître.
Certaines entreprises comme, en France, Décathlon ou
Leroy-Merlin, ont bien compris cette évolution en pro-
Génération mobiquité
Le travail n’a plus d’unité de lieu, ni de temps
28 (R)évolution de nos modes productifs
(R)évolution de nos
espaces physiques
et mentaux
(2)
ENCOURAGER LES NOUVELLES
FAÇONS DE TRAVAILLER (TÉLÉ-
TRAVAIL, NOMADISME) :
UN PARI D’AVENIR ?
OUI 83%
NON 17%
LE RÔLE FUTUR DES LOCAUX D’UNE ENTREPRISE
DANS SA CAPACITÉ À CRÉER UN ENVIRONNEMENT
DE TRAVAIL AGRÉABLE ET MOTIVANT
7% MOINS QU’AUJOURD’HUI
29% AUTANT QU’AUJOURD’HUI
64% DAVANTAGE QU’AUJOURD’HUI
47%
36%
OUI, TOUT À FAIT
7%
64%
29%
6%
11%
AUJOURD’HUI, DANS UN SOUCI DE RENTABILITÉ, D’ÉCONOMIE ET D’OPTIMISATION DES ESPACES DE TRAVAIL,
CERTAINES ENTREPRISES FONT DES PARIS. POUR CHACUN, DITES-MOI SI VOUS PENSEZ QUE C’EST LÀ UN PARI D’AVENIR.
QUEL EST LE MEILLEUR ENDROIT POUR FAIRE UNE RÉUNION INFORMELLE ENTRE COLLÈGUES ?
GLOBALEMENT, DANS 10 ANS, LES LOCAUX D’UNE ENTREPRISE JOUERONT UN RÔLE… ?
Méthodologie
Etude réalisée par internet du 15 au 17 octobre 2013 sur un échantillon de 1005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 ans et plus.
Méthodologie
Etude réalisée par internet du 15 au 17 octobre 2013 sur un échantillon de 1005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 ans et plus.
42%
13%
11%
6%
5%
5%
16%
À LA CAFÉTARIA
LE COULOIR
LE COIN FUMEUR
LE COMITÉ D’ENTREPRISE
LE LOCAL IMPRIMANTE
LE PARKING
AUTRES ENDROITS
NON, PLUTÔT PAS
NON, PAS DU TOUT
OUI, PLUTÔT
32 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 33
posant, en leur sein, des infrastructures et des services
de loisirs. En plus de ses salles de sports, de musique,
de cinéma, ses crèches intégrées, Google permet à ses
développeurs de consacrer 10% de leur temps de tra-
vail à des projets personnels. Une manière d’inciter les
salariés à rester créatifs et innovants, pour le bénéfice
de l’entreprise.
Conjugués au coût du foncier, ces nouvelles manières
de travailler reconfigurent l’espace même des entre-
prises.
Faisant le constat que dans certaines régions le taux
d’occupation des bureaux par les salariés oscille entre
50% et 60%, de plus en plus d’entreprises s’engagent
dans le desk sharing, c’est-à-dire le partage de bureaux.
Finie peut-être l’image classique du bureau avec son
mug, les photos de ses enfants et ses armoires de dos-
siers. Pour des raisons de coût et d’adaptabilité, le desk
sharing émerge comme une tendance montante. Dans
le secteur informatique, la banque ou encore l’assu-
rance, la dématérialisation du bureau gagne du terrain.
Pour des raisons culturelles, la France reste toutefois
en retard par rapport aux anglo-saxons. Chez nous,
la taille du bureau demeure encore largement perçue
comme un statut et un signe de position hiérarchique…
Une hiérarchie fortement contestée et ébranlée par la
génération mobiquité. Les pratiques managériales se
trouvent en effet profondément remises en question
par la déspatialisation du travail, la prise d’autono-
mie des travailleurs, l’extension de l’écosystème des
collaborateurs (élargi à un réseau de partenaires, four-
nisseurs, prestataires, etc.) et la difficulté croissante à
mesurer “un temps de travail productif”, de plus en
plus intimement mêlé à l’ensemble des temps de vie.
Avec la mobiquité, l’entreprise s’est également éten-
due. De plus en plus de fonctions ont été externalisées
et le nearshoring (externalisation de l’activité vers des
personnes travaillant depuis chez elles, pour faire bais-
ser les coûts) est en constant développement. L’entre-
prise (re)compose ses équipes au gré des besoins des
“projets” sur un mode horizontal. Des partenaires et
fournisseurs sont associés à la conduite de projets, à la
conception d’innovation et à la production. Le salarié
n’est plus le seul “statut” de l’ensemble des parties pre-
nantes de l’entreprise.
Dans ce contexte, le “hard management” risque bien
d’avoir vécu : inadapté à l’époque, l’autoritarisme s’est
ringardisé dans les rapports hiérarchiques. De même
les entreprises se rendent progressivement compte
qu’en privilégiant le confort et le bien être des équipes,
elles augmentent leur productivité. Le management
moderne s’oriente ainsi vers une forme de gestion
douce, un soft power, pour reprendre un concept dési-
gnant la capacité d’une nation à faire valoir sa puis-
sance par des moyens non coercitifs au sein des rela-
tions internationales. Le soft management promeut le
dialogue plutôt que la contrainte, l’explication plutôt
que l’imposition, et s’attache à créer un environne-
ment et des conditions favorables à l’épanouissement
individuel et au travail collectif. Longtemps oubliés ou
décriés, les managers de proximité font en ce moment
un retour en force dans les organigrammes.
Lorsque Stéphane Richard est arrivé à la tête
d’Orange, une de ses premières décisions a ainsi été de
recruter 180 managers de proximité pour surmonter la
grave crise de management à laquelle l’entreprise était
confrontée. Dans la mécanique du soft management, le
manager de proximité s’impose comme rouage essen-
tiel pour aplanir la relation top/down, favoriser le dia-
logue et valoriser la dimension humaine.
Alors qu’elle n’était que “pratico-pratique” il y a en-
core quelques années, la gestion des locaux devient
aujourd’hui un outil de management. Les entreprises
ont pleinement conscience de cette nouvelle priorité :
selon une enquête TNS Sofres menée auprès de diri-
geants d’entreprises franciliens, 83% font des nouvelles
manières de travailler un enjeu stratégique d’avenir et
63% considèrent que les locaux seront un élément de
plus en plus important à l’avenir pour créer un envi-
ronnement de travail agréable et motivant pour leurs
salariés et collaborateurs6
.
Alain d’Iribarne, directeur de recherches au CNRS,
résume parfaitement ce mouvement, qui éloigne les
entreprises d’une optique exclusivement gestionnaire
de leurs espaces: “les entreprises sont en train de com-
prendre qu’il faut réhabiliter des espaces qui ont long-
temps été déclassés comme les restaurants d’entreprise,
les cafétérias, les jardins, les agoras. Ces lieux de ren-
contre permettent de créer des moments d’échanges
privilégiés, riches et spontanés. C’est important, car si
les gens ne se connaissent pas, ne se comprennent pas,
n’ont pas envie de travailler ensemble, le travail collec-
tif ne fonctionne pas. Il faut restaurer la valeur du tra-
vail informel7
.” Et les études lui donnent raison : la cafete-
ria arrive en tête des citations des salariés comme lieu
le plus approprié pour tenir des réunions informelles
dans leur entreprise et améliorer le travail collectif8
.
Plus le salarié a le sentiment de s’accomplir au tra-
vail, plus il crée de la valeur. L’humain devient alors
le nouveau capital et ses capacités d’apprentissage,
d’innovation, d’adaptation continue, de formation
sont centrales. Ce postulat commence à développer de
nouvelles pratiques de recrutement où la personnalité,
la subjectivité et la créativité comptent autant que le
parcours ou les diplômes.
L’heure est aujourd’hui au pari sur des profils aty-
piques et de nouvelles formes d’intelligence. Depuis
plusieurs années, Bouygues recrute par exemple d’an-
ciens humanitaires au sein de ces équipes. Des doc-
teurs en philosophie ou anthropologie, dont on pen-
sait jusque-là le diplôme sans grande valeur au-delà
des cercles universitaires et académiques, ont de plus
de plus la cote. Privilégiant la compétence, la créativité
et la motivation, le recrutement sans CV pointe son
nez dans les méthodes des DRH.
Auchan vient par exemple de l’expérimenter avec suc-
cès pour recruter ses futurs managers de rayon. A
l’heure de la mobiquité, le management se renouvelle
aussi profondément dans ses pratiques de recrutement.
Internet et la mobiquité viennent ainsi chahuter les
structures pyramidales traditionnelles au profit d’or-
ganisations plus coopératives, plus horizontales, plus
conviviales et plus libres.
Une enquête TNS Sofres auprès de 200 startupers9
révèle que ce qui fait l’ADN de la start-up comme
forme entrepreneuriale innovante c’est bien cela : être
plus libre, plus collaboratif, vivre le travail autrement,
avec la volonté d’innover au cœur et le désir d’être plus
créatif que gestionnaire.
Et au fond, ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est
bien à la diffusion du modèle entrepreneurial et des va-
leurs de la start-up à l’ensemble du tissu économique
et des entreprises : un mouvement de “startupisation”
de l’ensemble des structures d’entreprises.
En France, le siège Europe de Quicksilver à Saint Jean-
de-Luz peut être considéré comme un des plus emblé-
matiques des tendances de l’époque. Bâti sur un terrain
de 11 hectares, les locaux répondent aux normes HQE
et abritent quelques 500 salariés de 15 nationalités dif-
férentes et de 30 ans de moyenne d’âge. Entre mer et
montagne s’élève un ensemble de 5 cabanes, organisées
en arc de cercle autour d’un bâtiment central l’Agora,
et reliées entre elles par des passerelles et une ar¬tère
intérieure. L’organisation spatiale est une nouvelle
fois horizontale et les cabanes accueillent chacune une
marque ou un département, toutes structurées de la
manière suivante : au sous-sol un showroom ouvert sur
l’arc de circulation et aux étages, les créatifs. L’agora,
centre névralgique du campus est un espace de rassem-
blement et de convivialité (bar, restauration, jeux et
espaces de détente). Les espaces de travail sont divisés
en zone open space, en bureaux individuels et partagés.
Une quinzaine de salles de réunion pour travailler en
mode projet et des salles plus spécifiques (studio pho-
to, studio son, atelier d’artistes dédié à la création gra-
phique) sont disponibles. Pendant l’heure du déjeuner,
La “startupisation”
des formes entrepreneuriales
Desk sharing et soft power
POURQUOI UNE START-UP PLUTÔT QU’UNE ENTREPRISE “PLUS TRADITIONNELLE” ?
Méthodologie
Etude réalisée par téléphone et en face à face du 19 au 25 novembre 2013 sur un échantillon de 200 startupers de tous secteurs, dont l’entreprise a au maximum 8 ans d’ancienneté
36%
34%
33%
30% AVOIR UN MODE DE TRAVAIL
PLUS COLLABORATIF,
PLUS D’ÉCHANGES ET DE PARTAGE
POUR ÊTRE LIBRE,
PLUS INDÉPENDANT
AVOIR UN DÉVELOPPEMENT
PLUS RAPIDE, ÊTRE RENTABLE
PLUS RAPIDEMENT
SORTIR DE CODES DU TRAVAIL
TRADITIONNEL, VIVRE LE TRAVAIL
DIFFÉREMMENT
34 (R)évolution de nos modes productifs
les employés de Quiksilver ont le choix des activités de
détente: surf dans les vagues, skate-park, salle de fit-
ness, terrain multi sport ou pause au vert sur les bancs
disposés à cet effet dans le parc.
Dans l’immobilier d’entreprise, le gratte-ciel vertical
symbolisant la puissance (l’arrogance ?) de l’entreprise
n’est sans doute pas mort, mais il devient de plus en
plus “old school” à l’heure de la diffusion grandis-
sante du modèle de campus horizontal et “ludifié” de
la start-up.
36 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 37
(R)ÉVOLUTION
DE L’ÉDUCATION
Être polytechnicien sans passer de
concours ou suivre un prestigieux
cours du MIT du fin fonds de l’Ar-
dèche ? L’essor des MOOC s’offre en
formidable opportunité de démo-
cratisation universelle des savoirs et
de la connaissance. Et va structurel-
lement et durablement changer nos
façons d’apprendre, de nous former
et de mener carrière mais aussi
de socialiser et transmettre à nos
enfants.
40 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 4140 (R)évolution de l’éducation 	 (R)évolution de l’éducation 41
LE PARISIEN LA VOIX DU NORD LA VOIX DU NORD
LE COURRIER PICARD
LA VOIX DU NORD
DNA LE PARISIEN MIDI LIBRE
LA MONTAGNE
LA PROVENCE
LE BIEN PUBLIC
MIDI LIBRE
LA MONTAGNE LE SUD OUEST
MIDI LIBRE
LE RÉPUBLICAIN LORRAIN
LA PROVENCE
42 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 	 (R)évolution de l’éducation 43
MOOC et “anti-écoles” débarquent ! Cette révolution du savoir et de l’éducation n’est pas sans conséquences pour
l’entreprise : formation personnelle et continue, mais aussi stratégies de recrutement et valeur des diplômes. Une
révolution de plus à comprendre.
Qu’aurait dit, ressenti, exprimé un soldat allié pendant la Seconde guerre mondiale si les réseaux sociaux avaient
alors existé ? Une uchronie que vient d’oser le Mémorial de Caen à l’approche du 70e anniversaire du Débarque-
ment, en créant sur Facebook et Twitter le profil d’un jeune Français engagé dans les troupes américaines. Un
moyen innovant pour intéresser les plus jeunes aux destins de ces combattants, leur faire connaître l’Histoire et
leur transmettre la mémoire de ces événements. En la matière, le Mémorial peut capitaliser sur l’expérience réus-
sie du Musée de la grande guerre de Meaux, celle de la création en 2013 d’un Poilu virtuel, pour commémorer le
centenaire de la Première guerre mondiale. Photos, journal de bord, récit du front et des tranchées : avec…98 ans
de décalage, le soldat Léon Vivien a raconté sa vie quotidienne sur «sa» page Facebook, du déclenchement du
conflit à sa mort, le 22 mai 1915/2013. Plus de 63.000 likes pour un total de neuf millions d’internautes touchés
par le profil de Léon: le succès a clairement dépassé les espérances des promoteurs de cette initiative. Et montré
comment le numérique pouvait changer l’éducation, la pédagogie, la transmission et favoriser l’accès aux savoirs et
les apprentissages.
Dans le contexte d’une infrastructure ouverte en permanence à l’innovation, le web est un formidable terrain
d’expérimentation de formats pédagogiques innovants pour la transmission du savoir. Les TedTalks en constituent
une illustration emblématique. Technology, Entertainment and Design, la fondation californienne TED, a créé un
format de conférences visant à diffuser des idées “qui en valent la peine”. Les conférenciers peuvent être des per-
sonnes connues, comme Bill Clinton ou Bono, ou des personnes qui ont simplement des idées ou une expérience à
faire partager. Une seule contrainte : le discours doit durer 18 minutes maximum. Un format revendiqué comme
assez long pour être sérieux et assez court pour garder l’attention du public. Et une idée-force : mélanger des pro-
fils de tous horizons et s’attacher autant à la personnalité et à l’expérience des invités qu’à leurs titres, leurs grades
ou leurs diplômes.
L’EM Lyon Business-School vient d’organiser en novembre dernier une conférence de ce type, qui réunissait des
profils aussi variés et atypiques qu’une alpiniste, un écologiste militant, un grand anthropologue du Collège de
France, une créatrice d’entreprise, un neurobiologiste et un professeur en management stratégique. Tous venus
s’exprimer sur un sujet on ne peut plus large, les “perspectives d’avenir” : 1 500 personnes ont suivies en direct la
conférence par Internet. Depuis 2006, plus d’1,2 milliards de vidéos TED de ce type ont été visionnées sur la Toile.
Imaginez un instant une France où tous les bacheliers
pourraient suivre la formation de leur choix, où il n’y
aurait plus de queues pour s’inscrire au sein des Uni-
versités et où les admissions dans les différents établis-
sements ne se feraient pas en fonction du nombre de
places ou du niveau des élèves mais uniquement en
fonction des vœux de chacun ? L’idée paraît encore
folle à tous points de vue, elle est pourtant déjà en
marche en Californie, où l’assemblée locale a propo-
sé que, faute de place dans les amphis, les universités
publiques de l’Etat valident les cours gratuits suivis
en ligne par les étudiants de chez eux, les désormais
fameux MOOC.
Révolution récente, les MOOC signifient “Massive
Open Online Course”, c’est-à-dire “cours en ligne ou-
vert et massifs”. Le concept se résume facilement : il
s’agit de mettre en ligne un cours en accès gratuit pour
l’enseigner à un maximum d’élèves, où qu’ils soient.
Les MOOC peuvent soit prendre la forme classique
(comme en classe, sauf que la classe est le monde)
d’un cours magistral dispensé par un professeur (on
parle alors de xMOOC), soit être plus collaboratif
dans un espace où sur un sujet chacun vient appor-
ter ses connaissances et sa pierre à l’édifice (on parle
alors de cMOOC). Ils se caractérisent par la gratuité,
l’accès de masse et la forte implication des universités
et des grandes écoles. Bref, à l’heure de la mobiquité, la
connaissance, aussi, devient nomade.
L’avènement des MOOC survient avec la générali-
sation du haut débit. L’histoire retiendra sans doute
comme point de départ de cette révolution du savoir, le
MOOC de l’université de Standford sur l’intelligence
artificielle, qui durant trois mois fin 2011, attira plus
de 150 000 étudiants, provenant de 190 pays différents.
En France, même si le secteur est encore loin d’être
structuré, le MOOC est en plein démarrage. Et 2014
pourrait bien être l’année de son explosion.
L’INRIA vient de lancer un MOOC Lab et toutes
les universités et grandes écoles que compte l’Hexa-
gone (Paris 1, Polytechnique, Centrale, Sciences Po, la
CNAM…) sont en train de s’y mettre, sur leurs sites
et/ou sur de larges plates-formes comme Edunao.
com ou FUN (France Université Numérique), piloté
par le Ministère de la recherche et de l’enseignement
supérieur et qui regroupe les MOOC de Sciences Po,
Polytechnique, Centrale, Mines Telecom, Paris 1, Bor-
deaux 3, Montpellier 2… etc.
Réalisée en septembre 2013, une étude du Ministère de
l’Education Nationale estimait déjà à 10% le nombre
d’étudiants et d’enseignants du supérieur français
ayant déjà suivi ou donné un MOOC. Et une étude
TNS Sofres montre que 57% des étudiants aimeraient
en suivre.
La technologie est ainsi peut-être en train de réaliser
un des plus vieux rêves humains : mettre le savoir à
la portée de tous, en rendant accessibles les cours des
plus prestigieuses universités et institutions d’ensei-
gnement. Elle change radicalement le sens de l’interac-
tion : ce n’est plus à moi de me déplacer physiquement
pour accéder au savoir, c’est lui qui vient à moi, dans
mon ordinateur ou ma tablette, où que je sois et sans
que j’aie à bouger.
Ce que le collège de France ou l’université populaire de
Michel Onfray faisait pour quelques individus ayant
le temps de se déplacer et d’assister au cours, le web le
massifie, l’universalise, le démocratise. La technologie
fait tomber les barrières. Le philosophe Michel Serres
se dit ainsi convaincu que “les nouveaux supports vont
rendre possible un enseignement libéré de toute dis-
crimination économique, sociale, culturelle ou acadé-
mique”10
.
Quoi qu’il en soit de l’avenir, il paraît évident que,
même si toutes leurs potentialités et leurs implications
positives ou négatives n’ont sans doute pas encore été
La connaissance nomade, ou suivre un cours
de Stanford au fin fond de la Creuse
42 (R)évolution de l’éducation
(R)évolution de
l’éducation
(3)
pensées, ils constituent un levier de démocratisation
des savoirs sans doute inégalé dans l’histoire de l’Humanité.
	 (R)évolution de l’éducation 45
DES ÉTUDIANTS
AIMERAIENT SUIVRE
UNE PARTIE DE
LEURS COURS
SUR INTERNET
Méthodologie
Etude réalisée en face à face à domicile du 28 novembre au 2 décembre 2013 sur un échantillon de 1145 individus représentatifs de la population française âgée de 14 ans et plus.
Polytechnicien sans passer de concours ?
Une révolution pour l’école, mais aussi
pour l’entreprise.
