- Sous la direction du Pr Rémy Trudel et de Florent Michelot
- ISBN: 978-2-924415-00-9
Produit des trois dernières grandes rencontres internationales de la Conférence luso-francophone de la santé, ce premier volume de la revue Pour une approche culturelle en santé illustre avantageusement le volontarisme avec lequel l’organisation aborde la problématique de la pérennisation des systèmes publics de santé à travers le monde.
De l’intégration d’une conception humaine de la performance au développement révolutionnaire des soins primaires de santé en passant par le défi de la formation et de la gestion des ressources humaines, les membres de la COLUFRAS sont persuadés que les pays lusophones et francophones ont tout intérêt à se nourrir mutuellement des expériences de leurs partenaires.
Réunis ainsi en séminaires en novembre 2012, ainsi qu’en avril et octobre 2013, des professionnels issus d’une trentaine de pays ont ainsi fait converger leurs efforts de réformes dans une réflexion commune, dont voici une brève synthèse.
« Pour une approche culturelle en santé », revue d'études luso-francophones en santé, volume 1
1. « La COLUFRAS c’est d’abord un
vaste réseau à caractère culturel et
scientifique dans le domaine de la
santé et bien ancré dans de nombreux
pays lusophones et francophones du
monde.
Cette ONG internationale a pour mis-
sion d’être un agent actif de commu-
nications et d’échanges luso-franco-
phones dans le secteur de la santé. »
« A COLUFRAS é principalmente uma
vasta rede cultural e científica na área
da saúde, bem estabelecida em muitos
países francófonos e lusófonos.
A missão desta ONG internacional é a
de ser um agente ativo de comunicação
e intercâmbios luso-francófonos no
setor da saúde. »
Rémy Trudel
Président de la COLUFRAS
Ph.D, Professeur, ENAP (Université du
Québec)
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Revue d’études luso-francophones en santé
Synthèses de la conférence de Montréal (2012), du
symposium de Praia (2013) et de la semaine de la
lusofrancophonie en santé de Montréal (2013)
Volume préparé sous la direction du
Pr Rémy Trudel et de Florent Michelot
Préface du
Dr Fernando Cupertino de Barros
numéro spécial | volume 1 hiver 2014
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3. Pour une approche culturelle en santé
Synthèses des conférences et symposiums de
Montréal 2012, Praia 2013 et Montréal 2013
4. Conférence luso-francophone de la santé
Pour une approche
culturelle en santé
Volume 1
Synthèses des conférences et symposiums de
Montréal 2012, Praia 2013 et Montréal 2013
5. La Conférence luso-francophone entend remercier
l’ensemble des organisations qui ont contribué à son
développement depuis sa fondation.
Parmi celles-ci, elle tient à souligner les efforts majeurs de la
Conférence nationale des secrétaires d’État à la santé
(CONASS, Brésil), de l’Organisation panaméricaine de la
santé (OPS), ainsi que du ministère de la Santé et des
Services sociaux (MSSS, Québec) et de l’École nationale
d’administration publique (ENAP, Québec).
À titre individuel, le Président de la COLUFRAS remercie
particulièrement MM. Fernando P. Cupertino de Barros, co-
fondateur et conseiller de la COLUFRAS, Normand Asselin,
vice-président aux affaires internationales de la COLUFRAS,
Gilles Dussault, président de l’Instituto de Higiene e Medicina
Tropical, Jean-Louis Denis, professeur à l’ENAP, et Manuel
Rodrigues Boal, directeur-général de la Santé du Cap-Vert. En
outre, il remercie MM. Réjean Hébert, ministre de la Santé et
des Services sociaux du Québec, et Yves Bolduc, ancien
ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec de 2008 à
2012, pour leurs contributions.
6. “Feliz aquele que ensina o que sabe e aprende o que ensina”
« Heureux celui qui enseigne ce qu’il sait et apprend ce qu’il enseigne! »
Cora Coralina, poétesse brésilienne
Préface
Les présentes annales, qui reçoivent le titre suggestif et
éloquent de Pour une approche culturelle en santé, relatent
les discussions et les échanges de connaissance et
d’expérience qui se sont déroulés au cours de trois
événements organisés par la COLUFRAS avec l’appui
financier d’institutions comme l’Organisation
panaméricaine de la santé, le ministère de la Santé du Brésil
et le ministère de la Santé et des Services sociaux du
Québec.
