Points-clés
Statut rémunéré des apprenants. Les apprenants ont un statut qui permet de bénéficier d’une rémunération tout en continuant à se former. Cette formule alliant travail et formation contre rémunération permet de toucher les couches les plus pauvres et souvent les chefs de ménages.
La prise en compte du genre. Moteur de développement, les femmes ont un rôle important à jouer mais ne sont bien souvent pas mise en avant. Une attention particulière leur est portée en proposant une identification qui respecte la parité.
Des formations pour mieux cohabiter. Les formations humaines (formations
de développement individuel et communautaire) ont pour but d’être moteur du changement de comportement des apprenants et de permettre une meilleure cohabitation sur les chantiers et en dehors.
Une Ouverture professionnelle par la formation. Les formations professionnelles sont concrètes et basées sur la pratique. Aucune connaissance en écriture et lecture n’est préconisée. En peu de temps, les apprenants peuvent apprendre les bases d’une profession et peuvent bénéficier d’une attestation reconnue par le Ministère de l’enseignement.
Des formations pour devenir acteur de changement. L’ensemble du cycle de formation permet à chaque apprenants de prendre la mesure de sa capacité à être acteur de changement tant par les formations humaines et le transfert des compétences au sein de leurs communautés que par les formations professionnelles et entrepreneuriales.
Appuyer le développement d’activités génératrices de revenus. L’insertion professionnelle est stimulée en donnant la possibilité à chaque apprenant de développer une activité génératrice de revenus s’il le désire. Dans ce but, le Projet Pavage cherche à orienter les formations profess
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Professionnalisation de la filière des pavés au Burundi
Des travailleurs ? Non, des apprenants !
Les chantiers de pavage ont lieu dans des communes de
Bujumbura où le taux de chômage est extrêmement élevé et
où les opportunités éducatives et professionnelles sont limi-
tées. Partant de ce constat, le Projet Pavage vise à aller plus
loin qu’un chantier à Haute Intensité de Main-d’œuvre (HIMO)
classique en proposant aux apprenants toute une série de
formations qui stimuleront le développement économique et
social de la zone d’intervention. En effet, ces apprenants ne
sont ni des salariés ni des travailleurs. Pour autant, les appre-
nants sont rémunérés pour leurs présences tout au long du
cycle d’apprentissage.
Il y a une formation pratique, qui se fait sur les chantiers-
écoles de pavage. Là, les apprenants se forment aux tech-
niques du pavage, allant du compactage au déblayage/net-
toyage. Mais ils apprennent aussi à respecter la discipline de
travail, les horaires, les rendements et les normes de qualité.
Pour des populations qui sont depuis longtemps au chômage
et dont l’activité est intermittente, cette éducation au travail
représente un grand pas en avant.
En alternance avec le travail sur les chantiers-écoles, les
apprenants ont des formations tout au long de leur cycle
d’apprentissage. Ils suivent tout d’abord des formations
humaines, qui ont pour but de les aider à se développer
en tant qu’individus et au sein de leur communauté. Ces
formations débutent avant l’insertion sur les chantiers et se
prolongent durant les 3 premiers mois. Ils suivent ensuite
des formations professionnelles leur donnant des compé-
tences de base dans un métier précis. Pour compléter cela,
ils bénéficient de formations « en éveil entrepreneurial »
avant l’insertion sur les chantiers et de formations entrepre-
neuriales une fois le chantier-école terminée. Elles visent à
susciter et améliorer le taux d’auto-entrepreneurs chez les
ex-apprenants.
Des apprenants ? Non, des apprenantes !
Sur ces chantiers HIMO à vocation sociale, les effectifs y sont
constitués à 51 % de femmes en 2014. Lors de l’identification,
le tirage au sort respecte une parité 50-50 garantissant un équi-
libre dans la réserve. Cependant, dans les personnes appelées
à intégrer le chantier-école, les femmes sont plus nombreuses à
se présenter que les hommes.
Une attention particulière est portée à cette égalité des genres.
Les femmes ont un rôle primordial à jouer dans le dévelop-
pement économique et social. En passant par les chantiers-
écoles, cette formule permet de les aider à prendre en main leur
vie et à endosser des responsabilités plus importantes au sein
de leur foyer, étant donné qu’elles contribuent dorénavant plus
aux revenus du ménage. C’est un outil puissant d’autonomisa-
tion et d'égalité des genres.
En effet, le statut socio-économique de la femme burundaise et
notamment les tâches ménagères qui lui incombent, constitue
un frein important à la poursuite d’études secondaires ou de
programmes d’alphabétisation1
. Le recensement général de la
population de 2008 indique que trois femmes sur cinq sont illet-
trées2
. De plus, seulement 9 % des filles terminent le deuxième
cycle du secondaire, contre 17,1 % de garçons3
.
Grâce au cycle d’apprentissage mis en place par le projet, les
femmes peuvent désormais suivre des formations profession-
nelles en alternance avec l’apprentissage sur les chantiers-
écoles. Si elles le désirent, elles peuvent suivre une formation
gratuite en alphabétisation.