Pour Benoît Thieulin, président du Conseil national
du numérique, les MOOC sont aussi une “révolution”
: “après avoir renversé les secteurs de la logistique, de
la musique, de la publicité, ou encore de l’édition, c’est
au tour de l’école et de l’université de connaître les
effets disruptifs de l’Internet avec l’émergence de nou-
velles technologies qui redéfinissent la manière même
de transmettre et partager le savoir”11
.
Etre polytechnicien” sans jamais avoir passé le
concours, voilà ce que permet déjà presque l’école
virtuelle ! Les MOOC vont entraîner un changement
complet dans l’acquisition des savoirs et la gestion de
sa formation, tant initiale que continue. Rien de plus
facile en effet avec eux que d’enrichir ses compétences
tout au long de sa carrière.
De nouveaux acteurs MOOC se positionnent déjà sur
le marché de la formation continue. Pour “apporter
une réponse innovante à l’évolution des besoins de
formation continue en finances”, le groupe français
FirstFinance vient par exemple de lancer le premier
MOOC d’analyse financière, animé par un professeur
d’HEC, et avec validation des acquis. Un site comme
CoorpAcademy se spécialise, lui, dans la mise en ligne
de MOOC, dédiés à la formation professionnelle au
sein des entreprises.
L’école française et l’Education nationale semblent
évoluer bien lentement par rapport aux bouleverse-
ments majeurs induits par le nouveau monde numé-
rique. Alors même que, comme le montre une étude
TNS Sofres, les Français dans leur ensemble et, parmi
eux, les parents d’élèves, jugent le numérique potentiel-
lement extrêmement utile à l’enseignement.
Certes, il existe la spécialité ISN (Informatique et
Sciences du Numérique) en option pour les classes
Terminales scientifiques. Mieux, on peut localement
trouver nombre d’initiatives faisant doucement entrer
l’école dans l’ère de l’éducation 2.0. Différenciation
pédagogique par élève pour des exercices de com-
préhension orale en anglais, travail collaboratif pour
l’élaboration de supports de cours en histoire-géogra-
phie, utilisation de la vidéo pour répéter des exercices
de gymnastiques musculation en EPS : dans certains
lycées en pointe, comme le lycée Kastler de Guebwiller
en Alsace, l’utilisation de tablettes numériques vient
faciliter et enrichir les pédagogies et les transmissions
du savoir.
Mais on reste encore malgré tout loin, très loin de
l’école connectée et de la “smartschool”. Pas facile à
l’évidence de faire changer de direction un mammouth,
même si son environnement extérieur se modifie rapi-
dement ! Et pourtant, les attentes des Français sont
fortes en la matière. Comme le souligne une enquête
TNS Sofres, ils souhaitent que l’enseignement numé-
rique intègre le cursus scolaire le plus tôt possible. Et
que soient dispensés à la fois des enseignements “de
base” (outils bureautique, usage d’Internet…) mais
aussi une maitrise plus poussée du numérique : 64% les
langages de programmation, 62% la façon de produire
des contenus web et même 50% le codage de logiciels.
Savoir “conduire numérique” mais savoir aussi ce qu’il
y a dans le moteur et être en mesure de “penser numé-
rique”!12
L’inertie de l’école française, son retard dans sa capaci-
té à apprendre le numérique et à former aux nouvelles
technologies, fait du coup apparaître de nouveaux ac-
teurs dans le secteur éducatif.
C’est la devise de l’école 42, créée par Xavier Niel, le
fondateur de Free, une école “anti-école”, dédiée au
recrutement et à la formation de talents en informa-
tique, et fondée sur le postulat “qu’on peut ne pas avoir
le bac et pourtant devenir le développeur le plus bril-
lant de sa génération”. L’école est ouverte, entièrement
gratuite et pour tous. Elle ne recrute pas sur diplôme
mais sur la motivation et la «passion” pour la chose in-
formatique. Elle promeut une pédagogie collaborative
et communautaire, en mode peer to peer. Et ne dort
jamais : locaux et moyens techniques sont accessibles
7j/7 et 24h/24. L’école 42 pourrait bien faire sens : face
à un système éducatif français qui a du mal à valoriser
la créativité individuelle et qui prend du retard dans
le processus actuel d’accélération technologique, la
formation au numérique pourrait bien relever de plus
en plus des grands acteurs de l’Internet. Bientôt des
Google Schools en France ?
Révolution encore à ses débuts, les MOOC viennent
s’ajouter à la déjà large palette d’outils fournis par
Internet pour démocratiser l’accès à la connaissance
: encyclopédies, dictionnaires, bibliothèques numé-
riques publiques (Gallica ou Numélyo à Lyon) ou
privées (Google Books), espaces de livres et articles
numériques ou numérisés, archives d’articles et pro-
ductions web (blogs, réseaux sociaux, sites)…etc. Le
web est devenu la plus grosse somme de savoir jamais
constituée dans l’histoire humaine. Les chiffres sont
vertigineux : il y a aujourd’hui 23 millions d’articles
sur Wikipédia, publiés dans près de 300 langues et
20 millions d’ouvrages numérisés sur Google Books.
Diderot et d’Alembert en auraient rêvé, le web le fait !
Born to code ?
46 (R)évolution de l’éducation
DEPUIS 2012, LES ÉLÈVES DE TERMINALE SCIENTIFIQUE PEUVENT CHOISIR LA SPÉCIALITÉ ISN
(INFORMATIQUE ET SCIENCES DU NUMÉRIQUE).
CETTE SPÉCIALITÉ A POUR BUT DE PROPOSER UNE INITIATION À L’INFORMATIQUE ET AUX SCIENCES DU NUMÉRIQUE. AUJOURD’HUI, ELLE
EST PROPOSÉE DANS 752 ÉTABLISSEMENTS ET CONCERNE PLUS DE 10 000 ÉLÈVES.
POUR CHACUNE DES PROPOSITIONS SUIVANTES, DIRIEZ-VOUS QU’IL EST UTILE,
DE LES INTÉGRER DANS L’ENSEIGNEMENT ?
24%
29%
22%
8%
13%
6%
75%ESTIMENT QUE
LA SPÉCIALITÉ
ISN DEVRAIT ÊTRE
PROPOSÉEAVANT
LA TERMINALE
SELON VOUS,
CETTE NOUVELLE SPÉCIALITÉ ISN…
DEVRAIT ÊTRE INTÉGRÉE
À PARTIR DE L’ÉCOLE PRIMAIRE
24%
DEVRAIT INTÉGRÉE
À PARTIR DU COLLÈGE
29%
DEVRAIT INTÉGRÉE AU LYCÉE,
À PARTIR DE LA SECONDE
22%
NE DEVRAIT PAS ÊTRE
UNE OPTION MAIS UNE MATIÈRE
OBLIGATOIRE POUR TOUS
LES ÉLÈVES DE TERMINALE
8%
DOIT RESTER UNE SPÉCIALITÉ
DES CLASSES DE TERMINALES
SCIENTIFIQUES
13%
SANS OPINION
6%
43%
21% 20%
16%
42% 34%
COMPRENDRE
LES LANGAGES DE
PROGRAMMATION
PRODUIRE
ET PUBLIER
DU CONTENU
SUR LE WEB
SAVOIR
CODER LES
LOGICIELS
Méthodologie
Etude réalisée en face à face à domicile du 28 novembre au 2 décembre 2013 sur un échantillon de 1145 individus représentatifs de la population française âgée de 14 ans et plus
PLUTÔT UTILE
TOUT À FAIT UTILE
48 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 49
(R)ÉVOLUTION
DU JEU, CULTURE
ET MÉDIATION
La culture « jeu vidéo » et le gaming issu
du smartphone se diffuse à l’ensemble des
champs sociaux. Le jeu quitte le divertis-
sement, le néo-ludisme devient fait social.
Marques, associations et institutions peuvent
dès lors s’approprier le jeu comme levier com-
portemental, pour susciter de l’implication,
de l’engagement et de la conversion.
52 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 53	 (R) évolution de nos interactions sociales 5352 (R) évolution de nos interactions sociales
NOUVELLE RÉPUBLIQUE LE SUD OUEST LE PARISIEN
LE SUD OUEST
MIDI LIBRE
LA PROVENCE LE SUD OUEST
LE SUD OUEST
LE JOURNAL DU CENTRE
LA VOIX DU NORD
LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE
LE SUD OUEST
LE SUD OUEST
PRESSE OCÉANLE MIDI LIBRE
PRESSE OCEAN
LE SUD OUEST
LA PROVENCE
54 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 	 (R) évolution de nos interactions sociales 55
Gamification, ludification… que veulent dire pour les marketeurs ce goût permanent du jeu et cette culture de la
compétition ludique ? En ligne ou sur plateau, dans la vie ou dans des opérations trans-médias, les fameuses “OP
Spé”, le jeu est devenu un mode de communication incontournable.
Les bonbecs, on les aligne, on les éclate, on les aligne, on les éclate, on les aligne, on les éclate... Près de 80 mil-
lions de personnes dans le monde sont aujourd’hui addicts à Candy Crush, sorte de casse-brique ou de Tétris du
XXIème siècle. À ce jeu ou un autre, on y joue sur son smartphone partout, dans le métro, l’avion ou le TGV,
dans la rue, dans une salle d’attente ou chez soi. On y joue toute le temps, le jeu remplissant le moindre petit
interstice, le moindre petit temps mort dans sa vie sociale ou personnelle… Criminal Case, élu jeu de l’année
2013, est une forme de Cluedo numérique inventé par une start-up française, où il faut trouver le coupable. 10
millions de personnes y jouent quotidiennement sur le réseau social et la start-up, Pretty Simple, qui le produit
connaît la plus forte croissance de l’histoire du Web en France. Le “gaming” est une pratique paradoxale. Elle
est évidemment caractéristique de l’époque et de la mobilité connectée, tout en étant en même temps une ma-
nière de quitter l’hyperconnexion. Pendant que l’on joue on ne répond pas à ses mails, on ne partage rien avec
osn réseau et on ne lit pas les alertes des sites d’info. Le smartphone qui nous relie au monde nous permet aussi
de nous en extraire. Une forme d’évasion douce, volontaire et immédiate, le temps d’un moment. Le “gaming”,
ou l’exemple même de la connection déconnectée, mais pas seulement...
Les phénoménaux succès des jeux révèlent que le phé-
nomène est devenu dans nos sociétés un fait social
total. 44% des internautes mondiaux, soit 703 millions
de personnes, jouent en ligne et deux tiers des Fran-
çais jouent régulièrement aux jeux vidéo, qu’ils soient
on ou off line. Une étude TNS Sofres démontre très
clairement que la pratique des jeux vidéo est devenue
adulte (elle réunit 7 personnes âgées de 25 à 49 ans sur
dix) et interclassiste : elle rassemble presque autant de
joueurs au sein des CSP+ (67%) qu’au sein des CSP-
(62%)13
. Elle n’est plus divertissement ou simple apa-
nage de gamers mais s’est instituée, institutionnalisée
même en véritable pratique culturelle, donc légitime.
Pour preuve : des établissements prestigieux comme
le Musée national des Arts et Métiers (expo Muséo
games en 2011) ou le Grand Palais (expo Game Sto-
ry en 2013) y consacrent de grandes expositions et
les jeux vidéo viennent de faire leur apparition dans
les 13 médiathèques de la Communauté Urbaine de
Strasbourg, avec un espace de “retrogaming”, abritant
consoles “collector” et jeux historiques.
Nous baignons désormais dans une culture du lu-
dique, qui s’immisce au cœur de toutes les interactions
sociales… entre coopération (se passer des indices,
des troupes, des vies…) et compétition (être le meil-
leur, être celui qui est allé le plus loin…), tous ces jeux
renforcent les liens et les interactions entre individus.
On joue à la fois pour soi et pour se challenger avec
les autres. Mobilité connectée et numérique ont ainsi
placé le jeu au cœur de la dynamique sociale, et en ont
fait un moteur contemporain des interactions et des
relations sociales. Dans ce contexte, tout peut deve-
nir ludique, même, et surtout peut-être, les sujets les
plus sérieux. Récemment sortie, l’application Evolu-
tio vient ainsi par exemple “gamifier” l’actualité. Le
principe est simple : on mise sur les mots de l’actu
comme on le ferait sur des actions boursières. Pour
se lancer dans l’aventure, il suffit d’acheter des mots
clés (Zlatan, tempête, Xbox, Hollande….) à partir de
la monnaie virtuelle proposée par l’application. Selon
la récurrence de la présence du mot dans la centaine
de médias source de l’application, des blogs influents
et des tendances de l’actualité, le cours du mot fluctue.
La valeur des mots et le portefeuille des joueurs sont
remis à jour toutes les heures. Autre exemple, la socié-
té Opower, aux Etats-Unis. Elle fournissait jusque-là
un logiciel aux consommateurs permettant de maîtri-
ser leur consommation d’énergie. Rien de très amusant
apriori. Elle vient pourtant d’en faire un jeu : elle a
en effet lancé une application permettant de publier et
donc de comparer avec celle du voisin, sa consomma-
tion d’électricité. “J’économise plus que toi” : à l’heure
du néo-ludisme, sur le réseau social où l’on raconte
sa vie, réduire sa consommation d’électricité s’affiche
désormais comme vertu et se challenge.
Le jeu vidéo comme fait social total
54 (R) évolution de nos interactions sociales
(R)évolution du jeu,
culture et médiation
(4)
Gamification ou ludification :
la culture gaming du numérique se diffuse à
l’ensemble de la société
Faites vos jeux ! Internet et le smartphone ont “gami-
fié», “ludifié” notre société. Salles de jeu, salles de
sports, baby-foot dans les cafétérias : on a décrit dans
les chapitres précédents le mouvement de ludification
des espaces de travail au sein des entreprises, sur le
modèle start-up, parce qu’un salarié détendu est un
salarié plus performant. Avec les “serious games”, les
vertus du jeu sont également de plus en plus exploitées
par les managers, notamment pour favoriser l’engage-
ment et l’implication. Le jeu a quitté le registre simple
du divertissement pour se constituer en mode d’inte-
raction entre les individus. Entreprises, marques, ins-
titutions, associations ont parfaitement saisi ce boule-
versement et s’emparent alors du jeu comme puissant
levier d’implication, d’engagement et de conversion.
Selon le site webmarketing.com : “la ludification est
quer et challenger en entreprise : la gamification
comme stratégie de marques a de multiples avantages.
Selon le site digiworks.fr, plus de 200 marques l’uti-
lisent aujourd’hui dans leurs relations clients ou leurs
modes de management internes. Parmi elles, les grands
médias qui investissent le gaming comme moyen de
rendre plus attractifs leurs programmes et d’attirer
de nouveaux publics. Les “webdocs gamifiés” consti-
tuent ainsi à l’évidence la grande tendance “media”
émergente de l’année 2013. Fort Mc Money, un “jeu-
documentaire” mêlant simulation et vidéos réelles, a
ainsi fait l’événement à l’automne dernier. Cet objet
hybride invite à visiter la ville (réelle) de Fort McMur-
ray, eldorado pétrolier canadien qui tire sa richesse de
l’exploitation pétrolifère des sables bitumineux et met
le joueur, après avoir écouté les différents acteurs de
la cité, en situation de devoir répondre aux questions
écologiques et sanitaires cruciales qui s’y posent.
Arte a renouvelé l’expérience le 15 décembre dernier,
pour accompagner son docu-fiction sur la cathédrale
de Strasbourg, en créant en parallèle sur smartphone,
un webdoc gamifié dans lequel l’internaute joue le
bâtisseur des temps moderne, en ayant pour mission
d’ériger la seconde tour manquante de la cathédrale
de la capitale alsacienne, connue pour n’avoir qu’une
seule flèche. L’apparition des websdocs gamifiés modi-
fient la nature de la création et de la production audio-
visuelles : les projets ne sont plus seulement “multimé-
dias” mais deviennent intrinsèquement “transmédias”.
ainsi le transfert des mécanismes du jeu à d’autres
domaines, avec pour but, en rendant les actions plus
ludiques, d’augmenter leur acceptabilité et l’engage-
ment des personnes qui y participent. Ce processus de
gamification permet ainsi d’obtenir des personnes des
comportements que l’on pourrait considérer sans inté-
rêt ou que l’on ne voudrait ordinairement pas faire,
comme par exemple remplir un questionnaire, acheter
un produit, regarder des publicités ou assimiler des
informations.”
Engagement d’abord : le jeu renouvelle les formes de
participation citoyenne à la vie politique et associative.
A Grenoble ou à Rennes, des associations utilisent le
jeu théâtral pour sensibiliser à la dénonciation des dis-
criminations raciales et sexistes. Sur le modèle latino-
américain du Théâtre de l’Opprimé, ce théâtre forum
met en scène des histoires vécues et réelles de discrimi-
nations. Les spectateurs ont la possibilité d’en arrêter
le déroulement quand ils le désirent pour intervenir sur
scène et jouer leur manière de modifier la situation, en
remplaçant l’opprimé ou en devenant un de ses alliés.
Une forme d’entraînement avant de s’engager dans la
“vraie vie”.
Les “role play” éducatifs et citoyens sont en plein
développement et les exemples fourmillent. A Lille,
une association d’éducation populaire promeut dans
les écoles «Backstagegame», un jeu qui transforme les
jeunes en managers de projet, en leur faisant gérer tous
les enjeux de production d’un concert. Une manière
ludique de les insérer dans les règles du monde du tra-
vail et de leur donner envie, comme le dit la promesse
du jeu de “renouer avec leur radioréveil”.Très utilisé
par les professeurs d’histoire géographie, le jeu Third
world farmer permet lui de sensibiliser les élèves aux
difficultés de l’agriculture vivrière et des petits paysans
dans les pays en développement. Pour faire passer son
message, et inciter les 18-25 ans à se former aux gestes
qui sauvent, la Croix rouge n’a pas hésité à utiliser
dans sa dernière campagne l’univers et l’esthétique du
célèbre jeu vidéo Grand Theft Auto. Elle s’est inspirée
du langage, des mots et des codes mêmes des gamers.
Avec, sur un écran divisé en deux colonnes, à gauche,
la version pour les connaisseurs (“En cas de crash, le
rôle du premier player sur la map est fondamental pour
éviter un wipe”), et à droite, sa traduction en français
(“En cas d’accident, le rôle du premier témoin est fon-
damental pour éviter le sur-accident”.) Signe de l’air
du temps, l’association Animafac refuse de se placer
«dans une démarche moralisatrice ou imposée” pour
promouvoir l’engagement associatif. Elle privilégie
donc la forme ludique pour valoriser le bénévolat, au
moyen, cette fois d’un jeu de société classique «cha-
cun son asso», avec plateau et pion, où les joueurs sont
amenés à se mettre dans la peau d’un militant asso-
ciatif. Sensibilisation, mobilisation : dans la démocra-
tie 2.0, le gaming s’offre comme nouveau levier pour
revitaliser les formes de participation citoyenne à la vie
collective. Et contribue du coup aussi à “ludifier” la
politique : pendant la campagne électorale de 2012, la
quasi-totalité des grands sites d’information proposait
ainsi aux internautes de multiples jeux et quizz pour
savoir pour qui voter et vérifier si leur choix était en
adéquation avec leurs convictions. Comprendre aussi
le mécanisme de report de voix avec la petite applica-
tion de la Fondation pour l’Innovation politique.
Conversion marketing ensuite : le gaming publicitaire
s’impose aujourd’hui comme stratégie de marques et
comme arme de conversion.
L’essayer, c’est l’adopter ? Pour le lancement de sa
nouvelle Juke Nismo, Nissan permet au consomma-
teur d’essayer le modèle… en jouant sur son téléphone.
Chaque joueur de l’ultra populaire Asphalt 7 a la pos-
sibilité de tester la nouvelle voiture en la conduisant
virtuellement, via l’écran de son téléphone. Ce nou-
veau modèle plutôt sportif se retrouve héros d’un jeu
dans lequel sa dynamique et ses performances sont mé-
ticuleusement transposées : une manière “tendance” de
toucher les fans de conduite. Coca et Sony viennent
de s’associer pour créer l’application Coca-Cola Zéro
All Stars Island, qui promeut des jeux gratuits, inspirés
par des héros de la Playstation 3, sur smartphone et
tablette, avec sur chaque interface une publicité pour
la célèbre boisson.
