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PRODUITS DE QUALITE, TERRITOIRES ET DEVE LOPPEMENT DURABLE
Le cas de l'AGRECO1
, Santa Catarina, Brésil
Clara H. Whyte
Stagiaire au CIRAD (Montpellier)
Etudiante à l'Université de Versailles – St-Quentin
et à l'IEP de Paris
whyte.clara@etudiant.sciences-po.fr
56, Avenue de la Grande Arche
92400 Courbevoie
RESUME
L'agriculture est aujourd'hui à la recherche de nouveaux modèles de développement qui prennent en compte son
caractère multifonctionnel, c'est-à-dire sa faculté non seulement à assurer la sécurité alimentaire tant
quantitative que qualitative, mais aussi à préserver l'environnement et à viabiliser les zones rurales
défavorisées. Dans ce contexte, nous nous sommes demandés si cette volonté d'allier développement agricole et
développement durable pouvait offrir aux petits producteurs la possibilité de différencier leurs produits et
d'obtenir une rente de durabilité (comme il existe selon Lacroix, Mollard et Pecqueur, 2000, une rente de qualité
territoriale). Cette réflexion nous a été inspirée par l'étude d'un cas original de tentative de développement
territorial durable d'une zone d'agriculture familiale en s'appuyant sur une statégie de différenciation des
produits par leur qualité biologique et traditionnelle (ou encore durable). Il s'agit du cas de l'AGRECO , une
association de producteurs biologiques située dans le Sud du Brésil. Nous nous attachons ici à discuter de la
structuration du projet sous la forme d'un Système Localisé de Production et d'Innovation, ainsi que de
l'évolution de la relation consommateurs-producteurs afin de déterminer si le panier de biens produits par
l'association bénéficie d'une rente de durabilité et si la stratégie de différenciation des produits est à l'origine du
démarrage d'un "cercle vertueux" du développement dans cette région de montagne jusque là défavorisée.
INTRODUCTION
Au cours des 25 dernières années, le gouvernement brésilien, comme bien d'autres, a
largement modifié ses politiques de développement agricole.
Si durant toute la période de l'après-guerre, ses discours, comme ceux des principales
organisations internationales, allaient dans le sens d'un grand interventionnisme visant à des
accroissements permanents de productivité, via une mécanisation toujours accrue, à partir de
la fin des années soixante-dix, cette vision s'est progressivement modifiée dans le sens d'un
libéralisme dont le leitmotiv peut se résumer en la libéralisation et l'ouverture des marchés
agricoles.
Toutefois, ces années ont également été marquées par l'émergence d'un autre débat, celui sur
le développement durable que l'on définit couramment et suivant le rapport Brundtland,
comme étant un développement qui permette d'assurer les besoins des générations présentes
sans hypothéquer les chances des générations futures de pourvoir aux leurs.
Cette forme de développement, prise dans un sens large, implique la préservation entre les
générations de toutes les formes de capital : économique, culturel, naturel etc..
Dès lors, il devenait inévitable que ces deux grands débats sur le développement se rejoignent
et si les politiques de développement agricoles du gouvernement brésilien prennent encore
relativement peu en considération la question de la durabilité des modes de production
1
Associação dos Agricultores Orgânicos das Encostas da Serra Geral – Association des Agriculteurs Biologique
des Flancs de la Serra Geral
1
agricole, en revanche, on voit apparaître des expériences concrètes pour allier développement
agricole et développement durable des territoires.
En effet, pour certains territoires marqués par la prégnance des petites exploitations
familiales, la recherche nouvelle d'un développement durable peut ouvrir les voies d'une
viabilisation économique dans la mesure où elle implique non plus tant la recherche d'une
productivité, mais plutôt la fourniture en parallèle de produits de qualité et de services
publics.
Une agriculture qui fournit dans le même temps des biens alimentaires et des services publics
est dite multifonctionnelle. Nous retiendrons ici la définition exclusive de la
multifonctionalité agricole qui renvoie à la capacité pour le secteur de remplir des objectifs de
sécurité alimentaire tant quantitatifs que qualitatifs, tout en viabilisant les zones rurales et en
préservant les ressources naturelles (Solagral, 1999). Nous considérerons qu'agriculture
multifonctionnelle et agriculture durable sont équivalentes.
Dès lors, il convient de préciser plus clairement les possibilités ouvertes par ce type
d'agriculture aux territoires défavorisés d'agriculture familiale.
En fait, elle doit permettre d'enclencher un cercler vertueux du développement territorial en
offrant aux agriculteurs la possibilité de capter une rente de qualité territoriale durable ou
rente de durabilité sur l'ensemble des biens produits sur le territoire tout en assurant que soient
valorisées et même préservées les différentes formes uniques de capital du territoire (culturel,
naturel etc.).
Cette rente n'est autre que la rente de qualité territoriale définie par Lacroix, Mollard et
Pecqueur (2000), mais corrigée pour s'astreindre à des objectifs de durabilité préalablement
définis entre les acteurs du territoire. Elle provient, d'un surplus que les agriculteurs vont
retirer du prix de vente de leur produit du fait de la reconnaissance par les consommateurs de
ce qu'en achetant le bien alimentaire, ils contribuent au financement de services publics
devant permettre un développement durable des territoires. Les raisons pour lesquelles les
consommateurs acceptent de financer ces services peuvent être multiples : soucis éthiques,
écologiques, sanitaires etc., et dépendent de leur niveau d'éveil aux problèmes de durabilité
aussi bien que de l'image construite autour du produit.
Afin de mieux percevoir la réalité et l'actualité de ces problématiques, nous nous proposons
de présenter et de discuter de l'étude d'un cas précis. Il s'agit de celui d'un groupement de
producteurs biologiques, l'Agreco2
, situé dans l'Etat de Santa Catarina dans le Sud du Brésil.
1. METHODOLOGIE
1.1 Les institutions et leur demande
L'étude du cas de l'Agreco a été réalisée dans le cadre d'un stage organisé en partenariat entre
la Fondation Lyndolfo Silva (Brasilia, Brésil) et le CIRAD (Montpellier, France).
La Fondation (créée en 1998 par la CONTAG – Confédération Nationale des travailleurs
Ruraux- et l'Embrapa - Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole) s'intéresse
2
Associação dos Agricultores Orgânicos das Encostas da Serra Geral – Association des Agriculteurs Biologique
des Flancs de la Serra Geral
2
à l'élaboration de stratégies publiques de viabilisation de l'agriculture familiale dans un
contexte de plus en plus libéral. A ce titre, elle porte un intérêt tout particulier aux
expériences déjà existantes de différenciation des produits de l'agriculture familiale, et après
avoir envoyé des experts brésiliens observer celles qui existaient en france, elle a formulé le
souhait que le programme se poursuive avec l'étude d'expériences au Brésil en partenariat
avec le CIRAD (programme agriculture familiale du département TERA).
Le groupe agriculture familial du département TERA (Territoires, Environnement et Acteurs)
du CIRAD s'intéresse pour sa part aux conditions de viabilisation de l'agriculture familiale,
notamment par son intégration au commerce international.
Dès lors, l'objectif du stage organisé était le recueil de données sur le cas étudié puis leur
analyse afin de nourrir la réflexion sur la valorisation des produits de l'agriculture familiale et,
par suite, sur les actions à entreprendre afin de viabiliser par le marché de cette forme
d'agriculture.
1.2 Enquête et méthodes
Dans ce contexte, nous avons eu l'occasion d'étudier durant 3 mois (entre juin et septembre
2001) le cas de l'Agreco qui est un groupement de producteurs biologiques situé dans la
micro-région de Tubarão non loin de Florianópolis dans l'Etat de Santa Catarina dans le Sud
du Brésil.
A cette fin, nous avons d'abord, procédé à la lecture et au dépouillement de documents
préexistants sur le cas (Statut de l'association, règlement, mémoires universitaires etc.), puis
nous nous sommes consacrés à interroger les différents acteurs impliqués sur le projet.
Nous avons mené des entretiens libres ou semi-dirigés avec : 15 agriculteurs, 11 techniciens,
2 employés de la coopérative de crédit locale, 2 employées de l'association d'écotourisme
locale, 8 acheteurs de supermarchés et de marchés institutionnels, 8 touristes-consommateurs,
des membres d'institutions partenaires du projet de l'Agreco (EPAGRI3
, SEBRAE4
,
syndicalistes, AMUREL5
) et quelques autres personnes d'intérêt (1 historien de la région, une
famille extérieure au projet etc.).
Le cas de l'Agreco était particulièrement intéressant dans la mesure où il ne visait pas une
simple qualification des produits, mais présentait un objectif global de développement
territorial durable par la valorisation d'un panier de biens et services produits localement et de
façon multifonctionnelle.
