Villes et territoires en partage - L'économie collaborative au service des te...
Pierre calame propositions_pour_les_regions
1. La Région,
acteur du renouveau
démocratique
et social
13 pRopositions en vue
des éLections RégionaLes de 2010
par Pierre Calame
Les élections régionales sont l’occasion d’affirmer plus clairement
le rôle des territoires dans notre vie démocratique, économique
et sociale. Pierre Calame avance dans cette note 13 propositions
pour faire de la Région l’échelle par excellence du renouveau de
la gouvernance, des modes de production et de consommation
respectueux des impératifs sociaux et écologiques, et du dialogue
des sociétés à l’échelle mondiale. Ces propositions sont regroupées
notes en trois parties : Renouveler la gouvernance, la démocratie
de L’iRe et la citoyenneté; Aller vers une société durable; Faire de la Région
un acteur international.
février 2010
L’IRE est
soutenue par
la Fondation
Charles-Léopold
Mayer pour Pierre Calame
le progrès
de l’homme pierre calame, polytechnicien, ingénieur des ponts et chaussées, a travaillé
iRe
pendant vingt ans au ministère français de l’équipement où il a occupé diverses
38, rue St-Sabin responsabilités de gestion territoriale et d’administration centrale. il en est sorti
75011 Paris, France convaincu de la nécessité d’une réforme radicale de l’état. après un bref passage
tel +33-(0)1 43 14 75 75 dans l’industrie, il a dirigé pendant plus de vingt ans la Fondation charles Léopold
fax +33-(0)1 43 14 75 99 Mayer pour le progrès de l’homme.
www.i-r-e.org
initiative@i-r-e.org
2. notes
sommaire des propositions de L’iRe
février 2010
Renouveler la gouvernance,
la démocratie et la citoyenneté
1 Fonder la gouvernance régionale sur le principe
de subsidiarité active.
2 Faire de la démocratie participative une modalité
de droit commun pour les politiques régionales.
3 Réhabiliter le concept de contrat social en adoptant
une Charte régionale des responsabilités humaines.
4 Fonder la politique de la ville sur un contrat social renouvelé.
5 Considérer l’information et le capital immatériel
comme une nouvelle dimension du bien public.
aller vers une société durable
6 Créer dans la Région un réseau d’Agences oeconomiques
territoriales (AOT)
7 Développer des filières de production et de consommation
durable.
8 Définir une politique villes-campagnes intégrant l’agriculture,
la gestion des sols et l’eau.
9 Amorcer un système de quotas territoriaux d’énergie.
10 Passer d’une société du gaspillage à une société d’utilisation.
11 Renforcer le système des soins avec la monnaie sociale.
Faire de la Région un acteur international
12 Renforcer l’implication des Régions dans le Comité
des Régions européennes.
13 Faire des Régions un acteur du dialogue de société à société
entre régions du monde.
2
3. notes
de L’iRe
février 2010
Renouveler la gouvernance,
la démocratie et la citoyenneté
1 Fonder la gouvernance régi par le principe de subsidiarité active3.
régionale sur le principe de Comme dans la subsidiarité « classique »,
c’est au plus près des échelons de base
subsidiarité active qu’il faut inventer des solutions adaptées
à des contextes et des acteurs très variés.
Le comité Balladur, commettant les mê- Mais, là où la subsidiarité classique veut
mes erreurs que Gaston Deferre près de qu’il n’y ait aucune ingérence des autres
trente ans auparavant, ne voit de progrès niveaux territoriaux dans les affaires des
dans la décentralisation que par la clari- communautés de base, la subsidiarité
fication des responsabilités exclusives de active se fonde au contraire sur la recon-
chaque niveau de collectivité territoriale, naissance des interdépendances : une
ce qui justifie au passage que l’on sup- collectivité, par exemple la Région, est
prime la clause de compétence générale fondée à imposer à chacune des collec-
du département et de la Région. Il laisse tivités plus petites qui la composent des
entière l’une des sources d’hypocrisie « obligations de résultats » : au lieu de fixer
de la décentralisation française : l’idée des normes uniformes, il faut susciter 1 I Voir à ce sujet
qu’aucune collectivité locale ne peut l’échange d’expériences et, à partir de là, Pierre Calame,
« La Commission
exercer une quelconque tutelle sur une découvrir des principes communs, cha- Balladur sera-t-elle
l’occasion de jeter
autre, de sorte que le seul moyen d’in- que collectivité de base ayant la charge les bases
fluence est celui des financements croi- de trouver le meilleur moyen de mettre d’une gouvernance
multi niveaux ? »
sés, l’Etat gardant un mownopole d’arbi- en œuvre ces principes communs en Texte disponible
trage1. Au même moment, le Comité des fonction de son propre contexte. sur le site de l’IRE
(www.i-r-e.org)
Régions européennes a publié, en juin Le principe de subsidiarité active de-
2009, un Livre blanc sur la gouvernance vrait être expérimenté pour chacune des 2 I Accessible
sur le site www.cor.
