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Cycle 2012-2013

TIERS-LIEUX DE TRAVAIL : QUELLES CONTRIBUTIONS AU DEVELOPPEMENT
DURABLE DES TERRITOIRES ?

Une approche par l’étude des espaces de coworking

Camille GIORDANI-CAFFET
Mémoire professionnel du BADGE Développement Durable et RSE

Mines ParisTech ISIGE 35, rue Saint Honoré 77300 Fontainebleau
www.mines-paristech.fr/isige

1
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier vivement l’ensemble des personnes m’ayant aidé à accomplir ce travail.
Pascale DROMIGNY, pour son coaching, ses relectures précises et ses conseils. Nathanaël MATHIEU et
Yoann DURIAUX pour m’avoir mise en relation avec de nombreux acteurs tout au long de cette étude.
Antoine BURRET pour ses relectures et conseils méthodologiques.
L’ensemble des personnes ayant accepté de m’accorder du temps pour des entretiens : Lucile AIGRON,
Marjorie CAVAYÉ, Thomas BIRAULT, Delphine DURIAUX, Michael SCHWARTZ, Simon SARAZIN, AnneSophie CALAIS, Xavier JACQUEMET, Sylvie MERCIER, Antonin LEONARD, Dominique PARRET, Gérard
EUDE, Léa VASA, Thomas PETITJEAN, Laure FABIANI, Annick KICHENAMA, Benoît LIOTARD, Alain
BOUVIER.
Mes collègues de LBMG WORKLABS pour avoir géré mes absences et pics de stress pendant ces mois de
formation.
Marie-Louise TRONC pour ses relectures et suggestions.
Enfin ces remerciements ne seraient pas complets sans citer mes proches, particulièrement JeanChristophe pour m’avoir encouragée et changé les idées quand j’en avais besoin. Un grand merci pour
leur patience et leur écoute.

2
RESUMÉ
Quasi inexistants en France il y a encore 5 ans, les « tiers-lieux de travail » se développent aujourd’hui à un
rythme exponentiel. Entre domicile et bureau traditionnel, télécentres et espaces de coworking permettent
à tout un chacun de louer de manière très flexible des espaces de travail connectés à internet, et d’accéder
à des équipements et services mutualisés. Salariés en télétravail, indépendants, petites entreprises,
chercheurs d’emploi … des usagers très divers sont amenés à s’y croiser. La création de ces lieux est de plus
en plus encouragée en France par les Collectivités, avec des objectifs de soutien à l’activité économique et
à l’innovation locales et de développement durable du territoire.
En se concentrant sur une étude approfondie des pratiques à l’œuvre dans les espaces de coworking, ce
mémoire montre par des exemples concrets en quoi ces nouveaux lieux peuvent contribuer au
développement durable des territoires : dynamisme économique, fertilisation croisée des compétences
locales, bien-être des usagers, stimulation de l’innovation sociale, promotion de modes de vie et de
consommation durables sont les principaux domaines d’impact observés.
Ce travail vise également à être utile à l’ensemble des parties prenantes des tiers-lieux de travail, en
proposant une grille exploratoire d’indicateurs permettant d’évaluer leurs valeurs ajoutées pour les
territoires et de promouvoir celles-ci auprès du grand public et des financeurs.

ABSTRACT
Not existing in France another 5 years ago, “third places to work” develop with an exponential rhythm
today. Between home and traditional office, telecentres and coworking spaces allow everyone to rent in a
very flexible way workspaces connected to internet, and to benefit from mutualized equipments and
services. Telecommuters, free-lancers, small companies, unemployed people … very diverse users are
brought to meet up there. The creation of these places is more and more encouraged in France by public
authorities, with the objectives to support a sustainable local development.
This in-depth study, focusing on the practices of coworking spaces, shows by concrete examples in which
ways these new places can contribute to the sustainable development of territories: economic dynamism,
cross-fertilization of the local skills, well-being of their users, stimulation of social innovation, promotion of
more sustainable lifestyles are the main observed domains of impact. This work also aims at providing a
useful tool for all the stakeholders of “third places to work”, by proposing a grid of indicators to evaluate
their contribution to local sustainable development and to promote it to the public authorities and
investors.

MOTS-CLEFS
coworking, télécentres, tiers-lieux, télétravail, développement durable, territoires, collaboration,
collectivités, gouvernance transversale, économie collaborative, innovation, intelligence collective,
entreprises, lien social, innovation sociale
cowoking, telecentres, third place, telecommuting, sustainable development, territories, collaboration,
governance, collaborative economy, social innovation, companies, socialization , collective intelligence

3
LISTE DES FIGURES
Figure 1 - Une définition du coworking proposée par le Comptoir Numérique, implanté à Saint-Etienne. ....... 10
Figure 2 - Les composantes des Tiers-Lieux OpenSource (Crédit : TiLiOS) .......................................................... 10
Figure 3 - Nb d’espaces de coworking dans le monde - Source: Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013.11
Figure 4 - Répartition des tiers-lieux de travail en France - Source : LBMG Worklabs 2012 ............................... 12
Figure 5 - L’explosion des espaces de coworking en France - Source : LBMG Worklabs, 2012. ......................... 12
Figure 6 - Les mots-clefs du coworking................................................................................................................ 13
Figure 7 - Typologies d’animation d’un espace de coworking - Source : Livret de présentation CoRoutine ...... 14
Figure 8 - Critères de différentiation des espaces de coworking - Source : Silicon Sentier, 2009. ..................... 15
Figure 9 - Exemples d’espaces de coworking - CoRoutine, Mutinerie, la Cordée, le Hub Madrid. ..................... 15
Figure 10 - Les parties prenantes des espaces de coworking .............................................................................. 19
Figure 11 - Les services d’un télécentre en milieu rural selon Initiative Télécentres 77 ..................................... 21
Figure 12 -Motivations des usagers des coworking - Source : Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013. .. 22
Figure 13 - Principaux freins au développement du télétravail - Source : Tour de France du Télétravail 2012 . 22
Figure 14 - Les Joker Cards et le principe de tarification libre à CoRoutine - Crédit : CoRoutine ....................... 28
Figure 15 - Réseau et interactions quotidiennes à Rueil92 Coworking - Source : Rueil 92 Coworking ............... 31
Figure 16 - Collaborations et échanges à CoRoutine - Source : Livret de présentation CoRoutine .................... 32
Figure 17 - Des collaborations fructueuses à la Ruche - Source: La Ruche, Bilan 2012....................................... 32
Figure 18 - Apports des espaces de travail collaboratif pour leurs utilisateurs - Source: BURRET A., PIERRE X. 33
Figure 19 - Impacts de la Cordée sur le chiffre d’affaire de ses coworkers - Source : Enquête usagers 2013 .... 34
Figure 20 - Livraison « Envies d’ici » - Crédit : Envies d’ici ................................................................................... 36
Figure 21 - Témoignages de coworkers - Sources : divers ................................................................................... 39
Figure 22 - La quête de l’équilibre personnel selon Hindy Hall - Crédit : Indy Hall ............................................. 39
Figure 23 - Produits conditionnés en ESAT - Crédit : CoRoutine ......................................................................... 41
Figure 24 - « Partage ton Frigo » à la Poudrière - Dans L’Est Républicain ........................................................... 42
Figure 25 - Modalités de transport domicile -coworking des Encordés - Source : La Cordée ............................. 43
Figure 26 - La Veilleuse de la CoRoutine – Dans Nord Eclair ............................................................................... 45
Figure 27 - Les indicateurs de Richesse du Pays de Loire .................................................................................... 50
Figure 28 - Comparatif des thèmes du DD dans plusieurs cadres de référence- Source : DATAR-CGDD, 2009.. 51

4
SOMMAIRE
INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 7
I.

TIERS-LIEUX ET COWORKING : DE QUOI PARLE-T-ON ? ................................................................................ 9
I.1 Définition et typologie des tiers-lieux ......................................................................................................... 9
I.2 Le coworking : chiffres clefs ...................................................................................................................... 11
1.2.1

Le coworking dans le monde ......................................................................................................... 11

1.2.2

Le coworking en France ................................................................................................................. 12

I.3 Le coworking : un état d’esprit commun .................................................................................................. 12
I.4 Des approches différenciées ..................................................................................................................... 14
II. METHODOLOGIE D’ETUDE ............................................................................................................................ 16
II.1 Recueil de témoignages ............................................................................................................................ 16
II.1.1

Entretiens individuels .................................................................................................................... 16

II.1.2

Manifeste des Tiers-Lieux.............................................................................................................. 18

II.2 Recherche et analyse documentaire ......................................................................................................... 18
II.3 Observation et retour d’expérience LBMG Worklabs ............................................................................... 18
III. ETUDE DES PARTIES PRENANTES ................................................................................................................. 19
III.1 Identification des parties prenantes ......................................................................................................... 19
III.2 Attentes des parties prenantes ................................................................................................................. 20
III.2.1

Les Collectivités ............................................................................................................................. 20

III.2.2

Les usagers .................................................................................................................................... 21

III.2.3

Autres parties prenantes : ............................................................................................................. 23

IV. COWORKING ET DEVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES : Revue de pratiques et témoignages .. 26
IV.1 La nécessaire implication des usagers : co-construction et gouvernance transversale ........................... 26
IV.1.1

Co-construction ............................................................................................................................. 26

IV.1.2

Gouvernance transversale............................................................................................................. 27

IV.2 Vers des approches plus concertées et plus durables des politiques publiques locales ......................... 29
IV.3 Un accélérateur d’innovation et un vecteur de dynamisme économique............................................... 30
IV.3.1

Le coworking facilite le partage de compétences et crée des opportunités pour les coworkers. 30

IV.3.2

Le coworking favorise l’innovation, la création d’entreprise et l’accès à l’emploi ....................... 33

IV.3.3

Le coworking aurait un impact positif sur le chiffre d’affaires des entrepreneurs ....................... 34

IV.3.4

Un pôle de compétences à disposition des entreprises et porteurs de projets locaux : .............. 35

IV.3.5

Un laboratoire d’innovation sociale .............................................................................................. 35

IV.3.6

Le coworking pourrait permettre la (re)dynamisation de l’économie locale ............................... 36

5
IV.4 Une source de mieux-être et de qualité de vie pour ses usagers ............................................................ 37
IV.5 Un laboratoire et une vitrine de modes de consommation et de vie plus durables ................................ 40
IV.5.1

Sensibilisation des usagers aux enjeux du développement durable............................................. 40

IV.5.2

Promotion d’une consommation plus responsable ...................................................................... 41

IV.6 Une alternative au télétravail à domicile pour les personnes handicapées ?.......................................... 43
IV.7 Des impacts environnementaux encore limités ....................................................................................... 43
IV.7.1

Transport domicile-travail ............................................................................................................. 43

IV.7.2

Energie ........................................................................................................................................... 44

IV.8 Un levier pour améliorer la qualité de vie locale et développer le lien social ? ...................................... 44
IV.8.1

Animation de la vie de locale et création de lien social : .............................................................. 45

IV.8.2

Projets à vocation sociale .............................................................................................................. 46

V. MESURER LES CONTRIBUTIONS EN TERMES DE DEVELOPPEMENT DURABLE : QUELS INDICATEURS ?.... 47
V.1 Intérêt et limites de l’exercice ................................................................................................................... 47
V.2 Méthodologie de définition des indicateurs : ........................................................................................... 48
V.2.1

Démarches d’auto-évaluation de télécentres ou espaces de coworking ..................................... 48

V.2.2

Indicateurs territoriaux de développement durable..................................................................... 48

V.3 Tiers-lieux de travail et développement durable des territoires : pistes d’indicateurs ............................ 53
CONCLUSION ....................................................................................................................................................... 57
REFERENCES......................................................................................................................................................... 59

6
INTRODUCTION
Dans une étude prospective sur les « tendances de l’architecture et de l’espace public » réalisée en 2010
pour le Centre de Ressources Prospectives du Grand Lyon, « Millénaire 3 », l’architecte Elisabeth Perrot
résumait ainsi les changements à l’œuvre sur la notion d’espace de travail dans nos sociétés post-modernes
et s’interrogeait sur ses conséquences sur le visage urbain : « Le XXème siècle avait séparé d’un côté les
temps et les lieux du travail, de l’autre le domicile et les activités personnelles. Sous les effets conjugués de
l’explosion des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) et des
préoccupations environnementales, s’amplifient les usages professionnels en des lieux de nouveaux
genres, aussi hybrides que le réseau lui-même. Ces tiers-lieux participent à la progression du télétravail,
dans des formes salariées ou auto-entrepreneuriales. Par nature polymorphes, dispersés sur le territoire,
domiciliés et repérables, mais aussi instables, temporaires ou évènementiels, comment ces tiers-lieux
produisent-ils ou participent-ils à leur environnement urbain ? ».
Quasi inexistants en France il y a encore 5 ans, les « tiers-lieux de travail » (télécentres, espaces de
coworking…) s’y développent aujourd’hui à un rythme exponentiel. Entre domicile et bureau traditionnel,
ils permettent à tout un chacun de disposer de manière très flexible de bureaux connectés à internet, et
d’accéder à des équipements et services mutualisés. Travailleurs indépendants, petites entreprises, salariés
en télétravail ou en déplacement, chercheurs d’emploi … des usagers très divers sont ainsi susceptibles de
s’y croiser. Particularité de la France, la création de ces lieux est de plus en plus suivie et encouragée par
les acteurs de la sphère publique, qui y voient un moyen de stimuler le développement économique local
et l’innovation en exploitant les possibilités offertes par le numérique, de créer du lien social sur le territoire
et de contribuer, à long terme, à la décongestion des transports et à la réduction des émissions de gaz à
effet de serre (GES) par le développement du télétravail.
Ces projets rassemblent ainsi dans leurs enjeux mêmes, tels qu’imaginés par leurs initiateurs et financeurs,
les trois grands «axes» du développement durable. Ils constitueraient selon certaines études prospectives
des centres névralgiques des villes durables, villes « des temps pluriels » et « servicielles ».
Le cabinet au sein duquel je travaille, LBMG Worklabs, spécialisé dans la mise en œuvre du télétravail au
sein des organisations et dans la conception d’espaces de travail alternatifs, accompagne les porteurs de
projets dans l’émergence de ces lieux. L’objet de ce mémoire est de confronter les discours à la réalité en
tentant d’identifier, à partir de cas réels, en quoi ces « tiers-lieux de travail », par leur existence ou les
processus et pratiques qu’ils favorisent, sont effectivement susceptibles d’apporter une contribution
positive - alliant performance économique, sociétale et environnementale - à leurs territoires.

La première partie de ce document visera à clarifier pour le lecteur quelques notions clefs pour la bonne
compréhension de cette étude, qui se focalise essentiellement sur les espaces de coworking.
La deuxième partie présentera la méthodologie suivie.
La troisième partie sera consacrée à l’identification des parties prenantes des tiers-lieux de travail et de
leurs attentes vis-à-vis de ces espaces.
La quatrième partie présentera, sous forme de recueil d’observations et de témoignages, les contributions
positives que peuvent apporter les espaces de coworking par rapport à ces attentes et en matière de
développement durable pour leur territoire.

7
Enfin je tenterai dans une dernière partie d’élaborer une grille d’indicateurs qui permettraient aux tierslieux de travail, dans une démarche volontaire, de mesurer concrètement et ainsi valoriser leurs
contributions auprès des parties prenantes de leur territoire.

N.B : tout au long du document, la présence de texte souligné caractérise la présence de liens web
permettant au lecteur « en ligne » d’accéder directement s’il le souhaite aux sources citées pour
approfondir les sujets.

8
I.

TIERS-LIEUX ET COWORKING : DE QUOI PARLE-T-ON ?
I.1

Définition et typologie des tiers-lieux

La notion de « tiers-lieux » a été originellement introduite en 1989 par le sociologue Ray Oldenburg pour
désigner des lieux ne relevant ni du domicile ni du travail (respectivement « premier » et « second » lieu)
essentiels selon lui dans toute société pour l’entretien d’une vie civique et démocratique. Ces lieux tels que
les cafés, les librairies, les bars, ou même les salons de coiffure dans certains pays, présentent selon lui les
caractéristiques communes de permettre les rencontres dans un cadre informel en mettant à disposition
de tous un terrain neutre, accessible et accueillant, dans lequel les échanges entre habitués et visiteurs
occasionnels contribuent à créer une communauté vivante et un sentiment d’appartenance (au groupe
mais aussi à la société).
Par extension, le terme de « tiers-lieux de travail » est utilisé depuis quelques années pour désigner de
façon générique les nouvelles alternatives d’espaces de travail proposées à des professionnels de plus en
plus mobiles, entre le domicile et le bureau traditionnel. Ces espaces présentent des formats spécifiques
en fonction de leur territoire d’accueil et des objectifs de leurs fondateurs. On a d’abord vu se multiplier
depuis 2006 les initiatives de télécentres impulsées en milieu rural dans le cadre de politiques publiques de
développement économique et d’attractivité territoriale visant à favoriser l’implantation d’activités en
télétravail (salarié ou indépendant). Constitués le plus souvent de petits bureaux fermés et de salles de
réunion, ces derniers remportent aujourd’hui encore un succès mitigé, faute de moyens suffisants
consacrés à la qualité des équipements, aux services proposés mais aussi à la programmation et à
l’animation des lieux.
En parallèle, on a observé l’émergence spontanée et le succès grandissant en milieu urbain de nouveaux
types de lieux, les espaces de coworking. Le coworking est né en 2005 à San Francisco de la volonté d’une
nouvelle catégorie de travailleurs indépendants issus de la révolution numérique (graphistes, webdesigners …) de partager des bureaux pour sortir de leur isolement tout en réalisant des économies. Le
désir de ces habitués des réseaux sociaux de partager avec le plus grand nombre leur enthousiasme pour
cette solution a entraîné la création et l’essaimage fulgurant - aux Etats-Unis comme dans le reste du monde
– d’espaces de coworking ouverts à tous, s’adressant en priorité à une population croissante de travailleurs
autonomes et de petites structures entrepreneuriales.
A la différence des télécentres, le coworking ne se définit pas uniquement comme un lieu physique,
mais avant tout comme un mode d’organisation du travail qui regroupe à la fois un espace partagé et un
réseau de travailleurs encourageant l’échange et l’ouverture. Il privilégie ainsi les espaces de travail ouverts
et l’animation, afin de multiplier la création d’opportunités pour ses usagers, les coworkers.
En France, si la plupart des coworking sont portés par des initiatives privées, ils sont de plus en plus
soutenus par les acteurs publics avec des objectifs de soutien à l’innovation et à la création d’entreprise.
On observe par ailleurs que les pratiques et l’agencement de ces espaces inspirent les collectivités,
notamment en milieu péri-urbain, pour concevoir des tiers-lieux de travail hybrides, mi-télécentre / micoworking, visant à répondre aux besoins de catégories d’usagers divers (indépendants et TPE mais aussi
salariés).

9
Figure 1 - Une définition du coworking proposée par le Comptoir Numérique, implanté à Saint-Etienne.

Dans certains cas, on voit se greffer, autour de ces
espaces de coworking, d’autres types d’espaces ou
briques de services plus ou moins ouvertes sur leur
territoire : Fablab ou Maker spaces visant à fournir au
plus grand nombre des outils mutualisés (mouvement
Do It Yourself), mais aussi espaces publics de formation
aux pratiques numériques ou points relais pour la
consommation collaborative. Certains de ces exemples
ont été conceptualisés sous le nom de « Tiers-Lieux
Open Source » et leurs processus d’émergence et de
gestion sont en cours de documentation sur un wiki –
Movilab – pour permettre leur multiplication.
Au-delà de ces initiatives, plusieurs penseurs et acteurs
de la ville et des territoires durables appellent à
l’émergence, autour des télécentres et des coworking,
de réels tiers-lieux, plus proches de la notion originelle
de Ray Oldenburg car mixant des usages divers,
professionnels et non professionnels. Jean-Baptiste
Roger, directeur de la Fonderie, l’agence numérique de
la Région Ile-de-France, déclarait ainsi en 2012 : « Les
Figure 2 - Les composantes des Tiers-Lieux OpenSource
(Crédit : TiLiOS)
tiers-lieux de travail donnent une nouvelle mobilité aux
salariés, une ouverture sur le monde et une stimulation que l’entreprise traditionnelle ne peut plus leur
assurer […]. Il est très envisageable de créer, autour de ces lieux de nouveaux pôles d’attractivité, avec des
crèches, des commerces, des services publics… Aujourd’hui, les villes et territoires sont tellement fragilisés
par les trajets domicile-travail qu’il devient urgent de relocaliser les activités au plus près des habitants. Les
tiers-lieux peuvent y contribuer.»
En 2013, ces lieux hybrides n’ont pas encore vraiment vu le jour en France. Cependant les projets qui en
portent les germes se multiplient, bousculant ainsi les définitions « cloisonnantes » en tachant de répondre
avant tout à des besoins locaux pré-identifiés.
Ce travail se focalise essentiellement sur l’étude d’espaces de coworking - ce choix étant motivé par trois
raisons principales :


le caractère spontané et exponentiel de la multiplication de ces espaces à travers le monde,
témoignant de l’existence d’un mouvement de fonds, reflet des mutations profondes en cours dans
le monde du travail (forte croissance du travail indépendant et de l’auto-entrepreneuriat,
aspiration des travailleurs à plus de liberté et de flexibilité dans l’organisation du travail).

10




leur caractère innovant :
- par leur manière d’appréhender le rapport des individus au travail
- par les processus de création qu’ils favorisent
- par les liens qu’ils permettent de créer entre leurs usagers et avec les acteurs du territoire
les questions que ces nouveaux lieux posent aux collectivités et aux entreprises et la source
d’inspiration qu’ils représentent pour des territoires et organisations de plus en plus confrontés à
des problématiques d’attractivité, de capacité créative, de gouvernance, de recréation de lien
humain et de sens.

