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Juin 2006 • N°16
Les
BPIGroupe
du
PUBLICATIONS
Les Services publics
changent : comment ?
Etude sociologique de
l’Assurance Maladie
Sous la direction de
Danielle Kaisergruber
David Askienazy
Philippe Olivier
Judith Desportes
Gildas Niget
Anaïs Lacombe
Les Services publics
changent : comment ?
Etude sociologique de
l’Assurance Maladie
Sous la direction de
Danielle Kaisergruber
David Askienazy
Philippe Olivier
Judith Desportes
Gildas Niget
Anaïs Lacombe
Juin 2006 • N°16
Les
BPIGroupe
du
PUBLICATIONS
Les Cahiers Bernard Brunhes
Ces « Cahiers » entendent contribuer à analyser les changements sociaux qui sont liés aux
mutations économiques actuelles. Les interventions et les réflexions des consultants de
Bernard Brunhes Consultants - Groupe BPI en fournissent la matière.
	 Cahiers n°1 : « Banques et assurances en Europe : les enjeux sociaux d’un bouleverse-
ment »
	 Cahiers n°2 : « Et si les conflits dans les transports n’étaient pas une fatalité ? Conditions
de travail, vie quotidienne et management des conducteurs »
	 Caniers n°3 : « 35 heures : une occasion de repenser la formation – Les enseignements
des accords de branche et d’entreprise »
	 Cahiers n°4 : « 35 heures : quand les collectivités territoriales devancent l’appel »
	 Cahiers n°5 : « L’avenir des emplois peu qualifiés : que peut la formation ? Les ensei-
gnements des pratiques de PME-PMI»
	 Cahiers n°6 : « La gestion des crises industrielles locales en Europe »
	 Cahiers n°7 : « Les salariés seniors : quel avenir dans l’entreprise ? Enquête dans 5 pays :
Allemagne, Royaume-Uni, Suède, États-Unis, Japon »
	 Cahiers n°8 : « Les collectivités territoriales se mettent aux nouvelles technologies ; les
enseignements des démarches engagées. Les perspectives »
	 Cahiers n°9 : épuisé
	 Cahiers n°10 : « Vingt ans de décentralisation. Où en est le management public terri-
torial ? Enquête sur les pratiques managériales dans les collectivités territoriales »
	 Cahiers n°11 : « Concilier flexibilité des entreprises et sécurité des salariés. Réactivité
des entreprises, sécurité des salariés… une nouvelle articulation est-elle possi-
ble ? »
	 Cahiers n°12 : « Réussir en Europe de l’Est. Comment acquérir une entreprise en Europe
centrale et orientale : expertises, conseils, témoignages »
	 Cahiers n°13 : « La rémunération au mérite : mode ou nécessité ? Pour de nouveaux
modes de rémunération dans les fonctions publiques d’État et territoriale »
	 Cahiers n°14 : « Les impacts de la LOLF sur la Gestion des Ressources Humaines. La loi
organique relative aux lois de finances, les enseignements à tirer d'expérimentations
pilotes »
	 Cahiersn°15 :« Anticiperl'emploi.Commentlesentreprisesréussissent-ellesàanticiper
l'emploi ? Comment les salariés accueillent-ils ces politiques ? »
Les textes de ces « Cahiers » peuvent être téléchargés sur Internet
(www.groupe-bpi.com).
Ils sont aussi disponibles sur papier au prix de 8 € .
Les Publications du Groupe BPI
16, rue Vivienne – 75002 Paris
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Avant-propos 	 5
CHAPITRE 1
L'Assurance Maladie : une institution et
une entreprise imbriquées	 11
Repères .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 12
C'est l'institution qui est parlée  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 14
La représentation de la complexité .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 16
Centralisation / autonomie des organismes :
permanences et évolutions .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 18
Et la tête de réseau ? .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 20
CHAPITRE 2
La logique de service a changé la conception
du travail	 23
Repères .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 24
Une opinion positive sur la notion de service . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 26
Les Plates-Formes de Service : cœur ou marges
de l'entreprise ? .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 28
Alors, le client ? .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 30
Les professionnels de santé : incarnation du mal ou
partenaires dans une relation de service ?  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 31
Histoire de changement 1 - La création des Délégués de
l’Assurance Maladie : « Je dis Monsieur, pas Docteur » .  .  .  . 34
En conclusion de ce chapitre . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 39
CHAPITRE 3
Quels métiers à l'intérieur de l'Assurance
Maladie ?	 41
Repères .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 42
Les représentations des métiers  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 43
Qu'est-ce qu'être « technicien Assurance Maladie »
aujourd'hui ? .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 45
Un effet de prolétarisation…  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 48
Où est la modernité en matière de métiers ? .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 49
Les métiers de mission  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 51
En conclusion de ce chapitre  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 52
SOMMAIRE
Les Publications du Groupe BPI
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les
CHAPITRE 4
Un management de P.M.E. et une gestion
des ressources humaines éclatée	 53
Un univers de PME(s) en émulation .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 54
Les pratiques de management :
la parabole de la bonne pioche . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 56
Un exemple d'univers rebelle au management . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 58
Une gestion des ressources humaines éclatée . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 60
En conclusion de ce chapitre . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 62
CHAPITRE 5
Le compromis social de base	 63
Repères .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 64
Des appartenances très cloisonnées  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 65
« Ni une administration, ni une entreprise » . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 67
Le modèle de l'emploi à vie  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 69
Histoire de changement 2 : Sésam-Vitale .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 71
Des relations sociales territorialisées .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 75
En conclusion de ce chapitre  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 77
CHAPITRE 6
Rapport au changement et désir
de modernité	 79
Le passé témoigne pour l'avenir . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 80
Le changement à l'origine d'une nouvelle fierté
d'appartenance  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 81
Mais l'Assurance Maladie est au milieu du gué... .  .  .  .  .  .  .  .  . 83
Histoire de changement 3 : La mise en place
de la Couverture Maladie Universelle (CMU) .  .  .  .  .  .  . 85
Perspectives : quelle place pour l'entreprise imbriquée
dans une institution ?  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 89
Le management et les ressources humaines :
des leviers de changement attendus .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 90
Conclusion	 93
Bibliographie	 97
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Du changement dans les grandes organisations
publiques
Danielle Kaisergruber
Au fil du temps, et au-delà des échanges d’invectives et de discours, les
grands « mammouths » publics changent. Moins que ne le souhaiteraient
certains, mais beaucoup plus qu’on ne le croit généralement.
Il en est ainsi de l’Assurance Maladie.
Sait-on d’ailleurs, alors qu’on ne parle que de son déficit – le « trou de
la sécurité sociale » qui fait périodiquement retour dans l’actualité –,
que ce sont 110 000 personnes qui y travaillent chaque jour. Leur histoire
récente est riche de nouveautés et de changements : mise en place de la
carte Sésam-Vitale (la fameuse « carte verte ») et changement complet
des procédures de remboursement qui sont dématéralisées pour l’essen-
tiel et s’effectuent directement auprès des professionnels de santé.
Avec la création des « Plates-Formes de service », les centres d’appels
téléphoniques propres à l’Assurance Maladie, c’est la logique de service
qui a pris une place nouvelle dans le travail des agents. Elle s’est déve-
loppée également dans les accueils physiques en particulier depuis la
création de la CMU, Couverture Maladie universelle, qui a renouvelé la
vocation sociale de l’Assurance Maladie et amené vers ses Centres, des
assurés d’un type nouveau.
Révolution informatique, dématérialisation, scannérisation, transmis-
sion directe des données : autant de changements techniques d’ampleur
– il y a 350 millions de consultations et 1 milliard de prescriptions par an
en France – qui sont aussi des changements de métiers, d’organisation
et de culture.
Avec la récente réforme d’août 2004, le Service médical voit son rôle
réorienté vers davantage de contrôle. La régulation et la gestion du
risque – autrement dit rembourser intelligemment – deviennent le
Avant-propos
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
métier de chacun au fur et à mesure que se déploie la « Liquidation
médico-administrative ».
Un regard sur les transformations des grandes entreprises publiques
(RATP, EDF…) en France montre qu’elles changent par le biais de la
logique de service ; par la responsabilisation des entités de base et par
le biais d’une vraie gestion des ressources humaines et des compétences
qui se substitue à la gestion budgétaire des postes.
Par son histoire, l’Assurance Maladie s’est construite à partir de Caisses
autonomes, à partir d’en bas donc. Récemment elle s’est tournée vers ses
clients et partenaires.
L’Assurance Maladie représente un service public orignal qui agit, avec
ses 110 000 salariés de droit privé, des femmes pour 80 %, par délé-
gation de l’Etat dans le cadre de l’ensemble des organismes de sécurité
sociale. C’est un service public qui a beaucoup changé et changera encore
beaucoup.
Comment ? Quelles leçons en tirer pour d’autres services publics, entre-
prises publiques ou administrations ?
L’étude qui suit montre que, si les préjugés ont la vie dure, on ne doit
jamais faire l’économie du détour par le terrain : c’est en observant un
téléconseiller dans un centre d’appels, en observant comment travaillent
des médecins-conseils, en animant des groupes de travail comme le font
de très nombreux consultants, que l’on peut légitimement parler du
changement dans les services publics.
C’est parce qu’on ne connaissait pas assez bien l’intérieur de la « boîte
noire» Assurance Maladie que la Direction de la Communication de la
CNAM a lancé en 2004 un « Programme fonctionnel pour la réalisation
d’une étude sociologique sur la culture d’entreprise et l’accompagnement
du changement ».
Les enquêtes et le travail d’analyse ont été réalisés par une équipe de
Bernard Brunhes Consultants et Synergence Majeure sous la direction de
Danielle Kaisergruber, du printemps 2004 à l’été 2005. Plusieurs types
d’investigations ont été conduits.
Le recueil d’informations, d’opinions, d’avis, de représentations
… plus particulièrement lors d’une cinquantaine d’entretiens en bilaté-
ral avec des responsables au sein de l’ensemble « Assurance Maladie » :
administrateurs, dont certains présidents de Conseil d’administration
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
issus des organisations syndicales et patronales, directeurs d’organismes,
directeurs régionaux du Service médical, responsables nationaux au sein
de la CNAM, responsables nationaux du Service médical ;
…lors d’enquêtes sur le terrain qui ont conduit à la réalisation de 10
monographies d’organismes (7 Caisses primaires, 1 Centre technique
informatique et 2 entités du Service médical) ;
…enfin, lors de nombreux entretiens collectifs qui ont eu lieu dans le
cadre de chaque enquête de terrain avec des groupes de techniciens,
d’agents administratifs, ou praticiens-conseils, avec des représentants
des salariés au sein des comités d’entreprise, avec des cadres de proxi-
mité, avec des délégués de l’Assurance Maladie.
… lors d’observations en milieu de travail qui ont eu lieu afin de recueillir
des matériaux relatifs aux pratiques de travail au quotidien.
La production de réactions par rapport aux matériaux recueillis et
aux hypothèses d’analyse
Au fur et à mesure du déroulement de l’étude, nous avons soumis nos
premiers constats et nos premières hypothèses d’analyse afin de les
valider et de les enrichir, au Comité de pilotage tout d’abord, et à un
« groupe d’interprétation » ensuite, composé de 20 membres. Nous les
avons ensuite présentés au cours d’une série de huit séminaires trans-
versaux qui se sont tenus en avril 2005 et qui ont rassemblé chacun une
quarantaine de participants venant de toute la France et de tous les
horizons professionnels.