Depuis sa conception et sa mise en marche, la
COLUFRAS a toujours insisté sur la nécessité de donner à
la dimension culturelle l’importance qui lui est due, afin
qu’on comprenne mieux les différents contextes, les
déterminants et les conditions de la santé des différents
peuples et pays. Dans une optique de respect absolu de la
diversité culturelle, cette proposition innovatrice, qui vit le
jour au début des années 1990, lançait le défi de trouver
une forme de coopération dans les deux sens entre les pays
7. dits développés et ceux qu’on appelait en voie de
développement. Ainsi, la coopération serait avant tout
l’expression d’une recherche conjointe et solidaire de
développement de la santé et du bien-être des personnes
qui, habitant des pays différents, possèdent des cultures
différentes et sont capables d’apprendre et d’enseigner en
même temps.
Un élément fondamental commun, spécialement mis en
évidence par le Brésil et par le Québec-Canada, est le
respect absolu et intransigeant de la défense de la
couverture universelle de la santé et particulièrement de
nos systèmes publics de santé et de l’accès pour tous. Dans
un monde de plus en plus mondialisé, la vigilance et le zèle
touchant les valeurs qui se sont érigées sur les piliers de ces
systèmes semblent de plus en plus nécessaires.
Notre ambition est que le partage de connaissance et la
capacité à appuyer des initiatives visant à procurer la santé
et le bien-être puissent toujours s’assujettir au respect de la
diversité culturelle et aux besoins clairement exprimés par
toutes les parties prenantes dans une relation de
coopération. Il ne s’agit pas, en premier lieu, de rechercher
la satisfaction d’objectifs économiques qui satisfassent les
pays participants, mais bien de construire une relation
basée sur une authentique coopération, au sein de laquelle
chacun expose ses aspirations, ses besoins, son savoir et ses
lacunes. Conséquemment, quelque considération
économique qui peut intervenir pourra seulement être prise
en compte dans la mesure où elle vient répondre à un
besoin véritable et engendrer le progrès, la santé et de
meilleures conditions de vie. De cette façon, le regard
purement mercantile sera remplacé par l’occasion juste,
avec un fort ingrédient d’engagement institutionnel,
gouvernemental ou professionnel en vue du
développement.
8. Les nombreux événements organisés par la
COLUFRAS, en partenariat avec des institutions de
différents pays n’ont pas uniquement une vocation
académique. Ils visent de façon plus large un souci
d’application des connaissances académiques, comme outils
de progrès et de perfectionnement des systèmes et des
services de santé. Ils servent ainsi de moyens de
développement, d’appui mutuel et de véritable partage du
savoir humain.
Fernando P. Cupertino de Barros
MD, MSc, MA
Goiânia, le 30 janvier 2014
9. Avant-propos
La Conférence luso-francophone de la santé (COLUFRAS) est
une ONG internationale à caractère culturel vouée au soutien et
au développement de connaissances liées aux systèmes universels
de santé dans les pays et territoires lusophones et francophones
dans le monde.
Le Brésil et le Québec sont à la base de cet organisme
international et en sont toujours les acteurs les plus actifs. Depuis
1996, la COLUFRAS organise un symposium biennal sur des
thèmes qui sont au cœur des préoccupations à la fois des pays,
des professionnels ou des chercheurs concernés.
Nous présentons ici, dans ce recueil, le résultat regroupé
d’une séquence de trois conférences internationales qui se sont
déroulées en 2012 et 2013 :
+ La première, en décembre 2012 à Montréal, en collaboration
avec l’École nationale d’administration publique de
l’Université du Québec sur la thématique de la performance
des systèmes de santé et les défis face à l’avenir.