à multi-niveaux2. Ce Livre blanc part au politiques régionales. La Région pourrait europa.eu
contraire du constat qu’aucun problème être décomposée en territoires plus ho- (cliquez ici pour
accéder directement
de nos sociétés ne peut se gérer à un seul mogènes, plus petits, « agglomérations » au document)
niveau : l’objectif n’est donc pas de ré- ou « pays », en général entre dix et vingt,
3 I « Les relations
partir des compétences exclusives en- chaque politique régionale faisant l’objet entre niveaux de
tre différents niveaux de collectivités, d’un échange d’expériences entre ces ter- gouvernance : la
subsidiarité active »
mais de développer la pratique des com- ritoires, échange animé par la Région et in Pierre Calame,
pétences partagées en se fondant sur à partir duquel se définiraient les obliga- La Démocratie en
miettes, Editions
de nouveaux principes de gouvernance. tions de résultats. Charles Léopold
Mayer, 2003.
La Région n’est certes qu’un des mul- Cette philosophie inspire déjà certaines Disponible sur le site
tiples échelons de l’édifice institutionnel politiques régionales. Elle fait partie d’une de l’IRE (www.i-r-e.
org). L’ouvrage peut
français, mais c’est l’un de ceux où il transformation plus vaste de la gouvernance, être téléchargé dans
est le plus facile d’innover. Elle se prête passant d’une approche qui privilégie la ré- son ensemble sur
le site de l’éditeur
à l’exercice des compétences partagées, partition rigide des compétences,les fonction- (www.eclm.fr) .
3
4. notes
Renouveler la gouvernance, de L’iRe
la démocratie et la citoyenneté février 2010
nements institutionnels et l’édition de règles mais la publication des débats sur le site
uniformes à une gouvernance qui privilégie en ferait un élément important à pren-
la définition d’objectifs partagés, l’adop- dre en compte5.
tion de principes éthiques communs et le
développement de « dispositifs de travail »
qui amènent à une recherche concertée 3 Réhabiliter le concept
de la meilleure manière d’atteindre ces
objectifs.
de contrat social en adoptant
une Charte régionale
des responsabilités humaines
2 Faire de la démocratie
participative une modalité L’éthique du xxie siècle sera fondée sur le
de droit commun pour concept de responsabilité et sur l’équilibre
les politiques régionales entre droits et responsabilités. Les prin-
cipes en sont exposés dans la Charte des
responsabilités humaines 6. Cette Charte
On oppose parfois démocratie participa- définit en particulier trois dimensions,
4 I Yolanda Ziaka,
tive à démocratie représentative, comme absentes du concept traditionnel de res- « Le Panel des
si les deux étaient en concurrence et ponsabilité mais essentielles pour la res- Citoyens : un essai
de promotion de
comme si la première était en mesure de ponsabilité au xxie siècle : premièrement, la démocratie
participative » ,
remplacer la seconde. Cette idée est à la la responsabilité porte sur l’impact final octobre 2001, article
fois illusoire et dangereuse. En revanche, des actes, qu’ils soient prévisibles ou disponible sur
le site de l’initiative
il semble avéré que la démocratie par- non, intentionnels ou non ; deuxième- DPH (Dialogues,
ticipative est en mesure de revivifier la ment, chaque citoyen et chaque acteur propositions,
histoires pour
démocratie représentative. Beaucoup de économique et social doit assumer une une citoyenneté
mondiale), www.
Régions l’ont déjà expérimentée, notam- responsabilité mais celle-ci est propor- d-p-h.info. Voir aussi
ment à l’occasion d’exercices de pros- tionnée au pouvoir social : on ne peut re- le site www.citizens-
panel.eu.
pective. On pourrait aller plus loin en vendiquer plus de pouvoir sans assumer
généralisant, au niveau d’une Région, le en même temps plus de responsabilité ; 5 I Voir Pierre
Calame, « Enjeux,
système des panels de citoyens 4. enfin, l’impuissance ne justifie pas l’ir- difficultés
Pour la préparation de chaque politi- responsabilité si l’on n’a pas montré la et perspectives
de la démocratie
que régionale, on constituerait un panel volonté de s’allier à d’autres pour sortir participative ».