L’étude a pu ainsi représenter un moment interactif dans la vie de l’Assu-
rance Maladie et être en elle-même porteuse de sens et de mouvement
au sein de l’entreprise.
Au-delà de l’étalement dans le temps qui permet la prise en compte des
changements survenus depuis le début de l’étude (loi du 13 août 2004
et orientations renforcées vers le contrôle ; rôle nouveau du directeur de
la CNAM), nous avons eu l’occasion pour produire des résultats d’analyse
d’utiliser de manière heuristique les différences entre les méthodes de
recueil des matériaux.
Notre position de fond de type épistémologique étant que la recherche de
l’interaction avec les acteurs n’est pas incompatible avec la production
rigoureuse d’éléments de connaissance.
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Nous livrons ici les résultats de ce travail, qui ont déjà été largement
diffusés au sein du réseau Assurance Maladie. Comme un voyage à l’in-
térieur d’un univers, d’une grande organisation. Nous avons toujours été
bien accueillis, non sans un brin d’étonnement, devant cette démarche
d’étude sociologique qui n’avait pas d’objectifs immédiats de réorgani-
sation ou de changement. Tous ceux que nous avons rencontrés ont joué
le jeu de notre enquête et des modalités de travail que nous leur avons
proposées.
Qu’ils en soient ici remerciés. Une pensée particulière va à Agnès Denis,
directrice de la Communication, qui a eu l’idée de cette étude, et à
l’équipe de la Direction de la Communication et du Marketing qui nous
a accompagnés.
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Sigles utilisés
ALD 	 Affection Longue Durée
Affectionouvrantdroitàunremboursementà100%desexamensmédicauxetdesprescriptions
en rapport avec l’affection.
AME	 Aide Médicale de l’Etat
Aide à laquelle a droit toute personne de nationalité étrangère en situation irrégulière au
regard de la législation sur le séjour des étrangers en France, pour elle-même et les personnes
à sa charge, à condition de résider en France depuis plus de 3 mois et sous réserve de remplir
les conditions de ressources.
CANAM	 Caisse Nationale d’Assurance Maladie des professions indépendantes
CNAM-TS	 Caisse Nationale d’Assurance Maladie desTravailleurs Salariés
CPAM	 Caisse Primaire d’Assurance Maladie
DAM	 Délégué de l’Assurance Maladie
ENSSS	 Ecole Nationale Supérieure de Sécurité Sociale (anciennement CNESSS Centre National
d’Etudes Supérieures de Sécurité Sociale)
Ecole qui assure la formation des futurs cadres dirigeants de la sécurité sociale et propose des
actions de formation continue destinées aux cadres supérieurs et aux cadres dirigeants des
organismes de sécurité sociale.
LMA	 Liquidation Médico Administrative
Obligation, introduite par la loi du 13 août 2004, pour les caisses d’Assurance Maladie de
vérifier, pour les prestations présentées au remboursement, le respect des règles de prise en
charge par l’Assurance maladie, avec l’appui des services du contrôle médical.
MSA	 Mutualité Sociale Agricole	
Deuxième régime de protection sociale en France. Gère la protection légale et complémentaire
de l’ensemble de la profession agricole.
PFS	 Plateforme de Service
UCANSS	 Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale	
Négocie et conclut les accords collectifs nationaux pour le régime général de la sécurité sociale.
Elle assure également un certain nombre de services, notamment en matière de gestion des
ressources humaines, pour les réseaux du régime général de la sécurité sociale.
UGECAM	 Union pour la Gestion des Etablissements des Caisses d’Assurance Maladie	
Organismes régionaux qui gèrent les établissements de soin et médico-sociaux de l’Assurance
Maladie.
UNCAM	 Union des Caisses d’Assurance Maladie	
ForméedesCaissesnationalesdestroisprincipauxrégimes(CNAMTS,MSA,CANAM),l’UNCAMa
pour rôle de coordonner l’action des Caisses nationales dans le pilotage de l’Assurance Maladie
et de nouer un partenariat avec les professionnels de santé et les organismes de protection
sociale complémentaire.
URCAM	 Unions Régionales des Caisses d’Assurance Maladie	
Structures régionales inter régimes regroupant :
- Les caisses primaires d’Assurance Maladie du régime général (CPAM),
- Les caisses régionales maladie des professions indépendantes (CMR),
- Les caisses de Mutualité Sociale Agricole (MSA).
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Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
L'Assurance Maladie :
une institution et une
entreprise imbriquées
CHAPITRE1
12
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Repères
Même si une entreprise peut être considérée, à de nombreux égards, comme
une institution, la notion d’« institution » désigne le système politique de
l’Assurance Maladie.
Même si le but de l’Assurance Maladie n’est pas la production de richesses
mises sur le marché, la notion d’entreprise désigne le système de production
des services et des missions.
Dès que l’on entre dans l’Assurance Maladie – et il s’agit bien d’un voyage,
d’une exploration –, on trouve d’abord le système politique caractérisé par
plusieurs traits :
	 la proximité de l’État. Les règles du jeu sont fixées par lui ;
	 la prégnance historique du système paritaire mis en place en 1945. La
« Sécurité Sociale » s’analyse alors comme un système de « salaire différé »
au service des salariés (de là l’appellation toujours utilisée : CNAM-TS pour
« travailleurs salariés »), géré par des représentants des employeurs et des
salariés au sein d’un Conseil d’administration de la CNAM et de Conseils sur
le même modèle dans environ 200 organismes ;
	 la construction de l’ensemble du système à partir du territoire, à partir
d’organismes locaux insérés dans un tissu local d’acteurs et d’institutions,
et dotés d’un fort sentiment d’autonomie.
Il est bien évident qu’un certain nombre des valeurs, des caractéristiques cultu-
relles que nous allons découvrir relèveront de l’institution. Par exemple cette
formulation de type «politique» souvent entendue pour définir l’Assurance
Maladie : « notre mission c’est l’égalité de l’accès aux soins pour tous ».
Le fonctionnement de l’entreprise, de son côté, se caractérise par quelques
traits notables :
	 comme toute entreprise, elle rationalise jour après jour sa manière de
produire (rappelons que chaque année il y a 350 millions de consul-
tations médicales et un milliard de prescriptions) et ses méthodes de
gestion. Un gros travail a été accompli sur ce dernier aspect ces dernières
années avec les conventions de gestion, l’introduction de Sésam-Vitale, la
scannérisation des « feuilles maladies »… ;
	 ellesemoderniseàlamanièredesentreprisesdeserviceenintroduisantune
véritable « logique de service » en direction des assurés, des professionnels
de santé (60 % des remboursements sont désormais réalisés directement
13
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
auprèsd’eux)etdesemployeurs(surlesaspects« indemnitésjournalières »,
« accidents du travail » et « maladies professionnelles »). Elle met en place
des plates-formes téléphoniques, modernise ses accueils, etc. ;
	 elle fonctionne du point de vue des ressources humaines et des relations
sociales comme les autres entreprises, et ce d’autant plus que le person-
nel relève du droit privé. Bien que le vocabulaire communément utilisé
par tous soit celui d’« agent », comme dans la fonction publique…
Cette simple remarque nous montre qu’il faut évidemment aller plus avant
dans l’analyse de l’imbrication de l’entreprise et de l’institution, chacun des
« traits caractéristiques » que nous venons d’évoquer rapidement a évolué au
fil du temps et est « vécu », « assumé » différemment par les différents groupes
sociaux et professionnels.
Exemple de définition de l’Assurance Maladie dans son ensemble : « C’est une
entreprise de service public avec des salariés de droit privé ». Certains
accentuent le côté « noblesse » du service public orienté vers une mission de
respect de « l’égalité dans l’accès aux soins » et de vigilance par rapport au
système de soins « avec en plus l’énergie du privé ». D’autres mettent l’accent
sur l’efficacité des fonctionnements : « On utilise les méthodes de l’entreprise :
démarche qualité, gestion, management ». En somme, les deux faces : l’insti-
tution publique d’une part, l’entreprise de l’autre.
Voici ce que nous avons recueilli lors d’un autre entretien avec un autre respon-
sable d’organisme local : « je suis un service public, c’est pour ça que je suis
là ; en second, je suis un réseau ; in fine, je suis une entreprise. Mais pour les
cadres et agents, je ne sais pas, demandez-le leur ».
C’est ce que nous avons fait.
14
Les Publications du Groupe BPI
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les
C'est l'institution qui est parlée
Dès que l’on travaille sur et dans l’Assurance Maladie, c’est peut être la chose
qui frappe le plus : sur une centaine d’articles de presse détaillés (et ils n’ont
pas manqué durant les années 2004 et 2005), sur une vingtaine d’ouvrages
consacrés à la sécurité sociale dont l’Assurance Maladie, on ne trouve pas plus
de20lignesconsacréesaux110000personnesquiytravaillent.Lesthèmes
évoqués dans cette imposante revue de presse : la gouvernance du « système »,
la négociation avec les syndicats représentant les professionnels de santé, la
place des partenaires sociaux (ont-ils géré ou non l’Assurance Maladie tout au
long de l’histoire ?), le déficit de l’Assurance Maladie, les positions diverses
des divers ministres de la Santé. Rien sur les fonctionnements internes. Dans
l’ouvrage de référence de Bruno Palier, Gouverner la sécurité sociale (2002),
une seule page sur le rôle des syndicats dans les recrutements. Dans le rapport
Fragonard,L’Avenirdel’AssuranceMaladie,rapportduHautConseilpourl’avenir
de l’Assurance Maladie, rien.
L’Assurance Maladie est une boîte noire, que nous allons essayer
d’ouvrir.
C’est l’institution, les enjeux politiques qui sont objets de discours, qui sont
« parlés » pour reprendre une vieille expression de Lacan. Cette réalité ne peut
pas être sans influer sur les fonctionnements et les représentations en interne :
nous verrons plus loin combien les agents souffrent d‘un déficit d’image et de
représentation d’eux-mêmes.
De manière explicite, les responsables de la CNAM, l’établissement public, la
tête de réseau, sont les plus nombreux à se plaindre du « trop de politique
dans l’Assurance Maladie ».
Plusieurs éléments expliquent la rémanence de ces représentations malgré la
modernisation de l’entreprise elle-même.
	 Le rôle déterminant de l’État (à la fois le Parlement avec le débat annuel
sur le budget de la sécurité sociale créé par les ordonnances Juppé, et le
Gouvernement) qui s’explique par la nature des enjeux de santé publique,
par le rôle qu’il a toujours souhaité conserver à l’endroit du secteur hospi-
talier et enfin par l’importance du budget de la sécurité sociale. Ce rôle de
l’Etat interfère très directement avec les missions et le travail quotidien de
la CNAM. Ce qui peut expliquer que l’excès de politique y soit davantage
ressenti qu’au sein des organismes locaux, plus loin de l’Etat. Deux sources
d’autorité et de pouvoir, c’est une de trop. Et la légitimité de la CNAM
comme « tête de réseau » par rapport aux organismes n’en a que plus de
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1	 Cf. l’exemple de Ferrovie del Stato dans Tixier
P.E., Ramirez R., Heckscher CH., Maccoby M.,
LaMétamorphosedesgéants,commentsetrans-
forment EDF, Trenitalia, ATT et Lucent, Editions
d’Organisation, 2004.
mal à se construire. Mais il faut noter au passage qu’à la CNAM on rencon-
tre de nombreux profils de compétences et de carrières, de type « hauts
fonctionnaires de l’Administration centrale ».