Début 2013 un fondateur de « Mutinerie », espace de coworking parisien, évoquait ainsi cet intérêt
croissant pour le phénomène : « Depuis deux ans, nous avons été contactés par une multitude d’acteurs
différents : des collectivités locales, des agences publiques, des associations, des promoteurs immobiliers,
des centres d’affaires, des groupements d’entrepreneurs, des groupements d’employeurs, des sociétés de
portage, des centres d’études et de recherche, des accélérateurs, des universités et grandes écoles, des
agences d’archi et de design, des sociologues, des étudiants…Ils viennent nous voir parce qu’ils trouvent ici
un cas d’étude, une proposition nouvelle. »
Pour aller plus loin sur la notion évolutive de « tiers-lieux » :




I.2

Philippe Cazeneuve : « A la rencontre du 3ème type … de lieu »
Marie D. Martel : « Le tiers-lieu, retour aux sources »
Raphaël Besson : « Les tiers-lieux, une notion à expérimenter et co-construire »

Le coworking : chiffres clefs

1.2.1 Le coworking dans le monde
Depuis la création du Hat Factory à San Francisco en 2005, le nombre d’espaces de coworking à travers le
monde n’a cessé de croitre, doublant quasiment chaque année. La 3ème enquête mondiale menée par le
magazine spécialisé Deskmag recensait ainsi près de 2500 espaces fréquentés par près de 110 000
coworkers. Si ce chiffre peut encore sembler dérisoire au regard de la population active mondiale,
l’ensemble des observateurs s’accordent à dire que le mouvement, qui voit naître 4 nouveaux espaces par
jour, ne semble pas prêt de s’essouffler, porté par le développement du travail indépendant et du télétravail
salarié, qui répondent aux aspirations des actifs à une plus grande liberté dans l’exercice de leur profession
et à un meilleur équilibre de vie.

Figure 3 - Nombre d’espaces de coworking dans le monde -

Source : Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013.

11
1.2.2 Le coworking en France
La France n’échappe pas à cette tendance mondiale. Encore inexistants il y a 5 ans les espaces de
coworking s’y sont multipliés à une vitesse encore plus rapide que les télécentres, pour atteindre
aujourd’hui le nombre de 121.

Figure 5 - L’explosion des espaces de coworking en

France - Source : LBMG Worklabs, 2012.

I.3

Figure 4 - Répartition géographique des tiers-lieux
de travail en France – Source :
LBMG Worklabs, 2012.

Le coworking : un état d’esprit commun

Il nous semble particulièrement important à ce stade de bien redéfinir ce qui fait un espace de
coworking. Le terme étant en effet devenu « tendance », il est de plus en plus usité pour désigner
simplement le concept d’espaces de travail ouverts permettant une location flexible, à l’heure ou à la
journée. Les interviews, observations de terrain et lectures menés dans le cadre du présent travail nous
rappellent cependant le côté réducteur de cette définition, le coworking se caractérisant avant tout par
un état d’esprit et des valeurs.
Les fondateurs des premiers espaces de coworking (Citizen Space, Indy Hall) se sont attachés à définir
ces valeurs comme suit:





Coopération (« Collaboration » en anglais) : l’aménagement spatial ouvert et l’ambiance du
lieu doivent favoriser le partage de connaissances et de compétences entre les coworkers.
Ouverture : le mouvement du coworking est influencé dans ses origines par la culture des
acteurs du logiciel libre (Open Source), qui consiste à ouvrir à tous les « codes-sources » des
créations pour permettre à chacun de se les approprier et de les améliorer. Dans la vie
quotidienne des espaces, ceci doit se traduire par une attitude ouverte des coworkers, prêts à
donner et recevoir aux autres membres de la « communauté ».
Communauté : les usagers des espaces de coworking et les liens tissés entre eux en constituent
la première richesse et l’essence. C’est la capacité d’un espace de coworking à identifier des
« communautés existantes » (qui trouveront dans son enceinte un espace physique pour se
rencontrer) et créer un sentiment d’appartenance parmi ses usagers, même les moins

12



fréquents, qui font le succès d’un espace de coworking et le caractérisent comme tel (VERSUS
un télécentre ou un centre d’affaires traditionnel).
Accessibilité : les espaces de coworking doivent être ouverts à toute personne souhaitant
adopter cette manière de travailler.
Durabilité : cette valeur fait l’objet de diverses interprétations par les fondateurs d’espaces. Si
elle peut s’entendre au sens de « préservation de l’environnement » (la mutualisation et le
choix du lieu de travail rendus possibles par les espaces de coworking permettraient de réduire
les consommations d’énergies et les émissions de CO2), elle semble plus communément
envisagée dans le sens de « pérennité » (économique notamment).

Pour aller plus loin :



Un article proposant une réflexion sur ces valeurs par l’espace de coworking parisien « Mutinerie » :
http://bit.ly/18FElzr
Un article de Jacques Souillot, membre de l’association « Enseignement Public et informatique »
réfléchissant sur les liens entre philosophie « Open Source » et Développement Durable :
http://bit.ly/1aWnb5D

A ces valeurs “officielles” illustrant l’esprit coworking, on peut ajouter les mots-clefs revenus régulièrement
dans les entretiens menés dans le cadre de cette étude, ainsi que dans le cadre de l’appel à contributions
pour la rédaction d’un Manifeste des Tiers-Lieux (voir plus loin la méthodologie d’étude) :

Figure 6 - Les mots-clefs du coworking

Cet état d’esprit et ces valeurs mises en avant par les gestionnaires d’espaces resteraient cependant
purement conceptuels et intentionnels sans un élément clef qui constitue à ce jour un point de
différenciation essentiel entre les espaces de coworking et la plupart des télécentres : l’animation.
Les Tiers-Lieux Open Source nomment ainsi « Conciergerie » le « processus d’accueil et d’animation »
caractérisant tout espace de coworking et plus généralement de tiers-lieu. Le « concierge » est un
personnage clef pour la viabilité de l’espace. Il y joue le rôle d’aiguilleur et de coordinateur : par des

13
interventions subtiles, et la proposition d’animations, il met du liant entre les différents usagers de l’espace
et permet une appropriation du lieu par ces derniers.
La CoRoutine, espace de coworking à Lille, propose dans son dossier de présentation un bon aperçu des
types d’animation que l’on retrouve dans la majorité des espaces de coworking :

Figure 7 - Typologies d’animation d’un espace de coworking - Source : Livret de présentation CoRoutine

I.4

Des approches différenciées

Derrière les valeurs rassembleuses et les chiffres globaux qui témoignent de l’émergence d’un
phénomène mondial se retrouvent cependant des profils d’espaces très variés et des points de
différenciation forts, apparus tout au long de cette étude et qu’il conviendra de garder en tête dans
ses conclusions. Dans son rapport d’évaluation de fin 2009, l’association Silicon Sentier, à l’origine de
l’un des premiers espaces de coworking en France (La Cantine), énonce ainsi 3 axes de
différentiation entre les différents coworking spaces :




l’identité de la structure fondatrice (publique / privée, association / SCOP / entreprise),
influant sur les motivations et l’approche dans la conception du lieu (bottom-up / top-down) :
si aujourd’hui dans le monde la plupart des espaces de coworking sont portés par des structures
entrepreneuriales, la France se distingue par une prédominance du modèle associatif ou
coopératif, et par le soutien voire l’initiative de la sphère publique dans un nombre croissant
de projets.
le type de « retour sur investissement » attendu : selon les espaces, leur statut juridique et les
motivations de leurs fondateurs, l’accent sera plus ou moins mis sur la recherche de profit
économique ou le bénéfice social / sociétal apporté aux usagers et au territoire – cette autre
forme de bénéfice demeurant un élément de motivation fondamentale à l’origine de la création
de la plupart des espaces aujourd’hui. Le rapport de Silicon Sentier met à ce propos en évidence
la « complexité du dispositif du coworking, qui ne peut envisager le profit [et donc la pérennité
économique] sans la communauté et vice-versa [car] il met en œuvre un continuum construit
sur un équilibre délicat entre le capital humain et le capital économique ».

14


le degré d’intégration des usagers dans une dynamique de communauté : selon les espaces le
sentiment d’appartenance des usagers et leur intégration à la gouvernance du lieu seront plus
ou moins forts.

Figure 8 - Critères de différentiation des espaces de coworking – Source : Silicon Sentier, 2009.

A ces trois critères de différenciation, on peut ajouter le degré d’ouverture de l’espace : si la plupart
des espaces de coworking sont ajourd’hui ouverts à tous, certains espaces de travail collaboratifs
mettent en place un processus de sélection à l’entrée, le plus souvent basé sur une thématique
professionnelle, et se rapprochent ainsi plutôt de la résidence d’entreprises (c’est le cas par exemple
de la Ruche ou de Creatis à Paris, respectivement réservés aux acteurs de l’entrepreneuriat social et
de la création numérique).
Nous n’entendons pas dans le cadre de cette étude nous focaliser sur une typologie d’espace en
particulier ou comparer les impacts des différents types de structures entre elles. Ce travail serait trop
complexe et nous semble surtout peu pertinent tant la variété des cas est grande. Au-delà des points
de différentiation, l’étude de plusieurs espaces de coworking a surtout fait émerger de nombreuses
similitudes dans les valeurs (cf plus haut) et dans les pratiques potentiellement génératrices d’impacts
positifs pour un développement plus durable de leurs territoires. Nous nous attacherons dans ce travail
à les présenter puis à proposer une grille d’indicateurs permettant de les valoriser.

Figure 9 – Exemples d’espaces de
coworking
–
CoRoutine,
Mutinerie, la Cordée, le Hub Madrid.

15
II.

METHODOLOGIE D’ETUDE
II.1

Recueil de témoignages

Ce travail a tout d’abord été alimenté par la collecte de nombreux témoignages sous deux formes.

II.1.1 Entretiens individuels
Une quinzaine d’entretiens d’1h30 environ ont été réalisés auprès de deux catégories d’acteurs :




fondateurs ou gestionnaires d’espaces de coworking : afin d’identifier les motivations
inhérentes à la création de ces lieux et de recueillir des exemples concrets de pratiques
susceptibles d’avoir un impact positif pour leurs usagers et leur territoire.
représentants de collectivités soutenant activement le développement des tiers-lieux de
travail : afin de comprendre les objectifs poursuivis et d’identifier si des mesures concrètes
d’impact avaient déjà été réalisées, ou si celles-ci étaient prévues.

Le tableau ci-dessous détaille la liste des personnes rencontrées ainsi que les spécificités de leurs projets
ou responsabilités ayant motivé le choix de les interviewer.
ESPACE OU
ORGANISATION

DESCRIPTION

NOM DE LA
PERSONNE
INTERVIEWÉE

Arrêt Minute

Espace de coworking rural ouvert à
Pomerol dans la périphérie de
Bordeaux en septembre 2010.
Statut juridique : association

Lucile Aigron,
fondatrice

Citizen Box

Espace de coworking ouvert en juin
2013 à Paris 18ème dans les locaux de
la grappe d’entreprises musicales
Paris Mix.
Statut juridique : association

Comptoir Numérique

Espace de coworking ouvert en 2010 à
Saint-Etienne.
Statut juridique : association

Marjorie
Cavayé,
coordinatrice Paris
Mix
Thomas
Birault,
gestionnaire
de
l’espace
de
coworking
Delphine Duriaux,
co-fondatrice
et
« concierge »

La Cordée

Un réseau de 5 espaces de coworking
ouverts à Lyon depuis fin 2011. Un
nouvel espace sera ouvert à Paris en
septembre 2013.
Statut juridique : SAS

Michael Schwartz,
co-fondateur

CoRoutine

Espace de coworking créé à Lille en
2010.
Statut juridique : association

Simon Sarazin, cofondateur

ÉLÉMENTS AYANT MOTIVÉ
L’INTERVIEW
 Coworking en milieu rural
 Projet d’initiative privée soutenu par la
Région Aquitaine et l’ADEME pour favoriser
le développement du télétravail en
Aquitaine via l’association « Tiers-Lieux ».
 Espace de travail implanté au sein d’un
espace culturel (studio musical).
 Volonté de croiser les univers différents.
 Vocation sociétale et volonté d’ouverture
aux habitants du quartier affichées.

 Un
espace
pionner
en
France,
expérimentant le concept de tiers-lieu
« multi-briques », intégrant, au-delà de
l’espace de coworking, un Espace Public
Numérique, un pôle Media Citoyen, un
« HackerSpace ».
 Intégré à l’éco-système de l’Economie
Sociale et Solidaire.
 Démarche documentée et « OpenSource »
 Une initiative entrepreneuriale réussie.
Parvenue en 2 ans à créer une communauté
de coworkers fidèles tout en atteignant un
équilibre économique lui permettant de se
« multiplier » sur plusieurs sites à Lyon et
maintenant Paris.
 Labellisé « Lyon Ville Equitable et Durable »
 Espace né de la volonté d’un noyau
d’indépendants et progressivement ouvert
au public.
 Gouvernance transversale et mutualisée
avec les usagers
 Culture « Innovation sociale » portée par les
fondateurs.

16
Initiatives
Télécentres 77

Association
départementale
de
soutien à l’émergence d’un réseau de
télécentres et espaces de coworking
en Seine-et-Marne.
Projet d’expérimentation « in vivo » et
de documentation Open Source de
modes de vies durables, porté par
Skema Business School et des acteurs
de l’éco-système de l’innovation
sociale (Angenius, Imagination for
People, Openscop, OuiShare). Initié à
l’occasion d’un appel à projets du
MEDDTL puis soutenu par la Région
PACA et le dispositif de Saint-Etienne
la CyberLoire en Rhônes-Alpes.
Espace de coworking ouvert à Paris
10ème en 2012.
Statut juridique : SAS

Anne-Sophie Calais,
Directrice

NETIS – Université
Marne-la-Vallée Paris
Est

Espace de coworking créé en 2013 au
sein de l’université à l’initiative des
étudiants
du
Département
Management Ingénierie des Services.

Sylvie Mercier,
Professeur associée

Oui Share

Collectif de promotion des initiatives
de l’économie collaborative en France
et à l’international

Antonin Leonard,
Co-fondateur

Saint-Etienne
Agglomération

Direction de l’Innovation

Dominique Parret,
Directeur

Seine-et-Marne

Conseil Général

La Ruche

Espace de bureaux partagés ouvert à
Paris 10ème en 2008, dédié à
l’entrepreneuriat
social
et
à
l’ « Economie positive ».
Statut juridique : association

Gérard Eude, Viceprésident chargé du
développement
économique et des
grands projets
d'aménagement
Léa Vasa,
Responsable de
l’animation de la
Communauté
Thomas Petitjean
Responsable
financier
administratif et
logistique

156 Durable / Agence
Parisienne du Climat

Coworking associé à un espace de
sensibilisation au DD implanté à Paris
19ème dans un bâtiment vitrine en
matière de performance énergétique.
Abritera des animations de l’Agence
Parisienne du Climat. Ouvrira ses
portes en octobre 2013. Statut :
Association
Réseau « Handicap » du syndicat.

Movilab

Mutinerie

CFE-CGC – Handicap

Yoann Duriaux, cofondateur, référent
pour les sujets tierslieux et coworking.

Xavier Jacquemet,
co-fondateur

 Structure d’appui méthodologique et de
partage de savoirs et bonnes pratiques pour
près de 20 projets de télécentres et espaces
de coworking en cours dans le département.
 Un wiki des « recettes libres et ouvertes
d'actions
remarquables
pour
leur
participation à des modes de vies durables. »
 Une démarche intéressante :
o par son intention Open Source (partager
les
savoirs
pour
permettre
la
démultiplication des actions)
o par les éclairages et contenus qu’elle met
à disposition sur des expérimentations
concrètes.

 Une initiative entrepreneuriale portée par la
volonté de promouvoir un nouveau mode de
vie et de travail.
 Un espace emblématique du mouvement
coworking à Paris
 Une expérimentation du coworking en
milieu étudiant, imaginé comme outil
pédagogique et laboratoire de projets.
 Objet d’un travail de recherche « Effets de
levier ou contraintes pouvant être générés
par les espaces de travail collaboratifs sur
les salariés, les entreprises, les territoires »
 Une vision large et prospective sur le
mouvement de l’économie collaborative,
ses impacts économiques et sociétaux et ses
liens avec le coworking.
 La ville de Saint-Etienne s’appuie sur des
structures associatives et coopératives
locales pour favoriser l’essor d’un réseau de
tiers-lieux.
 Une vision politique sur ce que le
développement des tiers-lieux de travail
peut apporter aux territoires.

Laure Fabiani,
Annick Kichenama,
Benoît Liotard
Conseillers infoénergie et
coordinateurs
d’activités à l’APC

 Un des premiers espaces de travail
collaboratif en France
 Thématique « DD »
 Source d’inspiration pour de nombreux
espaces de coworking en France mais s’en
distinguant par la sélection à l’entrée (selon
thématique et viabilité économique) et une
majorité de résidents à temps plein.
 En 2013, La Ruche intègre le réseau Paris
Incubateurs et accueille un incubateur dédié
à l’innovation sociale « la Social Factory ».
 Un projet associant explicitement coworking
et sensibilisation au DD
 Vocation d’ouverture sur le territoire via les
permanences info-énergie et formations de
l’APC qui s’y dérouleront et la création de
liens avec le réseau associatif très dense du
quartier.

Alain Bouvier,
Représentant
départemental
Handicap dans le 77

 Une vision des leviers que pourraient
représenter les tiers-lieux de travail pour
améliorer l’accès et le maintien dans
l’emploi des personnes handicapées.

L’ensemble des notes prises au cours de ces entretiens est disponible dans un document annexe qui ne
pourra être partagé que sur demande afin de préserver la confidentialité des informations échangées.

17
II.1.2 Manifeste des Tiers-Lieux
La recherche de contacts dans le cadre du présent travail nous a également amenés à échanger avec les
initiateurs du projet d’écriture collective d’un Manifeste des Tiers-lieux, Yoann Duriaux (co-fondateur du
Comptoir Numérique et du projet Movilab) et Antoine Burret (doctorant en sociologie et anthropologie,
actuellement en préparation d’une thèse sur les processus d’innovation à l’œuvre dans les espaces de
coworking). Lancé en juillet 2013 via un appel à contributions sous forme de questionnaire en ligne ouvert
à tous les acteurs impliqués dans des projets de tiers-lieux, l’initiative vise à améliorer la compréhension
des dynamiques à l’œuvre dans les tiers-lieux et mieux valoriser auprès du grand public leurs potentiels
impacts sur la société et le développement des territoires. L’ensemble des réponses obtenues via le
questionnaire feront l’objet d’une synthèse et d’une publication électronique en novembre 2013 sous
licence libre citant l’ensemble des contributeurs. La possibilité d’une publication papier est à l’étude.
L’accès qui m’a été ouvert aux réponses des premiers contributeurs a permis d’enrichir mes premières
conclusions de nouveaux témoignages remontés du terrain.

II.2 Recherche et analyse documentaire
Les témoignages et pratiques recueillis dans le cadre des entretiens ont ensuite été mis en perspective et
complétés par la lecture de divers articles, rapports et études disponibles sur les thématiques du coworking
ou sur les indicateurs de développement durable appliqués aux territoires. La recherche de sources
d’information a amené au constat qu’au delà d’articles courts et prospectifs, il n’existait pas à ce jour de
travaux très poussés ayant permis de mesurer concrètement les impacts des tiers-lieux de travail en termes
de développement durable pour leurs territoires. Ceci est certainement du au caractère encore
relativement neuf des expérimentations, du moins en France, et l’on note par ailleurs un intérêt croissant
de la recherche sur le sujet qui ne saurait tarder à combler ce manque. Les apports des différentes lectures
sont précisés au fil des parties de ce document. On en retrouve la liste en annexe.

II.3 Observation et retour d’expérience LBMG Worklabs
Enfin les réflexions menées dans le cadre de cette étude se sont enrichies des retours d’expériences de
missions d’accompagnement menées par LBMG Worklabs auprès de porteurs de projets de tiers-lieux de
travail, notamment la Communauté de Communes Brie des Morin (projet de création d’un télécentre /
coworking en zone rurale en Seine-et-Marne) et l’association Cowork in the City (ouverture à Paris 19ème en
septembre 2013 du « 156 Durable », espace de coworking abritant des animations de l’Agence Parisienne
du Climat et voué à sensibiliser les riverains aux enjeux du développement durable).

18
III.

ETUDE DES PARTIES PRENANTES

III.1 Identification des parties prenantes
La première étape de ce travail d’étude, menée en parallèle des entretiens, a consisté à recenser les parties
prenantes intéressées ou potentiellement impactées par les tiers-lieux de travail, et plus spécifiquement
les espaces de coworking. Par leur vocation et les usagers qu’ils sont amenés à recevoir, ceux-ci
développent des relations plus ou moins intenses avec une multiplicité d’acteurs, individuels ou collectifs,
privés ou publics, regroupés pour cet exercice en 9 catégories :










Usagers
Etat et Collectivités Territoriales
Organismes de soutien à l’activité économique et à l’emploi
Acteurs de l’entrepreneuriat et de l’innovation
Société Civile
Fournisseurs
Financeurs privés
Communauté francophone et internationale du coworking
Media

Figure 10 - Les parties prenantes des espaces de coworking

19
III.2 Attentes des parties prenantes
Nous présentons ci-dessous les attentes exprimées par les parties prenantes vis-à-vis des tiers-lieux de
travail. Quand ces attentes ne sont pas explicites nous envisageons les impacts potentiels de ces derniers
sur chacune d’elles.