Une synthèse
de citoyens alimenté en informations et de cette impuissance. des travaux de la
en expériences. Cette information, dont Le préambule du Traité constitution- Rencontre mondiale
Démocratie Par-
la qualité est décisive pour la crédibilité nel européen avait développé la notion ticipative (Rhône-
de la démarche, serait mise à disposi- de responsabilité, ce qui était tout à fait Alpes, 10, 11 et 12
décembre 2007).
tion de tous les citoyens sur le site du juste en raison du lien profond entre res-
Conseil régional. Les conclusions du pa- ponsabilité et contrat social. La caracté- 6 I Voir « Charte
des Responsabilités
nel n’auraient pas d’effets contraignants ristique de ce que l’on a coutume d’ap- humaines », sur
pour la décision finale, qui continuerait peler le modèle social européen, c’est le site www.charter-
humanresponsibilities.
à relever de la démocratie représentative, précisément qu’il repose – implicitement net.
4
5. notes
Renouveler la gouvernance, de L’iRe
la démocratie et la citoyenneté février 2010
ou explicitement – sur le concept de produire des jeunes frustrés, terreau fa-
contrat social 7. vorable au développement de problèmes
Les Régions sont bien placées pour sus- sociaux ultérieurs.
citer une réflexion collective des acteurs L’Etat français n’a pas vraiment pris
locaux sur la Charte des responsabilités en compte les réflexions internationales
humaines et pour jouer un rôle moteur dans ce domaine, en particulier celles
dans la réinvention du contrat social. qui conduisent à gérer véritablement la
ville avec ses habitants. Bien entendu,
un Conseil régional ne peut se substi-
4 Fonder la politique de la ville tuer à la fois à l’Etat, aux départements
et aux collectivités locales, qui détien-
sur un contrat social renouvelé nent l’essentiel des moyens financiers,
administratifs et politiques, mais il peut
Les politiques successives menées en montrer la voie d’une politique exem-
faveur des quartiers pauvres, en particu- plaire, en partant par exemple des six
lier ceux qui au fil des années sont deve- principes conducteurs affirmés dans « la
nus des espaces de relégation des popu- déclaration de Caracas » de 19918 : partir
lations issues de l’immigration récente, des dynamiques à l’œuvre dans les quar-
ont été peu efficaces. L’Etat, qui a piloté tiers ; reconnaître aux habitants un droit
ces efforts, a mis en place une politique à s’enraciner ; reconnaître au sein de ces
7 I Voir Jérôme
de « projets » comparable aux politiques de quartiers la grande diversité des situa- Vignon, « Quel
coopération par projet menées… en Afri- tions et des niveaux d’aspiration ; mettre Modèle social pour
l’Europe ? », in Yu
que, avec les mêmes résultats décevants ! en place une gestion globale dépassant Shuo, Huang Yé et
Jean-Paul Delattre,
Beaucoup ont misé sur le système la sectorisation des interventions admi- L’Europe c’est pas
d’éducation pour résoudre la question nistratives ; mettre en accord les ryth- du chinois, Editions
Charles Léopold
de l’intégration sociale, espérant que « l’as- mes administratifs et politiques avec les Mayer, 2007.
censeur social républicain », dont l’école rythmes sociaux réels ; créer des moda- Disponible sur le site
de l’IRE (www.i-r-e.
devait être l’outil principal, continuerait lités de cofinancement par les habitants org). L’ouvrage peut
être téléchargé dans
de fonctionner. Mais le système d’éduca- eux-mêmes et par la puissance publique son ensemble sur
tion et les valeurs qu’il transmet se sont pour le développement des projets. le site de l’éditeur
(www.eclm.fr).
avérés faire partie du problème autant
que de la solution. Ce système est fondé 8 I Déclaration
exposée en détail
sur une affirmation des droits, notam- 5 Considérer l’information par Catherine Foret
ment des droits des enfants et des ado- dans « Gouverner
lescents, qui ne prend pas en compte les
et le capital immatériel les villes avec leurs
habitants. Les
responsabilités et qui se révèle illusoire. comme une nouvelle dimension nouveaux défis de
la gestion urbaine :
Cette affirmation met en avant une éga- du bien public convergences
mondiales »,
lité fallacieuse qui renvoie les jeunes Editions Charles
à leurs échecs comme s’ils résultaient Léopold Mayer,
2001. L’ouvrage peut
de leurs insuffisances personnelles, et Si l’on veut aller vers des sociétés dura- être téléchargé dans
oublie que le droit isole tandis que la bles assurant le bien-être de tous, il faut son ensemble sur
le site de l’éditeur
responsabilité unit. C’est une machine à développer massivement les « biens qui (www.eclm.fr).