	 Le fait que, au travers du paritarisme au niveau national comme au niveau
des organismes, l’Assurance Maladie soit un véritable « champ de forces
politiques et sociales », à la fois entre organisations des employeurs et
organisations représentant les salariés, au sein même des organisations
syndicales du fait du pluralisme français, et entre « partenaires sociaux » et
syndicatsreprésentantlesprofessionnelsdesanté.Cechampdeforces,cette
guerre de positions ravivée à chaque réforme est loin des préoccupations et
des réalités des agents, mais les responsables (à la CNAM comme d’ailleurs
les directeurs d’organismes) se doivent d’intégrer cette dimension.
Plusieurs ouvrages récents portant sur la modernisation des services publics
ou des entreprises publiques ont montré à quel point le changement est
difficile dans des organisations qui sont des champs de forces politiques1.
C’est pourquoi pour les responsables de l’Assurance Maladie, conduire des
changements implique de savoir bien distinguer l’institution et l’entreprise,
car c’est l’institution qui est dans les turbulences du champ de forces, et car le
changement doit se conduire à partir de l'entreprise.
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La représentation de la complexité
L’institution avec ses multiples « instances » renvoie à la question de la
complexité, évoquée dans tous les entretiens avec des administrateurs et des
responsables, bien qu’elle ne soit pas une question pour les agents de base au
sein des organismes : les Caisses primaires, les Centres techniques informati-
ques ou les Echelons locaux du Service médical.
Pour un très grand nombre de nos interlocuteurs, la complexité renvoie aux
différents régimes de sécurité sociale, au paritarisme et au grand nombre
d’organismes au sein de l’Assurance Maladie : 129 Caisses primaires, 9 Centres
techniques informatiques – CTI, des URCAM – Unions régionales, des services
au sein des CRAM qui s’appellent Assurance Maladie mais traitent pour l’es-
sentiel des questions de retraite, etc.
Ainsi du point de vue d’un directeur d’URCAM, son organisme « couvre » vingt
régimes (régime général, MSA et CANAM, auxquels s’ajoutent les « petits »
régimes spéciaux) avec vingt administrateurs alors qu’il y a dix-sept salariés
à l’URCAM. Drôle d’organisation. Mais cette complexité est là encore celle
de l’institution, dès que l’on s’intéresse à l’activité de remboursement de
prestations, au contrôle des arrêts maladies, on est dans des entreprises, des
établissements qui « produisent ».
Le directeur de Caisse primaire peut heureusement s’inscrire dans une vision
plus simple, alors que les responsables nationaux de la CNAM ont tendance à
rendre l’institution plus compliquée qu’elle ne l’est :
	 son organisme se situe clairement à l’intérieur du réseau Assurance Maladie.
Notons que l’usage du mot « réseau », avec la modernité qu’il connote, l’a
nettement emporté sur le vieux mot « branche ». Nous reviendrons sur ce
terme « réseau » et ce qu’il signifie ;
	 le paritarisme signifie pour lui des relations avec « son » Conseil d’admi-
nistration, sachant que le plus souvent le couple « directeur / président
de CA » est présenté comme fonctionnant efficacement. Derrière cette
efficacité affichée, on peut sans doute voir un certain effacement de la
fonction « présidentielle » qui est dans une position suiviste sur la plupart
des dossiers importants de modernisation technologique, de choix d’orga-
nisation, de gestion des ressources humaines. Comme si les valeurs de la
modernité ne pouvaient être contestées, les présidents de Conseil ont le
même souhait que les directeurs de s’attacher à tout ce qui est synonyme
de modernité ;
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	 le paritarisme est pour lui un gage d’autonomie. Les décisions prises par le
directeur, ou l’équipe de direction, apparaissent comme « voulues » par le
Conseil et – comme telles – doivent s’imposer à la CNAM. Le paritarisme
et la volonté affichée des partenaires sociaux sont alors des arguments à
faire valoir à la CNAM à l’appui de telle ou telle proposition.
C’est ainsi que se construit la double légitimité du directeur de Caisse
locale : un pied dans l’institution, un pied dans l’entreprise. L’ancrage dans
l’institution ne vient pas que du paritarisme, il vient aussi de l’inscription dans
les institutions locales, dans des réseaux locaux. Le directeur – et il partage
cette fonction avec le président du Conseil – représente l’Assurance Maladie
au niveau local. Il est, parfois autant que son président, un notable local. En
utilisant cette notion, empruntée à la sociologie de l’administration et aux
sciences politiques, nous n’incluons aucune nuance de jugement, il s’agit bien
de décrire un mode de fonctionnement qui joue d’une double appartenance.
Ce mode de fonctionnement est commun à tous les directeurs de Caisse, quelle
que soit leur génération. En tant que manager d’une entreprise – car une
Caisse est une vraie PME, nous y reviendrons –, il fonctionne dans un réseau
dont la tête est la CNAM.
La relation à la CNAM, à « Paris », est importante. La légitimité sur le terrain,
dans la direction d’une entreprise, est semblable à la légitimité d’un directeur
de site dans un groupe privé. Mais s’y ajoute la légitimité locale, qui est un
gage d’autonomie et dont la tête de réseau doit tenir compte.
En effet, la CNAM de son côté a besoin de la légitimation « par le terrain »
car elle n’est pas simplement un siège social d’entreprise. De ce point de vue,
deux figures dominent le discours des uns et des autres : à Paris, on évoque
sans cesse ce qui se fait sur le terrain et dans une Caisse on cherche à
valoriser ses initiatives, ses innovations en les faisant connaître au niveau
national.
C’estainsiquefairepartied’ungroupedetravailnational,oud’uneCommission,
est valorisant et valorisé en local auprès des agents. Les expressions utilisées
par les agents pour évoquer cette reconnaissance de « leur » Caisse par Paris
ressemblent tout à fait à celles qui sont utilisées par les citoyens ou les habi-
tants d’une ville pour désigner leurs élus politiques : le maire de telle ville est
aussi apprécié parce qu’il a des fonctions nationales qui le confortent locale-
ment. Certes la décentralisation a un peu fait évoluer cette représentation,
maislaprégnancedelafiguredu« député-maire »montrequele« jacobinisme
apprivoisé » existe toujours2.
2	 Cf. travaux de Pierre Grémion, en particulier Le
pouvoir périphérique, Seuil, 1976
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Centralisation / autonomie des organismes :
permanences et évolutions
Lesreprésentationsdesnombreuxresponsablesinterviewéssurcepointsontclaires :
	 L’Assurance Maladie s’est construite sur le modèle de la Mutualité, à partir
d’une autonomie des Caisses locales qui ont eu leur propre Conseil d’ad-
ministration, leurs choix, leur communication (il en reste bien des traces),
leurs recrutements. L’identité des Caisses a pu, dans le passé, être connotée
par l’appartenance syndicale de leur président.
	 Depuis plusieurs années, on observe une centralisation et une prise de
pouvoir hiérarchique opérée par la CNAM. Cette observation se mêle parfois
avec le constat concernant le rôle plus affirmé de l’État. Mais elle reste bien
spécifique : la centralisation correspond à des besoins de gestion homogène
(« aujourd’huidanslescontratsd’engagement,sur20indicateurs,75%sont
fixés par la CNAM »). Elle s’appuie sur les systèmes informatiques qui ont
un rôle très structurant.
	 Elle répond également à un besoin d’homogénéiser le service rendu aux
assurés et aux autres partenaires de l’Assurance Maladie. La diversité des
pratiques est encore importante suscitant surprise, inquiétude parfois,
lorsque les agents la découvrent. En effet des consignes différentes d’une
Caisse à l’autre peuvent avoir comme conséquence un traitement différent
des assurés d’une localité à l’autre. La diversité concerne aussi les manières
de travailler des agents : ainsi le rôle donné aux Plates-Formes de service
(PFS) peut aller d’une conception de type «  standard téléphonique» à une
conception où réponse est donnée à 80 % des appels. Les consignes quant
au temps passé à répondre sont très variables d’une PFS à l’autre. Une part
de centralisation se justifie donc pleinement.
Cette prise de pouvoir de la CNAM, qui s’est nettement accentuée avec la
mise en place de la réforme de 2004 (« j’attends mon habit de sous-préfet »
dit un directeur) n’est pas fondamentalement rejetée, mais les critiques qui
s’expriment montrent qu’elle doit s’accompagner d’une re-définition du type
de « pilotage » du réseau que la CNAM entend mettre en œuvre.
Pour l’avenir, les directeurs d’organisme rencontrés redoutent une évolution
vers ce qu’ils appellent un modèle « directeur d’agence », ou un modèle admi-
nistratif qui ne serait pas en phase avec la culture de l’Assurance Maladie qu’ils
partagent : ils se sentent différents des « fonctionnaires », « non pas qu’il soit
mal d’être fonctionnaire, mais… ».
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Certains d’entre eux redoutent le développement d’un niveau régional dont ils
imaginent mal les contours :
	 le modèle de type « services d’un ministère avec niveau national / niveau
régional / niveau départemental / niveau infra départemental » ne corres-
pond pas à l’identité profonde des cadres et des agents de l’Assurance
Maladie, et ne trouve pas de défenseur au sein du réseau, ni chez les
responsables, ni chez les agents.
	 Parmi les responsables nationaux cependant, ce modèle peut sembler
parfois présent : la vision pyramidale d’un bel ensemble articulé sur les
divisions administratives territoriales et sur l’emboîtement actuel des
collectivités locales en France n’est jamais exprimé dans sa pureté. Mais elle
est à l’œuvre dans de nombreux discours, montrant à quel point la tête de
réseau – en l’absence d’une autre référence et d’une autre conception de
ce qu’est le pilotage d’un réseau – cale son fonctionnement sur celui d’une
administration centrale de l’État ;
	 le modèle « échelon régional pour la stratégie » et « échelon départemental
pour la production » a ses tenants dans les URCAM (et à la CNAM parfois)
mais il est faiblement attractif pour les Caisses qu’il transforme en « points
d’accueil » et « usines à prestations ».
	 Or la discussion sur la place du niveau régional se trouve doublement relan-
cée par les exigences de mutualisation entre Caisses et de reconfiguration
d’une part et par la problématique de la régulation d’autre part ;
	 la perspective d’une mutualisation plus poussée et d’un regroupement
régional des Caisses est présente dans les propos des agents. Elle se mêle
fortement avec la question des effectifs. « On aura un front office local et un
back office mutualisé au niveau régional ». Dès que les agents sont invités
à se projeter dans l’avenir, la régionalisation apparaît comme une menace.
Quant au sujet de l’emploi, des effectifs (et des réductions d’effectifs), il
faut noter qu’entre le moment des enquêtes monographiques (novembre
- décembre 2004) et le moment des séminaires transversaux (avril 2005),
la sensibilité des agents est devenue beaucoup plus vive sur ce sujet. Les
faibles taux de remplacement des agents partant en retraite apparaissent
comme contradictoires avec le développement de tâches nouvelles à réaliser.
L’institution définit donc une appartenance et un mode de fonctionnement de
responsables. Est-elle présente par d’autres biais dans les représentations et
les pratiques professionnelles des agents de base ? C’est la question que nous
nous poserons dans le chapitre portant sur « le compromis social de base »,
dans lequel on retrouve certaines des composantes du « système politique »
de l’Assurance Maladie.
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Et la tête de réseau ?
Au-delà des critiques toujours exprimées par la « base » à l’endroit du
« sommet », la représentation que le réseau a de la tête de réseau mérite
d’être analysée.
