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ALIMENTAIRE




COMMENT LES BANQUES, CAISSES DE PENSIONS ET
FONDS SPÉCULATIFS SE RENDENT COMPLICES DE LA
FAIM DANS LE MONDE
Sommaire
    SPÉCULATION ALIMENTAIRE                                          3

    1. LA FAIM DANS LE MONDE                                         4
    Trois crises alimentaires en six ans                             5
    La mondialisation engendre des relations de dépendance           5

    2. CONSÉQUENCES DE LA SPÉCULATION
       SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES                                 6
    Extension massive de la spéculation boursière                    6
    Des denrées alimentaires sont stockées                           6
    Impact majeur sur les prix des denrées alimentaires              7

    3. QUI SONT LES PERSONNES QUI SPÉCULENT?                          8
    Rôle central des banques                                          8
    Risque systémique des opérations pour compte propre               8
    La spéculation dans les fonds de placement: un sport populaire    9
    Jouer en bourse avec des produits structurés                      9
    Des opérations de gré à gré exemptes de tout contrôle            10
    Les banques suisses jouent un rôle important                     10
    Terrain de jeu pour les fonds spéculatifs                        11
    Les caisses de pensions fournissent les capitaux                 11

    4. QUELLES SONT LES MESURES PRISES POUR
       LUTTER CONTRE LA SPÉCULATION ALIMENTAIRE?                     12
    Des efforts de réforme aux Etats-Unis                            13
    Atermoiements dans l’UE et au G20                                13
    Les campagnes sont efficaces                                     13
    Que se passe-t-il en Suisse?                                     13

    5. LA SÉPARATION DES RENDEMENTS PAR RAPPORT
       À L’ÉCONOMIE RÉELLE EST UN JEU MORTEL                         14

    Lectures complémentaires                                         15




2
SPÉCULATION ALIMENTAIRE
Par Daniel Stern

Les centaines de millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde ne le doivent
pas au simple hasard, à leur seule faute ou aux intempéries. Bien souvent, suffisamment
de denrées alimentaires sont disponibles; ces personnes n’y ont cependant pas accès.
En effet, le prix de nombreuses denrées alimentaires de première nécessité s’est envolé
au cours des dernières années. L’une des causes de cette augmentation est la spéculation
boursière sur les matières premières. De plus en plus d’études corroborent ce lien, même
si les banques continuent d’affirmer que leur spéculation est un jeu à somme nulle, qui
n’influence en rien les prix réels.

Pourtant, la dérégulation des marchés financiers, débutée dans les années 1990, a trans-
formé les bourses de matières premières en de gigantesques casinos. Les banques et les
fonds spéculatifs y mettent en jeu leurs fonds propres, ainsi que l’argent de leurs clients.
Les caisses de pensions viennent y chercher les rendements qu’elles ne peuvent plus obte-
nir sur les autres marchés. Ce sont les consommateurs qui en paient le prix fort, notamment
dans les pays les plus pauvres où les denrées alimentaires de première nécessité constitu-
ent les principaux postes de dépenses. Des voix s’élèvent parmi les personnes concernées,
les personnalités politiques, les organisations non gouvernementales (ONG), mais aussi
les agences des Nations Unies, pour réclamer un durcissement des réglementations afin
d’enrayer la spéculation sur les denrées alimentaires. Face à la pression de l’opinion pub-
lique, certaines banques ont annoncé qu’elles arrêtaient leurs activités dans ce domaine.
Nous sommes pourtant loin d’assister à une avancée fondamentale. Grâce à un lobbying
intensif, le secteur financier a jusqu’à présent réussi à vider de son sens, voire à bloquer
totalement, tout projet de réglementation.




                                                                                               3
1. LA FAIM DANS LE MONDE
    Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et              Pourtant, les denrées alimentaires ne manquent pas. Elles serai-
    l’agriculture (FAO), près de 870 millions de personnes souf-               ent disponibles en quantités suffisantes. La production des prin-
    frent, aujourd’hui, d’un manque chronique de nourriture. Cela              cipales denrées alimentaires de première nécessité a progressé
    correspond à 12,5% de la population mondiale. En examinant                 d’environ un quart au cours des dix dernières années. En 2011,
    l’évolution de ces vingt dernières années, on peut, à première             les récoltes ont même battu tous les records. Par ailleurs, mal-
    vue, faire preuve d’un certain optimisme: en 1990, un milliard de          gré la sécheresse aux Etats-Unis, la FAO estime qu’à l’échelle
    personnes étaient sous-alimentées. Ce chiffre a donc diminué,              mondiale, la récolte 2012 sera presque aussi abondante que
    et ce malgré une forte hausse de la démographie mondiale.                  celle de 2008, soit la deuxième meilleure année jamais enregist-
                                                                               rée.2 En effet, les principaux produits alimentaires de base, com-
    Cependant, en détaillant les statistiques de la FAO, on s’aperçoit         me le riz, le maïs et le blé, sont aujourd’hui, en moyenne, deux
    que ce recul concerne uniquement certaines régions d’Asie et               fois et demie plus chers qu’il y a dix ans. En monnaie constante,
    d’Amérique latine. En Afrique subsaharienne, en revanche, le               cela représente une augmentation de plus de 70% en dix ans.3
    nombre de personnes sous-alimentées est passé de 170 à 234
    millions. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, il a également           Lorsque les cours des produits alimentaires de base augmen-
    augmenté, passant de 22 à 41 millions. Ajoutons une autre re-              tent dans les pays industrialisés, ce phénomène a relativement
    striction: les progrès réalisés dans la lutte contre la faim datent        peu d’impact sur le niveau de vie de la population moyenne.
    essentiellement d’avant 2007. Selon le rapport de l’ONU sur la             Dans ces pays, les foyers consacrent entre 10 et 15% de leur
    faim dans le monde, «les progrès mondiaux de la lutte contre la            budget à l’alimentation. Dans les pays en voie de développe-
    faim ont, depuis, ralenti et faibli».1                                     ment, il en va tout autrement: les populations dépensent entre
                                                                               50 et 90% de leurs revenus en nourriture.4




    Prix du maïs en dollars US par tonne métrique (907,17 kg)


              300



              250



              200



              150



              100



                50



                  0
                         2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
                                                                                                                                Source: Indexmundi




    1
        Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation:   2
                                                                                   FAO, L’offre et la demande de céréales, novembre 2012.
        «L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde», 2012.              3
                                                                                   FAO, Indice des prix des produits alimentaires, novembre 2012.
                                                                               4
                                                                                   FMI, d’après l’organisation World Development Movement:
                                                                                   «The Great Hunger Lottery», juillet 2010.
4
Trois crises alimentaires en six ans                                   La mondialisation engendre des relations
                                                                       de dépendance
Depuis 2007, les bourses des produits alimentaires ne cessent
d’enregistrer des hausses massives des cours, qui menacent             Un facteur clé de l’augmentation des prix est le mode de pro-
gravement la sécurité alimentaire des pays en voie de déve-            duction et de commercialisation des denrées alimentaires de
loppement. La flambée des prix de 2007 et 2008 a eu un im-             première nécessité, comme le maïs et le blé. Dans différentes
pact particulièrement dramatique: dans près de soixante pays           régions de la planète, l’agriculture est pratiquée sur de vastes
à travers le monde, les populations se sont alors opposées à           étendues, avec des machines et des engrais. Cette production
l’accroissement des prix alimentaires, du Nigeria au Bangla-           quasi-industrielle a, dans un premier temps, largement réduit les
desh, en passant par les Philippines, Haïti ou le Mexique. El-         coûts. Cela a permis à de petits exploitant-e-s agricoles, qui ne
les sont descendues dans la rue manifester leur colère, allant         pouvaient pas réaliser d’importants investissements, d’entrer
jusqu’à saccager des magasins d’alimentation. La population            sur le marché. Dans les années 1990, les cours du blé et du
pauvre urbaine a été la plus durement touchée par l’envolée des        maïs étaient encore très bas. La suppression des barrières com-
prix. Elle est plus dépendante des marchés internationaux que la       merciales a, dans de nombreux pays, intensifié la pression sur
population rurale.                                                     les prix. Les fermiers américains ont ainsi inondé le Mexique de
                                                                       leur maïs subventionné par l’Etat et forcé de nombreux petits
Au milieu de l’année 2008, les cours des matières premières            exploitant-e-s agricoles locaux, incapables de faire face à cette
agricoles se sont rétractés, à l’instar du pétrole brut. Toutefois,    concurrence, à abandonner leurs cultures de maïs. Depuis, le
ce recul s’est répercuté sur les marchés locaux avec un décala-        maïs servant à fabriquer la tortilla est américain et le Mexique
ge considérable. Fin 2008, la FAO annonçait que le nombre de           encore plus dépendant des variations des prix sur le marché des
personnes sous-alimentées avait progressé de 40 millions au            Etats-Unis.
cours de l’année.5
                                                                       Les hausses de prix massives des dernières années posent le
En 2010, les prix sont repartis à la hausse et, pour certains          problème central suivant: au lieu d’être cultivés localement en
produits, encore plus fortement que deux ans auparavant. Une           quantité suffisante, les produits alimentaires de première né-
sécheresse en Europe de l’Est et en Russie présageait des ré-          cessité sont soumis aux règles du jeu de la mondialisation. Les
coltes moins volumineuses. A l‘époque, la Banque mondiale a            denrées, telles que le blé, le maïs et le soja, sont devenues des
estimé que cette situation allait précipiter 40 millions de person-    matières premières, de simples marchandises. Les investisseurs
nes supplémentaires dans la misère absolue.6 L’augmentation            parient en bourse sur l’évolution de leur cours et les fluctuations
des prix a également posé de gros problèmes au Programme ali-          de l’offre et de la demande mondiales dictent les augmentations
mentaire mondial de l’ONU, dont le budget n’était pas suffisant        et les diminutions de prix. Cette situation présente un risque
pour nourrir près de 90 millions de personnes avec des produits        de concentration majeur: plus de 80% des céréales exportées
de première nécessité de plus en plus onéreux. Au milieu de            dans le monde sont produits par seulement cinq grands pays et
l’année 2011, les cours ont fléchi, avant d’atteindre de nouveaux      contrôlés par quatre multinationales.7 Ces groupes se nomment
sommets un an plus tard. La sécheresse aux Etats-Unis était            Cargill, ADM, Bunge et Louis Dreyfus Commodities. Un tiers du
cette fois en cause. Nous connaîtrons l’impact concret de cette        commerce mondial des céréales et graines oléagineuses passe
hausse en 2013.                                                        par les services commerciaux genevois de ces entreprises.8

Différentes raisons sont avancées pour expliquer ces flambées          Ainsi, le prix pratiqué au Mexique pour le maïs a peu à voir avec
des prix. On fait souvent valoir que les prix s’envolent lorsque les   l’agriculture locale. Il dépend en effet d’une éventuelle sécheres-
conditions météorologiques annoncent une mauvaise récolte.             se en Ukraine, d’une potentielle augmentation de la production
Les épisodes de sécheresse et d’inondation, qui se multiplient         d’éthanol des Etats-Unis, de la progression du cours du pétrole
avec le changement climatique, ont une part de responsabili-           ou d’un accroissement de la consommation de viande en Chine.
té. Par ailleurs, l’accroissement des dépenses énergétiques a
également un impact financier sur la production des produits           Les sommes investies dans le commerce de ces matières pre-
agricoles. Une autre raison évoquée est l’augmentation de la           mières par les banques, les caisses de pensions et les fonds
consommation de viande d’une part croissante de la population          spéculatifs, qui cherchent à optimiser leurs gains grâce aux fluc-
mondiale, notamment en Asie. Lorsqu’elles disposent de plus de         tuations des cours boursiers, constituent néanmoins un autre
moyens, les populations ont tendance à manger davantage de             facteur clé. En outre, les hausses de prix des produits massi-
viande. Les animaux d’engraissement, tels que le porc, le bœuf         vement commercialisés, comme le maïs, le soja et le blé, ont
ou le poulet, sont généralement nourris au soja, maïs et blé, ce       un impact sur les cours d’autres denrées, vers lesquelles de
qui intensifie la demande pour ces produits. De plus en plus           nombreux consommateurs et consommatrices se tournent en
de surfaces agricoles sont exploitées pour nourrir les bêtes, au       cas d’augmentation des prix. Par exemple, la demande en riz
détriment des humains. L’alimentation des populations pâtit éga-       s’accroît, ce qui entraîne également une hausse des prix.
lement de la production de carburant d’origine végétale. Ainsi,
plus de 40% du maïs produit aux Etats-Unis sert aujourd’hui à
fabriquer de l’éthanol, qui est ensuite mélangé à l’essence. Les
Etats-Unis cultivent en grande majorité du maïs et ils en sont
également les premiers exportateurs au monde.
                                                                       7
                                                                           Oxfam: «Les crises alimentaires vouées à se répéter tant que les leaders
5
    Die Wochenzeitung WOZ, n° 5/2009.                                      ne trouveront pas le courage de résoudre les vrais problèmes», août 2012.
6
    Foodwatch: «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.            8
                                                                           Déclaration de Berne: «Agropoly», avril 2011.