+ La deuxième s’est tenue sous forme d’un symposium
international à Praia, Cap-Vert, en Afrique. 150 participants
de 22 pays de la francophonie et de la lusophonie ont échangé
sur le thème de la formation des ressources humaines pour
assurer la pérennité de nos systèmes universels de santé et la
viabilité des soins primaires. Le professeur Gilles Dussault de
l’Institut d’hygiène et de médecine tropicale (IHMT) de
10. Lisbonne dirigeait le Comité scientifique. Le Dr Manual Boal
de l’Hôpital de Praia pilotait le comité organisationnel de
Praia.
+ En octobre 2013, c’est au Québec, à Montréal, que se
retrouvent les participants à une troisième conférence
internationale à l’occasion de la première semaine consacrée
à la luso-francophonie. Soutenue, entre autres, par le
ministère de Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS),
cette conférence a permis aux participants d’échanger sur la
mise en place et le soutien pour des soins primaires efficaces.
La santé, un bien public menacé
Les systèmes de santé publique, pour diverses causes, sont
aujourd’hui menacés sous plusieurs de leurs aspects, mais
notamment dans leur caractère le plus fondamental, celui de
l’universalité.
Que soient les systèmes de santé de type bismarckien (par
exemple ceux de l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Autriche et
la plupart des pays d’Europe centrale) qui sont nés avec le début
du siècle dernier ou les systèmes de type beveridgien (né en
Angleterre, le NHS) adoptés par des pays comme le Danemark, la
Finlande, la Suède ou encore l’Irlande, tous sont aujourd’hui à
risques.
Les systèmes de type bismarckien, qui excluent ceux qui ne
sont pas en situation de travail comme cotisants et utilisateurs, et
sont liés aux contributions des participants et les Caisses
nationales qui les gèrent, ne réussissent pas à contrôler les
dépenses de services réclamés et entraînent des déficits
persistants des caisses concernées. En conséquence
l’augmentation des cotisations et contributions ne suffit plus à
enrayer les dérives des dépenses de santé.
Ce qui jusqu’à récemment était considéré comme un bien
public national dans ces systèmes publics fait maintenant l’objet
de régulation de l’offre de services ainsi que de mise en place de
méthodes de gestion transposées du privé (la performance avant
11. tout et une gestion par résultats qui fait foi des limites du
système). On en déduira facilement que tout le territoire qui n’est
plus occupé par l’offre de services universels fait maintenant
l’objet d’un « merchandising » intéressant par le secteur privé.
Une dérive qui ne peut que prendre de l’ampleur compte tenu de
la capacité maximale pour les cotisants à financer le système.
Pour l’État, la tentation des tickets modérateurs, de la
réduction du panier des services assurés ou encore de taxes
dédiées (ex. le tabac) sont les premiers palliatifs utilisés. La mise
en concurrence des unités de services est aussi à l’ordre du jour.
Phénomène par ailleurs intéressant pour la survie de ces
systèmes menacés, on y réintroduit la notion et l’obligation de
passer par un « système du médecin de famille » pour entrer
dans le système de soins.
On voit bien ici que ce retour au médecin de famille comme
point d’entrée dans le système de santé, laisse poindre tout le
champ des soins primaires, bien au-delà du médecin de famille
pour plutôt développer de véritables unités de santé familiale (les
USF, les unités de santé familiales, au Portugal par exemple) ou
encore les GMF (Groupes de médecine de famille) au Québec.
À cet égard, le Brésil qui a choisi plutôt un système de santé
de type beveridgien (système universel ou système national de
santé) reste le modèle le plus avancé d’organisation des soins de
santé primaires sur son territoire national.
Né à la moitié du siècle dernier, ce type système universel
repose sur la notion de la couverture du risque de maladie pour
tout citoyen habitant le territoire national. De cette protection
universelle découlent nécessairement un financement public et
des services assurés, pour l’essentiel, par des organismes publics
à but non lucratif.
Dans le cas du Brésil, le SUS, le système unique de santé,
sera constitutionnalisé en 1988, la santé étant élevée au rang de
bien public. L’organisation de services sera basée sur un système
participatif des citoyens dans plus de 5 300 municipalités.
Au Canada, c’est en 1968 que seront quasi constitutionnalisés
les systèmes de santé avec ce qui donnera par la suite la LCS (Loi
canadienne de la santé) avec comme base cinq piliers :
12. + 1— la gestion publique (par des organismes sans buts
lucratifs);
+ 2— l’intégralité (fournir tous les services médicaux requis);
+ 3— l’universalité (tous les citoyens en bénéficient);
+ 4— la transférabilité entre les provinces des services requis)
et finalement;
+ 5- des services dans un délai raisonnable.