2. RESULTATS
L'étude du cas de l'Agreco nous conduit, pour en saisir l'évolution logique et la pertinence, à
distinguer trois périodes successives : celle qui a précédé l'introduction de la production
3
Empresa de Pesquisa Agropecuária e Extensão Rural de Santa Catarina – Entreprise de Recherche Agricole et
"Développement" Rural de Santa Catarina
4
Serviço Brasileiro de Apoio às Micro e Pequenas Empresas – Système Brésilien d'Appui aux micro- et petites
entreprises
5
Association des municipes de la région de Tubarão
3
biologique dans la région et qui a permis la structuration d'une identité territoriale forte ; celle
qui a suivi le début de la production biologique et qui a vu se développer les agroindustries ;
celle où l'offre a commencé à devenir excédentaire par rapport à la demande et où il a fallu
rechercher les moyens de conquérir de nouveaux marchés.
2.1 La constitution d'une identité territoriale forte
L´association AGRECO se situe au coeur de la petite région de tubarão. Celle-ci comporte 16
municipes et s´étend aux côtés des flancs de la chaîne de montagnes Serra Geral et de la Vale
do Río Braço do Norte dans l´Etat de Santa Catarina.
Du fait de sa situation, mais aussi de la nature escarpé de son relief, cette région n'a
commencé à être colonisée que dans les années 1920 par des populations essentiellement
originaires d´Allemagne et d´Italie.
Ces colons se sont alors mis à constituer une forme d'agriculture traditionnelle et vivrière
quasi-autarcique, la faiblesse des infrastructures rendant impossible toute forme d'insertion de
la production sur les marchés régionaux.
Ce n'est que dans les années 1950 qu'une insertion de l'activité agricole régionale sur les
marchés a commencé. En fait, de grandes entreprises de production de tabac ont offert aux
agriculteurs de les former à la production de tabac selon des méthodes productivistes et de
leur acheter la totalité de leur production.
Cette nouvelle production, outre qu'elle n'a aucunement permis la viabilisation économique de
la région, a été à l'origine de destructions massives du capital naturel ou culturel local.
Jusqu'à l'introduction de l'agriculture biologique dans la région au début des années 1990, la
production agricole de la région s'est donc vue diviser entre une production traditionnelle
diversifiée et essentiellement vivrière, et une production moderne de tabac entièrement
destinée aux grandes companies extérieures.
2.2 Le développement de la production biologique et des agroindustries
C'est à deux membres du territoire partis étudier en ville que l'on doit l'introduction, en 1996,
de la production biologique et la construction de la première agro-industrie.
Le premier avait réussi à fonder sa propre chaîne de supermarchés (Santa Mônica) au niveau
de l'Etat du Santa Catarina et avait à ce titre perçu l'émergence d'une demande nouvelle des
consommateurs pour des biens alimentaires produits sans agrotoxiques. Il a donc proposé à
des membres de sa famille de commencer à produire selon les méthodes de l'agriculture
biologique en leur garantissant l'achat de la totalité de leur production.
Le second a conseillé à sa famille de commencer à produire du miel et a cherché les moyens
de leur permettre de vendre leur production au niveau de l'Etat voire du pays. Il a donc
proposé la création de la première agro-industrie de la région, une agroindustrie de miel
financée par des membres de la familles émigrés en ville. Cela a permis aux producteurs de
valoriser leur produit et d'obtenir les SIF6
et SIE7
nécessaires à la vente du produit sur les
marchés étatique et fédéral.
6
Serviço de Inspeção Federal – les certifications délivrées par le Service d'Inspection Fédéral sont
indispensables pour vendre des produits dans d'autres Etats que celui d'origine des produits
7
Serviço de Inspeção Estadual – Service d'inspection Etatique, même chose que le SIF à l'échelle d'un Etat
4
A la fin de l'année 1996, lors de la première assemblée générale qui a marqué la création
officielle de l'Agreco, on dénombrait déjà 14 familles impliquées dans la production
biologique sur la région.
La passage à cette production a été facilitée pour les producteurs qui avaient conservé un
mode de production traditionnel fondé sur la diversité.
La développement des agro-industries a constitué un important facteur de viabilisation et de
développement de l'expérience dans la mesure où il a permis de diversifier la forme de
commercialisation des produits issus de la production primaire ainsi que leur qualité sanitaire,
ce dernier point étant fondamental pour l'obtention des SIE ou SIF.
C'est en 1999 à la faveur du lancement du programme fédéral “PRONAF8
Agroindústrias”
que l'idée de créer un réseau d'agro-industries à été lancée par la CEPAGRO9
. Le projet initial
prévoyait la création de 54 agroindustries en réseau financées pour partie par les fonds du
PRONAF qui seront libérés jusqu'à fin 2002 et pour partie par des fonds propres des
agriculteurs. Ce dernier point a imposé la création d'un coopérative locale de crédit.
Le 13 mai 1999, lors de sa première assemblée générale, a été proclamée la naissance
officielle de la coopérative qui devait permettre d'aider à la mobilisation des fonds propres des
agriculteurs (environ 4,3% du coût total du projet) de sorte qu'ils puissent construire leurs
agroindustries.
Grâce à ces efforts, fin Août 2001 lorsqu'a pris fin notre recherche, l'association de l'Agreco
s'organisait autour d'une UCAG10
formées de 11 techniciens (gestionnaires, ingénieurs etc.) et
comportait près de 150 familles associées, groupées autour de la production 150 produits
différents valorisés dans le cadre des activités de 27 agroindustries.
Cette réussite est néanmoins à nuancer dans la mesure où en Août 2001 l'association n'était
pas rentable puisqu'elle réalisait un chiffre d'affaire de 60000 Réals (soit 25 577 Euros) par
mois, alors que le double aurait été nécessaire pour couvrir ses frais de fonctionnement. De
plus, la production excédait depuis plusieurs mois la demande, ce qui avait amené les
dirigeants à lancer un vaste programme en vue de développer de nouveaux débouchés pour les
produits de l'association.
2.3 La recherche des moyens d'étendre les parts de marchés de
l'association
C'est ainsi que l'Agreco menait durant l'hiver (Juillet – Août) 2001, une intense campagne en
vue de développer la demande pour ses produits.
La nécessité d'une telle campagne est née des succès de la production, mais aussi de la faillite
de la chaîne de supermarchés qui garantissait au départ l'achat de produits.
Il s'agissait donc de chercher à trouver de nouveaux clients et pour cela il fallait être en
mesure de répondre aux attentes différentes de clients diversifiés.
8
Programa Nacional de Fortalecimento da Agricultura Familiar – Programme National pour le Renforcement de
l´Agriculture Familiale
9
Centre d'Etudes et Promotion de l'Agriculture de Groupe
10
Unidade Central de Apoio Gerencial - Unité Centrale d´Appui à la Gestion
5
On peut distinguer ces différents clients comme suit :
-Les acheteurs du supermarché achètent si les clients en font la demande. Il sont
relativement peu sensibles à l'aspect biologique des produits et recherchent surtout des bons
prix et une aptitude à livrer les quantités commandées dans les temps. Ils couvrent à eux seuls
90% de la demande pour les produits de l'Agreco.
- Les acheteurs des marchés institutionnels font passer le prix avant tout, mais à prix égal,
optent pour les produits biologiques. Aucune faille dans la livraison prévue des produits n'est
tolérée.
- Les touristes-consommateurs recherchent avant tout des produits qu'ils jugent sains car
biologiques et coloniaux (c'est-à-dire produits de façon traditionnelle). Ils apprécient
particulièrement les produits qui présentent des spécificités locales, tels que le pain de maïs.
L'UCAG de l'Agreco s'est donc attachée à répondre à ces différentes attentes.
Pour cela, elle a, tout d'abord, continué le regroupement de la production et a cherché à
réduire les coûts d'acheminement des produits sur les marchés.
Ensuite, afin de s'assurer d'une réponse adéquate aux demandes des supermarchés, elle a mis
en place un système informatisé de gestion qui lui permet d'évaluer par avance la production
disponible et la demande à satisfaire, de sorte que ne soient cueillies que les quantités de
produits demandées et qu'en cas de manque on puisse chercher à en trouver d'autres
(extérieures à l'Agreco) pour répondre au surplus de demande.
L'Agreco s'est également attachée à mettre en place une véritable stratégie marketing autour
de ses produits afin de sensibiliser les clients éloignés à la qualité supérieure de ceux-ci. Cela
passe par la création d'emballage expliquant les conditions de production des aliments de
l'Agreco et invitant le consommateur à venir visiter la région, ou encore par le développement
de stands de produits biologiques qui attirent l'attention des consommateurs.
De façon générale, les produits sont valorisés selon trois principaux aspects : biologique,
colonial (traditionnel) et éthique (ce dernier point exigeant l'éducation des consommateurs,
puisque sur 8 acheteurs de supermarchés interrogés, seul 1 a pu nous dire précisément ce à
quoi ce terme renvoyait).
Par ailleurs, l'Agreco commençait en Août 2001, l'élaboration de cahiers des charges qui
devaient lui permettre l'obtention de certification de type ISO ou Ecocert. L'association
bénéficie à ce niveau de l'aide du SEBRAE, dont le projet Vida Rural Sustentável - Vie
Rurale Durable - est entièrement consacré au développement de la microrégion et prévoit de
lui attribuer près de 723 106 Réals (soit 308 250 Euros), dont 143 280 Réals (soit 61 078
Euros) sont consacrés à l'obtention de certifications.
