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59numéro 3 - juin 2014
PANORAMA
par clément picard
diplômé c3m 2012
diplômé mastère spécialisé
celsa entreprendre 2013
DEPUIS 2012, LE SECOND ÉCRAN PRÉOCCUPE LARGEMENT LES ACTEURS
DES MÉDIAS QUI EN EXPÉRIMENTENT DIFFÉRENTES FORMES.
ILS CHERCHENT À RENOUVELER LE RAPPORT DES TÉLÉSPECTATEURS À LA TÉLÉVI-
SION. JUSQU’ICI, LES PROGRAMMES DE SPORT OU DE DIVERTISSEMENT
ONT MAJORITAIREMENT FOCALISÉ L’ATTENTION DES CHAÎNES. MAIS CE
QU’EXPLIQUE CLÉMENT PICARD, C’EST COMBIEN LA FICTION CONSTITUE UN ENJEU
ESSENTIEL POUR LE SECOND ÉCRAN.
En France, on estime que trois personnes sur
quatre utilisent un deuxième écran (smart-
phone, tablette ou ordinateur portable) en
même temps qu’elles regardent la télévision1
 :
pour consulter leurs e-mails, chercher une in-
formation, ou encore s’activer sur leurs réseaux
sociaux. Dans un environnement médiatique en
mutation, et face à des téléspectateurs de plus
en plus « multitâches » et volatils, ce deuxième
écran constitue un véritable levier de dévelop-
pement pour la télévision. En effet, puisque les
téléspectateurs disposent d’un second écran
pendant qu’ils regardent la télévision, grâce
auquel ils sont en permanence potentiellement
connectés, comment non seulement prolonger
l’expérience médiatique, mais aussi l’enrichir,
afin de continuer à s’assurer la présence et la
confiance du public ?
Invitant à commenter l’émission, à poser des
questions aux invités, à voir les coulisses ou en-
core à revoir les meilleurs moments, les chaînes
ont multiplié les propositions d’enrichissement
de l’expérience télévisuelle via le second écran.
Et la plupart des genres a fait l’objet de ces expé-
rimentations. Le divertissement, d’abord : sur
M6 par exemple, on diffuse aux téléspectateurs
de « Top Chef » les fiches recettes des plats pré-
parés dans l’émission ; et sur TF1 on propose
aux téléspectateurs de « The Voice » de devenir
le « 5e
coach » en constituant leurs équipes et en
gagnant des points en fonction de la progression
des candidats. Le sport n’est pas en reste : les
abonnés de Canal+ peuvent par exemple, grâce à
la « Canal Football App » (également déclinée en
version « rugby »), revoir sur leur tablette ou leur
smartphone les meilleures actions du match
ET SI LA FICTION DONNAIT
UN NOUVEAU SOUFFLE
AU SECOND ÉCRAN ?
.4
OSSIER
ESMIROIRSEAIIO
60
en choisissant l’angle de la caméra. Enfin, le do-
cumentaire est lui aussi un genre qui fait l’objet
de développements sur le second écran, comme
l’a montré Arte autour du documentaire pros-
pectif « Future »2
, complété sur le second écran
grâce à des vidéos et des bonus, pour enrichir la
compréhension du téléspectateur.
La fiction, parent pauvre du second écran ?
On le voit, le second écran se développe progres-
sivement et s’adapte à différents genres : le sport,
le divertissement ou le documentaire. Mais la
fiction semble quant à elle vue comme un genre
à part, presque délaissé sur le terrain du second
écran. Qu’est-ce qui peut alors expliquer cette
absence, et surtout, qu’est-ce qu’elle révèle de la
façon dont les acteurs des médias perçoivent le
second écran ?
Penser que le multi-écrans n’est pas adapté à
la fiction révèle le principal écueil du « second
écran » : le penser comme une simple déclinai-
son ou une superposition d’éléments. Autre-
ment dit, c’est penser d’abord l’enrichissement
du programme et non l’enrichissement de l’ex-
périence du téléspectateur. En effet, dans la
dynamique amorcée sur le second écran, on est
souvent dans l’une des deux logiques suivantes :
soit la déclinaison (rediffusion des meilleurs sé-
quences, des meilleures actions du match, etc.),
soit l’ajout d’éléments censés permettre de
mieux comprendre le programme (fiche recette,
statistiques, bibliographie, etc.). Et on voit bien
que ces dispositifs, s’ils sont compatibles avec
la diffusion d’une rencontre sportive ou d’un
documentaire, ne sont pas adaptés à une série
ou un film. La fiction est par essence le mode de
l’immersion :onnevoitplusl’acteurderrièreson
personnage, on se laisse porter par une histoire,
au point d’en oublier que ce n’est pas la réalité.