Recruter et fidéliser de nouveaux clients, améliorer
l’image de marque, animer des communautés, impli-
	 (R) évolution de nos interactions sociales 5756 (R) évolution de nos interactions sociales
6-9 ans 10-14 ans 15-24 ans 25-34 ans
PCS+ PCS- INACTIFS
35-49 ans 50+
86%
68%
62%
57%
92%
80%
75%
66%
43%
Méthodologie : Étude réalisée sur internet du 11 au 25 mars 2013 sur un échantillon de 2800 individus représentatifs de la population française âgés de 6 à 65 ans
PÉNÉTRATION DES JEUX VIDÉO PAR CATÉGORIE D’ÂGE
PÉNÉTRATION DES JEUX VIDÉO PAR CATÉGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLE
60 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 61
(R)ÉVOLUTION
DES OBJETS
Le web 3.0 ou 4.0 sera celui
des objets intelligents. Nous entrons
dans le passage d’une société
d’individus connectés à une société
d’objets connectés. Déjà, le “quantify
myself” permet à chacun de monitorer
sa propre santé. La production
de données, à partager ou pas, sera
colossale : c’est le big data.
La technologie n’est plus seulement
créative, elle “s’humanise” en devenant
“sensitive” et “émotionnelle”.
64 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 6564 (R)évolution des objets 	 (R)évolution des objets 65
MIDI LIBRE
LA DÉPÊCHE DU MIDI
LA VOIX DU NORD
LE RÉPUBLICAIN LORRAIN
LE PARISIEN
LE COURRIER PICARD
LE SUD OUEST
LA VOIX DU NORD
LA PROVENCE
LA DÉPÊCHE DU MIDI
LA DÉPÊCHE DU MIDI
LE SUD OUEST
LA PROVENCE LA PROVENCE
66 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 	 (R)évolution des objets 67
Les objets connectés ne sont plus des gadgets. La domotique, Graal des années 70 est aujourd’hui dans nos vies.
Aucun secteur d’activité ne peut s’exempter d’une réflexion sur ce que ces objets peuvent générer en termes de
connaissance comme en termes de relation et de business avec leurs clientèles. Big Data, nous voilà !
L’innovation technologique accélérée nous a déjà fait entrer dans l’époque des objets connectés et le rapport
du Commissariat général à la stratégie et à la prospective consacré à Internet estime ainsi, que d’ici 2020, 50
milliards d’objets “intelligents” connectés pourraient voir le jour. Mais, après 2020, il annonce le développe-
ment “d’une nouvelle génération d’objets plus autonomes et plus intelligents encore, que l’on pourrait qualifier
de robots. À l’internet des objets succéderait ainsi un internet des robots, avec une intelligence plus décentrali-
sée. Ce pourrait être l’époque de la voiture sans chauffeur, l’environnement ayant été équipé dans cette perspec-
tive, mais aussi l’ère des robots domestiques.»
Nous sommes donc subrepticement en train de pas-
ser d’une société d’individus connectés à une société
d’objets connectés. Chaque accessoire de la vie quo-
tidienne sera bientôt raccordé au Net. Avec au centre
de cette vie numérique, le smartphone, qui constituera
le lien intelligent entre les objets connectés et le nuage
informatique et sera le véritable hub de ce nouvel éco-
système. Un smartphone qui reçoit déjà en moyenne
près de 150 “checks” par jour. A l’heure où, en France,
53% des usagers mobiles possède un smartphone et
où plus de trois quarts des nouveaux téléphones por-
tables achetés sont des smartphones, on imagine les
possibles…
La technologie est là et les innovations foisonnent.
Chaque jour, partout sur la planète, start-ups, créa-
teurs et inventeurs développent de nouveaux objets
connectés. Vous êtes en panne d’inspiration le soir pour
raconter des histoires à vos enfants ? Adoptez le smart
PJs ! En flashant les ronds multicolores qui ornent le
tissu de ces beaux pyjamas, de jolis contes pour enfants
se téléchargent instantanément sur votre smartphone.
Vous avez quelques problèmes de surpoids ? Pen-
sez alors à vous munir d’une fourchette électronique.
Invention française, créée par un jeune girondin, elle
analyse, connectée via Bluetooth au Smartphone ou à
l’ordinateur, la manière dont vous mangez (la durée du
repas, le nombre de coups de fourchette et leur inter-
valle) et se met à vibrer si vous avalez trop vite, chacun
sachant que manger lentement est un moyen de lutter
contre le surpoids. Vous êtes un free-rider qui défie les
pentes ? Pensez à coller sur votre anorak le QR Code
d’urgence qui permettra en cas d’accident aux secou-
ristes d’accéder immédiatement à votre dossier médical…
En matière d’objets connectés, la créativité est sans
limite. Nestlé vient par exemple d’inventer le soutien-
gorge connecté, le tweeting bra : à chaque fois que vous
le décrochez, il poste sur le réseau social un message
rappelant aux femmes l’importance du dépistage pour
prévenir les cancers du sein.
Bardé de capteurs et de wearable computing (infor-
matique vestimentaire), pour mesurer mon pouls, mon
rythme de sommeil, mes pas, mes calories…etc., je
peux désormais monitorer ma propre santé. L’entrée
dans la digital Heath a commencé. Les bracelets Fit-
bits comptent les calories que vous consommez et vous
indiquent le nombre restant pour atteindre votre ob-
jectif quotidien.
Le pilulier Adhretech avertit le patient mais aussi son
médecin si les comprimés du traitement sont oubliés
ou ne sont pas pris à l’heure.
Les fibres des vêtements de la société OMSignal in-
tègrent de nombreux capteurs permettant de mesurer
plusieurs paramètres: pouls, respiration, humidité et
température de la peau, humidité et température exté-
rieures, nombre de pas effectués et activité physique.
Le tissu intelligent est capable de calculer des données
physiques mais aussi d’appréhender l’état émotionnel
– stressé, détendu, etc.
Nous voilà au cœur du Quantify myself ! L’idée est
simple : la connaissance numérique en continu de vos
données personnelles et de votre style de vie est un
moyen de mener une existence plus saine et donc plus
longue. Vous étudiez vos courbes, vous regardez vos
chiffres et vous savez ce qu’il vous reste à faire pour
votre santé : monter par l’escalier et non par l’ascen-
seur, descendre du métro une station avant destination
ou vous garer plus loin que prévu pour faire le bon
nombre de pas.
L’application Runkeeper, qui vous donne par audio en
temps réel la distance parcourue et les calories brûlées
pendant votre jogging, a déjà été téléchargée plus de
7 millions de fois dans le monde. Avec les wereables
devices et le monitoring personnel, l’individu s’institue
en objet communicant, avec lui-même bien sûr, mais
aussi avec les autres, son médecin par exemple à qui
il peut transmettre ses données, ou ses amis au sein
du gaming compétitif (qui a brûlé le plus de calories
aujourd’hui ?) qui nourrit aujourd’hui les interactions
sociales… Je ne te dis plus seulement que ce je pense,
ressens ou suis mais te montre aussi ce que les données
objectives peuvent dire de moi.
L’irruption d’objets communicants en grand nombre
va rendre plus “intelligents” un certain nombre d’équi-
Le conte du pyjama connecté
66 (R)évolution des objets
(R)évolution
des objets
(5)
68 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 69
Bienvenue dans le monde hyperconnecté ! Un monde
où les individus et les objets communiquent, et plus
encore où les objets “se parlent” entre eux. Montres
Samsung, mini-drones Parrot, Google Glass, bracelets
Fitbits … la révolution arrive dans tous les secteurs et
force marques et entreprises à rivaliser d’innovations.
Evian vient ainsi d’inventer le smart drop : dans le
cadre du nouveau service evianchezvous.com, testé à
Paris, ce petit magnet en forme de goutte d’eau fonc-
tionnant via une connexion wifi permet de passer com-
mande directement depuis son frigo, en sélectionnant
références et quantités désirées, date et heure de livraison.
Dans l’ère de l’hyperconnexion, les possibilités domo-
tiques deviennent infinies et financièrement beaucoup
plus accessibles, ce qui pourrait bien rapidement révo-
lutionner notre vie quotidienne, à la maison. Régler la
température dans n’importe quelle pièce de la maison
et mettre en route la cuisson du dîner depuis son ca-
napé ; lancer, à distance depuis son lieu de vacances
la lecture d’un film et allumer les lumières pour faire
croire que le lieu est occupé et dissuader les cambrio-
leurs… Déjà les applications domotiques (Domotica,
iMyhome, My home manager) se multiplient.
L’hyperconnexion gagne également l’aménagement ur-
bain. Gestion intelligente des réseaux (eau, électricité,
chauffage), de l’empreinte énergétique des bâtiments,
pilotage à distance de l’éclairage urbain, suivi du tra-
fic, géolocalisation des bus, la ville de demain sera
durable, connectée et intelligente. Abribus intelligent
pour connecter les voyageurs au réseau de transport et
à la ville par l’information digitale, panneau interactif
de quartier permettant de découvrir la ville en réalité
augmentée… des centaines de projets voient le jour sur
tout le territoire.
Un monde où chaque objet de tous les jours serait
équipé d’une technologie d’identification n’est plus
très loin et fait déjà rêver les marketeurs ! Aux Etats-
Unis, Mondelez vient d’inventer la smart étagère ou
le rayonnage intelligent. Des détecteurs sont installés
sur les rayons des magasins, permettant d’identifier
l’âge, le sexe du consommateur et les produits qu’ils
regardent. Imparable pour emmagasiner des trésors
d’informations sur les habitudes d’achat et ajuster en
retour sa réponse publicitaire et commerciale ! Avec
son rayon intelligent, Mondelez pose déjà sans doute
les bases de la customisation marketing de demain.
Les Google car auraient déjà fait 800 000 kilomètres en
Californie sans provoquer d’accidents. Seul problème :
la Google car ne sait pas encore réagir face aux signes
que lui fait un argent de la circulation !
Trépidant, instantané, rapide, accéléré, réclamant de
gérer en permanence une quantité croissance d’infor-
mation, le monde de l’ultraconnexion peut être fasci-
nant mais également fatigant. Avec votre veste bran-
chée sur le web, vos lunettes à réalité augmentée et
votre sac à main parlant à votre portable, il y a peut-
être un moment où vous aurez envie de couper les fils,
faire une pause. Déjà émergent dans notre vie connec-
tée des applications pour vous déconnecter.
Votre amoureux ne cesse de consulter les résultats de
la 24ème journée de ligue 1 le soir où vous l’avez invité
à dîner pour fêter la Saint Valentin ? Téléchargez et
envoyez lui I Off You, une application qui déconnec-
tera son portable à l’heure et pour la durée que vous
voudrez.
A Harvard, un jeune étudiant a créé et installé dans
la bibliothèque de l’Université un “WiFi Cold Spot”,
un caisson d’isolement complètement inaccessible aux
ondes de toutes sortes. Addicts aux emails et aux ré-
seaux sociaux peuvent s’y ressourcer. A l’intérieur, des
petites lumières suggérant une nuit étoilée s’allument,
un cadre propice à la détente, à la mise entre paren-
thèse de sa vie digitale et au relâchement de la pression
numérique.
En France, au moment où les accès WIFI sont en plein
essor dans tous les lieux publics, des chercheurs de
l’Institut Polytechnique de Grenoble viennent d’inven-
ter le papier peint déconnecté, dont la composition
en particules d’argent permet de bloquer les ondes
électromagnétiques. Initialement, l’invention visait à
empêcher les connexions pirates des voisins à d’autres
box, mais des études consommateurs ont démenti ce
besoin et montraient qu’elle répondait surtout à une
demande de déconnexion et de protection à l’égard des
ondes wifi et de téléphone portable.
Demain, dans le monde de l’utraconnnexion, les restos
et spots “wifi-free” pourraient bien devenir tendances.
Pour vivre un moment mais pas plus, dans un terri-
toire, physique et mental, déconnecté.
Car la déconnection n’est pas une alternative radicale
à la connection mais bien plus un temps, une manière
de faire avec le monde connecté. C’est la conclusion
principale de la grande et passionnante enquête eth-
nographique réalisée par quatre chercheurs en sciences
de l’éducation et de la Communication pour la Fédéra-
tion Française des Télécoms14
: “il n’y a pas de monde
numérique unique : c’est le monde de chacun qui est
tramé d’usages numériques qui lui correspondent.
Cette intrication ne se comprend bien que dans une
logique paradoxale : si de nombreux moments de vie
font éprouver une continuité entre soi et les techno-
logies numériques, “être connecté” revient pourtant
à faire l’expérience de la discontinuité. Loin du fan-
tasme de la déconnexion radicale, pour rendre leur vie
connectée vivable, les utilisateurs procèdent à d’inces-
santes petites déconnexions et font se succéder les mo-
ments avec et les moments sans.»
Ainsi, technologies et innovations foisonnantes font
tomber une à une les barrières entre réalité et (science)
fiction. Personne n’a encore pris la véritable mesure
des objets connectés que s’annonce déjà l’arrivée de
robots encore plus intelligents et “humains”. L’artiste
Patrick Tresset a ainsi imaginé Paul, un robot capable
de réaliser le portrait d’un modèle à partir de l’identi-
fication de son visage par ordinateur, avec les mêmes
imperfections que le coup de crayon humain. La tech-
nologie devient ainsi “émotionnelle” et “sensitive”.
Soutenue par la région Aquitaine, une équipe d’uni-
versitaires bordelais vient quant à elle d’inventer et
de créer Culturewok, le premier moteur de recherche
culturel émotionnel et sensitif. L’internaute fait varier
toute une série de curseurs selon ses envies et sa sensibi-
lité du moment. Le moteur lui indique alors les objets
culturels (livres, films, musiques…) qui correspondent
le mieux à son état émotionnel. Les médiathèques lo-
cales, à Saint Jean de Luz ou Mérignac par exemple,
l’ont déjà adopté. Déshumanisée la technologie ? Dans
l’ère de l’ultra-connection, et de l’ultra-innovation,
l’ancestrale opposition entre l’austérité glacée de la
technique et la sensibilité émotive de l’Homme pour-
rait bien être battue en brèche.
De l’hyperconnexion…
… à la déconnexion momentanée
Au-delà de la science-fiction, de l’émotion
dans la technologie
pements et produire une nouvelle masse de données
issues des capteurs de toute sorte présents dans ces ob-
jets. Le fameux big data. A chacun, ensuite, de décider
de partager, ou pas, cette infinité de données… et aux
annonceurs de déployer les objets pouvant générer un
feed-back de la part de leurs consommateurs.
70 (R)évolution de nos modes productifs
72 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 73
(R)ÉVOLUTION
DE NOTRE RAPPORT
À L’ARGENT
La traditionnelle carte bleue pourrait bien
avoir vécue avec le développement du por-
tefeuille numérique et les premiers essais de
paiement par reconnaissance faciale ou ges-
tuelle. Le crowdfunding, l’essor des monnaies
libres ou encore l’émergence du Pay What
You Want viennent également transformer
radicalement les modèles de business et les
circuits de financement et de distribution.
76 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 77	 (R) évolution de nos interactions sociales 7776 (R) évolution de nos interactions sociales
OUEST FRANCE LA PROVENCE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE LA PROVENCE DNA
LA PROVENCE
MIDI LIBRE
LE RÉPUBLICAIN LORRAIN
LE SUD OUEST
LE SUD OUEST
LE SUD OUEST
LE COURRIER PICARD
LE MAINE LIBRE
DNA
DNA
LA VOIX DU NORD
78 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 	 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 79	 (R)évolution de nos modes productifs 79
Une double Révolution pour les banques et la distribution : repenser le rôle des guichets, agences, points de vente et
autres show-rooms, mais aussi s’interroger sur le besoin de démonétisation et un rapport à l’argent largement modi-
fié, symptôme d’une vague plus profonde de remise en question de la société transactionnelle traditionnelle.
Qu’elle soit Gold, Platinum ou Premier, la carte bleue pourrait devenir ringarde, caduque, dans le monde de
demain. Consultation de ses comptes et virements en ligne, chat depuis son ordinateur avec un conseiller, alertes
SMS… la technologie a déjà considérablement modifié, en le fluidifiant et en le facilitant, le rapport des banques
à leurs clients. Le mobile banking est déjà très largement entré dans les mœurs et les comportements.
Selon une étude TNS SOFRES, deux tiers des détenteurs de smartphone l’utilisent pour réaliser des opérations
bancaires et déjà 30% des utilisateurs de tablettes ont téléchargé l’application de leurs banques15
.
Après la banque mobile, la transformation de nos
manières de payer s’annonce déjà. La technologie de
communication de données sans contact fait office de
mini-révolution dans le monde des terminaux mobiles
et promeut le téléphone portable comme outil de paie-
ment.
En collaboration avec plusieurs grandes banques et
VISA, Orange vient ainsi de lancer Orange Cash :
une application qui permettra aux abonnés détenteurs
d’un mobile disposant de la technologie NFC de payer
sans contact en magasin. Concrètement, l’utilisateur
téléchargera l’application Orange Cash et créditera
son compte prépayé, à partir de sa carte bancaire. Avec
la technologie sans contact de Visa pré-chargée sur sa
carte Sim, il n’aura plus, pour régler son achat en bou-
tique, qu’à poser son mobile sur le terminal de paie-
ment du commerçant. Le dispositif sera expérimenté
à Strasbourg et à Caen début 2014, avant un déploie-
ment national envisagé au second trimestre.
Autre exemple, la société française Paybyphone offre
aujourd’hui dans certaines villes françaises (Nice,
Vanves, Nîmes, le Havre, Issy-les-Moulineaux, Bou-
logne-Billancourt….etc.) mais aussi à Miami, San
Francisco ou Vancouver la possibilité aux automo-
bilistes de payer leur stationnement avec leur mobile.
Plus besoin de se déplacer physiquement à l’horoda-
teur, ni d’apposer son ticket sous le pare-brise : les
contractuels sont équipés de PDA leur permettant
d’identifier votre stationnement en temps réel.
Mais le smartphone commence-t-il juste à se déve-
lopper comme portefeuille numérique que certains
inventent déjà son dépassement, et rêvent de pou-
voir régler leurs achats sans avoir à sortir, ni CB, ni
téléphone de leur poche. Avec simplement leur ADN
comme carte de paiement.
La start-up finlandaise Uniqul développe ainsi une
fonctionnalité novatrice de paiement par reconnais-
sance faciale. En moins de cinq secondes, une tablette
équipée de détecteurs biométriques synchronise et re-
connaît le visage du client, qui, une fois identifié, n’a
plus qu’à appuyer pour valider le paiement.
Aux Etats-Unis, un jeune inventeur s’attache, lui, à dé-
velopper une manière de paiement par reconnaissance
gestuelle, “le secret handshake”, où de simples mouve-
ments de doigts et de mains pourraient permettre de
régler l’addition.
Dans le monde des objets connectés, payer avec son
corps sera peut-être bientôt banal.
Acheter sa baguette avec son smartphone ?
78 (R)évolution de nos modes productifs
(R)évolution
de notre rapport
à l’argent
(6)
Micro-mécénat et micro-crédit :
l’individu co-financeur
Technologies et innovations changent, et vont encore
radicalement changer nos manières d’acheter, de payer
et de financer. Ce faisant, les innovations technolo-
giques modifient ainsi très profondément notre rap-
port à l’argent.
D’autant que tout un chacun peut désormais être à la
fois producteur et client, prêteur et emprunteur, mé-
cène et artiste subventionné et ce, au niveau individuel.
Le crowdfunding, ou financement participatif, s’est
d’abord imposé dans la sphère culturelle. En permet-
tant de miser quelques euros sur les projets d’un écri-
vain, d’un cinéaste ou d’un chanteur, avec la promesse
d’une rétribution proportionnelle en cas de succès,
Internet a inventé le micromécénat et offert à chacun
la possibilité de s’instituer en producteur de films, de
musiques, ou en éditeurs de romans et de BD.
Des artistes comme Ayo ou Grégoire ont accédé à la
notoriété grâce au financement participatif.
Pionnier du crowdfunding, le site Mymajorcompany
qui affiche aujourd’hui une communauté de mécènes
de près de 400 000 membres, a levé plus de 15 millions
d’euros depuis sa création et soutenu plus de 42 000
projets culturels. «Soutenez les artistes, devenez leurs
coproducteurs et partagez les bénéfices des ventes avec
eux... La révolution est en marche !” : le site NoMa-
80 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 81
jorMusik affiche, lui, clairement qu’à l’heure d’Inter-
net, la coproduction d’œuvres avec les internautes per-
met de se passer des grosses majors qui dominaient le
marché. Les “grandes” entreprises sont ici clairement
challengées et visées, au-delà de la seule promotion du
financement parallèle.