Le fait d’avoir travaillé dans le Projet Pavage nous a beaucoup aidés. On y a acquis
une éducation et une expérience exemplaire : la cohabitation avec les autres,
le respect mutuel et la culture d’un travail bien fait hérités du projet font que nous
sommes meilleurs que les autres travailleurs sur ce chantier de construction
du nouveau marché de Bujumbura.
Jonas Nduwimana
ex-apprenant du chantier-école
“
”
1 | Politique nationale genre au Burundi 2011-202, Ministère de la Solidarité
Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre, Bujumbura,
septembre 2011, p. 9.
2 | Recensement Général de la Population et de l’Habitat, Burundi, 2008.
3 | Politique nationale genre au Burundi 2011-202, loc.cit.
Avec l’argent que je gagnais au
chantier-école, j’ai pu acheter mes
propres pagnes avec mon propre
argent. Avant c’était mon mari qui
les achetait ; avec mon épargne
j’ai pu aider mon mari à acheter
des vêtements pour moi et pour les
enfants. J’ai un peu aidé mon mari et
puis pour une fois j’ai pu choisir mes
pagnes moi-même !
Médiatrice
ex-apprenante
“
”
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Les formations non liées au pavage
D’autres formations non liées au pavage sont également pro-
posées aux apprenants. Dans ce cas, les apprenants sont
envoyés dans les centres de formations à la fin de leur cycle
d’apprentissage (autour du huitième et neuvième mois). Ces
formations ont lieu exclusivement dans des centres de for-
mation professionnelle. Certaines de ces formations profes-
sionnelles sont très largement répandues au Burundi (couture,
menuiserie, maçonnerie, etc.). Ces filières de métiers sont
saturées et seuls les meilleurs artisans peuvent espérer vivre
de leur activité.
› Transformation alimentaire
› Réparation d’appareils électroménagers
› Bar/restaurant
› Informatique et secrétariat
› Couture
› Broderie à la machine
› Plomberie
Les créneaux innovants
Pour une meilleure insertion professionnelle, le Projet Pavage
essaye de proposer des formations dans des créneaux d’acti-
vité peu exploités et créateurs d’emplois. L’éventail des for-
mations proposées aux apprenants évolue donc constam-
ment pour correspondre aux réalités du marché. Dans ces
formations innovantes, les apprenants sont peu nombreux
mais le Projet Pavage souhaite de plus en plus se tourner vers
ce type d’apprentissage à la carte qui répondrait aux envies
des apprenants et surtout qui trouverait un marché porteur.
› Réparation de vélos-motos
› Culture de champignon
› Élevage de poules
› Energie électrique et photovoltaïque
› Menuiserie : divan lit et chaises pliantes
Insertion professionnelle et appui à la création
d’activités génératrices de revenus
À la fin des apprentissages, les participants reçoivent deux
attestations : l’une signée par le Projet Pavage qui atteste
leur participation au chantier-école de pavage, l’autre signée
conjointement par le Projet Pavage et le Ministère de l’Ensei-
gnement qui atteste leur participation à une formation profes-
sionnelle. Les apprenants en sont souvent très fiers. Cela leur
permet aussi de prouver leurs compétences à un employeur
potentiel, ce qui n’est pas négligeable en termes de réinser-
tion socioprofessionnelle.
En plus de ces attestations, les apprenants reçoivent une bourse
d’installation correspondant à un montant de 1 200 FBU par
jour de travail réalisé. En moyenne, cela constitue une somme
de 240 000 FBU (environ 120 Euros, chiffre de 2013). Cette
bourse a pour but de leur donner l’opportunité de se lancer
dans une activité génératrice de revenus.
Les apprenants sont suivis par une organisation partenaire spé-
cialisée dans l’orientation professionnelle tout au long de leur
cycle d’apprentissage : de la formation « éveil entrepreneurial »
pour les inciter à développer une activité génératrice de reve-
nus, en passant par la séance de sélection d’une formation
professionnelle pour les orienter vers une filière prometteuse
correspondant à leurs aspirations et à leurs aptitudes, et
jusqu’à la période d’après le chantier. Ce suivi régulier permet
d’identifier les apprenants faisant preuve d’un potentiel entre-
preneurial. L’organisation partenaire leur propose alors des
conseils personnalisés en matière de gestion des comptes,
d’épargne et de budget afin de les accompagner dans la créa-
tion et gestion de leur activité génératrice de revenus.
Après le chantier-école, les nouveaux entrepreneurs peuvent
également suivre gratuitement une formation de trois jours en
entrepreneuriat. Lors de ce module baptisé « créativité et inno-
vation », ils réfléchissent ensemble aux qualités nécessaires à
un bon entrepreneur, à leurs propres capacités, aux facteurs à
prendre en compte avant de se lancer dans l’entrepreneuriat,
etc. l’organisation partenaire en charge de l’orientation profes-
sionnelle organise également des modules de formation com-
plémentaire en fonction des besoins des ex-apprenants. Ces
formations portent sur le marketing, la comptabilité, la gestion
des ressources humaines, la compréhension du marché, l’éla-
boration d’un business plan, etc. Des approfondissements de
connaissances dans des matières techniques peuvent égale-
ment être organisés.