                                                                                                                                                       5
2. CONSÉQUENCES DE LA SPÉCULATION
       SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES
    Le rôle de la spéculation dans le commerce des produits de gran-       Pourtant, les banques en veulent toujours plus. Depuis 2000,
    de consommation, comme le blé et le maïs, n’est pas nouveau.           elles ont obtenu la suppression de toutes les limites de posi-
    La bourse des matières premières de Chicago existe depuis              tion dans le commerce des matières premières. Leur argument
    plus d’un siècle. Sa fonction a longtemps été d’offrir aux agri-       a été le suivant: vu que leurs clients pouvaient intervenir sur le
    culteurs et aux agricultrices une certaine sécurité concernant         marché des matières premières (par le biais des opérations de
    leurs produits. Des contrats dits à terme leurs permettent de          gré à gré, par exemple), elles devaient pouvoir se protéger sur
    vendre leur récolte en avance sur les marchés et leur garantit         les bourses des matières premières, à l’instar des entreprises de
    ainsi de ne pas devoir brader leurs marchandises après la ré-          transformation et des agricultrices et agriculteurs, qui n’étaient
    colte. Ce système offre également une certaine sécurité aux            pas concernés par les limites de position.
    acheteurs et aux acheteuses. En effet, si la récolte se passe mal,
    les accords préalables leur évitent de payer le prix fort. Les inst-
    ruments appelés options sont venus compléter cette protection:         Extension massive de la spéculation
    les bons d’option donnent le droit d’acheter une marchandise à         boursière
    un moment donné et à un prix prédéfini. Les acheteurs et ache-
    teuses de matières premières peuvent ainsi se prémunir con-            Dans le sillage de la libéralisation aux Etats-Unis, la spéculation
    tre l’augmentation des prix. Si, toutefois, le cours d’un produit      du secteur financier s’est développée de façon massive et gé-
    s’effondre contre toute attente, ils ne sont pas obligés de con-       nérale, même sur les produits agricoles. Si, en 2003, les fonds
    vertir l’option et peuvent profiter d’une offre plus favorable. Les    indiciels sur les matières premières (voir ci-dessous) détenaient
    agriculteurs et les agricultrices tirent, eux aussi, parti du marché   3 milliards USD dans le secteur agricole, ce chiffre atteignait
    d’options. Si finalement leurs produits ne peuvent être vendus         80 milliards USD en 2011.9 De même, les données de l‘autorité
    qu’à un prix très bas, ils touchent quand même les montants            américaine chargée de la régulation des marchés des matières
    prédéfinis de la vente des options.                                    premières (Commodity Futures Trading Commission, CFTC)
                                                                           sont sans équivoque: la part des spéculatrices et spéculateurs
    Les spéculatrices et spéculateurs en bourse ont toujours existé        exclusifs dans le commerce du maïs, équivalant à plus de 10%
    et négociaient, de leur côté, des contrats à terme et des op-          en 2005, a, par moments, connu une augmentation supérieure à
    tions – permettant ainsi, dans le meilleur des cas, que le mar-        50% lors des flambées des prix observées durant ces dernières
    ché dispose de liquidités toute l’année. Ainsi, les agricultrices      années.10
    et agriculteurs pouvaient vendre leurs produits aux échéances
    des contrats et les grossistes et entreprises de transformation        Les banques affirment que cette spéculation a peu d’impact sur
    les acheter au moment où ils avaient besoin de marchandises.           la formation des prix. Selon elles, leurs activités sur les marchés
                                                                           des matières premières sont utiles, car elles permettent aux in-
    Dans les années 1990, cependant, les règles du jeu ont consi-          vestisseurs de se protéger contre l’inflation. Ainsi, les détenteurs
    dérablement changé aux Etats-Unis, qui constituent la première         de nombreuses actions peuvent acquérir, en guise de garantie,
    plateforme d’échange des matières premières agricoles. Après           des contrats à terme ou des options sur le maïs. Dans le cas où
    un lobbying intensif de la part des banques, les limites dites de      une forte inflation ferait sérieusement chuter la valeur de leurs
    position imposées aux spéculatrices et spéculateurs ont été            actions, cette perte serait compensée par la croissance atten-
    assouplies. Les limites de position ont pour but d’empêcher            due du cours du maïs.
    que des protagonistes puissent, à eux seuls, faire pression
    sur les prix grâce à leur pouvoir d’achat. Il s’agit d’une sorte de    Paul Krugman, prix Nobel d’économie, apporte de l’eau au
    restriction d’accès: une seule spéculatrice ou un seul spécula-        moulin des spéculatrices et spéculateurs: il nie leur rôle dans
    teur ne peut acquérir qu’un certain nombre de contrats à terme         les hausses de prix, car les spéculatrices et spéculateurs ne
    et d’options sur un produit donné.                                     stockent aucune matière première. Selon lui, l’offre n’est donc
                                                                           pas réduite de façon artificielle. Les prix des contrats à terme ne
    En outre, dans les années 1990, les banques ont réussi à obtenir       sont, pour lui, qu’une anticipation du marché sur l’état de l’offre
    une libéralisation globale de leur système. Ainsi, la spécialisa-      et de la demande à un moment donné.
    tion des activités bancaires a été abolie, laissant aux banques
    d’investissement le champ libre pour jouer en bourse avec de
    l’argent emprunté à des taux très bas. Par ailleurs, les banques       Des denrées alimentaires sont stockées
    avaient désormais la possibilité de contourner la bourse et de
    vendre directement à leurs clients des options sur des achats          Cependant, personne ne connaît vraiment la quantité de denrées
    d’or et de devise, mais aussi de céréales. Ces opérations di-          alimentaires stockées. Le ministère américain de l’Agriculture et
    tes de gré à gré échappent à tout contrôle des autorités. Les          la FAO publient régulièrement des chiffres sur les stocks de cé-
    banques peuvent ainsi prendre des risques impossibles à éva-           réales, mais ces derniers se fondent sur les seules indications
    luer de l’extérieur.
                                                                           9
                                                                                World Development Movement: «Broken markets», septembre 2011.
                                                                           10
                                                                                U. S. Commodity Futures Trading Commission:
                                                                                www.cftc.gov/oce/web/corn.htm

6
Sachs a racheté, en 2010, l’entreprise Metro International, l’un
                                                                        des premiers exploitants d’entrepôts du monde. La même an-
                                                                        née, JP Morgan a absorbé l’entreprise commerciale spécialisée
                                                                        dans les matières premières, RBS Sempra Commodities, ainsi
                                                                        que l’entreprise logistique Henry Bath. La banque est ainsi deve-
                                                                        nue propriétaire, entre autres, de 130 entrepôts.14



                                                                        Impact majeur sur les prix des denrées
                                                                        alimentaires
                                                                        Les conséquences de la spéculation financière sur les prix des
                                                                        matières premières ont fait l’objet d’une pléthore de recherches
                                                                        scientifiques. Une étude datant de juillet 2010, réalisée par les
                                                                        célèbres économistes John Baffes et Tassos Haniotis, con-
                                                                        clut que «l’activité des fonds indiciels a joué un rôle clé dans
                                                                        la flambée des prix de 2008». M. Baffes analyse les marchés
                                                                        des matières premières à la Banque mondiale et M. Haniotis
                                                                        occupe la même fonction à la Direction générale de l’Agriculture
                                                                        au sein de l’Union Européenne.15 Une étude du «New England
                                                                        Complex System Institute» est, elle aussi, catégorique. Cet in-
fournies par les gouvernements. Les quantités réelles stockées          stitut scientifique a créé un modèle de calcul utilisant les don-
dans leurs réseaux d’entrepôts à travers le monde par les grands        nées boursières et les chiffres disponibles sur la production, la
groupes, tels que le géant suisse Glencore Xstrata issu de la           consommation et le stockage de céréales dans le monde et a
récente fusion de Glencore et Xstrata, échappent à tout contrô-         défini, après consultation des négociants et des productrices
le. Les informations sur leurs stocks sont confidentielles.11 Ces       et producteurs, les mécanismes de la formation des prix sur les
entreprises ont donc toute latitude pour commercialiser leurs           marchés au comptant, c’est-à-dire là où s’effectuent les achats
marchandises en fonction des cours de la bourse.                        directs. Selon ses calculs, l’envolée des cours des céréales en
                                                                        2007/2008 et 2010/2011 est liée «en particulier à la spéculation
S’ajoute à cela le nombre incalculable de silos à grains détenus        des investisseurs».
par les agricultrices et agriculteurs. La construction de ces silos
a connu un «essor phénoménal» ces dernières années, comme               La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le dé-
le souligne l’analyste Michael Swanson dans un article du «Fi-          veloppement (CNUCED) arrive également à un résultat sans
nancial Times». En quatre ans, il y a eu plus de silos construits       équivoque: plusieurs études ont souligné la forte corrélation
aux Etats-Unis qu’au cours des 30 dernières années réunies.             entre les prix pratiqués sur les marchés des matières premières
Les agricultrices et agriculteurs américains, pour la plupart très      et d’autres marchés spéculatifs, pour les devises et les actions
attentifs à l’évolution des cours boursiers des matières premiè-        par exemple. Par conséquent, les cours des matières premières
res, peuvent ainsi tirer leur épingle du jeu de la spéculation ban-     ont suivi, durant les dernières années, la même évolution que les
caire et vendre leurs marchandises lorsque les prix sont favora-        cours des actions et des devises, indépendamment des prévi-
bles.12                                                                 sions de récolte ou de la hausse de la consommation de viande
                                                                        en Asie. Pour la CNUCED, la conclusion est claire: les marchés
Conformément aux préceptes de l’économie libérale, c’est ainsi          des matières premières font désormais partie du marché finan-
que se comportent les personnes qui vendent et achètent des             cier, ce qui explique qu’aujourd’hui le volume des contrats négo-
biens réels. Ils font ce qui est le mieux pour eux. «En cas de          ciés en bourse sur les matières premières est 20 à 30 fois plus
hausse de prix provoquée par des investisseurs dont les stra-           élevé que la production elle-même.16
tégies commerciales ne se basent pas sur les fondamentaux,
mais uniquement sur l’amplification des tendances, il est sim-          La flambée des cours boursiers est donc, en partie du moins,
plement logique pour les négociants de stocker d’abord leur             autoréférentielle. Les «données fondamentales», telles que les
marchandise; toute autre action serait stupide», écrit Oliver de        prévisions de récolte, ne sont pas les seuls critères importants.
Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à           Le capital investi sur le marché, couplé au fait que des actrices
l’alimentation.13 En raison de l’augmentation du nombre de spé-         et acteurs importants soient prêts à prendre un risque et à pa-
culatrices et spéculateurs présents sur les marchés, les agri-          rier sur une hausse des cours, comptent également. Ce con-
cultrices et agriculteurs, ainsi que les acheteuses et acheteurs        stat réduit à néant l’argument initial des banques, selon lequel
de marchandises, deviennent, à leur tour, des spéculatrices et          les marchés des matières premières évoluent différemment des
spéculateurs.                                                           marchés des actions et offrent une garantie contre l’inflation. En
                                                                        réalité, les marchés des matières premières dépendent beau-
Mais les banques se sont mises, elles aussi, à stocker des mar-         coup plus de l’argent spéculatif disponible et des fluctuations
chandises. Par exemple, la banque d’investissement Goldman              des autres marchés.

11
     Foodwatch: «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.            14
                                                                             Die Wochenzeitung WOZ, n°10/2011.
12
     Financal Times, 6 avril 2011.                                      15
                                                                             Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim».
13
     Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.   16
                                                                             CNUCED, Synthèse 25, septembre 2012.

                                                                                                                                             7
3. QUI SONT LES PERSONNES
       QUI SPÉCULENT?
    Lors de la crise financière qui a éclaté en août 2007, la vérité est                  Crédit Suisse (CS) se classe juste derrière les cinq banques de
    apparue au grand jour: les dérégulations du système bancaire                          tête, suivi, quelques rangs après, par UBS.
    et la mondialisation des marchés financiers ont considérable-
    ment aggravé le risque d’une bulle spéculative. Peu importe qu’il                     Au total, les banques réalisent, aujourd’hui encore, près de 7 mil-
    s’agisse d’actions, d’obligations, de titres immobiliers ou même                      liards USD de bénéfices grâce aux transactions sur les matières
    de la spéculation sur le prix du pétrole brut, des métaux ou des                      premières. Cela ne veut pas dire, pour autant, que la spéculation
    produits alimentaires: une meute de personnes prêtes à investir                       recule sur les bourses des matières premières, mais simplement
    cherchent en permanence à étancher leur soif de profits. La der-                      qu’elle est pratiquée par d’autres actrices et acteurs. En un an,
    nière tendance à la mode est la spéculation foncière. De plus                         les banques ont «perdu une myriade de négociants de matières
    en plus de capitaux sont investis dans l’achat de surfaces agri-                      premières au profit des entreprises commerciales et des fonds
    coles, notamment dans les pays en développement. Sur place,                           spéculatifs plus généreux», constate une analyse de l’agence
    l’exploitation industrielle de cultures commerciales (comme les                       Reuters.18
    graines oléagineuses, les fleurs, le café ou le coton) doit ensuite
    générer des revenus continus. Les familles locales, qui se con-
    sacrent à l’élevage et à l’agriculture sont évidemment délogées,                      Risque systémique des opérations pour
    au motif qu’elles ne possèdent pas les titres fonciers idoines,                       compte propre
    exigés par la loi. Certaines ONG parlent d’«accaparement de
    terres». Les banques, elles, évoquent un investissement sûr.                          Les opérations pour compte propre, autrement dit la spécula-
    Avec la hausse de la démographie mondiale, il y a fort à parier                       tion avec ses propres capitaux, sont particulièrement lucratives
    que la valeur des terrains continue d’augmenter.                                      pour les banques, car ces dernières peuvent avoir accès à des
                                                                                          crédits avantageux. Par ailleurs, elles bénéficient généralement
    Les banques ne cessent de créer de nouveaux instruments qui                           d’une avance considérable en termes d’informations par rapport
    promettent, selon les modalités, plus de sécurité avec moins                          aux autres acteurs du marché. Travaillant directement sur les
    de rendements ou plus de risque mais avec des revenus plus                            places boursières, leurs opératrices et opérateurs obtiennent,
    alléchants. Cet univers ne laisse guère de place à la morale.                         grâce aux nombreux mandats de clients, des indications subs-
    Il réagit uniquement lorsque l’opinion publique se réveille, me-                      tantielles sur l’évolution future du marché.
    naçant ainsi sa réputation, ou qu’une loi l’oblige à changer ses
    pratiques.                                                                            Toutefois, les grandes banques représentant un risque sys-
                                                                                          témique, il est aujourd’hui nécessaire que les opérations pour
                                                                                          compte propre soient plus complexes à pratiquer pour elles. Au
    Rôle central des banques                                                              1er janvier 2013, des réglementations plus sévères en matière
                                                                                          de capitaux devraient entrer en vigueur sous le nom de «Bâle
    Suite aux dérégulations des dix dernières années, les banques                         III». Conformément à ces dispositions, les grandes banques doi-
    sont devenues les principaux acteurs de la spéculation sur                            vent investir davantage de fonds propres dans des placements
    les matières premières. Produits agricoles, sources d’énergie                         sûrs et, par conséquent, consacrer moins de capitaux à la spé-
    ou métaux, cela n’a guère d’importance. La dérégulation des                           culation. Cependant, le secteur financier américain a réussi à
    marchés des matières premières leur a offert une myriade de                           repousser l’application de ces réglementations. Dans un premier
    possibilités d’investissement à des fins spéculatives, aussi bien                     temps, la réforme de Bâle III ne sera pas appliquée aux Etats-
    grâce à leurs propres capitaux qu’à l’argent de leurs clients. De                     Unis. Cela a provoqué l’intervention des banques européennes
    nouveaux instruments financiers sont apparus, qui permettent                          qui réclament d’être traitées de la même manière par l’Union
    de parier directement ou indirectement sur la hausse et la bais-                      Européenne (UE) et exigent également un report des réglemen-
    se des prix. Avant la crise financière de 2007, entre 10 et 14                        tations.
    grandes banques se partageaient le gâteau de la spéculation
    et enregistraient, au total, un profit de près de 14 milliards USD
    par an.17

    Avec la crise financière, le durcissement législatif aux Etats-
    Unis et la mise en place de réglementations internationales plus
    sévères en matière de capitaux, le nombre de grands noms du
    secteur financier est descendu à cinq: les trois banques améri-
    caines d’investissements JP Morgan, Morgan Stanley et Gold-
    man Sachs, l’allemande Deutsche Bank et la britannique Bar-
    clays. Elles contrôlent aujourd’hui environ 70% du marché. Le

    17
         Reuters: «Banks struggle to adapt or survive in commodities», 5 novembre 2012.   18
                                                                                               Reuters: «Banks struggle to adapt or survive in commodities», 5 novembre 2012.




