Booz & Company a étudié quatre secteurs : l’hygiène-beauté, l’habillement, l’électronique
& l’électroménager et les télécommunications.
Dans les secteurs de l’hygiène-beauté, de l’habillement, de l’électronique & l’électroménager, la part des ventes en ligne devrait progresser d’environ 50 % sur le marché français, pour atteindre un peu moins de 20 % des ventes en moyenne d’ici à 2020. Dans le secteur des télécommunications, précurseur dans le domaine, l’achat en ligne pourrait même devenir la norme, avec une part des ventes dépassant les 50 % en 2020. La baisse des ventes générées par les réseaux physiques traditionnels est une conséquence directe de ce phénomène. Ainsi selon nos esti- mations, environ 1,7 millions de mètres carrés de surface com- merciale, soit presque 10 % de la superficie actuelle, pourraient être superflus d’ici à 2020 et donc condamnés à disparaitre ou à se transformer. Afin d’anticiper ces évolutions, les marques grand public et les acteurs de la distribution de ces secteurs doivent dès aujourd’hui revoir leur stratégie globale de distri- bution, tant sur les canaux traditionnels qu’en ligne. Chaque acteur est concerné : nous anticipons des changements pro- fonds et rapides issus du consommateur lui-même. De plus en plus connectés et informés, les clients rechercheront une expé- rience d’achat pratique, transparente et cohérente, et ce quel que soit le canal de vente physique ou virtuel. Pour répondre à cette exigence, les acteurs de la distribution de demain devront s’approprier et déployer des stratégies innovantes comme l’approche multicanal, et préparer une mutation en profondeur de leurs réseaux de points de vente, tant dans leur implantation que dans leur vocation.
3. SYNTHÈSE
Booz & Company
Dans les secteurs de l’hygiène-beauté, de l’habillement, de
l’électronique & l’électroménager, la part des ventes en ligne
devrait progresser d’environ 50 % sur le marché français, pour
atteindre un peu moins de 20 % des ventes en moyenne d’ici à
2020. Dans le secteur des télécommunications, précurseur dans
le domaine, l’achat en ligne pourrait même devenir la norme,
avec une part des ventes dépassant les 50 % en 2020. La baisse
des ventes générées par les réseaux physiques traditionnels est
une conséquence directe de ce phénomène. Ainsi selon nos estimations, environ 1,7 millions de mètres carrés de surface commerciale, soit presque 10 % de la superficie actuelle, pourraient
être superflus d’ici à 2020 et donc condamnés à disparaitre ou
à se transformer. Afin d’anticiper ces évolutions, les marques
grand public et les acteurs de la distribution de ces secteurs
doivent dès aujourd’hui revoir leur stratégie globale de distribution, tant sur les canaux traditionnels qu’en ligne. Chaque
acteur est concerné : nous anticipons des changements profonds et rapides issus du consommateur lui-même. De plus en
plus connectés et informés, les clients rechercheront une expérience d’achat pratique, transparente et cohérente, et ce quel
que soit le canal de vente physique ou virtuel. Pour répondre à
cette exigence, les acteurs de la distribution de demain devront
s’approprier et déployer des stratégies innovantes comme
l’approche multicanal, et préparer une mutation en profondeur
de leurs réseaux de points de vente, tant dans leur implantation
que dans leur vocation.
1
4. INTRODUCTION
Dans leur recherche de relais de
croissance en ligne, les acteurs de la
distribution négligent généralement
un aspect pourtant incontournable :
dans un contexte de diminution globale des ventes via les canaux traditionnels, un réseau de points de vente
physique à la performance déclinante
représente un risque significatif pour
leur rentabilité.
prises du retail, Booz & Company
a cherché à comprendre l’impact
de cette révolution numérique à
venir sur les acteurs traditionnels
de la distribution. Quatre secteurs
emblématiques de ces mutations en
France illustrent notre analyse : l’hygiène-beauté, l’habillement, l’électronique & l’électroménager et les
télécommunications.
Fort de son expertise en matière de
stratégies digitales et de son expérience auprès des plus grandes entre-
Booz & Company a étudié quatre
secteurs : l’hygiène-beauté,
l’habillement, l’électronique
& l’électroménager et les
télécommunications.