Du culturel, le modèle s’est diffusé à la finance avec
l’apparition et le développement de sites spécialisés
dans le microcrédit entre particuliers. “Les petits prêts
font les grandes histoires” : le site Babyloan promeut
un microcrédit social et solidaire entre particuliers en
France et dans les pays en développement. Près de 30
000 personnes appartiennent à la communauté “baby-
loanienne” et ont prêté plus de 7 millions d’euros pour
soutenir 17 000 micro-entrepreneurs dans 146 pays.
Ou comment en matière d’aide au développement, le
Web peut faire de chacun d’entre nous un Muhammad
Yunus !
Le crowdfunding s’instaure même désormais en moyen
de financement des entreprises. “Sélectionnez au-
jourd’hui les perles de demain” : la plateforme Wiseed
vous propose d’investir en prêtant de l’argent aux
start-ups que vous jugez les plus innovantes. Elle com-
prend à ce jour plus de 21 000 membres, ayant prêté
plus de 6 millions d’euros, à 34 start-ups.
Désintermédié, collaboratif, ouvert, horizontal, le
crowdfunding est évidemment symptomatique de l’es-
prit de la sharing economy. Une économie du partage
qui paraît gagner chaque jour du terrain au sein de
l’économie traditionnelle.
Signe des temps : la consommation collaborative
touche ainsi désormais même le BtoB ! Privilégiant
une économie de l’usage et non de la propriété, le site
et l’application FLOOW2 proposent ainsi de mettre
en relation les professionnels qui mettent des outils
et équipements lourds (machines agricoles, engins de
chantiers…) inutilisés en location aux entrepreneurs
qui cherchent du matériel.
La finance constitue sans doute l’un des domaines les
plus parlants pour décrire l’ambivalence du progrès
technique, et montrer, selon les appropriations qu’on
en fait, comment une même technologie peut entraî-
ner des conséquences opposées. Ainsi, et à l’évidence,
informatique et internet ont contribué à débrider la
finance internationale, en accélérant de manière inouïe
les échanges et en augmentant considérablement la
puissance et la vitesse de calcul des algorithmes.
Mais le réseau et ses potentialités ont dans le même
temps été également utilisés dans une logique stricte-
ment contraire, celle de créer un système contestataire
et alternatif à la finance internationale et au système
libéral dominant.
Essentiellement destiné aux interdits de chéquiers et/
ou aux revenus modestes, une start-up française vient
ainsi d’inventer le premier compte sans banque. Il
s’ouvre chez un buraliste et ne requiert ni conditions
de revenus, ni dépôt minimum. Pour une cotisation
annuelle de 20 euros, vous disposez d’une Master-
card pour retirer de l’argent et payer vos achats et de
la possibilité d’effectuer virements et prélèvements.
Vous n’avez en revanche pas de chéquier, ni le droit
au découvert. Les opérations s’effectuent au bureau de
tabac ou par internet et mobile.
Vous en avez assez de de la crise de l’euro ? Conver-
tissez-vous aux monnaies libres ! Cigalonde dans le
massif des Maures, Nostra dans le pays salonais…
elles fleurissent un peu partout dans l’Hexagone. La
plus connue reste sans conteste la Sol-Violette, créée
au printemps 2011 à Toulouse. Son nom dit sa phi-
losophie : “Sol” pour désigner une monnaie solidaire
protégeant l’argent de la spéculation boursière ; “Vio-
lette”, fleur symbole de la ville de Toulouse, pour affir-
mer son identité locale et son ancrage territorial. Maî-
triser sa monnaie, être acteur du développement local,
promouvoir une économie sociale et solidaire alterna-
tive au système libéral, tel est le crédo des fondateurs
du Sol-Violette, soutenus par la mairie de Toulouse.
Le concept est le suivant : on peut échanger ses euros au
Crédit municipal ou au Crédit coopératif avec un taux
de change fixé à 1 euro = 1 Sol. Petit avantage, pour 20
euros, on obtient 21 Sol. Les euros échangés au sein
de ces deux institutions bancaires ne “s’évaporent pas”
et sont réinvestis localement dans le microcrédit et la
création d’entreprises solidaires. Les “solistes” peuvent
ensuite dépenser leur monnaie au sein du réseau des
partenaires agréés. Ce sont des restaurants ou des épi-
ceries bio, des librairies indépendantes, des boutiques
de vêtements équitables. Pour obtenir le droit d’encais-
ser les Sol-Violette, tous ont dû certifier leur engage-
ment dans le développement durable. Le Sol-Violette
n’est pas une monnaie de réserve : une cagnotte ne
gagne pas à être thésaurisée car le billet perd 2% de sa
valeur s’il n’a pas été échangé au bout de trois mois.
Une manière de faire fi de la spéculation et d’affirmer
que le premier statut de la monnaie est d’être un moyen
d’échange. Le succès est encore modeste mais l’initia-
tive s’installe progressivement dans l’économie locale.
Près de 1500 personnes utilisent aujourd’hui le “Sol”
à Toulouse, accepté dans plus d’une centaine de lieux.
Qu’elles soient locales ou virtuelles au sein des com-
munautés numériques (le bitcoin en est l’exemple le
plus connu), les monnaies libres sont en plein essor.
Si elles ne constituent pas (encore) une menace pour
la stabilité de l’euro, elles pourraient toutefois trans-
former nos façons d’acheter et de consommer. La ten-
dance au Pay What You Want, émergente sans véri-
tablement s’imposer, devrait ainsi trouver un second
souffle avec la diffusion des monnaies locales. Pas de
prix, pas d’étiquettes, pas de codes-barres.
Tel groupe propose à ses fans d’acheter son album au
prix qu’ils souhaitent, tel restaurant n’affiche aucun
prix au menu… Car c’est le consommateur qui dé-
cide de ce que le plat vaut. De plus en plus de sites
de voyages ou d’hôtels proposent ce mode innovant de
rémunération.
Vous avez envie de soleil et de plongée ? Vous pouvez
aujourd’hui «payer ce que vous voulez” pour un séjour
à la maison d’hôte du bois rose, à l’Ile Maurice. Se crée
ainsi un nouveau business, basé sur la confiance, et
dans lequel le consommateur devient lui-même le fixa-
teur du prix.
Attention aux expériences ratées toutefois : le site
américain de vente privée Brandalley a fait les frais
de consommateurs parfois uniquement utilitaristes et
vénaux. 85% de ses 10 000 vêtements mis en prix libres
sont partis en quelques heures pour moins… de deux
euros, blogs et réseaux sociaux ayant très rapidement
propagé la nouvelle du «bon plan”. Déçue, la marque
américaine a déploré “l’instinct d’appropriation pur et
simple des consommateurs” et juré qu’on ne l’y repren-
drait plus !
Le cas Brandalley livre une jurisprudence claire : le
modèle PWYW ne peut fonctionner que pour les
achats dans lesquels entrent émotion, recherche quali-
tative et rapport affectif à la marque ou au producteur
du bien ou service. Bref pour tous les bons plans que
l’on aime, du livre de son auteur fétiche à la nuit dans
un bel hôtel de charme.
Au-delà de ces exemples qui ne resteront peut-être que
des feux de paille émerge une tendance profonde et que
les marques se doivent de comprendre et s’approprier
: les consommateurs ont besoin d’une soupape convi-
viale et alternative au commerce traditionnel, non pas
Des îles Caïman à la monnaie libre
Parce que vous le voulez bien :
le Pay What You Want, tendance de demain ?
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  • 1. Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 1 FRANÇAISES, FRANÇAIS, ETC. L’INNOVATION ENTRE LES LIGNES ÉVOLUTIONS
  • 3. 5 (I)NTRODUCTION “Toute crise n’a que deux solutions : la régression ou l’imagination” expliquait le philosophe Edgar Morin lors de la 17ème édition de l’Académie des entrepre- neurs en novembre 2013. De quoi éclairer les propos sur le déclin français, qui le disputent aujourd’hui à une profusion d’articles et de communications s’atta- chant chacun à leur manière à montrer combien l’inno- vation ouvre un champ des possibles quasi infini. Les récentes révolutions sociétales, économiques et technologiques nous projettent en effet dans un pro- cessus d’une vitesse inégalée dans l’histoire de l’huma- nité. Portée par des outils et des technologies appropriés par les individus, la culture web, horizontale, libre, coopérative, collaborative, soft, désintermédiée per- cute de plein fouet les structures classiques de notre organisation économique, sociale et politique. Les élites et institutions peinent, des business et des entre- prises meurent, de nouveaux modes de production, de fabrication, de consommation et de distribution appa- raissent. Maîtres en la matière, A. Huxley et H.G Wells paraissent aujourd’hui dépassés, tant le monde réel rattrape la science-fiction à une allure folle. Accélération technologique, vitesse de propagation des inventions, bouleversement des marchés, exacer- bation mondialisée des concurrences : notre monde est aujourd’hui un monde de la rapidité, de l’agilité, de l’innovation continue. Aucune rente de situation n’est plus permise : un leadership peut être contesté, ébran- lé et perdu en quelques mois. Kodak ou Nokia s’ins- crivent ainsi aujourd’hui en exemples emblématiques de firmes ayant raté des tournants importants de l’in- novation. La taille ne suffit plus à assurer et à garantir une position. Dans une forme de David et Goliath, de petites start-ups au départ, souples, évolutives, réac- tives, à l’organisation horizontale taillent des crou- pières et détrônent parfois de grandes multinationales à la structure pyramidale moins agiles et plus lentes. La nouveauté du monde d’aujourd’hui n’est d’ailleurs pas tant l’innovation en soi que le foisonnement, la rapidité de création et de diffusion des innovations. C’est pourquoi, dans ce troisième opus de “Françaises, Français, etc.” nous avons souhaité nous poser un ins- tant. Non pas produire une recension supplémentaire, partielle et forcément partiale des innovations actuelles ou à venir, mais nous attacher à six champs de l’inno- vation, seulement six qui, dans la Presse Quotidienne Régionale comme dans les études de TNS Sofres, se présentent comme véritablement structurantes pour notre société et s’annoncent comme de véritables (r) évolution(s) de toutes nos manières d’être, de faire, d’agir, de penser, de produire et de consommer. Le fait pourra étonner mais dans cette compétition de l’innovation, la France est plutôt (très) bien placée. Et se positionne en berceau méconnu de start-ups dyna- miques et innovantes. Partout sur notre territoire, des entrepreneurs créent, inventent, innovent. Dans la géographie européenne de l’innovation, l’Ile de France, Rhône-Alpes, PACA, Midi-Pyrénées se classent ainsi aux meilleures places du palmarès sur les critères de dépenses Recherche et Développement, de brevets déposés ou de publica- tions scientifiques . Pour la troisième année consécu- tive, les start-ups françaises sont les plus représentées au sein du classement Deloitte Technology Fast 500, qui répertorie les 500 sociétés technologiques de la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique dont le chiffre d’affaires a le plus progressé depuis cinq ans. En 2013, 86 entreprises françaises font partie de ce palmarès, contre 71 au Royaume-Uni, 52 en Suède ou encore 27
  • 4. 6 7 en Allemagne. Et c’est une start-up française, Yma- gis, basée à Montrouge et spécialisée dans le cinéma numérique, qui est en tête du classement. Trois jeunes pousses hexagonales viennent d’être primées pour leurs produits innovants au CES de Las Vegas, la référence internationale en la matière : Netatmo pour son ther- mostat connecté, Sen.se pour son système “Mother”, une sorte de poupée russe permettant de gérer plus de 20 objets connectés en même temps et Medissimo pour sa boîte à comprimés intelligente. «Le made in France brille au salon des objets connectés de Las Vegas” sou- ligne la presse en janvier 2014. Et si, finalement, l’imagination, l’innovation et son partage l’emportaient sur le déclin Français ? Dans l’ère de la défiance généralisée et de la société bloquée, créateurs et innovateurs amènent de la confiance et de l’espoir dans le progrès. Malgré la morosité et le pessi- misme ambiant, trois quarts des Français conservent confiance dans le progrès et deux tiers d’entre eux anti- cipent aujourd’hui “que l’on vivra mieux dans 20 ans grâce aux technologies”. Et start-ups, PME, scienti- fiques et associations s’imposent de loin, de très loin, comme les acteurs suscitant le plus de confiance pour sortir de la crise actuelle . C’est donc bien localement, au sein des territoires, dans une dynamique mêlant création entrepreneuriale, expansion des FabLabs, recherche au sein des laboratoires de scientifiques et universitaires, et innovations sociales et associatives que se construisent aujourd’hui les réponses à la crise et que se posent les fondations du monde de demain. La Presse Quotidienne Régionale observe chaque jour ce foisonnement d’initiatives et s’en fait l’écho toute l’année. Le dynamisme local, producteur de richesses et d’emplois est un fondamental rédactionnel des jour- naux quotidiens régionaux. Combien d’articles sur les Fablabs ? Combien de portraits d’entrepreneurs des nouvelles technologies ? Combien de dossiers sur les objets connectés, inventés sur le territoire local et pré- sentés ensuite à Las Vegas ou Tokyo ? Avant d’être des réussites internationales, les jeunes pousses Françaises sont toujours des projets locaux, que la PQR met en scène et encourage. … La PQR créait il y a 10 ans le slogan “L’origine de toute chose est locale”. Voilà une chose qui n’a pas changé ! Observer ces mutations et innovations permanentes permet aux industriels et annonceurs d’aujourd’hui, au-delà de l’inspiration qu’ils peuvent en tirer pour eux-mêmes, de comprendre à quel point le monde de leurs clients change. Le regard sur la productivité, sur les objets, est bouleversé. Les attentes en matière de distribution comme de monétisation sont remis en cause, challengés. Le monde de la connaissance et de la communication se fragmentent, créant des interactions nouvelles. Le regard porté sur les entreprises même, en tant qu’acteurs sociaux et responsables devient crucial dans l’adhésion aux produits et aux marques. Com- prendre ces (R)évolutions que la PQR observe et relate chaque jour, c’est comprendre que l’innovation est la clé du succès et de l’attraction de clients qui ont chan- gé. Et au-delà de l’innovation, que la capacité même des annonceurs à communiquer et diffuser leur vision du monde et du changement est la clé de leur pérennité. Les lecteurs et rédactions de la PQR suivent ces inno- vations jour après jour. Nous vous souhaitons à notre tour un agréable voyage dans le futur immédiat ! Guénaëlle GAULT, Directrice du département Stratégies d’Opinion, TNS Sofres. Jacques HARDOIN Président de la Commission de la Publicité Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale
  • 5. Sommaire (R)évolution de nos modes de production 8 La joyeuse collectivisation des “Fablabs” 11 Le made in home, ou l’industrie 2.0 14 De la fin du gâchis aux objets éphémères 16 (R)évolution de nos espaces physiques et mentaux 24 Génération mobiquité 27 Le travail n’a plus d’unité de lieu, ni de temps 29 Desk sharing et soft power 31 La «startupisation»des formes entrepreneuriales 33 (R)évolution de l’éducation 36 La connaissance nomade, ou suivre un cours de Stanford au fin fond de la Creuse 39 Polytechnicien sans passer de concours ? 41 Born to code ? 43 (R)évolution du jeu, culture et médiation 52 Le jeu vidéo comme fait social total 55 Gamification ou ludification : la culture gaming du numérique se diffuse à l’ensemble de la société 56 (R)évolution des objets 64 Le conte du pyjama connecté 67 De l’hyperconnexion… 69 … à la déconnexion momentanée 71 Au-delà de la science-fiction, de l’émotion dans la technologie 73 (R)évolution de notre rapport à l’argent 76 Acheter sa baguette avec son smartphone ? 79 Micro-mécénat et micro-crédit : l’individu co-financeur 81 Des îles Caïman à la monnaie libre 83 Parce que vous le voulez bien : le Pay What You Want, tendance de demain ? 85
  • 6. 10 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 11 (R) ÉVOLUTION DE NOS MODES DE PRODUCTION Débarquant dans les rayons des grands magasins et les “Fablabs”, l’imprimante 3D nous fait entrer dans l’ère de l’individu-producteur et de la production désintermédiée, personnalisée, décentralisée et déstandardisée.
  • 7.
  • 8. 14 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 15 LE SUD OUEST DERNIÈRE NOUVELLE D’ALSACE MIDI LIBRE LE SUD OUEST LA VOIX DU NORD LE SUD OUEST L’EST RÉPUBLICAIN L’ÉCHO RÉPUBLICAIN L’YONNE RÉPUBLICAIN L’YONNE RÉPUBLICAIN L’YONNE RÉPUBLICAIN LE RÉPUBLICAIN LORRAIN LE SUD OUEST LE SUD OUEST LE SUD OUEST LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE DERNIÈRE NOUVELLE D’ALSACE
  • 9. (R)évolution de nos modes productifs 17 Création, co-création, recyclage, re-création… quand les Français redéfinissent le rapport aux objets : quelles promesses des marques et quelle adaptation des produits en 2014 ? Aldous Huxley et sa cuisine moléculaire n’appartiennent plus à la science-fiction : l’invention par la NASA d’une imprimante à pizza permettant, à partir de nutriments et de molécules protéinées, de créer un plat cuisiné tridimen- sionnel fait entrer le “meilleur des mondes” en pleine réalité. Il est prévu que la machine accompagne les prochains voyages spatiaux, y compris les plus longs, les nutriments pouvant se conserver pendant… trente ans. Et elle promet déjà d’autres débouchés : il sera sans doute bientôt possible d’imprimer des steaks (des chercheurs sont parvenus à créer de la viande artificielle à partir de cellules souches cultivées et d’une imprimante 3D mais, à 250 000 euros, le coût du burger est encore un peu élevé !) et on peut imaginer, dans un futur peut-être pas si lointain, que chacun dispose à son domicile d’une imprimante alimentaire pour se constituer son propre régime personnalisé… La technologie des imprimantes 3D ouvre un champ des possibles quasi-infini, que l’esprit humain a aujourd’hui du mal à embrasser dans sa totalité. De la nourriture, des organes, des maisons et bientôt même des voitures ? L’im- primante n’imprime plus mais recrée : bits et octets donnent aujourd’hui naissance à des objets bien concrets. Et pourraient révolutionner très rapidement nos modes de consommation mais aussi de production. L’innovation en elle-même n’est pas récente : les impri- mantes 3D sont en effet utilisées depuis des décennies dans l’industrie, automobile et aérospatiale notam- ment. La grande nouveauté, c’est que cette nouvelle technologie révolutionnaire qui permet de faire des objets à la maison sera bientôt à la portée de tous. L’imprimante 3D débarque dans le grand public, avec des conséquences sans doute encore insoupçonnables. Le fait est passé inaperçu mais sera peut-être regardé comme historique par les générations futures : l’impri- mante 3D est apparue pour la première fois physique- ment à la vente dans les rayons de la grande distribu- tion, chez Systême U, pour les fêtes de fin d’année : de premiers prototypes y étaient accessibles autour de 1500 euros. Pour ceux qui n’en n’ont pas les moyens ou s’interrogent encore, un rapide survol de la PQR en 2013 permettra de comprendre que les initiatives foisonnent sur tout le territoire pour diffuser l’innovation et permettre à cha- cun de se familiariser avec cet objet venu de la troisième dimension. Le 27 novembre dernier, La Poste a ainsi lancé dans trois de ses bureaux sur le terri- toire un service d’impression 3D à destination des particuliers et des professionnels, avant un éventuel déploiement sur l’ensemble du territoire. Dans le centre commercial d’Aéroville, Auchan offre à ses clients la possibilité d’utiliser en libre-service des imprimantes 3D. A Moirans-en-Montagne, dans le Jura, le musée du Jouet permet aux enfants de jouer les apprentis desi- gners et de créer, grâce à une imprimante 3D, leurs propres jouets. Aidée par les collectivités locales, la pépinière d’entreprises de Limoux, dans l’Aude, s’ap- prête à acquérir sa première imprimante 3D. Partout en France, des Fablabs se créent pour utili- ser et partager l’innovation, accompagner du simple bricolage aux projets professionnels ambitieux. C’est le cas du Technisub de Mulhouse, atelier-laboratoire mettant à disposition des entreprises les machines et moyens de réaliser des objets techniques. A Strasbourg également, où la Fabrique, une usine de 2000 mètres carrés au cœur de la ville, est mise à disposition des citoyens. De même que la Filature de Ligugé en Poitou- Charentes en milieu rural. Gratuits, organisés en communautés d’utilisateurs, ou- verts à la créativité et à la fabrication personnelles, vi- sant à mutualiser des outils technologiques de pointe pour les rendre accessibles au plus grand nombre et en améliorer l’usage et les applications par l’intelligence collective, ces lieux rompent avec la logique capitaliste de propriété des moyens de production. Ils créent une forme de collectivisation libre, non idéologique où la propriété des outils n’est plus le seul apanage des entre- prises ou des laboratoires institutionnels. Une forme d’open innovation de masse. Dans la culture moderne, les Fablabs peuvent se re- garder comme l’incarnation physique et concrète du crowdsourcing, c’est-à-dire de la coproduction collec- tive à partir de l’utilisation de la créativité, de l’intel- ligence et des connaissances du plus grand nombre. L’exemple le plus célèbre de crowdsourcing est Wiki- pédia. Le modèle, restreint jusqu’à présent à la pro- duction de connaissances, est en train de s’étendre à la production de biens tangibles et d’objets. Ainsi en est-il du programme Wikispeed, un projet crowdsourcing de conception et de construction d’une voiture peu chère, La joyeuse collectivisation des “Fablabs” 16 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes de production (1) CES LIEUX ROMPENT AVEC LA LOGIQUE CAPITALISTE DE PROPRIÉTÉ DES MOYENS DE PRODUCTION.