III.2.1 Les Collectivités
Nous l’avons vu en introduction, la France se distingue ces dernières années par l’intérêt croissant que les
collectivités portent au phénomène du coworking et par la volonté d’un nombre grandissant d’entre elles
d’encourager le développement de tiers-lieux de travail en général. La Région Ile-de-France a ainsi apporté
près de 2M d’euros de soutien financier à 30 projets de télécentres et espaces de coworking en 2012 et
2013. La Seine-et-Marne, l’Orne, l’Aquitaine et d’autres régions ou départements mobilisent également
différents outils et ressources pour favoriser l’émergence d’initiatives et impulser la création de réseaux de
tiers-lieux de travail sur leur territoire.
Si les enjeux et priorités varient nécessairement d’un territoire à l’autre, a fortiori entre territoires urbains,
semi-urbains et ruraux, on retrouve un ensemble d’objectifs communs dans ces démarches :


Favoriser le dynamisme économique et l’emploi local :
o en facilitant l’implantation, la création et le développement d’activités indépendantes et
de petites entreprises,
o par l’encouragement du télétravail salarié qui permettrait de maintenir quelques jours par
semaine sur le territoire les travailleurs pendulaires et leurs dépenses dans l’économie
locale (aspect particulièrement important en milieu rural et péri-urbain)
o par la mise à disposition de ressources de formation, sur place ou à distance



Développer la créativité et l’innovation sur le territoire :
o en permettant le croisement d’initiatives, de ressources et de compétences diverses sur
un même lieu - ou à distance grâce aux outils numériques.



Réduire les externalités négatives des déplacements domicile-travail en favorisant le télétravail :
o réduction des émissions de GES
o désengorgement des transports en commun dans les villes
o économies pour les territoires sur la construction et l’entretien d’infrastructures de
transport
Améliorer la qualité de vie et le bien-être des habitants par :
o la limitation des temps de déplacement domicile-travail favorisant un meilleur équilibre vie
privée-vie professionnelle
o la création de nouvelles occasions de socialisation



Certaines collectivités en milieu rural voient enfin en ces lieux des solutions intéressantes pour
(re)développer les services à la population. Initiatives Télécentres 77, dans son bilan d’activités 2012
rappelle ainsi : « Parmi les nouveaux services proposés dans le télécentre rural en Seine-et-Marne, les
services suivants sont envisagés : »

20
Figure 11 - Les services d’un télécentre en milieu rural selon Initiative Télécentres 77

On remarque dans ce dernier exemple l’usage du terme de « télécentre », plus traditionnellement associé
aux territoires ruraux comme nous l’avons vu plus haut. Toutefois, il est intéressant de noter que l’on voit
apparaître de façon spontanée des espaces de coworking en milieu rural, qui pourraient constituer des
alternatives attractives et plus conviviales pour les premières cibles de ce type d’espace (indépendants,
TPE) mais aussi pour des salariés en télétravail.

III.2.2 Les usagers
L’Enquête Nationale 2012 du Tour de France du Télétravail rappelle les attentes des principaux usagers
actuels des tiers-lieux de travail (indépendants, entrepreneurs, et TPE) :
o
o
o
o

bénéficier d’un environnement de travail qualitatif pour être plus efficace et plus
productif
rompre avec l’isolement du travail à domicile
pouvoir effectuer des rendez-vous professionnels dans un lieu agréable
bénéficier d’un lieu de travail lors de déplacements

L’enquête internationale menée par Deskmag auprès des usagers d’espaces de coworking apporte un
éclairage complémentaire intéressant sur leurs motivations : des dimensions humaines telles que le
sentiment de « communauté », les interactions sociales, l’ambiance arrivent ainsi en tête avant la qualité
des équipements de bureau.

21
Figure 12 - Les motivations des usagers d’espaces de coworking - Source :
Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013.

Les statistiques montrent par ailleurs que l’accueil de télétravailleurs salariés reste encore anecdotique
dans les espaces de coworking, en France plus qu’à l’étranger. Ceci s’explique en premier lieu par une raison
évidente et indépendante des caractéristiques propres à ces espaces : le caractère encore relativement
embryonnaire du télétravail formalisé pour les salariés d’entreprises, du fait de la persistance de divers
freins, soulignés par l’Enquête Nationale 2012 du Tour de France du Télétravail.

Figure 13 - Les principaux freins au développement du télétravail en France Source : Tour de France du Télétravail 2012

22
Dans les entreprises mêmes où ces freins ont été levés, on observe encore une certaine frilosité chez les
dirigeants à autoriser le télétravail en dehors du domicile. Les principales raisons évoquées étant :
o
o
o

des exigences en termes d’équipement et de sécurité informatiques des lieux,
les risques potentiels en termes de confidentialité - a fortiori dans des espaces
« physiquement » ouverts et cultivant l’esprit collaboratif comme les espaces de coworking
les craintes avérées ou supposées des salariés ou de leurs représentants : perte du poste
de travail, risque de dégradation des conditions matérielles de travail….

Malgré ces réticences et le fait avéré que tous les espaces de coworking ne sauraient apporter une réponse
adaptée aux exigences et aux besoins de toutes les entreprises, on observe que ces espaces, plus que les
télécentres, attisent la curiosité et l’intérêt de plus en plus d’employeurs : pour la forme d’organisation du
travail qu’ils prônent, plus collaborative et plus transversale et pour leurs effets sur l’émulation créative et
la motivation des talents.
Une étude réalisée en 2011 par Mobilitis et Opinion Way auprès de 102 chefs d’entreprises de plus de 50
salariés soulignait ainsi que, s’ils étaient encore rares à avoir fait le pas ou à l’envisager sérieusement, la
majorité d’entre eux avaient une bonne opinion sur le coworking :
o

o

dans sa déclinaison « intra-entreprise » (68%) : consistant à mettre à disposition des
salariés des espaces de travail collaboratifs dans des bureaux satellites internes proches
de chez eux.
mais également dans sa conception d’origine, ouvert à d’autres acteurs externes à
l’entreprise (52%).

Dans notre entretien, la CoRoutine indique ainsi avoir reçu la visite intéressée de deux acteurs de la grande
distribution spécialisée réfléchissant à de nouvelles manières de stimuler leur capacité d’innovation et la
créativité de leurs salariés. Plusieurs espaces tels que Mutinerie, cité en introduction de ce travail, ou la
Cordée à Lyon, témoignent également de cette curiosité.

III.2.3 Autres parties prenantes :
Le tableau ci-dessous présente succinctement les attentes des autres parties prenantes vis-à-vis des tierslieux de travail, les impacts potentiels de ces derniers sur celles-ci et les formes d’interaction réellement
observées. Ce travail a été réalisé sur la base des entretiens et des connaissances de LBMG Worklabs sur
les lieux et projets existant en France. Ces derniers étant pourtant très variés, le degré d’attente ou d’impact
potentiel pour chaque partie prenante variera nécessairement d’un projet et d’un territoire à l’autre. En
outre, le phénomène du coworking étant encore relativement peu connu du grand public, toutes les parties
prenantes n’expriment pas aujourd’hui nécessairement d’attentes vis-à-vis de ces espaces. On émettra
toutefois ici des hypothèses sur les impacts que ces lieux pourraient avoir sur elles.

23
PARTIE PRENANTE
Organismes de soutien à l’activité
économique et à l’emploi

Chambres consulaires (CCI
essentiellement)



Pôle emploi

Acteurs de l’entrepreneuriat et de
l’innovation

Clubs et associations
d’entrepreneurs




Acteurs de l’Economie
sociale et solidaire et de
l’entrepreneuriat social
Acteurs de l’Economie
Collaborative

Fournisseurs

Entreprises locales,

Produits responsables (ecolabel,
bio,
équitable,
solidaire…)

Autres
Financeurs privés

Banques

Entreprises



Particuliers

Société civile

Riverains



Associations

ATTENTES OU IMPACTS
POTENTIELS

FORMES D’INTERACTIONS
OBSERVEES

 Coworking vu comme relai d’actions
en tant que structure favorisant la
création d’entreprises et
l’innovation. A la fois lieu de travail
et de formation.

 Sponsoring financier
Mise à disposition de locaux
Communication et mise en avant
mutuelle
Dispositifs de formation partagés ou
co-construits

 Un intérêt pour le phénomène
manifesté dans un article en 2012.
Vu comme lieu de réseautage, de
formation et cadre de travail
motivant pour les porteurs de
projets.

 Peu d’exemples d’interactions
concrètes

 Un lieu de réseautage, de diffusion
des connaissances et partage des
compétences

 Nombreuses animations destinées
aux coworkers et parfois ouvertes
au grand public : petits déjeuners,
ateliers, présentations de projets,
conférences …

 Espace de promotion et
d’expérimentation de nouvelles
formes de business models,
d’innovation sociale, de modes de
consommation et de productions
plus durables

 Interactions plus ou moins
nombreuses selon le degré de
sensibilité des fondateurs d’espaces
à ces thématiques. Plusieurs
exemples présentés plus loin dans
ce document.

 Chiffre d’affaires complémentaire
 Visibilité

 Quelques exemples de bonnes
pratiques dans la sélection de
fournisseurs
recueillis
auprès
d’espaces interviewés. Plus ou moins
développées selon la sensibilité des
fondateurs d’espaces.

 Remboursement des prêts
 Visibilité, terrain d’analyse et de
veille sur des thématiques
émergentes, formation au modèle
d’innovation ouverte et aux
nouvelles cultures
entrepreneuriales

 Peu d’exemples aujourd’hui hormis
le modèle intéressant des
« Cantine », mêlant financement
public et sponsoring privé.

 Développement et maintien des
initiatives

 Quelques exemples de
« crowdfunding » présentés plus
loin dans ce document.

 Méconnaissance du phénomène =>
peu d’attentes exprimées. Impacts
potentiels : animation de la vie
locale, mise à disposition de
nouveaux services de proximité,
promotion de modes de
consommation plus responsables.

 Interactions encore limitées
aujourd’hui mais intention de
plusieurs gestionnaires d’espace de
les développer. Quelques exemples
présentés dans ce mémoire.

 Local pour se réunir ou promouvoir
ses activités, sensibiliser à ses

 Plusieurs interactions observées
dans le cadre d’évènements,

24
actions et recruter de nouveaux
membres.


Enseignement et recherche

Communauté
francophone
internationale du coworking

et

 Intérêt de certains établissements à
plusieurs titres :
o comme outil pédagogique
applicable aux étudiants,
o comme objet de recherche sur
les mécanismes favorisant
l’innovation
o comme objet d’étude en tant
que laboratoires de modes de
vie durable
 Retours d’expérience, partage de
bonnes pratiques, débats

d’animations ou services proposés
aux coworkers.
 Expérimentation du coworking au
sein de l’université (ex : IFIS à
Marne-la-Vallée)
Recherche et études (ex : A. Burret,
étude socio-anthropologique à Lyon
2 ; Skema business School avec le
projet Movilab,)

 De nombreux échanges sur les
plateformes dédiées :
- Coworking wiki international
et francophone
- Coworking initiatives
- Groupe international
francophone des Tiers-lieux
- Google Group Coworking
France

25
IV.

COWORKING
ET DEVELOPPEMENT DURABLE
TERRITOIRES : Revue de pratiques et témoignages

DES

Nous présentons ici un ensemble de pratiques et témoignages collectés dans le cadre des entretiens et
lectures réalisés pour cette étude et tendant à montrer que les espaces de coworking peuvent par de
multiples aspects être vecteurs de développement durable pour leur territoire. Ces exemples sont à
considérer comme tels et il est important d’avoir en tête que, si l’on observe un socle de valeurs communes
entre les différents lieux, ceux-ci n’en présentent pas moins des expressions très diverses, dépendantes du
contexte local, des objectifs poursuivis, et de la personnalité des fondateurs (orientation plus ou moins
« économique », sociale, sociétale ou environnementale).

IV.1 La nécessaire implication des usagers : co-construction et
gouvernance transversale

En cohérence avec les valeurs qu’ils entendent promouvoir, les espaces de coworking se distinguent
d’autres formes d’organisation et d’espaces de travail par une volonté forte d’impliquer leurs usagers dans
leur gouvernance, voire dans leur conception.
L’ensemble des fondateurs d’espaces s’accordent à dire que cet état d’esprit constitue la condition
première de réussite de leurs projets, la garantie que le lieu ne restera pas une coquille de bureaux vides
ou un simple espace de connexion à internet sans autre valeur ajoutée pour ses usagers et ses parties
prenantes.

IV.1.1 Co-construction
Si les premiers espaces sont nés de la volonté de petits groupes d’indépendants de se regrouper dans un
même lieu avant de s’ouvrir au public, les initiateurs de projets plus récents insistent sur l’importance de
s’appuyer, dès leur phase de conception, sur les communautés et initiatives existantes de leurs
territoires.
Xavier Jacquemet, co-fondateur de Mutinerie à Paris, raconte ainsi comment la création d’un blog, la
communication sur les réseaux sociaux, l’organisation d’apéritifs de quartier ont permis de repérer, avant
l’ouverture du coworking, des personnes ou collectifs existant sur le territoire mais jusqu’ici isolés les uns
des autres et communément intéressés par l’idée d’une nouvelle manière de travailler, plus collaborative
et plus libre.
Dans cette même logique, l’association Cowork in the City, désireuse de créer deux espaces à Vincennes et
dans le 19ème arrondissement de Paris, a initié son projet par une enquête en ligne, qui lui a permis
d’identifier une centaine de personnes intéressées pour chacun des projets. A Vincennes, celles-ci ont
ensuite été conviées à une réunion de présentation du projet, suivie de 4 comités de co-construction, visant
à préciser l’identité du lieu, affiner la définition de son offre de services, imaginer des moyens de l’animer
et de développer ses relations avec l’éco-système local. Cette phase a ainsi permis d’enrichir le projet des
idées des participants (un noyau dur d’une dizaine de personnes présentes à chaque comité) mais surtout
de susciter un début d’appropriation du lieu par ses futurs usagers et un esprit de communauté.

26
Yoann Duriaux sur le wiki Movilab propose un outil innovant, permettant de créer un début de communauté
autour d’un futur lieu : la Cartopartie. Basée sur le logiciel libre de cartographie Open Street Map, cette
animation consiste à rassembler un groupe de personnes volontaires pour arpenter un territoire et partager
ses connaissances sur ce dernier, afin de créer des cartes « sur mesure » répondant à des besoins partagés.
Par exemple : carte des services aux entrepreneurs, carte des parking à vélos, carte pratique pour les
familles etc… Un moyen ludique de faire découvrir les pratiques collaboratives aux riverains, potentiels
coworkers, tout en affirmant l’ancrage du nouvel espace de coworking sur un territoire pré-existant et sa
volonté de tisser des liens avec ce dernier.
Autre exemple d’implication des coworkers : certains espaces les sollicitent pour améliorer et personnaliser
l’aménagement du lieu. A la CoRoutine, la terrasse en bois, l’aménagement du patio, les peintures ont ainsi
été réalisés par des membres. D’autres espaces comme la Ruche, Mutinerie ou le Comptoir Numérique
indiquent que certains de leurs meubles ont été apportés ou réalisés par des coworkers, contribuant ainsi
à donner une âme au lieu.
Pour aller plus loin dans cette idée de co-construction, quelques espaces commencent également à faire
appel à un mode de financement innovant : le crowdfunding. Basé sur des plateformes de mises en relation
telles qu’Ulule ou KickStarter, celui-ci permet aux porteurs de projets de solliciter le financement de
particuliers en l’échange de récompenses proportionnelles à leur contribution (goodies ou T-shirts au nom
du projet, journées ou abonnements gratuits d’utilisation de l’espace …). Un récent article de Deskmag
souligne les avantages de cette pratique, au-delà de la somme d’argent récoltée : identifier une
communauté de personnes intéressées par le projet et ses valeurs, trouver de nouveaux partenaires, faire
connaître l’espace et le concept de coworking à un plus grand nombre. En France, l’article cite l’exemple
du LapTop à Paris qui a ainsi collecté, via une campagne postée sur Ulule, ses premières inscriptions et
récolté 3200 € pour l’achat de mobilier et fournitures manquantes. La CoRoutine se félicite également
d’avoir pu réaliser deux déménagements pour s’agrandir en faisant appel au financement participatif. Tout
récemment encore, l’espace de Coworking les Satellites a pu emménager dans un espace plus grand au
centre de Nice et financer en partie ce mouvement grâce à la collecte de plus de 10.000€ auprès de 80
participants.

IV.1.2 Gouvernance transversale
Lorsqu’on évoque la gouvernance du lieu, l’ensemble des gestionnaires d’espaces interviewés ont souligné
le caractère très « participatif », « transversal » et « horizontal » de leur organisation, ceci indépendamment
de la vocation lucrative ou non du projet. Ceci est cohérent avec les valeurs d’ouverture et de collaboration
prônées par le coworking et l’idée que la principale richesse d’un espace et la condition de sa viabilité
résident dans sa communauté.
Ainsi Michael Schwartz souligne que la Cordée - qui a le statut de SAS - « se crée au quotidien avec les
"Encordés" [nom donné aux membres de l’espace] ». Ceci se fait par les échanges informels facilités par
l’esprit convivial du lieu, mais résulte également d’une réelle volonté de l’équipe d’animation. Ainsi, le
réseau social interne "Le Refuge", permet aux Encordés de partager spontanément leurs idées (animation
du lieu, organisation interne...). Chaque mois l'équipe de la Cordée (les "Couteaux Suisses") organise
« L’envers du décor », une discussion ouverte avec les membres sur la stratégie de la Cordée.
Pour Simon Sarrazin, co-fondateur de CoRoutine, il est très important de privilégier l’horizontalité dans la
gouvernance de tout espace de coworking – et particulièrement dans cet espace à but non lucratif créé par
un noyau dur d’indépendants « proche des logiques des logiciels libres » et ouvert progressivement au

27
public. Selon lui, la force de l’espace vient du fait que son évolution se fait de manière « organique », sans
outil ou planification particulière mais au quotidien, avec les coworkers, dans une logique de services
rendus, de gratuité et de confiance. Chaque coworker s’implique ainsi dans la vie du lieu, de multiples
manières : en préparant à manger pour un déjeuner collectif, en sortant les poubelles, en partageant son
matériel informatique, en contribuant aux réflexions sur la stratégie tarifaire du lieu via la mailing liste des
membres … Afin de rendre cette participation ludique, la CoRoutine a mis en place les « Joker Cards »
permettant à chacun de tirer au sort son implication dans les tâches du jour.

Figure 14 - Les Joker Cards et le principe de tarification libre à CoRoutine (Crédit : CoRoutine)

Dans cette logique poussée d’appropriation par les coworkers, CoRoutine, s’approchant d’un modèle de
co-gestion, a également mis en place le principe de contribution libre pour son coin cafeteria et les
conférences organisées au sein du lieu. Ce système basé sur la confiance ne génère apparemment pas de
dérives nuisibles à son équilibre économique. Simon Sarrazin souligne que «dans la mesure où les gens sont
autorisés à mettre d'eux-mêmes dans l'espace, ils y sont attachés et s’impliquent d’autant plus. »
Cet état d’esprit d’ouverture aux initiatives des coworkers, qui cherche à les stimuler, se retrouve à des
degrés divers dans la majorité des espaces de coworking. Peu à peu, des individus venant avant tout pour
travailler deviennent force de proposition et enrichissent la vie du lieu. La plupart des gestionnaires
soulignent ainsi qu’une part importante des animations organisées (petits-déjeuners, mini-formations,
ateliers, débats …) sont initiées par les coworkers eux-mêmes.
Ainsi, en cherchant à impliquer leurs usagers, les espaces de coworking parviendraient à susciter parmi ces
derniers un sens de bien commun, bénéfique à la vie du lieu. A une époque où de nombreuses organisations
cherchent les moyens de ré-impliquer leurs membres dans une dynamique commune, l’étude et
l’expérimentation « in vivo » de la gouvernance des espaces de coworking pourraient montrer une voie.
Certains territoires et entreprises commencent ainsi à se pencher sur ces initiatives et à s’en inspirer pour
améliorer leur propre gouvernance et le développement de projets en approche plus concertée avec leurs
habitants ou leurs salariés et les autres parties prenantes.