2
Booz & Company
5. ENFIN LIBÉRÉ DES
CONTRAINT ES
LOGISTIQUES, LE
COMMERCE EN
LIGNE PREND
SON ENVOL
Booz & Company
Alors que les secteurs des biens de
grande consommation souffrent
globalement du climat économique
morose, les ventes en ligne continuent leur développement rapide en
France. Les contraintes citées encore
hier comme des obstacles à l’achat en
ligne disparaissent rapidement :
en tête, la structuration des services
de livraison et de retour, qui a permis
de réduire les délais et le coût de
livraison pour le client, voire même
d’atteindre la gratuité (Zalando,
Spartoo, Darty). Les options de
livraison proposées aux consommateurs se sont également nettement
améliorées au cours des dernières
années : offres So Colissimo de la
Poste, développement de réseaux
de points relais (Kyala), suivi des
commandes par email ou par SMS
(Géodis), installation et reprise
des vieux appareils avec la livraison (Darty)... Même l’impossibilité
d’essayer avant l’achat se trouve
atténuée par l’intégration des avis
des utilisateurs directement sur la
page du produit et par une gestion
efficace (et souvent offerte !) des
retours. Encore marginales mais plus
innovantes, les technologies dites
de « réalité augmentée », comme la
vidéo 3D de ditto.com qui permet
d’essayer des lunettes chez soi devant
son écran, contribuent aussi à réduire
la frontière entre achat physique et
virtuel pour le consommateur.
Cette dynamique devrait se poursuivre en France : pour les secteurs
analysés (hygiène-beauté, habillement, électronique & électroménager), nous prévoyons en effet une
augmentation de la part des ventes
en ligne d’environ 50 % d’ici à 2020,
de 12 % à 18 %1 des ventes totales.
Dans les télécommunications, cette
part passera de 20 % à plus de 50 %.
Cette évolution se fera dans une
large mesure au détriment des ventes
physiques, avec néanmoins de fortes
disparités selon les catégories.
Deux secteurs présentent des dynamiques particulièrement nettes :
l’électronique & l’électroménager,
mais surtout les télécommunications.
Dans le secteur de l’électronique
grand public et de l’electroménager,
la part des ventes en ligne (20 %
en 2012) devrait atteindre 28 %
en 2020. Dans un marché qui se
contracte, cette croissance se fait
directement au détriment des ventes
en magasin. Ce transfert est facilité
par le degré élevé de standardisation
des produits, la possibilité de toute
façon limitée de tester l’appareil avant
achat, des prix en ligne souvent très
inférieurs au prix en magasin (car
proposés par des pureplayers affranchis du coût important d’un réseau
physique), un choix plus important
en ligne qu’en magasin, et la quasinécessité du recours à la livraison
3
6. quel que soit le mode d’achat. Dans
les télécommunications, les points de
vente présents dans tous les centres
villes captent encore aujourd’hui près
de 75 % des achats. Nous prévoyons
cependant une vraie rupture : d’ici à
2020, plus d’une vente sur deux se
fera en ligne, tirée par le succès des
marques low-cost telles que Free,
Sosh, Red et B&You, dont l’essentiel
de l’activité se déploie sur support
virtuel. La multiplication des offres
sans engagement auprès d’une clientèle rompue à l’exercice de comparaison ainsi que la standardisation et
le caractère dématérialisé du produit
(forfaits) sont également propices au
développement de l’offre en ligne.
Les deux autres secteurs, l’habillement et l’hygiène-beauté répondent
quant à eux à des schémas plus
conservateurs : les ventes en ligne
progressent aussi fortement, mais
leurs parts de marché restent bien
en dessous des 20 %. Dans le
secteur de l’habillement (grandes
enseignes spécialisées, magasins
de vêtements, de chaussures et de
sport, grands magasins), la part des
ventes en ligne devrait passer de 9 %
en 2012 à 16 % en 2020. Le rôle clé
de l’essayage dans l’achat, ainsi que
4
la présence discrète des principales
marques grand public sur le net (Zara,
H&M) pourraient expliquer ce taux
de pénétration moindre. De manière
plus fine, il est intéressant de noter
que la marque dans ce secteur est en
général son propre distributeur (en
direct ou via des franchisés), et qu’elle
est capitale dans la décision d’achat.
Contrairement à l’électroménager,
un pureplayer ne pourra proposer
un assortiment sans l’accord de la
marque. Le risque concurrentiel est
donc limité et la nécessité d’affirmer
sa présence en ligne, moindre. Dans
le secteur de l’hygiène-beauté (chaînes
spécialisées, pharmacies, parfumeries
et rayons hygiène-beauté des épiceries
et supermarchés), la part des ventes en
ligne devrait passer de 8 % en 2012
à 9 % en 2020. Cette hausse plus
modeste peut s’expliquer par l’absence
de différence de prix significative
entre les canaux, le besoin de tester le
produit avant l’achat, la faible valeur
du produit par rapport aux coûts de
livraison, et enfin par les habitudes de
consommation : les produits de beauté
sont encore très largement achetés en
grande surface à l’occasion des courses
alimentaires… qui sont encore loin de
se faire en ligne !