Pour les directeurs d’organismes, c’est une tête hiérarchique – et dont ils
pensent qu’elle le sera de plus en plus, en particulier avec la gestion de la
carrière des directeurs – et une source de normes de gestion.
Pour une partie d’entre eux, ceux qui sont le plus présents dans des comités et
groupes de travail nationaux, c’est également une source d’initiatives ou de
reprises pour généralisation d’initiatives du terrain, et d’impulsion.
Pour les agents, la tête de réseau est l’instance dirigeante qui tient les cordons
de la bourse (budget, effectif, mutualisations) et ils attendent de leur direc-
teur d'organisme qu’il négocie au mieux de leurs intérêts. C’est le modèle du
« jacobinisme apprivoisé ».
Au-delà, ils connaissent très mal la CNAM, ne la voient pas comme «  le siège »
et n’opèrent pas toujours la distinction entre ce qui relève de la CNAM et ce qui
relève de l’État. En fait ils en ont une représentation de type instance politique
abstraite qui a davantage les traits d’une institution que d’une direction d’en-
treprise. Il faut ajouter que l’absence de mobilité entre la CNAM et le réseau
(à de rares exceptions près) ne contribue pas à véhiculer une image concrète.
Notons aussi que le fossé entre les équipes de direction des organismes
– proches des responsables nationaux – et les agents proches de leurs cadres
de proximité, est très important. « Il y a trente fois plus de distance entre un
liquidateur et le directeur de la CNAM qu’entre moi et le ministre » entend-
on. Nous avons effectivement trouvé que cette distance était beaucoup plus
importante que celle que l’on peut observer dans la plupart des grandes
entreprises. Plus exactement, elle correspondrait à une entreprise de main
d’œuvre peu qualifiée.
En somme, plus on se sent appartenir au réseau, plus on a d’exigence par
rapport à la tête de réseau qui doit elle-même transformer son mode de
fonctionnement.
Le réseau tel qu’il fonctionne aujourd’hui est à mi-chemin d’une orga-
nisation clairement hiérarchique et d’une organisation décentralisée.
Peut-il évoluer vers davantage de hiérarchie et de centralisation alors que
toutes les grandes entreprises publiques (EDF, France Telecom, RATP) se
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sont modernisées en allant vers plus de décentralisation et de responsa-
bilisation des échelons locaux ?
Pour conclure ce chapitre, selon le niveau d’exercice de leur métier ou de leur
responsabilité, les agents de la CNAM peuvent être plutôt dans l’institution,
ou plutôt dans l’entreprise. Mais c’est au niveau des représentations que les
deux réalités s’imbriquent et courent le risque de se nuire mutuellement. Les
conséquences en terme de construction de projet et de communication en
sont importantes.
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La logique de service
a changé la conception
du travail
CHAPITRE2
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Repères
De nombreux travaux de chercheurs en France portent sur la modernisation
des « géants » (selon l'expression de Pierre-Eric Tixier), les grandes entrepri-
ses publiques que sont EDF, la SNCF, la RATP, Air France, France Telecom3 . Ils
mettent en évidence les vecteurs d’introduction du changement au sein de ces
entreprises, quel qu’en soit le point départ.
Ces vecteurs de changement sont au nombre de trois :
1.	 Le passage d’une notion abstraite de service public à une notion opération-
nelle de service au public. Autrement dit : l’introduction d’une orientation
vers le client et de la logique de « service ».
2.	 La décentralisation des responsabilités du management et, le plus souvent,
des relations sociales (cf. chapitre 4).
3.	 Un changement très profond dans la conception de la gestion des ressources
humaines qui inclut le passage de la gestion budgétaire d’effectifs et de
postes, à la gestion qualitative des ressources humaines, des compétences
et des parcours professionnels individuels (cf. chapitre 5). Cette nouvelle
gestion des ressources humaines est une base pour le développement d'un
vrai management.
Revenons sur le passage de la notion de service public à celle de service au
public pour la caractériser plus en détail. La logique de service ainsi introduite
estunenotionopérationnelledanslamesureoùelleentraînedesmodifications
d’organisation importantes : d’une organisation des activités de type indus-
triel centrée sur le bon fonctionnement technique (les centraux et les lignes
téléphoniques, la régulation des trafics, la production et l’acheminement de
l’électricité) à une organisation tournée vers l’usager, le client. En un mot, le
destinataire des services publics produits.
L’introduction de la logique de service appuyée sur de nouvelles organisa-
tions des activités modifie très profondément les métiers exercés dans les
entreprises. Non pas que les activités de production n’existent plus, mais elles
sont le plus souvent modernisées par les transformations technologiques et
s’appuient sur un nombre moins important d’employés. Non pas que la notion
de service public ait disparu mais elle ne suffit pas à définir l’organisation et
la manière de travailler.
De nombreux métiers apparaissent tournés vers le marketing, l’accueil physi-
que et téléphonique ; la relation avec les usagers est objet d’attentions,
3	 A. David, RATP, La Métamorphose, réalités et
théorie du pilotage du changement, 1995
	 P.E. Tixier (sous la direction de ), Du Monopole
au marché, les stratégies de modernisation des
entreprises publiques, La Découverte, 2002.
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d’un travail de l’entreprise sur elle-même, relayé par le développement de
formations spécifiques.
De nouveaux problèmes apparaissent également : les compétences exigées
par les métiers d’accueil sont plus « relationnelles », « langagières ». Elles sont
moins bien connues que les compétences techniques, moins faciles à identifier
et à construire. Parfois moins reconnues aussi.
Les métiers d’accueil sont porteurs de gratification – la satisfaction du client
ou de l’usager – mais aussi de stress et de difficultés nouvelles.
A une époque où, en France, les emplois de service représentent 72 % du total
des emplois, les profils professionnels, les compétences et les problèmes posés
par ces métiers commencent à être aujourd’hui un peu mieux connus4.
C’est en nous appuyant sur l’ensemble de ces travaux que nous allons analyser
comment s’est effectuée dans l’Assurance Maladie l’introduction de la logique
de service.
4	 Cf. en particulier I. Joseph, G. Jeannot, Métiers
du public : les compétences de l’agent et l’espace
de l’usager, CNRS Editions, 1995
	 M.C. Combes, Services : organisation et compé-
tences tournées vers le client, La Documentation
Française, 2001.
	 GillesJeannot, Lesmétiersflous,travailetaction
publique, Octarès, 2005
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Une opinion positive sur la notion de service
Lorsque les agents sont invités à identifier les changements survenus sur les
cinq dernières années, ce sont les changements technologiques qui arrivent
en première place : Sésam-Vitale, les différents logiciels et la télétransmis-
sion. L’histoire de l’introduction de Sésam-Vitale et de la télétransmission
est édifiante.
Mais le constat est général : la carte Vitale est sur le terrain le symbole même
du changement. Elle est vécue, mise en avant comme « la preuve » que l’on
a changé. Elle est le signe de la modernité : « je montre la carte et je n’ai pas
besoin de dire où je travaille, tout le monde le sait ». De nombreuses Caisses
en ont fait comme une sorte d’emblème et les agents parlent de la carteVitale
avec fierté. Dans la mesure où l’identité professionnelle « travailler à la Sécu »
est restée connotée négativement, on peut voir à quel point la carte Vitale
représente bien plus qu’un changement technique parmi d’autres.
Les entretiens avec des responsables d’organisme et des membres de Conseils
d’administration le montrent très clairement : ce n’est plus « la production »
qui fournit le sujet essentiel des réunions. Personne ne regrette le temps où
« les soldes », autrement dit les dossiers en retard, occupaient l’essentiel des
ordres du jour dans les Conseils d’administration. La place prise par les enquê-
tes de satisfaction des assurés témoigne de la présence d’une autre logique.
Les responsables, comme les agents, sont nombreux à citer spontanément les
enquêtes de satisfaction comme un repère, un outil sur lequel on s’appuie. Les
mauvais résultats ont servi, dans certains cas, de déclic et de point de départ
pour des changements radicaux dans l’organisation et le management.
La notion de « service » se décline selon différents dispositifs qui, au fil du
temps, ont pris une place plus importante dans les activités exercées et dans
la représentation que les agents en ont :
	 Dans une même vision, Sésam-Vitale et la télétransmission sont corrélées
à l’idée de service. Parce que, jointes à la scannérisation, ces innovations
techniques ont délivré du souci quotidien de la production. Parce que la
mise en place de la télétransmission a mobilisé des équipes de techniciens
qui ont travaillé en direction des professionnels de santé. Enfin, parce
que, dans la représentation des agents, Sésam-Vitale comme la logique
« service » participent de la modernité, montrent que « ça bouge » . Comme
les autres services publics.
	 Le développement des services « accueil », en lien avec la mise en place de
la CMU (Couverture maladie universelle) qui s’est réalisée très rapidement
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et a été vécue comme le prolongement naturel des missions de solidarité
de la sécurité sociale. Il faut revenir ici aux notions fondatrices : la sécurité
sociale des salariés créée (refondée) en 1945 ne permet plus de couvrir les
populations précarisées par les évolutions économiques. La CMU – proposée
par un gouvernement de gauche réputé favorable au service public – donne
un sens à l’action sociale au sein de l’Assurance Maladie.
Par ailleurs, la mise en place de la CMU s’est effectuée dans l’urgence, dans
le cadre d’une conduite du changement de type « commando » qui est, pour
partie, en phase avec certains aspects de la culture de l’Assurance Maladie.
En effet, on peut voir que ce qui reste d’une culture « militante » au sein des
organismess’accommodetrèsbiendecesgrandsprojets,certesvenusd’enhaut
et que l’on raille comme tels, mais qui mobilisent sur un temps court toutes les
ressources dès lors que les agents comprennent le sens de ce qui est fait.
L’emploi, fréquent, de cette notion d’urgence témoigne d’un besoin de réaffir-
mer l’utilité politique et sociale de l’Assurance Maladie. Un moyen peut-être
aussi de lutter contre l’image négative d’une bureaucratie tranquille.
Mais les agents des fonctions « accueil » qui sont en permanence en contact
avec les populations éligibles à la CMU expriment aussi leur exaspération
devant ce qu’ils voient comme des abus des dispositifs assistanciels. Les anec-
dotes concernant ceux qui viennent toucher leur CMU en grosses cylindrées
abondent… C’est typiquement un aspect professionnel sur lequel les agents
pensent qu’ils observent des dérives que les «  chefs » ne voient pas et que l’on
pourrait corriger « avec davantage de temps » pour traiter les dossiers. Mais
en même temps, ces abus sont sujets à controverses plus politiques. On voit
là, comme sur quelques autres thèmes, à quel point l’activité à l’intérieur des
différents services de l’Assurance Maladie est corrélée avec des opinions et une
représentation de « type » politique et sociale de l’activité exercée.
	 Le développement des « Plates-Formes de service » (voir ci-après).
	 Les hésitations quant au développement des services en direction des
professionnels de santé (voir ci-après).
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Les Plates-Formes de Service :
cœur ou marges de l'entreprise ?
Du fait même de leur conception, les PFS (Plates-Formes de service) se sont
généralement construites à l’envers des autres services, à partir d’une sorte
de table rase. En ce sens, ni leur fonctionnement ni la méthode d’implémen-
tation ne sont transposables, puisqu’il n’y a pas eu à agir par rapport à une
organisation déjà existante.