L'objectif ici étant la création de conventions industrielles entre l'Agreco et les clients
éloignés de sortent que ceux-ci acceptent d'acheter les produits de l'association en priorité, et
ce bien que leur coût soit en moyenne au moins 30% supérieur à ceux des produits
conventionnels.
Enfin, dans le cadre du programme de développement territorial qui sous-tend le projet de
l'Agreco a été fondée en 1999 une association d'agrotourisme qui s'attache à amener des
touristes et à valoriser les produits de l'Agreco localement auprès de ces consommateurs,
notamment en développant des déjeuners ou des goûters coloniaux (qui soulignent le côté
traditionnel et artisanal de la prodution) ou en organisant des visites des différentes
6
agroindustries de la région de sorte que les consommateurs puissent constater par eux-mêmes
de la qualité biologique des produits et du traitement sanitaire qu'ils reçoivent.
L'ensemble de ces efforts a permis d'élargir les parts de marchés, même si un gros travail reste
à faire puisque nous avons souligné que pour être viable l'association devait réussir à doubler
son chiffre d'affaire mensuel.
3. LEÇONS DE L'ETUDE DE CAS
L'étude du cas de l'Agreco permet de revenir sur une expérience originale et innovante de
différenciation des produits de l'agriculture familiale qui a pour objectif non seulement la
viabilisation économique des producteurs, mais aussi et surtout un véritable développement
durable intégré de la région.
Pour cela un double travail de construction a dû être mené, d'abord, pour mettre en place la
stratégie productive et le projet de développement qui l'accompagne et ensuite, pour valoriser
et faire connaître le travail réalisé auprès des consommateurs, extérieurs au territoire, mais
sensibles à la problématique générale du développement durable.
De façon générale, il ressort de cette expérience que malgré tous les efforts qui ont pu être
faits localement par les acteurs du territoire, l'expérience ne serait pas viable sans
l'intervention massives d'institutions extérieures étatiques ou fédérales, ce qui permet de
s'interroger sur les possibilités réelles de viabilisation par le marché de l'agriculture familiale.
3.1 La constitution d'un Système Localisé de Production et d'Innovation (SLPI)
Tout d'abord, il ressort de l'histoire du cas de l'Agreco que l'on a assisté au développement
d'un véritable Système Localisé de Production et d'Innovation (SLPI) défini comme "un
ensemble localisé de dispositifs agissant dans les processus d'innovation" (Longhy et Quéré,
1993).
Ce développement apparaît particulièrement exemplaire dans sa forme et suit très précisément
les étapes observées sur d'autres cas par Delfosse et Letablier (1997), à savoir :
1) "l'engagement d'acteurs dans une structure de coopération pour définir une action
commune ;
2) la confrontation de l'accord local avec des exigences plus générales qui vise à étendre la
portée de l'accord".
En effet, nous l'avons vu le développement de l'Agreco se fait en deux temps.
• Structuration de l'action commune
Le premier consiste en l'engagement des acteurs au sein de l'association et au développement
commun de l'activité productive de la région.
Durant cette phase, l'isolement dont avait souffert la région précédemment devient un atout
dans la mesure où il a permis de constituer une identité territoriale forte qui est un facteur de
solidarité entre les acteurs. Or, la constitution d'un SLPI implique une forte coopération entre
les acteurs qui ne peut se faire que si un capital social élevé facilite la confiance et la
circulation de l'information entre eux.
L'existence d'une réelle proximité entre les acteurs leur a permis de se regrouper rapidement
autour d'un projet commun de développement durable de la région fondé sur une stratégie
7
originale de différenciation des produits par la qualité durable. Ce regroupement rapide leur a
permis d'élaborer les règles communes à suivre dans la production de sorte de pouvoir
valoriser sur les marchés un panier de biens. Ces règles (pas de déforestation, pas de chasse,
par d'usage d'agrotoxiques etc.) sont clairement explicitées dans les statut et règlement de
l'Agreco, ceux-ci pouvant dès lors être qualifiés de contrats de durabilité (Zuindeau, 2000).
Ils permettent de définir ce qu'est le développement durable à l'échelle de la micro-région
selon les perceptions propres de la communauté territoriale concernée, ainsi que les moyens à
mettre en œuvre pour l'atteindre.
La proximité entre les agents a également facilité par la suite, l'émergence de structures
complémentaires à celle de l'Agreco.
On pense bien sûr à la coopérative de crédit que constitue Crecicolônia , qui compte environ
200 associés et dispose au total de ressources s'élevent à 470000 Réals, dont un fonds de
réserve de 28000 Réals. Sans elle, aucun acteur ne disposerait de la somme requise pour
commencer la construction d'une agroindustrie.
On pense également à l'association d'agrotourisme Acolhida na Colônia qui, avec environ 30
associés, constitue une opportunité d'élargir le panier de biens et services offerts, tout en
attirant une nouvelle clientèle autour du projet.
L'ensemble de ces associations dispose de représentants auprès du Forum des Municipes de la
micro-région de Tubarão, organe politique commun qui essaie de s'assurer de l'harmonie et de
la cohérence du développement durable de la région.
Le territoire de la micro-région apparaît, en conséquence, bien comme un véritable SLPI
facteur d'économies d'échelle et d'externalités de réseaux qui permettent d'enclencher le cercle
vertueux du développement territorial durable dans un premier temps.
• Confrontation de l'accord local avec l'extérieur
La seconde phase de développement de l'Agreco et de son projet régional constitue bien une
forme de confrontation de l'accord local avec l'extérieur.
Il s'agit, en fait, de l'adapter aux exigences extérieures en terme d'obligations réglementaires
ou encore de demande des clients.
Concrètement, cela se traduit par la nécessité de s'assurer que les règles de production
inscrites dans les contrats de durabilité sont compatibles avec les normes en vigueur sur les
marchés et imposées par des institutions étatiques, fédérales ou même internationales (telles
que celles imposées pour l'obtention des SIF et SIE, ou encore de la norme ISO). L'Agreco
travaille là-dessus depuis ses débuts, mais s'y attache plus particulièrement dans sa seconde
phase en raison des obligations sanitaires très strictes pour obtenir les autorisations de
fonctionnement des agroindustries, et des cahiers des charges à élaborer et appliquer pour
obtenir des certifications qui lui permettent d'étendre sa clientèle.
Cela impose également de s'assurer que la qualité recherchée et proposée est en phase avec les
demandes des clients sur les marchés sans quoi la stratégie de différenciation, aussi louable
soit elle sera vouée à l'échec.
Aujourd'hui, au Brésil, on estime la demande pour les produits biologiques à environ 5% de la
demande totale en produits alimentaires. Seuls 3% de cette demande est actuellement
satisfaite. On peut donc dire, qu'au niveau de cette caractéristique là la stratégie développée
8
au niveau de l'Agreco réussit sa confrontation avec la réalité existante sur les marchés
extérieurs.
En plus de la demande déjà exprimée, l'Agreco essaie d'en développer une autre supposée
latente grâce à sa stratégie marketing et à ces stands éducatifs.
Au bout du compte, on aboutit à la structuration d'un SLPI constitué d'un système intégré
d'acteurs s'organisant autour d'institutions territoriales complémentaires et contribuant toutes à
la mise en pratique d'une forme de développement durable du territoire via une stratégie de
différenciation d'un panier de biens territoriaux fondée sur une agriculture multifonctionnelle
durable. Ce SLPI s'inscrit, de plus, dans un système plus large dans la mesure où il adapte et
réorganise ses activités sans les dénaturer de sorte qu'elles correspondent aux réalités
extérieures en terme de demandes des consommateurs et d'exigence réglementaires
(sanitaires, notamment).
3.2 La relation avec le consommateur : des conventions domestiques aux
conventions industrielles
Nous avons largement insisté sur le fait que le SLPI constitué pour être viable devait offrir un
panier de biens qui corresponde aux demandes des consommateurs.
Un autre point intéressant de l'étude du cas de l'Agreco est celui de l'étude des étapes de la
structuration des relations avec des consommateurs de plus en plus éloignés.
En effet, pour qu'une transaction puisse avoir lieu, il faut qu'existe un certain degré de
confiance mutuelle entre les échangeurs quant à la qualité des biens, faute de quoi, on aboutira
à une extinction du marché (Akerlof, 1970).
A ce titre, on sait que, contrairement à ce qui se passe au niveau des producteurs (dans le
cadre bien précis du développement d'une qualité durable) le lien ne sera pas établi par des
contrats, mais plutôt par des conventions, c'est-à-dire par "des structures de coordination des
comportements offrant une procédure de résolution récurrente des problèmes, en émettant une
information sur les comportements identiques des individus" (Gomez, 1994).
Ces structures seront, selon la distance qui sépare les individus, plus ou moins
institutionalisées.