Pureplayers et acteurs traditionnels
ne bénéficient pas de cette croissance des ventes en ligne de façon
identique. En effet, si certains des
services emblématiques du e-commerce, inventés par les « pureplayers » et aujourd’hui plébiscités par
les e-consommateurs, ont considérablement contribué au développement
de l’activité en ligne des distributeurs
traditionnels, ils peuvent aussi se
révéler source d’insatisfaction et
d’incompréhension pour le client, par
exemple lorsqu’un magasin refuse les
retours pour des articles achetés en
ligne, lorsque les programmes de fidélité ne sont pas unifiés ou lorsque les
prix et les promotions manquent de
cohérence entre les différents canaux.
Au-delà de la cannibalisation des
ventes physiques par les ventes en
ligne et de la baisse des revenus des
magasins, le e-commerce modifie les
attentes du client envers le distributeur dans son intégralité, magasins
inclus. Les marques grand public et
les acteurs de la distribution doivent
donc aborder cette transition numérique de manière globale.
Booz & Company
7. LE RÔLE DU
MAGASIN DOIT
ÉVOLUER
Conséquence du transfert de l’acte
d’achat vers internet, la nature du
trafic en magasin devrait se transformer. En effet, de nombreuses
fonctions traditionnelles du magasin
physique (découverte de l’offre existante, informations & conseil, etc.)
peuvent être assurées en ligne de
manière instantanée et très efficace
(fonction de recherche, comparateur
de prix, avis d’utilisateurs, etc.).
Les grandes surfaces spécialisées
implantées en zones commerciales
périphériques sont particulièrement vulnérables : leur proposition de valeur, qui allie bas prix,
grand choix et conseil, est en effet
aujourd’hui directement concurrencée par de nombreux acteurs en ligne
(CDiscount, MisterGoodDeal, etc.).
Le taux de conversion en magasin
Booz & Company
risque également de se dégrader. On
voit aujourd’hui se développer de
nouveaux comportements d’achat
comme le « showrooming » : le
client passe en revue les produits en
magasin, collecte des informations
auprès des vendeurs, puis commande
en ligne, aidé par des comparateurs
de prix et des applications comme
Amazon Mobile, qui lui permettent
de retrouver le produit.
La croissance de l’activité en ligne
risque d’accroître la pression sur
les prix pratiqués par la distribution traditionnelle, sous l’effet de la
concurrence et d’une transparence
accrue. Si les acteurs de la distribution traditionnelle ne réagissent pas,
cette pression se traduira par une
baisse généralisée de la productivité
des points de vente (mesurée en euros
par mètre carré), avec des faillites
parmi les acteurs indépendants et
l’apparition de « magasins zombies »,
cumulant faible trafic et rentabilité
médiocre, pour les grandes chaînes
de distribution.
Selon nos estimations, environ
1,7 millions de mètres carrés de
surface de vente seront devenus
superflus dans les zones urbaines
d’ici à 2020, soit 9 % de la superfi-
cie actuelle (18,3 millions de mètres
carrés2). Là encore, les secteurs
ne sont pas impactés de la même
manière. L’hygiène-beauté, pour
laquelle la part des ventes en ligne
reste inférieure à 10 %, devrait même
connaître une hausse de la surface de
vente de 2 % d’ici à 2020, tirée par
la bonne santé générale du secteur
et par le fait que les ventes en ligne
croissent principalement au détriment
des ventes par correspondance et non
des ventes physiques. Dans le secteur
de l’habillement, nous prévoyons une
faible réduction de 1 % de la surface
de vente (de 7,7 à 7,6 millions de
mètres carrés). En effet, la plupart
des magasins de taille moyenne à
grande est affiliée à des marques
grand public, d’autant plus préservées
de la concurrence en ligne qu’elles
sont fortes (donc non substituables
pour le client) et qu’elles limitent leur
présence sur internet. En revanche,
les petits magasins multimarques, les
dépôt-ventes et les acteurs positionnés sur des segments où la marque
n’est pas différenciante (vêtements
techniques, de sport, premier prix,
basiques) risquent d’être fragilisés
par la concurrence des pureplayers,
qui proposent des produits variés, de
qualité et une large gamme de prix,
souvent dans des formats innovants
5
8. et collaboratifs (Place des Tendances,
Vestiaire Collective, Instant Luxe,
Ventes-privees.com, Etsy, …).