L’observation, comme la reconstitution de la création des PFS, font ressortir
plusieurs éléments :
	 la conception même est tournée vers le client. Mais à la différence d’une
activité de type standard téléphonique, des moyens importants sont mis
en place pour qu’un grand nombre de questions puisse trouver réponse dès
le premier appel ;
	 du coup, l’activité de la plate-forme est soutenue par un travail riche (des
superviseurs, du manager de la plate-forme) d’information permanente
des téléconseillers, de « débriefing » régulier pour résoudre ensemble les
problèmes posés et s’assurer de la qualité des réponses ;
	 les agents travaillant sur des plates-formes et ayant travaillé dans d’autres
services ressentent le travail quotidien comme plus collaboratif, moins
cloisonné, moins individualiste ;
	 les agents travaillant sur des plates-formes sont quasiment les seuls
(parmi environ 600 agents rencontrés lors de cette enquête) à affirmer
sans problème leur identité professionnelle. A la question « où travaillez-
vous ? », posée dans les circonstances de la vie quotidienne, ils répondent
« je suis téléconseiller à l’Assurance Maladie ». Là où tous les autres répon-
dent, en étant gênés, « je travaille à la Sécu ».
C’est donc une identité professionnelle plus sûre d’elle-même qui se dégage,
une fierté d’appartenance à un métier d’une part et à l’Assurance Maladie
d’autre part.
Les modes de recrutement pour les emplois de téléconseiller ont été variés
mais ont souvent abouti à des recrutements de jeunes relativement diplômés
et à des mobilités volontaires d’agents venant d’autres services. C’est pourquoi
d’une certaine manière, les plates-formes rassemblent aujourd’hui des agents
« plus engagés » dans leur travail que la moyenne des autres. Dans la mesure
où l’exercice du métier de téléconseiller est exigeant et producteur de stress,
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on s’accorde à dire que des parcours de mobilité devront être proposés aux
téléconseillers. Une attente très forte existe maintenant quant aux emplois
qui seront proposés dans l’avenir à tous ceux qui ont travaillé dans les PFS.
Comme dans certains centres informatiques, qui ont embauché des jeunes très
diplômés, le risque de gâchis peut être important.
Mais dans l’ensemble, le caractère récent de la création des PFS, les modes
de recrutement, font que les plates-formes sont encore ressenties par de
nombreux agents comme étant « aux marges » de l’entreprise.
Quelques jugements négatifs existent, ils sont de deux types : soit ils provien-
nent d’un préjugé ancien (« j’ai vu fonctionner des centres d’appel comme celui
deWanadoo »), soit ils viennent à l’appui d’une vision de la dégradation de la
qualité de service pour cause de recherche de productivité. Le temps manque
pour « écouter », pour « approfondir », pour «  traiter vraiment les choses ». On
peut observer que ces critiques sont moindres lorsqu’il existe une organisation
du travail collectif qui permet une prise de distance et un approfondissement
des sujets traités, par exemple avec des « groupes de parole » ou des « groupes
de doctrine » qui permettent régulièrement de faire le point, de réactualiser
les connaissances de chacun.
Dans plusieurs cas, la mise en place des plates-formes a été longuement discu-
tée dans les Caisses – parfois même négociée – avec les organisations syndi-
cales et les représentants du personnel. Les réticences qui se sont exprimées
alors provenaient nettement d’une opposition à des organisations du travail
de type « call centers » et d’une image dévalorisée de ce type de métier.
L’usage du mot « client » tend à refléter les mêmes contradictions de représen-
tations. Alors que les entretiens avec des responsables nationaux à la CNAM,
nous avaient mis en garde – « N’allez pas dans l’étude avec le mot client »
–, nous avons été frappés de voir à quel point son usage s’était répandu. Ce
constat, comme d’autres, tendrait à montrer que l’institution, la politi-
que, est en retard sur les fonctionnements quotidiens de l’entreprise et
des agents.
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Alors, le client ?
« Les destinataires ne sont surtout pas des clients. Nos destinataires sont des
assurés sociaux. Mais certains veulent faire moderne et parlent de clients. Le
concept de solidarité est à lui seul suffisamment moderne ». Voilà le genre
d’affirmation que l’on peut entendre parfois.
Qu’y a-t-il derrière le mot client, qu’il soit accepté ou refusé ?
	 Lorsque le mot « client » est utilisé spontanément, ce n’est pas pour dési-
gner une relation marchande mais bien pour mettre en évidence le fait que
le « destinataire » doit être pris en compte. Il s’agit en quelque sorte de
sortir l’assuré social de l’anonymat de la masse des assurés sociaux et de le
considérer comme une personne ayant besoin d’explications, de commu-
nication et de réponses aux problèmes posés dans les meilleurs délais. Cet
usage du terme « client » n’est pas contradictoire avec la conception de
l’Assurance Maladie comme « un service public » ayant une mission globale
de solidarité.
	 Le même vocabulaire ne paraît pas bien s’adapter aux professionnels de
santé, les agents s’orientent alors vers le mot « partenaires ». Cette distinc-
tion sémantique permet de préserver la conception de base selon laquelle
l’Assurance Maladie est d’abord tournée vers les assurés. Elle n’empêche
pas une réflexion, à laquelle les agents paraissent ouverts, selon laquelle
il y a aussi des services à proposer aux professionnels de santé dans leur
diversité.
	 Il n’y a pas d’homogénéité dans la manière de « se tourner » vers le (ou les)
client(s). On parle parfois de « clientèle » – comme si ce terme paraissait
plus adapté –, de « ligne du public », mais parfois encore de « tiers » pour
désigner les professionnels de santé.
	 Il n’y pas non plus d’homogénéité dans la manière de répondre aux deman-
des : se mettre en position de répondre en face à face, ou prendre les
questions et proposer une réponse différée, avec traitement par un « back
office ».
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Les professionnels de santé : incarnation du mal ou
partenaires dans une relation de service ?
La même variété de choix d’organisations se retrouve à propos de l’interface
avec les professionnels de santé. Pour certaines Caisses, une vision claire de
l’organisation devrait à plus ou moins long terme structurer les activités autour
de trois grands pôles « clients » : les assurés, les professionnels de santé
et les employeurs.
Mais, dans ce que nous avons observé, autant la « ligne au public des assurés »
est claire, autant la « ligne aux professionnels de santé » ne l’est pas.
C’est que la représentation des « professionnels de santé » est encore très
brouillée. Plusieurs images se superposent dans cette représentation dont le
rôle est essentiel pour l’évolution de l’Assurance Maladie :
	 Lorsque les agents sont invités à évoquer les professionnels de santé,
c’est la figure du médecin qui s’impose tout d’abord. Rationalisation de
cette image : c’est lui qui prescrit les autres professionnels de santé. Les
connotations qui y sont attachées sont celles de l’argent, voire de l’appât
du gain, de la notabilité bourgeoise, du refus de changer. Le médecin est
vu davantage comme une « figure sociale » clairement située du côté
des valeurs du privé5 que comme un professionnel qui rencontre des
problèmes professionnels.
	 Cette vision se trouve généralement confortée par les prises de position des
syndicats représentant les médecins.
	 Parailleurs,lesentretiensnousontmontréqu’uncertainnombred’adminis-
trateurs exprimaient une vision très négative du corps social des médecins.
Derrière cette conception on peut même parfois se demander si la volonté
de défendre les assurés sociaux contre les médecins ne se calque pas sur
un schéma politique de type « peuple » contre « bourgeoisie ». « Avec les
médecins, on a re-fabriqué notre lutte des classes interne » dit un directeur
de Caisse. On est là nettement dans ce registre politique si souvent appelé
à la rescousse dans les discours internes.
	 Lorsque l’on évoque les aspects plus professionnels des différentes relations
qui existent avec les médecins (remboursement, paiement des conventions,
etc.), la tonalité est autre et montre des changements récents qui sont
importants : reconnaissance mutuelle, sentiment d’utilité de l’Assurance
Maladie pour les médecins… Les échanges font également apparaître la
difficulté de communication entre les agents mal assurés dans leur identité
5	 Pour une analyse très complète des valeurs du
« privé » et du « public » voir François de Singly
et Claude Thélot, Gens du privé, gens du public,
Dunod, 1989.
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professionnelle et le médecin, sûr de son statut, diplômé et individualiste.
Les ressources sur lesquelles l’agent de l’Assurance Maladie peut s’appuyer
lors de l’échange sont celles du droit et de la connaissance de la réglemen-
tation mais elles doivent être entretenues et cultivées en permanence par
tout un travail interne.
	 C’est pourquoi certains agents souhaiteraient une réflexion plus opéra-
tionnelle sur les services à apporter aux professionnels de santé et sur la
manière de s’organiser pour les apporter.
	 Lorsque l’on entre un peu plus avant dans l’analyse, le fossé entre « agents
de l’Assurance Maladie » et « professionnels de santé » se double du fossé
qui existe en interne entre le Service médical de l’Assurance Maladie et le
reste de l’entreprise.
Cependant, l’évolution vers une conception dans laquelle les professionnels
de santé sont des professionnels comme les autres et des acteurs du
système de santé essentiels se dessine. La structuration des métiers en direc-
tion du professionnel de santé (PS) commence à se traduire dans la réalité de
certaines Caisses.
Dans les évolutions à venir des activités et du rôle de l’Assurance Maladie
en matière de régulation (cf. chapitre 5 : Le compromis social de base), la
représentation que les agents ont de leurs « partenaires » professionnels de
santé est certainement un élément déterminant et qui peut agir en positif ou
en négatif.
A cet égard, la relation entre les Caisses et le Service médical est centrale, et
pourtant on peut conduire toute une enquête de terrain dans une CPAM sans
que soit prononcé le mot « Service médical ». Il faut le provoquer. C’est un autre
univers, et au sein du Service médical la conception des activités n’est pas régie
par la préoccupation du service aux professionnels de santé.
Un médecin-conseil – dans la vision qu’il a de son identité professionnelle
– est d’abord un médecin. Son statut lui est conféré non par son entre-
prise ou son organisme mais par son diplôme. Il s’agit d’un statut dans la
société française et non d’une identité professionnelle dans une entreprise ou
une administration. Du coup, le praticien-conseil s’efforce dans son activité
de reconstituer, de valoriser ce qui peut se rapprocher de l’exercice libéral
« normal » de cette activité : la salle d’attente, la «plaque», la secrétaire…
Au niveau des praticiens-conseils, on retrouve la pertinence de la différence
entre représentations du « public » et représentations du « privé ». Il y a peu
de passerelles entre les deux.
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Par ailleurs, les praticiens-conseils pensent être pour l'essentiel dans l’impos-
sibilité d’exercer des services à l’endroit de leurs collègues libéraux puisqu’ils
ont le sentiment que ce sont des Caisses qui jouent ce rôle et de ce fait les
court-circuitent. Tel exemple est cité d’un Service médical « qui a torpillé la
mise en place des centres d’examen de santé ». Il existe peu d’exemples de
coopération entre Service médical et Caisses, à l’exception d’un « COCODAM »
– Comité de coordination des Délégués de l’Assurance Maladie auquel parti-
cipait « en secret » le Service médical.
Le développement des « entretiens confraternels », l’information des médecins
libéraux sur des protocoles de bonnes pratiques en matière de prescriptions,
leur information sur les études de santé publique, d’épidémiologie : autant
d’actions possibles mais qui buttent sur le fait qu’au sein du Service médical,
ce ne sont curieusement pas les études et les travaux de santé publique qui
sont privilégiés, mais toutes les activités qui s’exercent dans le monde du
« colloque singulier » avec le malade.