Au niveau de l'Agreco, les premiers clients de ses produits ont commencé par être des
individus proches des producteurs soit qu'ils habitaient dans la micro-région, soit qu'il n'y
vivaient plus mais en étaient originaires (cas du dirigeant du supermarché de Santa Mônica).
A ce titre, l'échange pouvait se faire sur la base d'une simple relation de confiance fondée sur
des relations durables et stables.
En revanche, à partir du moment où l'Agreco a cherché à écouler sa production auprès de
nouveaux consommateurs plus éloignés, les conventions domestiques sont devenues
largement inopérantes voire inexistantes.
Dès lors, deux méthodes essentielles ont pu être utilisées pour résoudre l'asymétrie de
l'information.
9
La première se fonde sur l'existence d'Acolhida na Colônia et vise à recréer la proximité
perdue en invitant les consommateurs à venir connaître et découvrir la région et le travail de
l'Agreco en passant quelques heures ou quelques jours avec la communauté territoriale. On
cherche ainsi à reconstituer des conventions domestiques, ou à établir des conventions
civiques fondées sur la reconnaissance par les consommateurs-touristes qu'ils adhèrent aux
principes énoncés dans les contrats de durabilité de l'Agreco et reconnaissent à ce titre la
qualité supérieure de ses produits.
La seconde consiste à chercher à créer entre l'Agreco et les consommateurs éloignés des
conventions industrielles qui reposent sur le respect, attesté par un tiers neutre, de standards
précis. C'est dans cette optique que l'Agreco a commencé à développer des cahiers des
charges rigoureux, reprenant les exigences d'agents certificateurs extérieurs associées à celles
qui constituent le cœur de ses contrats de durabilité. Le strict respect des normes édictées
dans ces cahiers lui permettra d'obtenir des certifications de type ISO ou Ecocert qui
assureront les consommateurs éloignés de ce que la qualité présentée correspond bien à la
qualité réelle du produit.
3.3 L'importance des soutiens institutionnels
Un point sur lequel nous ne sommes à ce niveau pas encore suffisamment revenu est celui qui
concerne les soutiens d'institutions publiques dont a largement bénéficié le projet de l'Agreco.
En effet, comme nous l'avons souligné, l'idée d'un réseau d'agroindustries à été soumise à titre
expérimental par le CEPAGRO et à la faveur d'une programme de financement de
l'agriculture familiale, le PRONAF, qui vise à viabiliser cette forme d'agriculture en valorisant
ses produits par agrégation de valeur.
L'accréditation des agroindustries et la formation des agriculteurs a ensuite été réalisée grâce
au programme Desenvolver11
de l'EPAGRI et au SEBRAE qui ont fourni gracieusement des
techniciens (ingénieurs agronomes, ingénieurs agroalimentaires, gestionnaires etc.) à
l'Agreco.
Sans ces interventions publiques extérieures en nature ou financières, le projet n'aurait jamais
pu se développer et atteindre le niveau qu'il connaît aujourd'hui.
A ce titre, l'Agreco a l'atout d'avoir constitué un projet-pilote et d'avoir à ce titre bénéficié
d'une quantité impressionante de subventions.
Cela étant, la prise en compte de cet aspect réduit le caractère exemplaire de l'expérience
comme tentative de viabiliser l'agriculture familiale dans un cadre strictement marchand.
Non seulement, et nous l'avons indiqué, l'association subit actuellement des pertes
importantes et la faillite menace de nombreuses agroindustries, mais en plus, le projet lui-
même n'a pu avoir lieu que grâce à un financement massif et qui ne semble pas reproductible
à de larges échelles au niveau de nombreuses régions du Brésil.
CONCLUSION
11
Programme financé par le CNPq (Conseil National de Développement Scientifique et Technologique) , géré
par l'EPAGRI et par lequel des bourses sont offertes à de jeunes techniciens pour qu'ils participent au
développement de projets tournés vers l'agriculture familiale.
10
De l'étude du cas de l'Agreco, il ressort que le recours à des formes d'agriculture
multifonctionnelles semble ouvrir des voies réelles aux zones défavorisées d'agriculture
familiale. En effet, ces zones ne sauraient être compétitives en termes quantitatifs. Pour les
viabiliser, il convient dès lors qu'elles se tournent vers des formes de productions agricoles
davantage qualitatives et qui leur permettent de mettre en avant leurs atouts uniques tels que
des capitaux culturel et social forts.
Dès lors, si elle est bien menée, la différenciation des produits de l'agriculture par leur qualité
durable, c'est-à-dire une qualité qui implique la préservation des diverses formes de capital
qui font la richesse d'un territoire donné (culturel, naturel, social etc.), peut permettre aux
agriculteurs de capter sur les marchés une rente de durabilité.
Toutefois, pour en arriver là, il faut au préalable réaliser des investissements considérables
pour mettre les méthodes de production en conformité avec les normes sanitaires, notamment
des autorités fédérales et étatiques, ou plus simplement pour acquérir les savoirs et
équipements de base nécessaires à la mise en place de la stratégie de différenciation.
A ce niveau, on pourrait penser que la structuration des différents petits producteurs locaux
autour d'un SLPI leur permettrait de disposer des fonds nécessaires à ces investissements. Or
ce n'est pas forcément le cas, loin s'en faut, puisque dans le cas de l'Agreco les agriculteurs
peinent, par exemple, à trouver les 4,3% de fonds propres nécessaires à la construction des
agroindustries et n'auraient en aucun cas les moyens de financer des techniciens.
L'Agreco a, dès lors, bénéficié de soutiens financiers et techniques publics tout à fait
considérables. Cela étant, le fait que malgré tous ces soutiens l'association soit déficitaire et
que de nombreuses agroindustries soient au bord de la faillite, vient souligner le fait que
l'agriculture familiale, même multifonctionnelle, n'est sans doute pas viable dans un contexte
de marchés parfaitement libéralisés, même s'il est vrai que la demande pour les produits de
qualité durable est loin d'être pleinement satisfaite actuellement.
Le problème pour atteindre un développement durable des territoires d'agriculture familiale
grâce à une stratégie de différenciation des produits par la qualité durable sont donc de deux
ordres : d'une part, l'absence d'accumulation primitive qui puisse permettre le financement
propre des premiers investissements nécessaires au lancement de la stratégie et, d'autre part, la
faiblesse des résultats obtenus même après que les premiers investissement ont été financés
par des fonds publics.
A partir de ces prémices, on peut se dire qu'il existe deux formes de réponses à cette réalité.
La première, strictement libérale, consiste à poursuivre la libéralisation des marchés agricoles
tout en sachant très bien que cela va perpétuer les dynamiques actuelles d'expulsion des petits
agriculteurs de leurs terres, avec tous les problèmes tant économiques que socio-politiques
que cela cause (gonflement des favelas, multiplication des violences urbaines liées au mal-être
des populations exclues etc.).
La seconde, plus interventionniste, consiste à tenter d'invoquer le caractère multifonctionnel
de l'activité agricole pour négocier au niveau de l'OMC des clauses dérogatoires qui autorisent
le maintien d'un certain protectionnisme au niveau de certains biens ou services que
l'agriculture familiale est particulièrement apte à fournir, mais pas dans un contexte libéral.
11
Rappelons à ce titre, que l'OCDE et la plupart des négociateurs de l'OMC, ne reconnaissent la
multifonctionalité de l'agriculture que dans sa fonction de préservation de l'environnement et
dans des cas strictement définis et arrêtés.
En conséquence, pour essayer d'invoquer la multifonctionalité dans le cadre de négociations
agricoles internationales, il conviendrait d'évaluer quantitativement et en suivant la
méthodologie développée à cette fin par l'OCDE, les possibilités ouvertes par l'agriculture
familiale multifonctionnelle en terme de préservation du capital naturel. On disposerait alors
d'arguments chiffrés et solidement étayés pour négocier une mise hors marché partielle ou
totale de cette forme d'agriculture, voire pour tenter d'obtenir des fonds internationaux en
faveur de sa viabilisation.
BIBLIOGRAPHIE
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Quarterly Journal of Economics, 1970.
AGRECO, Informativo, vol.2 – n°5, Santa Rosa de Lima, Juin 2001.
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rurale, n°44, 1997.
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d'origine" in : Allaire G. et Boyer R. eds., La grande transformation de l'agriculture, Paris,
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agricultores familiars de Santa Rosa de Lima/SC), PGAGR/UFSC, Florianópolis, 2001.
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échanges, 1999
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12
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Paris, 1999.
Zuindeau B., Développement durable et territoire, Presses Universitaires du Septentrion,
2000.