Dans le secteur de l’électronique & de
l’électroménager en revanche, nous
anticipons une baisse de 18 % des
surfaces de vente, de 9 millions en
2012 à 7 millions de mètres carrés en
2020. Cette mutation est déjà en cours,
comme le montrent la faillite récente de
Surcouf et la fermeture des magasins
Virgin (produits culturels et électroniques). La surface de vente du secteur
des télécommunications est marginale
par rapport aux autres secteurs étudiés3, mais c’est aussi celle qui devrait
connaître le plus grand changement.
A l’horizon 2020, les opérateurs
auront vraisemblablement largement
transformé leur réseau de points
de vente, avec une réduction attendue de la surface de 20 à 30 %. Les
quelques chaînes spécialisées du secteur
devraient aussi être fortement impactées, comme en témoigne la faillite de
The Phone House cette année.
Graphique 1
Part des ventes en ligne de 2012 à 2020 et impact sur les surfaces de vente
PART DE MARCHÉ DES VENTES EN LIGNE
2012 vs. 2020, % des ventes totales en France
Habillement
+72%
9%
20%
+41%
+25%
Hygiène Beauté
+175%
20%
55%
Télécommunications
-1%
9.0
7.4
-18%
1.4
1.4
9%
Télécommunications
7.6
Electronique &
électroménager
28%
8%
7.7
Habillement
16%
Electronique &
électroménager
Hygiène Beauté
SURFACE DE VENTE, MAGASINS DE DÉTAIL
2012 vs. 2020, en million de m2 en France
+2%
0.2
0.1 -23%
2012
2020 – estimé
Source : Euromonitor, GFK, Gifam, Xerfi, Analyse Booz & Company
6
Booz & Company
9. DIGITALISER
L’EXPÉRIENCE
CLIENT EN
BOUTIQUE
Les acteurs de la distribution traditionnelle doivent ainsi faire face à des
défis contradictoires : maintenir un
niveau de profitabilité suffisant malgré
la concurrence accrue du e-commerce
et offrir une expérience client toujours
plus riche pour réaffirmer la valeur du
magasin physique. Une réponse intéressante pourrait consister à rationaliser
la taille des réseaux de magasins, tout
en adaptant ces derniers de sorte qu’ils
soient intégrés à une expérience multicanale fluide et globale pour le consommateur. Mais comment y parvenir ? Et
avec quels moyens ?
La seule réduction des charges d’exploitation des points de vente physiques
ne suffira pas à maintenir le niveau de
rentabilité actuel. Bien que les frais de
personnel puissent représenter jusqu’à
25 % des ventes sur certains segments
du commerce de détail, rogner sur les
effectifs ou sur la qualité du personnel
se heurtera aux attentes élevées des
consommateurs en termes de service
client et pourrait ainsi même contribuer à accélérer l’érosion du chiffre
d’affaires. Une diminution des charges
immobilières, deuxième poste de coûts
représentant en moyenne 5 à 10 %
des ventes, tous segments confondus,
pourra certes sauver certains points de
vente à court-terme, mais n’apportera
pas de solution structurelle durable à la
baisse de productivité.
Aujourd’hui, les rôles traditionnellement assurés par les magasins (conseils
sur les produits, shopping comparatif,
essais et tests, achat, etc.) sont de plus
en plus assurés par d’autres canaux. Le
rôle du magasin doit donc changer et
Booz & Company
accompagner l’évolution des comportements d’achat. Les acteurs de la distribution doivent modifier leur approche
et aller au-delà du développement et de
la gestion des formats traditionnels :
ils leur faudra gérer un portefeuille de
formats variés, en fonction des objectifs
poursuivis par chaque magasin et des
spécificités de son emplacement. De
nouveaux types de formats de magasin
sont ainsi en train d’émerger parmi
lesquels on peut citer : les espaces
dédiés, les points de vente éphémères,
les showrooms virtuels, les magasins
micro-ciblés, les points relais et les
flagships.
Les marques et les enseignes de la
distribution traditionnelle doivent
ensuite compenser les pertes subies sur
les ventes hors ligne par de nouvelles
ventes en ligne, en proposant une
expérience client digitale premium en
points de vente. Un certain nombre
d’entre eux l’expérimente actuellement
avec des portants de vêtements et des
cabines d’essayage virtuelles, ce qui
permet de présenter une collection
complète et d’offrir un conseil adapté
basé sur les préférences d’autres clients
aux goûts similaires, prolongeant ainsi
l’expérience du shopping en ligne
vers le magasin et réciproquement.