Aucune obligation n’est faite par ailleurs aux provinces
appliquant ces principes à l’égard de la participation citoyenne.
À l’examen de ces deux exemples de systèmes universels de
santé de type beveridgien, on constatera avec de nombreuses
données de L’OCDE sur le sujet, il se pointe depuis plusieurs
années des menaces réelles pour ceux-ci. L’ampleur des besoins
de services reliée autant aux progrès de la science et des
technologies qu’au vieillissement (parfois conséquent à ces
progrès) ou encore aux nouvelles infections apparues (pensons au
VIH) ont propulsés à des sommets jamais égalés les coûts des
traitements et du volume de médicaments.
La résultante est l’apparition en force d’un secteur privé qui
souhaite occuper la place que les listes d’attente de services
alimentent inexorablement. Le désengagement de l’État étant
pour l’heure la seule fuite possible, le discours de faire plus avec
moins prend temporairement le haut du pavé et tient lieu de
politique publique pour assurer, croit-on, la pérennité du
système.
De leur coté certains pays comme l’Espagne, l’Italie, le
Portugal ou encore la Grèce ont opté à la fin des années 1970,
pour des systèmes mixtes basés sur une couverture des services
assurés à la fois par des mutuelles contributives, des régimes de
sécurité sociale et des assureurs privés.
Dans ces pays, la crise économique et la crise du chômage
(26 % en Espagne) ne font que contribuer à la réduction des
entrées financières pour l’État et les mutuelles, de sorte que
même la couverture des services est laissée en pâture au secteur
privé. On imagine facilement que la nature même du secteur
13. privé ouvre ces services aux mieux nantis et réduit par ailleurs à
une peau de chagrin les possibilités de services pour les plus
démunis. C’est l’État qui est instamment prié de prendre la relève
des « mauvais risques » dans le système.
Le curatif ayant dominé les pratiques d’intervention dans les
soins de santé pendant longtemps, la réalité nous oblige
maintenant à penser soins primaires et médecine familiale. Et
l’État doit maintenant réintroduire dans sa pensée politique et
ses politiques publiques de santé la notion de santé comme étant
un bien national dont les citoyens ont jadis choisi d’en confier la
mise sur pied, l’adaptation et la pérennité à l’État. Ce qui signifie
en clair qu’il faut poser à la population concernée la question des
priorités d’investissement de l’État dans ses services publics et
indiquer clairement que les mesures de rationalisation des
dépenses ne suffisent plus pour faire face à la situation. Les
mesures prises jusqu’à maintenant ont un rendement décroissant
qui atteint maintenant ses limites.
Plusieurs mouvements populaires interpellent maintenant
les gouvernements nationaux pour des réinvestissements dans la
santé. Au Brésil le mouvement santé +10, a déjà reçu l’appui de
deux millions de personnes. Au Portugal, en France et au Canada
les pressions s’accentuent. Au Québec ce sont principalement les
infirmières qui réclament ces ressources publiques
supplémentaires.
Qui plus est, ce que montrent de nombreuses interventions
au cours des trois dernières conférences internationales de la
COLUFRAS, c’est que le modèle d’organisation de services doit
inévitablement changer. Le Portugal (Dr Henrique Botelho et
André Biscaia) et le Brésil (Dr Fernando Cupertino) sont, à cet
égard, des leaders qui tracent une nouvelle approche à la santé
publique par la voie des soins primaires. Au Québec la mise sur
pied de plus de 250 groupes de médecine familiale prend
également cette direction, mais les moyens mis leur disposition
ne permettent pas de réaliser une emprise complète sur les soins
primaires pour la population inscrite dans l’un ou l’autre de ces
groupes.
Notons au passage que des contributions africaines en
14. matière de collaboration entre la médecine traditionnelle et la
« médecine occidentale » ont fourni de nombreux exemples
d’application en matière de conception culturelle de la santé. Le
Cameroun, le Mozambique ou encore le Sénégal, quant à la
contribution professionnelle des infirmières, peuvent sans
l’ombre d’un doute nous éclairer sur certaines pratiques
inspirantes.