5
6. Renouveler la gouvernance, notes
la démocratie et la citoyenneté de L’iRe
février 2010
se multiplient en se partageant 9 » com- coût un passage en masse des logiciels
me la connaissance, le savoir-faire, l’infor- propriétaires aux logiciels libres.
mation, le capital immatériel. Le régime Une autre initiative prometteuse est
actuel des droits de propriété intellectuels, celle de créer des centres de ressources
qu’il s’agisse des médicaments, des logi- documentaires permettant un proces-
ciels ou des connaissances scientifiques, sus massif d’échange d’expériences aussi
est une hérésie car il créé de la rareté arti- bien au niveau local (entre les collectivi-
ficielle pour des biens qui sont abondants tés territoriales, entre les établissements
par nature. hospitaliers, entre les établissements
Un Conseil régional ne peut évidem- scolaires, entre les pactes territoriaux
ment réformer à lui seul les règles du de lutte contre l’exclusion, etc.) qu’au
commerce international. Il peut en re- niveau international, le Conseil régional
vanche montrer la voie en faisant la pro- s’assumant comme une porte ouverte
motion de la gratuité de la connaissance. sur le monde.
Une première initiative pourrait concer-
ner les logiciels. Un Conseil régional peut
s’appuyer sur le mouvement du logiciel
libre pour promouvoir en son sein, dans
les collectivités locales de la Région, dans
les lycées, dans le monde associatif, dans
celui de l’économie sociale et solidaire et
dans celui des petites entreprises une po-
litique systématique de remplacement
des logiciels propriétaires par des logi-
ciels libres10. Dans certains cas, par exem-
ple dans le cas des outils de comptabilité,
cette démarche peut rendre nécessaires 9 I Voir à ce sujet :
« Les différentes
quelques développements supplémen- catégories de biens
et de services
taires pour parvenir au niveau d’ergo- et les régimes
nomie des logiciels propriétaires. Néan- de gouvernance
de chacun d’eux »
moins, l’évolution des logiciels libres est in Pierre Calame,
telle que le principal effort doit porter Essai sur l’Oeconomie,
Editions Charles
sur la diffusion des logiciels existants en Léopold Mayer,
2009. L’ouvrage
direction des acteurs économiques et so- peut être téléchargé
ciaux qui, trop souvent, ne disposent pas sur le site de l’éditeur
(www.eclm.fr).
du temps et des moyens intellectuels de
se poser la question. 10 I Voir à ce sujet
le site de l’association
En mettant le logiciel libre au cœur de promotion
de l’initiation des lycéens à l’informati- et de défense du
logiciel libre, « April »
que, et en créant un partenariat avec les (www.april.org),
instituts d’enseignement supérieur, une qui compte à ce jour
5336 adhérents,
Région est en mesure d’initier à un faible dont 440 entreprises.
6
7. notes
de L’iRe
février 2010
aller vers une société durable
6 Créer dans la Région éventuellement en élargissant les com-
un réseau d’Agences pétences des institutions existantes, par
exemple des agences d’urbanisme, en
oeconomiques territoriales les chargeant, pour commencer, d’une
(AOT) fonction d’étude des « métabolismes terri-
toriaux » et en étendant progressivement
leurs responsabilités et leurs compéten-
On parle ici d’« oeconomie » plutôt que ces à la création de monnaies locales, au
d’économie car il s’agit bien de définir développement d’entreprises d’intérêt
les règles du jeu de la gestion de la com- collectif, etc.11
munauté et du territoire commun. C’est
le sens étymologique du mot économie.