John Lewis, l’une des plus anciennes
enseignes britanniques, est un exemple
de transformation réussie d’une grande
surface traditionnelle en une proposition de vente digitale, exploitant des
technologies interactives sur ses points
de vente. Environ 25 % des ventes
de John Lewis passent aujourd’hui
par ses canaux en ligne, avec un taux
de croissance déclaré de 40 % par
an. Darty, leader de l’électronique et
de l’électroménager grand public en
France, a connu une forte croissance
de ses ventes en ligne, de plus de 11%
en 2012 ; ce taux reste inférieur à la
moyenne, mais la chaîne embrasse
désormais activement cette approche
multicanale. Les acteurs traditionnels
disposent d’avantages compétitifs
majeurs : la puissance de leurs marques
ainsi que l’expertise de leurs forces
de vente. Néanmoins il ne faut pas
sous-estimer l’ampleur des mutations
nécessaires des canaux de vente : tout
le parcours client doit être repensé
pour rechercher une cohérence et une
intégration optimales entre les canaux,
nécessitant une transformation des
magasins traditionnels en des espaces
plus « connectés ».
La capacité à optimiser la productivité
et la performance commerciale de
chaque point de vente va également
devenir une compétence profondément différenciante. Les acteurs de la
distribution devront en effet améliorer
et optimiser leurs techniques de vente,
leurs prix, leurs promotions et leurs
assortiments de produits, et cela à
l’échelle de chaque magasin, s’ils veulent
préserver et renforcer leur productivité.
Paradoxalement, l’e-commerce offre
également quelques opportunités d’amélioration de la productivité des points
de vente. Il peut permettre par exemple
de réduire les niveaux de stocks, dans
la mesure où une partie des ventes sera
commandée en magasin puis livrée au
domicile du client ou dans un point
relais. Les magasins pourront alors
présenter un assortiment plus large,
puisqu’ils n’auront plus besoin d’avoir
en stock plusieurs modèles d’un même
article, améliorant ainsi la proposition
de valeur pour le client et diminuant
les coûts de stockage et les invendus
en magasin.
On constate enfin que bon nombre
d’acteurs de la distribution traditionnelle, particulièrement en France,
ne disposent pas de processus ou de
structure dédiée à l’innovation. Ils se
trouvent alors souvent dépassés par
le rythme de développement de leurs
concurrents en ligne. Un processus
d’innovation structuré en trois étapes
pourrait aider ces acteurs traditionnels
à anticiper une telle évolution : définir
une vision et une proposition de valeur
claire de la présence en ligne, structurer
des processus pour déceler les idées
novatrices, et disposer d’une organisation et d’un budget dédiés pour
7
10. LE MAGASIN
CONNECTÉ
concrétiser ces idées.
Les technologies numériques sont un
atout clé pour réussir dans un monde
connecté. Elles ne sont pas uniquement
le catalyseur qui permettra de passer
des ventes physiques au commerce en
ligne ; elles contribuent directement à
faire évoluer les fonctions et services
du point de vente. Les innovations
récentes en matière de technologie
numérique au service de la distribution
et de l’enrichissement de l’expérience
client peuvent s’analyser au travers des
trois catégories suivantes.
Une expérience client en magasin
enrichie
Il existe aujourd’hui tout un
ensemble de technologies innovantes
au service d’une expérience d’achat
totalement unique et différenciante
pour le consommateur :
• Les vitrines à interfaces gestuelles : le
magasin Orange de Londres propose
ainsi des écrans tactiles grâce auxquels les clients peuvent scanner les
offres et personnaliser leurs forfaits.
• Les vitrines avec codes QR : un
8
certain nombre de marques, notamment Diesel, Adidas et BoConcept
(meubles), expérimentent actuellement les codes QR (codes-barres
2D) pour établir des liens entre le
produit et une promotion ou un
événement particulier.
• Les distributeurs automatiques
de vêtements (American Apparel,
Havaianas), les murs tactiles ou
touchwalls (Adidas, Repetto) ou
encore les bornes interactives
(Clarins, Leroy Merlin, LCL) : ces
technologies permettent de connecter les clients et le personnel du
magasin tout au long de sa visite
(prise d’information, essayage,
personnalisation et achat).
Un parcours multicanal cohérent
Les nouvelles technologies permettent
aux clients de prolonger une séance
de shopping en ligne dans un magasin
physique, et réciproquement. En voici
quelques exemples :
• Les Showrooms virtuels connectés :
les concepts de « Longtailing »
(BMW, But) ou de « Virtual Store »
Booz & Company
11. (Marks & Spencer) sont autant
d’initiatives visant à établir une
connexion entre le client en magasin et l’intégralité de la gamme et
des collections disponibles en ligne.
formes stars d’internet (Twitter,
Facebook, etc.) pour permettre aux
consommateurs de partager leurs
expériences (comme le Morgan
Tweet Mirror, par exemple).