La tentation du « public choice ».
Il est assez curieux de constater que fort peu d’études
abordent le modèle libéral, si tant est qu’on puisse parler d’un
« modèle », des Américains dans la première puissance
économique du monde. D’encore moins nombreuses études
abordent l’influence de ce modèle américain sur d’autres
systèmes de santé qui sont en proie à des écueils graves. Fondés
sur les lois du marché et un individualisme à tout crin, les soins
de santé ne sont accessibles qu’à ceux qui en ont les moyens
financiers. Les efforts de l’ex-président Clinton et même ceux du
président Obama n’auront eu raison des puissantes compagnies
d’assurances privées aux États-Unis. Toute la question des
services de santé demeure entre les puissantes mains du secteur
privé.
Cette absence complète de solidarité sociale et de capacités à
répartir la richesse (l’équité) par les services de santé tout en
fournissant les meilleurs services à ceux qui en ont les moyens
financiers va influencer la tranche des mieux nantis et les
gouvernements d’autres pays.
Sans simplifier à outrance les répercussions sur les systèmes
en difficultés, la tentation de privatiser ce que l’on ne peut plus
offrir avec les moyens disponibles sera forcément très grande et
la fuite en avant sera maintes fois la solution adoptée.
Ce modèle de décision en administration publique en pareil
cas, s’appelle le « public choice ». Particulièrement mis de l’avant
sous le régime de Ronald Reagan aux États-Unis pendant la
décennie 1980. Le modèle se fonde sur une philosophie
libertarienne qui laisse le maximum de décisions entre les mains
15. de chaque citoyen et qui laisse la loi de la « sélection naturelle »
opérer au niveau social comme pour les espèces dans la nature!
Les plus forts se paient des services et les autres se contentent des
restes. D’aucuns affirment que ce modèle fonctionne tellement
bien que c’est aux États-Unis que les dépenses per capita sont les
plus élevées (15 % du PIB) au monde malgré le fait que 46
millions d’Américains sont laissés pour compte.
Devant les impasses financières des systèmes publics de
santé, plusieurs gouvernements nationaux se drapent maintenant
dans une nouvelle chape qui fait figure de responsabilité
nationale à l’égard de la santé. Cette nouvelle approche c’est celle
de la « couverture universelle », que les services soient rendus
par le public ou le privé! Avec les frais à l’avenant…
Plusieurs observateurs du domaine de la santé retrouvent ici
la notion d’utilisateur-payeur. Le « public choice » pour la santé.
Un nouveau slogan pourrait apparaître pour décrire la
mystification : les soins et les services sont disponibles et il existe
des assurances pour ça!
Des systèmes de santé au carrefour des choix
Les faits sont têtus on le constate bien. Les systèmes de
santé, peu importe leur type, sont dans une impasse. Ces
systèmes de santé sont écartelés entre des objectifs souvent
contradictoires. Le défi consiste à assurer, d’une part l’égalité
d’accès aux soins et d’autre part à assurer la viabilité financière.
Ces systèmes doivent assurer la qualité tout en assumant la
liberté des professionnels de la santé. C’est alors que ressurgit
toute la question des soins primaires et de la médecine familiale.
Comme si les leçons du passé récent ne nous enseignaient pas
suffisamment quant aux failles de l’approche à dominante
curative qui a été notre lot jusqu’à maintenant.
Les États encore soucieux de solidarité sociale et d’équité
sont au cœur de ce carrefour. Ce qui maintenant ne fait plus de
doute, c’est qu’il importe de poser explicitement les enjeux et de
convoquer les acteurs des systèmes de santé publiques pour
16. définir, à la lumière des services passés, les façons différentes de
poursuivre de façon vigoureuse les interventions à caractère
social dans des voies éprouvées.
Une approche culturelle de la santé signifie aussi que les
États qui ont imbriqué leur système de santé dans la fibre intime
de la nation doivent maintenant se réapproprier et moderniser
cette approche culturelle de la santé. Confier au secteur privé la
« marchandisation » des soins et des services de santé ne peut
que créer une fracture sociale dont on ne peut anticiper les effets
désastreux sur la cohésion sociale.