28
IV.2 Vers des approches plus concertées et plus durables des
politiques publiques locales
Cette approche de co-construction et de gestion par la concertation inspire de plus en plus de collectivités
dans leurs propres façons d’impulser des projets de télécentres ou espaces de coworking. Nous l’avons
évoqué plus haut et un intéressant article de Deskmag le rappelle, la France se distingue d’autres pays par
le nombre de projets initiés « from scracth » par la sphère publique. Les collectivités sont ainsi de plus en
plus nombreuses à investir dans la rénovation, l’aménagement et le raccordement très haut débit de
bâtiments pour y permettre l’installation de tiers-lieux de travail, avec les objectifs que nous avons vu
précédemment. Si les risques d’une approche « top-down » sont régulièrement soulignés par la
communauté du coworking (surdimensionnement, manque de convivialité, perte de flexibilité et de
créativité dans la gestion du lieu ..), certaines collectivités ont pris conscience en s’inspirant de ses pratiques
de la nécessité d’impliquer leurs parties prenantes (citoyens et acteurs économiques et sociaux) dès la
conception des lieux afin de garantir leur succès. On peut citer comme exemple la Communauté de
Communes de la Brie des Morin, porteuse d’un projet en milieu rural en Seine-et-Marne. Accompagnée par
LBMG Worklabs, celle-ci a mis à profit sa bonne connaissance du territoire pour mobiliser en amont les
acteurs les plus pertinents par rapport à son projet (CCI, Chambre des métiers et d’artisanats, chambre
d’agriculture, associations professionnelles, clubs d’entrepreneurs, mais aussi associations de
commerçants, de loisirs, de familles, afin de toucher le plus grand nombre de citoyens). Ces acteurs ont été
invités à relayer une enquête en ligne dans leurs réseaux, afin d’identifier les utilisateurs potentiels du futur
lieu et de comprendre leurs attentes. Mais surtout, cette enquête a permis de faire ressortir une vingtaine
d’habitants ou organisations intéressés à proposer leurs services ou compétences pour animer le lieu,
voire participer à sa gestion. Une réunion publique a ensuite permis aux plus intéressés de se rencontrer
et d’échanger sur le projet. Si cette dynamique doit être entretenue, le lieu n’étant pas encore ouvert, les
premiers germes d’une future communauté ont ainsi été créés et devraient permettre de sécuriser le
démarrage du projet et favoriser son rayonnement sur le territoire.
On observe par ailleurs des exemples intéressants de collectivités qui, ayant identifié des initiatives
spontanées de tiers-lieux sur leurs territoires, décident de s’appuyer sur ces derniers et leur expertise pour
favoriser le développement de réseaux, plutôt que d’internaliser cette compétence.
L’équipe de l’Arrêt-Minute de Pommerol a ainsi été mandatée en 2011 par la Région Aquitaine pour créer
l’association Tiers-Lieux qui doit sur une période de 3 ans sensibiliser aux enjeux du télétravail et aider au
développement de nouveaux espaces de travail alternatifs sur le territoire.
Dominique Parret, directeur de l’Innovation pour Saint-Etienne-Agglomération déclare dans la même
logique : « nous avons identifié un tissu associatif très actif sur place et avons préféré nous appuyer sur leur
connaissance terrain pour favoriser l’émergence d’un réseau de tiers-lieux sur notre territoire (espaces de
coworking mais aussi fablabs, centres de ressources numériques …). » L’équipe du Comptoir Numérique est
ainsi mandatée par la Ville pour organiser des évènements visant à faire connaître le concept de tiers-lieux
au grand public, tout en apportant son appui méthodologique et logistique à des porteurs de projets.
L’ensemble des acteurs intéressés par la démarche sont invités à rejoindre le collectif portant cette
dynamique : « Coworking Sainté ». «Ce choix du partenariat plutôt que de l’internalisation à tout prix de la
compétence est une expérimentation importante à nos yeux : de même que les espaces de coworking
réinventent l’organisation du travail ou l’immobilier d’entreprise, il s’agit pour nous d’une nouvelle manière
d’appréhender la gestion des politiques publiques et la relation aux citoyens. » indique Dominique Parret.

29
IV.3 Un accélérateur d’innovation et un vecteur de dynamisme
économique
“By means of an empirical research conducted in the coworking communities across the
Netherlands, this explorative study finds that coworking enhances knowledge diffusion, sustains
productivity growth and fosters innovation.” (DEIJL C., 2011).

IV.3.1 Le coworking facilite le partage de compétences et crée des opportunités
pour les coworkers
L’ensemble des personnes interviewées ainsi que de nombreux articles et documents d’étude soulignent
que l’une des premières contributions positives du coworking pour ses usagers et, par ricochet pour son
territoire, est qu’il facilite la mise en relation des personnes, la collaboration et le partage de compétences
entre eux. Cette communication ne pourrait émerger sans le rôle crucial des animateurs. Delphine Duriaux,
« concierge » au Comptoir Numérique explique ainsi que son métier consiste à subtilement faire découvrir,
sans imposer, à des personnes venues initialement pour travailler seules dans de bonnes conditions
matérielles, l’intérêt d’échanger avec les autres coworkers, potentiellement porteurs d’idées ou de
compétences intéressantes pour leur travail. Pour faciliter les premiers échanges, il est par exemple
proposé à chaque nouvel usager de créer une fiche présentant sa photo, son métier, son projet ou ses
compétences. Des moments de convivialité comme des déjeuners sont organisés régulièrement, au départ
par l’animateur puis de plus en plus spontanément par les coworkers. On retrouve ces pratiques dans la
plupart des espaces, en plus des animations évoquées plus haut, et celles-ci permettent dans de nombreux
cas de faire émerger spontanément des collaborations professionnelles de diverses formes.
Mutinerie, dans un article faisant le bilan de sa première année d’activité identifie ainsi 5 formes de
collaboration entre coworkers :









Travailler ensemble sur un projet commun. C’est l’exemple classique du designer et du
développeur qui, pour un temps donné, constituent une équipe.
Mutualiser des actions de communication / actions événementielles. Nous sommes
nombreux à travailler sur des problématiques connexes avec des angles d’attaque et expertises
complémentaires. Nos audiences sont différentes mais elles se complètent et se mélangent
bien.
Pratiquer le micro conseil gratuit. donner son avis sur un logo, donner quelques conseils sur
les Relations Presse, débloquer quelqu’un sur un problème technique… Ce genre de petits
coups de pouce qui font gagner beaucoup de temps.
Se refiler des bons tuyaux. “Je connais un mec super qui sait faire ça.” “Cette app est top, essaie
la.” “Tu as vu l’appel à projet ?” “Cette journaliste aimerait vous rencontrer.” “Ma cousine
cherche un stage.”
Se former mutuellement. Pouvoir s’apprendre des choses entre coworkers à l’occasion de
formations.

Michael Schwartz, co-fondateur de la Cordée, mentionne pour sa part dans le cadre de notre entretien 3
niveaux de collaboration : « 1/ la convivialité naturelle et l’échange de contacts et conseils ; 2/ les
recommandations à l'extérieur ; 3/ les collaborations et réponses communes à des appels d’offre ».

30
L’ensemble des fondateurs d’espaces indiquent ainsi, comme Lucile Aigron de l’Arrêt Minute, que les
collaborations internes deviennent vite « trop nombreuses pour être comptabilisées. »
Certains espaces comme Rueil 92 ou CoRoutine se sont pourtant essayés à les représenter, sur la base
d’enquêtes auprès de leurs membres :

Figure 15 - Réseau et interactions quotidiennes à Rueil92 Coworking Source : Rueil 92 Coworking

31
Figure 16 - Collaborations et échanges à
CoRoutine - Source : Livret de présentation CoRoutine

Dans son bilan 2012, la Ruche donne également quelques exemples concrets :

Figure 17 - Des collaborations fructueuses à la Ruche - Source: La Ruche, Bilan 2012

Xavier Jacquemet, de Mutinerie, insiste sur la valeur ajoutée de ces collaborations qui, au-delà de procurer
de nouvelles idées et opportunités aux coworkers, contribuent à « améliorer l’efficience des processus de
travail (processus d’achats, processus commercial…) » en supprimant les intermédiaires habituellement
nécessaires dans d’autres environnements de travail : le fait de pouvoir être en contact directement avec
une compétence au sein de l’espace permet aux coworkers de réaliser des gains de temps et de ressources
précieux, particulièrement pour des entrepreneurs. Les procédures s’en retrouvent également allégées,
plusieurs collaborations n’étant pas encadrées par des contrats mais fonctionnant plutôt sur des principes
de réciprocité de services rendus ou des conditions préférentielles. Delphine Duriaux confirme ainsi : « au

32
sein de l’espace de coworking chacun peut faire son marché de compétences et éviter une perte de temps
et d’énergie précieux ! ».

IV.3.2 Le coworking favorise l’innovation, la création d’entreprise et l’accès à
l’emploi
Des témoignages innombrables et études montrent également que, par la multiplication de ces échanges
et collaborations spontanées et aléatoires, le coworking favorise la créativité et l’innovation. Un article de
recherche de Bruno Moriset (voir ref.), le considère ainsi comme un « accélérateur de sérendipité », définie
comme le fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard et à l’intelligence.
Cet environnement de travail s’avère particulièrement stimulant et pertinent pour tout entrepreneur.
Lucile Aigron souligne ainsi que « L'Arrêt Minute met à disposition de porteurs de projets des locaux et une
dynamique de soutien à l'entrepreneuriat sans critères de sélection, à la différence de tous les autres types
de structure (pépinières, incubateurs, couveuses…). »
Antoine Burret et Xavier Pierre, dans un document universitaire de recherche sur les espaces de coworking
en tant que « nouveaux dispositifs accompagnant la création d’entreprise » schématisent ainsi les
nombreux apports des espaces de coworking à leurs usagers :

Figure 18 - Les apports des espaces de travail collaboratif pour les utilisateurs - Source : BURRET A., PIERRE X.

Les exemples d’idées d’entreprise nées et développées au sein d’espaces de coworking sont légion. Un
journaliste qui ne connaissait rien du web a ainsi découvert au Comptoir Numérique les multiples usages
qu’il pouvait en faire pour enrichir son travail et y a développé son projet de journal 100% en ligne.
A la Cordée, Caroline, créatrice de l’entreprise « Travaux futés », qui permet aux particuliers d’acheter à
prix cassés des matériaux invendus, a rencontré Frédéric, coach de travaux à faire soi-même pour les
particuliers. Ils ont ainsi pu développer une offre conjointe pour développer leurs business respectifs.
33
Cet environnement propice à l’entreprise peut aussi profiter aux chercheurs d’emploi. Deux personnes
en recherche sont ainsi actuellement en train de développer leur projet à l’Arrêt Minute. Ils y trouvent une
dynamique de travail qu'ils n'ont pas seuls chez eux.
Un étudiant réalisant son mémoire de fin d’études a été accueilli gratuitement à Mutinerie pendant un été
en l’échange de services rendus (accueil, bar ). Sans avoir à le chercher, il a trouvé son premier travail sur
place, auprès d’une entreprise fréquentant l’espace.
Un autre étudiant a pu s’entrainer pour se préparer à des entretiens en anglais et rédiger son CV numérique
en fréquentant le Comptoir Numérique pendant 3 mois.
Pour terminer cette partie, montrant les multiples impacts bénéfiques qu’a le coworking sur l’esprit
d’entreprise des personnes, il est enfin particulièrement parlant de noter qu’il fait naître chez certains
coworkers des vocations d’entrepreneurs pour fonder …. leurs propres espaces de coworking. Ainsi, de
nouvelles « Ruches » sont en préparation à Khinshasa, Montréal, et Bruxelles. Mutinerie raconte
également : « Deux coworkers mutins sont en train d’ouvrir leurs propres espaces de coworking : Anh Tuan
Gai avec Coswos à Montpellier et Francesco Cingolani à Paris avec Super Belleville. D’autres espaces nous
ont fait l’honneur de s’inspirer de Mutinerie comme La Poudrière que viennent d’ouvrir les joyeux drilles de
Coworking Nancy. »

IV.3.3 Le coworking aurait un impact positif sur le chiffre d’affaires des
entrepreneurs
Le fait de travailler en espace de coworking aurait également un impact positif sur le chiffre d’affaires de
certains usagers free-lancers ou entrepreneurs. On retrouve dans tous les témoignages deux explications à
cela :
 une amélioration de la qualité de travail et de la productivité liée à un environnement de travail
stimulant,
 de nouvelles opportunités d’affaires générées par contact au sein du lieu ou à l’extérieur.
Lucile Aigron souligne ainsi que la majorité des coworkers de l’Arrêt Minute ont observé un retour
économique direct depuis leur adhésion. A titre personnel elle déclare : «Avant l'Arrêt Minute mon activité
de graphiste me rapportait X K€ dans l'année. Au bout d'un an: 30% de plus. L’année prochaine je devrais
encore progresser de 40%. »
En interrogeant ses coworkers lors de son enquête annuelle 2013, la Cordée fait le même constat :

Figure 19 - Les impacts de la Cordée sur le chiffre d’affaire de ses coworkers -

Source : Enquête usagers 2013

34
Claudia Deijl, dans une étude sur les impacts économiques du coworking aux Pays-Bas confirme:
« Regression analysis has established that users of coworking spaces have a significantly higher income than
the average entrepreneur ».

IV.3.4 Un pôle de compétences à disposition des entreprises et porteurs de projets
locaux :
Plusieurs espaces de coworking, conscients d’être des viviers de compétences, ont initié différentes
actions permettant de les valoriser et d’en faire bénéficier les acteurs de leurs territoires.
Arrêt-Minute organise ainsi des partages de savoirs ouverts à tous les habitants. Lucile Aigron souligne
toutefois qu’il est difficile de faire franchir le pas de porte aux personnes externes à l’espace. Les coworkers
organisent par ailleurs des conférences et ateliers pour les entreprises et artisans dans les locaux de la CCI.
Enfin, un projet de centre de formation avec les compétences des coworkers est en cours. Ces derniers
créent l'offre ensemble. 30% des recettes sont reversés à l'Arrêt Minute. Un modèle gagnant-gagnant
permettant de renforcer la collaboration entre coworkers, de trouver d’autres ressources pour renforcer le
modèle économique du lieu, tout en accentuant la visibilité du lieu et en accroissant son impact sur le
territoire.
Dans la même logique, Mutinerie vient de lancer sa Mutinerie School, qui propose aux entrepreneurs et
aux freelances des formations ponctuelles, ciblées et pratiques réalisées par les coworkers autour de trois
axes : Tech, Design et Business.
Un article du figaro d’août 2013 mentionne également le projet de Co-work in Grenoble qui souhaite
ouvrir en 2014 une école de l’entrepreneuriat, en s’appuyant sur les créateurs d’entreprise qu’il abrite
pour « «ouvrir le champ des possibles des personnes en mal d'horizon », répondant ainsi à une idée
récemment développée par la Ministre des PME de l’Innovation et de l’Economie Numérique.

IV.3.5 Un laboratoire d’innovation sociale
Plusieurs exemples tendent également à démontrer la valeur des espaces de coworking comme
laboratoires privilégiés de l'innovation sociale, au service de leurs territoires. Celle-ci est définie comme
un processus d’innovation collective permettant d’apporter une solution nouvelle à un besoin social
nouveau ou mal satisfait en impliquant la participation des acteurs concernés. Elle est de plus en plus
reconnue, au niveau européen comme au niveau local, comme l'une des solutions à privilégier pour
répondre aux défis sociaux et environnementaux accentués par les crises économiques.
Pour Dominique Parret, directeur de l’Innovation de Saint-Etienne Agglomération, les tiers-lieux - espaces
de coworking mais aussi Fablab - permettent de créer dans la ville « des zones franches d’innovation
sociale [favorisant] de nouvelles formes de lien social entre des publics d’horizons divers, propices à la
créativité et à l’entrepreneuriat ». La ville et la Région Rhône-Alpes soutiennent ainsi l’émergence d’un
« Incubateur de projets Open Source » imaginé par le réseau « Coworking Sainté », visant à accompagner
des porteurs d’idées ou de projets à forte valeur ajoutée pour le territoire, non seulement économique
mais aussi sociale et environnementale.
L’association NETIS, le coworking d’initiative étudiante de l’Université Paris-Est de Marne-la-Vallée, propose
de son côté d’offrir à ses membres « un cadre pérenne d’expression et d’expérimentation du travail
collaboratif (pratiques et valeurs associées) par le développement de projets non marchands. » Sylvie

35
Mercier, professeur associé à l’Université qui accompagne les étudiants dans cette démarche, souligne
l’importance de ce lieu « physique » qui se révèle être un excellent instrument pédagogique : « les élèves
des différents Masters, dont les rythmes scolaires ne coïncident pas et ne leur permettent que de se croiser,
ont ainsi créé les conditions pour se retrouver autour de ce qui est devenu une véritable cellule
d’innovation au service du territoire». Plusieurs projets associant les compétences complémentaires des
diplômants des majeures Immobilier et TIC du département Management Ingénierie des Services y ont ainsi
été développés dans une approche collaborative avec des organismes publics (tels que le SAN Val d’Europe)
et privés (Orangelabs). La première année, le projet pédagogique portant sur la donnée ouverte (Open
Data) a par exemple abouti à la création collective d’une application basée sur OpenStreetMap qui
cartographie les lieux d’Art Thérapie présents en Europe pour répondre aux besoins l’association d’aide aux
handicapés mentaux la Gabrielle. Le projet a été co-financé par la Commission Européenne dans le cadre
d’un programme de soutien aux initiatives citoyennes basées sur l’Open Data.
A la CoRoutine, dont les fondateurs sont issus de l’économie sociale et solidaire, des rencontres sont
organisées tous les mois pour permettre à des porteurs de projets d’innovation sociale de challenger
(« pitcher ») leurs idées et de tester leurs réalisations auprès des coworkers.
On pourrait considérer que cette réalité ne concerne que les espaces de coworking clairement liés au
mouvement de l’entrepreneuriat social. Toutefois on constate que même dans les espaces « généralistes »
on retrouve souvent une proportion significative de porteurs de projets « à vocation positive » sociale
et/ou environnementale. Ainsi, la Cordée a remarqué que ces derniers concernaient 30% de ses
coworkers. Ses fondateurs considèrent également leur participation aux réflexions du Grand Lyon sur
l'Innovation Sociale comme une prolongation logique de leurs efforts pour promouvoir les vertus de
l’attitude collaborative. L’Arrêt Minute accueille également des entrepreneurs sociaux des coopératives
d'activité et d'emploi Co-action et Coop'alpha.
Là encore, ces constats poussent les acteurs à la recherche de nouveaux modèles d’innovation à s’intéresser
au coworking. Des entreprises de la distribution spécialisée ont ainsi visité la CoRoutine pour s’inspirer et
imaginer des moyens de renforcer leur capacité d’innovation à valeur ajoutée sociétale ou
environnementale.

IV.3.6 Le coworking pourrait permettre la (re)dynamisation de l’économie locale
Une tendance à privilégier l’économie locale dans les achats et la recherche de solutions
On retrouve chez beaucoup de fondateurs d’espaces interviewés une volonté de favoriser le recours aux
entreprises locales dans leurs diverses démarches. La Cordée réalise ainsi plus de la moitié de ses achats
auprès de fournisseurs présents sur le territoire lyonnais.
La CoRoutine privilégie pour les produits alimentaires et boissons la boutique
« Envie d'ici », engagée à ne vendre que des biens de consommation produits
dans un rayon de moins de cent cinquante kilomètres.
Figure 20 - Livraison « Envies d’ici » -

Crédit : Envies d’ici

Certains espaces privilégient également autant que possible les artisans locaux pour leur aménagement.

36
Dans un autre registre, Sylvie Mercier, professeur associé à l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée indique
que la philosophie des projets développés au sein du coworking étudiant NETIS est de systématiquement
rechercher les solutions les plus proches sur le territoire, dans une double optique de maximiser l’efficience
des processus et de valoriser les compétences et savoir-faire locaux.
On ne peut généraliser à l’ensemble des espaces de coworking cette recherche de valorisation de
l’économie locale, qui repose essentiellement sur la personnalité et la volonté des fondateurs. L’enjeu de
relocalisation est cependant bien perceptible dans les initiatives de coworking rural qui commencent à se
multiplier en France.
En zone rurale, des effets sur le commerce de proximité
En zone rurale encore, l’installation d’un espace de coworking, au-delà de favoriser ou de préserver
l’implantation d’activités sur le territoire, permet également de créer une nouvelle source de clientèle pour
les commerces et services de proximité, souvent menacés par la désertification. On peut ainsi citer l’Arrêt
Minute : « Une dizaine de coworkers vont régulièrement à la Poste : ils créent du flux pour les services et
commerces locaux. Les clients et amis des coworkers viennent aussi dans l'espace : autant de clients
additionnels potentiels pour les commerces de Pomerol, [village de 735 habitants]. »

IV.4 Une source de mieux-être et de qualité de vie pour ses usagers
Les exemples présentés jusqu’ici démontrent les impacts directs que peuvent avoir les espaces de
coworking sur le dynamisme économique local. Un autre aspect particulièrement intéressant et palpable
réside dans leur impact sur le bien-être et la qualité de vie de leurs usagers.
Michael Scwhartz rappelle comme de nombreux fondateurs de coworking interviewés que cela a été pour
lui une motivation importante lors de la création de son espace : «Avec la Cordée nous souhaitions soutenir
le travail indépendant, permettre à des personnes de maintenir leur activité mais aussi créer de l'entraide,
réduire la solitude des gens, favoriser le vivre mieux et l'équilibre de vie. » Des programmations autour du
mieux-être sont ainsi organisées afin d’ouvrir les horizons des coworkers à d’autres sujets que leur
quotidien professionnel et de « transmettre sans imposer une philosophie du ʽ faire mieuxʼ plutôt que
ʽ plus ʼ ».
Le travail en espace de coworking permettrait ainsi d’accroître le bien-être au travail et même, selon
certains, le sentiment de bonheur. Xavier Jacquemet, co-fondateur de Mutinerie, suggère pour mesurer
cet effet de « mettre une caméra le matin au dessus de la porte d’entrée de [son espace] et de compter le
nombre de visages souriants à leur arrivée ».
Concrètement, cette contribution au bien-être se décompose selon les axes suivants :


Meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle :
o grâce à une séparation plus nette entre l’univers de travail et la maison. Ce point est
particulièrement important pour des indépendants et entrepreneurs qui travaillent bien
souvent à domicile pour des raisons économiques.
o grâce à la réduction des temps de transport domicile-travail. Cet effet demeurant toutefois
encore limité compte-tenu du faible nombre de salariés fréquentant aujourd’hui les
espaces de coworking.

37


Sortie de l’isolement et (re)découverte des vertus de la convivialité et de l’entraide : pour les
travailleurs indépendants et les entrepreneurs particulièrement, le coworking présente
l’avantage majeur de sortir d’un isolement caractéristique de leur activité. Elodie Chatelais, qui
fréquente Coworking Saint-Brieuc indique ainsi que « nous assistons à la naissance d’une
alternative réelle au salariat ou à l’isolement du freelance, c’est enthousiasmant ! ».
Au-delà de cet impact, dont on pourrait considérer que l’intérêt est limité à des personnes
travaillant habituellement à leur domicile, plusieurs usagers témoignent du fait que le
coworking leur permet de vivre, voire de retrouver, les plaisirs simples de la convivialité et de
l’entraide – rencontrer des personnes nouvelles ouvrant d’autres horizons, échanger, rire, être
soutenu en cas de difficulté… – qui manquent de plus en plus dans les grands pôles urbains
mais aussi dans le monde du travail. Comme nous l’avons vu plus haut, les enquêtes utilisateurs
soulignent même que ce point devient au fil du temps pour de nombreux coworkers l’une des
premières motivations à fréquenter « leur » espace.