8
La spéculation dans les fonds de                                       Une personne souhaitant acheter des matières premières, qui a
placement: un sport populaire                                          besoin, à un moment donné, de blé ou de maïs pour les trans-
                                                                       former, doit, dans le pire des cas, compter sur des prix exor-
En proposant différents types de fonds, les banques ont trans-         bitants et s’en protéger sur les marchés, par le biais d’options
formé la spéculation sur les marchés des matières premières            par exemple. Finalement, cette personne va payer plus cher et
en un véritable sport populaire. Quiconque possède un peu              répercuter les coûts supplémentaires sur le consommateur final.
d’argent de côté peut s’acheter des parts dans l’un des innom-         Cet argent supplémentaire remplit les poches des personnes
brables fonds et espérer une hausse des prix. Entre 2003 et            qui spéculent, qui s’interposent de plus en plus entre, d’une
début 2012, la valeur de ces fonds spécialisés dans les matiè-         part, les agricultrices et agriculteurs et, d’autre part, les ache-
res premières a grimpé de 13 à 419 milliards. Selon la banque          teuses et acheteurs de matières premières. Le résultat n’est en
britannique Barclays, 90 milliards ont été misés sur les matières      aucun cas un jeu à somme nulle, comme le prétendent nombre
premières agricoles pour le seul mois de janvier 2012.19               d’économistes. L’insécurité du marché provoquée par les per-
                                                                       sonnes qui spéculent entraîne, au contraire, une modification du
Dans le domaine de la spéculation alimentaire, une nette préfé-        système de répartition.
rence est accordée aux fonds indiciels qui misent sur l’évolution
des prix d’un panier de titres donné, formulé par un indice. Les       Avec certains fonds indiciels, les banques font doublement af-
deux indices les plus répandus sont le SP GSCI (Standard &             faires: non seulement, elles gèrent les fonds et facturent des
Poor’s Goldman Sachs Commodity Index) et le DJ UBSCI (Dow              frais pour leurs activités sur les marchés des matières premi-
Jones UBS Commodity Index). Dans l’indice SP GSCI, les pro-            ères; mais elles vendent également les parts des fonds sur les
duits énergétiques sont prépondérants et représentent près de          marchés et sont également indemnisées pour cette prestation.
70% du panier, tandis que les produits agricoles équivalent à          Ces fonds d’investissement sont appelés ETF ou «exchange tra-
16%. Dans l’indice DJ UBSCI, les biens agricoles s’élèvent à           ded funds». Il existe également des ETF spécialisés dans les
30% environ.                                                           matières premières.

Plus un fonds est fourni en capitaux, plus les gestionnaires se
prémunissent avec des montants importants sur les marchés              Jouer en bourse avec des produits
des matières premières, grâce aux contrats à terme de leur             structurés
panier cible. Les fonds de placement ne possèdent jamais de
marchandises réelles. Avant l’échéance des contrats à terme et         Les banques proposent aux petits et aux gros investisseurs une
la remise des marchandises, lesdits contrats sont revendus et          kyrielle de placements dans les matières premières, qui ne font
remplacés par de nouveaux contrats dont l’échéance est fixée           pas intervenir de fonds, mais pour lesquels la banque fait, en
quelques mois plus tard. Du fait de ce «roulement», les fonds          quelque sorte, office de bureau de paris. Cette dernière vend
indiciels parient, en réalité, uniquement sur des prix à la hausse.    ce que l’on appelle des «produits structurés», comme par exem-
Ils espèrent que les contrats à terme achetés aient pris de la         ple des ETC (exchange traded commodities), autrement dit des
valeur au moment où ils les revendront. Plus les gestionnaires         titres négociables, qui gagnent ou perdent de la valeur en fonc-
sont actifs, plus ils font monter les prix, car une demande crois-     tion de l’évolution du cours de certaines matières premières.
sante est confrontée à une offre constante. Comme les fonds            Généralement, la banque se prémunit au moment de l’émission
ne retirent jamais les produits du marché, les prix s’effondrent       de ces titres en faisant des acquisitions correspondantes sur les
régulièrement après avoir atteint des sommets. En effet, la vola-      marchés des matières premières. Avec les produits structurés,
tilité des prix des contrats à terme sur le blé, par exemple, a con-   l’imagination des banques ne connaît plus de limites. Par exemp-
sidérablement augmenté au cours des dernières années. Les              le, la personne qui investit peut se voir promettre une part définie
fonds spéculatifs valorisent leurs capitaux en spéculant active-       d’un capital placé ou une plus ou moins-value disproportionnée,
ment, autrement dit en faisant circuler rapidement des parts de        selon qu’un produit de base donné (comme le maïs) se situe au-
patrimoine.                                                            dessus ou en dessous d’une certaine valeur.




19
     Barclays Capital, Commodities Research, 29 février 2012.




                                                                                                                                              9
Des opérations de gré à gré exemptes                                    Toutefois, il est aujourd’hui difficile de prédire si le CS et UBS
     de tout contrôle                                                        poursuivront leur stratégie d’expansion. Le durcissement des
                                                                             réglementations en matière de capitaux en Suisse rend les opé-
     Outre les transactions officielles, destinées aux particuliers          rations pour compte propre, du moins, plus difficiles à réaliser.
     fortunés et aux investisseurs institutionnels, les grandes banques      Tandis que le CS affichait encore, dans son bilan annuel 2011,
     proposent, dans le cadre des opérations de gré à gré, tout un           une exposition au risque très élevée dans le domaine des ma-
     éventail de produits répondant aux besoins spécifiques de leurs         tières premières, cette valeur avait considérablement diminué
     clients. Les modalités de ces produits ne sont pas rendues pub-         dans les résultats trimestriels du milieu de l’année 2012.23 De
     liques et une autorité de surveillance fait cruellement défaut. La      son côté, USB a signalé, fin octobre 2012, son intention de ré-
     plupart du temps, ces opérations impliquent les investisseurs           duire fortement les activités de ses banques d’investissement
     institutionnels, tels que les caisses de pensions, les assurances       et de supprimer 10’000 postes. Les opérations pour compte
     et les fondations, qui brassent des sommes d’argent colossales.         propre s’en verront également considérablement réduites.
     Les produits appelés swaps représentent une part importante
     de ces opérations de gré à gré. Avec les swaps, la banque orga-         UBS est la première banque suisse dans le domaine des ETC.
     nise une sorte d’échange entre deux clients. Cette transaction a        Elle propose un large éventail de produits. Dans différentes de-
     pour but de se protéger contre les risques liés au change.              vises, ses clients peuvent miser sur un panier de titres, dans le
                                                                             segment agriculture et également dans le sous-segment alimen-
     Cependant, les opérations de gré à gré comportent souvent des           tation. Par ailleurs, UBS possède aussi des ETC sur le cours
     risques difficiles à déceler. Ainsi, la propagation effrénée des        boursier des produits comme le blé, le riz et le maïs. Ainsi, en
     contrats d’échange sur défaut de crédit (CDS) a transformé la           juin 2012, la valeur d’un ETC d’UBS sur le maïs a progressé
     crise immobilière américaine de 2007 en une crise financière            de plus de 50% en un mois. «Le maïs est la troisième céréale
     mondiale. Plus personne ne savait qui détenait des placements           après le riz et le blé», écrit l’établissement, dans son prospectus
     immobiliers aux Etats-Unis par l’intermédiaire de ces swaps et          destiné aux investisseurs. Et d’expliquer clairement pourquoi les
     risquait donc subir des pertes substantielles. Selon Gary Gens-         placements dans le maïs valent la peine: «l’approvisionnement a
     ler, directeur de l’autorité de surveillance américaine CFTC, le        du mal à suivre la cadence de la demande croissante».
     volume des opérations de gré à gré sur les matières premières
     est sept fois plus important que celui négocié en bourse.20             La banque privée suisse Vontobel offre, elle aussi, de nombreux
                                                                             produits structurés sur les denrées alimentaires. Elle promet à
                                                                             ses investisseurs de profiter des «tendances majeures mondia-
     Les banques suisses jouent un rôle                                      les», telles que la «croissance démographique des pays en voie
     important                                                               de développement», grâce à son indice «Agriculture Total Return
                                                                             Index».
     En 2011, le Crédit Suisse (CS) a réalisé un bénéfice de 321 mil-
     lions USD grâce aux opérations de spéculation sur les matières          Les grandes banques et Vontobel participent également aux
     premières. Chez UBS, ce chiffre atteignait 152 millions USD.21          ETF et aux fonds de placement qui investissent dans les den-
     Le CS est la troisième banque européenne pour les opérations            rées alimentaires. Le CS détient, par exemple, un fonds, intitulé
     sur les matières premières et UBS la cinquième.                         «Commodity Index Plus», qui injecte plus d’un tiers de ses ca-
                                                                             pitaux dans les matières premières agricoles. Fin juillet 2012,
     Durant l’été 2011, le CS a largement intensifié ses opérations          ce fonds a enregistré une plus-value mensuelle de près de 6%,
     pour compte propre sur les matières premières. L’établissement          notamment grâce à l’accroissement des prix du maïs: «le maïs
     a fondé le Global Proprietary Trading Group, un groupe de cour-         a obtenu les meilleurs résultats de l’indice», commente le CS,
     tage au capital de départ de 500 millions USD, basé à New               qui explique cette situation par les «mauvaises conditions cli-
     York. Cette nouvelle entité a commencé par des opérations sys-          matiques».24
     tématiques, basées sur des modèles informatiques et des ana-
     lyses des fluctuations de cours. Le CS a formé cette nouvelle           Les banques privées suisses Sarasin et Julius Bär, ainsi que
     équipe en débauchant des collaboratrices et des collaborateurs          la ZKB (Zürcher Kantonalbank) qui bénéficie de la garantie de
     chez ses concurrents.                                                   l’Etat, proposent, elles aussi, des placements dans des fonds de
                                                                             matières premières. Le fonds de placement de la ZKB est indexé
     Après la crise financière de 2008, UBS avait fermé son dépar-           sur le DJ UBS Commodity Index. Il investit près de 8% de son
     tement des matières premières. Cependant, à l’automne 2010,             capital dans le blé et 6% dans le maïs. Selon la ZBK, ce fonds
     la banque a annoncé sa volonté de reprendre cette activité de           vise à «surpasser le benchmark», autrement dit l’indice, grâce à
     façon plus intensive. Elle a également indiqué vouloir, à l’avenir,     une «gestion de portefeuille active».25 Swisscanto, le promoteur
     concentrer son activité sur les matières premières agricoles.           de fonds des banques cantonales suisses, est également pré-
     Son objectif est de devenir leader dans ce domaine, comme l’a           sent sur ce secteur d’activité. Swisscanto propose, par exem-
     expliqué au «Financial Times» John Bourlot, ancien directeur des        ple, un «Commodity Selection Fund» destiné aux investisseurs
     opérations internationales sur les matières premières chez UBS.
     UBS avait également recruté, dans ce but, des collaboratrices
     et des collaborateurs dans d’autres banques.22

     20
          Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.   23
                                                                                  Reuters, 31 juillet 2012.
     21
          The Globe and Mail, 20 mars 2012.                                  24
                                                                                  Fiche technique Fonds Crédit Suisse (Lux) Commodity Index Plus (Sfr),
     22
          Financial Times, 30 novembre 2010.                                      31 juillet 2012.
                                                                             25
                                                                                  Fiche technique ZKB Fonds de matières premières CHF Catégorie A,
10                                                                                31 octobre 2012.
institutionnels, qui consacre 70% de son panier aux produits          de pensions américaines détiennent 10’600 milliards USD. Les
agricoles. Ce fonds est conçu pour les investisseurs, «qui se         caisses suisses administrent, quant à elles, près de 700 mil-
basent sur un appétit croissant pour les matières premières et        liards USD. La Suisse se situe à la 7e place en termes de volu-
une pénurie de ces dernières».26                                      mes. En Europe, les caisses britanniques et néerlandaises sont
                                                                      les seules à gérer des sommes supérieures.