L’enjeu d’un nouveau modèle de déve- 7 Développer des filières
loppement est de tirer parti au mieux de
toutes les ressources naturelles, ma-
de production et de
térielles et immatérielles de la Région consommation durable
de façon à renouveler et à faire croître,
à l’issue de chaque période, les quatre
catégories du capital régional : le capital Nous ne pouvons pas nous en remettre
matériel, le capital humain, le capital na- aux seules entreprises et à leur responsabi-
turel et le capital immatériel. lité sociale et environnementale pour créer
Or, une région française n’a actuel- un nouveau mode de développement.
lement aucun moyen intellectuel et il n’y a de société durable que s’il y a
institutionnel d’y parvenir. Elle ignore des filières de production et de consom-
pratiquement tout des flux qui la tra- mation elles-mêmes durables. Or, en
versent ; elle connaît à peine les flux règle générale, ni les consommateurs,
d’énergie entrants et sortants, elle ne sait ni même les entreprises de production
rien des flux d’information, de matière ou de distribution ne connaissent le de-
et d’argent. Elle ignore, dans son fonc- gré de durabilité des filières. Cela tient
tionnement, ce qui résulte d’échanges lo- notamment à l’utilisation d’une même
caux ou d’un usage optimal de l’énergie, monnaie (unité de compte, moyen de
n’ayant aucun moyen de faire la distinc- paiement) pour deux éléments distincts
tion entre échanges internes et échanges mais incorporés dans le même proces- 11 I Pierre Calame,
« Promouvoir
avec l’extérieur. Or, il faut connaître pour sus de production et de distribution : le les agences
agir. D’où l’idée de créer, pour chacun travail humain et les matières premières oeconomiques
territoriales (AOT)
des territoires infra-régionaux, aggloméra- non renouvelables, notamment l’éner- en Europe »,
tions ou pays, une agence oeconomique gie. On objecte souvent qu’une mesure texte disponible
sur le site de l’IRE
territoriale (AOT). Cela peut se faire détaillée des matières premières et de (www.i-r-e.org).
7
8. notes
Aller vers une société durable de L’iRe
février 2010
l’énergie incorporées dans une filière re- pilotes en la matière.
lève de l’utopie, et on affirme qu’il suffit Le développement par la Région
de « produire et acheter localement ». Ces d’une action directe pour les lycées et
deux arguments manquent de solidité. les hôpitaux – et indirecte, en lien avec
Le premier parce que si l’énergie et les les Conseils généraux et les communes,
matières premières incorporées à chaque pour les collèges et écoles primaires – lui
stade du processus de production et de donnerait un levier puissant pour poser
distribution semblent difficiles à mesurer, la question des filières durables à partir
c’est précisément parce que la taxation de la restauration collective.
actuelle porte sur le travail humain. A Une autre piste prometteuse est celle
priori, le travail humain incorporé tout le de la négociation avec les grandes en-
long du processus de production est plus treprises de distribution. On sait le rôle
difficile encore à mesurer que l’énergie et joué par ces entreprises dans la distribu-
les matières premières consommées. Si tion de la plupart des biens de consom-
cela ne semble plus le cas, c’est tout sim- mation courants, notamment agroa-
plement parce qu’une taxe sur la valeur limentaires. Elles disposent en outre,
ajoutée a été instaurée : c’est la taxation notamment pour des raisons de sécurité
qui crée l’outil de mesure. alimentaire ou de gestion des stocks et
Quant à « produire et consommer lo- des circuits d’approvisionnement, de tra-
calement », ce slogan s’avère souvent plus ceurs du processus de production à tra-
sympathique que profond, notamment en vers les codes barres.
ce qui concerne les produits alimentaires. Certaines entreprises, comme Carre-
Les études des filières alimentaires mon- four, ont eu des directions générales sen-
trent en effet que les coûts énergétiques sibles aux enjeux écologiques, comme le
liés à la production sont à chercher non prouve la réflexion menée sur une filière
pas du côté du transport mais du côté de pêche durable. Il est également intéres-
de la production elle-même 12, dans une sant de voir que la première entreprise de
agriculture productiviste peu économe distribution mondiale, Wall Mart, pour-
en énergie directe (utilisation de fioul tant peu suspecte en général de philanth-
détaxé) et indirecte (les intrants). ropie, veut établir un indice de durabilité
Régions et collectivités locales dis- pour chacun des produits qu’elle vend.
posent d’un levier puissant pour poser Un Conseil régional est bien placé,
la question de la durabilité des filières : en lien par exemple avec les villes de la
la restauration collective dans les éta- Région, pour susciter une réflexion d’en-
blissements scolaires et dans les hôpitaux. semble sur les modes de consommation
Le réseau alimenterra, qui anime l’échange et la durabilité des filières, et pour im-
d’expériences européennes dans ce do- pliquer les grandes entreprises de distri-
maine, met en évidence les potentialités bution intéressées par la démarche. Cela
de la restauration collective pour poser la pourrait se faire en deux temps : dans un
12 I Voir à ce sujet
question de l’alimentation, de ses liens premier temps il faudrait construire des les travaux de
avec l’économie locale et la santé. Des villes indices de durabilité ; dans un second l’Institut Wuppertal
(www.wupperinst.
comme Rome, Copenhague, Londres sont temps il faudrait ouvrir un débat démo- org).