  • 10. 18 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 19 Sera-t-il demain aussi facile de fabriquer nos verres, nos assiettes, nos vêtements qu’il est aisé d’imprimer des photos aujourd’hui ? Probablement. L’imprimante 3D domestique nous place à l’aube d’une immense mutation, une troisième révolution numérique disent certains, après l’ordinateur et Internet. “Nous en sommes aujourd’hui au même niveau qu’à l’arrivée du Macintosh sur le marché en 1984”, estime ainsi, Chris Anderson, geek reconnu, fondateur du respecté Wired aux Etats-Unis et auteur de Makers ou la nouvelle révolution industrielle. “La production d’objets physiques pourra se faire de façon très simple. Au lieu d’acheter une tasse dépareillée au supermarché on pourra la faire à domi- cile, les médecins pourront produire des prothèses, implants… La production des objets sera individua- lisée” anticipe Jean-Daniel Fekete, chercheur français en informatique à l’INRIA, établissement public de recherche dédié aux sciences du numérique . Le développement de l’individualisme contemporain avait orienté les marques vers la personnalisation et la customisation : des photos de famille sur les mugs aux chaussures Nike dont on choisit la forme, la couleur de la semelle et des lacets, chacun pouvait acheter ses objets personnalisés. L’imprimante 3D va plus loin en offrant désormais la production même d’objets aux individus. Si le bricolage a toujours existé, la grande nouveau- té réside dans la possibilité de passer à la fabrication d’objets manufacturés de très bonne qualité. L’impri- mante 3D et les FabLabs nous font entrer dans l’ère de l’industrie 2.0, personnalisée, décentralisée et dés- tandardisée, bref dans l’ère de la production sans intermédiation. Home made: le fait maison n’est plus seulement une tendance culinaire à la mode mais peut potentiellement désormais concerner une grande partie de la production industrielle. Marques et entreprises de- vaient jusqu’à présent compo- ser avec l’individu-citoyen et avec l’individu-consommateur : il va leur falloir désormais pen- ser une troisième dimension, celle de l’individu-producteur. Certains y voient une véritable et nouvelle révolution industrielle. C’est notamment la thèse de Chris Anderson pour qui ce mouvement inno- vant, high-tech et open-sourcé est en train de débou- cher sur la création de véritables entreprises, déjà pré- sentes dans le tissu économique. Car chaque inventeur est désormais un potentiel entrepreneur. D’autres sont plus mesurés et pensent qu’on devrait plutôt en rester à une “brico-industrie”, ou à un “artisanat 2.0”. Quelle que soit l’ampleur de l’évolution, des marques comme Playmobil et Lego s’inquiètent déjà. Quid de leur busi- ness quand chacun chez soi pourra créer et fabriquer sa propre figurine ou toutes les briquettes possibles et imaginables 3 ? Les conséquences de cette innovation pourraient, en tous cas, fondamentalement venir bouleverser notre modèle marchand traditionnel. Dans l’ère de l’indus- trie 2.0, plus d’économies d’échelle en effet, puisqu’on peut créer un objet unique à aussi faible coût que la production en série. Dans l’ère de l’industrie 2.0, ca- ducs le copyright et la propriété intellectuelle quand chacun pourra chez soi créer une multitude d’objets et quand tous, collectivement et gratuitement au sein des Fablabs peuvent en inventer quotidiennement. Les nouveaux usages domestiques ou collaboratifs de l’impression 3D ont d’autant plus de chances d’être rapidement appropriés par les individus qu’ils s’ins- crivent pleinement dans la tendance du Do it your- self, majeure depuis des années ! La communauté des makers, désignation générique de tous ceux qui fabriquent, créent, réparent, remplacent les pièces cassées et partagent une vision du monde et une phi- losophie, contre la standardisation, le gâchis, l’obso- lescence programmée et pour la personnalisation des objets, la réappropriation des moyens de production, préexistait à la diffusion des imprimantes 3D. Ces der- nières vont donc venir s’inscrire comme un outil, un levier supplémentaire pour recycler, réparer, bref en un mot, donner une seconde vie aux objets. Crise, recherche du bon plan et conscience écolo- gique anti-gaspi se conjuguent pour faire du recy- clage, du troc, de la revente, du réemploi des objets et de l’échange de services des pratiques de consom- mation désormais courantes. Ce qui était encore il y a quelques années une tendance émergente est devenu mainstream en s’instituant en norme de comportement et en véritable fait social. La consommation collabo- rative, c’est-à-dire le partage, l’échange ou la vente de biens ou services entre particuliers à l’écart des circuits classiques n’est plus ni un micro phénomène, ni une tendance émergente mais devient un comportement courant de consommation, pratiqué aujourd’hui de manière régulière par près d’un Français sur deux4 . Au cours des deux dernières années, trois quarts des Français ont fréquenté des brocantes et des vides gre- niers, deux tiers des sites de vente ou d’achat de pro- duits d’occasion et un sur deux a déjà revendu des objets qui lui appartenaient, que ce soit sur Internet ou dans un vide grenier, selon une étude TNS-Sofres5 . Partout en France, communautés sur Internet (comme le site collaborative Recycle de Linkedin), associations et collectivités (le site du Grand Poitiers propose par exemple un guide du réemploi et référence sur son ter- ritoire 110 structures permettant d’offrir une seconde vie aux objets) fédèrent, soutiennent et promeuvent des initiatives de don, de recyclage, de troc ou de vente, bref tout ce qui permet aux objets de ne plus mourir… L’imprimante 3D arrive ainsi indéniablement sur un terreau favorable et pourrait donc être facilement ap- propriée par des consommateurs soucieux de consom- mer autrement, ne pas gâcher et de ne plus jeter parce qu’une petite pièce est manquante. Devenue culture dominante, la seconde vie des objets génère déjà sa propre contre-culture. L’année 2013 a ainsi clairement été marquée par la création d’objets éphémères et autodestructeurs. “Demain, les objets ne s’useront plus, ils s’autodétruiront. Vos meubles dispa- raîtront dans un nuage de fumée ou se transformeront en citrouille, et vos vêtements fondront avant même d’être démodés” : le magazine de l’innovation sur le web, Soon Soon Soon, a compilé quelques inventions de cette techno-fugacité. Des étudiants en Université d’Art et de Design ont ainsi inventé la chaise éphémère : une chaise dont les joints fondent et qui s’autodé- truit au bout de huit utilisations. Une maison d’édi- tion a publié le premier livre qui s’autodétruit. Deux mois après son ouverture, l’encre s’efface pour laisser place à une page blanche. Une initiative à l’opposé de Le made in home, ou l’industrie 2.0 De la fin du gâchis aux objets éphémères L’IMPRIMANTE 3D VA PLUS LOIN EN OFFRANT DÉSORMAIS LA PRODUCTION MÊME D’OBJETS AUX INDIVIDUS. peu consommatrice d’essence, rapide et sûre, hors de tout cadre organisationnel classique, et où les membres sont tous bénévoles et issus du monde entier. L’essor des Fablabs, comme le projet Wikispeed, marquent aujourd’hui l’avènement, par la technolo- gie, de collectifs de travail productifs, collaboratifs et informels rompant totalement avec nos modes de pro- duction habituels. Après avoir bousculé la distribution traditionnelle, la technologie numérique pourrait bien aussi radicalement changer la production et l’industrie.
  • 11. 10% TRÈS SOUVENT 30% SOUVENT 37% RAREMENT 14% TRÈS SOUVENT 30% SOUVENT 20% RAREMENT 26% OUI, IL Y A MOINS DE 6 MOIS 11% OUI, DE 6 MOIS À UN AN 10% OUI, DE 1 AN À 2 ANS 9% OUI, IL Y A PLUS DE 2 ANS VOUS EST-IL DÉJÀ ARRIVÉ DE VENDRE UN PRODUIT, UN OBJET DONT VOUS NE VOUS SERVIEZ PLUS ? Méthodologie Etude réalisée par téléphone du 30 mai au 6 juin 2012 sur un échantillon de 1003 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus. toutes les numérisations en cours, et notamment celles de Google, visant à rendre éternel le patrimoine litté- raire de l’humanité. Et, au plan mondial, le succès de Snapchat, 40 millions d’usagers pour 400 millions de messages, ce réseau social basé sur l’autodestruction des messages photos que vous envoyez, fait déjà pré- dire à certains l’émergence d’un Web de l’éphémérité. Un jeu sur l’éphémère sur lequel pourraient capitaliser les marques en leur permettant de contourner le besoin toujours plus affirmé de recyclage ? OUI OUI OUI AU COURS DES DEUX DER- NIÈRES ANNÉES, AVEZ-VOUS FRÉQUENTÉ DES SITES DE VENTE OU D’ACHAT DE PRODUITS D’OCCASION SUR INTERNET? AU COURS DES DEUX DERNIÈRES ANNÉES, AVEZ-VOUS FRÉQUENTÉ DES BROCANTES, VIDES GRENIER?
  • 12. 22 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 2322 2322 (R) ÉVOLUTION DE NOS ESPACES PHYSIQUES ET MENTAUX La société mobile et connectée offre le don d’ubiquité aux indivi- dus. La “mobiquité” décloisonne nos espaces, fait éclater l’unité spatio- temporelle du travail. Et reconfigure le management, l’espace et l’archi- tecture même des entreprises, sur le modèle “horizontal” des start-ups.
  • 13.
  • 14. 26 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 2726 (R)évolution de nos espaces physiques et mentaux (R)évolution de nos espaces physiques et mentaux 27 LE SUD OUEST LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE LE SUD OUEST LE COURRIER PICARD MIDI LIBRE LE COURRIER PICARD LA VOIX DU NORD LE RÉPUBLICAIN LORRAIN LA PROVENCE LE SUD OUEST LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE LA PROVENCE LA PROVENCE LA PROVENCE LA MONTAGNE DNA LE SUD OUEST LE MAINE LIBRE DNA
  • 15. 28 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) (R)évolution de nos modes productifs 29 Co-working, mobiquité, desk sharing, nearshoring… ou quand le défi de l’adaptation aux nouveaux modes de vie des Français touche l’entreprise. L’innovation sociale, RH, peut créer l’adhésion à l’entreprise, à son image corpo- rate, et devenir un enjeu central de communication, de recrutement, d’image… et de productivité. Les dead drops, vous connaissez ? Ce sont de drôles de clefs USB cachées dans la ville, sorte de fusion entre street art et monde digital. Elles se trouvent sous un banc, derrière une statue, incrustées dans un mur, sous un pont ou un porche… Une fois dénichées, on y connecte son téléphone ou son ordinateur pour télécharger un contenu “surprise” de façon anonyme, et bien évidemment, gratuite. Musique, articles, vidéos documentaires, photographies... Des échanges dont chacun est acteur, en ajoutant ses propres fichiers sur la clé ou en installant son dead drop personnel, selon la procédure disponible sur le site collectif du projet, deaddrops.com. Inventé par l’artiste allemand Aram Bartholl, le Dead Drop, version moderne et numérique de la “boîte aux lettres mortes” - ces caches utilisées par les espions pendant la guerre froide pour échanger des informations secrètes - a démarré à New York pour ensuite essaimer dans le monde entier. De la Normandie à Honolulu, de Dakar à Barcelone, de Londres à Lyon, il y a aujourd’hui plus de 1100 dead drops cachés dans les interstices urbains. Le Dead Drop est un magnifique révélateur du nou- veau monde. Il incarne la circulation de l’information mondialisée. Il porte intrinsèquement des valeurs mises en avant par le numérique : gratuit, ouvert, collabora- tif, horizontal et de pair à pair. Il est aussi significatif du partage du réseau et du décloisonnement des fonc- tions assignées aux espaces, parcourus désormais par des usages multiples et transversaux, le pied d’un pont ou une marche d’escalier devenant presque un lieu de culture, en tout cas un espace d’accès à de l’informa- tion. En un mot, il symbolise la “mobiquité”, pour re- prendre l’expression forgée par Xavier Dalloz à partir des termes de mobilité et d’ubiquité. Mobiquité qui signifie la capacité d’un individu mobile à être à plu- sieurs endroits à la fois et à avoir désormais accès à n’importe quel contenu, n’importe où et à n’importe quel moment (le concept anglo-saxon d’ATAWADAC, any time, anywhere, any device, any content). Rien moins qu’un fondamental décloisonnement de nos espaces physiques et mentaux. Equipée de son smartphone, de sa tablette, ou de son Transformer, la “génération mobiquité” peut à la fois travailler sur un dossier, répondre à un email, partager une information avec ses followers, envoyer une photo à son réseau tout en acceptant une invitation à une réunion virtuelle tout en transférant de l’argent sur son compte mobile… Une nouvelle forme de nomadisme qui pourrait bien devenir norme demain. La mobiquité révolutionne déjà les stratégies marke- ting : par un, et un seul message sur Twitter, et grâce à sa fanbase, Beyoncé est parvenue à vendre en un jour 430 000 exemplaires de son nouvel album sur iTunes aux Etats-Unis et à se classer en tête des ventes du site dans 112 autres pays ! Au-delà de cette anecdote, et plus profondément en- core, la mobiquité est en train de bouleverser et de re- configurer la forme, l’espace, l’architecture même des entreprises et des relations de travail en leur sein. Sous l’effet de la tendance à l’individualisation et de la mobilité connectée, les cadres traditionnels du travail sont en effet ébranlés. Qu’ils s’agissent du lieu phy- sique, de la temporalité, de la hiérarchie, du manage- ment ou des frontières mêmes de l’activité travail. Travail en mobilité, travail à distance, travail “débor- dé” en dehors des heures de bureau, émergence de nou- veaux lieux (espaces de co-working en expansion sur tout le territoire, cafés wifi…), créent un véritable écla- tement spatial qui, en s’affranchissant de plus en plus du bureau, devient “ubiquitaire”. Il peut désormais s’effectuer “en tiers lieu” (traduit de l’anglais the third place), c’est-à-dire au sein d’un espace qui n’est ni le bureau, ni la maison. Parmi 4 109 centres d’affaires, bureaux partagés, es- paces de co-working et télécentres, le site eworky per- met aujourd’hui de trouver “le meilleur endroit pour travailler partout en France”. Sur le modèle de ce que fait Régus à Amsterdam, la SNCF prépare en gare du Mans son premier espace de co-working. Soutenu par la Région, le site “la coopérative des Tiers lieux” recense les endroits et initiatives permettant de travailler autrement en Aquitaine. L’éclatement est également temporel : dans l’ère de la mobiquité, sphère privée et professionnelle se mêlent, s’interpénètrent et se confondent de plus en plus. L’équipement personnel autorise les communications privées au bureau, de même que la mobilité du travail et l’accès au cloud de l’entreprise favorisent le travail à domicile. L’interpénétration se joue dans les deux sens, requérant une véritable agilité temporelle de la part des individus. Dans ce contexte, les frontières entre travail, activité, et non-travail s’estompent, au point de quasi disparaître. Certaines entreprises comme, en France, Décathlon ou Leroy-Merlin, ont bien compris cette évolution en pro- Génération mobiquité Le travail n’a plus d’unité de lieu, ni de temps 28 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos espaces physiques et mentaux (2)
  • 16. ENCOURAGER LES NOUVELLES FAÇONS DE TRAVAILLER (TÉLÉ- TRAVAIL, NOMADISME) : UN PARI D’AVENIR ? OUI 83% NON 17% LE RÔLE FUTUR DES LOCAUX D’UNE ENTREPRISE DANS SA CAPACITÉ À CRÉER UN ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL AGRÉABLE ET MOTIVANT 7% MOINS QU’AUJOURD’HUI 29% AUTANT QU’AUJOURD’HUI 64% DAVANTAGE QU’AUJOURD’HUI 47% 36% OUI, TOUT À FAIT 7% 64% 29% 6% 11% AUJOURD’HUI, DANS UN SOUCI DE RENTABILITÉ, D’ÉCONOMIE ET D’OPTIMISATION DES ESPACES DE TRAVAIL, CERTAINES ENTREPRISES FONT DES PARIS. POUR CHACUN, DITES-MOI SI VOUS PENSEZ QUE C’EST LÀ UN PARI D’AVENIR. QUEL EST LE MEILLEUR ENDROIT POUR FAIRE UNE RÉUNION INFORMELLE ENTRE COLLÈGUES ? GLOBALEMENT, DANS 10 ANS, LES LOCAUX D’UNE ENTREPRISE JOUERONT UN RÔLE… ? Méthodologie Etude réalisée par internet du 15 au 17 octobre 2013 sur un échantillon de 1005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 ans et plus. Méthodologie Etude réalisée par internet du 15 au 17 octobre 2013 sur un échantillon de 1005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 ans et plus. 42% 13% 11% 6% 5% 5% 16% À LA CAFÉTARIA LE COULOIR LE COIN FUMEUR LE COMITÉ D’ENTREPRISE LE LOCAL IMPRIMANTE LE PARKING AUTRES ENDROITS NON, PLUTÔT PAS NON, PAS DU TOUT OUI, PLUTÔT
  • 17. 32 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 33 posant, en leur sein, des infrastructures et des services de loisirs. En plus de ses salles de sports, de musique, de cinéma, ses crèches intégrées, Google permet à ses développeurs de consacrer 10% de leur temps de tra- vail à des projets personnels. Une manière d’inciter les salariés à rester créatifs et innovants, pour le bénéfice de l’entreprise. Conjugués au coût du foncier, ces nouvelles manières de travailler reconfigurent l’espace même des entre- prises. Faisant le constat que dans certaines régions le taux d’occupation des bureaux par les salariés oscille entre 50% et 60%, de plus en plus d’entreprises s’engagent dans le desk sharing, c’est-à-dire le partage de bureaux. Finie peut-être l’image classique du bureau avec son mug, les photos de ses enfants et ses armoires de dos- siers. Pour des raisons de coût et d’adaptabilité, le desk sharing émerge comme une tendance montante. Dans le secteur informatique, la banque ou encore l’assu- rance, la dématérialisation du bureau gagne du terrain. Pour des raisons culturelles, la France reste toutefois en retard par rapport aux anglo-saxons. Chez nous, la taille du bureau demeure encore largement perçue comme un statut et un signe de position hiérarchique… Une hiérarchie fortement contestée et ébranlée par la génération mobiquité. Les pratiques managériales se trouvent en effet profondément remises en question par la déspatialisation du travail, la prise d’autono- mie des travailleurs, l’extension de l’écosystème des collaborateurs (élargi à un réseau de partenaires, four- nisseurs, prestataires, etc.) et la difficulté croissante à mesurer “un temps de travail productif”, de plus en plus intimement mêlé à l’ensemble des temps de vie. Avec la mobiquité, l’entreprise s’est également éten- due. De plus en plus de fonctions ont été externalisées et le nearshoring (externalisation de l’activité vers des personnes travaillant depuis chez elles, pour faire bais- ser les coûts) est en constant développement. L’entre- prise (re)compose ses équipes au gré des besoins des “projets” sur un mode horizontal. Des partenaires et fournisseurs sont associés à la conduite de projets, à la conception d’innovation et à la production. Le salarié n’est plus le seul “statut” de l’ensemble des parties pre- nantes de l’entreprise. Dans ce contexte, le “hard management” risque bien d’avoir vécu : inadapté à l’époque, l’autoritarisme s’est ringardisé dans les rapports hiérarchiques. De même les entreprises se rendent progressivement compte qu’en privilégiant le confort et le bien être des équipes, elles augmentent leur productivité. Le management moderne s’oriente ainsi vers une forme de gestion douce, un soft power, pour reprendre un concept dési- gnant la capacité d’une nation à faire valoir sa puis- sance par des moyens non coercitifs au sein des rela- tions internationales. Le soft management promeut le dialogue plutôt que la contrainte, l’explication plutôt que l’imposition, et s’attache à créer un environne- ment et des conditions favorables à l’épanouissement individuel et au travail collectif. Longtemps oubliés ou décriés, les managers de proximité font en ce moment un retour en force dans les organigrammes. Lorsque Stéphane Richard est arrivé à la tête d’Orange, une de ses premières décisions a ainsi été de recruter 180 managers de proximité pour surmonter la grave crise de management à laquelle l’entreprise était confrontée. Dans la mécanique du soft management, le manager de proximité s’impose comme rouage essen- tiel pour aplanir la relation top/down, favoriser le dia- logue et valoriser la dimension humaine. Alors qu’elle n’était que “pratico-pratique” il y a en- core quelques années, la gestion des locaux devient aujourd’hui un outil de management. Les entreprises ont pleinement conscience de cette nouvelle priorité : selon une enquête TNS Sofres menée auprès de diri- geants d’entreprises franciliens, 83% font des nouvelles manières de travailler un enjeu stratégique d’avenir et 63% considèrent que les locaux seront