Montée en confiance par la pratique de la coopération et de la collaboration : plusieurs
gestionnaires d’espaces et usagers témoignent enfin des forts impacts qu’ont la promotion et
la pratique de l’état d’esprit collaboratif sur l’ « empowerment » - ou la « capacitation » - des
personnes. La posture volontairement bienveillante des fondateurs d’espace, la possibilité de
solliciter des conseils et toutes les formes de collaboration évoquées plus haut favorisent ainsi
l’autonomisation des individus, leur prise de conscience de leurs propres compétences mais
aussi des points sur lesquels l’appel à d’autres sera nécessaire. Certains usagers soulignent ainsi
des impacts positifs sur le sentiment de confiance en soi mais aussi envers les autres. Au cours
des entretiens, plusieurs cas ont été évoqués de personnes en situation d’échec professionnel
ou personnelle - voire de dépression - ayant été « reboostées » par la fréquentation du
coworking.

Nous présentons ci-dessous divers témoignages de coworkers illustrant ces impacts :
Coworkers de l’Indy Hall, Philadelphie:

38
Tiers lieux coworking et developpement durable des territoires giordani-caffet
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Tiers lieux coworking et developpement durable des territoires giordani-caffet

  • 1. Cycle 2012-2013 TIERS-LIEUX DE TRAVAIL : QUELLES CONTRIBUTIONS AU DEVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES ? Une approche par l’étude des espaces de coworking Camille GIORDANI-CAFFET Mémoire professionnel du BADGE Développement Durable et RSE Mines ParisTech ISIGE 35, rue Saint Honoré 77300 Fontainebleau www.mines-paristech.fr/isige 1
  • 2. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier vivement l’ensemble des personnes m’ayant aidé à accomplir ce travail. Pascale DROMIGNY, pour son coaching, ses relectures précises et ses conseils. Nathanaël MATHIEU et Yoann DURIAUX pour m’avoir mise en relation avec de nombreux acteurs tout au long de cette étude. Antoine BURRET pour ses relectures et conseils méthodologiques. L’ensemble des personnes ayant accepté de m’accorder du temps pour des entretiens : Lucile AIGRON, Marjorie CAVAYÉ, Thomas BIRAULT, Delphine DURIAUX, Michael SCHWARTZ, Simon SARAZIN, AnneSophie CALAIS, Xavier JACQUEMET, Sylvie MERCIER, Antonin LEONARD, Dominique PARRET, Gérard EUDE, Léa VASA, Thomas PETITJEAN, Laure FABIANI, Annick KICHENAMA, Benoît LIOTARD, Alain BOUVIER. Mes collègues de LBMG WORKLABS pour avoir géré mes absences et pics de stress pendant ces mois de formation. Marie-Louise TRONC pour ses relectures et suggestions. Enfin ces remerciements ne seraient pas complets sans citer mes proches, particulièrement JeanChristophe pour m’avoir encouragée et changé les idées quand j’en avais besoin. Un grand merci pour leur patience et leur écoute. 2
  • 3. RESUMÉ Quasi inexistants en France il y a encore 5 ans, les « tiers-lieux de travail » se développent aujourd’hui à un rythme exponentiel. Entre domicile et bureau traditionnel, télécentres et espaces de coworking permettent à tout un chacun de louer de manière très flexible des espaces de travail connectés à internet, et d’accéder à des équipements et services mutualisés. Salariés en télétravail, indépendants, petites entreprises, chercheurs d’emploi … des usagers très divers sont amenés à s’y croiser. La création de ces lieux est de plus en plus encouragée en France par les Collectivités, avec des objectifs de soutien à l’activité économique et à l’innovation locales et de développement durable du territoire. En se concentrant sur une étude approfondie des pratiques à l’œuvre dans les espaces de coworking, ce mémoire montre par des exemples concrets en quoi ces nouveaux lieux peuvent contribuer au développement durable des territoires : dynamisme économique, fertilisation croisée des compétences locales, bien-être des usagers, stimulation de l’innovation sociale, promotion de modes de vie et de consommation durables sont les principaux domaines d’impact observés. Ce travail vise également à être utile à l’ensemble des parties prenantes des tiers-lieux de travail, en proposant une grille exploratoire d’indicateurs permettant d’évaluer leurs valeurs ajoutées pour les territoires et de promouvoir celles-ci auprès du grand public et des financeurs. ABSTRACT Not existing in France another 5 years ago, “third places to work” develop with an exponential rhythm today. Between home and traditional office, telecentres and coworking spaces allow everyone to rent in a very flexible way workspaces connected to internet, and to benefit from mutualized equipments and services. Telecommuters, free-lancers, small companies, unemployed people … very diverse users are brought to meet up there. The creation of these places is more and more encouraged in France by public authorities, with the objectives to support a sustainable local development. This in-depth study, focusing on the practices of coworking spaces, shows by concrete examples in which ways these new places can contribute to the sustainable development of territories: economic dynamism, cross-fertilization of the local skills, well-being of their users, stimulation of social innovation, promotion of more sustainable lifestyles are the main observed domains of impact. This work also aims at providing a useful tool for all the stakeholders of “third places to work”, by proposing a grid of indicators to evaluate their contribution to local sustainable development and to promote it to the public authorities and investors. MOTS-CLEFS coworking, télécentres, tiers-lieux, télétravail, développement durable, territoires, collaboration, collectivités, gouvernance transversale, économie collaborative, innovation, intelligence collective, entreprises, lien social, innovation sociale cowoking, telecentres, third place, telecommuting, sustainable development, territories, collaboration, governance, collaborative economy, social innovation, companies, socialization , collective intelligence 3
  • 4. LISTE DES FIGURES Figure 1 - Une définition du coworking proposée par le Comptoir Numérique, implanté à Saint-Etienne. ....... 10 Figure 2 - Les composantes des Tiers-Lieux OpenSource (Crédit : TiLiOS) .......................................................... 10 Figure 3 - Nb d’espaces de coworking dans le monde - Source: Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013.11 Figure 4 - Répartition des tiers-lieux de travail en France - Source : LBMG Worklabs 2012 ............................... 12 Figure 5 - L’explosion des espaces de coworking en France - Source : LBMG Worklabs, 2012. ......................... 12 Figure 6 - Les mots-clefs du coworking................................................................................................................ 13 Figure 7 - Typologies d’animation d’un espace de coworking - Source : Livret de présentation CoRoutine ...... 14 Figure 8 - Critères de différentiation des espaces de coworking - Source : Silicon Sentier, 2009. ..................... 15 Figure 9 - Exemples d’espaces de coworking - CoRoutine, Mutinerie, la Cordée, le Hub Madrid. ..................... 15 Figure 10 - Les parties prenantes des espaces de coworking .............................................................................. 19 Figure 11 - Les services d’un télécentre en milieu rural selon Initiative Télécentres 77 ..................................... 21 Figure 12 -Motivations des usagers des coworking - Source : Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013. .. 22 Figure 13 - Principaux freins au développement du télétravail - Source : Tour de France du Télétravail 2012 . 22 Figure 14 - Les Joker Cards et le principe de tarification libre à CoRoutine - Crédit : CoRoutine ....................... 28 Figure 15 - Réseau et interactions quotidiennes à Rueil92 Coworking - Source : Rueil 92 Coworking ............... 31 Figure 16 - Collaborations et échanges à CoRoutine - Source : Livret de présentation CoRoutine .................... 32 Figure 17 - Des collaborations fructueuses à la Ruche - Source: La Ruche, Bilan 2012....................................... 32 Figure 18 - Apports des espaces de travail collaboratif pour leurs utilisateurs - Source: BURRET A., PIERRE X. 33 Figure 19 - Impacts de la Cordée sur le chiffre d’affaire de ses coworkers - Source : Enquête usagers 2013 .... 34 Figure 20 - Livraison « Envies d’ici » - Crédit : Envies d’ici ................................................................................... 36 Figure 21 - Témoignages de coworkers - Sources : divers ................................................................................... 39 Figure 22 - La quête de l’équilibre personnel selon Hindy Hall - Crédit : Indy Hall ............................................. 39 Figure 23 - Produits conditionnés en ESAT - Crédit : CoRoutine ......................................................................... 41 Figure 24 - « Partage ton Frigo » à la Poudrière - Dans L’Est Républicain ........................................................... 42 Figure 25 - Modalités de transport domicile -coworking des Encordés - Source : La Cordée ............................. 43 Figure 26 - La Veilleuse de la CoRoutine – Dans Nord Eclair ............................................................................... 45 Figure 27 - Les indicateurs de Richesse du Pays de Loire .................................................................................... 50 Figure 28 - Comparatif des thèmes du DD dans plusieurs cadres de référence- Source : DATAR-CGDD, 2009.. 51 4
  • 5. SOMMAIRE INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 7 I. TIERS-LIEUX ET COWORKING : DE QUOI PARLE-T-ON ? ................................................................................ 9 I.1 Définition et typologie des tiers-lieux ......................................................................................................... 9 I.2 Le coworking : chiffres clefs ...................................................................................................................... 11 1.2.1 Le coworking dans le monde ......................................................................................................... 11 1.2.2 Le coworking en France ................................................................................................................. 12 I.3 Le coworking : un état d’esprit commun .................................................................................................. 12 I.4 Des approches différenciées ..................................................................................................................... 14 II. METHODOLOGIE D’ETUDE ............................................................................................................................ 16 II.1 Recueil de témoignages ............................................................................................................................ 16 II.1.1 Entretiens individuels .................................................................................................................... 16 II.1.2 Manifeste des Tiers-Lieux.............................................................................................................. 18 II.2 Recherche et analyse documentaire ......................................................................................................... 18 II.3 Observation et retour d’expérience LBMG Worklabs ............................................................................... 18 III. ETUDE DES PARTIES PRENANTES ................................................................................................................. 19 III.1 Identification des parties prenantes ......................................................................................................... 19 III.2 Attentes des parties prenantes ................................................................................................................. 20 III.2.1 Les Collectivités ............................................................................................................................. 20 III.2.2 Les usagers .................................................................................................................................... 21 III.2.3 Autres parties prenantes : ............................................................................................................. 23 IV. COWORKING ET DEVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES : Revue de pratiques et témoignages .. 26 IV.1 La nécessaire implication des usagers : co-construction et gouvernance transversale ........................... 26 IV.1.1 Co-construction ............................................................................................................................. 26 IV.1.2 Gouvernance transversale............................................................................................................. 27 IV.2 Vers des approches plus concertées et plus durables des politiques publiques locales ......................... 29 IV.3 Un accélérateur d’innovation et un vecteur de dynamisme économique............................................... 30 IV.3.1 Le coworking facilite le partage de compétences et crée des opportunités pour les coworkers. 30 IV.3.2 Le coworking favorise l’innovation, la création d’entreprise et l’accès à l’emploi ....................... 33 IV.3.3 Le coworking aurait un impact positif sur le chiffre d’affaires des entrepreneurs ....................... 34 IV.3.4 Un pôle de compétences à disposition des entreprises et porteurs de projets locaux : .............. 35 IV.3.5 Un laboratoire d’innovation sociale .............................................................................................. 35 IV.3.6 Le coworking pourrait permettre la (re)dynamisation de l’économie locale ............................... 36 5
  • 6. IV.4 Une source de mieux-être et de qualité de vie pour ses usagers ............................................................ 37 IV.5 Un laboratoire et une vitrine de modes de consommation et de vie plus durables ................................ 40 IV.5.1 Sensibilisation des usagers aux enjeux du développement durable............................................. 40 IV.5.2 Promotion d’une consommation plus responsable ...................................................................... 41 IV.6 Une alternative au télétravail à domicile pour les personnes handicapées ?.......................................... 43 IV.7 Des impacts environnementaux encore limités ....................................................................................... 43 IV.7.1 Transport domicile-travail ............................................................................................................. 43 IV.7.2 Energie ........................................................................................................................................... 44 IV.8 Un levier pour améliorer la qualité de vie locale et développer le lien social ? ...................................... 44 IV.8.1 Animation de la vie de locale et création de lien social : .............................................................. 45 IV.8.2 Projets à vocation sociale .............................................................................................................. 46 V. MESURER LES CONTRIBUTIONS EN TERMES DE DEVELOPPEMENT DURABLE : QUELS INDICATEURS ?.... 47 V.1 Intérêt et limites de l’exercice ................................................................................................................... 47 V.2 Méthodologie de définition des indicateurs : ........................................................................................... 48 V.2.1 Démarches d’auto-évaluation de télécentres ou espaces de coworking ..................................... 48 V.2.2 Indicateurs territoriaux de développement durable..................................................................... 48 V.3 Tiers-lieux de travail et développement durable des territoires : pistes d’indicateurs ............................ 53 CONCLUSION ....................................................................................................................................................... 57 REFERENCES......................................................................................................................................................... 59 6
  • 7. INTRODUCTION Dans une étude prospective sur les « tendances de l’architecture et de l’espace public » réalisée en 2010 pour le Centre de Ressources Prospectives du Grand Lyon, « Millénaire 3 », l’architecte Elisabeth Perrot résumait ainsi les changements à l’œuvre sur la notion d’espace de travail dans nos sociétés post-modernes et s’interrogeait sur ses conséquences sur le visage urbain : « Le XXème siècle avait séparé d’un côté les temps et les lieux du travail, de l’autre le domicile et les activités personnelles. Sous les effets conjugués de l’explosion des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) et des préoccupations environnementales, s’amplifient les usages professionnels en des lieux de nouveaux genres, aussi hybrides que le réseau lui-même. Ces tiers-lieux participent à la progression du télétravail, dans des formes salariées ou auto-entrepreneuriales. Par nature polymorphes, dispersés sur le territoire, domiciliés et repérables, mais aussi instables, temporaires ou évènementiels, comment ces tiers-lieux produisent-ils ou participent-ils à leur environnement urbain ? ». Quasi inexistants en France il y a encore 5 ans, les « tiers-lieux de travail » (télécentres, espaces de coworking…) s’y développent aujourd’hui à un rythme exponentiel. Entre domicile et bureau traditionnel, ils permettent à tout un chacun de disposer de manière très flexible de bureaux connectés à internet, et d’accéder à des équipements et services mutualisés. Travailleurs indépendants, petites entreprises, salariés en télétravail ou en déplacement, chercheurs d’emploi … des usagers très divers sont ainsi susceptibles de s’y croiser. Particularité de la France, la création de ces lieux est de plus en plus suivie et encouragée par les acteurs de la sphère publique, qui y voient un moyen de stimuler le développement économique local et l’innovation en exploitant les possibilités offertes par le numérique, de créer du lien social sur le territoire et de contribuer, à long terme, à la décongestion des transports et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) par le développement du télétravail. Ces projets rassemblent ainsi dans leurs enjeux mêmes, tels qu’imaginés par leurs initiateurs et financeurs, les trois grands «axes» du développement durable. Ils constitueraient selon certaines études prospectives des centres névralgiques des villes durables, villes « des temps pluriels » et « servicielles ». Le cabinet au sein duquel je travaille, LBMG Worklabs, spécialisé dans la mise en œuvre du télétravail au sein des organisations et dans la conception d’espaces de travail alternatifs, accompagne les porteurs de projets dans l’émergence de ces lieux. L’objet de ce mémoire est de confronter les discours à la réalité en tentant d’identifier, à partir de cas réels, en quoi ces « tiers-lieux de travail », par leur existence ou les processus et pratiques qu’ils favorisent, sont effectivement susceptibles d’apporter une contribution positive - alliant performance économique, sociétale et environnementale - à leurs territoires. La première partie de ce document visera à clarifier pour le lecteur quelques notions clefs pour la bonne compréhension de cette étude, qui se focalise essentiellement sur les espaces de coworking. La deuxième partie présentera la méthodologie suivie. La troisième partie sera consacrée à l’identification des parties prenantes des tiers-lieux de travail et de leurs attentes vis-à-vis de ces espaces. La quatrième partie présentera, sous forme de recueil d’observations et de témoignages, les contributions positives que peuvent apporter les espaces de coworking par rapport à ces attentes et en matière de développement durable pour leur territoire. 7
  • 8. Enfin je tenterai dans une dernière partie d’élaborer une grille d’indicateurs qui permettraient aux tierslieux de travail, dans une démarche volontaire, de mesurer concrètement et ainsi valoriser leurs contributions auprès des parties prenantes de leur territoire. N.B : tout au long du document, la présence de texte souligné caractérise la présence de liens web permettant au lecteur « en ligne » d’accéder directement s’il le souhaite aux sources citées pour approfondir les sujets. 8
  • 9. I. TIERS-LIEUX ET COWORKING : DE QUOI PARLE-T-ON ? I.1 Définition et typologie des tiers-lieux La notion de « tiers-lieux » a été originellement introduite en 1989 par le sociologue Ray Oldenburg pour désigner des lieux ne relevant ni du domicile ni du travail (respectivement « premier » et « second » lieu) essentiels selon lui dans toute société pour l’entretien d’une vie civique et démocratique. Ces lieux tels que les cafés, les librairies, les bars, ou même les salons de coiffure dans certains pays, présentent selon lui les caractéristiques communes de permettre les rencontres dans un cadre informel en mettant à disposition de tous un terrain neutre, accessible et accueillant, dans lequel les échanges entre habitués et visiteurs occasionnels contribuent à créer une communauté vivante et un sentiment d’appartenance (au groupe mais aussi à la société). Par extension, le terme de « tiers-lieux de travail » est utilisé depuis quelques années pour désigner de façon générique les nouvelles alternatives d’espaces de travail proposées à des professionnels de plus en plus mobiles, entre le domicile et le bureau traditionnel. Ces espaces présentent des formats spécifiques en fonction de leur territoire d’accueil et des objectifs de leurs fondateurs. On a d’abord vu se multiplier depuis 2006 les initiatives de télécentres impulsées en milieu rural dans le cadre de politiques publiques de développement économique et d’attractivité territoriale visant à favoriser l’implantation d’activités en télétravail (salarié ou indépendant). Constitués le plus souvent de petits bureaux fermés et de salles de réunion, ces derniers remportent aujourd’hui encore un succès mitigé, faute de moyens suffisants consacrés à la qualité des équipements, aux services proposés mais aussi à la programmation et à l’animation des lieux. En parallèle, on a observé l’émergence spontanée et le succès grandissant en milieu urbain de nouveaux types de lieux, les espaces de coworking. Le coworking est né en 2005 à San Francisco de la volonté d’une nouvelle catégorie de travailleurs indépendants issus de la révolution numérique (graphistes, webdesigners …) de partager des bureaux pour sortir de leur isolement tout en réalisant des économies. Le désir de ces habitués des réseaux sociaux de partager avec le plus grand nombre leur enthousiasme pour cette solution a entraîné la création et l’essaimage fulgurant - aux Etats-Unis comme dans le reste du monde – d’espaces de coworking ouverts à tous, s’adressant en priorité à une population croissante de travailleurs autonomes et de petites structures entrepreneuriales. A la différence des télécentres, le coworking ne se définit pas uniquement comme un lieu physique, mais avant tout comme un mode d’organisation du travail qui regroupe à la fois un espace partagé et un réseau de travailleurs encourageant l’échange et l’ouverture. Il privilégie ainsi les espaces de travail ouverts et l’animation, afin de multiplier la création d’opportunités pour ses usagers, les coworkers. En France, si la plupart des coworking sont portés par des initiatives privées, ils sont de plus en plus soutenus par les acteurs publics avec des objectifs de soutien à l’innovation et à la création d’entreprise. On observe par ailleurs que les pratiques et l’agencement de ces espaces inspirent les collectivités, notamment en milieu péri-urbain, pour concevoir des tiers-lieux de travail hybrides, mi-télécentre / micoworking, visant à répondre aux besoins de catégories d’usagers divers (indépendants et TPE mais aussi salariés). 9