• La fidélisation numérique : la présence en ligne de la marque ou de
l’enseigne ne doit pas s’arrêter à une
boutique en ligne. L’identification
unique des clients en ligne et en
magasin, l’offre de promotions
cohérentes valables sur tous les
canaux, la gestion des avis des
utilisateurs sur les réseaux sociaux,
l’utilisation de contenus créés par
les fans de la marque sont autant
d’activités en ligne importantes
pour renforcer l’implication affective du client et valoriser sa fidélité.
Des acteurs spécialisés, à l’exemple
de Shopkick, offrent ainsi des services de couponing géolocalisé qui
ont séduit des acteurs majeurs de la
distribution tels que Macy’s, Best
Buy ou encore Target.
Une relation client toujours plus
personnalisée
Les technologies de gestion de la relation client, le Customer Relationship
Management (CRM) permettent aux
acteurs de la distribution d’adapter
leur offre en temps réel, en fonction des
besoins identifiés chez le client. Il s’agit
ici de traduire directement les connaissances acquises sur le client en une
offre en magasin ou en ligne. Cela peut
prendre plusieurs formes, par exemple :
• Le partage instantané sur les
réseaux sociaux : les marques
utilisent de plus en plus les plate-
Booz & Company
• Le « mass tailoring » : semi-personnalisation du produit par le
client à partir d’éléments présélectionnés. La marque Longchamp
a commencé à appliquer cette
pratique en ligne avec le sac
« Pliage », son produit best-seller, et de nombreux fabricants
explorent aujourd’hui ce modèle.
• La personnalisation instantanée :
Nike a développé un concept
permettant au client de concevoir ses propres chaussures.
Celui-ci associe un portail mobile
(accessible avec un identifiant
« Nike ID »), un site Web et des
« design stores », qui fonctionnent
ensemble de manière intégrée pour
guider le client dans la création de
sa paire de chaussures idéale.
• Les offres en push : utilisation
d’une connaissance approfondie
du client au travers de son espace
personnel et de ses habitudes
d’achat, (technologies NFC – Near
Field Technology) pour proposer
directement diverses offres ou
promotions susceptibles de
l’intéresser (mCasino, Carrefour,
Yves Rocher).
• Les espaces fidélité : la fidélité
du client, tous canaux confondus,
est utilisée pour différencier le
niveau de service, avec reconnaissance personnalisée et mise en
place d’un espace exclusif, dans
les magasins (Apple Genius
Bar, Sephora) ou en ligne (club
9
12. Les nouveaux formats de magasins
Dans un monde de plus en plus numérique, les acteurs de la distribution
traditionnelle doivent faire face à des défis contradictoires : maintenir
un niveau de profitabilité suffisant malgré la concurrence accrue du
e-commerce et offrir une expérience client toujours plus riche pour
réaffirmer la valeur du magasin traditionnel. Une solution consiste à créer
et mélanger de nouveaux formats de magasins, afin notamment d’y
intégrer des services digitaux, de renforcer l’image de marque, de recruter
de nouveaux clients, d’améliorer la flexibilité (approche « asset light »),
d’augmenter le trafic en magasin et d’assurer des services à valeur-ajoutée
pour le client.
Les espaces dédiés
Les espaces dédiés ont été créés pour saisir les opportunités de ventes
croisées entre les marques grand public et les enseignes de la grande
distribution. En général, un acteur de la distribution permet à des marques
émergentes, qui cherchent à tester de nouveaux marchés ou segments de
clientèle, d’utiliser une partie de son espace commercial, dès lors qu’une
synergie a été identifiée (image de marque, innovation, complémentarité,
positionnement prix, etc.). Les espaces dédiés offrent aux petites marques
l’opportunité d’obtenir un espace commercial de premier choix, en amont
d’une contractualisation à plus long terme. Ils permettent en outre au
distributeur de rester à l’écoute des nouvelles tendances, et donnent une
certaine fraîcheur à ses points de vente grâce aux assortiments renouvelés
des marques invitées. Cette évolution pourrait à terme faire émerger un
nouveau genre de « grands magasins », les distributeurs traditionnels dédiant
leurs points de vente à un portefeuille sans cesse renouvelé de marques
indépendantes spécifiquement sélectionnées pour formuler une proposition
attractive et divertissante pour le consommateur (un peu à la manière du
concept store parisien Colette).
Avantages clés : recrutement de nouveaux clients, amélioration de la
flexibilité (« asset light »), augmentation du trafic magasin.