Proposer aux téléspectateurs de consulter la
fiche d’un acteur pendant le film, c’est typique-
ment briser cette immersion, en ramenant le té-
léspectateur à la matérialité de l’existant. De la
même façon, proposer au public de choisir la fin
d’un épisode3
, c’est remettre en cause la logique
même de la narration, où les auteurs guident
les téléspectateurs dans une histoire que ces
derniers ne connaissent pas, et dans laquelle
ils n’ont d’autre choix que de se laisser porter.
On le voit bien, cette conception du second
écran est particulièrement inadaptée à la fiction,
puisqu’elle rompt les codes du genre. Mais, plutôt
que la pertinence de la fiction, peut-être est-ce
précisément l’approche du second écran par les
médias qu’il faut interroger. La fiction révèle-
rait finalement que le second écran ne doit pas
être considéré comme un espace de superposi-
tion des contenus, mais plutôt abordé comme
un moyen d’enrichir globalement l’expérience,
en s’intégrant à l’écriture du programme et aux
modes de narration, dans un mouvement de
convergence.
Apports et limites du « transmédia »
Parler de « convergence » renvoie largement aux
théorisations de la pensée transmédia4
. Celles-ci
consacrent la circulation des usagers entre diffé-
rents espaces, pour suivre une « histoire » dont
les différents éléments seraient disponibles sur
plusieurs supports. Jenkins parle de conver-
gence pour qualifier « le flux de contenu passant
par de multiples plateformes médiatiques, la
coopération entre une multitude d’industries
médiatiques et le comportement migrateur des
publics qui, dans leur quête d’expériences de di-
vertissement qui leur plaisent, vont et fouillent
partout  »5
. Ce modèle de dissémination des
contenus sur plusieurs supports, pariant sur le
« comportement migrateur » d’usagers qui passe-
raient indifféremment d’un support à un autre,
reste surtout un « rêve d’auteurs ». Il donne sou-
vent naissance à des dispositifs qui s’avèrent très
complexes, en ce sens qu’ils demandent au public
1. Lire à ce titre « Première approche de la télévision sociale »,
de la Commission de réflexion prospective sur l’audiovisuel (fé-
vrier 2013) du CSA, téléchargeable en ligne : http://www.csa.fr/
Etudes-et-publications/Les-etudes/Les-etudes-du-CSA/Pre-
miere-approche-de-la-television-sociale.
2. http://future.arte.tv/fr/sujet/futur-par-starck.
3. BOLESSE Cécile, sur 01net, « Social TV : M6 vous propose de
choisir la fin d’un épisode d’Hawaii 5-0 », publié le 10 avril 2013
http://www.01net.com/editorial/592671/socialtv-m6-vous-pro-
pose-de-choisir-la-fin-dun-episode-dhawaii-5-0/. Dernière entrée :
26/05/14.
4. L’un des ouvrages majeurs du modèle transmédiatique s’appelle
d’ailleurs Convergence culture (Henry Jenkins, 2006).
5. JENKINS Henry, La culture de la convergence, des médias au trans-
média, Armand Colin, 2013 (2006 pour sa version originale aux
États-Unis, sous le titre Convergence culture : Where old and new
media collide).
6. AÏM Olivier, « Le transmédia comme la remédiation de la théorie
du récit », in Terminal n°112, 2013.
- .
.4
effeuillage, la revue qui met les médias à nu
61
une très forte implication personnelle (temps,
régularité, maniement des supports, etc.) pour
relier les différents points d’un schéma narratif
fragmenté.
Cependant, si la pensée transmédia constitue à
bien des égards un excès de modélisation éloi-
gnée des pratiques réelles des usagers, elle n’en
demeure pas moins un repère, une borne limite,
autant qu’une direction, celle du rapprochement
des supports et des formes. La « convergence »
pensée par Jenkins est avant tout technique
et mécanique : elle envisage les multiples sup-
ports comme des moyens d’exprimer des mes-
sages différents mais complémentaires, pour
créer dans l’ensemble une « totalité unie »6
. Or,
la convergence qui doit être envisagée avec le
second écran est à l’inverse une utilisation des
formes et des supports disponibles pour nour-
rir une même relation au public, en proposant
des éléments complémentaires dans leur forme
mais proches dans leur fond. Concrètement, le
second écran ne doit pas raconter « une autre
histoire  », ni d’ailleurs exactement «  la même
histoire  », mais il doit permettre au téléspec-
tateur de faire un pas de côté pour vivre diffé-
remment le programme, et créer une véritable
expérience nouvelle.