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  • 1. PRODUITS DE QUALITE, TERRITOIRES ET DEVE LOPPEMENT DURABLE Le cas de l'AGRECO1 , Santa Catarina, Brésil Clara H. Whyte Stagiaire au CIRAD (Montpellier) Etudiante à l'Université de Versailles – St-Quentin et à l'IEP de Paris whyte.clara@etudiant.sciences-po.fr 56, Avenue de la Grande Arche 92400 Courbevoie RESUME L'agriculture est aujourd'hui à la recherche de nouveaux modèles de développement qui prennent en compte son caractère multifonctionnel, c'est-à-dire sa faculté non seulement à assurer la sécurité alimentaire tant quantitative que qualitative, mais aussi à préserver l'environnement et à viabiliser les zones rurales défavorisées. Dans ce contexte, nous nous sommes demandés si cette volonté d'allier développement agricole et développement durable pouvait offrir aux petits producteurs la possibilité de différencier leurs produits et d'obtenir une rente de durabilité (comme il existe selon Lacroix, Mollard et Pecqueur, 2000, une rente de qualité territoriale). Cette réflexion nous a été inspirée par l'étude d'un cas original de tentative de développement territorial durable d'une zone d'agriculture familiale en s'appuyant sur une statégie de différenciation des produits par leur qualité biologique et traditionnelle (ou encore durable). Il s'agit du cas de l'AGRECO , une association de producteurs biologiques située dans le Sud du Brésil. Nous nous attachons ici à discuter de la structuration du projet sous la forme d'un Système Localisé de Production et d'Innovation, ainsi que de l'évolution de la relation consommateurs-producteurs afin de déterminer si le panier de biens produits par l'association bénéficie d'une rente de durabilité et si la stratégie de différenciation des produits est à l'origine du démarrage d'un "cercle vertueux" du développement dans cette région de montagne jusque là défavorisée. INTRODUCTION Au cours des 25 dernières années, le gouvernement brésilien, comme bien d'autres, a largement modifié ses politiques de développement agricole. Si durant toute la période de l'après-guerre, ses discours, comme ceux des principales organisations internationales, allaient dans le sens d'un grand interventionnisme visant à des accroissements permanents de productivité, via une mécanisation toujours accrue, à partir de la fin des années soixante-dix, cette vision s'est progressivement modifiée dans le sens d'un libéralisme dont le leitmotiv peut se résumer en la libéralisation et l'ouverture des marchés agricoles. Toutefois, ces années ont également été marquées par l'émergence d'un autre débat, celui sur le développement durable que l'on définit couramment et suivant le rapport Brundtland, comme étant un développement qui permette d'assurer les besoins des générations présentes sans hypothéquer les chances des générations futures de pourvoir aux leurs. Cette forme de développement, prise dans un sens large, implique la préservation entre les générations de toutes les formes de capital : économique, culturel, naturel etc.. Dès lors, il devenait inévitable que ces deux grands débats sur le développement se rejoignent et si les politiques de développement agricoles du gouvernement brésilien prennent encore relativement peu en considération la question de la durabilité des modes de production 1 Associação dos Agricultores Orgânicos das Encostas da Serra Geral – Association des Agriculteurs Biologique des Flancs de la Serra Geral 1
  • 2. agricole, en revanche, on voit apparaître des expériences concrètes pour allier développement agricole et développement durable des territoires. En effet, pour certains territoires marqués par la prégnance des petites exploitations familiales, la recherche nouvelle d'un développement durable peut ouvrir les voies d'une viabilisation économique dans la mesure où elle implique non plus tant la recherche d'une productivité, mais plutôt la fourniture en parallèle de produits de qualité et de services publics. Une agriculture qui fournit dans le même temps des biens alimentaires et des services publics est dite multifonctionnelle. Nous retiendrons ici la définition exclusive de la multifonctionalité agricole qui renvoie à la capacité pour le secteur de remplir des objectifs de sécurité alimentaire tant quantitatifs que qualitatifs, tout en viabilisant les zones rurales et en préservant les ressources naturelles (Solagral, 1999). Nous considérerons qu'agriculture multifonctionnelle et agriculture durable sont équivalentes. Dès lors, il convient de préciser plus clairement les possibilités ouvertes par ce type d'agriculture aux territoires défavorisés d'agriculture familiale. En fait, elle doit permettre d'enclencher un cercler vertueux du développement territorial en offrant aux agriculteurs la possibilité de capter une rente de qualité territoriale durable ou rente de durabilité sur l'ensemble des biens produits sur le territoire tout en assurant que soient valorisées et même préservées les différentes formes uniques de capital du territoire (culturel, naturel etc.). Cette rente n'est autre que la rente de qualité territoriale définie par Lacroix, Mollard et Pecqueur (2000), mais corrigée pour s'astreindre à des objectifs de durabilité préalablement définis entre les acteurs du territoire. Elle provient, d'un surplus que les agriculteurs vont retirer du prix de vente de leur produit du fait de la reconnaissance par les consommateurs de ce qu'en achetant le bien alimentaire, ils contribuent au financement de services publics devant permettre un développement durable des territoires. Les raisons pour lesquelles les consommateurs acceptent de financer ces services peuvent être multiples : soucis éthiques, écologiques, sanitaires etc., et dépendent de leur niveau d'éveil aux problèmes de durabilité aussi bien que de l'image construite autour du produit. Afin de mieux percevoir la réalité et l'actualité de ces problématiques, nous nous proposons de présenter et de discuter de l'étude d'un cas précis. Il s'agit de celui d'un groupement de producteurs biologiques, l'Agreco2 , situé dans l'Etat de Santa Catarina dans le Sud du Brésil. 1. METHODOLOGIE 1.1 Les institutions et leur demande L'étude du cas de l'Agreco a été réalisée dans le cadre d'un stage organisé en partenariat entre la Fondation Lyndolfo Silva (Brasilia, Brésil) et le CIRAD (Montpellier, France). La Fondation (créée en 1998 par la CONTAG – Confédération Nationale des travailleurs Ruraux- et l'Embrapa - Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole) s'intéresse 2 Associação dos Agricultores Orgânicos das Encostas da Serra Geral – Association des Agriculteurs Biologique des Flancs de la Serra Geral 2
  • 3. à l'élaboration de stratégies publiques de viabilisation de l'agriculture familiale dans un contexte de plus en plus libéral. A ce titre, elle porte un intérêt tout particulier aux expériences déjà existantes de différenciation des produits de l'agriculture familiale, et après avoir envoyé des experts brésiliens observer celles qui existaient en france, elle a formulé le souhait que le programme se poursuive avec l'étude d'expériences au Brésil en partenariat avec le CIRAD (programme agriculture familiale du département TERA). Le groupe agriculture familial du département TERA (Territoires, Environnement et Acteurs) du CIRAD s'intéresse pour sa part aux conditions de viabilisation de l'agriculture familiale, notamment par son intégration au commerce international. Dès lors, l'objectif du stage organisé était le recueil de données sur le cas étudié puis leur analyse afin de nourrir la réflexion sur la valorisation des produits de l'agriculture familiale et, par suite, sur les actions à entreprendre afin de viabiliser par le marché de cette forme d'agriculture. 1.2 Enquête et méthodes Dans ce contexte, nous avons eu l'occasion d'étudier durant 3 mois (entre juin et septembre 2001) le cas de l'Agreco qui est un groupement de producteurs biologiques situé dans la micro-région de Tubarão non loin de Florianópolis dans l'Etat de Santa Catarina dans le Sud du Brésil. A cette fin, nous avons d'abord, procédé à la lecture et au dépouillement de documents préexistants sur le cas (Statut de l'association, règlement, mémoires universitaires etc.), puis nous nous sommes consacrés à interroger les différents acteurs impliqués sur le projet. Nous avons mené des entretiens libres ou semi-dirigés avec : 15 agriculteurs, 11 techniciens, 2 employés de la coopérative de crédit locale, 2 employées de l'association d'écotourisme locale, 8 acheteurs de supermarchés et de marchés institutionnels, 8 touristes-consommateurs, des membres d'institutions partenaires du projet de l'Agreco (EPAGRI3 , SEBRAE4 , syndicalistes, AMUREL5 ) et quelques autres personnes d'intérêt (1 historien de la région, une famille extérieure au projet etc.). Le cas de l'Agreco était particulièrement intéressant dans la mesure où il ne visait pas une simple qualification des produits, mais présentait un objectif global de développement territorial durable par la valorisation d'un panier de biens et services produits localement et de façon multifonctionnelle. 2. RESULTATS L'étude du cas de l'Agreco nous conduit, pour en saisir l'évolution logique et la pertinence, à distinguer trois périodes successives : celle qui a précédé l'introduction de la production 3 Empresa de Pesquisa Agropecuária e Extensão Rural de Santa Catarina – Entreprise de Recherche Agricole et "Développement" Rural de Santa Catarina 4 Serviço Brasileiro de Apoio às Micro e Pequenas Empresas – Système Brésilien d'Appui aux micro- et petites entreprises 5 Association des municipes de la région de Tubarão 3