M. Rémy Trudel
Ph. D.
Président de la COLUFRAS et professeur à l’École
nationale d’administration publique (ENAP) à
Montréal
Montréal, le 10 février 2014
17. Table des matières
PRÉFACE ..........................................................................9
AVANT-PROPOS.............................................................. 13
La santé, un bien public menacé .............................................14
La tentation du « public choice ». ...........................................18
Des systèmes de santé au carrefour des choix ........................19
TABLE DES MATIÈRES ................................................... 21
LISTE DES ACRONYMES ................................................ 25
CONFÉRENCE DE MONTRÉAL (QUÉBEC), NOVEMBRE
2012 ................................................................................29
L’ouverture du séminaire ....................................................... 30
Les enjeux de la régionalisation et de la décentralisation des
systèmes de santé : défis et enjeux ...............................................31
La gouvernance et la régionalisation : les points de vue local et
régional..........................................................................................31
Atelier sur la formation aux études supérieures et les échanges
au niveau international................................................................ 32
La performance des systèmes de santé du point de vue des
usagers.......................................................................................... 33
Conclusion des discussions de la Conférence de Montréal ... 33
SYMPOSIUM INTERNATIONAL DE PRAIA (CAP-VERT),
AVRIL 2013 ..................................................................... 35
Cours-ateliers...........................................................................35
18. Les soins de santé primaire (SSP) : le plan stratégique de
coopération en santé (PECS) de la CPLP..................................... 46
Soins de santé primaires (SSP), plus nécessaires que jamais?
Où en sommes-nous?................................................................... 49
Le défi du développement d'une force de travail pour les soins
de santé primaires en Afrique, en Haïti et au Timor Oriental .... 53
Le défi du développement d'une force de travail pour les soins
de santé primaires (SSP) au Brésil, en Espagne, en France, au
Québec/Canada et au Portugal .................................................... 58
Soins de santé primaires (SSP), plus nécessaires que jamais?
Le point de vue des prestataires de service ................................. 66
Les soins de santé primaires, plus nécessaires que jamais? Le
point de vue des décideurs et des acteurs de la coopération
technique et financière internationale......................................... 74
L’intégration des soins de santé primaires aux autres niveaux
de prestation des soins.................................................................80
Table ronde sur la diversité culturelle et linguistique, incluant
l’importance économique de la promotion des langues..............82
SEMAINE DE LA LUSO-FRANCOPHONIE EN SANTÉ DE
MONTRÉAL (QUÉBEC), OCTOBRE 2013 .........................85
De la prévention aux soins de santé primaires (SSP) : prendre
en charge et responsabiliser le citoyen ........................................86
Le défi de la formation permanente des professionnels de la
santé .............................................................................................90
Arrimer participation citoyenne et réformes des systèmes de
santé ..............................................................................................91
Les SSP dans les pays en voie de développement et les pays
émergents : les contributions souhaitées .................................... 94
Commentaires sur l'importance des soins primaires et de la
prévention .................................................................................... 96
Intervention de clôture ...........................................................98
Téléconférence sur l’émergence des soins primaires en France
...................................................................................................... 99
ANNEXES ...................................................................... 101
Soins de santé primaires (SSP), plus nécessaires que jamais?
Où en sommes-nous?................................................................. 103
L’expérience de la médicalisation des zones rurales au Mali107
Mieux former pour mieux soigner......................................... 117
19. Les défis du développement d’une force de travail pour les
soins de santé primaires (SSP) en France ..................................123
Soins de santé primaires, plus nécessaires que jamais? Le
point de vue des prestataires de service .....................................135
Clarifier trois des dimensions constitutives des soins
primaires de santé : le point de vue de l’International Hospital
Federation...................................................................................137
Mettre en place des plateformes technologiques adéquates
afin de garantir la participation des citoyens à la santé.............139
L’émergence des soins primaires en France .........................147
COORDONNÉES DES INTERVENANTS..........................151
ENCART CENTRAL
Comment mettre en valeur nos succès et nos outils
Photographies des activités passées de la COLUFRAS