Terrain de jeu pour les fonds spéculatifs                             Les caisses de pensions sont sans cesse confrontées au pro-
                                                                      blème de trouver des placements sûrs et, en même temps,
Les fonds spéculatifs valorisent leurs capitaux en spéculant acti-    les plus rentables possibles, dans le but ultime d’honorer les
vement, autrement dit en faisant circuler rapidement des parts        engagements de retraite faits à leurs assuré-e-s. En Suisse,
de patrimoine. C’est pourquoi, les marchés des matières premiè-       l’engagement de retraite est fixé par l’administration à l’aide du
res constituent, pour eux, un terrain de jeu privilégié. La plupart   taux de conversion et du taux d’intérêt minimal. Actions, obli-
de ces fonds sont enregistrés dans des paradis fiscaux et ne          gations et titres immobiliers sont, depuis longtemps, les prin-
sont soumis à aucune surveillance officielle. De même, l’action       cipales catégories d’actifs des caisses de pensions suisses.
des fonds spéculatifs sur les marchés des matières premières          Face à la dégringolade de nombreuses obligations et actions,
est purement financière et ne vise pas à acquérir physique-           les placements dits alternatifs ont gagné en importance depuis
ment un produit. Toutefois, à la différence des fonds indiciels,      quelques années. Il s’agit notamment de placements dans des
les fonds spéculatifs essaient de réaliser des gains, même sur        fonds spéculatifs, des fonds de matières premières et des so-
les cours à la baisse. De nombreux investisseurs institutionnels      ciétés de capital-investissement. Selon les dispositions légales
confient également leur argent à des fonds spéculatifs. Ces der-      sur la prévoyance professionnelle, les caisses de pensions peu-
niers leur facturent jusqu’à 2% des sommes investies et dédui-        vent investir au maximum 15% de leur patrimoine dans ce type
sent, de surcroît, jusqu’à 20% des plus-values réalisées. Tandis      de placement. D’après une étude du Crédit Suisse, au deuxième
qu‘elle oscillait entre 20 et 30% avant 2004, elle s‘est hissée       trimestre 2012, les caisses de pensions ont consacré 5,2% de
à 70% ces dernières années.27 Par conséquent, les contrats à          leur richesse aux placements alternatifs; et force est de consta-
terme ne permettent plus de réduire l‘insécurité, comme l‘affirme     ter une «redistribution continuelle des investissements réalisés
la théorie; ils en engendrent au contraire davantage.                 dans les fonds spéculatifs vers des placements en matières
                                                                      premières».29 Une enquête de KPMG révèle qu’en 2009, les
                                                                      caisses de pensions suisses ont investi 1,75% de leurs capitaux
Les caisses de pensions fournissent                                   dans des matières premières. Sur une richesse totale d’environ
les capitaux                                                          700 milliards, ce pourcentage représente plus de 12 milliards
                                                                      CHF. En supposant que 20% de ce chiffre ont été placés dans
Les caisses de pensions sont des bailleurs de fonds essentiels        des produits alimentaires, l’investissement est égal à 2,4 milli-
pour les banques et les fonds spéculatifs qui négocient sur les       ards. Selon KPMG, 11% des caisses de pensions suisses inter-
marchés des matières premières. Actuellement, dans les pays           rogées avaient, en outre, réservé plus de 15% de leurs capitaux
de l’OCDE, les caisses de pensions gèrent près de 20’100 mil-         aux placements alternatifs.30 Légalement, la limite de 15% peut
liards USD.28 De loin les plus dotées en capitaux, les caisses        être dépassée dans des cas justifiés.

26
     Fiche technique Swisscanto (CH), Commodity Selection Fund 1,     29
                                                                           Crédit Suisse, Indice des caisses de pensions suisses, 2e trimestre 2012.
     novembre 2012.                                                   30
                                                                           KPMG: Asset Management bei Pensionskassen, 1er juin 2011.
27
     Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011.
28
     NZZ, 27 septembre 2012.
                                                                                                                                                       11
4. QUELLES SONT LES MESURES PRISES
        POUR LUTTER CONTRE
        LA SPÉCULATION ALIMENTAIRE?
     Depuis quelques années, l’opinion publique est davantage sen-          Quelques jours auparavant seulement, la deuxième banque alle-
     sibilisée au sujet de la spéculation sur les produits alimentaires.    mande, la Commerzbank, avait déjà annoncé qu’elle renonçait à
     Avant la crise alimentaire majeure de 2007/2008, des banques           cette activité. Cette décision a été prise, en partie, sous la pres-
     faisaient encore de la publicité pour leurs fonds de matières          sion d’une vaste campagne menée par des ONG. L’organisation
     premières sur des pages entières, invitant, sans vergogne, les         allemande Foodwatch a qualifié les établissements bancaires
     lecteurs et lectrices à prendre part à la flambée des prix. La         de «spéculateurs de la faim». A la suite de cette campagne, la
     Deutsche Bank distribuait même, à des fins publicitaires, des          Deutsche Bank a déclaré qu’à partir de 2012, elle ne propo-
     sachets de pain, portant l’inscription «réjouissez-vous de la          serait plus de produits de placement basés sur des matières
     hausse des prix». En outre, l’«Agriculture Euro Fonds» propo-          premières agricoles.
     sait aux investisseurs de «contribuer au développement de sept
     grandes matières premières agricoles».                                 Au Royaume-Uni, des ONG reprochent à la banque Barclays
                                                                            d’avoir, en deux ans seulement, engrangé 500 millions GBP en
     Mais lorsque, durant l’été 2012, la banque autrichienne ÖVAG           spéculant sur des produits alimentaires. Le World Development
     s’est mise à vanter les mérites de son certificat sur les matières     Movement accuse l’établissement britannique de «profiter de la
     premières «Agrar Rohstoff Garant 2» en promettant «100% de             faim».31 Désireuse de calmer les esprits, Barclays affirme que
     chances de rendement» et en assurant que la «pire sécheresse           ses activités sur les marchés des matières premières lui permet-
     que les Etats-Unis ont connue depuis plus de cinquante ans»            tent seulement d’aider ses clients à «gérer les risques».
     aurait un impact positif sur les prix, les responsables de la banque
     ont dû faire face une vague d’indignation. L’établissement fi-         Lors de la crise alimentaire de 2008, une première vague de
     nancier a immédiatement interrompu la vente de son certificat          banques a déjà renoncé à la spéculation sur les produits alimen-
     et s’est, en outre, engagé à ne plus s’adonner désormais à la          taires. A l’époque, la banque privée genevoise Lombard Odier
     spéculation sur les produits alimentaires.                             Darier Hentsch, par exemple, a déclaré ne plus vouloir proposer
                                                                            ce type de produit pour des raisons d’éthique.




                                                                            31
                                                                                 www.wdm.org.uk




12
Des efforts de réforme aux Etats-Unis                                Les campagnes sont efficaces

Après la crise financière et alimentaire de 2007/2008, le milieu     Pourtant, les campagnes menées contre la spéculation alimen-
politique a également commencé à s’impliquer. Aux Etats-Unis,        taire ont déjà porté leurs fruits. Les banques doivent se justifier
le Congrès a tenu des audiences sur le rôle des banques dans         et battre un peu en retraite. Par ailleurs, les caisses de pensions
les envolées des prix. A la suite de ces débats, la Dodd Frank       subissent, elles aussi, une pression. Ainsi, après une campag-
Act a été adoptée en juillet 2010. Il s’agit d’un important ensem-   ne réalisée par des ONG américaines, CalPERTS, l’immense
ble de lois, visant à prévenir de futures bulles spéculatives et     caisse de pensions des fonctionnaires californiens, a réduit de
à renforcer la réglementation bancaire. Ce document prévoit          2,5 milliards ses investissements prévus dans les matières pre-
notamment des limites de position en cas de spéculation sur          mières agricoles – qui s’élevaient tout de même encore à 150
les matières premières, ainsi qu’une bien meilleure transparence     millions USD.
dans les transactions boursières et les opérations de gré à gré.

Cependant, cette loi a, jusqu’à présent, été mollement appli-        Que se passe-t-il en Suisse?
quée. La nouvelle majorité à la Chambre des représentants, en
fonction depuis janvier 2011, a voté la suppression du budget        Jusqu’à présent, les caisses de pensions suisses ont subi assez
nécessaire à la CFTC, l’autorité de surveillance boursière. En       peu de pression pour justifier leur spéculation sur les produits
coulisses, les banques font pression par tous les moyens pour        alimentaires. Elles sont pourtant contrôlées par des commis-
vider de son sens la Dodd Frank Act. Dans une lettre du 13           sions paritaires et les assuré-e-s disposent donc d’un droit de
février 2012 aux autorités de régulation américaines, le Crédit      regard.
Suisse s’indigne, lui aussi, face au durcissement des conditions
des opérations pour compte propre sur les matières premières.32      Mais sur le plan politique, les lignes bougent: une initiative popu-
                                                                     laire, intitulée «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires»,
Les élections de début novembre 2012 n’ont donné aucun signe         recueille actuellement des signatures. Son but est d’interdire aux
clair sur l’évolution de la Dodd Frank Act, car la Chambre des       banques, aux assurances et aux caisses de pensions, de spécu-
représentants sera toujours composée d’une majorité de Répu-         ler sur les matières premières agricoles.
blicains opposés à toute réforme.
                                                                     Même si cette initiative récoltait les signatures requises et était
                                                                     adoptée par le peuple et les cantons, elle ne résoudrait pas tous
Atermoiements dans l’UE et au G20                                    les problèmes, car les marchés financiers sont mondialisés et
                                                                     les capitaux ne connaissent pas les frontières nationales. Néan-
Au sein de l’Union Européenne, certains responsables impor-          moins, la récolte des signatures et une éventuelle campagne de
tants réclament depuis longtemps une réglementation plus             votation permettent de sensibiliser la population à la spécula-
sévère, notamment en matière de spéculation sur les produits         tion alimentaire et d’intensifier la pression sur les banques et
alimentaires. Cependant, ce type de réglementation doit être         les caisses de pensions afin qu’elles cessent leurs activités
adopté par le Conseil des Ministres, composé des 27 Etats            dans ce secteur. Enfin, l’adoption de cette initiative constituerait,
membres. Le Royaume-Uni s’oppose à tout projet, car il dispose,      notamment en direction des autres Etats, un signal fort contre la
avec Londres, d’un des principaux marchés des matières premiè-       spéculation alimentaire.
res du monde. Actuellement, le Conseil européen des Ministres
des Finances se penche sur ce thème. Des ONG font pression
pour qu’enfin quelque chose se passe: fin octobre 2012, douze
organisations allemandes ont adressé un courrier au ministre
allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, pour le sommer
d’«arrêter cette folie».33 De même, les tentatives d’adoption de
règles contraignantes au niveau du G20, composé des princi-
paux pays industrialisés de la planète, sont, pour le moment, res-
tées lettre morte. Le précédent Président français, Nicolas Sar-
kozy, a échoué sur ce sujet lors du sommet de Cannes de 2011.




32
     www.sec.gov/comments/s7-41-11/s74111-260.pdf
33
     www.foodwatch.de


                                                                                                                                             13
5. LA SÉPARATION DES RENDEMENTS
        PAR RAPPORT À L’ÉCONOMIE RÉELLE
        EST UN JEU MORTEL
     L’assertion assez largement répandue, selon laquelle de plus en         dans son neuvième ouvrage.34 Selon lui, leur seul objectif est
     plus d’habitant-e-s de la planète peuvent se nourrir en quantité        de «satisfaire leur avidité, c’est-à-dire leur quête insatiable de
     suffisante, est loin d’être une évidence. La mondialisation, la libé-   profit».
     ralisation de l’économie et des priorités politiques mal définies
     ont, dans de nombreuses régions, affaibli l’agriculture locale et       Finalement, la spéculation alimentaire n’est qu’une manifestation
     rendu la population dépendante du commerce international. Les           de la tendance qui se propage depuis vingt ans: la financiarisa-
     terres arables ne sont pourtant pas exploitées en priorité pour         tion croissante de l’économie. Hypothèques, titres fonciers ou
     fournir à la population mondiale des calories en quantités suffi-       contrats d’achat sur des denrées alimentaires, tous sont con-
     santes. Sur le marché mondial, les monocultures ciblées servent         vertis en valeurs boursières négociables partout dans le monde,
     souvent à nourrir le bétail et à fabriquer des carburants, devenus      sans pour autant générer des logements, des surfaces agricoles
     l’objet d’une demande croissante. Le changement climatique              ou des denrées alimentaires supplémentaires. L’objectif des
     apporte une incertitude supplémentaire. Les épisodes de sé-             banques et des fonds spéculatifs, qui jouent avec leurs propres
     cheresse et d’inondation se multiplient et, avec eux, le risque de      capitaux, ainsi que l’argent des personnes qui investissent des
     mauvaises récoltes.                                                     sommes plus ou moins importantes et des caisses de pensions,
                                                                             est toujours le même: réaliser un rendement élevé à partir d’un
     Dans ce contexte, la spéculation croissante sur les produits ali-       capital donné. Et ce, quel qu’en soit le prix.
     mentaires de base, comme le blé et le maïs, génère davantage
     d’insécurité et entraîne des variations de prix encore plus impor-      Dans les arrière-salles des établissements financiers, des «pro-
     tantes. Si ces dernières font le bonheur des personnes inves-           duits» toujours plus extravagants sont imaginés, sans aucune
     tissant en bourse, car elles augmentent leurs chances de réali-         exigence de production de biens réels consommables. Dans le
     ser des profits élevés, elles sont synonymes de jeu mortel pour         même temps, de nombreux agriculteurs et agricultrices des pays
     des millions de personnes, qui consacrent la majorité de leurs          en voie de développement manquent des moyens techniques
     revenus aux produits alimentaires de première nécessité. «Les           les plus rudimentaires pour accroître leur production, tels que
     personnes qui spéculent sur les produits alimentaires sont des          des tracteurs, des réseaux d’irrigation ou des entrepôts. Des
     requins tigres», écrit Jean Ziegler, sociologue genevois et ancien      crédits avantageux les aideraient. Mais les grandes banques et
     rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation,     les fonds spéculatifs tiennent le même discours: impossible d’en
                                                                             octroyer.

                                                                             34
                                                                                  Jean Ziegler: «Wir lassen sie verhungern», éditions C. Bertelsmann, 2012.




14
Lectures complémentaires
Déclaration de Berne: Agropoly. Ces quelques multinationales qui contrôlent
notre alimentation. Zurich 2012. A consulter sur:
http://www.evb.ch/fr/p25019384.html

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture: L’état de
l’insécurité alimentaire dans le monde. La croissance économique est néces-
saire, mais insuffisante pour accélérer le recul de la faim et la malnutrition.
Rome 2012. A consulter sur: www.fao.org/docrep/016/i3027e/i3027e.pdf

Foodwatch: Les spéculateurs de la faim. Comment la Deutsche Bank, Goldman
Sachs & Co spéculent sur les denrées alimentaires au détriment des plus pauv-
res. Berlin 2011. A consulter sur:
http://foodwatch.de/foodwatch/content/e10/e45260/e45263/e45318/
foodwatch-Report_Die_Hungermacher_Okt-2011_ger.pdf

Institut pour la politique agricole et commerciale: La spéculation excessive
sur les matières premières agricoles. Sélection d’articles de 2008 à 2011.
A consulter sur: http://www.iatp.org/documents/excessive-speculation-
in-agriculture-commodities

Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement: Il faut
cesser de blâmer les marchés: la financiarisation est à l’origine de la volatilité
des prix du pétrole et des matières premières. Genève 2012. A consulter sur:
http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/presspb2012d1_en.pdf

Die Wochenzeitung WOZ: Crise alimentaire. La mondialisation de l’agriculture
n’est pas une solution. Dossier de textes archivés sur ce thème de 2008 à
2012. A consulter sur: www.woz.ch/d/nahrungsmittelkrise

Banque mondiale: Food Price Watch. Washington 2012. A consulter sur:
http://siteresources.worldbank.org/EXTPOVERTY/Resources/
336991-1311966520397/Food-Price-Watch-August-2012.pdf

World Development Movement: The great hunger lottery. Comment la spécula-
tion bancaire provoque des crises alimentaires. Londres 2010. A consulter sur:
www.wdm.org.uk/sites/default/files/hunger%20lottery%20report_6.10.pdf

World Development Movement: Back to fundamentals. Pourquoi les limites
de position sont nécessaires pour prévenir les flambées des prix alimentaires.
Londres 2012. A consulter sur: www.wdm.org.uk/sites/default/files/
Back%20to%20fundamentals%20report%20WEB.pdf

Jean Ziegler: Wir lassen sie verhungern (Nous les laissons mourir de faim). Die
Massenvernichtung in der Dritten Welt (L’extermination de masse dans le Tiers
Monde). Editions C. Bertelsmann. Munich 2012.