Une absence de la fiction révélatrice
de la façon dont est perçu le second écran
La relative absence du second écran dans la fic-
tion est ainsi symptomatique d’au moins deux
réalités. Elle révèle d’abord la façon dont les ac-
teurs des médias perçoivent le second écran : ce-
lui-ci ne peut se résumer, comme c’est souvent le
cas, à une déclinaison du programme ou une su-
perposition d’éléments visant à enrichir le pro-
gramme lui-même. La fiction oblige à aller plus
loin, en intégrant plus intensément les diffé-
rents écrans dans l’écriture du programme. En
somme,lafictionrévèlecequedoitêtrelesecond
écran : immersif, en ce sens qu’il doit permettre
de vivre l’expérience plus intensément ; qualita-
tif, dans la mesure où il doit apporter une meil-
leure compréhension du programme et ne pas
devenir factice ; et simple, parce que les téléspec-
tateurs n’ont pas une attention inépuisable.
Par extension, cette absence de la question du
second écran dans la fiction révèle aussi la fa-
çon dont les chaînes de télévision se perçoivent
elles-mêmes. En laissant de côté le second écran
dans la fiction et en n’intégrant pas plus inten-
sément les différents écrans dans l’écriture du
programme, elles poursuivent leur tentation de
devenir ce qu’Yves Jeanneret7
nomme des « in-
dustries médiatisantes », c’est-à-dire des indus-
tries qui se désintéressent du contenu et de ses
valeurs et ne cherchent qu’à faire du flux ; au
détriment de leur statut « d’industries média-
tiques » qui nouent avec leur public une relation
qualifiée et qualitative. Ce qui fait la force du
média, ce n’est pas le volume, le flux, le « buzz »,
maisaucontrairelarelationqu’ilentretientavec
sonpublic,lelienqu’ilétablitetlavaleurqu’ilap-
porte. Passer du volume à la valeur, voilà ce que
devrait apporter un second écran qualifié, en-
richi, utile. Et on voit bien en cela l’incohérence
du fait de ne proposer que des commentaires
sur les réseaux sociaux, ou des contenus aux-
quels les téléspectateurs ont déjà accès (comme
la fiche d’un acteur ou de la recette d’un plat).
Aujourd’hui (et c’est bien ce qui explique son
inadaptation à la fiction), le second écran valo-
rise surtout le volume, le nombre de commen-
taires, le « bruit » produit sur les réseaux sociaux
et la densité du flux, aux dépens de la valeur et
de l’intérêt réel des usagers. Mais le développe-
ment du second écran dans le champ de la fic-
tion pourrait obliger à en redéfinir les contours
de façon globale, vers plus d’intégration avec le
programme, et de fait plus de qualité dans la re-
lation médiatique. C’est bien l’enjeu en tout cas,
car si pour l’heure c’est la fiction qui semble dé-
laissée par le second écran, son manque d’évo-
lution pourrait bien faire du second écran lui-
même un outil délaissé, par manque d’intérêt
des téléspectateurs.
Pour aller plus loin
Diplômé du Master « Communication, Marketing et Manage-
ment des Médias » du CELSA où il a notamment contribué au
lancement de la revue Effeuillage en 2012, Clément Picard
est un spécialiste de la question du second écran, qu’il analyse
depuis les prémices de la « Social TV » fin 2011. Spectateur
averti des transformations des médias traditionnels au
prisme des nouveaux usages numériques, il a fait partie
de la première promotion du Mastère Spécialisé
« CELSA Entreprendre » en 2013, afin de développer sa
propre activité de conseil en développement d’expériences
multi-écrans pour la télévision.
- PICARD Clément, Social TV : en attendant la révolution.
Attentes, réalités et enjeux d’un phénomène médiatique, Mémoire
de Master 2 professionnel, CELSA, septembre 2012.
- Du même auteur, Second écran : quels leviers de développement ?,
Mémoire de thèse professionnelle, CELSA, décembre 2013.
- Du même auteur, « Social TV : en attendant la révolution »,
Effeuillage numéro 2, juillet 2013.