un élément de plus en plus important à l’avenir pour créer un envi- ronnement de travail agréable et motivant pour leurs salariés et collaborateurs6 . Alain d’Iribarne, directeur de recherches au CNRS, résume parfaitement ce mouvement, qui éloigne les entreprises d’une optique exclusivement gestionnaire de leurs espaces: “les entreprises sont en train de com- prendre qu’il faut réhabiliter des espaces qui ont long- temps été déclassés comme les restaurants d’entreprise, les cafétérias, les jardins, les agoras. Ces lieux de ren- contre permettent de créer des moments d’échanges privilégiés, riches et spontanés. C’est important, car si les gens ne se connaissent pas, ne se comprennent pas, n’ont pas envie de travailler ensemble, le travail collec- tif ne fonctionne pas. Il faut restaurer la valeur du tra- vail informel7 .” Et les études lui donnent raison : la cafete- ria arrive en tête des citations des salariés comme lieu le plus approprié pour tenir des réunions informelles dans leur entreprise et améliorer le travail collectif8 . Plus le salarié a le sentiment de s’accomplir au tra- vail, plus il crée de la valeur. L’humain devient alors le nouveau capital et ses capacités d’apprentissage, d’innovation, d’adaptation continue, de formation sont centrales. Ce postulat commence à développer de nouvelles pratiques de recrutement où la personnalité, la subjectivité et la créativité comptent autant que le parcours ou les diplômes. L’heure est aujourd’hui au pari sur des profils aty- piques et de nouvelles formes d’intelligence. Depuis plusieurs années, Bouygues recrute par exemple d’an- ciens humanitaires au sein de ces équipes. Des doc- teurs en philosophie ou anthropologie, dont on pen- sait jusque-là le diplôme sans grande valeur au-delà des cercles universitaires et académiques, ont de plus de plus la cote. Privilégiant la compétence, la créativité et la motivation, le recrutement sans CV pointe son nez dans les méthodes des DRH. Auchan vient par exemple de l’expérimenter avec suc- cès pour recruter ses futurs managers de rayon. A l’heure de la mobiquité, le management se renouvelle aussi profondément dans ses pratiques de recrutement. Internet et la mobiquité viennent ainsi chahuter les structures pyramidales traditionnelles au profit d’or- ganisations plus coopératives, plus horizontales, plus conviviales et plus libres. Une enquête TNS Sofres auprès de 200 startupers9 révèle que ce qui fait l’ADN de la start-up comme forme entrepreneuriale innovante c’est bien cela : être plus libre, plus collaboratif, vivre le travail autrement, avec la volonté d’innover au cœur et le désir d’être plus créatif que gestionnaire. Et au fond, ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est bien à la diffusion du modèle entrepreneurial et des va- leurs de la start-up à l’ensemble du tissu économique et des entreprises : un mouvement de “startupisation” de l’ensemble des structures d’entreprises. En France, le siège Europe de Quicksilver à Saint Jean- de-Luz peut être considéré comme un des plus emblé- matiques des tendances de l’époque. Bâti sur un terrain de 11 hectares, les locaux répondent aux normes HQE et abritent quelques 500 salariés de 15 nationalités dif- férentes et de 30 ans de moyenne d’âge. Entre mer et montagne s’élève un ensemble de 5 cabanes, organisées en arc de cercle autour d’un bâtiment central l’Agora, et reliées entre elles par des passerelles et une ar¬tère intérieure. L’organisation spatiale est une nouvelle fois horizontale et les cabanes accueillent chacune une marque ou un département, toutes structurées de la manière suivante : au sous-sol un showroom ouvert sur l’arc de circulation et aux étages, les créatifs. L’agora, centre névralgique du campus est un espace de rassem- blement et de convivialité (bar, restauration, jeux et espaces de détente). Les espaces de travail sont divisés en zone open space, en bureaux individuels et partagés. Une quinzaine de salles de réunion pour travailler en mode projet et des salles plus spécifiques (studio pho- to, studio son, atelier d’artistes dédié à la création gra- phique) sont disponibles. Pendant l’heure du déjeuner, La “startupisation” des formes entrepreneuriales Desk sharing et soft power
  • 18. POURQUOI UNE START-UP PLUTÔT QU’UNE ENTREPRISE “PLUS TRADITIONNELLE” ? Méthodologie Etude réalisée par téléphone et en face à face du 19 au 25 novembre 2013 sur un échantillon de 200 startupers de tous secteurs, dont l’entreprise a au maximum 8 ans d’ancienneté 36% 34% 33% 30% AVOIR UN MODE DE TRAVAIL PLUS COLLABORATIF, PLUS D’ÉCHANGES ET DE PARTAGE POUR ÊTRE LIBRE, PLUS INDÉPENDANT AVOIR UN DÉVELOPPEMENT PLUS RAPIDE, ÊTRE RENTABLE PLUS RAPIDEMENT SORTIR DE CODES DU TRAVAIL TRADITIONNEL, VIVRE LE TRAVAIL DIFFÉREMMENT 34 (R)évolution de nos modes productifs les employés de Quiksilver ont le choix des activités de détente: surf dans les vagues, skate-park, salle de fit- ness, terrain multi sport ou pause au vert sur les bancs disposés à cet effet dans le parc. Dans l’immobilier d’entreprise, le gratte-ciel vertical symbolisant la puissance (l’arrogance ?) de l’entreprise n’est sans doute pas mort, mais il devient de plus en plus “old school” à l’heure de la diffusion grandis- sante du modèle de campus horizontal et “ludifié” de la start-up.
  • 19. 36 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 37 (R)ÉVOLUTION DE L’ÉDUCATION Être polytechnicien sans passer de concours ou suivre un prestigieux cours du MIT du fin fonds de l’Ar- dèche ? L’essor des MOOC s’offre en formidable opportunité de démo- cratisation universelle des savoirs et de la connaissance. Et va structurel- lement et durablement changer nos façons d’apprendre, de nous former et de mener carrière mais aussi de socialiser et transmettre à nos enfants.
  • 20.
  • 21. 40 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 4140 (R)évolution de l’éducation (R)évolution de l’éducation 41 LE PARISIEN LA VOIX DU NORD LA VOIX DU NORD LE COURRIER PICARD LA VOIX DU NORD DNA LE PARISIEN MIDI LIBRE LA MONTAGNE LA PROVENCE LE BIEN PUBLIC MIDI LIBRE LA MONTAGNE LE SUD OUEST MIDI LIBRE LE RÉPUBLICAIN LORRAIN LA PROVENCE
  • 22. 42 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) (R)évolution de l’éducation 43 MOOC et “anti-écoles” débarquent ! Cette révolution du savoir et de l’éducation n’est pas sans conséquences pour l’entreprise : formation personnelle et continue, mais aussi stratégies de recrutement et valeur des diplômes. Une révolution de plus à comprendre. Qu’aurait dit, ressenti, exprimé un soldat allié pendant la Seconde guerre mondiale si les réseaux sociaux avaient alors existé ? Une uchronie que vient d’oser le Mémorial de Caen à l’approche du 70e anniversaire du Débarque- ment, en créant sur Facebook et Twitter le profil d’un jeune Français engagé dans les troupes américaines. Un moyen innovant pour intéresser les plus jeunes aux destins de ces combattants, leur faire connaître l’Histoire et leur transmettre la mémoire de ces événements. En la matière, le Mémorial peut capitaliser sur l’expérience réus- sie du Musée de la grande guerre de Meaux, celle de la création en 2013 d’un Poilu virtuel, pour commémorer le centenaire de la Première guerre mondiale. Photos, journal de bord, récit du front et des tranchées : avec…98 ans de décalage, le soldat Léon Vivien a raconté sa vie quotidienne sur «sa» page Facebook, du déclenchement du conflit à sa mort, le 22 mai 1915/2013. Plus de 63.000 likes pour un total de neuf millions d’internautes touchés par le profil de Léon: le succès a clairement dépassé les espérances des promoteurs de cette initiative. Et montré comment le numérique pouvait changer l’éducation, la pédagogie, la transmission et favoriser l’accès aux savoirs et les apprentissages. Dans le contexte d’une infrastructure ouverte en permanence à l’innovation, le web est un formidable terrain d’expérimentation de formats pédagogiques innovants pour la transmission du savoir. Les TedTalks en constituent une illustration emblématique. Technology, Entertainment and Design, la fondation californienne TED, a créé un format de conférences visant à diffuser des idées “qui en valent la peine”. Les conférenciers peuvent être des per- sonnes connues, comme Bill Clinton ou Bono, ou des personnes qui ont simplement des idées ou une expérience à faire partager. Une seule contrainte : le discours doit durer 18 minutes maximum. Un format revendiqué comme assez long pour être sérieux et assez court pour garder l’attention du public. Et une idée-force : mélanger des pro- fils de tous horizons et s’attacher autant à la personnalité et à l’expérience des invités qu’à leurs titres, leurs grades ou leurs diplômes. L’EM Lyon Business-School vient d’organiser en novembre dernier une conférence de ce type, qui réunissait des profils aussi variés et atypiques qu’une alpiniste, un écologiste militant, un grand anthropologue du Collège de France, une créatrice d’entreprise, un neurobiologiste et un professeur en management stratégique. Tous venus s’exprimer sur un sujet on ne peut plus large, les “perspectives d’avenir” : 1 500 personnes ont suivies en direct la conférence par Internet. Depuis 2006, plus d’1,2 milliards de vidéos TED de ce type ont été visionnées sur la Toile. Imaginez un instant une France où tous les bacheliers pourraient suivre la formation de leur choix, où il n’y aurait plus de queues pour s’inscrire au sein des Uni- versités et où les admissions dans les différents établis- sements ne se feraient pas en fonction du nombre de places ou du niveau des élèves mais uniquement en fonction des vœux de chacun ? L’idée paraît encore folle à tous points de vue, elle est pourtant déjà en marche en Californie, où l’assemblée locale a propo- sé que, faute de place dans les amphis, les universités publiques de l’Etat valident les cours gratuits suivis en ligne par les étudiants de chez eux, les désormais fameux MOOC. Révolution récente, les MOOC signifient “Massive Open Online Course”, c’est-à-dire “cours en ligne ou- vert et massifs”. Le concept se résume facilement : il s’agit de mettre en ligne un cours en accès gratuit pour l’enseigner à un maximum d’élèves, où qu’ils soient. Les MOOC peuvent soit prendre la forme classique (comme en classe, sauf que la classe est le monde) d’un cours magistral dispensé par un professeur (on parle alors de xMOOC), soit être plus collaboratif dans un espace où sur un sujet chacun vient appor- ter ses connaissances et sa pierre à l’édifice (on parle alors de cMOOC). Ils se caractérisent par la gratuité, l’accès de masse et la forte implication des universités et des grandes écoles. Bref, à l’heure de la mobiquité, la connaissance, aussi, devient nomade. L’avènement des MOOC survient avec la générali- sation du haut débit. L’histoire retiendra sans doute comme point de départ de cette révolution du savoir, le MOOC de l’université de Standford sur l’intelligence artificielle, qui durant trois mois fin 2011, attira plus de 150 000 étudiants, provenant de 190 pays différents. En France, même si le secteur est encore loin d’être structuré, le MOOC est en plein démarrage. Et 2014 pourrait bien être l’année de son explosion. L’INRIA vient de lancer un MOOC Lab et toutes les universités et grandes écoles que compte l’Hexa- gone (Paris 1, Polytechnique, Centrale, Sciences Po, la CNAM…) sont en train de s’y mettre, sur leurs sites et/ou sur de larges plates-formes comme Edunao. com ou FUN (France Université Numérique), piloté par le Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et qui regroupe les MOOC de Sciences Po, Polytechnique, Centrale, Mines Telecom, Paris 1, Bor- deaux 3, Montpellier 2… etc. Réalisée en septembre 2013, une étude du Ministère de l’Education Nationale estimait déjà à 10% le nombre d’étudiants et d’enseignants du supérieur français ayant déjà suivi ou donné un MOOC. Et une étude TNS Sofres montre que 57% des étudiants aimeraient en suivre. La technologie est ainsi peut-être en train de réaliser un des plus vieux rêves humains : mettre le savoir à la portée de tous, en rendant accessibles les cours des plus prestigieuses universités et institutions d’ensei- gnement. Elle change radicalement le sens de l’interac- tion : ce n’est plus à moi de me déplacer physiquement pour accéder au savoir, c’est lui qui vient à moi, dans mon ordinateur ou ma tablette, où que je sois et sans que j’aie à bouger. Ce que le collège de France ou l’université populaire de Michel Onfray faisait pour quelques individus ayant le temps de se déplacer et d’assister au cours, le web le massifie, l’universalise, le démocratise. La technologie fait tomber les barrières. Le philosophe Michel Serres se dit ainsi convaincu que “les nouveaux supports vont rendre possible un enseignement libéré de toute dis- crimination économique, sociale, culturelle ou acadé- mique”10 . Quoi qu’il en soit de l’avenir, il paraît évident que, même si toutes leurs potentialités et leurs implications positives ou négatives n’ont sans doute pas encore été La connaissance nomade, ou suivre un cours de Stanford au fin fond de la Creuse 42 (R)évolution de l’éducation (R)évolution de l’éducation (3)
  • 23. pensées, ils constituent un levier de démocratisation des savoirs sans doute inégalé dans l’histoire de l’Humanité. (R)évolution de l’éducation 45 DES ÉTUDIANTS AIMERAIENT SUIVRE UNE PARTIE DE LEURS COURS SUR INTERNET Méthodologie Etude réalisée en face à face à domicile du 28 novembre au 2 décembre 2013 sur un échantillon de 1145 individus représentatifs de la population française âgée de 14 ans et plus. Polytechnicien sans passer de concours ? Une révolution pour l’école, mais aussi pour l’entreprise. Pour Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique, les MOOC sont aussi une “révolution” : “après avoir renversé les secteurs de la logistique, de la musique, de la publicité, ou encore de l’édition, c’est au tour de l’école et de l’université de connaître les effets disruptifs de l’Internet avec l’émergence de nou- velles technologies qui redéfinissent la manière même de transmettre et partager le savoir”11 . Etre polytechnicien” sans jamais avoir passé le concours, voilà ce que permet déjà presque l’école virtuelle ! Les MOOC vont entraîner un changement complet dans l’acquisition des savoirs et la gestion de sa formation, tant initiale que continue. Rien de plus facile en effet avec eux que d’enrichir ses compétences tout au long de sa carrière. De nouveaux acteurs MOOC se positionnent déjà sur le marché de la formation continue. Pour “apporter une réponse innovante à l’évolution des besoins de formation continue en finances”, le groupe français FirstFinance vient par exemple de lancer le premier MOOC d’analyse financière, animé par un professeur d’HEC, et avec validation des acquis. Un site comme CoorpAcademy se spécialise, lui, dans la mise en ligne de MOOC, dédiés à la formation professionnelle au sein des entreprises. L’école française et l’Education nationale semblent évoluer bien lentement par rapport aux bouleverse- ments majeurs induits par le nouveau monde numé- rique. Alors même que, comme le montre une étude TNS Sofres, les Français dans leur ensemble et, parmi eux, les parents d’élèves, jugent le numérique potentiel- lement extrêmement utile à l’enseignement. Certes, il existe la spécialité ISN (Informatique et Sciences du Numérique) en option pour les classes Terminales scientifiques. Mieux, on peut localement trouver nombre d’initiatives faisant doucement entrer l’école dans l’ère de l’éducation 2.0. Différenciation pédagogique par élève pour des exercices de com- préhension orale en anglais, travail collaboratif pour l’élaboration de supports de cours en histoire-géogra- phie, utilisation de la vidéo pour répéter des exercices de gymnastiques musculation en EPS : dans certains lycées en pointe, comme le lycée Kastler de Guebwiller en Alsace, l’utilisation de tablettes numériques vient faciliter et enrichir les pédagogies et les transmissions du savoir. Mais on reste encore malgré tout loin, très loin de l’école connectée et de la “smartschool”. Pas facile à l’évidence de faire changer de direction un mammouth, même si son environnement extérieur se modifie rapi- dement ! Et pourtant, les attentes des Français sont fortes en la matière. Comme le souligne une enquête TNS Sofres, ils souhaitent que l’enseignement numé- rique intègre le cursus scolaire le plus tôt possible. Et que soient dispensés à la fois des enseignements “de base” (outils bureautique, usage d’Internet…) mais aussi une maitrise plus poussée du numérique : 64% les
  • 24. langages de programmation, 62% la façon de produire des contenus web et même 50% le codage de logiciels. Savoir “conduire numérique” mais savoir aussi ce qu’il y a dans le moteur et être en mesure de “penser numé- rique”!12 L’inertie de l’école française, son retard dans sa capaci- té à apprendre le numérique et à former aux nouvelles technologies, fait du coup apparaître de nouveaux ac- teurs dans le secteur éducatif. C’est la devise de l’école 42, créée par Xavier Niel, le fondateur de Free, une école “anti-école”, dédiée au recrutement et à la formation de talents en informa- tique, et fondée sur le postulat “qu’on peut ne pas avoir le bac et pourtant devenir le développeur le plus bril- lant de sa génération”. L’école est ouverte, entièrement gratuite et pour tous. Elle ne recrute pas sur diplôme mais sur la motivation et la «passion” pour la chose in- formatique. Elle promeut une pédagogie collaborative et communautaire, en mode peer to peer. Et ne dort jamais : locaux et moyens techniques sont accessibles 7j/7 et 24h/24. L’école 42 pourrait bien faire sens : face à un système éducatif français qui a du mal à valoriser la créativité individuelle et qui prend du retard dans le processus actuel d’accélération technologique, la formation au numérique pourrait bien relever de plus en plus des grands acteurs de l’Internet. Bientôt des Google Schools en France ? Révolution encore à ses débuts, les MOOC viennent s’ajouter à la déjà large palette d’outils fournis par Internet pour démocratiser l’accès à la connaissance : encyclopédies, dictionnaires, bibliothèques numé- riques publiques (Gallica ou Numélyo à Lyon) ou privées (Google Books), espaces de livres et articles numériques ou numérisés, archives d’articles et pro- ductions web (blogs, réseaux sociaux, sites)…etc. Le web est devenu la plus grosse somme de savoir jamais constituée dans l’histoire humaine. Les chiffres sont vertigineux : il y a aujourd’hui 23 millions d’articles sur Wikipédia, publiés dans près de 300 langues et 20 millions d’ouvrages numérisés sur Google Books. Diderot et d’Alembert en auraient rêvé, le web le fait ! Born to code ? 46 (R)évolution de l’éducation DEPUIS 2012, LES ÉLÈVES DE TERMINALE SCIENTIFIQUE PEUVENT CHOISIR LA SPÉCIALITÉ ISN (INFORMATIQUE ET SCIENCES DU NUMÉRIQUE). CETTE SPÉCIALITÉ A POUR BUT DE PROPOSER UNE INITIATION À L’INFORMATIQUE ET AUX SCIENCES DU NUMÉRIQUE. AUJOURD’HUI, ELLE EST PROPOSÉE DANS 752 ÉTABLISSEMENTS ET CONCERNE PLUS DE 10 000 ÉLÈVES. POUR CHACUNE DES PROPOSITIONS SUIVANTES, DIRIEZ-VOUS QU’IL EST UTILE, DE LES INTÉGRER DANS L’ENSEIGNEMENT ? 24% 29% 22% 8% 13% 6% 75%ESTIMENT QUE LA SPÉCIALITÉ ISN DEVRAIT ÊTRE PROPOSÉEAVANT LA TERMINALE SELON VOUS, CETTE NOUVELLE SPÉCIALITÉ ISN… DEVRAIT ÊTRE INTÉGRÉE À PARTIR DE L’ÉCOLE PRIMAIRE 24% DEVRAIT INTÉGRÉE À PARTIR DU COLLÈGE 29% DEVRAIT INTÉGRÉE AU LYCÉE, À PARTIR DE LA SECONDE 22% NE DEVRAIT PAS ÊTRE UNE OPTION MAIS UNE MATIÈRE OBLIGATOIRE POUR TOUS LES ÉLÈVES DE TERMINALE 8% DOIT RESTER UNE SPÉCIALITÉ DES CLASSES DE TERMINALES SCIENTIFIQUES 13% SANS OPINION 6% 43% 21% 20% 16% 42% 34% COMPRENDRE LES LANGAGES DE PROGRAMMATION PRODUIRE ET PUBLIER DU CONTENU SUR LE WEB SAVOIR CODER LES LOGICIELS Méthodologie Etude réalisée en face à face à domicile du 28 novembre au 2 décembre 2013 sur un échantillon de 1145 individus représentatifs de la population française âgée de 14 ans et plus PLUTÔT UTILE TOUT À FAIT UTILE
  • 25. 48 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 49 (R)ÉVOLUTION DU JEU, CULTURE ET MÉDIATION La culture « jeu vidéo » et le gaming issu du smartphone se diffuse à l’ensemble des champs sociaux. Le jeu quitte le divertis- sement, le néo-ludisme devient fait social. Marques, associations et institutions peuvent dès lors s’approprier le jeu comme levier com- portemental, pour susciter de l’implication, de l’engagement et de la conversion.