  • 10. Figure 1 - Une définition du coworking proposée par le Comptoir Numérique, implanté à Saint-Etienne. Dans certains cas, on voit se greffer, autour de ces espaces de coworking, d’autres types d’espaces ou briques de services plus ou moins ouvertes sur leur territoire : Fablab ou Maker spaces visant à fournir au plus grand nombre des outils mutualisés (mouvement Do It Yourself), mais aussi espaces publics de formation aux pratiques numériques ou points relais pour la consommation collaborative. Certains de ces exemples ont été conceptualisés sous le nom de « Tiers-Lieux Open Source » et leurs processus d’émergence et de gestion sont en cours de documentation sur un wiki – Movilab – pour permettre leur multiplication. Au-delà de ces initiatives, plusieurs penseurs et acteurs de la ville et des territoires durables appellent à l’émergence, autour des télécentres et des coworking, de réels tiers-lieux, plus proches de la notion originelle de Ray Oldenburg car mixant des usages divers, professionnels et non professionnels. Jean-Baptiste Roger, directeur de la Fonderie, l’agence numérique de la Région Ile-de-France, déclarait ainsi en 2012 : « Les Figure 2 - Les composantes des Tiers-Lieux OpenSource (Crédit : TiLiOS) tiers-lieux de travail donnent une nouvelle mobilité aux salariés, une ouverture sur le monde et une stimulation que l’entreprise traditionnelle ne peut plus leur assurer […]. Il est très envisageable de créer, autour de ces lieux de nouveaux pôles d’attractivité, avec des crèches, des commerces, des services publics… Aujourd’hui, les villes et territoires sont tellement fragilisés par les trajets domicile-travail qu’il devient urgent de relocaliser les activités au plus près des habitants. Les tiers-lieux peuvent y contribuer.» En 2013, ces lieux hybrides n’ont pas encore vraiment vu le jour en France. Cependant les projets qui en portent les germes se multiplient, bousculant ainsi les définitions « cloisonnantes » en tachant de répondre avant tout à des besoins locaux pré-identifiés. Ce travail se focalise essentiellement sur l’étude d’espaces de coworking - ce choix étant motivé par trois raisons principales :  le caractère spontané et exponentiel de la multiplication de ces espaces à travers le monde, témoignant de l’existence d’un mouvement de fonds, reflet des mutations profondes en cours dans le monde du travail (forte croissance du travail indépendant et de l’auto-entrepreneuriat, aspiration des travailleurs à plus de liberté et de flexibilité dans l’organisation du travail). 10
  • 11.   leur caractère innovant : - par leur manière d’appréhender le rapport des individus au travail - par les processus de création qu’ils favorisent - par les liens qu’ils permettent de créer entre leurs usagers et avec les acteurs du territoire les questions que ces nouveaux lieux posent aux collectivités et aux entreprises et la source d’inspiration qu’ils représentent pour des territoires et organisations de plus en plus confrontés à des problématiques d’attractivité, de capacité créative, de gouvernance, de recréation de lien humain et de sens. Début 2013 un fondateur de « Mutinerie », espace de coworking parisien, évoquait ainsi cet intérêt croissant pour le phénomène : « Depuis deux ans, nous avons été contactés par une multitude d’acteurs différents : des collectivités locales, des agences publiques, des associations, des promoteurs immobiliers, des centres d’affaires, des groupements d’entrepreneurs, des groupements d’employeurs, des sociétés de portage, des centres d’études et de recherche, des accélérateurs, des universités et grandes écoles, des agences d’archi et de design, des sociologues, des étudiants…Ils viennent nous voir parce qu’ils trouvent ici un cas d’étude, une proposition nouvelle. » Pour aller plus loin sur la notion évolutive de « tiers-lieux » :    I.2 Philippe Cazeneuve : « A la rencontre du 3ème type … de lieu » Marie D. Martel : « Le tiers-lieu, retour aux sources » Raphaël Besson : « Les tiers-lieux, une notion à expérimenter et co-construire » Le coworking : chiffres clefs 1.2.1 Le coworking dans le monde Depuis la création du Hat Factory à San Francisco en 2005, le nombre d’espaces de coworking à travers le monde n’a cessé de croitre, doublant quasiment chaque année. La 3ème enquête mondiale menée par le magazine spécialisé Deskmag recensait ainsi près de 2500 espaces fréquentés par près de 110 000 coworkers. Si ce chiffre peut encore sembler dérisoire au regard de la population active mondiale, l’ensemble des observateurs s’accordent à dire que le mouvement, qui voit naître 4 nouveaux espaces par jour, ne semble pas prêt de s’essouffler, porté par le développement du travail indépendant et du télétravail salarié, qui répondent aux aspirations des actifs à une plus grande liberté dans l’exercice de leur profession et à un meilleur équilibre de vie. Figure 3 - Nombre d’espaces de coworking dans le monde - Source : Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013. 11
  • 12. 1.2.2 Le coworking en France La France n’échappe pas à cette tendance mondiale. Encore inexistants il y a 5 ans les espaces de coworking s’y sont multipliés à une vitesse encore plus rapide que les télécentres, pour atteindre aujourd’hui le nombre de 121. Figure 5 - L’explosion des espaces de coworking en France - Source : LBMG Worklabs, 2012. I.3 Figure 4 - Répartition géographique des tiers-lieux de travail en France – Source : LBMG Worklabs, 2012. Le coworking : un état d’esprit commun Il nous semble particulièrement important à ce stade de bien redéfinir ce qui fait un espace de coworking. Le terme étant en effet devenu « tendance », il est de plus en plus usité pour désigner simplement le concept d’espaces de travail ouverts permettant une location flexible, à l’heure ou à la journée. Les interviews, observations de terrain et lectures menés dans le cadre du présent travail nous rappellent cependant le côté réducteur de cette définition, le coworking se caractérisant avant tout par un état d’esprit et des valeurs. Les fondateurs des premiers espaces de coworking (Citizen Space, Indy Hall) se sont attachés à définir ces valeurs comme suit:    Coopération (« Collaboration » en anglais) : l’aménagement spatial ouvert et l’ambiance du lieu doivent favoriser le partage de connaissances et de compétences entre les coworkers. Ouverture : le mouvement du coworking est influencé dans ses origines par la culture des acteurs du logiciel libre (Open Source), qui consiste à ouvrir à tous les « codes-sources » des créations pour permettre à chacun de se les approprier et de les améliorer. Dans la vie quotidienne des espaces, ceci doit se traduire par une attitude ouverte des coworkers, prêts à donner et recevoir aux autres membres de la « communauté ». Communauté : les usagers des espaces de coworking et les liens tissés entre eux en constituent la première richesse et l’essence. C’est la capacité d’un espace de coworking à identifier des « communautés existantes » (qui trouveront dans son enceinte un espace physique pour se rencontrer) et créer un sentiment d’appartenance parmi ses usagers, même les moins 12
  • 13.   fréquents, qui font le succès d’un espace de coworking et le caractérisent comme tel (VERSUS un télécentre ou un centre d’affaires traditionnel). Accessibilité : les espaces de coworking doivent être ouverts à toute personne souhaitant adopter cette manière de travailler. Durabilité : cette valeur fait l’objet de diverses interprétations par les fondateurs d’espaces. Si elle peut s’entendre au sens de « préservation de l’environnement » (la mutualisation et le choix du lieu de travail rendus possibles par les espaces de coworking permettraient de réduire les consommations d’énergies et les émissions de CO2), elle semble plus communément envisagée dans le sens de « pérennité » (économique notamment). Pour aller plus loin :   Un article proposant une réflexion sur ces valeurs par l’espace de coworking parisien « Mutinerie » : http://bit.ly/18FElzr Un article de Jacques Souillot, membre de l’association « Enseignement Public et informatique » réfléchissant sur les liens entre philosophie « Open Source » et Développement Durable : http://bit.ly/1aWnb5D A ces valeurs “officielles” illustrant l’esprit coworking, on peut ajouter les mots-clefs revenus régulièrement dans les entretiens menés dans le cadre de cette étude, ainsi que dans le cadre de l’appel à contributions pour la rédaction d’un Manifeste des Tiers-Lieux (voir plus loin la méthodologie d’étude) : Figure 6 - Les mots-clefs du coworking Cet état d’esprit et ces valeurs mises en avant par les gestionnaires d’espaces resteraient cependant purement conceptuels et intentionnels sans un élément clef qui constitue à ce jour un point de différenciation essentiel entre les espaces de coworking et la plupart des télécentres : l’animation. Les Tiers-Lieux Open Source nomment ainsi « Conciergerie » le « processus d’accueil et d’animation » caractérisant tout espace de coworking et plus généralement de tiers-lieu. Le « concierge » est un personnage clef pour la viabilité de l’espace. Il y joue le rôle d’aiguilleur et de coordinateur : par des 13
  • 14. interventions subtiles, et la proposition d’animations, il met du liant entre les différents usagers de l’espace et permet une appropriation du lieu par ces derniers. La CoRoutine, espace de coworking à Lille, propose dans son dossier de présentation un bon aperçu des types d’animation que l’on retrouve dans la majorité des espaces de coworking : Figure 7 - Typologies d’animation d’un espace de coworking - Source : Livret de présentation CoRoutine I.4 Des approches différenciées Derrière les valeurs rassembleuses et les chiffres globaux qui témoignent de l’émergence d’un phénomène mondial se retrouvent cependant des profils d’espaces très variés et des points de différenciation forts, apparus tout au long de cette étude et qu’il conviendra de garder en tête dans ses conclusions. Dans son rapport d’évaluation de fin 2009, l’association Silicon Sentier, à l’origine de l’un des premiers espaces de coworking en France (La Cantine), énonce ainsi 3 axes de différentiation entre les différents coworking spaces :   l’identité de la structure fondatrice (publique / privée, association / SCOP / entreprise), influant sur les motivations et l’approche dans la conception du lieu (bottom-up / top-down) : si aujourd’hui dans le monde la plupart des espaces de coworking sont portés par des structures entrepreneuriales, la France se distingue par une prédominance du modèle associatif ou coopératif, et par le soutien voire l’initiative de la sphère publique dans un nombre croissant de projets. le type de « retour sur investissement » attendu : selon les espaces, leur statut juridique et les motivations de leurs fondateurs, l’accent sera plus ou moins mis sur la recherche de profit économique ou le bénéfice social / sociétal apporté aux usagers et au territoire – cette autre forme de bénéfice demeurant un élément de motivation fondamentale à l’origine de la création de la plupart des espaces aujourd’hui. Le rapport de Silicon Sentier met à ce propos en évidence la « complexité du dispositif du coworking, qui ne peut envisager le profit [et donc la pérennité économique] sans la communauté et vice-versa [car] il met en œuvre un continuum construit sur un équilibre délicat entre le capital humain et le capital économique ». 14
  • 15.  le degré d’intégration des usagers dans une dynamique de communauté : selon les espaces le sentiment d’appartenance des usagers et leur intégration à la gouvernance du lieu seront plus ou moins forts. Figure 8 - Critères de différentiation des espaces de coworking – Source : Silicon Sentier, 2009. A ces trois critères de différenciation, on peut ajouter le degré d’ouverture de l’espace : si la plupart des espaces de coworking sont ajourd’hui ouverts à tous, certains espaces de travail collaboratifs mettent en place un processus de sélection à l’entrée, le plus souvent basé sur une thématique professionnelle, et se rapprochent ainsi plutôt de la résidence d’entreprises (c’est le cas par exemple de la Ruche ou de Creatis à Paris, respectivement réservés aux acteurs de l’entrepreneuriat social et de la création numérique). Nous n’entendons pas dans le cadre de cette étude nous focaliser sur une typologie d’espace en particulier ou comparer les impacts des différents types de structures entre elles. Ce travail serait trop complexe et nous semble surtout peu pertinent tant la variété des cas est grande. Au-delà des points de différentiation, l’étude de plusieurs espaces de coworking a surtout fait émerger de nombreuses similitudes dans les valeurs (cf plus haut) et dans les pratiques potentiellement génératrices d’impacts positifs pour un développement plus durable de leurs territoires. Nous nous attacherons dans ce travail à les présenter puis à proposer une grille d’indicateurs permettant de les valoriser. Figure 9 – Exemples d’espaces de coworking – CoRoutine, Mutinerie, la Cordée, le Hub Madrid. 15
  • 16. II. METHODOLOGIE D’ETUDE II.1 Recueil de témoignages Ce travail a tout d’abord été alimenté par la collecte de nombreux témoignages sous deux formes. II.1.1 Entretiens individuels Une quinzaine d’entretiens d’1h30 environ ont été réalisés auprès de deux catégories d’acteurs :   fondateurs ou gestionnaires d’espaces de coworking : afin d’identifier les motivations inhérentes à la création de ces lieux et de recueillir des exemples concrets de pratiques susceptibles d’avoir un impact positif pour leurs usagers et leur territoire. représentants de collectivités soutenant activement le développement des tiers-lieux de travail : afin de comprendre les objectifs poursuivis et d’identifier si des mesures concrètes d’impact avaient déjà été réalisées, ou si celles-ci étaient prévues. Le tableau ci-dessous détaille la liste des personnes rencontrées ainsi que les spécificités de leurs projets ou responsabilités ayant motivé le choix de les interviewer. ESPACE OU ORGANISATION DESCRIPTION NOM DE LA PERSONNE INTERVIEWÉE Arrêt Minute Espace de coworking rural ouvert à Pomerol dans la périphérie de Bordeaux en septembre 2010. Statut juridique : association Lucile Aigron, fondatrice Citizen Box Espace de coworking ouvert en juin 2013 à Paris 18ème dans les locaux de la grappe d’entreprises musicales Paris Mix. Statut juridique : association Comptoir Numérique Espace de coworking ouvert en 2010 à Saint-Etienne. Statut juridique : association Marjorie Cavayé, coordinatrice Paris Mix Thomas Birault, gestionnaire de l’espace de coworking Delphine Duriaux, co-fondatrice et « concierge » La Cordée Un réseau de 5 espaces de coworking ouverts à Lyon depuis fin 2011. Un nouvel espace sera ouvert à Paris en septembre 2013. Statut juridique : SAS Michael Schwartz, co-fondateur CoRoutine Espace de coworking créé à Lille en 2010. Statut juridique : association Simon Sarazin, cofondateur ÉLÉMENTS AYANT MOTIVÉ L’INTERVIEW  Coworking en milieu rural  Projet d’initiative privée soutenu par la Région Aquitaine et l’ADEME pour favoriser le développement du télétravail en Aquitaine via l’association « Tiers-Lieux ».  Espace de travail implanté au sein d’un espace culturel (studio musical).  Volonté de croiser les univers différents.  Vocation sociétale et volonté d’ouverture aux habitants du quartier affichées.  Un espace pionner en France, expérimentant le concept de tiers-lieu « multi-briques », intégrant, au-delà de l’espace de coworking, un Espace Public Numérique, un pôle Media Citoyen, un « HackerSpace ».  Intégré à l’éco-système de l’Economie Sociale et Solidaire.  Démarche documentée et « OpenSource »  Une initiative entrepreneuriale réussie. Parvenue en 2 ans à créer une communauté de coworkers fidèles tout en atteignant un équilibre économique lui permettant de se « multiplier » sur plusieurs sites à Lyon et maintenant Paris.  Labellisé « Lyon Ville Equitable et Durable »  Espace né de la volonté d’un noyau d’indépendants et progressivement ouvert au public.  Gouvernance transversale et mutualisée avec les usagers  Culture « Innovation sociale » portée par les fondateurs. 16
  • 17. Initiatives Télécentres 77 Association départementale de soutien à l’émergence d’un réseau de télécentres et espaces de coworking en Seine-et-Marne. Projet d’expérimentation « in vivo » et de documentation Open Source de modes de vies durables, porté par Skema Business School et des acteurs de l’éco-système de l’innovation sociale (Angenius, Imagination for People, Openscop, OuiShare). Initié à l’occasion d’un appel à projets du MEDDTL puis soutenu par la Région PACA et le dispositif de Saint-Etienne la CyberLoire en Rhônes-Alpes. Espace de coworking ouvert à Paris 10ème en 2012. Statut juridique : SAS Anne-Sophie Calais, Directrice NETIS – Université Marne-la-Vallée Paris Est Espace de coworking créé en 2013 au sein de l’université à l’initiative des étudiants du Département Management Ingénierie des Services. Sylvie Mercier, Professeur associée Oui Share Collectif de promotion des initiatives de l’économie collaborative en France et à l’international Antonin Leonard, Co-fondateur Saint-Etienne Agglomération Direction de l’Innovation Dominique Parret, Directeur Seine-et-Marne Conseil Général La Ruche Espace de bureaux partagés ouvert à Paris 10ème en 2008, dédié à l’entrepreneuriat social et à l’ « Economie positive ». Statut juridique : association Gérard Eude, Viceprésident chargé du développement économique et des grands projets d'aménagement Léa Vasa, Responsable de l’animation de la Communauté Thomas Petitjean Responsable financier administratif et logistique 156 Durable / Agence Parisienne du Climat Coworking associé à un espace de sensibilisation au DD implanté à Paris 19ème dans un bâtiment vitrine en matière de performance énergétique. Abritera des animations de l’Agence Parisienne du Climat. Ouvrira ses portes en octobre 2013. Statut : Association Réseau « Handicap » du syndicat. Movilab Mutinerie CFE-CGC – Handicap Yoann Duriaux, cofondateur, référent pour les sujets tierslieux et coworking. Xavier Jacquemet, co-fondateur  Structure d’appui méthodologique et de partage de savoirs et bonnes pratiques pour près de 20 projets de télécentres et espaces de coworking en cours dans le département.  Un wiki des « recettes libres et ouvertes d'actions remarquables pour leur participation à des modes de vies durables. »  Une démarche intéressante : o par son intention Open Source (partager les savoirs pour permettre la démultiplication des actions) o par les éclairages et contenus qu’elle met à disposition sur des expérimentations concrètes.  Une initiative entrepreneuriale portée par la volonté de promouvoir un nouveau mode de vie et de travail.  Un espace emblématique du mouvement coworking à Paris  Une expérimentation du coworking en milieu étudiant, imaginé comme outil pédagogique et laboratoire de projets.  Objet d’un travail de recherche « Effets de levier ou contraintes pouvant être générés par les espaces de travail collaboratifs sur les salariés, les entreprises, les territoires »  Une vision large et prospective sur le mouvement de l’économie collaborative, ses impacts économiques et sociétaux et ses liens avec le coworking.  La ville de Saint-Etienne s’appuie sur des structures associatives et coopératives locales pour favoriser l’essor d’un réseau de tiers-lieux.  Une vision politique sur ce que le développement des tiers-lieux de travail peut apporter aux territoires. Laure Fabiani, Annick Kichenama, Benoît Liotard Conseillers infoénergie et coordinateurs d’activités à l’APC  Un des premiers espaces de travail collaboratif en France  Thématique « DD »  Source d’inspiration pour de nombreux espaces de coworking en France mais s’en distinguant par la sélection à l’entrée (selon thématique et viabilité économique) et une majorité de résidents à temps plein.  En 2013, La Ruche intègre le réseau Paris Incubateurs et accueille un incubateur dédié à l’innovation sociale « la Social Factory ».  Un projet associant explicitement coworking et sensibilisation au DD  Vocation d’ouverture sur le territoire via les permanences info-énergie et formations de l’APC qui s’y dérouleront et la création de liens avec le réseau associatif très dense du quartier. Alain Bouvier, Représentant départemental Handicap dans le 77  Une vision des leviers que pourraient représenter les tiers-lieux de travail pour améliorer l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées. L’ensemble des notes prises au cours de ces entretiens est disponible dans un document annexe qui ne pourra être partagé que sur demande afin de préserver la confidentialité des informations échangées. 17
  • 18. II.1.2 Manifeste des Tiers-Lieux La recherche de contacts dans le cadre du présent travail nous a également amenés à échanger avec les initiateurs du projet d’écriture collective d’un Manifeste des Tiers-lieux, Yoann Duriaux (co-fondateur du Comptoir Numérique et du projet Movilab) et Antoine Burret (doctorant en sociologie et anthropologie, actuellement en préparation d’une thèse sur les processus d’innovation à l’œuvre dans les espaces de coworking). Lancé en juillet 2013 via un appel à contributions sous forme de questionnaire en ligne ouvert à tous les acteurs impliqués dans des projets de tiers-lieux, l’initiative vise à améliorer la compréhension des dynamiques à l’œuvre dans les tiers-lieux et mieux valoriser auprès du grand public leurs potentiels impacts sur la société et le développement des territoires. L’ensemble des réponses obtenues via le questionnaire feront l’objet d’une synthèse et d’une publication électronique en novembre 2013 sous licence libre citant l’ensemble des contributeurs. La possibilité d’une publication papier est à l’étude. L’accès qui m’a été ouvert aux réponses des premiers contributeurs a permis d’enrichir mes premières conclusions de nouveaux témoignages remontés du terrain. II.2 Recherche et analyse documentaire Les témoignages et pratiques recueillis dans le cadre des entretiens ont ensuite été mis en perspective et complétés par la lecture de divers articles, rapports et études disponibles sur les thématiques du coworking ou sur les indicateurs de développement durable appliqués aux territoires. La recherche de sources d’information a amené au constat qu’au delà d’articles courts et prospectifs, il n’existait pas à ce jour de travaux très poussés ayant permis de mesurer concrètement les impacts des tiers-lieux de travail en termes de développement durable pour leurs territoires. Ceci est certainement du au caractère encore relativement neuf des expérimentations, du moins en France, et l’on note par ailleurs un intérêt croissant de la recherche sur le sujet qui ne saurait tarder à combler ce manque. Les apports des différentes lectures sont précisés au fil des parties de ce document. On en retrouve la liste en annexe. II.3 Observation et retour d’expérience LBMG Worklabs Enfin les réflexions menées dans le cadre de cette étude se sont enrichies des retours d’expériences de missions d’accompagnement menées par LBMG Worklabs auprès de porteurs de projets de tiers-lieux de travail, notamment la Communauté de Communes Brie des Morin (projet de création d’un télécentre / coworking en zone rurale en Seine-et-Marne) et l’association Cowork in the City (ouverture à Paris 19ème en septembre 2013 du « 156 Durable », espace de coworking abritant des animations de l’Agence Parisienne du Climat et voué à sensibiliser les riverains aux enjeux du développement durable). 18