                                                                                     15
LES PROJETS DE SOLIDAR SUISSE
DANS LE MONDE




                                                                                                                       © Photos: page 1: kk-artworks/Fotolia.com; page 3: fefufoto/Fotolia.com; page 4: Angel Simon/Fotolia.com et vege/Fotolia.com;
                                                                                                                       page 7: zigzagmtart/Fotolia.com; page 11: spaceport9/Fotolia.com; page 12: Schlierner/Fotolia.com; page 14: Solidar Suisse.
                                                      7

                                                       8
                                                                  9                    12
                                                                      10



                                1              4
                                       2                                        11



                                                              5
                                           3

                                                          6




                                               1.   El Salvador        5.   Mozambique             9. Syrie
                                               2.   Nicaragua          6.   Afrique du Sud         10. Pakistan
                                               3.   Bolivie            7.   Serbie                 11. Sri Lanka
                                               4.   Burkina Faso       8.   Kosovo                 12. Chine




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Speculation alimentaire

  • 1. ALIMENTAIRE COMMENT LES BANQUES, CAISSES DE PENSIONS ET FONDS SPÉCULATIFS SE RENDENT COMPLICES DE LA FAIM DANS LE MONDE
  • 2. Sommaire SPÉCULATION ALIMENTAIRE 3 1. LA FAIM DANS LE MONDE 4 Trois crises alimentaires en six ans 5 La mondialisation engendre des relations de dépendance 5 2. CONSÉQUENCES DE LA SPÉCULATION SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES 6 Extension massive de la spéculation boursière 6 Des denrées alimentaires sont stockées 6 Impact majeur sur les prix des denrées alimentaires 7 3. QUI SONT LES PERSONNES QUI SPÉCULENT? 8 Rôle central des banques 8 Risque systémique des opérations pour compte propre 8 La spéculation dans les fonds de placement: un sport populaire 9 Jouer en bourse avec des produits structurés 9 Des opérations de gré à gré exemptes de tout contrôle 10 Les banques suisses jouent un rôle important 10 Terrain de jeu pour les fonds spéculatifs 11 Les caisses de pensions fournissent les capitaux 11 4. QUELLES SONT LES MESURES PRISES POUR LUTTER CONTRE LA SPÉCULATION ALIMENTAIRE? 12 Des efforts de réforme aux Etats-Unis 13 Atermoiements dans l’UE et au G20 13 Les campagnes sont efficaces 13 Que se passe-t-il en Suisse? 13 5. LA SÉPARATION DES RENDEMENTS PAR RAPPORT À L’ÉCONOMIE RÉELLE EST UN JEU MORTEL 14 Lectures complémentaires 15 2
  • 3. SPÉCULATION ALIMENTAIRE Par Daniel Stern Les centaines de millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde ne le doivent pas au simple hasard, à leur seule faute ou aux intempéries. Bien souvent, suffisamment de denrées alimentaires sont disponibles; ces personnes n’y ont cependant pas accès. En effet, le prix de nombreuses denrées alimentaires de première nécessité s’est envolé au cours des dernières années. L’une des causes de cette augmentation est la spéculation boursière sur les matières premières. De plus en plus d’études corroborent ce lien, même si les banques continuent d’affirmer que leur spéculation est un jeu à somme nulle, qui n’influence en rien les prix réels. Pourtant, la dérégulation des marchés financiers, débutée dans les années 1990, a trans- formé les bourses de matières premières en de gigantesques casinos. Les banques et les fonds spéculatifs y mettent en jeu leurs fonds propres, ainsi que l’argent de leurs clients. Les caisses de pensions viennent y chercher les rendements qu’elles ne peuvent plus obte- nir sur les autres marchés. Ce sont les consommateurs qui en paient le prix fort, notamment dans les pays les plus pauvres où les denrées alimentaires de première nécessité constitu- ent les principaux postes de dépenses. Des voix s’élèvent parmi les personnes concernées, les personnalités politiques, les organisations non gouvernementales (ONG), mais aussi les agences des Nations Unies, pour réclamer un durcissement des réglementations afin d’enrayer la spéculation sur les denrées alimentaires. Face à la pression de l’opinion pub- lique, certaines banques ont annoncé qu’elles arrêtaient leurs activités dans ce domaine. Nous sommes pourtant loin d’assister à une avancée fondamentale. Grâce à un lobbying intensif, le secteur financier a jusqu’à présent réussi à vider de son sens, voire à bloquer totalement, tout projet de réglementation. 3
  • 4. 1. LA FAIM DANS LE MONDE Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et Pourtant, les denrées alimentaires ne manquent pas. Elles serai- l’agriculture (FAO), près de 870 millions de personnes souf- ent disponibles en quantités suffisantes. La production des prin- frent, aujourd’hui, d’un manque chronique de nourriture. Cela cipales denrées alimentaires de première nécessité a progressé correspond à 12,5% de la population mondiale. En examinant d’environ un quart au cours des dix dernières années. En 2011, l’évolution de ces vingt dernières années, on peut, à première les récoltes ont même battu tous les records. Par ailleurs, mal- vue, faire preuve d’un certain optimisme: en 1990, un milliard de gré la sécheresse aux Etats-Unis, la FAO estime qu’à l’échelle personnes étaient sous-alimentées. Ce chiffre a donc diminué, mondiale, la récolte 2012 sera presque aussi abondante que et ce malgré une forte hausse de la démographie mondiale. celle de 2008, soit la deuxième meilleure année jamais enregist- rée.2 En effet, les principaux produits alimentaires de base, com- Cependant, en détaillant les statistiques de la FAO, on s’aperçoit me le riz, le maïs et le blé, sont aujourd’hui, en moyenne, deux que ce recul concerne uniquement certaines régions d’Asie et fois et demie plus chers qu’il y a dix ans. En monnaie constante, d’Amérique latine. En Afrique subsaharienne, en revanche, le cela représente une augmentation de plus de 70% en dix ans.3 nombre de personnes sous-alimentées est passé de 170 à 234 millions. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, il a également Lorsque les cours des produits alimentaires de base augmen- augmenté, passant de 22 à 41 millions. Ajoutons une autre re- tent dans les pays industrialisés, ce phénomène a relativement striction: les progrès réalisés dans la lutte contre la faim datent peu d’impact sur le niveau de vie de la population moyenne. essentiellement d’avant 2007. Selon le rapport de l’ONU sur la Dans ces pays, les foyers consacrent entre 10 et 15% de leur faim dans le monde, «les progrès mondiaux de la lutte contre la budget à l’alimentation. Dans les pays en voie de développe- faim ont, depuis, ralenti et faibli».1 ment, il en va tout autrement: les populations dépensent entre 50 et 90% de leurs revenus en nourriture.4 Prix du maïs en dollars US par tonne métrique (907,17 kg) 300 250 200 150 100 50 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Source: Indexmundi 1 Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation: 2 FAO, L’offre et la demande de céréales, novembre 2012. «L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde», 2012. 3 FAO, Indice des prix des produits alimentaires, novembre 2012. 4 FMI, d’après l’organisation World Development Movement: «The Great Hunger Lottery», juillet 2010. 4
  • 5. Trois crises alimentaires en six ans La mondialisation engendre des relations de dépendance Depuis 2007, les bourses des produits alimentaires ne cessent d’enregistrer des hausses massives des cours, qui menacent Un facteur clé de l’augmentation des prix est le mode de pro- gravement la sécurité alimentaire des pays en voie de déve- duction et de commercialisation des denrées alimentaires de loppement. La flambée des prix de 2007 et 2008 a eu un im- première nécessité, comme le maïs et le blé. Dans différentes pact particulièrement dramatique: dans près de soixante pays régions de la planète, l’agriculture est pratiquée sur de vastes à travers le monde, les populations se sont alors opposées à étendues, avec des machines et des engrais. Cette production l’accroissement des prix alimentaires, du Nigeria au Bangla- quasi-industrielle a, dans un premier temps, largement réduit les desh, en passant par les Philippines, Haïti ou le Mexique. El- coûts. Cela a permis à de petits exploitant-e-s agricoles, qui ne les sont descendues dans la rue manifester leur colère, allant pouvaient pas réaliser d’importants investissements, d’entrer jusqu’à saccager des magasins d’alimentation. La population sur le marché. Dans les années 1990, les cours du blé et du pauvre urbaine a été la plus durement touchée par l’envolée des maïs étaient encore très bas. La suppression des barrières com- prix. Elle est plus dépendante des marchés internationaux que la merciales a, dans de nombreux pays, intensifié la pression sur population rurale. les prix. Les fermiers américains ont ainsi inondé le Mexique de leur maïs subventionné par l’Etat et forcé de nombreux petits Au milieu de l’année 2008, les cours des matières premières exploitant-e-s agricoles locaux, incapables de faire face à cette agricoles se sont rétractés, à l’instar du pétrole brut. Toutefois, concurrence, à abandonner leurs cultures de maïs. Depuis, le ce recul s’est répercuté sur les marchés locaux avec un décala- maïs servant à fabriquer la tortilla est américain et le Mexique ge considérable. Fin 2008, la FAO annonçait que le nombre de encore plus dépendant des variations des prix sur le marché des personnes sous-alimentées avait progressé de 40 millions au Etats-Unis. cours de l’année.5 Les hausses de prix massives des dernières années posent le En 2010, les prix sont repartis à la hausse et, pour certains problème central suivant: au lieu d’être cultivés localement en produits, encore plus fortement que deux ans auparavant. Une quantité suffisante, les produits alimentaires de première né- sécheresse en Europe de l’Est et en Russie présageait des ré- cessité sont soumis aux règles du jeu de la mondialisation. Les coltes moins volumineuses. A l‘époque, la Banque mondiale a denrées, telles que le blé, le maïs et le soja, sont devenues des estimé que cette situation allait précipiter 40 millions de person- matières premières, de simples marchandises. Les investisseurs nes supplémentaires dans la misère absolue.6 L’augmentation parient en bourse sur l’évolution de leur cours et les fluctuations des prix a également posé de gros problèmes au Programme ali- de l’offre et de la demande mondiales dictent les augmentations mentaire mondial de l’ONU, dont le budget n’était pas suffisant et les diminutions de prix. Cette situation présente un risque pour nourrir près de 90 millions de personnes avec des produits de concentration majeur: plus de 80% des céréales exportées de première nécessité de plus en plus onéreux. Au milieu de dans le monde sont produits par seulement cinq grands pays et l’année 2011, les cours ont fléchi, avant d’atteindre de nouveaux contrôlés par quatre multinationales.7 Ces groupes se nomment sommets un an plus tard. La sécheresse aux Etats-Unis était Cargill, ADM, Bunge et Louis Dreyfus Commodities. Un tiers du cette fois en cause. Nous connaîtrons l’impact concret de cette commerce mondial des céréales et graines oléagineuses passe hausse en 2013. par les services commerciaux genevois de ces entreprises.8 Différentes raisons sont avancées pour expliquer ces flambées Ainsi, le prix pratiqué au Mexique pour le maïs a peu à voir avec des prix. On fait souvent valoir que les prix s’envolent lorsque les l’agriculture locale. Il dépend en effet d’une éventuelle sécheres- conditions météorologiques annoncent une mauvaise récolte. se en Ukraine, d’une potentielle augmentation de la production Les épisodes de sécheresse et d’inondation, qui se multiplient d’éthanol des Etats-Unis, de la progression du cours du pétrole avec le changement climatique, ont une part de responsabili- ou d’un accroissement de la consommation de viande en Chine. té. Par ailleurs, l’accroissement des dépenses énergétiques a également un impact financier sur la production des produits Les sommes investies dans le commerce de ces matières pre- agricoles. Une autre raison évoquée est l’augmentation de la mières par les banques, les caisses de pensions et les fonds consommation de viande d’une part croissante de la population spéculatifs, qui cherchent à optimiser leurs gains grâce aux fluc- mondiale, notamment en Asie. Lorsqu’elles disposent de plus de tuations des cours boursiers, constituent néanmoins un autre moyens, les populations ont tendance à manger davantage de facteur clé. En outre, les hausses de prix des produits massi- viande. Les animaux d’engraissement, tels que le porc, le bœuf vement commercialisés, comme le maïs, le soja et le blé, ont ou le poulet, sont généralement nourris au soja, maïs et blé, ce un impact sur les cours d’autres denrées, vers lesquelles de qui intensifie la demande pour ces produits. De plus en plus nombreux consommateurs et consommatrices se tournent en de surfaces agricoles sont exploitées pour nourrir les bêtes, au cas d’augmentation des prix. Par exemple, la demande en riz détriment des humains. L’alimentation des populations pâtit éga- s’accroît, ce qui entraîne également une hausse des prix. lement de la production de carburant d’origine végétale. Ainsi, plus de 40% du maïs produit aux Etats-Unis sert aujourd’hui à fabriquer de l’éthanol, qui est ensuite mélangé à l’essence. Les Etats-Unis cultivent en grande majorité du maïs et ils en sont également les premiers exportateurs au monde. 7 Oxfam: «Les crises alimentaires vouées à se répéter tant que les leaders 5 Die Wochenzeitung WOZ, n° 5/2009. ne trouveront pas le courage de résoudre les vrais problèmes», août 2012. 6 Foodwatch: «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011. 8 Déclaration de Berne: «Agropoly», avril 2011. 5