7. JEANNERET Yves, Critique de la trivialité : les médiations de la
communication, enjeux de pouvoir (à paraître, Éditions Non Stan-
dard, 2014).
.4
OSSIER
ESMIROIRSEAIIO
numéro 3 - juin 2014

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Et si la fiction donnait un nouveau souffle au second écran ? Article dans Effeuillage, la revue qui met les médias à nu - CELSA

  • 1. 59numéro 3 - juin 2014 PANORAMA par clément picard diplômé c3m 2012 diplômé mastère spécialisé celsa entreprendre 2013 DEPUIS 2012, LE SECOND ÉCRAN PRÉOCCUPE LARGEMENT LES ACTEURS DES MÉDIAS QUI EN EXPÉRIMENTENT DIFFÉRENTES FORMES. ILS CHERCHENT À RENOUVELER LE RAPPORT DES TÉLÉSPECTATEURS À LA TÉLÉVI- SION. JUSQU’ICI, LES PROGRAMMES DE SPORT OU DE DIVERTISSEMENT ONT MAJORITAIREMENT FOCALISÉ L’ATTENTION DES CHAÎNES. MAIS CE QU’EXPLIQUE CLÉMENT PICARD, C’EST COMBIEN LA FICTION CONSTITUE UN ENJEU ESSENTIEL POUR LE SECOND ÉCRAN. En France, on estime que trois personnes sur quatre utilisent un deuxième écran (smart- phone, tablette ou ordinateur portable) en même temps qu’elles regardent la télévision1  : pour consulter leurs e-mails, chercher une in- formation, ou encore s’activer sur leurs réseaux sociaux. Dans un environnement médiatique en mutation, et face à des téléspectateurs de plus en plus « multitâches » et volatils, ce deuxième écran constitue un véritable levier de dévelop- pement pour la télévision. En effet, puisque les téléspectateurs disposent d’un second écran pendant qu’ils regardent la télévision, grâce auquel ils sont en permanence potentiellement connectés, comment non seulement prolonger l’expérience médiatique, mais aussi l’enrichir, afin de continuer à s’assurer la présence et la confiance du public ? Invitant à commenter l’émission, à poser des questions aux invités, à voir les coulisses ou en- core à revoir les meilleurs moments, les chaînes ont multiplié les propositions d’enrichissement de l’expérience télévisuelle via le second écran. Et la plupart des genres a fait l’objet de ces expé- rimentations. Le divertissement, d’abord : sur M6 par exemple, on diffuse aux téléspectateurs de « Top Chef » les fiches recettes des plats pré- parés dans l’émission ; et sur TF1 on propose aux téléspectateurs de « The Voice » de devenir le « 5e coach » en constituant leurs équipes et en gagnant des points en fonction de la progression des candidats. Le sport n’est pas en reste : les abonnés de Canal+ peuvent par exemple, grâce à la « Canal Football App » (également déclinée en version « rugby »), revoir sur leur tablette ou leur smartphone les meilleures actions du match ET SI LA FICTION DONNAIT UN NOUVEAU SOUFFLE AU SECOND ÉCRAN ? .4 OSSIER ESMIROIRSEAIIO
  • 2. 60 en choisissant l’angle de la caméra. Enfin, le do- cumentaire est lui aussi un genre qui fait l’objet de développements sur le second écran, comme l’a montré Arte autour du documentaire pros- pectif « Future »2 , complété sur le second écran grâce à des vidéos et des bonus, pour enrichir la compréhension du téléspectateur. La fiction, parent pauvre du second écran ? On le voit, le second écran se développe progres- sivement et s’adapte à différents genres : le sport, le divertissement ou le documentaire. Mais la fiction semble quant à elle vue comme un genre à part, presque délaissé sur le terrain du second écran. Qu’est-ce qui peut alors expliquer cette absence, et surtout, qu’est-ce qu’elle révèle de la façon dont les acteurs des médias perçoivent le second écran ? Penser que le multi-écrans n’est pas adapté à la fiction révèle le principal écueil du « second écran » : le penser comme une simple déclinai- son ou une superposition d’éléments. Autre- ment dit, c’est penser d’abord l’enrichissement du programme et non l’enrichissement de l’ex- périence du téléspectateur. En effet, dans la dynamique amorcée sur le second écran, on est souvent dans l’une des deux logiques suivantes : soit la déclinaison (rediffusion des meilleurs sé- quences, des meilleures actions du match, etc.), soit l’ajout d’éléments censés permettre de mieux comprendre le programme (fiche recette, statistiques, bibliographie, etc.). Et on voit bien que ces dispositifs, s’ils sont compatibles avec la diffusion d’une rencontre sportive ou d’un documentaire, ne sont pas adaptés à une