  • 19. III. ETUDE DES PARTIES PRENANTES III.1 Identification des parties prenantes La première étape de ce travail d’étude, menée en parallèle des entretiens, a consisté à recenser les parties prenantes intéressées ou potentiellement impactées par les tiers-lieux de travail, et plus spécifiquement les espaces de coworking. Par leur vocation et les usagers qu’ils sont amenés à recevoir, ceux-ci développent des relations plus ou moins intenses avec une multiplicité d’acteurs, individuels ou collectifs, privés ou publics, regroupés pour cet exercice en 9 catégories :          Usagers Etat et Collectivités Territoriales Organismes de soutien à l’activité économique et à l’emploi Acteurs de l’entrepreneuriat et de l’innovation Société Civile Fournisseurs Financeurs privés Communauté francophone et internationale du coworking Media Figure 10 - Les parties prenantes des espaces de coworking 19
  • 20. III.2 Attentes des parties prenantes Nous présentons ci-dessous les attentes exprimées par les parties prenantes vis-à-vis des tiers-lieux de travail. Quand ces attentes ne sont pas explicites nous envisageons les impacts potentiels de ces derniers sur chacune d’elles. III.2.1 Les Collectivités Nous l’avons vu en introduction, la France se distingue ces dernières années par l’intérêt croissant que les collectivités portent au phénomène du coworking et par la volonté d’un nombre grandissant d’entre elles d’encourager le développement de tiers-lieux de travail en général. La Région Ile-de-France a ainsi apporté près de 2M d’euros de soutien financier à 30 projets de télécentres et espaces de coworking en 2012 et 2013. La Seine-et-Marne, l’Orne, l’Aquitaine et d’autres régions ou départements mobilisent également différents outils et ressources pour favoriser l’émergence d’initiatives et impulser la création de réseaux de tiers-lieux de travail sur leur territoire. Si les enjeux et priorités varient nécessairement d’un territoire à l’autre, a fortiori entre territoires urbains, semi-urbains et ruraux, on retrouve un ensemble d’objectifs communs dans ces démarches :  Favoriser le dynamisme économique et l’emploi local : o en facilitant l’implantation, la création et le développement d’activités indépendantes et de petites entreprises, o par l’encouragement du télétravail salarié qui permettrait de maintenir quelques jours par semaine sur le territoire les travailleurs pendulaires et leurs dépenses dans l’économie locale (aspect particulièrement important en milieu rural et péri-urbain) o par la mise à disposition de ressources de formation, sur place ou à distance  Développer la créativité et l’innovation sur le territoire : o en permettant le croisement d’initiatives, de ressources et de compétences diverses sur un même lieu - ou à distance grâce aux outils numériques.  Réduire les externalités négatives des déplacements domicile-travail en favorisant le télétravail : o réduction des émissions de GES o désengorgement des transports en commun dans les villes o économies pour les territoires sur la construction et l’entretien d’infrastructures de transport Améliorer la qualité de vie et le bien-être des habitants par : o la limitation des temps de déplacement domicile-travail favorisant un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle o la création de nouvelles occasions de socialisation  Certaines collectivités en milieu rural voient enfin en ces lieux des solutions intéressantes pour (re)développer les services à la population. Initiatives Télécentres 77, dans son bilan d’activités 2012 rappelle ainsi : « Parmi les nouveaux services proposés dans le télécentre rural en Seine-et-Marne, les services suivants sont envisagés : » 20
  • 21. Figure 11 - Les services d’un télécentre en milieu rural selon Initiative Télécentres 77 On remarque dans ce dernier exemple l’usage du terme de « télécentre », plus traditionnellement associé aux territoires ruraux comme nous l’avons vu plus haut. Toutefois, il est intéressant de noter que l’on voit apparaître de façon spontanée des espaces de coworking en milieu rural, qui pourraient constituer des alternatives attractives et plus conviviales pour les premières cibles de ce type d’espace (indépendants, TPE) mais aussi pour des salariés en télétravail. III.2.2 Les usagers L’Enquête Nationale 2012 du Tour de France du Télétravail rappelle les attentes des principaux usagers actuels des tiers-lieux de travail (indépendants, entrepreneurs, et TPE) : o o o o bénéficier d’un environnement de travail qualitatif pour être plus efficace et plus productif rompre avec l’isolement du travail à domicile pouvoir effectuer des rendez-vous professionnels dans un lieu agréable bénéficier d’un lieu de travail lors de déplacements L’enquête internationale menée par Deskmag auprès des usagers d’espaces de coworking apporte un éclairage complémentaire intéressant sur leurs motivations : des dimensions humaines telles que le sentiment de « communauté », les interactions sociales, l’ambiance arrivent ainsi en tête avant la qualité des équipements de bureau. 21
  • 22. Figure 12 - Les motivations des usagers d’espaces de coworking - Source : Deskmag 3rd Global Coworking Survey, 2013. Les statistiques montrent par ailleurs que l’accueil de télétravailleurs salariés reste encore anecdotique dans les espaces de coworking, en France plus qu’à l’étranger. Ceci s’explique en premier lieu par une raison évidente et indépendante des caractéristiques propres à ces espaces : le caractère encore relativement embryonnaire du télétravail formalisé pour les salariés d’entreprises, du fait de la persistance de divers freins, soulignés par l’Enquête Nationale 2012 du Tour de France du Télétravail. Figure 13 - Les principaux freins au développement du télétravail en France Source : Tour de France du Télétravail 2012 22
  • 23. Dans les entreprises mêmes où ces freins ont été levés, on observe encore une certaine frilosité chez les dirigeants à autoriser le télétravail en dehors du domicile. Les principales raisons évoquées étant : o o o des exigences en termes d’équipement et de sécurité informatiques des lieux, les risques potentiels en termes de confidentialité - a fortiori dans des espaces « physiquement » ouverts et cultivant l’esprit collaboratif comme les espaces de coworking les craintes avérées ou supposées des salariés ou de leurs représentants : perte du poste de travail, risque de dégradation des conditions matérielles de travail…. Malgré ces réticences et le fait avéré que tous les espaces de coworking ne sauraient apporter une réponse adaptée aux exigences et aux besoins de toutes les entreprises, on observe que ces espaces, plus que les télécentres, attisent la curiosité et l’intérêt de plus en plus d’employeurs : pour la forme d’organisation du travail qu’ils prônent, plus collaborative et plus transversale et pour leurs effets sur l’émulation créative et la motivation des talents. Une étude réalisée en 2011 par Mobilitis et Opinion Way auprès de 102 chefs d’entreprises de plus de 50 salariés soulignait ainsi que, s’ils étaient encore rares à avoir fait le pas ou à l’envisager sérieusement, la majorité d’entre eux avaient une bonne opinion sur le coworking : o o dans sa déclinaison « intra-entreprise » (68%) : consistant à mettre à disposition des salariés des espaces de travail collaboratifs dans des bureaux satellites internes proches de chez eux. mais également dans sa conception d’origine, ouvert à d’autres acteurs externes à l’entreprise (52%). Dans notre entretien, la CoRoutine indique ainsi avoir reçu la visite intéressée de deux acteurs de la grande distribution spécialisée réfléchissant à de nouvelles manières de stimuler leur capacité d’innovation et la créativité de leurs salariés. Plusieurs espaces tels que Mutinerie, cité en introduction de ce travail, ou la Cordée à Lyon, témoignent également de cette curiosité. III.2.3 Autres parties prenantes : Le tableau ci-dessous présente succinctement les attentes des autres parties prenantes vis-à-vis des tierslieux de travail, les impacts potentiels de ces derniers sur celles-ci et les formes d’interaction réellement observées. Ce travail a été réalisé sur la base des entretiens et des connaissances de LBMG Worklabs sur les lieux et projets existant en France. Ces derniers étant pourtant très variés, le degré d’attente ou d’impact potentiel pour chaque partie prenante variera nécessairement d’un projet et d’un territoire à l’autre. En outre, le phénomène du coworking étant encore relativement peu connu du grand public, toutes les parties prenantes n’expriment pas aujourd’hui nécessairement d’attentes vis-à-vis de ces espaces. On émettra toutefois ici des hypothèses sur les impacts que ces lieux pourraient avoir sur elles. 23
  • 24. PARTIE PRENANTE Organismes de soutien à l’activité économique et à l’emploi  Chambres consulaires (CCI essentiellement)  Pôle emploi Acteurs de l’entrepreneuriat et de l’innovation  Clubs et associations d’entrepreneurs   Acteurs de l’Economie sociale et solidaire et de l’entrepreneuriat social Acteurs de l’Economie Collaborative Fournisseurs  Entreprises locales,  Produits responsables (ecolabel, bio, équitable, solidaire…)  Autres Financeurs privés  Banques  Entreprises  Particuliers Société civile  Riverains  Associations ATTENTES OU IMPACTS POTENTIELS FORMES D’INTERACTIONS OBSERVEES  Coworking vu comme relai d’actions en tant que structure favorisant la création d’entreprises et l’innovation. A la fois lieu de travail et de formation.  Sponsoring financier Mise à disposition de locaux Communication et mise en avant mutuelle Dispositifs de formation partagés ou co-construits  Un intérêt pour le phénomène manifesté dans un article en 2012. Vu comme lieu de réseautage, de formation et cadre de travail motivant pour les porteurs de projets.  Peu d’exemples d’interactions concrètes  Un lieu de réseautage, de diffusion des connaissances et partage des compétences  Nombreuses animations destinées aux coworkers et parfois ouvertes au grand public : petits déjeuners, ateliers, présentations de projets, conférences …  Espace de promotion et d’expérimentation de nouvelles formes de business models, d’innovation sociale, de modes de consommation et de productions plus durables  Interactions plus ou moins nombreuses selon le degré de sensibilité des fondateurs d’espaces à ces thématiques. Plusieurs exemples présentés plus loin dans ce document.  Chiffre d’affaires complémentaire  Visibilité  Quelques exemples de bonnes pratiques dans la sélection de fournisseurs recueillis auprès d’espaces interviewés. Plus ou moins développées selon la sensibilité des fondateurs d’espaces.  Remboursement des prêts  Visibilité, terrain d’analyse et de veille sur des thématiques émergentes, formation au modèle d’innovation ouverte et aux nouvelles cultures entrepreneuriales  Peu d’exemples aujourd’hui hormis le modèle intéressant des « Cantine », mêlant financement public et sponsoring privé.  Développement et maintien des initiatives  Quelques exemples de « crowdfunding » présentés plus loin dans ce document.  Méconnaissance du phénomène => peu d’attentes exprimées. Impacts potentiels : animation de la vie locale, mise à disposition de nouveaux services de proximité, promotion de modes de consommation plus responsables.  Interactions encore limitées aujourd’hui mais intention de plusieurs gestionnaires d’espace de les développer. Quelques exemples présentés dans ce mémoire.  Local pour se réunir ou promouvoir ses activités, sensibiliser à ses  Plusieurs interactions observées dans le cadre d’évènements, 24
  • 25. actions et recruter de nouveaux membres.  Enseignement et recherche Communauté francophone internationale du coworking et  Intérêt de certains établissements à plusieurs titres : o comme outil pédagogique applicable aux étudiants, o comme objet de recherche sur les mécanismes favorisant l’innovation o comme objet d’étude en tant que laboratoires de modes de vie durable  Retours d’expérience, partage de bonnes pratiques, débats d’animations ou services proposés aux coworkers.  Expérimentation du coworking au sein de l’université (ex : IFIS à Marne-la-Vallée) Recherche et études (ex : A. Burret, étude socio-anthropologique à Lyon 2 ; Skema business School avec le projet Movilab,)  De nombreux échanges sur les plateformes dédiées : - Coworking wiki international et francophone - Coworking initiatives - Groupe international francophone des Tiers-lieux - Google Group Coworking France 25
  • 26. IV. COWORKING ET DEVELOPPEMENT DURABLE TERRITOIRES : Revue de pratiques et témoignages DES Nous présentons ici un ensemble de pratiques et témoignages collectés dans le cadre des entretiens et lectures réalisés pour cette étude et tendant à montrer que les espaces de coworking peuvent par de multiples aspects être vecteurs de développement durable pour leur territoire. Ces exemples sont à considérer comme tels et il est important d’avoir en tête que, si l’on observe un socle de valeurs communes entre les différents lieux, ceux-ci n’en présentent pas moins des expressions très diverses, dépendantes du contexte local, des objectifs poursuivis, et de la personnalité des fondateurs (orientation plus ou moins « économique », sociale, sociétale ou environnementale). IV.1 La nécessaire implication des usagers : co-construction et gouvernance transversale En cohérence avec les valeurs qu’ils entendent promouvoir, les espaces de coworking se distinguent d’autres formes d’organisation et d’espaces de travail par une volonté forte d’impliquer leurs usagers dans leur gouvernance, voire dans leur conception. L’ensemble des fondateurs d’espaces s’accordent à dire que cet état d’esprit constitue la condition première de réussite de leurs projets, la garantie que le lieu ne restera pas une coquille de bureaux vides ou un simple espace de connexion à internet sans autre valeur ajoutée pour ses usagers et ses parties prenantes. IV.1.1 Co-construction Si les premiers espaces sont nés de la volonté de petits groupes d’indépendants de se regrouper dans un même lieu avant de s’ouvrir au public, les initiateurs de projets plus récents insistent sur l’importance de s’appuyer, dès leur phase de conception, sur les communautés et initiatives existantes de leurs territoires. Xavier Jacquemet, co-fondateur de Mutinerie à Paris, raconte ainsi comment la création d’un blog, la communication sur les réseaux sociaux, l’organisation d’apéritifs de quartier ont permis de repérer, avant l’ouverture du coworking, des personnes ou collectifs existant sur le territoire mais jusqu’ici isolés les uns des autres et communément intéressés par l’idée d’une nouvelle manière de travailler, plus collaborative et plus libre. Dans cette même logique, l’association Cowork in the City, désireuse de créer deux espaces à Vincennes et dans le 19ème arrondissement de Paris, a initié son projet par une enquête en ligne, qui lui a permis d’identifier une centaine de personnes intéressées pour chacun des projets. A Vincennes, celles-ci ont ensuite été conviées à une réunion de présentation du projet, suivie de 4 comités de co-construction, visant à préciser l’identité du lieu, affiner la définition de son offre de services, imaginer des moyens de l’animer et de développer ses relations avec l’éco-système local. Cette phase a ainsi permis d’enrichir le projet des idées des participants (un noyau dur d’une dizaine de personnes présentes à chaque comité) mais surtout de susciter un début d’appropriation du lieu par ses futurs usagers et un esprit de communauté. 26
  • 27. Yoann Duriaux sur le wiki Movilab propose un outil innovant, permettant de créer un début de communauté autour d’un futur lieu : la Cartopartie. Basée sur le logiciel libre de cartographie Open Street Map, cette animation consiste à rassembler un groupe de personnes volontaires pour arpenter un territoire et partager ses connaissances sur ce dernier, afin de créer des cartes « sur mesure » répondant à des besoins partagés. Par exemple : carte des services aux entrepreneurs, carte des parking à vélos, carte pratique pour les familles etc… Un moyen ludique de faire découvrir les pratiques collaboratives aux riverains, potentiels coworkers, tout en affirmant l’ancrage du nouvel espace de coworking sur un territoire pré-existant et sa volonté de tisser des liens avec ce dernier. Autre exemple d’implication des coworkers : certains espaces les sollicitent pour améliorer et personnaliser l’aménagement du lieu. A la CoRoutine, la terrasse en bois, l’aménagement du patio, les peintures ont ainsi été réalisés par des membres. D’autres espaces comme la Ruche, Mutinerie ou le Comptoir Numérique indiquent que certains de leurs meubles ont été apportés ou réalisés par des coworkers, contribuant ainsi à donner une âme au lieu. Pour aller plus loin dans cette idée de co-construction, quelques espaces commencent également à faire appel à un mode de financement innovant : le crowdfunding. Basé sur des plateformes de mises en relation telles qu’Ulule ou KickStarter, celui-ci permet aux porteurs de projets de solliciter le financement de particuliers en l’échange de récompenses proportionnelles à leur contribution (goodies ou T-shirts au nom du projet, journées ou abonnements gratuits d’utilisation de l’espace …). Un récent article de Deskmag souligne les avantages de cette pratique, au-delà de la somme d’argent récoltée : identifier une communauté de personnes intéressées par le projet et ses valeurs, trouver de nouveaux partenaires, faire connaître l’espace et le concept de coworking à un plus grand nombre. En France, l’article cite l’exemple du LapTop à Paris qui a ainsi collecté, via une campagne postée sur Ulule, ses premières inscriptions et récolté 3200 € pour l’achat de mobilier et fournitures manquantes. La CoRoutine se félicite également d’avoir pu réaliser deux déménagements pour s’agrandir en faisant appel au financement participatif. Tout récemment encore, l’espace de Coworking les Satellites a pu emménager dans un espace plus grand au centre de Nice et financer en partie ce mouvement grâce à la collecte de plus de 10.000€ auprès de 80 participants. IV.1.2 Gouvernance transversale Lorsqu’on évoque la gouvernance du lieu, l’ensemble des gestionnaires d’espaces interviewés ont souligné le caractère très « participatif », « transversal » et « horizontal » de leur organisation, ceci indépendamment de la vocation lucrative ou non du projet. Ceci est cohérent avec les valeurs d’ouverture et de collaboration prônées par le coworking et l’idée que la principale richesse d’un espace et la condition de sa viabilité résident dans sa communauté. Ainsi Michael Schwartz souligne que la Cordée - qui a le statut de SAS - « se crée au quotidien avec les "Encordés" [nom donné aux membres de l’espace] ». Ceci se fait par les échanges informels facilités par l’esprit convivial du lieu, mais résulte également d’une réelle volonté de l’équipe d’animation. Ainsi, le réseau social interne "Le Refuge", permet aux Encordés de partager spontanément leurs idées (animation du lieu, organisation interne...). Chaque mois l'équipe de la Cordée (les "Couteaux Suisses") organise « L’envers du décor », une discussion ouverte avec les membres sur la stratégie de la Cordée. Pour Simon Sarrazin, co-fondateur de CoRoutine, il est très important de privilégier l’horizontalité dans la gouvernance de tout espace de coworking – et particulièrement dans cet espace à but non lucratif créé par un noyau dur d’indépendants « proche des logiques des logiciels libres » et ouvert progressivement au 27
  • 28. public. Selon lui, la force de l’espace vient du fait que son évolution se fait de manière « organique », sans outil ou planification particulière mais au quotidien, avec les coworkers, dans une logique de services rendus, de gratuité et de confiance. Chaque coworker s’implique ainsi dans la vie du lieu, de multiples manières : en préparant à manger pour un déjeuner collectif, en sortant les poubelles, en partageant son matériel informatique, en contribuant aux réflexions sur la stratégie tarifaire du lieu via la mailing liste des membres … Afin de rendre cette participation ludique, la CoRoutine a mis en place les « Joker Cards » permettant à chacun de tirer au sort son implication dans les tâches du jour. Figure 14 - Les Joker Cards et le principe de tarification libre à CoRoutine (Crédit : CoRoutine) Dans cette logique poussée d’appropriation par les coworkers, CoRoutine, s’approchant d’un modèle de co-gestion, a également mis en place le principe de contribution libre pour son coin cafeteria et les conférences organisées au sein du lieu. Ce système basé sur la confiance ne génère apparemment pas de dérives nuisibles à son équilibre économique. Simon Sarrazin souligne que «dans la mesure où les gens sont autorisés à mettre d'eux-mêmes dans l'espace, ils y sont attachés et s’impliquent d’autant plus. » Cet état d’esprit d’ouverture aux initiatives des coworkers, qui cherche à les stimuler, se retrouve à des degrés divers dans la majorité des espaces de coworking. Peu à peu, des individus venant avant tout pour travailler deviennent force de proposition et enrichissent la vie du lieu. La plupart des gestionnaires soulignent ainsi qu’une part importante des animations organisées (petits-déjeuners, mini-formations, ateliers, débats …) sont initiées par les coworkers eux-mêmes. Ainsi, en cherchant à impliquer leurs usagers, les espaces de coworking parviendraient à susciter parmi ces derniers un sens de bien commun, bénéfique à la vie du lieu. A une époque où de nombreuses organisations cherchent les moyens de ré-impliquer leurs membres dans une dynamique commune, l’étude et l’expérimentation « in vivo » de la gouvernance des espaces de coworking pourraient montrer une voie. Certains territoires et entreprises commencent ainsi à se pencher sur ces initiatives et à s’en inspirer pour améliorer leur propre gouvernance et le développement de projets en approche plus concertée avec leurs habitants ou leurs salariés et les autres parties prenantes. 28