  • 4. biologique dans la région et qui a permis la structuration d'une identité territoriale forte ; celle qui a suivi le début de la production biologique et qui a vu se développer les agroindustries ; celle où l'offre a commencé à devenir excédentaire par rapport à la demande et où il a fallu rechercher les moyens de conquérir de nouveaux marchés. 2.1 La constitution d'une identité territoriale forte L´association AGRECO se situe au coeur de la petite région de tubarão. Celle-ci comporte 16 municipes et s´étend aux côtés des flancs de la chaîne de montagnes Serra Geral et de la Vale do Río Braço do Norte dans l´Etat de Santa Catarina. Du fait de sa situation, mais aussi de la nature escarpé de son relief, cette région n'a commencé à être colonisée que dans les années 1920 par des populations essentiellement originaires d´Allemagne et d´Italie. Ces colons se sont alors mis à constituer une forme d'agriculture traditionnelle et vivrière quasi-autarcique, la faiblesse des infrastructures rendant impossible toute forme d'insertion de la production sur les marchés régionaux. Ce n'est que dans les années 1950 qu'une insertion de l'activité agricole régionale sur les marchés a commencé. En fait, de grandes entreprises de production de tabac ont offert aux agriculteurs de les former à la production de tabac selon des méthodes productivistes et de leur acheter la totalité de leur production. Cette nouvelle production, outre qu'elle n'a aucunement permis la viabilisation économique de la région, a été à l'origine de destructions massives du capital naturel ou culturel local. Jusqu'à l'introduction de l'agriculture biologique dans la région au début des années 1990, la production agricole de la région s'est donc vue diviser entre une production traditionnelle diversifiée et essentiellement vivrière, et une production moderne de tabac entièrement destinée aux grandes companies extérieures. 2.2 Le développement de la production biologique et des agroindustries C'est à deux membres du territoire partis étudier en ville que l'on doit l'introduction, en 1996, de la production biologique et la construction de la première agro-industrie. Le premier avait réussi à fonder sa propre chaîne de supermarchés (Santa Mônica) au niveau de l'Etat du Santa Catarina et avait à ce titre perçu l'émergence d'une demande nouvelle des consommateurs pour des biens alimentaires produits sans agrotoxiques. Il a donc proposé à des membres de sa famille de commencer à produire selon les méthodes de l'agriculture biologique en leur garantissant l'achat de la totalité de leur production. Le second a conseillé à sa famille de commencer à produire du miel et a cherché les moyens de leur permettre de vendre leur production au niveau de l'Etat voire du pays. Il a donc proposé la création de la première agro-industrie de la région, une agroindustrie de miel financée par des membres de la familles émigrés en ville. Cela a permis aux producteurs de valoriser leur produit et d'obtenir les SIF6 et SIE7 nécessaires à la vente du produit sur les marchés étatique et fédéral. 6 Serviço de Inspeção Federal – les certifications délivrées par le Service d'Inspection Fédéral sont indispensables pour vendre des produits dans d'autres Etats que celui d'origine des produits 7 Serviço de Inspeção Estadual – Service d'inspection Etatique, même chose que le SIF à l'échelle d'un Etat 4
  • 5. A la fin de l'année 1996, lors de la première assemblée générale qui a marqué la création officielle de l'Agreco, on dénombrait déjà 14 familles impliquées dans la production biologique sur la région. La passage à cette production a été facilitée pour les producteurs qui avaient conservé un mode de production traditionnel fondé sur la diversité. La développement des agro-industries a constitué un important facteur de viabilisation et de développement de l'expérience dans la mesure où il a permis de diversifier la forme de commercialisation des produits issus de la production primaire ainsi que leur qualité sanitaire, ce dernier point étant fondamental pour l'obtention des SIE ou SIF. C'est en 1999 à la faveur du lancement du programme fédéral “PRONAF8 Agroindústrias” que l'idée de créer un réseau d'agro-industries à été lancée par la CEPAGRO9 . Le projet initial prévoyait la création de 54 agroindustries en réseau financées pour partie par les fonds du PRONAF qui seront libérés jusqu'à fin 2002 et pour partie par des fonds propres des agriculteurs. Ce dernier point a imposé la création d'un coopérative locale de crédit. Le 13 mai 1999, lors de sa première assemblée générale, a été proclamée la naissance officielle de la coopérative qui devait permettre d'aider à la mobilisation des fonds propres des agriculteurs (environ 4,3% du coût total du projet) de sorte qu'ils puissent construire leurs agroindustries. Grâce à ces efforts, fin Août 2001 lorsqu'a pris fin notre recherche, l'association de l'Agreco s'organisait autour d'une UCAG10 formées de 11 techniciens (gestionnaires, ingénieurs etc.) et comportait près de 150 familles associées, groupées autour de la production 150 produits différents valorisés dans le cadre des activités de 27 agroindustries. Cette réussite est néanmoins à nuancer dans la mesure où en Août 2001 l'association n'était pas rentable puisqu'elle réalisait un chiffre d'affaire de 60000 Réals (soit 25 577 Euros) par mois, alors que le double aurait été nécessaire pour couvrir ses frais de fonctionnement. De plus, la production excédait depuis plusieurs mois la demande, ce qui avait amené les dirigeants à lancer un vaste programme en vue de développer de nouveaux débouchés pour les produits de l'association. 2.3 La recherche des moyens d'étendre les parts de marchés de l'association C'est ainsi que l'Agreco menait durant l'hiver (Juillet – Août) 2001, une intense campagne en vue de développer la demande pour ses produits. La nécessité d'une telle campagne est née des succès de la production, mais aussi de la faillite de la chaîne de supermarchés qui garantissait au départ l'achat de produits. Il s'agissait donc de chercher à trouver de nouveaux clients et pour cela il fallait être en mesure de répondre aux attentes différentes de clients diversifiés. 8 Programa Nacional de Fortalecimento da Agricultura Familiar – Programme National pour le Renforcement de l´Agriculture Familiale 9 Centre d'Etudes et Promotion de l'Agriculture de Groupe 10 Unidade Central de Apoio Gerencial - Unité Centrale d´Appui à la Gestion 5
  • 6. On peut distinguer ces différents clients comme suit : -Les acheteurs du supermarché achètent si les clients en font la demande. Il sont relativement peu sensibles à l'aspect biologique des produits et recherchent surtout des bons prix et une aptitude à livrer les quantités commandées dans les temps. Ils couvrent à eux seuls 90% de la demande pour les produits de l'Agreco. - Les acheteurs des marchés institutionnels font passer le prix avant tout, mais à prix égal, optent pour les produits biologiques. Aucune faille dans la livraison prévue des produits n'est tolérée. - Les touristes-consommateurs recherchent avant tout des produits qu'ils jugent sains car biologiques et coloniaux (c'est-à-dire produits de façon traditionnelle). Ils apprécient particulièrement les produits qui présentent des spécificités locales, tels que le pain de maïs. L'UCAG de l'Agreco s'est donc attachée à répondre à ces différentes attentes. Pour cela, elle a, tout d'abord, continué le regroupement de la production et a cherché à réduire les coûts d'acheminement des produits sur les marchés. Ensuite, afin de s'assurer d'une réponse adéquate aux demandes des supermarchés, elle a mis en place un système informatisé de gestion qui lui permet d'évaluer par avance la production disponible et la demande à satisfaire, de sorte que ne soient cueillies que les quantités de produits demandées et qu'en cas de manque on puisse chercher à en trouver d'autres (extérieures à l'Agreco) pour répondre au surplus de demande. L'Agreco s'est également attachée à mettre en place une véritable stratégie marketing autour de ses produits afin de sensibiliser les clients éloignés à la qualité supérieure de ceux-ci. Cela passe par la création d'emballage expliquant les conditions de production des aliments de l'Agreco et invitant le consommateur à venir visiter la région, ou encore par le développement de stands de produits biologiques qui attirent l'attention des consommateurs. De façon générale, les produits sont valorisés selon trois principaux aspects : biologique, colonial (traditionnel) et éthique (ce dernier point exigeant l'éducation des consommateurs, puisque sur 8 acheteurs de supermarchés interrogés, seul 1 a pu nous dire précisément ce à quoi ce terme renvoyait). Par ailleurs, l'Agreco commençait en Août 2001, l'élaboration de cahiers des charges qui devaient lui permettre l'obtention de certification de type ISO ou Ecocert. L'association bénéficie à ce niveau de l'aide du SEBRAE, dont le projet Vida Rural Sustentável - Vie Rurale Durable - est entièrement consacré au développement de la microrégion et prévoit de lui attribuer près de 723 106 Réals (soit 308 250 Euros), dont 143 280 Réals (soit 61 078 Euros) sont consacrés à l'obtention de certifications. L'objectif ici étant la création de conventions industrielles entre l'Agreco et les clients éloignés de sortent que ceux-ci acceptent d'acheter les produits de l'association en priorité, et ce bien que leur coût soit en moyenne au moins 30% supérieur à ceux des produits conventionnels. Enfin, dans le cadre du programme de développement territorial qui sous-tend le projet de l'Agreco a été fondée en 1999 une association d'agrotourisme qui s'attache à amener des touristes et à valoriser les produits de l'Agreco localement auprès de ces consommateurs, notamment en développant des déjeuners ou des goûters coloniaux (qui soulignent le côté traditionnel et artisanal de la prodution) ou en organisant des visites des différentes 6