8
9. notes
Aller vers une société durable de L’iRe
février 2010
cratique sur les modes de consommation Elle permet, en échange d’une mise à dis-
comme levier de la transition vers une position des sols à des exploitants agrico-
société durable. les, d’imposer les modes d’exploitation.
8 Définir une politique 9 Amorcer un système
villes-campagnes intégrant de quotas territoriaux d’énergie
l’agriculture, la gestion
des sols et l’eau
L’échec de la négociation de Copenhague
et le rejet par le Conseil constitutionnel
La grande agriculture productiviste, tour- de la première version de la taxe carbone
née vers le marché international plus que sont riches en enseignements. Ils mon-
vers les besoins régionaux, continue à do- trent tout d’abord la faiblesse de l’appro-
miner dans beaucoup de régions françai- che préconisée par les pays occidentaux,
ses. Les nappes phréatiques sont polluées en particulier par les Etats-Unis, qui
par une agriculture intensive, de sorte consiste à accepter des réductions des
que l’eau doit être traitée massivement émissions de gaz à effet de serre à condi-
pour répondre aux besoins humains. tion que les grands pays émergents, en
Plusieurs mécanismes peuvent être particulier la Chine, fassent un effort
mis en place rapidement pour réorien- comparable. Or, si la Chine est parfaite-
ter l’agriculture dans une région. Le pre- ment consciente des contradictions de
mier mécanisme, déjà adopté par certai- son modèle de développement actuel, et
nes villes et régions à l’étranger comme si elle a entrepris une politique d’amé-
New York ou Munich, consiste à signer lioration de l’efficience énergétique et
des contrats avec les agriculteurs pour la de développement des énergies renouve-
conversion à l’agriculture biologique et lables, elle ne peut accepter d’être mise
la préservation des nappes phréatiques. sur le même plan que des pays comme
Ces contrats, instaurant des servitudes les Etats-Unis, dont la consommation
de droit privé, permettent de contourner par habitant est cinq fois supérieure à la
les baux ruraux habituels qui n’autori- sienne, d’autant plus que tout le dévelop-
sent pas à stipuler un mode d’exploi- pement économique occidental s’est fait 13 I Utilisée par
tation particulier. Une deuxième voie au prix d’émissions considérables de gaz exemple par la
Fondation Charles-
pourrait être l’acquisition progressive à effet de serre depuis 150 ans. Léopold Mayer pour
par la Région des sols agricoles, à travers fixer les modalités
Ce n’est pas en termes d’efforts parallè- d’exploitation du
un mécanisme qui compense les terres les de réduction qu’il faut raisonner mais domaine agricole
de la Bergerie
consommées par l’urbanisation par un en termes de quotas d’émissions équita- de Villarceaux
fonds de nature comparable au Conser- bles d’un pays à l’autre. Le rachat aux pays en Région Ile-de-
France. Voir aussi
vatoire du littoral. Pour la gestion des ter- en développement de leurs quotas d’émis- la page consacrée
res ainsi acquises, la formule juridique sions par les pays riches répond en outre à à ce projet sur
le site de la Région
du commodat13 semble toute indiquée. la nécessité de financer les modalités d’un d’Île-de-France.
9
10. notes
Aller vers une société durable de L’iRe
février 2010
développement nouveau, plus économe 10 Passer d’une société
en énergie, dans les pays émergents. du gaspillage à une société
Quant au rejet par le Conseil Consti-
tutionnel de la première version de la
d’utilisation
taxe carbone, il manifeste la grande diffi-
culté à avoir des régimes de gouvernan-
ce concurrents pour l’énergie, quotas Dans une époque pas si lointaine, les so-
d’émissions pour les grandes entreprises ciétés de chauffage urbain étaient rému-
et taxation des émissions de CO2 pour nérées à la thermie consommée, et les
les autres. Cet épisode juridique oblige sociétés d’économie mixte en fonction du
à s’interroger sur la pertinence même chiffre d’affaires qu’elles généraient : deux
d’une taxe appliquée à ce type de bien. exemples de mécanismes qui, littéralement,
Cela ouvre un débat plus général et d’une « poussaient à la consommation ». Ce ne sont
grande importance pour les Régions : ce- que deux exemples des cas flagrants d’une
lui sur les régimes de gouvernance ap- société de gaspillage où l’obsolescence
plicables aux différentes catégories de technique ou sociale est programmée
biens et services. En effet, il faut sortir d’avance, l’appareil de production s’entre-
de l’alternative simpliste entre biens pri- tenant en permanence par le remplace-
vés, relevant du marché, et biens publics, ment d’un modèle par un autre.