Les points de vente éphémères
Les points de vente éphémères sont utilisés principalement par les marques
grand public pour créer le « buzz » et pour répondre temporairement à
des besoins spécifiques, comme la réalisation de tests consommateurs
ou le lancement d’un nouveau produit. Les magasins pop-up (un point de
vente s’ouvre soudainement à un endroit précis, puis disparaît au bout de
quelques semaines) ou encore le concept « on-wheels » (magasin mobile se
déplaçant au fil des événements) en sont de bons exemples. La puissance
de ces formats éphémères réside dans leur capacité à attirer l’attention (et
donc à générer du trafic) en raison de l’effet de surprise et de leur caractère
évènementiel. Mercedes Benz, Havaianas ou encore UGG ont par exemple
eu recours à des magasins pop-up à Paris.
Avantages clés : construction de l’image de marque, amélioration de la
flexibilité (« asset light »), recrutement de nouveaux clients.
10
Booz & Company
13. Les showrooms virtuels
Les showrooms virtuels utilisent des écrans tactiles et autres équipements
de haute technologie pour proposer aux clients une interaction numérique
directement en magasin. Ils permettent aux acteurs de la distribution et aux
marques de présenter l’intégralité de leur collection sur une surface limitée,
ce qui est particulièrement intéressant par exemple pour les constructeurs
automobiles souhaitant s’implanter en centre-ville. Audi envisage ainsi d’ouvrir
une vingtaine de ces showrooms « Audi City » au cours des prochaines
années (Londres et Pékin étant déjà ouverts). Le showroom virtuel permet
également aux clients de mieux apprécier le produit une fois celui-ci adapté
à ses goûts et besoins (choix des options d’une voiture, conception d’une
cuisine, personnalisation de chaussures, etc.). Enfin, ce type de format offre
des perspectives intéressantes en termes d’expérience multicanale, avec
la possibilité de connecter le showroom virtuel avec les réseaux sociaux
du client, et d’offrir ainsi une continuité et une grande cohérence entre les
expériences en magasin et en ligne. Parmi les pionniers dans ce domaine,
on peut citer Mazda, Mercedes Benz, Adidas et Mark & Spencer.
Avantages clés : mise en place d’un service multicanal, construction de
l’image de marque, recrutement de nouveaux clients, augmentation du
trafic magasin, prestation des services après-vente.
Les magasins micro-ciblés
Ce concept est principalement utilisé par les acteurs de la distribution et les
marques grand public plutôt haut de gamme pour une partie de leur
assortiment ou de leur clientèle, dédiant ainsi un ou plusieurs points de vente
au segment visé. Citons par exemple la marque premium « & Other Stories »
développée par H&M pour attirer une clientèle plus aisée, les boutiques
« Pablo » de Gerard Darel, qui ont permis à la marque de toucher des
consommatrices plus jeunes, ou encore la récente déclinaison « The
Kooples Sport » de la marque « The Kooples » sur le segment du sportswear.
Avantages clés : construction de l’image de marque, recrutement de
nouveaux clients.
Les points relais
Les points relais sont une réponse aux obstacles à l’achat en ligne que sont les
frais d’expédition et la rigidité des créneaux de livraison (« entre 8h et 18h »), en
permettant aux clients de collecter ou de déposer pour un prix réduit (voir nul)
leurs produits achetés en ligne dans un lieu dédié. Les points relais peuvent
être de petits magasins locaux (maisons de la presse, par exemple), des sites
caractérisés par un trafic élevé (gares ou stations-service d’autoroute, par
exemple), des entrepôts, des épiceries de quartier, voire de simples boîtes
aux lettres installées dans les centres commerciaux ou les centres urbains. Ils
peuvent également prendre la forme d’un comptoir dédié intégré au magasin,
d’un système de drive-through ou encore d’un ensemble de casiers protégés
par codes secrets. Certains acteurs de la grande distribution alimentaire
expérimentent par ailleurs des collectes organisées à partir de camions de
livraison sur des créneaux horaires aménagés (Geodis et DHL, notamment).
Avantages clés : mise en place d’un service multicanal, augmentation du
trafic magasin.
Booz & Company
11
14. Les Flagships
Les flagships sont généralement
situés dans un emplacement de
prestige au cœur des grandes
villes. Beaucoup de marques et
d’enseignes possèdent déjà des
flagships en Europe dans les rues
commerçantes les plus prestigieuses,
telles que les Champs Elysées à Paris
ou Oxford Street à Londres. A l’avenir,
ce format pourrait se développer
aussi dans les villes de plus petite
taille afin de stimuler l’intérêt des
consommateurs pour les magasins
physiques. Par rapport aux points
de vente classiques, les flagships
disposent en général d’un personnel
plus nombreux et mieux formé ; la
proposition de valeur est centrée sur
le service au client (l’Apple Store par
exemple). Ce sont avant tout des
outils de marketing et de promotion
de la marque, pour laquelle la qualité
de l’expérience et l’impact émotionnel
sont plus importants que les ventes
en elles-mêmes (voir par exemple
le magasin M&Ms à New York). Les
flagships sont aussi de bons supports
pour déployer les technologies
numériques qui rendront l’expérience
client innovante et originale.