  • 7. agroindustries de la région de sorte que les consommateurs puissent constater par eux-mêmes de la qualité biologique des produits et du traitement sanitaire qu'ils reçoivent. L'ensemble de ces efforts a permis d'élargir les parts de marchés, même si un gros travail reste à faire puisque nous avons souligné que pour être viable l'association devait réussir à doubler son chiffre d'affaire mensuel. 3. LEÇONS DE L'ETUDE DE CAS L'étude du cas de l'Agreco permet de revenir sur une expérience originale et innovante de différenciation des produits de l'agriculture familiale qui a pour objectif non seulement la viabilisation économique des producteurs, mais aussi et surtout un véritable développement durable intégré de la région. Pour cela un double travail de construction a dû être mené, d'abord, pour mettre en place la stratégie productive et le projet de développement qui l'accompagne et ensuite, pour valoriser et faire connaître le travail réalisé auprès des consommateurs, extérieurs au territoire, mais sensibles à la problématique générale du développement durable. De façon générale, il ressort de cette expérience que malgré tous les efforts qui ont pu être faits localement par les acteurs du territoire, l'expérience ne serait pas viable sans l'intervention massives d'institutions extérieures étatiques ou fédérales, ce qui permet de s'interroger sur les possibilités réelles de viabilisation par le marché de l'agriculture familiale. 3.1 La constitution d'un Système Localisé de Production et d'Innovation (SLPI) Tout d'abord, il ressort de l'histoire du cas de l'Agreco que l'on a assisté au développement d'un véritable Système Localisé de Production et d'Innovation (SLPI) défini comme "un ensemble localisé de dispositifs agissant dans les processus d'innovation" (Longhy et Quéré, 1993). Ce développement apparaît particulièrement exemplaire dans sa forme et suit très précisément les étapes observées sur d'autres cas par Delfosse et Letablier (1997), à savoir : 1) "l'engagement d'acteurs dans une structure de coopération pour définir une action commune ; 2) la confrontation de l'accord local avec des exigences plus générales qui vise à étendre la portée de l'accord". En effet, nous l'avons vu le développement de l'Agreco se fait en deux temps. • Structuration de l'action commune Le premier consiste en l'engagement des acteurs au sein de l'association et au développement commun de l'activité productive de la région. Durant cette phase, l'isolement dont avait souffert la région précédemment devient un atout dans la mesure où il a permis de constituer une identité territoriale forte qui est un facteur de solidarité entre les acteurs. Or, la constitution d'un SLPI implique une forte coopération entre les acteurs qui ne peut se faire que si un capital social élevé facilite la confiance et la circulation de l'information entre eux. L'existence d'une réelle proximité entre les acteurs leur a permis de se regrouper rapidement autour d'un projet commun de développement durable de la région fondé sur une stratégie 7
  • 8. originale de différenciation des produits par la qualité durable. Ce regroupement rapide leur a permis d'élaborer les règles communes à suivre dans la production de sorte de pouvoir valoriser sur les marchés un panier de biens. Ces règles (pas de déforestation, pas de chasse, par d'usage d'agrotoxiques etc.) sont clairement explicitées dans les statut et règlement de l'Agreco, ceux-ci pouvant dès lors être qualifiés de contrats de durabilité (Zuindeau, 2000). Ils permettent de définir ce qu'est le développement durable à l'échelle de la micro-région selon les perceptions propres de la communauté territoriale concernée, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour l'atteindre. La proximité entre les agents a également facilité par la suite, l'émergence de structures complémentaires à celle de l'Agreco. On pense bien sûr à la coopérative de crédit que constitue Crecicolônia , qui compte environ 200 associés et dispose au total de ressources s'élevent à 470000 Réals, dont un fonds de réserve de 28000 Réals. Sans elle, aucun acteur ne disposerait de la somme requise pour commencer la construction d'une agroindustrie. On pense également à l'association d'agrotourisme Acolhida na Colônia qui, avec environ 30 associés, constitue une opportunité d'élargir le panier de biens et services offerts, tout en attirant une nouvelle clientèle autour du projet. L'ensemble de ces associations dispose de représentants auprès du Forum des Municipes de la micro-région de Tubarão, organe politique commun qui essaie de s'assurer de l'harmonie et de la cohérence du développement durable de la région. Le territoire de la micro-région apparaît, en conséquence, bien comme un véritable SLPI facteur d'économies d'échelle et d'externalités de réseaux qui permettent d'enclencher le cercle vertueux du développement territorial durable dans un premier temps. • Confrontation de l'accord local avec l'extérieur La seconde phase de développement de l'Agreco et de son projet régional constitue bien une forme de confrontation de l'accord local avec l'extérieur. Il s'agit, en fait, de l'adapter aux exigences extérieures en terme d'obligations réglementaires ou encore de demande des clients. Concrètement, cela se traduit par la nécessité de s'assurer que les règles de production inscrites dans les contrats de durabilité sont compatibles avec les normes en vigueur sur les marchés et imposées par des institutions étatiques, fédérales ou même internationales (telles que celles imposées pour l'obtention des SIF et SIE, ou encore de la norme ISO). L'Agreco travaille là-dessus depuis ses débuts, mais s'y attache plus particulièrement dans sa seconde phase en raison des obligations sanitaires très strictes pour obtenir les autorisations de fonctionnement des agroindustries, et des cahiers des charges à élaborer et appliquer pour obtenir des certifications qui lui permettent d'étendre sa clientèle. Cela impose également de s'assurer que la qualité recherchée et proposée est en phase avec les demandes des clients sur les marchés sans quoi la stratégie de différenciation, aussi louable soit elle sera vouée à l'échec. Aujourd'hui, au Brésil, on estime la demande pour les produits biologiques à environ 5% de la demande totale en produits alimentaires. Seuls 3% de cette demande est actuellement satisfaite. On peut donc dire, qu'au niveau de cette caractéristique là la stratégie développée 8
  • 9. au niveau de l'Agreco réussit sa confrontation avec la réalité existante sur les marchés extérieurs. En plus de la demande déjà exprimée, l'Agreco essaie d'en développer une autre supposée latente grâce à sa stratégie marketing et à ces stands éducatifs. Au bout du compte, on aboutit à la structuration d'un SLPI constitué d'un système intégré d'acteurs s'organisant autour d'institutions territoriales complémentaires et contribuant toutes à la mise en pratique d'une forme de développement durable du territoire via une stratégie de différenciation d'un panier de biens territoriaux fondée sur une agriculture multifonctionnelle durable. Ce SLPI s'inscrit, de plus, dans un système plus large dans la mesure où il adapte et réorganise ses activités sans les dénaturer de sorte qu'elles correspondent aux réalités extérieures en terme de demandes des consommateurs et d'exigence réglementaires (sanitaires, notamment). 3.2 La relation avec le consommateur : des conventions domestiques aux conventions industrielles Nous avons largement insisté sur le fait que le SLPI constitué pour être viable devait offrir un panier de biens qui corresponde aux demandes des consommateurs. Un autre point intéressant de l'étude du cas de l'Agreco est celui de l'étude des étapes de la structuration des relations avec des consommateurs de plus en plus éloignés. En effet, pour qu'une transaction puisse avoir lieu, il faut qu'existe un certain degré de confiance mutuelle entre les échangeurs quant à la qualité des biens, faute de quoi, on aboutira à une extinction du marché (Akerlof, 1970). A ce titre, on sait que, contrairement à ce qui se passe au niveau des producteurs (dans le cadre bien précis du développement d'une qualité durable) le lien ne sera pas établi par des contrats, mais plutôt par des conventions, c'est-à-dire par "des structures de coordination des comportements offrant une procédure de résolution récurrente des problèmes, en émettant une information sur les comportements identiques des individus" (Gomez, 1994). Ces structures seront, selon la distance qui sépare les individus, plus ou moins institutionalisées. Au niveau de l'Agreco, les premiers clients de ses produits ont commencé par être des individus proches des producteurs soit qu'ils habitaient dans la micro-région, soit qu'il n'y vivaient plus mais en étaient originaires (cas du dirigeant du supermarché de Santa Mônica). A ce titre, l'échange pouvait se faire sur la base d'une simple relation de confiance fondée sur des relations durables et stables. En revanche, à partir du moment où l'Agreco a cherché à écouler sa production auprès de nouveaux consommateurs plus éloignés, les conventions domestiques sont devenues largement inopérantes voire inexistantes. Dès lors, deux méthodes essentielles ont pu être utilisées pour résoudre l'asymétrie de l'information. 9