  • 26.
  • 27. 52 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 53 (R) évolution de nos interactions sociales 5352 (R) évolution de nos interactions sociales NOUVELLE RÉPUBLIQUE LE SUD OUEST LE PARISIEN LE SUD OUEST MIDI LIBRE LA PROVENCE LE SUD OUEST LE SUD OUEST LE JOURNAL DU CENTRE LA VOIX DU NORD LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE LE SUD OUEST LE SUD OUEST PRESSE OCÉANLE MIDI LIBRE PRESSE OCEAN LE SUD OUEST LA PROVENCE
  • 28. 54 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) (R) évolution de nos interactions sociales 55 Gamification, ludification… que veulent dire pour les marketeurs ce goût permanent du jeu et cette culture de la compétition ludique ? En ligne ou sur plateau, dans la vie ou dans des opérations trans-médias, les fameuses “OP Spé”, le jeu est devenu un mode de communication incontournable. Les bonbecs, on les aligne, on les éclate, on les aligne, on les éclate, on les aligne, on les éclate... Près de 80 mil- lions de personnes dans le monde sont aujourd’hui addicts à Candy Crush, sorte de casse-brique ou de Tétris du XXIème siècle. À ce jeu ou un autre, on y joue sur son smartphone partout, dans le métro, l’avion ou le TGV, dans la rue, dans une salle d’attente ou chez soi. On y joue toute le temps, le jeu remplissant le moindre petit interstice, le moindre petit temps mort dans sa vie sociale ou personnelle… Criminal Case, élu jeu de l’année 2013, est une forme de Cluedo numérique inventé par une start-up française, où il faut trouver le coupable. 10 millions de personnes y jouent quotidiennement sur le réseau social et la start-up, Pretty Simple, qui le produit connaît la plus forte croissance de l’histoire du Web en France. Le “gaming” est une pratique paradoxale. Elle est évidemment caractéristique de l’époque et de la mobilité connectée, tout en étant en même temps une ma- nière de quitter l’hyperconnexion. Pendant que l’on joue on ne répond pas à ses mails, on ne partage rien avec osn réseau et on ne lit pas les alertes des sites d’info. Le smartphone qui nous relie au monde nous permet aussi de nous en extraire. Une forme d’évasion douce, volontaire et immédiate, le temps d’un moment. Le “gaming”, ou l’exemple même de la connection déconnectée, mais pas seulement... Les phénoménaux succès des jeux révèlent que le phé- nomène est devenu dans nos sociétés un fait social total. 44% des internautes mondiaux, soit 703 millions de personnes, jouent en ligne et deux tiers des Fran- çais jouent régulièrement aux jeux vidéo, qu’ils soient on ou off line. Une étude TNS Sofres démontre très clairement que la pratique des jeux vidéo est devenue adulte (elle réunit 7 personnes âgées de 25 à 49 ans sur dix) et interclassiste : elle rassemble presque autant de joueurs au sein des CSP+ (67%) qu’au sein des CSP- (62%)13 . Elle n’est plus divertissement ou simple apa- nage de gamers mais s’est instituée, institutionnalisée même en véritable pratique culturelle, donc légitime. Pour preuve : des établissements prestigieux comme le Musée national des Arts et Métiers (expo Muséo games en 2011) ou le Grand Palais (expo Game Sto- ry en 2013) y consacrent de grandes expositions et les jeux vidéo viennent de faire leur apparition dans les 13 médiathèques de la Communauté Urbaine de Strasbourg, avec un espace de “retrogaming”, abritant consoles “collector” et jeux historiques. Nous baignons désormais dans une culture du lu- dique, qui s’immisce au cœur de toutes les interactions sociales… entre coopération (se passer des indices, des troupes, des vies…) et compétition (être le meil- leur, être celui qui est allé le plus loin…), tous ces jeux renforcent les liens et les interactions entre individus. On joue à la fois pour soi et pour se challenger avec les autres. Mobilité connectée et numérique ont ainsi placé le jeu au cœur de la dynamique sociale, et en ont fait un moteur contemporain des interactions et des relations sociales. Dans ce contexte, tout peut deve- nir ludique, même, et surtout peut-être, les sujets les plus sérieux. Récemment sortie, l’application Evolu- tio vient ainsi par exemple “gamifier” l’actualité. Le principe est simple : on mise sur les mots de l’actu comme on le ferait sur des actions boursières. Pour se lancer dans l’aventure, il suffit d’acheter des mots clés (Zlatan, tempête, Xbox, Hollande….) à partir de la monnaie virtuelle proposée par l’application. Selon la récurrence de la présence du mot dans la centaine de médias source de l’application, des blogs influents et des tendances de l’actualité, le cours du mot fluctue. La valeur des mots et le portefeuille des joueurs sont remis à jour toutes les heures. Autre exemple, la socié- té Opower, aux Etats-Unis. Elle fournissait jusque-là un logiciel aux consommateurs permettant de maîtri- ser leur consommation d’énergie. Rien de très amusant apriori. Elle vient pourtant d’en faire un jeu : elle a en effet lancé une application permettant de publier et donc de comparer avec celle du voisin, sa consomma- tion d’électricité. “J’économise plus que toi” : à l’heure du néo-ludisme, sur le réseau social où l’on raconte sa vie, réduire sa consommation d’électricité s’affiche désormais comme vertu et se challenge. Le jeu vidéo comme fait social total 54 (R) évolution de nos interactions sociales (R)évolution du jeu, culture et médiation (4) Gamification ou ludification : la culture gaming du numérique se diffuse à l’ensemble de la société Faites vos jeux ! Internet et le smartphone ont “gami- fié», “ludifié” notre société. Salles de jeu, salles de sports, baby-foot dans les cafétérias : on a décrit dans les chapitres précédents le mouvement de ludification des espaces de travail au sein des entreprises, sur le modèle start-up, parce qu’un salarié détendu est un salarié plus performant. Avec les “serious games”, les vertus du jeu sont également de plus en plus exploitées par les managers, notamment pour favoriser l’engage- ment et l’implication. Le jeu a quitté le registre simple du divertissement pour se constituer en mode d’inte- raction entre les individus. Entreprises, marques, ins- titutions, associations ont parfaitement saisi ce boule- versement et s’emparent alors du jeu comme puissant levier d’implication, d’engagement et de conversion. Selon le site webmarketing.com : “la ludification est
  • 29. quer et challenger en entreprise : la gamification comme stratégie de marques a de multiples avantages. Selon le site digiworks.fr, plus de 200 marques l’uti- lisent aujourd’hui dans leurs relations clients ou leurs modes de management internes. Parmi elles, les grands médias qui investissent le gaming comme moyen de rendre plus attractifs leurs programmes et d’attirer de nouveaux publics. Les “webdocs gamifiés” consti- tuent ainsi à l’évidence la grande tendance “media” émergente de l’année 2013. Fort Mc Money, un “jeu- documentaire” mêlant simulation et vidéos réelles, a ainsi fait l’événement à l’automne dernier. Cet objet hybride invite à visiter la ville (réelle) de Fort McMur- ray, eldorado pétrolier canadien qui tire sa richesse de l’exploitation pétrolifère des sables bitumineux et met le joueur, après avoir écouté les différents acteurs de la cité, en situation de devoir répondre aux questions écologiques et sanitaires cruciales qui s’y posent. Arte a renouvelé l’expérience le 15 décembre dernier, pour accompagner son docu-fiction sur la cathédrale de Strasbourg, en créant en parallèle sur smartphone, un webdoc gamifié dans lequel l’internaute joue le bâtisseur des temps moderne, en ayant pour mission d’ériger la seconde tour manquante de la cathédrale de la capitale alsacienne, connue pour n’avoir qu’une seule flèche. L’apparition des websdocs gamifiés modi- fient la nature de la création et de la production audio- visuelles : les projets ne sont plus seulement “multimé- dias” mais deviennent intrinsèquement “transmédias”. ainsi le transfert des mécanismes du jeu à d’autres domaines, avec pour but, en rendant les actions plus ludiques, d’augmenter leur acceptabilité et l’engage- ment des personnes qui y participent. Ce processus de gamification permet ainsi d’obtenir des personnes des comportements que l’on pourrait considérer sans inté- rêt ou que l’on ne voudrait ordinairement pas faire, comme par exemple remplir un questionnaire, acheter un produit, regarder des publicités ou assimiler des informations.” Engagement d’abord : le jeu renouvelle les formes de participation citoyenne à la vie politique et associative. A Grenoble ou à Rennes, des associations utilisent le jeu théâtral pour sensibiliser à la dénonciation des dis- criminations raciales et sexistes. Sur le modèle latino- américain du Théâtre de l’Opprimé, ce théâtre forum met en scène des histoires vécues et réelles de discrimi- nations. Les spectateurs ont la possibilité d’en arrêter le déroulement quand ils le désirent pour intervenir sur scène et jouer leur manière de modifier la situation, en remplaçant l’opprimé ou en devenant un de ses alliés. Une forme d’entraînement avant de s’engager dans la “vraie vie”. Les “role play” éducatifs et citoyens sont en plein développement et les exemples fourmillent. A Lille, une association d’éducation populaire promeut dans les écoles «Backstagegame», un jeu qui transforme les jeunes en managers de projet, en leur faisant gérer tous les enjeux de production d’un concert. Une manière ludique de les insérer dans les règles du monde du tra- vail et de leur donner envie, comme le dit la promesse du jeu de “renouer avec leur radioréveil”.Très utilisé par les professeurs d’histoire géographie, le jeu Third world farmer permet lui de sensibiliser les élèves aux difficultés de l’agriculture vivrière et des petits paysans dans les pays en développement. Pour faire passer son message, et inciter les 18-25 ans à se former aux gestes qui sauvent, la Croix rouge n’a pas hésité à utiliser dans sa dernière campagne l’univers et l’esthétique du célèbre jeu vidéo Grand Theft Auto. Elle s’est inspirée du langage, des mots et des codes mêmes des gamers. Avec, sur un écran divisé en deux colonnes, à gauche, la version pour les connaisseurs (“En cas de crash, le rôle du premier player sur la map est fondamental pour éviter un wipe”), et à droite, sa traduction en français (“En cas d’accident, le rôle du premier témoin est fon- damental pour éviter le sur-accident”.) Signe de l’air du temps, l’association Animafac refuse de se placer «dans une démarche moralisatrice ou imposée” pour promouvoir l’engagement associatif. Elle privilégie donc la forme ludique pour valoriser le bénévolat, au moyen, cette fois d’un jeu de société classique «cha- cun son asso», avec plateau et pion, où les joueurs sont amenés à se mettre dans la peau d’un militant asso- ciatif. Sensibilisation, mobilisation : dans la démocra- tie 2.0, le gaming s’offre comme nouveau levier pour revitaliser les formes de participation citoyenne à la vie collective. Et contribue du coup aussi à “ludifier” la politique : pendant la campagne électorale de 2012, la quasi-totalité des grands sites d’information proposait ainsi aux internautes de multiples jeux et quizz pour savoir pour qui voter et vérifier si leur choix était en adéquation avec leurs convictions. Comprendre aussi le mécanisme de report de voix avec la petite applica- tion de la Fondation pour l’Innovation politique. Conversion marketing ensuite : le gaming publicitaire s’impose aujourd’hui comme stratégie de marques et comme arme de conversion. L’essayer, c’est l’adopter ? Pour le lancement de sa nouvelle Juke Nismo, Nissan permet au consomma- teur d’essayer le modèle… en jouant sur son téléphone. Chaque joueur de l’ultra populaire Asphalt 7 a la pos- sibilité de tester la nouvelle voiture en la conduisant virtuellement, via l’écran de son téléphone. Ce nou- veau modèle plutôt sportif se retrouve héros d’un jeu dans lequel sa dynamique et ses performances sont mé- ticuleusement transposées : une manière “tendance” de toucher les fans de conduite. Coca et Sony viennent de s’associer pour créer l’application Coca-Cola Zéro All Stars Island, qui promeut des jeux gratuits, inspirés par des héros de la Playstation 3, sur smartphone et tablette, avec sur chaque interface une publicité pour la célèbre boisson. Recruter et fidéliser de nouveaux clients, améliorer l’image de marque, animer des communautés, impli- (R) évolution de nos interactions sociales 5756 (R) évolution de nos interactions sociales
  • 30. 6-9 ans 10-14 ans 15-24 ans 25-34 ans PCS+ PCS- INACTIFS 35-49 ans 50+ 86% 68% 62% 57% 92% 80% 75% 66% 43% Méthodologie : Étude réalisée sur internet du 11 au 25 mars 2013 sur un échantillon de 2800 individus représentatifs de la population française âgés de 6 à 65 ans PÉNÉTRATION DES JEUX VIDÉO PAR CATÉGORIE D’ÂGE PÉNÉTRATION DES JEUX VIDÉO PAR CATÉGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLE
  • 31. 60 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 61 (R)ÉVOLUTION DES OBJETS Le web 3.0 ou 4.0 sera celui des objets intelligents. Nous entrons dans le passage d’une société d’individus connectés à une société d’objets connectés. Déjà, le “quantify myself” permet à chacun de monitorer sa propre santé. La production de données, à partager ou pas, sera colossale : c’est le big data. La technologie n’est plus seulement créative, elle “s’humanise” en devenant “sensitive” et “émotionnelle”.
  • 32.