relevant de l’action publique. Chacun peut comprendre qu’une socié-
Il ne faut pas craindre de reconnaî- té durable est une société d’utilisation15 où
tre que la consommation d’énergie non les biens – c’est-à-dire l’énergie et la matière
renouvelable relève fondamentalement incorporées – sont remplacés autant que
d’une économie du rationnement (où l’on possible par des services. Cela passe en par-
décide ce à quoi chaque personne, cha- ticulier par une conception beaucoup plus
que activité économique, chaque pays a modulaire des appareils et des machines –
droit pour respecter le double principe qu’il s’agisse d’ordinateurs, de chaudières, 14 I Voir Pierre
Calame, « Les
d’équité et de préservation de la biosphè- de voitures, de photocopieuses ou même quotas territoriaux
d’énergie »
re et des droits des générations futures). de bâtiments – de sorte qu’au lieu de jeter disponible sur
Ce qui conduit au principe de quotas ter- une machine obsolète l’utilisateur puisse la le site de l’IRE
(www.i-r-e.org).
ritoriaux négociables. renouveler pièce par pièce, au rythme du
Bien entendu, une Région ne peut à progrès technique ou de l’usure. 15 I Pour une pré-
sentation détaillée,
elle seule procéder à une réforme d’une Ceci implique à son tour de considé- voir Suren Erkman,
telle ampleur. Néanmoins, elle peut en rer la normalisation comme un nouveau Vers une écologie in-
dustrielle. Comment
tracer les voies en instaurant de tels quo- bien public. C’est une question que l’on mettre en pratique
tas territoriaux négociables pour la ges- découvre dans des problèmes aussi sim- le développement
durable dans
tion des bâtiments publics, les systèmes ples que la réutilisation de bouteilles, une société hyper-
industrielle, Editions
de transport et plus généralement pour mais qui offre des perspectives beaucoup Charles-Léopold
toutes les politiques sur lesquelles elle plus prometteuses, en matière d’automo- Mayer, 2004.
L’ouvrage peut être
intervient14. biles par exemple. Le président de Fiat téléchargé dans son
n’a-t-il pas, il y a quelques mois, esquissé ensemble sur le site
de l’éditeur
l’idée d’usines de montage automobile (www.eclm.fr).
10
11. notes
Aller vers une société durable de L’iRe
février 2010
qui seraient des plates-formes à disposi- simple : les personnes qui acceptent de
tion de différents fabricants ? Rank Xe- s’occuper de personnes âgées à proxi-
rox a de son côté été pilote dans le do- mité de chez elles gagnent des « points »
maine des photocopieuses. Une Région qui leur permettent ensuite d’acheter des
avec son parc de lycées peut piloter ce soins personnalisés aux membres de leur
passage à une société d’utilisation. propre famille, parfois à l’autre bout du
pays16. Cet outil mériterait d’être testé
dans les conditions françaises, et les col-
11 Renforcer le système des lectivités territoriales pourraient en deve-
nir le promoteur principal.
soins avec la monnaie sociale
Dans les sociétés modernes, de moins en
moins de familles assurent directement
les soins des personnes âgées – pour de
multiples raisons, dont la distance géo-
graphique n’est pas la moindre. Les deux
alternatives classiques à ce modèle – les
services achetés sur le marché ou finan-
cés collectivement par l’impôt – possè-
dent chacune leurs désavantages : la pre-
mière est inabordable pour une partie
de la population, la deuxième peut en-
core renforcer l’anonymat et souffre en
outre de la pression sur les mécanismes
de l’Etat-providence dans son ensemble,
notamment à cause du vieillissement de
la population. D’où l’intérêt des outils
novateurs comme la monnaie sociale,
qui reste fidèle à la logique de l’échange
– où le lien est manifeste entre ce qu’on
« paye » et ce qu’on reçoit – sans pour
autant avoir recours à l’économie mo-
16 I Bernard Lietaer
nétaire traditionnelle, donc sans exclure et Margrit Kennedy,
une partie de la population. Monnaies régionales.