  • 6. 2. CONSÉQUENCES DE LA SPÉCULATION SUR LES PRODUITS ALIMENTAIRES Le rôle de la spéculation dans le commerce des produits de gran- Pourtant, les banques en veulent toujours plus. Depuis 2000, de consommation, comme le blé et le maïs, n’est pas nouveau. elles ont obtenu la suppression de toutes les limites de posi- La bourse des matières premières de Chicago existe depuis tion dans le commerce des matières premières. Leur argument plus d’un siècle. Sa fonction a longtemps été d’offrir aux agri- a été le suivant: vu que leurs clients pouvaient intervenir sur le culteurs et aux agricultrices une certaine sécurité concernant marché des matières premières (par le biais des opérations de leurs produits. Des contrats dits à terme leurs permettent de gré à gré, par exemple), elles devaient pouvoir se protéger sur vendre leur récolte en avance sur les marchés et leur garantit les bourses des matières premières, à l’instar des entreprises de ainsi de ne pas devoir brader leurs marchandises après la ré- transformation et des agricultrices et agriculteurs, qui n’étaient colte. Ce système offre également une certaine sécurité aux pas concernés par les limites de position. acheteurs et aux acheteuses. En effet, si la récolte se passe mal, les accords préalables leur évitent de payer le prix fort. Les inst- ruments appelés options sont venus compléter cette protection: Extension massive de la spéculation les bons d’option donnent le droit d’acheter une marchandise à boursière un moment donné et à un prix prédéfini. Les acheteurs et ache- teuses de matières premières peuvent ainsi se prémunir con- Dans le sillage de la libéralisation aux Etats-Unis, la spéculation tre l’augmentation des prix. Si, toutefois, le cours d’un produit du secteur financier s’est développée de façon massive et gé- s’effondre contre toute attente, ils ne sont pas obligés de con- nérale, même sur les produits agricoles. Si, en 2003, les fonds vertir l’option et peuvent profiter d’une offre plus favorable. Les indiciels sur les matières premières (voir ci-dessous) détenaient agriculteurs et les agricultrices tirent, eux aussi, parti du marché 3 milliards USD dans le secteur agricole, ce chiffre atteignait d’options. Si finalement leurs produits ne peuvent être vendus 80 milliards USD en 2011.9 De même, les données de l‘autorité qu’à un prix très bas, ils touchent quand même les montants américaine chargée de la régulation des marchés des matières prédéfinis de la vente des options. premières (Commodity Futures Trading Commission, CFTC) sont sans équivoque: la part des spéculatrices et spéculateurs Les spéculatrices et spéculateurs en bourse ont toujours existé exclusifs dans le commerce du maïs, équivalant à plus de 10% et négociaient, de leur côté, des contrats à terme et des op- en 2005, a, par moments, connu une augmentation supérieure à tions – permettant ainsi, dans le meilleur des cas, que le mar- 50% lors des flambées des prix observées durant ces dernières ché dispose de liquidités toute l’année. Ainsi, les agricultrices années.10 et agriculteurs pouvaient vendre leurs produits aux échéances des contrats et les grossistes et entreprises de transformation Les banques affirment que cette spéculation a peu d’impact sur les acheter au moment où ils avaient besoin de marchandises. la formation des prix. Selon elles, leurs activités sur les marchés des matières premières sont utiles, car elles permettent aux in- Dans les années 1990, cependant, les règles du jeu ont consi- vestisseurs de se protéger contre l’inflation. Ainsi, les détenteurs dérablement changé aux Etats-Unis, qui constituent la première de nombreuses actions peuvent acquérir, en guise de garantie, plateforme d’échange des matières premières agricoles. Après des contrats à terme ou des options sur le maïs. Dans le cas où un lobbying intensif de la part des banques, les limites dites de une forte inflation ferait sérieusement chuter la valeur de leurs position imposées aux spéculatrices et spéculateurs ont été actions, cette perte serait compensée par la croissance atten- assouplies. Les limites de position ont pour but d’empêcher due du cours du maïs. que des protagonistes puissent, à eux seuls, faire pression sur les prix grâce à leur pouvoir d’achat. Il s’agit d’une sorte de Paul Krugman, prix Nobel d’économie, apporte de l’eau au restriction d’accès: une seule spéculatrice ou un seul spécula- moulin des spéculatrices et spéculateurs: il nie leur rôle dans teur ne peut acquérir qu’un certain nombre de contrats à terme les hausses de prix, car les spéculatrices et spéculateurs ne et d’options sur un produit donné. stockent aucune matière première. Selon lui, l’offre n’est donc pas réduite de façon artificielle. Les prix des contrats à terme ne En outre, dans les années 1990, les banques ont réussi à obtenir sont, pour lui, qu’une anticipation du marché sur l’état de l’offre une libéralisation globale de leur système. Ainsi, la spécialisa- et de la demande à un moment donné. tion des activités bancaires a été abolie, laissant aux banques d’investissement le champ libre pour jouer en bourse avec de l’argent emprunté à des taux très bas. Par ailleurs, les banques Des denrées alimentaires sont stockées avaient désormais la possibilité de contourner la bourse et de vendre directement à leurs clients des options sur des achats Cependant, personne ne connaît vraiment la quantité de denrées d’or et de devise, mais aussi de céréales. Ces opérations di- alimentaires stockées. Le ministère américain de l’Agriculture et tes de gré à gré échappent à tout contrôle des autorités. Les la FAO publient régulièrement des chiffres sur les stocks de cé- banques peuvent ainsi prendre des risques impossibles à éva- réales, mais ces derniers se fondent sur les seules indications luer de l’extérieur. 9 World Development Movement: «Broken markets», septembre 2011. 10 U. S. Commodity Futures Trading Commission: www.cftc.gov/oce/web/corn.htm 6
  • 7. Sachs a racheté, en 2010, l’entreprise Metro International, l’un des premiers exploitants d’entrepôts du monde. La même an- née, JP Morgan a absorbé l’entreprise commerciale spécialisée dans les matières premières, RBS Sempra Commodities, ainsi que l’entreprise logistique Henry Bath. La banque est ainsi deve- nue propriétaire, entre autres, de 130 entrepôts.14 Impact majeur sur les prix des denrées alimentaires Les conséquences de la spéculation financière sur les prix des matières premières ont fait l’objet d’une pléthore de recherches scientifiques. Une étude datant de juillet 2010, réalisée par les célèbres économistes John Baffes et Tassos Haniotis, con- clut que «l’activité des fonds indiciels a joué un rôle clé dans la flambée des prix de 2008». M. Baffes analyse les marchés des matières premières à la Banque mondiale et M. Haniotis occupe la même fonction à la Direction générale de l’Agriculture au sein de l’Union Européenne.15 Une étude du «New England Complex System Institute» est, elle aussi, catégorique. Cet in- fournies par les gouvernements. Les quantités réelles stockées stitut scientifique a créé un modèle de calcul utilisant les don- dans leurs réseaux d’entrepôts à travers le monde par les grands nées boursières et les chiffres disponibles sur la production, la groupes, tels que le géant suisse Glencore Xstrata issu de la consommation et le stockage de céréales dans le monde et a récente fusion de Glencore et Xstrata, échappent à tout contrô- défini, après consultation des négociants et des productrices le. Les informations sur leurs stocks sont confidentielles.11 Ces et producteurs, les mécanismes de la formation des prix sur les entreprises ont donc toute latitude pour commercialiser leurs marchés au comptant, c’est-à-dire là où s’effectuent les achats marchandises en fonction des cours de la bourse. directs. Selon ses calculs, l’envolée des cours des céréales en 2007/2008 et 2010/2011 est liée «en particulier à la spéculation S’ajoute à cela le nombre incalculable de silos à grains détenus des investisseurs». par les agricultrices et agriculteurs. La construction de ces silos a connu un «essor phénoménal» ces dernières années, comme La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le dé- le souligne l’analyste Michael Swanson dans un article du «Fi- veloppement (CNUCED) arrive également à un résultat sans nancial Times». En quatre ans, il y a eu plus de silos construits équivoque: plusieurs études ont souligné la forte corrélation aux Etats-Unis qu’au cours des 30 dernières années réunies. entre les prix pratiqués sur les marchés des matières premières Les agricultrices et agriculteurs américains, pour la plupart très et d’autres marchés spéculatifs, pour les devises et les actions attentifs à l’évolution des cours boursiers des matières premiè- par exemple. Par conséquent, les cours des matières premières res, peuvent ainsi tirer leur épingle du jeu de la spéculation ban- ont suivi, durant les dernières années, la même évolution que les caire et vendre leurs marchandises lorsque les prix sont favora- cours des actions et des devises, indépendamment des prévi- bles.12 sions de récolte ou de la hausse de la consommation de viande en Asie. Pour la CNUCED, la conclusion est claire: les marchés Conformément aux préceptes de l’économie libérale, c’est ainsi des matières premières font désormais partie du marché finan- que se comportent les personnes qui vendent et achètent des cier, ce qui explique qu’aujourd’hui le volume des contrats négo- biens réels. Ils font ce qui est le mieux pour eux. «En cas de ciés en bourse sur les matières premières est 20 à 30 fois plus hausse de prix provoquée par des investisseurs dont les stra- élevé que la production elle-même.16 tégies commerciales ne se basent pas sur les fondamentaux, mais uniquement sur l’amplification des tendances, il est sim- La flambée des cours boursiers est donc, en partie du moins, plement logique pour les négociants de stocker d’abord leur autoréférentielle. Les «données fondamentales», telles que les marchandise; toute autre action serait stupide», écrit Oliver de prévisions de récolte, ne sont pas les seuls critères importants. Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à Le capital investi sur le marché, couplé au fait que des actrices l’alimentation.13 En raison de l’augmentation du nombre de spé- et acteurs importants soient prêts à prendre un risque et à pa- culatrices et spéculateurs présents sur les marchés, les agri- rier sur une hausse des cours, comptent également. Ce con- cultrices et agriculteurs, ainsi que les acheteuses et acheteurs stat réduit à néant l’argument initial des banques, selon lequel de marchandises, deviennent, à leur tour, des spéculatrices et les marchés des matières premières évoluent différemment des spéculateurs. marchés des actions et offrent une garantie contre l’inflation. En réalité, les marchés des matières premières dépendent beau- Mais les banques se sont mises, elles aussi, à stocker des mar- coup plus de l’argent spéculatif disponible et des fluctuations chandises. Par exemple, la banque d’investissement Goldman des autres marchés. 11 Foodwatch: «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011. 14 Die Wochenzeitung WOZ, n°10/2011. 12 Financal Times, 6 avril 2011. 15 Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim». 13 Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011. 16 CNUCED, Synthèse 25, septembre 2012. 7
  • 8. 3. QUI SONT LES PERSONNES QUI SPÉCULENT? Lors de la crise financière qui a éclaté en août 2007, la vérité est Crédit Suisse (CS) se classe juste derrière les cinq banques de apparue au grand jour: les dérégulations du système bancaire tête, suivi, quelques rangs après, par UBS. et la mondialisation des marchés financiers ont considérable- ment aggravé le risque d’une bulle spéculative. Peu importe qu’il Au total, les banques réalisent, aujourd’hui encore, près de 7 mil- s’agisse d’actions, d’obligations, de titres immobiliers ou même liards USD de bénéfices grâce aux transactions sur les matières de la spéculation sur le prix du pétrole brut, des métaux ou des premières. Cela ne veut pas dire, pour autant, que la spéculation produits alimentaires: une meute de personnes prêtes à investir recule sur les bourses des matières premières, mais simplement cherchent en permanence à étancher leur soif de profits. La der- qu’elle est pratiquée par d’autres actrices et acteurs. En un an, nière tendance à la mode est la spéculation foncière. De plus les banques ont «perdu une myriade de négociants de matières en plus de capitaux sont investis dans l’achat de surfaces agri- premières au profit des entreprises commerciales et des fonds coles, notamment dans les pays en développement. Sur place, spéculatifs plus généreux», constate une analyse de l’agence l’exploitation industrielle de cultures commerciales (comme les Reuters.18 graines oléagineuses, les fleurs, le café ou le coton) doit ensuite générer des revenus continus. Les familles locales, qui se con- sacrent à l’élevage et à l’agriculture sont évidemment délogées, Risque systémique des opérations pour au motif qu’elles ne possèdent pas les titres fonciers idoines, compte propre exigés par la loi. Certaines ONG parlent d’«accaparement de terres». Les banques, elles, évoquent un investissement sûr. Les opérations pour compte propre, autrement dit la spécula- Avec la hausse de la démographie mondiale, il y a fort à parier tion avec ses propres capitaux, sont particulièrement lucratives que la valeur des terrains continue d’augmenter. pour les banques, car ces dernières peuvent avoir accès à des crédits avantageux. Par ailleurs, elles bénéficient généralement Les banques ne cessent de créer de nouveaux instruments qui d’une avance considérable en termes d’informations par rapport promettent, selon les modalités, plus de sécurité avec moins aux autres acteurs du marché. Travaillant directement sur les de rendements ou plus de risque mais avec des revenus plus places boursières, leurs opératrices et opérateurs obtiennent, alléchants. Cet univers ne laisse guère de place à la morale. grâce aux nombreux mandats de clients, des indications subs- Il réagit uniquement lorsque l’opinion publique se réveille, me- tantielles sur l’évolution future du marché. naçant ainsi sa réputation, ou qu’une loi l’oblige à changer ses pratiques. Toutefois, les grandes banques représentant un risque sys- témique, il est aujourd’hui nécessaire que les opérations pour compte propre soient plus complexes à pratiquer pour elles. Au Rôle central des banques 1er janvier 2013, des réglementations plus sévères en matière de capitaux devraient entrer en vigueur sous le nom de «Bâle Suite aux dérégulations des dix dernières années, les banques III». Conformément à ces dispositions, les grandes banques doi- sont devenues les principaux acteurs de la spéculation sur vent investir davantage de fonds propres dans des placements les matières premières. Produits agricoles, sources d’énergie sûrs et, par conséquent, consacrer moins de capitaux à la spé- ou métaux, cela n’a guère d’importance. La dérégulation des culation. Cependant, le secteur financier américain a réussi à marchés des matières premières leur a offert une myriade de repousser l’application de ces réglementations. Dans un premier possibilités d’investissement à des fins spéculatives, aussi bien temps, la réforme de Bâle III ne sera pas appliquée aux Etats- grâce à leurs propres capitaux qu’à l’argent de leurs clients. De Unis. Cela a provoqué l’intervention des banques européennes nouveaux instruments financiers sont apparus, qui permettent qui réclament d’être traitées de la même manière par l’Union de parier directement ou indirectement sur la hausse et la bais- Européenne (UE) et exigent également un report des réglemen- se des prix. Avant la crise financière de 2007, entre 10 et 14 tations. grandes banques se partageaient le gâteau de la spéculation et enregistraient, au total, un profit de près de 14 milliards USD par an.17 Avec la crise financière, le durcissement législatif aux Etats- Unis et la mise en place de réglementations internationales plus sévères en matière de capitaux, le nombre de grands noms du secteur financier est descendu à cinq: les trois banques améri- caines d’investissements JP Morgan, Morgan Stanley et Gold- man Sachs, l’allemande Deutsche Bank et la britannique Bar- clays. Elles contrôlent aujourd’hui environ 70% du marché. Le 17 Reuters: «Banks struggle to adapt or survive in commodities», 5 novembre 2012. 18 Reuters: «Banks struggle to adapt or survive in commodities», 5 novembre 2012. 8