  • 33. 64 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 6564 (R)évolution des objets (R)évolution des objets 65 MIDI LIBRE LA DÉPÊCHE DU MIDI LA VOIX DU NORD LE RÉPUBLICAIN LORRAIN LE PARISIEN LE COURRIER PICARD LE SUD OUEST LA VOIX DU NORD LA PROVENCE LA DÉPÊCHE DU MIDI LA DÉPÊCHE DU MIDI LE SUD OUEST LA PROVENCE LA PROVENCE
  • 34. 66 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) (R)évolution des objets 67 Les objets connectés ne sont plus des gadgets. La domotique, Graal des années 70 est aujourd’hui dans nos vies. Aucun secteur d’activité ne peut s’exempter d’une réflexion sur ce que ces objets peuvent générer en termes de connaissance comme en termes de relation et de business avec leurs clientèles. Big Data, nous voilà ! L’innovation technologique accélérée nous a déjà fait entrer dans l’époque des objets connectés et le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective consacré à Internet estime ainsi, que d’ici 2020, 50 milliards d’objets “intelligents” connectés pourraient voir le jour. Mais, après 2020, il annonce le développe- ment “d’une nouvelle génération d’objets plus autonomes et plus intelligents encore, que l’on pourrait qualifier de robots. À l’internet des objets succéderait ainsi un internet des robots, avec une intelligence plus décentrali- sée. Ce pourrait être l’époque de la voiture sans chauffeur, l’environnement ayant été équipé dans cette perspec- tive, mais aussi l’ère des robots domestiques.» Nous sommes donc subrepticement en train de pas- ser d’une société d’individus connectés à une société d’objets connectés. Chaque accessoire de la vie quo- tidienne sera bientôt raccordé au Net. Avec au centre de cette vie numérique, le smartphone, qui constituera le lien intelligent entre les objets connectés et le nuage informatique et sera le véritable hub de ce nouvel éco- système. Un smartphone qui reçoit déjà en moyenne près de 150 “checks” par jour. A l’heure où, en France, 53% des usagers mobiles possède un smartphone et où plus de trois quarts des nouveaux téléphones por- tables achetés sont des smartphones, on imagine les possibles… La technologie est là et les innovations foisonnent. Chaque jour, partout sur la planète, start-ups, créa- teurs et inventeurs développent de nouveaux objets connectés. Vous êtes en panne d’inspiration le soir pour raconter des histoires à vos enfants ? Adoptez le smart PJs ! En flashant les ronds multicolores qui ornent le tissu de ces beaux pyjamas, de jolis contes pour enfants se téléchargent instantanément sur votre smartphone. Vous avez quelques problèmes de surpoids ? Pen- sez alors à vous munir d’une fourchette électronique. Invention française, créée par un jeune girondin, elle analyse, connectée via Bluetooth au Smartphone ou à l’ordinateur, la manière dont vous mangez (la durée du repas, le nombre de coups de fourchette et leur inter- valle) et se met à vibrer si vous avalez trop vite, chacun sachant que manger lentement est un moyen de lutter contre le surpoids. Vous êtes un free-rider qui défie les pentes ? Pensez à coller sur votre anorak le QR Code d’urgence qui permettra en cas d’accident aux secou- ristes d’accéder immédiatement à votre dossier médical… En matière d’objets connectés, la créativité est sans limite. Nestlé vient par exemple d’inventer le soutien- gorge connecté, le tweeting bra : à chaque fois que vous le décrochez, il poste sur le réseau social un message rappelant aux femmes l’importance du dépistage pour prévenir les cancers du sein. Bardé de capteurs et de wearable computing (infor- matique vestimentaire), pour mesurer mon pouls, mon rythme de sommeil, mes pas, mes calories…etc., je peux désormais monitorer ma propre santé. L’entrée dans la digital Heath a commencé. Les bracelets Fit- bits comptent les calories que vous consommez et vous indiquent le nombre restant pour atteindre votre ob- jectif quotidien. Le pilulier Adhretech avertit le patient mais aussi son médecin si les comprimés du traitement sont oubliés ou ne sont pas pris à l’heure. Les fibres des vêtements de la société OMSignal in- tègrent de nombreux capteurs permettant de mesurer plusieurs paramètres: pouls, respiration, humidité et température de la peau, humidité et température exté- rieures, nombre de pas effectués et activité physique. Le tissu intelligent est capable de calculer des données physiques mais aussi d’appréhender l’état émotionnel – stressé, détendu, etc. Nous voilà au cœur du Quantify myself ! L’idée est simple : la connaissance numérique en continu de vos données personnelles et de votre style de vie est un moyen de mener une existence plus saine et donc plus longue. Vous étudiez vos courbes, vous regardez vos chiffres et vous savez ce qu’il vous reste à faire pour votre santé : monter par l’escalier et non par l’ascen- seur, descendre du métro une station avant destination ou vous garer plus loin que prévu pour faire le bon nombre de pas. L’application Runkeeper, qui vous donne par audio en temps réel la distance parcourue et les calories brûlées pendant votre jogging, a déjà été téléchargée plus de 7 millions de fois dans le monde. Avec les wereables devices et le monitoring personnel, l’individu s’institue en objet communicant, avec lui-même bien sûr, mais aussi avec les autres, son médecin par exemple à qui il peut transmettre ses données, ou ses amis au sein du gaming compétitif (qui a brûlé le plus de calories aujourd’hui ?) qui nourrit aujourd’hui les interactions sociales… Je ne te dis plus seulement que ce je pense, ressens ou suis mais te montre aussi ce que les données objectives peuvent dire de moi. L’irruption d’objets communicants en grand nombre va rendre plus “intelligents” un certain nombre d’équi- Le conte du pyjama connecté 66 (R)évolution des objets (R)évolution des objets (5)
  • 35. 68 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 69 Bienvenue dans le monde hyperconnecté ! Un monde où les individus et les objets communiquent, et plus encore où les objets “se parlent” entre eux. Montres Samsung, mini-drones Parrot, Google Glass, bracelets Fitbits … la révolution arrive dans tous les secteurs et force marques et entreprises à rivaliser d’innovations. Evian vient ainsi d’inventer le smart drop : dans le cadre du nouveau service evianchezvous.com, testé à Paris, ce petit magnet en forme de goutte d’eau fonc- tionnant via une connexion wifi permet de passer com- mande directement depuis son frigo, en sélectionnant références et quantités désirées, date et heure de livraison. Dans l’ère de l’hyperconnexion, les possibilités domo- tiques deviennent infinies et financièrement beaucoup plus accessibles, ce qui pourrait bien rapidement révo- lutionner notre vie quotidienne, à la maison. Régler la température dans n’importe quelle pièce de la maison et mettre en route la cuisson du dîner depuis son ca- napé ; lancer, à distance depuis son lieu de vacances la lecture d’un film et allumer les lumières pour faire croire que le lieu est occupé et dissuader les cambrio- leurs… Déjà les applications domotiques (Domotica, iMyhome, My home manager) se multiplient. L’hyperconnexion gagne également l’aménagement ur- bain. Gestion intelligente des réseaux (eau, électricité, chauffage), de l’empreinte énergétique des bâtiments, pilotage à distance de l’éclairage urbain, suivi du tra- fic, géolocalisation des bus, la ville de demain sera durable, connectée et intelligente. Abribus intelligent pour connecter les voyageurs au réseau de transport et à la ville par l’information digitale, panneau interactif de quartier permettant de découvrir la ville en réalité augmentée… des centaines de projets voient le jour sur tout le territoire. Un monde où chaque objet de tous les jours serait équipé d’une technologie d’identification n’est plus très loin et fait déjà rêver les marketeurs ! Aux Etats- Unis, Mondelez vient d’inventer la smart étagère ou le rayonnage intelligent. Des détecteurs sont installés sur les rayons des magasins, permettant d’identifier l’âge, le sexe du consommateur et les produits qu’ils regardent. Imparable pour emmagasiner des trésors d’informations sur les habitudes d’achat et ajuster en retour sa réponse publicitaire et commerciale ! Avec son rayon intelligent, Mondelez pose déjà sans doute les bases de la customisation marketing de demain. Les Google car auraient déjà fait 800 000 kilomètres en Californie sans provoquer d’accidents. Seul problème : la Google car ne sait pas encore réagir face aux signes que lui fait un argent de la circulation ! Trépidant, instantané, rapide, accéléré, réclamant de gérer en permanence une quantité croissance d’infor- mation, le monde de l’ultraconnexion peut être fasci- nant mais également fatigant. Avec votre veste bran- chée sur le web, vos lunettes à réalité augmentée et votre sac à main parlant à votre portable, il y a peut- être un moment où vous aurez envie de couper les fils, faire une pause. Déjà émergent dans notre vie connec- tée des applications pour vous déconnecter. Votre amoureux ne cesse de consulter les résultats de la 24ème journée de ligue 1 le soir où vous l’avez invité à dîner pour fêter la Saint Valentin ? Téléchargez et envoyez lui I Off You, une application qui déconnec- tera son portable à l’heure et pour la durée que vous voudrez. A Harvard, un jeune étudiant a créé et installé dans la bibliothèque de l’Université un “WiFi Cold Spot”, un caisson d’isolement complètement inaccessible aux ondes de toutes sortes. Addicts aux emails et aux ré- seaux sociaux peuvent s’y ressourcer. A l’intérieur, des petites lumières suggérant une nuit étoilée s’allument, un cadre propice à la détente, à la mise entre paren- thèse de sa vie digitale et au relâchement de la pression numérique. En France, au moment où les accès WIFI sont en plein essor dans tous les lieux publics, des chercheurs de l’Institut Polytechnique de Grenoble viennent d’inven- ter le papier peint déconnecté, dont la composition en particules d’argent permet de bloquer les ondes électromagnétiques. Initialement, l’invention visait à empêcher les connexions pirates des voisins à d’autres box, mais des études consommateurs ont démenti ce besoin et montraient qu’elle répondait surtout à une demande de déconnexion et de protection à l’égard des ondes wifi et de téléphone portable. Demain, dans le monde de l’utraconnnexion, les restos et spots “wifi-free” pourraient bien devenir tendances. Pour vivre un moment mais pas plus, dans un terri- toire, physique et mental, déconnecté. Car la déconnection n’est pas une alternative radicale à la connection mais bien plus un temps, une manière de faire avec le monde connecté. C’est la conclusion principale de la grande et passionnante enquête eth- nographique réalisée par quatre chercheurs en sciences de l’éducation et de la Communication pour la Fédéra- tion Française des Télécoms14 : “il n’y a pas de monde numérique unique : c’est le monde de chacun qui est tramé d’usages numériques qui lui correspondent. Cette intrication ne se comprend bien que dans une logique paradoxale : si de nombreux moments de vie font éprouver une continuité entre soi et les techno- logies numériques, “être connecté” revient pourtant à faire l’expérience de la discontinuité. Loin du fan- tasme de la déconnexion radicale, pour rendre leur vie connectée vivable, les utilisateurs procèdent à d’inces- santes petites déconnexions et font se succéder les mo- ments avec et les moments sans.» Ainsi, technologies et innovations foisonnantes font tomber une à une les barrières entre réalité et (science) fiction. Personne n’a encore pris la véritable mesure des objets connectés que s’annonce déjà l’arrivée de robots encore plus intelligents et “humains”. L’artiste Patrick Tresset a ainsi imaginé Paul, un robot capable de réaliser le portrait d’un modèle à partir de l’identi- fication de son visage par ordinateur, avec les mêmes imperfections que le coup de crayon humain. La tech- nologie devient ainsi “émotionnelle” et “sensitive”. Soutenue par la région Aquitaine, une équipe d’uni- versitaires bordelais vient quant à elle d’inventer et de créer Culturewok, le premier moteur de recherche culturel émotionnel et sensitif. L’internaute fait varier toute une série de curseurs selon ses envies et sa sensibi- lité du moment. Le moteur lui indique alors les objets culturels (livres, films, musiques…) qui correspondent le mieux à son état émotionnel. Les médiathèques lo- cales, à Saint Jean de Luz ou Mérignac par exemple, l’ont déjà adopté. Déshumanisée la technologie ? Dans l’ère de l’ultra-connection, et de l’ultra-innovation, l’ancestrale opposition entre l’austérité glacée de la technique et la sensibilité émotive de l’Homme pour- rait bien être battue en brèche. De l’hyperconnexion… … à la déconnexion momentanée Au-delà de la science-fiction, de l’émotion dans la technologie pements et produire une nouvelle masse de données issues des capteurs de toute sorte présents dans ces ob- jets. Le fameux big data. A chacun, ensuite, de décider de partager, ou pas, cette infinité de données… et aux annonceurs de déployer les objets pouvant générer un feed-back de la part de leurs consommateurs.
  • 36. 70 (R)évolution de nos modes productifs
  • 37. 72 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 73 (R)ÉVOLUTION DE NOTRE RAPPORT À L’ARGENT La traditionnelle carte bleue pourrait bien avoir vécue avec le développement du por- tefeuille numérique et les premiers essais de paiement par reconnaissance faciale ou ges- tuelle. Le crowdfunding, l’essor des monnaies libres ou encore l’émergence du Pay What You Want viennent également transformer radicalement les modèles de business et les circuits de financement et de distribution.
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  • 39. 76 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 77 (R) évolution de nos interactions sociales 7776 (R) évolution de nos interactions sociales OUEST FRANCE LA PROVENCE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE LA PROVENCE DNA LA PROVENCE MIDI LIBRE LE RÉPUBLICAIN LORRAIN LE SUD OUEST LE SUD OUEST LE SUD OUEST LE COURRIER PICARD LE MAINE LIBRE DNA DNA LA VOIX DU NORD
  • 40. 78 Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) Recomposition : la carte et le(s) territoire(s) 79 (R)évolution de nos modes productifs 79 Une double Révolution pour les banques et la distribution : repenser le rôle des guichets, agences, points de vente et autres show-rooms, mais aussi s’interroger sur le besoin de démonétisation et un rapport à l’argent largement modi- fié, symptôme d’une vague plus profonde de remise en question de la société transactionnelle traditionnelle. Qu’elle soit Gold, Platinum ou Premier, la carte bleue pourrait devenir ringarde, caduque, dans le monde de demain. Consultation de ses comptes et virements en ligne, chat depuis son ordinateur avec un conseiller, alertes SMS… la technologie a déjà considérablement modifié, en le fluidifiant et en le facilitant, le rapport des banques à leurs clients. Le mobile banking est déjà très largement entré dans les mœurs et les comportements. Selon une étude TNS SOFRES, deux tiers des détenteurs de smartphone l’utilisent pour réaliser des opérations bancaires et déjà 30% des utilisateurs de tablettes ont téléchargé l’application de leurs banques15 . Après la banque mobile, la transformation de nos manières de payer s’annonce déjà. La technologie de communication de données sans contact fait office de mini-révolution dans le monde des terminaux mobiles et promeut le téléphone portable comme outil de paie- ment. En collaboration avec plusieurs grandes banques et VISA, Orange vient ainsi de lancer Orange Cash : une application qui permettra aux abonnés détenteurs d’un mobile disposant de la technologie NFC de payer sans contact en magasin. Concrètement, l’utilisateur téléchargera l’application Orange Cash et créditera son compte prépayé, à partir de sa carte bancaire. Avec la technologie sans contact de Visa pré-chargée sur sa carte Sim, il n’aura plus, pour régler son achat en bou- tique, qu’à poser son mobile sur le terminal de paie- ment du commerçant. Le dispositif sera expérimenté à Strasbourg et à Caen début 2014, avant un déploie- ment national envisagé au second trimestre. Autre exemple, la société française Paybyphone offre aujourd’hui dans certaines villes françaises (Nice, Vanves, Nîmes, le Havre, Issy-les-Moulineaux, Bou- logne-Billancourt….etc.) mais aussi à Miami, San Francisco ou Vancouver la possibilité aux automo- bilistes de payer leur stationnement avec leur mobile. Plus besoin de se déplacer physiquement à l’horoda- teur, ni d’apposer son ticket sous le pare-brise : les contractuels sont équipés de PDA leur permettant d’identifier votre stationnement en temps réel. Mais le smartphone commence-t-il juste à se déve- lopper comme portefeuille numérique que certains inventent déjà son dépassement, et rêvent de pou- voir régler leurs achats sans avoir à sortir, ni CB, ni téléphone de leur poche. Avec simplement leur ADN comme carte de paiement. La start-up finlandaise Uniqul développe ainsi une fonctionnalité novatrice de paiement par reconnais- sance faciale. En moins de cinq secondes, une tablette équipée de détecteurs biométriques synchronise et re- connaît le visage du client, qui, une fois identifié, n’a plus qu’à appuyer pour valider le paiement. Aux Etats-Unis, un jeune inventeur s’attache, lui, à dé- velopper une manière de paiement par reconnaissance gestuelle, “le secret handshake”, où de simples mouve- ments de doigts et de mains pourraient permettre de régler l’addition. Dans le monde des objets connectés, payer avec son corps sera peut-être bientôt banal. Acheter sa baguette avec son smartphone ? 78 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de notre rapport à l’argent (6) Micro-mécénat et micro-crédit : l’individu co-financeur Technologies et innovations changent, et vont encore radicalement changer nos manières d’acheter, de payer et de financer. Ce faisant, les innovations technolo- giques modifient ainsi très profondément notre rap- port à l’argent. D’autant que tout un chacun peut désormais être à la fois producteur et client, prêteur et emprunteur, mé- cène et artiste subventionné et ce, au niveau individuel. Le crowdfunding, ou financement participatif, s’est d’abord imposé dans la sphère culturelle. En permet- tant de miser quelques euros sur les projets d’un écri- vain, d’un cinéaste ou d’un chanteur, avec la promesse d’une rétribution proportionnelle en cas de succès, Internet a inventé le micromécénat et offert à chacun la possibilité de s’instituer en producteur de films, de musiques, ou en éditeurs de romans et de BD. Des artistes comme Ayo ou Grégoire ont accédé à la notoriété grâce au financement participatif. Pionnier du crowdfunding, le site Mymajorcompany qui affiche aujourd’hui une communauté de mécènes de près de 400 000 membres, a levé plus de 15 millions d’euros depuis sa création et soutenu plus de 42 000 projets culturels. «Soutenez les artistes, devenez leurs coproducteurs et partagez les bénéfices des ventes avec eux... La révolution est en marche !” : le site NoMa-
  • 41. 80 (R)évolution de nos modes productifs (R)évolution de nos modes productifs 81 jorMusik affiche, lui, clairement qu’à l’heure d’Inter- net, la coproduction d’œuvres avec les internautes per- met de se passer des grosses majors qui dominaient le marché. Les “grandes” entreprises sont ici clairement challengées et visées, au-delà de la seule promotion du financement parallèle. Du culturel, le modèle s’est diffusé à la finance avec l’apparition et le développement de sites spécialisés dans le microcrédit entre particuliers. “Les petits prêts font les grandes histoires” : le site Babyloan promeut un microcrédit social et solidaire entre particuliers en France et dans les pays en développement. Près de 30 000 personnes appartiennent à la communauté “baby- loanienne” et ont prêté plus de 7 millions d’euros pour soutenir 17 000 micro-entrepreneurs dans 146 pays. Ou comment en matière d’aide au développement, le Web peut faire de chacun d’entre nous un Muhammad Yunus ! Le crowdfunding s’instaure même désormais en moyen de financement des entreprises. “Sélectionnez au- jourd’hui les perles de demain” : la plateforme Wiseed vous propose d’investir en prêtant de l’argent aux start-ups que vous jugez les plus innovantes. Elle com- prend à ce jour plus de 21 000 membres, ayant prêté plus de 6 millions d’euros, à 34 start-ups. Désintermédié, collaboratif, ouvert, horizontal, le crowdfunding est évidemment symptomatique de l’es- prit de la sharing economy. Une économie du partage qui paraît gagner chaque jour du terrain au sein de l’économie traditionnelle. Signe des temps : la consommation collaborative touche ainsi désormais même le BtoB ! Privilégiant une économie de l’usage et non de la propriété, le site et l’application FLOOW2 proposent ainsi de mettre en relation les professionnels qui mettent des outils et équipements lourds (machines agricoles, engins de chantiers…) inutilisés en location aux entrepreneurs qui cherchent du matériel. La finance constitue sans doute l’un des domaines les plus parlants pour décrire l’ambivalence du progrès technique, et montrer, selon les appropriations qu’on en fait, comment une même technologie peut entraî- ner des conséquences opposées. Ainsi, et à l’évidence, informatique et internet ont contribué à débrider la finance internationale, en accélérant de manière inouïe les échanges et en augmentant considérablement la puissance et la vitesse de calcul des algorithmes. Mais le réseau et ses potentialités ont dans le même temps été également utilisés dans une logique stricte- ment contraire, celle de créer un système contestataire et alternatif à la finance internationale et au système libéral dominant. Essentiellement destiné aux interdits de chéquiers et/ ou aux revenus modestes, une start-up française vient ainsi d’inventer le premier compte sans banque. Il s’ouvre chez un buraliste et ne requiert ni conditions de revenus, ni dépôt minimum. Pour une cotisation annuelle de 20 euros, vous disposez d’une Master- card pour retirer de l’argent et payer vos achats et de la possibilité d’effectuer virements et prélèvements. Vous n’avez en revanche pas de chéquier, ni le droit au découvert. Les opérations s’effectuent au bureau de tabac ou par internet et mobile. Vous en avez assez de de la crise de l’euro ? Conver- tissez-vous aux monnaies libres ! Cigalonde dans le massif des Maures, Nostra dans le pays salonais… elles fleurissent un peu partout dans l’Hexagone. La plus connue reste sans conteste la Sol-Violette, créée au printemps 2011 à Toulouse. Son nom dit sa phi- losophie : “Sol” pour désigner une monnaie solidaire protégeant l’argent de la spéculation boursière ; “Vio- lette”, fleur symbole de la ville de Toulouse, pour affir- mer son identité locale et son ancrage territorial. Maî- triser sa monnaie, être acteur du développement local, promouvoir une économie sociale et solidaire alterna- tive au système libéral, tel est le crédo des fondateurs du Sol-Violette, soutenus par la mairie de Toulouse. Le concept est le suivant : on peut échanger ses euros au Crédit municipal ou au Crédit coopératif avec un taux de change fixé à 1 euro = 1 Sol. Petit avantage, pour 20 euros, on obtient 21 Sol. Les euros échangés au sein de ces deux institutions bancaires ne “s’évaporent pas” et sont réinvestis localement dans le microcrédit et la création d’entreprises solidaires. Les “solistes” peuvent ensuite dépenser leur monnaie au sein du réseau des partenaires agréés. Ce sont des restaurants ou des épi- ceries bio, des librairies indépendantes, des boutiques de vêtements équitables. Pour obtenir le droit d’encais- ser les Sol-Violette, tous ont dû certifier leur engage- ment dans le développement durable. Le Sol-Violette n’est pas une monnaie de réserve : une cagnotte ne gagne pas à être thésaurisée car le billet perd 2% de sa valeur s’il n’a pas été échangé au bout de trois mois. Une manière de faire fi de la spéculation et d’affirmer que le premier statut de la monnaie est d’être un moyen d’échange. Le succès est encore modeste mais l’initia- tive s’installe progressivement dans l’économie locale. Près de 1500 personnes utilisent aujourd’hui le “Sol” à Toulouse, accepté dans plus d’une centaine de lieux. Qu’elles soient locales ou virtuelles au sein des com- munautés numériques (le bitcoin en est l’exemple le plus connu), les monnaies libres sont en plein essor. Si elles ne constituent pas (encore) une menace pour la stabilité de l’euro, elles pourraient toutefois trans- former nos façons d’acheter et de consommer. La ten- dance au Pay What You Want, émergente sans véri- tablement s’imposer, devrait ainsi trouver un second souffle avec la diffusion des monnaies locales. Pas de prix, pas d’étiquettes, pas de codes-barres. Tel groupe propose à ses fans d’acheter son album au prix qu’ils souhaitent, tel restaurant n’affiche aucun prix au menu… Car c’est le consommateur qui dé- cide de ce que le plat vaut. De plus en plus de sites de voyages ou d’hôtels proposent ce mode innovant de rémunération. Vous avez envie de soleil et de plongée ? Vous pouvez aujourd’hui «payer ce que vous voulez” pour un séjour à la maison d’hôte du bois rose, à l’Ile Maurice. Se crée ainsi un nouveau business, basé sur la confiance, et dans lequel le consommateur devient lui-même le fixa- teur du prix. Attention aux expériences ratées toutefois : le site américain de vente privée Brandalley a fait les frais de consommateurs parfois uniquement utilitaristes et vénaux. 85% de ses 10 000 vêtements mis en prix libres sont partis en quelques heures pour moins… de deux euros, blogs et réseaux sociaux ayant très rapidement propagé la nouvelle du «bon plan”. Déçue, la marque américaine a déploré “l’instinct d’appropriation pur et simple des consommateurs” et juré qu’on ne l’y repren- drait plus ! Le cas Brandalley livre une jurisprudence claire : le modèle PWYW ne peut fonctionner que pour les achats dans lesquels entrent émotion, recherche quali- tative et rapport affectif à la marque ou au producteur du bien ou service. Bref pour tous les bons plans que l’on aime, du livre de son auteur fétiche à la nuit dans un bel hôtel de charme. Au-delà de ces exemples qui ne resteront peut-être que des feux de paille émerge une tendance profonde et que les marques se doivent de comprendre et s’approprier : les consommateurs ont besoin d’une soupape convi- viale et alternative au commerce traditionnel, non pas Des îles Caïman à la monnaie libre Parce que vous le voulez bien : le Pay What You Want, tendance de demain ?