Succès et défis de la réinsertion
socioprofessionnelle
Les formations dispensées permettent à certaines personnes
qui n’avaient jamais eu l’occasion de se former à un métier, ou
d’apprendre à lire et à écrire. L’accès d’un grand nombre des
femmes à ces formations est indéniablement un avantage de
taille au niveau de l’égalité des genres.
L’approche participative retenue pour dispenser les formations
humaines remporte un franc succès. Souvent les apprenants
demandent à ce que leur conjoint puisse également y partici-
per. Cette participation des conjoints aux formations humaines
est un aspect à prendre en compte pour l’avenir. Il serait éga-
lement opportun d’étendre les formations en éducation civique
(et peut-être d’autres formations humaines) au personnel des
administrations communales des zones d’intervention, qui
jouent un rôle primordial dans le développement économique
et social de la commune. Les formations humaines ont un réel
impact sur le comportement des apprenants. En effet, la for-
mation en résolution pacifique des conflits s’est révélée extrê-
mement utile pour les apprenants et ex-apprenants, qui conti-
nuent de l’appliquer dans leur vie quotidienne.
En ce qui concerne les formations professionnelles, elles
doivent permettre d’apporter dans un temps très courts, des
compétences à des apprenants qui pour certains sont anal-
phabètes ou qui n’ont jamais été à l’école. Étant donné la briè-
veté de la formation, La difficulté est importante. Une attention
toute particulière doit être accordée à la qualité du programme
et des enseignants. L’approche doit être participative et pra-
tique plutôt que théorique.
8. Rendre les formations plus accessibles et susceptibles de
trouver plus facilement des débouchés tout en conservant
le format court et participatif est le défi majeur concernant
les formations professionnelles. En effet, certains des métiers
proposés dans les formations correspondent à des secteurs
où le débouché est difficile, mais qui continuent d’attirer des
apprenants, comme la couture, la menuiserie et la maçonnerie.
Pour tenter d’apporter une solution à ce problème, le Projet
Pavage propose aussi des formations dans des créneaux
d’activités innovantes, Encore faut-il que les apprenants s’y
intéressent, et que les clients burundais soit assez réceptifs
aux innovations pour les acheter.
L’accompagnement personnalisé et l’appui à la création d’ac-
tivités génératrices de revenus ont évidemment leurs limites.
Tout le monde n’a pas une vocation d’entrepreneur. On ne peut
donc pas s’attendre à ce que chaque ex-apprenant lance une
activité génératrice de revenus. Les populations de ces trois
communes sont extrêmement mobiles et l’accompagnement
personnalisé après le cycle d’apprentissage se révèle com-
pliqué. Les gens peuvent à tout moment déménager ailleurs
si leurs revenus chutent ou s’ils trouvent un emploi dans une
autre ville. Ainsi certains apprenants qui avaient manifesté leur
intérêt pour le coaching de l’organisation partenaire spécia-
lisée en activités génératrices de revenus au début du cycle
d’apprentissage sont ensuite introuvables ou indisponibles.
Du reste, le coaching ne sera pas disponible en permanence,
et rien ne garantit que les activités créées continuent de pros-
pérer une fois le Projet Pavage terminé. Certaines activités
montées sont toujours à la limite de la faillite car elles ne dis-
posent pas d’un capital important, de plus les marchés dans
lesquels elles s’insèrent sont parfois saturés et leurs proprié-
taires ont rarement les capacités requises en gestion. C’est
pour cela que le Projet Pavage oriente de plus en plus ses
formations professionnelles vers des niches innovantes.
Les impacts économiques et sociaux produits par le Projet
Pavage sont importants et se justifient par le contexte parti-
culier de la zone d’intervention et du pays. En allant plus loin
que le simple HIMO, les effets ne se limitent pas à la durée
des travaux. En effet, la méthode HIMO à vocation sociale
propose des formations humaines et professionnelles aux
apprenants travaillants sur les chantiers. Ces formations cou-
plées aux bourses journalières d’apprentissage et d’installa-
tion permettent de soutenir le développement économique
des ex-apprenants qui disposent de nouvelles compétences
et de nouvelles opportunités d’insertion.
La CTB, l’agence belge de
développement, appuie et encadre
des programmes de développement
pour le compte de l’État belge
et d’autres donneurs d'ordre.
Ont participé et contribué
à cette publication
Chanoine Olivier,
Dubois Pierre-Yves,
Habonimana Yvonne,
Hocq Stéphanie,
Mateso Faustin,
Nibashikire Cariton,
Niyonizigiye Bonaventure,
Nkurunziza Fabrice.
Ont apporté un appui technique
et de relecture
Baltissen Gérard (KIT),
Rerolle Antoine.
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