  • 9. La spéculation dans les fonds de Une personne souhaitant acheter des matières premières, qui a placement: un sport populaire besoin, à un moment donné, de blé ou de maïs pour les trans- former, doit, dans le pire des cas, compter sur des prix exor- En proposant différents types de fonds, les banques ont trans- bitants et s’en protéger sur les marchés, par le biais d’options formé la spéculation sur les marchés des matières premières par exemple. Finalement, cette personne va payer plus cher et en un véritable sport populaire. Quiconque possède un peu répercuter les coûts supplémentaires sur le consommateur final. d’argent de côté peut s’acheter des parts dans l’un des innom- Cet argent supplémentaire remplit les poches des personnes brables fonds et espérer une hausse des prix. Entre 2003 et qui spéculent, qui s’interposent de plus en plus entre, d’une début 2012, la valeur de ces fonds spécialisés dans les matiè- part, les agricultrices et agriculteurs et, d’autre part, les ache- res premières a grimpé de 13 à 419 milliards. Selon la banque teuses et acheteurs de matières premières. Le résultat n’est en britannique Barclays, 90 milliards ont été misés sur les matières aucun cas un jeu à somme nulle, comme le prétendent nombre premières agricoles pour le seul mois de janvier 2012.19 d’économistes. L’insécurité du marché provoquée par les per- sonnes qui spéculent entraîne, au contraire, une modification du Dans le domaine de la spéculation alimentaire, une nette préfé- système de répartition. rence est accordée aux fonds indiciels qui misent sur l’évolution des prix d’un panier de titres donné, formulé par un indice. Les Avec certains fonds indiciels, les banques font doublement af- deux indices les plus répandus sont le SP GSCI (Standard & faires: non seulement, elles gèrent les fonds et facturent des Poor’s Goldman Sachs Commodity Index) et le DJ UBSCI (Dow frais pour leurs activités sur les marchés des matières premi- Jones UBS Commodity Index). Dans l’indice SP GSCI, les pro- ères; mais elles vendent également les parts des fonds sur les duits énergétiques sont prépondérants et représentent près de marchés et sont également indemnisées pour cette prestation. 70% du panier, tandis que les produits agricoles équivalent à Ces fonds d’investissement sont appelés ETF ou «exchange tra- 16%. Dans l’indice DJ UBSCI, les biens agricoles s’élèvent à ded funds». Il existe également des ETF spécialisés dans les 30% environ. matières premières. Plus un fonds est fourni en capitaux, plus les gestionnaires se prémunissent avec des montants importants sur les marchés Jouer en bourse avec des produits des matières premières, grâce aux contrats à terme de leur structurés panier cible. Les fonds de placement ne possèdent jamais de marchandises réelles. Avant l’échéance des contrats à terme et Les banques proposent aux petits et aux gros investisseurs une la remise des marchandises, lesdits contrats sont revendus et kyrielle de placements dans les matières premières, qui ne font remplacés par de nouveaux contrats dont l’échéance est fixée pas intervenir de fonds, mais pour lesquels la banque fait, en quelques mois plus tard. Du fait de ce «roulement», les fonds quelque sorte, office de bureau de paris. Cette dernière vend indiciels parient, en réalité, uniquement sur des prix à la hausse. ce que l’on appelle des «produits structurés», comme par exem- Ils espèrent que les contrats à terme achetés aient pris de la ple des ETC (exchange traded commodities), autrement dit des valeur au moment où ils les revendront. Plus les gestionnaires titres négociables, qui gagnent ou perdent de la valeur en fonc- sont actifs, plus ils font monter les prix, car une demande crois- tion de l’évolution du cours de certaines matières premières. sante est confrontée à une offre constante. Comme les fonds Généralement, la banque se prémunit au moment de l’émission ne retirent jamais les produits du marché, les prix s’effondrent de ces titres en faisant des acquisitions correspondantes sur les régulièrement après avoir atteint des sommets. En effet, la vola- marchés des matières premières. Avec les produits structurés, tilité des prix des contrats à terme sur le blé, par exemple, a con- l’imagination des banques ne connaît plus de limites. Par exemp- sidérablement augmenté au cours des dernières années. Les le, la personne qui investit peut se voir promettre une part définie fonds spéculatifs valorisent leurs capitaux en spéculant active- d’un capital placé ou une plus ou moins-value disproportionnée, ment, autrement dit en faisant circuler rapidement des parts de selon qu’un produit de base donné (comme le maïs) se situe au- patrimoine. dessus ou en dessous d’une certaine valeur. 19 Barclays Capital, Commodities Research, 29 février 2012. 9
  • 10. Des opérations de gré à gré exemptes Toutefois, il est aujourd’hui difficile de prédire si le CS et UBS de tout contrôle poursuivront leur stratégie d’expansion. Le durcissement des réglementations en matière de capitaux en Suisse rend les opé- Outre les transactions officielles, destinées aux particuliers rations pour compte propre, du moins, plus difficiles à réaliser. fortunés et aux investisseurs institutionnels, les grandes banques Tandis que le CS affichait encore, dans son bilan annuel 2011, proposent, dans le cadre des opérations de gré à gré, tout un une exposition au risque très élevée dans le domaine des ma- éventail de produits répondant aux besoins spécifiques de leurs tières premières, cette valeur avait considérablement diminué clients. Les modalités de ces produits ne sont pas rendues pub- dans les résultats trimestriels du milieu de l’année 2012.23 De liques et une autorité de surveillance fait cruellement défaut. La son côté, USB a signalé, fin octobre 2012, son intention de ré- plupart du temps, ces opérations impliquent les investisseurs duire fortement les activités de ses banques d’investissement institutionnels, tels que les caisses de pensions, les assurances et de supprimer 10’000 postes. Les opérations pour compte et les fondations, qui brassent des sommes d’argent colossales. propre s’en verront également considérablement réduites. Les produits appelés swaps représentent une part importante de ces opérations de gré à gré. Avec les swaps, la banque orga- UBS est la première banque suisse dans le domaine des ETC. nise une sorte d’échange entre deux clients. Cette transaction a Elle propose un large éventail de produits. Dans différentes de- pour but de se protéger contre les risques liés au change. vises, ses clients peuvent miser sur un panier de titres, dans le segment agriculture et également dans le sous-segment alimen- Cependant, les opérations de gré à gré comportent souvent des tation. Par ailleurs, UBS possède aussi des ETC sur le cours risques difficiles à déceler. Ainsi, la propagation effrénée des boursier des produits comme le blé, le riz et le maïs. Ainsi, en contrats d’échange sur défaut de crédit (CDS) a transformé la juin 2012, la valeur d’un ETC d’UBS sur le maïs a progressé crise immobilière américaine de 2007 en une crise financière de plus de 50% en un mois. «Le maïs est la troisième céréale mondiale. Plus personne ne savait qui détenait des placements après le riz et le blé», écrit l’établissement, dans son prospectus immobiliers aux Etats-Unis par l’intermédiaire de ces swaps et destiné aux investisseurs. Et d’expliquer clairement pourquoi les risquait donc subir des pertes substantielles. Selon Gary Gens- placements dans le maïs valent la peine: «l’approvisionnement a ler, directeur de l’autorité de surveillance américaine CFTC, le du mal à suivre la cadence de la demande croissante». volume des opérations de gré à gré sur les matières premières est sept fois plus important que celui négocié en bourse.20 La banque privée suisse Vontobel offre, elle aussi, de nombreux produits structurés sur les denrées alimentaires. Elle promet à ses investisseurs de profiter des «tendances majeures mondia- Les banques suisses jouent un rôle les», telles que la «croissance démographique des pays en voie important de développement», grâce à son indice «Agriculture Total Return Index». En 2011, le Crédit Suisse (CS) a réalisé un bénéfice de 321 mil- lions USD grâce aux opérations de spéculation sur les matières Les grandes banques et Vontobel participent également aux premières. Chez UBS, ce chiffre atteignait 152 millions USD.21 ETF et aux fonds de placement qui investissent dans les den- Le CS est la troisième banque européenne pour les opérations rées alimentaires. Le CS détient, par exemple, un fonds, intitulé sur les matières premières et UBS la cinquième. «Commodity Index Plus», qui injecte plus d’un tiers de ses ca- pitaux dans les matières premières agricoles. Fin juillet 2012, Durant l’été 2011, le CS a largement intensifié ses opérations ce fonds a enregistré une plus-value mensuelle de près de 6%, pour compte propre sur les matières premières. L’établissement notamment grâce à l’accroissement des prix du maïs: «le maïs a fondé le Global Proprietary Trading Group, un groupe de cour- a obtenu les meilleurs résultats de l’indice», commente le CS, tage au capital de départ de 500 millions USD, basé à New qui explique cette situation par les «mauvaises conditions cli- York. Cette nouvelle entité a commencé par des opérations sys- matiques».24 tématiques, basées sur des modèles informatiques et des ana- lyses des fluctuations de cours. Le CS a formé cette nouvelle Les banques privées suisses Sarasin et Julius Bär, ainsi que équipe en débauchant des collaboratrices et des collaborateurs la ZKB (Zürcher Kantonalbank) qui bénéficie de la garantie de chez ses concurrents. l’Etat, proposent, elles aussi, des placements dans des fonds de matières premières. Le fonds de placement de la ZKB est indexé Après la crise financière de 2008, UBS avait fermé son dépar- sur le DJ UBS Commodity Index. Il investit près de 8% de son tement des matières premières. Cependant, à l’automne 2010, capital dans le blé et 6% dans le maïs. Selon la ZBK, ce fonds la banque a annoncé sa volonté de reprendre cette activité de vise à «surpasser le benchmark», autrement dit l’indice, grâce à façon plus intensive. Elle a également indiqué vouloir, à l’avenir, une «gestion de portefeuille active».25 Swisscanto, le promoteur concentrer son activité sur les matières premières agricoles. de fonds des banques cantonales suisses, est également pré- Son objectif est de devenir leader dans ce domaine, comme l’a sent sur ce secteur d’activité. Swisscanto propose, par exem- expliqué au «Financial Times» John Bourlot, ancien directeur des ple, un «Commodity Selection Fund» destiné aux investisseurs opérations internationales sur les matières premières chez UBS. UBS avait également recruté, dans ce but, des collaboratrices et des collaborateurs dans d’autres banques.22 20 Cité par Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011. 23 Reuters, 31 juillet 2012. 21 The Globe and Mail, 20 mars 2012. 24 Fiche technique Fonds Crédit Suisse (Lux) Commodity Index Plus (Sfr), 22 Financial Times, 30 novembre 2010. 31 juillet 2012. 25 Fiche technique ZKB Fonds de matières premières CHF Catégorie A, 10 31 octobre 2012.
  • 11. institutionnels, qui consacre 70% de son panier aux produits de pensions américaines détiennent 10’600 milliards USD. Les agricoles. Ce fonds est conçu pour les investisseurs, «qui se caisses suisses administrent, quant à elles, près de 700 mil- basent sur un appétit croissant pour les matières premières et liards USD. La Suisse se situe à la 7e place en termes de volu- une pénurie de ces dernières».26 mes. En Europe, les caisses britanniques et néerlandaises sont les seules à gérer des sommes supérieures. Terrain de jeu pour les fonds spéculatifs Les caisses de pensions sont sans cesse confrontées au pro- blème de trouver des placements sûrs et, en même temps, Les fonds spéculatifs valorisent leurs capitaux en spéculant acti- les plus rentables possibles, dans le but ultime d’honorer les vement, autrement dit en faisant circuler rapidement des parts engagements de retraite faits à leurs assuré-e-s. En Suisse, de patrimoine. C’est pourquoi, les marchés des matières premiè- l’engagement de retraite est fixé par l’administration à l’aide du res constituent, pour eux, un terrain de jeu privilégié. La plupart taux de conversion et du taux d’intérêt minimal. Actions, obli- de ces fonds sont enregistrés dans des paradis fiscaux et ne gations et titres immobiliers sont, depuis longtemps, les prin- sont soumis à aucune surveillance officielle. De même, l’action cipales catégories d’actifs des caisses de pensions suisses. des fonds spéculatifs sur les marchés des matières premières Face à la dégringolade de nombreuses obligations et actions, est purement financière et ne vise pas à acquérir physique- les placements dits alternatifs ont gagné en importance depuis ment un produit. Toutefois, à la différence des fonds indiciels, quelques années. Il s’agit notamment de placements dans des les fonds spéculatifs essaient de réaliser des gains, même sur fonds spéculatifs, des fonds de matières premières et des so- les cours à la baisse. De nombreux investisseurs institutionnels ciétés de capital-investissement. Selon les dispositions légales confient également leur argent à des fonds spéculatifs. Ces der- sur la prévoyance professionnelle, les caisses de pensions peu- niers leur facturent jusqu’à 2% des sommes investies et dédui- vent investir au maximum 15% de leur patrimoine dans ce type sent, de surcroît, jusqu’à 20% des plus-values réalisées. Tandis de placement. D’après une étude du Crédit Suisse, au deuxième qu‘elle oscillait entre 20 et 30% avant 2004, elle s‘est hissée trimestre 2012, les caisses de pensions ont consacré 5,2% de à 70% ces dernières années.27 Par conséquent, les contrats à leur richesse aux placements alternatifs; et force est de consta- terme ne permettent plus de réduire l‘insécurité, comme l‘affirme ter une «redistribution continuelle des investissements réalisés la théorie; ils en engendrent au contraire davantage. dans les fonds spéculatifs vers des placements en matières premières».29 Une enquête de KPMG révèle qu’en 2009, les caisses de pensions suisses ont investi 1,75% de leurs capitaux Les caisses de pensions fournissent dans des matières premières. Sur une richesse totale d’environ les capitaux 700 milliards, ce pourcentage représente plus de 12 milliards CHF. En supposant que 20% de ce chiffre ont été placés dans Les caisses de pensions sont des bailleurs de fonds essentiels des produits alimentaires, l’investissement est égal à 2,4 milli- pour les banques et les fonds spéculatifs qui négocient sur les ards. Selon KPMG, 11% des caisses de pensions suisses inter- marchés des matières premières. Actuellement, dans les pays rogées avaient, en outre, réservé plus de 15% de leurs capitaux de l’OCDE, les caisses de pensions gèrent près de 20’100 mil- aux placements alternatifs.30 Légalement, la limite de 15% peut liards USD.28 De loin les plus dotées en capitaux, les caisses être dépassée dans des cas justifiés. 26 Fiche technique Swisscanto (CH), Commodity Selection Fund 1, 29 Crédit Suisse, Indice des caisses de pensions suisses, 2e trimestre 2012. novembre 2012. 30 KPMG: Asset Management bei Pensionskassen, 1er juin 2011. 27 Foodwatch, «Les spéculateurs de la faim», octobre 2011. 28 NZZ, 27 septembre 2012. 11