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Histoire de changement 1
La création des Délégués de l’Assurance Maladie :
« Je dis Monsieur, pas Docteur »
Les Délégués de l’Assurance Maladie (DAM) ont été mis en place en 2003. Ils sont aujourd’hui 800, bien installés, présents dans
toutes les Caisses, ayant une vision plutôt claire de leurs missions, et étant plutôt fiers de leur identité professionnelle qu’ils (ou
elles) affichent nettement. Les DAM font partie de ces agents qui n’ont aucune hésitation quant à leur intitulé de fonction et qui
affichent une appartenance « Assurance Maladie » plutôt qu’une appartenance « sécurité sociale ».
Quel est le processus de changement qui a conduit à cette situation, comment
s’est faite la mise en place, quels problèmes a-t-elle soulevés ? Quelles sont
aujourd’hui les nouvelles interrogations que partagent ces agents ?
Une initiative d'en haut
ou d'en bas ?
 	 Les points de vue recueillis sur cette question diffèrent. Pour de nombreux
directeurs de Caisse, c’est au sein du réseau, lors de réunions de directeurs, que
cette idée est née, reprise ensuite par la CNAM et son directeur à l’été 2003.
Pour les responsables de la CNAM, c’est d'eux qu’est parti le mouvement, ou
plus exactement l’injonction à mettre en place rapidement ces délégués,
sur le modèle disait-on alors des « visiteurs médicaux » des laboratoires
pharmaceutiques.
Vue par un directeur de Caisse, « la mise en place a dû se faire très rapide-
ment, dans la précipitation (comme souvent), de juin à septembre de la
même année ». Pour cette Caisse qui avait fait précédemment un important
travail avec le Service médical et la Mutualité Sociale Agricole, pour renouer
des contacts avec les professionnels de santé, la décision de mettre en place
les DAM ne posait pas de problème de fond. Cela apparaissait plutôt comme
une évolution « naturelle » par rapport à la prise en compte de plus en plus
importante des professionnels de santé, en particulier avec l’utilisation de
Sésam-Vitale et la télétransmission.
Plusieurs autres directeurs de Caisse ont souligné le caractère « naturel »
de cette création. « Nous avons développé le service aux professionnels de
santé pour Sésam avec des technico-commerciaux. Mais avant de lancer les
DAM, nous avions mené des actions de sensibilisation et de formation… car
les relations avec les professionnels de santé sont sensibles. Ils sont dans la
liberté totale ».
Une initiative plutôt
bien acceptée
 	 « Avant, il n’y avait pas de relation personnalisée, on fonctionnait par cour-
rier ou téléphone, et surtout on ne se déplaçait pas chez le professionnel de
santé ».
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La première réaction a plutôt été de scepticisme – « La peur de ne pas être à la
hauteur, les agents se dévalorisent par rapport aux professionnels de santé, aux
médecins surtout » – et un brin d’ironie par rapport à l’aspect commercial des
choses, en particulier à la comparaison avec les visiteurs médicaux : on est bien
dansl’AssuranceMaladiedansununiversdevaleurdu« public »danslequelles
mots « vente », « commercial » n’ont pas cours, et l’imitation du secteur privé
n’est jamais un bon argument. Mais, a contrario, les « nouvelles perspectives
de carrière que cela peut ouvrir » ont tout de suite suscité de l’intérêt : ceci est
en accord avec le sentiment souvent exprimé par les agents de ne pas avoir au
sein de l’Assurance Maladie beaucoup de perspectives professionnelles. Les
DAM ont très rapidement été classés par les agents du côté des métiers qui
ont de l’avenir, qui sont valorisés, à l’inverse du « vieux » métier de technicien
de prestation.
La mise en place s'est
réalisée de manière
différente selon les Caisses
 	 En règle générale, la sélection des agents s’est faite après un appel de candida-
tures (dans quelques cas, l’appel de candidatures ne donnant pas de résultats,
des agents ont été désignés). La sélection s’effectuant après présentation d’une
lettre de motivation, puis entretiens et « examens » et enfin formation.
Les jugements positifs formulés sur le métier de DAM correspondent bien au
fait que les agents placent souvent parmi leurs intérêts au travail « la variété »,
« le contact avec l’extérieur ». S’y ajoute « le fait de bouger » revendiqué
également par les agents d’accueil qui tiennent des permanences dans des
mairies ou des écoles et apprécient cet aspect de leur métier.
Ces jugements positifs reposent également beaucoup sur le fait que la création
des DAM contribue à changer l’image de l’Assurance Maladie à l’extérieur,
« c’est un bon point pour l’Assurance Maladie ». Les agents appellent de leurs
vœux une image différente et plus valorisante de l’Assurance Maladie, les
professionnels de santé sont globalement des métiers et des positions sociales
valorisés dans la société, et ceci rejaillit sur l’image des métiers de ceux qui
sont amenés à travailler avec eux.
Le jugement porté par les intéressés sur leur métier, ou par les collègues
proches, est beaucoup plus positif que celui porté par les responsables, en
particulier nationaux, qui se sont exprimés sur le sujet. Eux reviennent régu-
lièrement sur les grandes interrogations (« quel est vraiment notre métier,
le remboursement ou la régulation ? », « les DAM ne peuvent vendre que du
vent »…). On voit là sur ce cas précis une relation au changement qui est
à l’inverse de ce que l’on rencontre dans de nombreuses organisations où
les responsables sont satisfaits des changements impulsés et les intéressés
souvent plus sceptiques. Mais il est vrai que le réseau de l’Assurance Maladie
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est aussi une organisation construite à partir du bas dans laquelle il peut
arriver que le sommet soit en retard sur la base.
Tout changement pose
de nouvelles questions
 	 La diversité des pratiques
La mise en place des DAM de manière décentralisée, et visiblement sans
coordination ni suivi évaluatif, pose à nouveau la question de l’homogénéité
des services proposés. De nombreux directeurs de Caisse insistent sur le fait
« qu’il y a moins d’homogénéité des services aux professionnels de santé que
des services aux assurés ; car cela dépend de l’histoire des relations de la Caisse
et des représentants des professionnels de santé ».
Les « campagnes » des DAM ont été soigneusement préparées : d’abord en
direction des ambulanciers ou des infirmières avant d’en venir un peu plus
tard aux médecins généralistes, puis aux spécialistes. Leur travail est minu-
tieusement préparé, des documents sont prévus, des débriefings ont lieu
toutes les semaines. Ce que les DAM apportent aux professionnels de santé,
c’est en premier lieu l’information et l’expertise en matière d’informatique
– les professionnels de santé en ont grand besoin –, ainsi que du conseil.
C’est également des informations sur les évolutions réglementaires et de
conventions médicales et un relais pour les campagnes nationales de type
« antibiotiques » ou « génériques ».
En somme une manière moderne de travailler.
La reconnaissance
Voici ce qui a fait dire à certains agents : « c’est un métier copieux ». Du coup
se pose la question de sa valorisation et de sa reconnaissance : « pour le niveau
de compétences que cela exige, la classification 3 ou 4, cela ne va pas ». Là
encore, la diversité joue et les DAM, bien que mis en place partout, n’ont pas
fait l’objet d’une réflexion commune en matière de positionnement en terme
de classification et de parcours. « Nous, ce sont des cadres qui sont DAM et il
y a une vraie professionnalisation ».
Ce nouveau métier demande une réflexion construite en terme de gestion des
ressources humaines, partagée au sein du réseau quant à sa formalisation et
son évolution.
Les relations avec le Service médical
Au contraire, « l’implication du Service médical dans les missions des DAM » est
largement évoquée comme une nécessité par les agents. Certaines Caisses ont
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mis en place une coordination des DAM à laquelle participe le Service médical,
mais ceci reste l’exception, et encore est-ce « à bas bruit ».
Cette absence de relations entre les Services médicaux et les Caisses interroge
de nombreux responsables et agents : la mise en place des DAM ne fait que
relancer la discussion. Certaines Caisses ont spécialisé les DAM selon les types
de professionnels de santé, rendant encore plus incompréhensible l’absence
de rapports entre les DAM et le Service Médical. La mise en place lente des
« référents » pour chaque délégué Assurance Maladie au sein du Service
médical est évoquée comme une évolution positive et attendue. En effet, l’un
des problèmes rencontrés par les DAM est celui de leurs compétences, de leur
confiance en eux-mêmes dès lors qu’ils sont amenés à aborder certains sujets.
Dans la mesure où un de leurs problèmes demeure la difficulté du dialogue avec
les professionnels de santé, le besoin d’une réassurance, d’une discussion avec
des praticiens « qui, après tout, sont dans la même maison » se fait sentir.
Les leçons de ce changement
On voit là un changement certes limité, car il ne concerne qu’une partie de l’ac-
tivité des organismes de l’Assurance Maladie, mais mis en place positivement,
apprécié, même si, comme tout changement, il soulève ensuite de nouveaux
problèmes. Il permet de saisir mieux le caractère continu des changements
à l’intérieur du réseau Assurance Maladie : l’informatisation, puis l’implé-
mentation de Sésam-Vitale ont commencé à modifier les rapports avec les
professionnels de santé. Des techniciens se sont spécialisés sur ces techniques
(cellule Sésam-Vitale ou techniciens EDI), l’Assurance Maladie est « sortie de
ses murs ». Il n’y pas eu de rupture dans ce processus, ni de « grand soir »,
ni de réforme avec un grand «R».
La grande mutation de l’Assurance Maladie vers les services est une base
acquise qui autorise d’autres changements.
Revenons sur la question du point de départ de l’initiative DAM : le réseau ou
la tête de réseau ?
Un changement rapide parce que l'on a oublié d'où il vient
L’Assurance Maladie est organisée comme un réseau de PME, ce fonctionne-
ment polycentriste assure une grande réactivité (les DAM ont été mis en place
pour l’essentiel en moins d’un an), il donne des marges de manœuvre locales au
management et des possibilités d’appropriation des changements de manière
décentralisée. A partir d’une philosophie commune, on n’est pas obligé de faire
la même chose partout.
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C’est pourquoi on peut soutenir l’hypothèse paradoxale suivante : pour qu’un
changement produise ses effets dans le système Assurance Maladie, il n’est
rien de mieux que de ne plus savoir d’où il vient. Bien sûr, au départ, il a été
prévu et pensé, mais l'intervention centrale a su ensuite se laisser oublier.
Belle leçon de modestie pour ceux qui dirigent !
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En conclusion de ce chapitre
La logique de service s’est implantée au sein de l’Assurance Maladie. Avec
succès bien que ce soit un changement radical par rapport à la « liquidation
des remboursements » de type industriel. Elle est pour les agents un gage de
modernité, mais toutes les conséquences n’en ont pas été tirées :
	 enmatièredecompétences,derecrutementsetdeconstructiondesparcours
professionnels ;
	 en matière d’extension de cette logique aux partenaires professionnels de
santé et aux employeurs.
Pour le corps social de l’Assurance Maladie, à l’exception des praticiens-conseils
du Service médical, le développement de la logique de service est une appli-
cation de la vocation de « service public social ». Cette logique a été intégrée
comme telle à la culture de l’organisme : de la nouveauté d’organisation de
métier dans une continuité de culture.
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CHAPITRE3
Quels métiers
à l'intérieur
de l'Assurance Maladie ?
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Repères
Par « métiers », nous désignons ici une famille d’activités faisant appel à un
corps de compétences communes et faisant fonction d’identifiant, d’identité
professionnelle.