série ou un film. La fiction est par essence le mode de l’immersion :onnevoitplusl’acteurderrièreson personnage, on se laisse porter par une histoire, au point d’en oublier que ce n’est pas la réalité. Proposer aux téléspectateurs de consulter la fiche d’un acteur pendant le film, c’est typique- ment briser cette immersion, en ramenant le té- léspectateur à la matérialité de l’existant. De la même façon, proposer au public de choisir la fin d’un épisode3 , c’est remettre en cause la logique même de la narration, où les auteurs guident les téléspectateurs dans une histoire que ces derniers ne connaissent pas, et dans laquelle ils n’ont d’autre choix que de se laisser porter. On le voit bien, cette conception du second écran est particulièrement inadaptée à la fiction, puisqu’elle rompt les codes du genre. Mais, plutôt que la pertinence de la fiction, peut-être est-ce précisément l’approche du second écran par les médias qu’il faut interroger. La fiction révèle- rait finalement que le second écran ne doit pas être considéré comme un espace de superposi- tion des contenus, mais plutôt abordé comme un moyen d’enrichir globalement l’expérience, en s’intégrant à l’écriture du programme et aux modes de narration, dans un mouvement de convergence. Apports et limites du « transmédia » Parler de « convergence » renvoie largement aux théorisations de la pensée transmédia4 . Celles-ci consacrent la circulation des usagers entre diffé- rents espaces, pour suivre une « histoire » dont les différents éléments seraient disponibles sur plusieurs supports. Jenkins parle de conver- gence pour qualifier « le flux de contenu passant par de multiples plateformes médiatiques, la coopération entre une multitude d’industries médiatiques et le comportement migrateur des publics qui, dans leur quête d’expériences de di- vertissement qui leur plaisent, vont et fouillent partout  »5 . Ce modèle de dissémination des contenus sur plusieurs supports, pariant sur le « comportement migrateur » d’usagers qui passe- raient indifféremment d’un support à un autre, reste surtout un « rêve d’auteurs ». Il donne sou- vent naissance à des dispositifs qui s’avèrent très complexes, en ce sens qu’ils demandent au public 1. Lire à ce titre « Première approche de la télévision sociale », de la Commission de réflexion prospective sur l’audiovisuel (fé- vrier 2013) du CSA, téléchargeable en ligne : http://www.csa.fr/ Etudes-et-publications/Les-etudes/Les-etudes-du-CSA/Pre- miere-approche-de-la-television-sociale. 2. http://future.arte.tv/fr/sujet/futur-par-starck. 3. BOLESSE Cécile, sur 01net, « Social TV : M6 vous propose de choisir la fin d’un épisode d’Hawaii 5-0 », publié le 10 avril 2013 http://www.01net.com/editorial/592671/socialtv-m6-vous-pro- pose-de-choisir-la-fin-dun-episode-dhawaii-5-0/. Dernière entrée : 26/05/14. 4. L’un des ouvrages majeurs du modèle transmédiatique s’appelle d’ailleurs Convergence culture (Henry Jenkins, 2006). 5. JENKINS Henry, La culture de la convergence, des médias au trans- média, Armand Colin, 2013 (2006 pour sa version originale aux États-Unis, sous le titre Convergence culture : Where old and new media collide). 6. AÏM Olivier, « Le transmédia comme la remédiation de la théorie du récit », in Terminal n°112, 2013. - . .4 effeuillage, la revue qui met les médias à nu
  • 3. 61 une très forte implication personnelle (temps, régularité, maniement des supports, etc.) pour relier les différents points d’un schéma narratif fragmenté. Cependant, si la pensée transmédia constitue à bien des égards un excès de modélisation éloi- gnée des pratiques réelles des usagers, elle n’en demeure pas moins un repère, une borne limite, autant qu’une direction, celle du rapprochement des supports et des formes. La « convergence » pensée par Jenkins est avant tout technique et mécanique : elle envisage les multiples sup- ports comme des moyens d’exprimer des mes- sages différents mais complémentaires, pour créer dans l’ensemble une « totalité unie »6 . Or, la convergence qui doit être envisagée avec le second écran est à l’inverse une utilisation des formes et des supports disponibles pour nour- rir une même relation au public, en proposant des éléments complémentaires dans leur forme mais proches dans leur fond. Concrètement, le