De nouvelles voies
La monnaie sociale est utilisée pour vers une prospérité
durable, Editions
échanger une ressource non monétaire, Charles Léopold
le temps. C’est cet échange du temps Mayer, 2009.
L’ouvrage peut
consacré aux activités sociales qui expli- être téléchargé
que le succès des systèmes comme fureai gratuitement sur
le site de l’éditeur
kippu au Japon, dont le principe est très (www.eclm.fr).
11
12. notes
de L’iRe
février 2010
Faire de la Région
un acteur international
Les Régions, comme les grandes villes, 12 Renforcer l’implication
sont des acteurs internationaux dont l’im- des Régions dans le Comité
portance ne cesse de croître. Si leur im-
portance ne cesse d’augmenter, c’est que des Régions européennes
le territoire, notamment la Région, est à
la fois brique de base de la gouvernance
de demain et l’acteur pivot de l’économie En prenant l’initiative de publier le Livre
du xxie siècle. blanc sur la gouvernance à multi-niveaux,
A la différence des Etats, qui conçoi- le Comité des Régions s’est positionné
vent le lien entre le local et le mondial comme un acteur majeur du renouvel-
comme un emboîtement de poupées rus- lement de la pensée européenne sur la
ses, les Régions construisent la mondiali- gouvernance. Cette initiative mérite d’être
sation en réseau. Il est ainsi remarquable prolongée par une implication plus forte
d’observer la montée en régime du Co- des Régions dans les débats sur la gouver-
mité des Régions européennes et le dé- nance européenne, par exemple en dif-
veloppement des délégations à Bruxelles fusant largement et en mettant en débat
des différentes Régions européennes, ou le Livre blanc en question – mais aussi,
encore la mise en réseau de certaines ré- plus généralement, en utilisant le relais du
gions, à travers l’appel de Belfort17 et le Comité des Régions pour susciter des dé-
groupe des régions « R20 », pour faire bats de fond sur le projet européen et sur
face au changement climatique. Cepen- la place des Régions au sein de ce projet.
dant, trop souvent l’action internationa- Un autre espace de débat mérite d’être
le des Régions se limite à une multipli- investi à l’échelle européenne, celui qui
cation des jumelages ou à la défense des fait suite au Livre vert sur la cohésion ter-
intérêts communs. C’est certainement ritoriale, rédigé par la Direction générale à
nécessaire mais insuffisant. l’action régionale.
Deux orientations méritent d’être pro-
mues : le renforcement du rôle du Comité
des Régions européennes ; l’implication 13 Faire des Régions un acteur
de la Région dans le dialogue entre socié- 17 I « Les régions,
tés du monde.
du dialogue de société à société une force pour le
changement. Les
entre régions du monde régions se mobilisent
pour la lutte contre
le changement
climatique », adopté
par l’Assemblée
Autrefois, les rapports entre sociétés des Régions
d’Europe à Belfort,
étaient un peu à l’image de ces villages le 27 novembre
voisins qui pouvaient coopérer ou s’af- 2009. Voir le site
de l’Assemblée
fronter, mais où chacun rentrait le soir (www.aer.eu).
12
13. notes
Faire de la Région un acteur international de L’iRe
février 2010
chez soi. Maintenant, nous sommes les
colocataires d’un même appartement,
appelés à vivre ensemble et à partager
les installations communes. Les relations
diplomatiques et le commerce ne suffi-
sent plus à réguler les interdépendances
– devenues irréversibles – qui nous lient
avec les autres régions du monde. La so-
ciété civile doit être associée à cette nou-
velle manière de dialoguer ; c’est ce qui
a été tenté avec le Forum China-Europa18,
dont le Comité des Régions est un des
partenaires stratégiques. Pour qu’un vrai
dialogue puisse s’installer dans la durée,
il faut qu’il s’enracine de part et d’autre
dans des réalités concrètes, et la Région
est un espace privilégié de cet enracine-
ment. D’où l’idée que chaque région choi-
sisse un petit nombre de thèmes autour
desquels elle pourrait appuyer, dans la
durée, le dialogue avec les représentants
de la société chinoise.
18 I Pour une
présentation
détaillée du Forum
Chine Europe :
www.china-europa-
forum.net.
13