Dans le cours de notre enquête, nous avons été conduits à utiliser ce concept
pour deux raisons :
	 une raison interne à l’Assurance Maladie. Les découpages administratifs et
les dénominations définissant les réalités professionnelles ne correspon-
dent pas à des activités et encore moins à des identités. Exemple : agents
administratifs, ou « techniciens ». Le vocable de « techniciens » s’avère une
grande enveloppe « fourre-tout » qui a besoin d’être retravaillée ;
	 une raison extérieure à l’Assurance Maladie. De nombreux travaux montrent
que par rapport à l’évolution des formes de vie collective, à une certaine
perte de repères collectifs qui semble caractériser nos sociétés, seul le
métier demeurerait aujourd’hui l’un des éléments de lien et d’identité les
plus forts. De là l’importance que nous y attachons.
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Les représentations des métiers
Ilestfrappantdevoiràquelpoint,malgréuneétonnantevariétéd’appellations,
les agents s’accordent pour dessiner les contours principaux des métiers :
	 le remboursement (prestations, indemnités journalières, indemnisation des
professionnels de santé). C’est le domaine des « techniciens », ceux que l’on
appelait autrefois les « liquidateurs » ;
	 l’accueil (physique, téléphonique, sur rendez-vous ou non…). C’est le
domaine des « agents d’accueil », dans certains cas des «  CAM, Conseillers
Assurance Maladie » et des « téléconseillers » ;
	 en mineur, le contrôle, le plus souvent évoqué sous l’espèce du contentieux
ou comme rôle des praticiens-conseils ;
	 l’encadrement ;
	 les métiers supports plus transversaux et communs à toute entreprise tels
que l’informatique, les statistiques, le budget ou les ressources humai-
nes.
On peut d’emblée observer que les responsables nationaux de la CNAM ne
définissent pas les métiers de la même manière : ils parlent le plus souvent des
grands métiers – au sens cette fois de « missions » –, à savoir : « la gestion du
risque », « la régulation », « être un assureur public ». Ces notions sont surtout
abondamment utilisées dans les exercices de type « projet d’entreprise »
mais on ne les retrouve pas, du moins pour l’instant, dans les représentations
spontanées des agents.
Le projet de branche – élaboré en 1999, évalué en 20026 – a mis en exergue
la notion de « service » tourné vers la mise en place de la logique de service, il
s’appuyait sur une recherche d’identité de « gestion des risques ».
Le« projetd’entreprise2004-2007 »,élaboréaveclaparticipationdenombreux
directeurs d’organismes, met en avant la notion d’« assureur public » et
les notions de « risques ». Force est de reconnaître que tout au long de
notre enquête, nous n’avons quasiment pas rencontré d’utilisation du mot
« risque ».
La relation entre ce « projet d’entreprise », finalement peu diffusé puisque sa
mise au point définitive a été contemporaine de la réforme du 13 août 2004, et
les nombreux « projets de Caisse » est complexe. Certaines Caisses construisent
une démarche spécifique sans en référer à ce que l’on fait « à Paris » et font de
l’élaboration ou de l’actualisation de leur projet, une occasion de management6	 Évaluation du projet de branche, INSEP, 2002.
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participatif. Paris et la tête de réseau étant souvent identifiés à une activité
vibrionnante de production de discours « de grand soir ».
Au-delà de la différence entre les discours de la tête de réseau et les réalités
de la base (un classique des organisations de toute nature), le constat d’une
différence de perception et d’identification des métiers est important. Pour
mieux en comprendre les enjeux, il nous faut ouvrir la boîte de cet ensemble
quantitativement très important appelé « les techniciens ».
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Qu'est-ce qu'être « technicien Assurance Maladie »
aujourd'hui ?
Une première remarque s’impose : c’est un « grade » (au sens de la fonction
publique) et non pas un métier.
	 Ce n’est pas ainsi que les agents se définissent par rapport à l’extérieur ;
nous avons systématiquement posé cette question et toujours obtenu la
réponse « je travaille à la Sécu »; peut-être parce que l’origine du mot
technicien est très liée à l’industrie et ne va pas bien avec une activité de
service.
	 Les agents ont besoin de préciser cette appellation : « technicien de pres-
tations », « technicien EDI », « technicien au Service médical », « technicien
prestations en nature », etc.
Tous les agents rencontrés se montrent soucieux quant aux différentes évolu-
tions passées et à venir – voire très inquiets. L’automatisation, la télétrans-
mission, la scannérisation et Sésam-Vitale, la grande masse de « décomptes »
font que l’activité apparaît aux yeux des agents comme étant de plus en plus
mécanique, gestes de validation de flux de données devant des écrans d’ordi-
nateurs tous semblables.
C’est en quelque sorte une activité transparente, non visible. Plus ça fonc-
tionne bien et moins cela se voit. Ces visions sont souvent mises en relation
avec les images de la « Sécu » : un travail bureaucratique routinier et dont
personne ne parle si ce n’est que « travailler à la Sécu » est toujours pris comme
emblème d'un « boulot de fonctionnaire sans intérêt ».
La conscience – vraie ou fausse – d’exercer un métier sans qualité
(lagrandeangoissemodernedelamassificationetde« L’Hommesansqualité »
créé par le romancier Robert Musil) se redouble de l’angoisse de voir ce
métier peu à peu disparaître. L’angoisse d’un fonctionnement entièrement
mécanique, dématérialisé, entièrement transféré aux machines et aux systè-
mes informatiques : « 80 % des assurés n’auront plus besoin de nous » disent
certains. « Le système de protection sociale peut fonctionner sans nous, on
est transparents ».
Une certaine nostalgie et une grande confusion apparaît dès lors que l’on
s’attache aux évolutions historiques des métiers de technicien : on regrette
l’époque « des portefeuilles » où les agents avaient le sentiment de connaître
leurs assurés ; on évoque avec hésitation le moment des organisations plus
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polyvalentes, on craint que le mouvement actuel de « spécialisation », reconnu
par tous, n’enferme chacun dans un poste sans possibilité d’évolution.
Cette notion de « transparence », au sens d’un déni d’existence, condense
plusieurs peurs :
	 celle des restructurations, des diminutions d’emplois : « les liquidateurs
sont rognés par les TIC » ;
	 celle du manque d’identité et de fierté propre à un métier répétitif et peu
impliquant (dans pas mal de cas) ;
	 celle d’une identité professionnelle mal définie au travers de cette enve-
loppe catégorielle « les techniciens » d’autant moins adaptée qu’il s’agit à
plus de 80 % de techniciennes mais que personne n’emploie le féminin.
A notre avis, cette étrange caractéristique mériterait d’être travaillée.
On peut également se demander s’il n’y a pas un rapport entre l’expression
angoissée de cette « transparence » et le fait que l’Assurance Maladie en tant
qu’entreprise n’ait pas de parole sur elle-même (voir le premier chapitre). Au
sens psychanalytique du terme, l’Assurance Maladie – composée d’agents
féminins pour une très grande part – est parlée par d’autres : les politi-
ques, les syndicats, les administrateurs, les « chefs » à la CNAM.
« Le problème de l’Assurance Maladie est que pour être constamment attaquée,
elle semble n’être jamais défendue » nous a-t-on dit. Bien sûr c’est en général
l’institution, le système dans son ensemble, qui est attaquée mais les effets
s’en font sentir dans l’entreprise et pour chacun.
Il y a une réelle contradiction entre cette image et ce que les agents savent
« en interne » des évolutions de leurs métiers. « On a changé mais on est les
seuls à le savoir », phrase souvent entendue. La modernité technologique,
les exigences des métiers en compétences, en spécialisation technique, sont
à l’opposé de cette image rémanente.
De nombreuses Caisses, ou Centres informatiques, sont attentifs à faire évoluer
les organisations du travail en sorte de favoriser des organisations plus quali-
fiantes, des alternances entre postes de travail routiniers et postes de travail
plus variés, etc.Mais la différence entre les métiers de prestations et les métiers
tournés vers l’extérieur, vers le public, fonctionne et le « back office » nourrit
des sentiments contradictoires.
« Je suis un back », l’expression ironique entendue de la part d’un jeune
technicien répond aux souhaits parfois exprimés par les agents d’accueil de
« retourner à l’arrière, en secteur protégé ». « Ceux qui sont back ont l’impres-
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sion que les autres, les front, sont en vitrine et eux dans l’usine ». La place
prise par la logique de service, l’ouverture vers les problèmes sociaux avec
la CMU font que ce sont les métiers d’accueil qui sont valorisés. Parfois très
explicitement, et avec des avantages d’avancement ou financiers. De plus les
métiers d’accueil, même s’ils sont durs à exercer et stressants, comportent
en eux-mêmes le sentiment de leur utilité et, parfois, l’expression de la
reconnaissance de l’assuré / client.
Cette image d’usine correspond à l’impact de l’effet de masse : le nombre de
décomptes, d’opérations réalisées, les contraintes de flux, de délais accentuent
l’aspect industriel du travail. Toute une partie des logiques qui structurent le
monde de l’Assurance Maladie est de type industriel.
La logique de service – largement affirmée dans les documents nationaux,
dans la communication – a pris une place importante mais elle est simplement
juxtaposée à la logique industrielle de production. Ce constat se retrouve dans
l’opposition diversement exprimée entre le « front » et le « back », l’accueil et
« l’arrière ».
Or la logique industrielle – si elle a pu être rassurante dans le passé, un travail
tranquille, peu impliquant – est aujourd’hui génératrice d’inquiétudes et de
frustration pour les plus jeunes. Logique industrielle va avec productivité :
très inconsciemment, car ce mot pas plus que les autres termes du vocabulaire
économiquen’estjamaisprononcé.Logiqueindustriellevaavecrationalisation,
réorganisation. La représentation de l’avenir qui est exprimée par les agents
est inquiète : ils distinguent bien le service de proximité qui, lui, doit rester
ancré dans le local et a de l’avenir, et la production.
48
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Un effet de prolétarisation…
L’effet de prolétarisation résulte de plusieurs facteurs :
	 la nature du travail de production des « prestations » ;
	 l’effet masse ;
	 les évolutions technologiques et d’organisation. Il arrive que l’on rencontre
encore quelques évocations nostalgiques de l’époque des « portefeuilles ».
Il ne s’agissait pas de ce que l’on appellerait « un suivi personnalisé » mais
le fait de pouvoir dire « mes assurés » correspondait à la volonté de rendre
concret un ensemble d’opérations qui sont aujourd'hui de plus en plus
dématérialisées ;
	 la perception valorisée des métiers de contact avec le public, les profes-
sionnels de santé et les employeurs.
Cet effet est sans doute également le produit du « fossé » qui sépare les équipes
de direction et les agents de base. Parfois aussi l’existence de ce fossé apparaît
comme étant bien en convergence avec certaines représentations syndicales
accentuant les effets d’opposition de classes sociales.
L’effort mis sur « la ligne du public », sur la logique service, sur des relations
renouvelées avec les professionnels de santé, paraît s’être traduit par une
moindre attention aux activités traditionnelles de remboursement.
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Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
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Où est la modernité en matière de métiers ?
La modernité est fortement revendiquée en interne : identifier Assurance
Maladie et Carte Vitale, mettre en avant la capacité à assimiler des change-
ments technologiques radicaux, mettre en valeur les plates-formes télépho-
niques. Ces points d’insistance, encore discutés par certains, sont néanmoins
très partagés.