second écran ne doit pas raconter « une autre histoire  », ni d’ailleurs exactement «  la même histoire  », mais il doit permettre au téléspec- tateur de faire un pas de côté pour vivre diffé- remment le programme, et créer une véritable expérience nouvelle. Une absence de la fiction révélatrice de la façon dont est perçu le second écran La relative absence du second écran dans la fic- tion est ainsi symptomatique d’au moins deux réalités. Elle révèle d’abord la façon dont les ac- teurs des médias perçoivent le second écran : ce- lui-ci ne peut se résumer, comme c’est souvent le cas, à une déclinaison du programme ou une su- perposition d’éléments visant à enrichir le pro- gramme lui-même. La fiction oblige à aller plus loin, en intégrant plus intensément les diffé- rents écrans dans l’écriture du programme. En somme,lafictionrévèlecequedoitêtrelesecond écran : immersif, en ce sens qu’il doit permettre de vivre l’expérience plus intensément ; qualita- tif, dans la mesure où il doit apporter une meil- leure compréhension du programme et ne pas devenir factice ; et simple, parce que les téléspec- tateurs n’ont pas une attention inépuisable. Par extension, cette absence de la question du second écran dans la fiction révèle aussi la fa- çon dont les chaînes de télévision se perçoivent elles-mêmes. En laissant de côté le second écran dans la fiction et en n’intégrant pas plus inten- sément les différents écrans dans l’écriture du programme, elles poursuivent leur tentation de devenir ce qu’Yves Jeanneret7 nomme des « in- dustries médiatisantes », c’est-à-dire des indus- tries qui se désintéressent du contenu et de ses valeurs et ne cherchent qu’à faire du flux ; au détriment de leur statut « d’industries média- tiques » qui nouent avec leur public une relation qualifiée et qualitative. Ce qui fait la force du média, ce n’est pas le volume, le flux, le « buzz », maisaucontrairelarelationqu’ilentretientavec sonpublic,lelienqu’ilétablitetlavaleurqu’ilap- porte. Passer du volume à la valeur, voilà ce que devrait apporter un second écran qualifié, en- richi, utile. Et on voit bien en cela l’incohérence du fait de ne proposer que des commentaires sur les réseaux sociaux, ou des contenus aux- quels les téléspectateurs ont déjà accès (comme la fiche d’un acteur ou de la recette d’un plat). Aujourd’hui (et c’est bien ce qui explique son inadaptation à la fiction), le second écran valo- rise surtout le volume, le nombre de commen- taires, le « bruit » produit sur les réseaux sociaux et la densité du flux, aux dépens de la valeur et de l’intérêt réel des usagers. Mais le développe- ment du second écran dans le champ de la fic- tion pourrait obliger à en redéfinir les contours de façon globale, vers plus d’intégration avec le programme, et de fait plus de qualité dans la re- lation médiatique. C’est bien l’enjeu en tout cas, car si pour l’heure c’est la fiction qui semble dé- laissée par le second écran, son manque d’évo- lution pourrait bien faire du second écran lui- même un outil délaissé, par manque d’intérêt des téléspectateurs. Pour aller plus loin Diplômé du Master « Communication, Marketing et Manage- ment des Médias » du CELSA où il a notamment contribué au lancement de la revue Effeuillage en 2012, Clément Picard est un spécialiste de la question du second écran, qu’il analyse depuis les prémices de la « Social TV » fin 2011. Spectateur averti des transformations des médias traditionnels au prisme des nouveaux usages numériques, il a fait partie de la première promotion du Mastère Spécialisé « CELSA Entreprendre » en 2013, afin de développer sa propre activité de conseil en développement d’expériences multi-écrans pour la télévision. - PICARD Clément, Social TV : en attendant la révolution. Attentes, réalités et enjeux d’un phénomène médiatique, Mémoire de Master 2 professionnel, CELSA, septembre 2012. - Du même auteur, Second écran : quels leviers de développement ?, Mémoire de thèse professionnelle, CELSA, décembre 2013. - Du même auteur, « Social TV : en attendant la révolution », Effeuillage numéro 2, juillet 2013. 7. JEANNERET Yves, Critique de la trivialité : les médiations de la communication, enjeux de pouvoir (à paraître, Éditions Non Stan- dard, 2014). .4 OSSIER ESMIROIRSEAIIO numéro 3 - juin 2014