  • 29. IV.2 Vers des approches plus concertées et plus durables des politiques publiques locales Cette approche de co-construction et de gestion par la concertation inspire de plus en plus de collectivités dans leurs propres façons d’impulser des projets de télécentres ou espaces de coworking. Nous l’avons évoqué plus haut et un intéressant article de Deskmag le rappelle, la France se distingue d’autres pays par le nombre de projets initiés « from scracth » par la sphère publique. Les collectivités sont ainsi de plus en plus nombreuses à investir dans la rénovation, l’aménagement et le raccordement très haut débit de bâtiments pour y permettre l’installation de tiers-lieux de travail, avec les objectifs que nous avons vu précédemment. Si les risques d’une approche « top-down » sont régulièrement soulignés par la communauté du coworking (surdimensionnement, manque de convivialité, perte de flexibilité et de créativité dans la gestion du lieu ..), certaines collectivités ont pris conscience en s’inspirant de ses pratiques de la nécessité d’impliquer leurs parties prenantes (citoyens et acteurs économiques et sociaux) dès la conception des lieux afin de garantir leur succès. On peut citer comme exemple la Communauté de Communes de la Brie des Morin, porteuse d’un projet en milieu rural en Seine-et-Marne. Accompagnée par LBMG Worklabs, celle-ci a mis à profit sa bonne connaissance du territoire pour mobiliser en amont les acteurs les plus pertinents par rapport à son projet (CCI, Chambre des métiers et d’artisanats, chambre d’agriculture, associations professionnelles, clubs d’entrepreneurs, mais aussi associations de commerçants, de loisirs, de familles, afin de toucher le plus grand nombre de citoyens). Ces acteurs ont été invités à relayer une enquête en ligne dans leurs réseaux, afin d’identifier les utilisateurs potentiels du futur lieu et de comprendre leurs attentes. Mais surtout, cette enquête a permis de faire ressortir une vingtaine d’habitants ou organisations intéressés à proposer leurs services ou compétences pour animer le lieu, voire participer à sa gestion. Une réunion publique a ensuite permis aux plus intéressés de se rencontrer et d’échanger sur le projet. Si cette dynamique doit être entretenue, le lieu n’étant pas encore ouvert, les premiers germes d’une future communauté ont ainsi été créés et devraient permettre de sécuriser le démarrage du projet et favoriser son rayonnement sur le territoire. On observe par ailleurs des exemples intéressants de collectivités qui, ayant identifié des initiatives spontanées de tiers-lieux sur leurs territoires, décident de s’appuyer sur ces derniers et leur expertise pour favoriser le développement de réseaux, plutôt que d’internaliser cette compétence. L’équipe de l’Arrêt-Minute de Pommerol a ainsi été mandatée en 2011 par la Région Aquitaine pour créer l’association Tiers-Lieux qui doit sur une période de 3 ans sensibiliser aux enjeux du télétravail et aider au développement de nouveaux espaces de travail alternatifs sur le territoire. Dominique Parret, directeur de l’Innovation pour Saint-Etienne-Agglomération déclare dans la même logique : « nous avons identifié un tissu associatif très actif sur place et avons préféré nous appuyer sur leur connaissance terrain pour favoriser l’émergence d’un réseau de tiers-lieux sur notre territoire (espaces de coworking mais aussi fablabs, centres de ressources numériques …). » L’équipe du Comptoir Numérique est ainsi mandatée par la Ville pour organiser des évènements visant à faire connaître le concept de tiers-lieux au grand public, tout en apportant son appui méthodologique et logistique à des porteurs de projets. L’ensemble des acteurs intéressés par la démarche sont invités à rejoindre le collectif portant cette dynamique : « Coworking Sainté ». «Ce choix du partenariat plutôt que de l’internalisation à tout prix de la compétence est une expérimentation importante à nos yeux : de même que les espaces de coworking réinventent l’organisation du travail ou l’immobilier d’entreprise, il s’agit pour nous d’une nouvelle manière d’appréhender la gestion des politiques publiques et la relation aux citoyens. » indique Dominique Parret. 29
  • 30. IV.3 Un accélérateur d’innovation et un vecteur de dynamisme économique “By means of an empirical research conducted in the coworking communities across the Netherlands, this explorative study finds that coworking enhances knowledge diffusion, sustains productivity growth and fosters innovation.” (DEIJL C., 2011). IV.3.1 Le coworking facilite le partage de compétences et crée des opportunités pour les coworkers L’ensemble des personnes interviewées ainsi que de nombreux articles et documents d’étude soulignent que l’une des premières contributions positives du coworking pour ses usagers et, par ricochet pour son territoire, est qu’il facilite la mise en relation des personnes, la collaboration et le partage de compétences entre eux. Cette communication ne pourrait émerger sans le rôle crucial des animateurs. Delphine Duriaux, « concierge » au Comptoir Numérique explique ainsi que son métier consiste à subtilement faire découvrir, sans imposer, à des personnes venues initialement pour travailler seules dans de bonnes conditions matérielles, l’intérêt d’échanger avec les autres coworkers, potentiellement porteurs d’idées ou de compétences intéressantes pour leur travail. Pour faciliter les premiers échanges, il est par exemple proposé à chaque nouvel usager de créer une fiche présentant sa photo, son métier, son projet ou ses compétences. Des moments de convivialité comme des déjeuners sont organisés régulièrement, au départ par l’animateur puis de plus en plus spontanément par les coworkers. On retrouve ces pratiques dans la plupart des espaces, en plus des animations évoquées plus haut, et celles-ci permettent dans de nombreux cas de faire émerger spontanément des collaborations professionnelles de diverses formes. Mutinerie, dans un article faisant le bilan de sa première année d’activité identifie ainsi 5 formes de collaboration entre coworkers :      Travailler ensemble sur un projet commun. C’est l’exemple classique du designer et du développeur qui, pour un temps donné, constituent une équipe. Mutualiser des actions de communication / actions événementielles. Nous sommes nombreux à travailler sur des problématiques connexes avec des angles d’attaque et expertises complémentaires. Nos audiences sont différentes mais elles se complètent et se mélangent bien. Pratiquer le micro conseil gratuit. donner son avis sur un logo, donner quelques conseils sur les Relations Presse, débloquer quelqu’un sur un problème technique… Ce genre de petits coups de pouce qui font gagner beaucoup de temps. Se refiler des bons tuyaux. “Je connais un mec super qui sait faire ça.” “Cette app est top, essaie la.” “Tu as vu l’appel à projet ?” “Cette journaliste aimerait vous rencontrer.” “Ma cousine cherche un stage.” Se former mutuellement. Pouvoir s’apprendre des choses entre coworkers à l’occasion de formations. Michael Schwartz, co-fondateur de la Cordée, mentionne pour sa part dans le cadre de notre entretien 3 niveaux de collaboration : « 1/ la convivialité naturelle et l’échange de contacts et conseils ; 2/ les recommandations à l'extérieur ; 3/ les collaborations et réponses communes à des appels d’offre ». 30
  • 31. L’ensemble des fondateurs d’espaces indiquent ainsi, comme Lucile Aigron de l’Arrêt Minute, que les collaborations internes deviennent vite « trop nombreuses pour être comptabilisées. » Certains espaces comme Rueil 92 ou CoRoutine se sont pourtant essayés à les représenter, sur la base d’enquêtes auprès de leurs membres : Figure 15 - Réseau et interactions quotidiennes à Rueil92 Coworking Source : Rueil 92 Coworking 31
  • 32. Figure 16 - Collaborations et échanges à CoRoutine - Source : Livret de présentation CoRoutine Dans son bilan 2012, la Ruche donne également quelques exemples concrets : Figure 17 - Des collaborations fructueuses à la Ruche - Source: La Ruche, Bilan 2012 Xavier Jacquemet, de Mutinerie, insiste sur la valeur ajoutée de ces collaborations qui, au-delà de procurer de nouvelles idées et opportunités aux coworkers, contribuent à « améliorer l’efficience des processus de travail (processus d’achats, processus commercial…) » en supprimant les intermédiaires habituellement nécessaires dans d’autres environnements de travail : le fait de pouvoir être en contact directement avec une compétence au sein de l’espace permet aux coworkers de réaliser des gains de temps et de ressources précieux, particulièrement pour des entrepreneurs. Les procédures s’en retrouvent également allégées, plusieurs collaborations n’étant pas encadrées par des contrats mais fonctionnant plutôt sur des principes de réciprocité de services rendus ou des conditions préférentielles. Delphine Duriaux confirme ainsi : « au 32
  • 33. sein de l’espace de coworking chacun peut faire son marché de compétences et éviter une perte de temps et d’énergie précieux ! ». IV.3.2 Le coworking favorise l’innovation, la création d’entreprise et l’accès à l’emploi Des témoignages innombrables et études montrent également que, par la multiplication de ces échanges et collaborations spontanées et aléatoires, le coworking favorise la créativité et l’innovation. Un article de recherche de Bruno Moriset (voir ref.), le considère ainsi comme un « accélérateur de sérendipité », définie comme le fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard et à l’intelligence. Cet environnement de travail s’avère particulièrement stimulant et pertinent pour tout entrepreneur. Lucile Aigron souligne ainsi que « L'Arrêt Minute met à disposition de porteurs de projets des locaux et une dynamique de soutien à l'entrepreneuriat sans critères de sélection, à la différence de tous les autres types de structure (pépinières, incubateurs, couveuses…). » Antoine Burret et Xavier Pierre, dans un document universitaire de recherche sur les espaces de coworking en tant que « nouveaux dispositifs accompagnant la création d’entreprise » schématisent ainsi les nombreux apports des espaces de coworking à leurs usagers : Figure 18 - Les apports des espaces de travail collaboratif pour les utilisateurs - Source : BURRET A., PIERRE X. Les exemples d’idées d’entreprise nées et développées au sein d’espaces de coworking sont légion. Un journaliste qui ne connaissait rien du web a ainsi découvert au Comptoir Numérique les multiples usages qu’il pouvait en faire pour enrichir son travail et y a développé son projet de journal 100% en ligne. A la Cordée, Caroline, créatrice de l’entreprise « Travaux futés », qui permet aux particuliers d’acheter à prix cassés des matériaux invendus, a rencontré Frédéric, coach de travaux à faire soi-même pour les particuliers. Ils ont ainsi pu développer une offre conjointe pour développer leurs business respectifs. 33
  • 34. Cet environnement propice à l’entreprise peut aussi profiter aux chercheurs d’emploi. Deux personnes en recherche sont ainsi actuellement en train de développer leur projet à l’Arrêt Minute. Ils y trouvent une dynamique de travail qu'ils n'ont pas seuls chez eux. Un étudiant réalisant son mémoire de fin d’études a été accueilli gratuitement à Mutinerie pendant un été en l’échange de services rendus (accueil, bar ). Sans avoir à le chercher, il a trouvé son premier travail sur place, auprès d’une entreprise fréquentant l’espace. Un autre étudiant a pu s’entrainer pour se préparer à des entretiens en anglais et rédiger son CV numérique en fréquentant le Comptoir Numérique pendant 3 mois. Pour terminer cette partie, montrant les multiples impacts bénéfiques qu’a le coworking sur l’esprit d’entreprise des personnes, il est enfin particulièrement parlant de noter qu’il fait naître chez certains coworkers des vocations d’entrepreneurs pour fonder …. leurs propres espaces de coworking. Ainsi, de nouvelles « Ruches » sont en préparation à Khinshasa, Montréal, et Bruxelles. Mutinerie raconte également : « Deux coworkers mutins sont en train d’ouvrir leurs propres espaces de coworking : Anh Tuan Gai avec Coswos à Montpellier et Francesco Cingolani à Paris avec Super Belleville. D’autres espaces nous ont fait l’honneur de s’inspirer de Mutinerie comme La Poudrière que viennent d’ouvrir les joyeux drilles de Coworking Nancy. » IV.3.3 Le coworking aurait un impact positif sur le chiffre d’affaires des entrepreneurs Le fait de travailler en espace de coworking aurait également un impact positif sur le chiffre d’affaires de certains usagers free-lancers ou entrepreneurs. On retrouve dans tous les témoignages deux explications à cela :  une amélioration de la qualité de travail et de la productivité liée à un environnement de travail stimulant,  de nouvelles opportunités d’affaires générées par contact au sein du lieu ou à l’extérieur. Lucile Aigron souligne ainsi que la majorité des coworkers de l’Arrêt Minute ont observé un retour économique direct depuis leur adhésion. A titre personnel elle déclare : «Avant l'Arrêt Minute mon activité de graphiste me rapportait X K€ dans l'année. Au bout d'un an: 30% de plus. L’année prochaine je devrais encore progresser de 40%. » En interrogeant ses coworkers lors de son enquête annuelle 2013, la Cordée fait le même constat : Figure 19 - Les impacts de la Cordée sur le chiffre d’affaire de ses coworkers - Source : Enquête usagers 2013 34
  • 35. Claudia Deijl, dans une étude sur les impacts économiques du coworking aux Pays-Bas confirme: « Regression analysis has established that users of coworking spaces have a significantly higher income than the average entrepreneur ». IV.3.4 Un pôle de compétences à disposition des entreprises et porteurs de projets locaux : Plusieurs espaces de coworking, conscients d’être des viviers de compétences, ont initié différentes actions permettant de les valoriser et d’en faire bénéficier les acteurs de leurs territoires. Arrêt-Minute organise ainsi des partages de savoirs ouverts à tous les habitants. Lucile Aigron souligne toutefois qu’il est difficile de faire franchir le pas de porte aux personnes externes à l’espace. Les coworkers organisent par ailleurs des conférences et ateliers pour les entreprises et artisans dans les locaux de la CCI. Enfin, un projet de centre de formation avec les compétences des coworkers est en cours. Ces derniers créent l'offre ensemble. 30% des recettes sont reversés à l'Arrêt Minute. Un modèle gagnant-gagnant permettant de renforcer la collaboration entre coworkers, de trouver d’autres ressources pour renforcer le modèle économique du lieu, tout en accentuant la visibilité du lieu et en accroissant son impact sur le territoire. Dans la même logique, Mutinerie vient de lancer sa Mutinerie School, qui propose aux entrepreneurs et aux freelances des formations ponctuelles, ciblées et pratiques réalisées par les coworkers autour de trois axes : Tech, Design et Business. Un article du figaro d’août 2013 mentionne également le projet de Co-work in Grenoble qui souhaite ouvrir en 2014 une école de l’entrepreneuriat, en s’appuyant sur les créateurs d’entreprise qu’il abrite pour « «ouvrir le champ des possibles des personnes en mal d'horizon », répondant ainsi à une idée récemment développée par la Ministre des PME de l’Innovation et de l’Economie Numérique. IV.3.5 Un laboratoire d’innovation sociale Plusieurs exemples tendent également à démontrer la valeur des espaces de coworking comme laboratoires privilégiés de l'innovation sociale, au service de leurs territoires. Celle-ci est définie comme un processus d’innovation collective permettant d’apporter une solution nouvelle à un besoin social nouveau ou mal satisfait en impliquant la participation des acteurs concernés. Elle est de plus en plus reconnue, au niveau européen comme au niveau local, comme l'une des solutions à privilégier pour répondre aux défis sociaux et environnementaux accentués par les crises économiques. Pour Dominique Parret, directeur de l’Innovation de Saint-Etienne Agglomération, les tiers-lieux - espaces de coworking mais aussi Fablab - permettent de créer dans la ville « des zones franches d’innovation sociale [favorisant] de nouvelles formes de lien social entre des publics d’horizons divers, propices à la créativité et à l’entrepreneuriat ». La ville et la Région Rhône-Alpes soutiennent ainsi l’émergence d’un « Incubateur de projets Open Source » imaginé par le réseau « Coworking Sainté », visant à accompagner des porteurs d’idées ou de projets à forte valeur ajoutée pour le territoire, non seulement économique mais aussi sociale et environnementale. L’association NETIS, le coworking d’initiative étudiante de l’Université Paris-Est de Marne-la-Vallée, propose de son côté d’offrir à ses membres « un cadre pérenne d’expression et d’expérimentation du travail collaboratif (pratiques et valeurs associées) par le développement de projets non marchands. » Sylvie 35
  • 36. Mercier, professeur associé à l’Université qui accompagne les étudiants dans cette démarche, souligne l’importance de ce lieu « physique » qui se révèle être un excellent instrument pédagogique : « les élèves des différents Masters, dont les rythmes scolaires ne coïncident pas et ne leur permettent que de se croiser, ont ainsi créé les conditions pour se retrouver autour de ce qui est devenu une véritable cellule d’innovation au service du territoire». Plusieurs projets associant les compétences complémentaires des diplômants des majeures Immobilier et TIC du département Management Ingénierie des Services y ont ainsi été développés dans une approche collaborative avec des organismes publics (tels que le SAN Val d’Europe) et privés (Orangelabs). La première année, le projet pédagogique portant sur la donnée ouverte (Open Data) a par exemple abouti à la création collective d’une application basée sur OpenStreetMap qui cartographie les lieux d’Art Thérapie présents en Europe pour répondre aux besoins l’association d’aide aux handicapés mentaux la Gabrielle. Le projet a été co-financé par la Commission Européenne dans le cadre d’un programme de soutien aux initiatives citoyennes basées sur l’Open Data. A la CoRoutine, dont les fondateurs sont issus de l’économie sociale et solidaire, des rencontres sont organisées tous les mois pour permettre à des porteurs de projets d’innovation sociale de challenger (« pitcher ») leurs idées et de tester leurs réalisations auprès des coworkers. On pourrait considérer que cette réalité ne concerne que les espaces de coworking clairement liés au mouvement de l’entrepreneuriat social. Toutefois on constate que même dans les espaces « généralistes » on retrouve souvent une proportion significative de porteurs de projets « à vocation positive » sociale et/ou environnementale. Ainsi, la Cordée a remarqué que ces derniers concernaient 30% de ses coworkers. Ses fondateurs considèrent également leur participation aux réflexions du Grand Lyon sur l'Innovation Sociale comme une prolongation logique de leurs efforts pour promouvoir les vertus de l’attitude collaborative. L’Arrêt Minute accueille également des entrepreneurs sociaux des coopératives d'activité et d'emploi Co-action et Coop'alpha. Là encore, ces constats poussent les acteurs à la recherche de nouveaux modèles d’innovation à s’intéresser au coworking. Des entreprises de la distribution spécialisée ont ainsi visité la CoRoutine pour s’inspirer et imaginer des moyens de renforcer leur capacité d’innovation à valeur ajoutée sociétale ou environnementale. IV.3.6 Le coworking pourrait permettre la (re)dynamisation de l’économie locale Une tendance à privilégier l’économie locale dans les achats et la recherche de solutions On retrouve chez beaucoup de fondateurs d’espaces interviewés une volonté de favoriser le recours aux entreprises locales dans leurs diverses démarches. La Cordée réalise ainsi plus de la moitié de ses achats auprès de fournisseurs présents sur le territoire lyonnais. La CoRoutine privilégie pour les produits alimentaires et boissons la boutique « Envie d'ici », engagée à ne vendre que des biens de consommation produits dans un rayon de moins de cent cinquante kilomètres. Figure 20 - Livraison « Envies d’ici » - Crédit : Envies d’ici Certains espaces privilégient également autant que possible les artisans locaux pour leur aménagement. 36
  • 37. Dans un autre registre, Sylvie Mercier, professeur associé à l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée indique que la philosophie des projets développés au sein du coworking étudiant NETIS est de systématiquement rechercher les solutions les plus proches sur le territoire, dans une double optique de maximiser l’efficience des processus et de valoriser les compétences et savoir-faire locaux. On ne peut généraliser à l’ensemble des espaces de coworking cette recherche de valorisation de l’économie locale, qui repose essentiellement sur la personnalité et la volonté des fondateurs. L’enjeu de relocalisation est cependant bien perceptible dans les initiatives de coworking rural qui commencent à se multiplier en France. En zone rurale, des effets sur le commerce de proximité En zone rurale encore, l’installation d’un espace de coworking, au-delà de favoriser ou de préserver l’implantation d’activités sur le territoire, permet également de créer une nouvelle source de clientèle pour les commerces et services de proximité, souvent menacés par la désertification. On peut ainsi citer l’Arrêt Minute : « Une dizaine de coworkers vont régulièrement à la Poste : ils créent du flux pour les services et commerces locaux. Les clients et amis des coworkers viennent aussi dans l'espace : autant de clients additionnels potentiels pour les commerces de Pomerol, [village de 735 habitants]. » IV.4 Une source de mieux-être et de qualité de vie pour ses usagers Les exemples présentés jusqu’ici démontrent les impacts directs que peuvent avoir les espaces de coworking sur le dynamisme économique local. Un autre aspect particulièrement intéressant et palpable réside dans leur impact sur le bien-être et la qualité de vie de leurs usagers. Michael Scwhartz rappelle comme de nombreux fondateurs de coworking interviewés que cela a été pour lui une motivation importante lors de la création de son espace : «Avec la Cordée nous souhaitions soutenir le travail indépendant, permettre à des personnes de maintenir leur activité mais aussi créer de l'entraide, réduire la solitude des gens, favoriser le vivre mieux et l'équilibre de vie. » Des programmations autour du mieux-être sont ainsi organisées afin d’ouvrir les horizons des coworkers à d’autres sujets que leur quotidien professionnel et de « transmettre sans imposer une philosophie du ʽ faire mieuxʼ plutôt que ʽ plus ʼ ». Le travail en espace de coworking permettrait ainsi d’accroître le bien-être au travail et même, selon certains, le sentiment de bonheur. Xavier Jacquemet, co-fondateur de Mutinerie, suggère pour mesurer cet effet de « mettre une caméra le matin au dessus de la porte d’entrée de [son espace] et de compter le nombre de visages souriants à leur arrivée ». Concrètement, cette contribution au bien-être se décompose selon les axes suivants :  Meilleur équilibre vie professionnelle-vie personnelle : o grâce à une séparation plus nette entre l’univers de travail et la maison. Ce point est particulièrement important pour des indépendants et entrepreneurs qui travaillent bien souvent à domicile pour des raisons économiques. o grâce à la réduction des temps de transport domicile-travail. Cet effet demeurant toutefois encore limité compte-tenu du faible nombre de salariés fréquentant aujourd’hui les espaces de coworking. 37
  • 38.  Sortie de l’isolement et (re)découverte des vertus de la convivialité et de l’entraide : pour les travailleurs indépendants et les entrepreneurs particulièrement, le coworking présente l’avantage majeur de sortir d’un isolement caractéristique de leur activité. Elodie Chatelais, qui fréquente Coworking Saint-Brieuc indique ainsi que « nous assistons à la naissance d’une alternative réelle au salariat ou à l’isolement du freelance, c’est enthousiasmant ! ». Au-delà de cet impact, dont on pourrait considérer que l’intérêt est limité à des personnes travaillant habituellement à leur domicile, plusieurs usagers témoignent du fait que le coworking leur permet de vivre, voire de retrouver, les plaisirs simples de la convivialité et de l’entraide – rencontrer des personnes nouvelles ouvrant d’autres horizons, échanger, rire, être soutenu en cas de difficulté… – qui manquent de plus en plus dans les grands pôles urbains mais aussi dans le monde du travail. Comme nous l’avons vu plus haut, les enquêtes utilisateurs soulignent même que ce point devient au fil du temps pour de nombreux coworkers l’une des premières motivations à fréquenter « leur » espace.  Montée en confiance par la pratique de la coopération et de la collaboration : plusieurs gestionnaires d’espaces et usagers témoignent enfin des forts impacts qu’ont la promotion et la pratique de l’état d’esprit collaboratif sur l’ « empowerment » - ou la « capacitation » - des personnes. La posture volontairement bienveillante des fondateurs d’espace, la possibilité de solliciter des conseils et toutes les formes de collaboration évoquées plus haut favorisent ainsi l’autonomisation des individus, leur prise de conscience de leurs propres compétences mais aussi des points sur lesquels l’appel à d’autres sera nécessaire. Certains usagers soulignent ainsi des impacts positifs sur le sentiment de confiance en soi mais aussi envers les autres. Au cours des entretiens, plusieurs cas ont été évoqués de personnes en situation d’échec professionnel ou personnelle - voire de dépression - ayant été « reboostées » par la fréquentation du coworking. Nous présentons ci-dessous divers témoignages de coworkers illustrant ces impacts : Coworkers de l’Indy Hall, Philadelphie: 38