  • 12. 4. QUELLES SONT LES MESURES PRISES POUR LUTTER CONTRE LA SPÉCULATION ALIMENTAIRE? Depuis quelques années, l’opinion publique est davantage sen- Quelques jours auparavant seulement, la deuxième banque alle- sibilisée au sujet de la spéculation sur les produits alimentaires. mande, la Commerzbank, avait déjà annoncé qu’elle renonçait à Avant la crise alimentaire majeure de 2007/2008, des banques cette activité. Cette décision a été prise, en partie, sous la pres- faisaient encore de la publicité pour leurs fonds de matières sion d’une vaste campagne menée par des ONG. L’organisation premières sur des pages entières, invitant, sans vergogne, les allemande Foodwatch a qualifié les établissements bancaires lecteurs et lectrices à prendre part à la flambée des prix. La de «spéculateurs de la faim». A la suite de cette campagne, la Deutsche Bank distribuait même, à des fins publicitaires, des Deutsche Bank a déclaré qu’à partir de 2012, elle ne propo- sachets de pain, portant l’inscription «réjouissez-vous de la serait plus de produits de placement basés sur des matières hausse des prix». En outre, l’«Agriculture Euro Fonds» propo- premières agricoles. sait aux investisseurs de «contribuer au développement de sept grandes matières premières agricoles». Au Royaume-Uni, des ONG reprochent à la banque Barclays d’avoir, en deux ans seulement, engrangé 500 millions GBP en Mais lorsque, durant l’été 2012, la banque autrichienne ÖVAG spéculant sur des produits alimentaires. Le World Development s’est mise à vanter les mérites de son certificat sur les matières Movement accuse l’établissement britannique de «profiter de la premières «Agrar Rohstoff Garant 2» en promettant «100% de faim».31 Désireuse de calmer les esprits, Barclays affirme que chances de rendement» et en assurant que la «pire sécheresse ses activités sur les marchés des matières premières lui permet- que les Etats-Unis ont connue depuis plus de cinquante ans» tent seulement d’aider ses clients à «gérer les risques». aurait un impact positif sur les prix, les responsables de la banque ont dû faire face une vague d’indignation. L’établissement fi- Lors de la crise alimentaire de 2008, une première vague de nancier a immédiatement interrompu la vente de son certificat banques a déjà renoncé à la spéculation sur les produits alimen- et s’est, en outre, engagé à ne plus s’adonner désormais à la taires. A l’époque, la banque privée genevoise Lombard Odier spéculation sur les produits alimentaires. Darier Hentsch, par exemple, a déclaré ne plus vouloir proposer ce type de produit pour des raisons d’éthique. 31 www.wdm.org.uk 12
  • 13. Des efforts de réforme aux Etats-Unis Les campagnes sont efficaces Après la crise financière et alimentaire de 2007/2008, le milieu Pourtant, les campagnes menées contre la spéculation alimen- politique a également commencé à s’impliquer. Aux Etats-Unis, taire ont déjà porté leurs fruits. Les banques doivent se justifier le Congrès a tenu des audiences sur le rôle des banques dans et battre un peu en retraite. Par ailleurs, les caisses de pensions les envolées des prix. A la suite de ces débats, la Dodd Frank subissent, elles aussi, une pression. Ainsi, après une campag- Act a été adoptée en juillet 2010. Il s’agit d’un important ensem- ne réalisée par des ONG américaines, CalPERTS, l’immense ble de lois, visant à prévenir de futures bulles spéculatives et caisse de pensions des fonctionnaires californiens, a réduit de à renforcer la réglementation bancaire. Ce document prévoit 2,5 milliards ses investissements prévus dans les matières pre- notamment des limites de position en cas de spéculation sur mières agricoles – qui s’élevaient tout de même encore à 150 les matières premières, ainsi qu’une bien meilleure transparence millions USD. dans les transactions boursières et les opérations de gré à gré. Cependant, cette loi a, jusqu’à présent, été mollement appli- Que se passe-t-il en Suisse? quée. La nouvelle majorité à la Chambre des représentants, en fonction depuis janvier 2011, a voté la suppression du budget Jusqu’à présent, les caisses de pensions suisses ont subi assez nécessaire à la CFTC, l’autorité de surveillance boursière. En peu de pression pour justifier leur spéculation sur les produits coulisses, les banques font pression par tous les moyens pour alimentaires. Elles sont pourtant contrôlées par des commis- vider de son sens la Dodd Frank Act. Dans une lettre du 13 sions paritaires et les assuré-e-s disposent donc d’un droit de février 2012 aux autorités de régulation américaines, le Crédit regard. Suisse s’indigne, lui aussi, face au durcissement des conditions des opérations pour compte propre sur les matières premières.32 Mais sur le plan politique, les lignes bougent: une initiative popu- laire, intitulée «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires», Les élections de début novembre 2012 n’ont donné aucun signe recueille actuellement des signatures. Son but est d’interdire aux clair sur l’évolution de la Dodd Frank Act, car la Chambre des banques, aux assurances et aux caisses de pensions, de spécu- représentants sera toujours composée d’une majorité de Répu- ler sur les matières premières agricoles. blicains opposés à toute réforme. Même si cette initiative récoltait les signatures requises et était adoptée par le peuple et les cantons, elle ne résoudrait pas tous Atermoiements dans l’UE et au G20 les problèmes, car les marchés financiers sont mondialisés et les capitaux ne connaissent pas les frontières nationales. Néan- Au sein de l’Union Européenne, certains responsables impor- moins, la récolte des signatures et une éventuelle campagne de tants réclament depuis longtemps une réglementation plus votation permettent de sensibiliser la population à la spécula- sévère, notamment en matière de spéculation sur les produits tion alimentaire et d’intensifier la pression sur les banques et alimentaires. Cependant, ce type de réglementation doit être les caisses de pensions afin qu’elles cessent leurs activités adopté par le Conseil des Ministres, composé des 27 Etats dans ce secteur. Enfin, l’adoption de cette initiative constituerait, membres. Le Royaume-Uni s’oppose à tout projet, car il dispose, notamment en direction des autres Etats, un signal fort contre la avec Londres, d’un des principaux marchés des matières premiè- spéculation alimentaire. res du monde. Actuellement, le Conseil européen des Ministres des Finances se penche sur ce thème. Des ONG font pression pour qu’enfin quelque chose se passe: fin octobre 2012, douze organisations allemandes ont adressé un courrier au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, pour le sommer d’«arrêter cette folie».33 De même, les tentatives d’adoption de règles contraignantes au niveau du G20, composé des princi- paux pays industrialisés de la planète, sont, pour le moment, res- tées lettre morte. Le précédent Président français, Nicolas Sar- kozy, a échoué sur ce sujet lors du sommet de Cannes de 2011. 32 www.sec.gov/comments/s7-41-11/s74111-260.pdf 33 www.foodwatch.de 13
  • 14. 5. LA SÉPARATION DES RENDEMENTS PAR RAPPORT À L’ÉCONOMIE RÉELLE EST UN JEU MORTEL L’assertion assez largement répandue, selon laquelle de plus en dans son neuvième ouvrage.34 Selon lui, leur seul objectif est plus d’habitant-e-s de la planète peuvent se nourrir en quantité de «satisfaire leur avidité, c’est-à-dire leur quête insatiable de suffisante, est loin d’être une évidence. La mondialisation, la libé- profit». ralisation de l’économie et des priorités politiques mal définies ont, dans de nombreuses régions, affaibli l’agriculture locale et Finalement, la spéculation alimentaire n’est qu’une manifestation rendu la population dépendante du commerce international. Les de la tendance qui se propage depuis vingt ans: la financiarisa- terres arables ne sont pourtant pas exploitées en priorité pour tion croissante de l’économie. Hypothèques, titres fonciers ou fournir à la population mondiale des calories en quantités suffi- contrats d’achat sur des denrées alimentaires, tous sont con- santes. Sur le marché mondial, les monocultures ciblées servent vertis en valeurs boursières négociables partout dans le monde, souvent à nourrir le bétail et à fabriquer des carburants, devenus sans pour autant générer des logements, des surfaces agricoles l’objet d’une demande croissante. Le changement climatique ou des denrées alimentaires supplémentaires. L’objectif des apporte une incertitude supplémentaire. Les épisodes de sé- banques et des fonds spéculatifs, qui jouent avec leurs propres cheresse et d’inondation se multiplient et, avec eux, le risque de capitaux, ainsi que l’argent des personnes qui investissent des mauvaises récoltes. sommes plus ou moins importantes et des caisses de pensions, est toujours le même: réaliser un rendement élevé à partir d’un Dans ce contexte, la spéculation croissante sur les produits ali- capital donné. Et ce, quel qu’en soit le prix. mentaires de base, comme le blé et le maïs, génère davantage d’insécurité et entraîne des variations de prix encore plus impor- Dans les arrière-salles des établissements financiers, des «pro- tantes. Si ces dernières font le bonheur des personnes inves- duits» toujours plus extravagants sont imaginés, sans aucune tissant en bourse, car elles augmentent leurs chances de réali- exigence de production de biens réels consommables. Dans le ser des profits élevés, elles sont synonymes de jeu mortel pour même temps, de nombreux agriculteurs et agricultrices des pays des millions de personnes, qui consacrent la majorité de leurs en voie de développement manquent des moyens techniques revenus aux produits alimentaires de première nécessité. «Les les plus rudimentaires pour accroître leur production, tels que personnes qui spéculent sur les produits alimentaires sont des des tracteurs, des réseaux d’irrigation ou des entrepôts. Des requins tigres», écrit Jean Ziegler, sociologue genevois et ancien crédits avantageux les aideraient. Mais les grandes banques et rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, les fonds spéculatifs tiennent le même discours: impossible d’en octroyer. 34 Jean Ziegler: «Wir lassen sie verhungern», éditions C. Bertelsmann, 2012. 14
  • 15. Lectures complémentaires Déclaration de Berne: Agropoly. Ces quelques multinationales qui contrôlent notre alimentation. Zurich 2012. A consulter sur: http://www.evb.ch/fr/p25019384.html Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture: L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. La croissance économique est néces- saire, mais insuffisante pour accélérer le recul de la faim et la malnutrition. Rome 2012. A consulter sur: www.fao.org/docrep/016/i3027e/i3027e.pdf Foodwatch: Les spéculateurs de la faim. Comment la Deutsche Bank, Goldman Sachs & Co spéculent sur les denrées alimentaires au détriment des plus pauv- res. Berlin 2011. A consulter sur: http://foodwatch.de/foodwatch/content/e10/e45260/e45263/e45318/ foodwatch-Report_Die_Hungermacher_Okt-2011_ger.pdf Institut pour la politique agricole et commerciale: La spéculation excessive sur les matières premières agricoles. Sélection d’articles de 2008 à 2011. A consulter sur: http://www.iatp.org/documents/excessive-speculation- in-agriculture-commodities Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement: Il faut cesser de blâmer les marchés: la financiarisation est à l’origine de la volatilité des prix du pétrole et des matières premières. Genève 2012. A consulter sur: http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/presspb2012d1_en.pdf Die Wochenzeitung WOZ: Crise alimentaire. La mondialisation de l’agriculture n’est pas une solution. Dossier de textes archivés sur ce thème de 2008 à 2012. A consulter sur: www.woz.ch/d/nahrungsmittelkrise Banque mondiale: Food Price Watch. Washington 2012. A consulter sur: http://siteresources.worldbank.org/EXTPOVERTY/Resources/ 336991-1311966520397/Food-Price-Watch-August-2012.pdf World Development Movement: The great hunger lottery. Comment la spécula- tion bancaire provoque des crises alimentaires. Londres 2010. A consulter sur: www.wdm.org.uk/sites/default/files/hunger%20lottery%20report_6.10.pdf World Development Movement: Back to fundamentals. Pourquoi les limites de position sont nécessaires pour prévenir les flambées des prix alimentaires. Londres 2012. A consulter sur: www.wdm.org.uk/sites/default/files/ Back%20to%20fundamentals%20report%20WEB.pdf Jean Ziegler: Wir lassen sie verhungern (Nous les laissons mourir de faim). Die Massenvernichtung in der Dritten Welt (L’extermination de masse dans le Tiers Monde). Editions C. Bertelsmann. Munich 2012. 15
  • 16. LES PROJETS DE SOLIDAR SUISSE DANS LE MONDE © Photos: page 1: kk-artworks/Fotolia.com; page 3: fefufoto/Fotolia.com; page 4: Angel Simon/Fotolia.com et vege/Fotolia.com; page 7: zigzagmtart/Fotolia.com; page 11: spaceport9/Fotolia.com; page 12: Schlierner/Fotolia.com; page 14: Solidar Suisse. 7 8 9 12 10 1 4 2 11 5 3 6 1. El Salvador 5. Mozambique 9. Syrie 2. Nicaragua 6. Afrique du Sud 10. Pakistan 3. Bolivie 7. Serbie 11. Sri Lanka 4. Burkina Faso 8. Kosovo 12. Chine Solidar Suisse/OSEO est certifiée av. Warnery 10 | CP 1151 | 1001 Lausanne par ZEWO depuis 1947. Tél.: 021 601 21 61 | Fax: 021 601 21 69 contact@solidar.ch | www.solidar.ch Le label de qualité atteste: d’un usage conforme au but, écono- Compte postal: 10-14739-9 mique et performant de vos dons d’informations transparentes et de comptes annuels significatifs de structures de contrôle indépendantes et appropriées d’une communication sincère et d’une collecte équitable des fonds