Avantages clés : construction de
l’image de marque, recrutement de
nouveaux clients, prestation des
services après-vente.
Toutes les combinaisons sont
possibles !
Diverses combinaisons des
concepts présentés ci-dessus
sont bien sûr possibles : magasins
pop-up intégrés au sein d’espaces
dédiés, showrooms virtuels en
démonstration dans les flagships,
magasins micro-ciblés mobiles, etc.
Le format du magasin du futur se
doit avant tout d’attiser la curiosité du
consommateur, ce qui laisse la part
belle à la créativité et à l’innovation !4
12
PERSPECTIVES
D’AVENIR
Le consommateur à la frontière de
deux mondes
En quelques années, les technologies
numériques et mobiles ont envahi
l’espace public, apportant une nouvelle
dimension aux interactions des usagers
avec l’environnement réel. Aux EtatsUnis, 50% des clients en boutique
consultent d’ores et déjà leur smartphone pour collecter des informations
sur les produits et comparer les prix.
Les possibilités offertes sont immenses
et se renouvellent constamment :
partage instantané sur les réseaux
sociaux (Pinterest, Instagram, Twitter),
essayages collaboratifs, comparaison
des prix en direct (Amazon Mobile),
recherche de promotions en ligne
avant le passage en caisse, scannage
du produit, codes QR, … Le chaland
peut ainsi être bien plus qu’un client
en puissance : consommateur averti,
promoteur enthousiaste mais aussi critique mécontent ou moqueur influent,
ses casquettes sont multiples et aussi
imprévisibles qu’impactantes pour les
marques. La spontanéité et la rapidité
des échanges en ligne enserrent le réel
dans un « halo virtuel » sans cesse
mouvant d’images, d’information et
d’opinions.
A ce jeu, les acteurs économiques ne
peuvent se contenter de suivre :
la possibilité de contrôler et d’utiliser
leur présence dans ce « halo » dépendra de leur capacité à s’approprier
ces nouvelles technologies pour faire
dialoguer de manière innovante leurs
magasins physiques avec leur présence en ligne, e-commerce et réseaux
sociaux confondus, et ce afin
de toujours et encore séduire le
consommateur.
Des secteurs bouleversés
À horizon 2020, le paysage de la
distribution française aura été profondément transformé par l’essor du
e-commerce. Gageons que les acteurs
traditionnels de demain seront ceux
qui auront su effectuer la mutation de
leur réseau de points de vente par la
rationalisation de l’implantation, le
développement de nouveaux formats
et l’intégration des expériences réelles
et virtuelles dans les magasins connectés, mais aussi capitaliser sur leur notoriété pour construire une présence en
ligne maitrisée et offrir une expérience
multicanal innovante à leurs clients.
Les ventes en ligne sont aujourd’hui en
croissance dans toutes les catégories de
biens de grande consommation, mais
le rythme et le moment exact de leur
accélération restent difficiles à prédire.
Les marques grand public et les acteurs
de la distribution traditionnelle doivent
donc être plus vigilants que jamais, et
surveiller de près l’évolution du e-commerce dans leurs domaines d’activité
afin de saisir les opportunités de cette
(r)évolution à venir !
Booz & Company
15. Notes
Moyenne pondérée de la part des ventes en ligne pour les secteurs hygiène-beauté, habillement et électronique
(électronique grand public et appareils électroménagers) – 2012 à 2020.
2
Surface de vente pour les 4 secteurs étudiés (hygiène-beauté, habillement, électronique et télécommunications)
3
Elle ne représente que 1 % de l’implantation totale des 4 secteurs analysés
4
RetailTrends, rapports PSFK Retail Reports, Trendwatching.com, TrendHunter.com, analyse Booz & Company
1
À propos des auteurs
Pierre Péladeau est partner
de Booz & Company basé
à Paris. Il est en charge du
développement en France
et en Europe des activités
Télécommunications et High
Tech de la firme. Il a plus de
20 années d’expérience dans
les domaines de la stratégie,
les opérations et la gestion
du changement.
Booz & Company
Olivier de Cointet est directeur
de Booz & Company basé à
Paris. Il possède plus de 13 ans
d’expérience dans le conseil et
a mené de nombreux projets
pour des acteurs majeurs des
Biens de Consommation et de
la Distribution. Il a par ailleurs
travaillé sur des problématiques
de marketing, de distribution
et de développement dans
de nombreux secteurs dont
les Télécommunications et
les Médias.
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