  • 10. La première se fonde sur l'existence d'Acolhida na Colônia et vise à recréer la proximité perdue en invitant les consommateurs à venir connaître et découvrir la région et le travail de l'Agreco en passant quelques heures ou quelques jours avec la communauté territoriale. On cherche ainsi à reconstituer des conventions domestiques, ou à établir des conventions civiques fondées sur la reconnaissance par les consommateurs-touristes qu'ils adhèrent aux principes énoncés dans les contrats de durabilité de l'Agreco et reconnaissent à ce titre la qualité supérieure de ses produits. La seconde consiste à chercher à créer entre l'Agreco et les consommateurs éloignés des conventions industrielles qui reposent sur le respect, attesté par un tiers neutre, de standards précis. C'est dans cette optique que l'Agreco a commencé à développer des cahiers des charges rigoureux, reprenant les exigences d'agents certificateurs extérieurs associées à celles qui constituent le cœur de ses contrats de durabilité. Le strict respect des normes édictées dans ces cahiers lui permettra d'obtenir des certifications de type ISO ou Ecocert qui assureront les consommateurs éloignés de ce que la qualité présentée correspond bien à la qualité réelle du produit. 3.3 L'importance des soutiens institutionnels Un point sur lequel nous ne sommes à ce niveau pas encore suffisamment revenu est celui qui concerne les soutiens d'institutions publiques dont a largement bénéficié le projet de l'Agreco. En effet, comme nous l'avons souligné, l'idée d'un réseau d'agroindustries à été soumise à titre expérimental par le CEPAGRO et à la faveur d'une programme de financement de l'agriculture familiale, le PRONAF, qui vise à viabiliser cette forme d'agriculture en valorisant ses produits par agrégation de valeur. L'accréditation des agroindustries et la formation des agriculteurs a ensuite été réalisée grâce au programme Desenvolver11 de l'EPAGRI et au SEBRAE qui ont fourni gracieusement des techniciens (ingénieurs agronomes, ingénieurs agroalimentaires, gestionnaires etc.) à l'Agreco. Sans ces interventions publiques extérieures en nature ou financières, le projet n'aurait jamais pu se développer et atteindre le niveau qu'il connaît aujourd'hui. A ce titre, l'Agreco a l'atout d'avoir constitué un projet-pilote et d'avoir à ce titre bénéficié d'une quantité impressionante de subventions. Cela étant, la prise en compte de cet aspect réduit le caractère exemplaire de l'expérience comme tentative de viabiliser l'agriculture familiale dans un cadre strictement marchand. Non seulement, et nous l'avons indiqué, l'association subit actuellement des pertes importantes et la faillite menace de nombreuses agroindustries, mais en plus, le projet lui- même n'a pu avoir lieu que grâce à un financement massif et qui ne semble pas reproductible à de larges échelles au niveau de nombreuses régions du Brésil. CONCLUSION 11 Programme financé par le CNPq (Conseil National de Développement Scientifique et Technologique) , géré par l'EPAGRI et par lequel des bourses sont offertes à de jeunes techniciens pour qu'ils participent au développement de projets tournés vers l'agriculture familiale. 10
  • 11. De l'étude du cas de l'Agreco, il ressort que le recours à des formes d'agriculture multifonctionnelles semble ouvrir des voies réelles aux zones défavorisées d'agriculture familiale. En effet, ces zones ne sauraient être compétitives en termes quantitatifs. Pour les viabiliser, il convient dès lors qu'elles se tournent vers des formes de productions agricoles davantage qualitatives et qui leur permettent de mettre en avant leurs atouts uniques tels que des capitaux culturel et social forts. Dès lors, si elle est bien menée, la différenciation des produits de l'agriculture par leur qualité durable, c'est-à-dire une qualité qui implique la préservation des diverses formes de capital qui font la richesse d'un territoire donné (culturel, naturel, social etc.), peut permettre aux agriculteurs de capter sur les marchés une rente de durabilité. Toutefois, pour en arriver là, il faut au préalable réaliser des investissements considérables pour mettre les méthodes de production en conformité avec les normes sanitaires, notamment des autorités fédérales et étatiques, ou plus simplement pour acquérir les savoirs et équipements de base nécessaires à la mise en place de la stratégie de différenciation. A ce niveau, on pourrait penser que la structuration des différents petits producteurs locaux autour d'un SLPI leur permettrait de disposer des fonds nécessaires à ces investissements. Or ce n'est pas forcément le cas, loin s'en faut, puisque dans le cas de l'Agreco les agriculteurs peinent, par exemple, à trouver les 4,3% de fonds propres nécessaires à la construction des agroindustries et n'auraient en aucun cas les moyens de financer des techniciens. L'Agreco a, dès lors, bénéficié de soutiens financiers et techniques publics tout à fait considérables. Cela étant, le fait que malgré tous ces soutiens l'association soit déficitaire et que de nombreuses agroindustries soient au bord de la faillite, vient souligner le fait que l'agriculture familiale, même multifonctionnelle, n'est sans doute pas viable dans un contexte de marchés parfaitement libéralisés, même s'il est vrai que la demande pour les produits de qualité durable est loin d'être pleinement satisfaite actuellement. Le problème pour atteindre un développement durable des territoires d'agriculture familiale grâce à une stratégie de différenciation des produits par la qualité durable sont donc de deux ordres : d'une part, l'absence d'accumulation primitive qui puisse permettre le financement propre des premiers investissements nécessaires au lancement de la stratégie et, d'autre part, la faiblesse des résultats obtenus même après que les premiers investissement ont été financés par des fonds publics. A partir de ces prémices, on peut se dire qu'il existe deux formes de réponses à cette réalité. La première, strictement libérale, consiste à poursuivre la libéralisation des marchés agricoles tout en sachant très bien que cela va perpétuer les dynamiques actuelles d'expulsion des petits agriculteurs de leurs terres, avec tous les problèmes tant économiques que socio-politiques que cela cause (gonflement des favelas, multiplication des violences urbaines liées au mal-être des populations exclues etc.). La seconde, plus interventionniste, consiste à tenter d'invoquer le caractère multifonctionnel de l'activité agricole pour négocier au niveau de l'OMC des clauses dérogatoires qui autorisent le maintien d'un certain protectionnisme au niveau de certains biens ou services que l'agriculture familiale est particulièrement apte à fournir, mais pas dans un contexte libéral. 11
  • 12. Rappelons à ce titre, que l'OCDE et la plupart des négociateurs de l'OMC, ne reconnaissent la multifonctionalité de l'agriculture que dans sa fonction de préservation de l'environnement et dans des cas strictement définis et arrêtés. En conséquence, pour essayer d'invoquer la multifonctionalité dans le cadre de négociations agricoles internationales, il conviendrait d'évaluer quantitativement et en suivant la méthodologie développée à cette fin par l'OCDE, les possibilités ouvertes par l'agriculture familiale multifonctionnelle en terme de préservation du capital naturel. On disposerait alors d'arguments chiffrés et solidement étayés pour négocier une mise hors marché partielle ou totale de cette forme d'agriculture, voire pour tenter d'obtenir des fonds internationaux en faveur de sa viabilisation. BIBLIOGRAPHIE Ackerlof G., "The Market for "Lemons" : quality uncertainty and the market mechanism", Quarterly Journal of Economics, 1970. AGRECO, Informativo, vol.2 – n°5, Santa Rosa de Lima, Juin 2001. AGRECO, Informativo, vol.2 – n°6, Santa Rosa de Lima, Juillet 2001. Allaire G., Sylvander B., "Qualité spécifique et systèmes d'innovation", cahiers d'économie rurale, n°44, 1997. Delfosse C., Letablier M.-T., 1995, "Genèse d'une convention de qualité – les appellations d'origine" in : Allaire G. et Boyer R. eds., La grande transformation de l'agriculture, Paris, Economica. Faucheux S., O'Connor M., Un concept controversé : le capital naturel, Cahier n°99-01, C3ED, Guyancourt, Fév. 1999. Gomez P.-Y., Qualité et théorie des conventions, Economica, Paris, 1994. Lacroix A., Mollard A., Pecqueur B., "Origine et produits de qualité territoriale : du signal à l'attribut ?", RERU, n°4, 2000. Longhy C., Quéré M., 1993, "Systèmes de production et d'innovation et dynamiques des territoires", Revue Economique, n°4, Juillet, pp. 713-722 Mollard A., "Qualité et développement territorial : une grille d'analyse théorique à partir de la rente", Economie rurale, n°263, Mai-Juin 2001. Muller J.M., Do tradicional ao agroecológico: as veredas das transições (O caso dos agricultores familiars de Santa Rosa de Lima/SC), PGAGR/UFSC, Florianópolis, 2001. OCDE, L'agriculture brésilienne: évolution récente des politiques et des perspectives des échanges, 1999 OCDE, Multifonctionnalité : élaboration d'un cadre analytique, Paris, 2001. 12
  • 13. OCDE, Uses of Food Labelling Regulations, Paris, 1997. Schmidt W., "Agricultura orgânica: entre ética e mercado?", Agroecologia e Desenvolvimento Rural Sustentável, Porto Alegre, vol.1 – n°5, Janv.-Mars 2001. SOLAGRAL, La multifonctionalité de l'agriculture dans les futures négociations de l'OMC, Paris, 1999. Zuindeau B., Développement durable et territoire, Presses Universitaires du Septentrion, 2000. 13