D’une certaine manière, les métiers de l’accueil en font partie. Ils n’ont pas à
montrer leur utilité, ils sont en phase avec la vocation sociale de l’Assurance
Maladie. Ils sont en phase avec les discours nationaux élaborés par la CNAM :
logique de service, entreprise de service, service au public.
Une continuité s’établit entre la représentation la plus partagée, celle de
service public, et cette vocation d’activité de service, très concrète dès
lors que l’on est au contact, y compris de publics difficiles. En ce sens-là,
la modernité au sein de l’Assurance Maladie recouvre les mêmes contenus et
les mêmes évolutions que dans les autres grandes entreprises ou organisations
de service public : le service au public comme vecteur de renouvellement
du service public.
Par ailleurs, le « service » recouvre par définition une quantité « illimitée » de
possibles : on pressent que l’on peut toujours faire mieux, délivrer davantage
de services, en imaginer d’autres. A l’instar des entreprises privées de service :
les opérateurs téléphoniques, les banques…
Le service est donc d’autant plus du côté de la modernité qu’il peut être une
garantie d’activités à développer et donc d’emplois à conserver et à développer.
D’autres « branches » de la sécurité sociale ou des mutuelles ont eu ce même
réflexe de survie et de développement.
Les réponses aux questions posées sur le développement de nouveaux métiers
vont dans ce sens : « conseil aux assurés », « centres d’examens de santé »,
fortement mis en évidence dans certaines régions, « suivi des publics fragili-
sés ». Les services aux professionnels de santé peuvent également entrer dans
cette liste de « métiers possibles » : de nombreux agents se déclarent prêts à
travailler dans des métiers en lien avec les professionnels de santé.
Les plates-formes de service, bien qu’encore un peu aux marges de l’entreprise,
sont aussi un emblème de modernité. Elles donnent une image de l’Assurance
Maladie qu’un grand nombre d’agents désire, ayant bien souffert dans leur
identité professionnelle et sociale d’une image dégradée.
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Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Mais cette image positive est facilement contrecarrée par l’attraction – répul-
sion qu’offrent les métiers d’accueil : aux difficultés relationnelles que l’on
rencontre dans les accueils physiques7 s’ajoutent le stress et la difficulté de
l’évacuer lorsque l’organisation du travail ne s’y prête pas et que l’omniprésence
du contrôle hiérarchique pèse. Espace commun d’un plateau panoptique dans
lequel l’ordinateur affiche aux yeux de tous les temps passés par chacun : ce
n’est pas le mode de travail auquel sont habituées les techniciennes. La pres-
sion sur le temps moyen à consacrer à une réponse ou la difficulté à définir ce
qu’est une réponse ajoute aux problèmes.
Autant dire que l’idée de modernité est très sensible et contradictoire : elle
est souhaitée pour contrebattre la mauvaise image de la « sécu », mais elle
est redoutée.
Les identités professionnelles sont une construction fragile et en évolution
permanente. Elles se nourrissent d’éléments façonnés par l’histoire mais
dépendent aussi fortement des choix d’organisation, de gestion des parcours
professionnels et de « conceptualisation » des métiers. A cet égard, le fait que
les choix des organismes soient très disparates est sans doute un obstacle au
renouvellement des identités professionnelles. Dans la mesure où « la ligne
du public », le « pôle clientèle », le « technicien EDI » sont des appellations
locales non contrôlées, seul s’impose le fondement ancien du vieux vocabulaire
« technicien » ou « agent » à la sécu.
A contrario, on voit que – malgré la diversité des démarches de mise en place
– les nouveaux métiers « délégué Assurance Maladie » ou « téléconseiller » ont
rapidement fait « identité » et sont source de fierté professionnelle.
7	 Comparablesàcellesquel’onretrouveàlaRATP,
à La Poste, à l'ANPE et dans de nombreuses
activités de contact direct au public.
51
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
Les métiers de mission
Onlesrencontredanslesstructuresde« mission »commelesUnionsrégionales
(URCAM) où il ne s’agit pas de gérer mais de produire des politiques publiques,
d’animer des dispositifs incitatifs, de travailler à la régulation par l’action sur le
système de soins. Les fonctions y sont souvent, comme dans certaines structu-
res de la fonction publique, définies par le mot « chargé de mission ».
Ces métiers de mission sont souvent définis par ceux qui les exercent comme
rebelles à tout enfermement dans une organisation : « chacun définit son
poste », « on a beaucoup de liberté », « l’Assurance Maladie, c’est un espace
de liberté ».
Ils s’inscrivent dans le fonctionnement « institutionnel » du réseau, dans le
jeu polycentriste, partenarial et à géométrie variable du système politique de
l’Assurance Maladie, davantage que dans l’entreprise.
On retrouve, en concentré et avec davantage de cloisonnements, ce mode de
fonctionnement et ce mode de définition de ce que l’on est et de ce que l’on
fait au niveau de la CNAM, établissement public. En effet, la CNAM comme
organisation tient à la fois de l’Administration centrale, qui génère des iden-
tités professionnelles de type haut fonctionnaire, et de la tête de réseau, plus
indépendante et « missionnaire ». Indices de ces modes de fonctionnement,
les affirmations souvent répétées de l’importance des qualités personnelles :
« j’ai une forte personnalité et je ne le cache pas », « j’ai mes opinions et je
n’y renonce pas », etc.
Ce qui définit aussi un univers rebelle au management, à moins de prôner le
management par le désordre comme créateur de dynamique. Ce qui définit,
aussi, un univers d’investissement personnel important, de travail dans l’ur-
gence, de possibilités de mobilisation forte sur des projets nouveaux avec un
appel au dévouement que de nombreux responsables au sein de l’Assurance
Maladie revendiquent.
Ces « métiers de mission » tirant parfois vers le « métier de missionnaire »
se retrouvent au sein des Caisses, tournées alors vers la gestion de projets
nouveaux, vers les activités de prévention, vers les nouveaux objectifs. La mise
en place des DAM joue par exemple sur ces possibilités fortes de mobilisation
au service d’un objectif. Et de nombreux agents expriment à quel point pour
eux l’existence de nombreux projets, si elle est parfois le signe d’un chan-
gement un peu vibrionnant et producteur de lassitude, est aussi une mine
de renouvellement des motivations. Comme dans de nombreux services
publics, il y a, au sein de l’Assurance Maladie, de nombreuses «réserves»
de mobilisation professionnelle…
52
Les Publications du Groupe BPI
Juin 2006 • N° 16
les
En conclusion de ce chapitre
Les métiers, les identités professionnelles sont contradictoires au sein de
l’Assurance Maladie. Selon que l’organisation, le management et la gestion des
ressources humaines les tirent vers la qualification et la fierté d’appartenance,
ou vers l’organisation industrielle de l’usine et du centre d’appel, les agents
évolueront différemment et participeront plus ou moins au développement
des missions de l’Assurance Maladie.
Sans doute existe-t-il des ressources importantes de mobilisation sur le mode
« missionnaire » au niveau des agents, la mise en place dans l’urgence de
la CMU l’a montré. Mais encore faut-il aller les « chercher » et définir ce qui
peut être la tâche de chacun, par exemple dans les implications de l’actuelle
réforme avec l’exercice quotidien de missions de régulation par la « liquidation
médicalisée ».
53
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Juin 2006 • N° 16
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Un management
de P.M.E. et une gestion
des ressources humaines
éclatée
CHAPITRE4
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Les Services publics changent : comment ? - Cahier Bernard Brunhes Consultants - BPI group - 2006

  • 1. Juin 2006 • N°16 Les BPIGroupe du PUBLICATIONS Les Services publics changent : comment ? Etude sociologique de l’Assurance Maladie Sous la direction de Danielle Kaisergruber David Askienazy Philippe Olivier Judith Desportes Gildas Niget Anaïs Lacombe
  • 2. Les Services publics changent : comment ? Etude sociologique de l’Assurance Maladie Sous la direction de Danielle Kaisergruber David Askienazy Philippe Olivier Judith Desportes Gildas Niget Anaïs Lacombe Juin 2006 • N°16 Les BPIGroupe du PUBLICATIONS
  • 3. Les Cahiers Bernard Brunhes Ces « Cahiers » entendent contribuer à analyser les changements sociaux qui sont liés aux mutations économiques actuelles. Les interventions et les réflexions des consultants de Bernard Brunhes Consultants - Groupe BPI en fournissent la matière.  Cahiers n°1 : « Banques et assurances en Europe : les enjeux sociaux d’un bouleverse- ment »  Cahiers n°2 : « Et si les conflits dans les transports n’étaient pas une fatalité ? Conditions de travail, vie quotidienne et management des conducteurs »  Caniers n°3 : « 35 heures : une occasion de repenser la formation – Les enseignements des accords de branche et d’entreprise »  Cahiers n°4 : « 35 heures : quand les collectivités territoriales devancent l’appel »  Cahiers n°5 : « L’avenir des emplois peu qualifiés : que peut la formation ? Les ensei- gnements des pratiques de PME-PMI»  Cahiers n°6 : « La gestion des crises industrielles locales en Europe »  Cahiers n°7 : « Les salariés seniors : quel avenir dans l’entreprise ? Enquête dans 5 pays : Allemagne, Royaume-Uni, Suède, États-Unis, Japon »  Cahiers n°8 : « Les collectivités territoriales se mettent aux nouvelles technologies ; les enseignements des démarches engagées. Les perspectives »  Cahiers n°9 : épuisé  Cahiers n°10 : « Vingt ans de décentralisation. Où en est le management public terri- torial ? Enquête sur les pratiques managériales dans les collectivités territoriales »  Cahiers n°11 : « Concilier flexibilité des entreprises et sécurité des salariés. Réactivité des entreprises, sécurité des salariés… une nouvelle articulation est-elle possi- ble ? »  Cahiers n°12 : « Réussir en Europe de l’Est. Comment acquérir une entreprise en Europe centrale et orientale : expertises, conseils, témoignages »  Cahiers n°13 : « La rémunération au mérite : mode ou nécessité ? Pour de nouveaux modes de rémunération dans les fonctions publiques d’État et territoriale »  Cahiers n°14 : « Les impacts de la LOLF sur la Gestion des Ressources Humaines. La loi organique relative aux lois de finances, les enseignements à tirer d'expérimentations pilotes »  Cahiersn°15 :« Anticiperl'emploi.Commentlesentreprisesréussissent-ellesàanticiper l'emploi ? Comment les salariés accueillent-ils ces politiques ? » Les textes de ces « Cahiers » peuvent être téléchargés sur Internet (www.groupe-bpi.com). Ils sont aussi disponibles sur papier au prix de 8 € . Les Publications du Groupe BPI 16, rue Vivienne – 75002 Paris
  • 4. Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Avant-propos 5 CHAPITRE 1 L'Assurance Maladie : une institution et une entreprise imbriquées 11 Repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 C'est l'institution qui est parlée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 La représentation de la complexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Centralisation / autonomie des organismes : permanences et évolutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Et la tête de réseau ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 CHAPITRE 2 La logique de service a changé la conception du travail 23 Repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Une opinion positive sur la notion de service . . . . . . . . . . . . . 26 Les Plates-Formes de Service : cœur ou marges de l'entreprise ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Alors, le client ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Les professionnels de santé : incarnation du mal ou partenaires dans une relation de service ? . . . . . . . . . . . . . . . 31 Histoire de changement 1 - La création des Délégués de l’Assurance Maladie : « Je dis Monsieur, pas Docteur » . . . . 34 En conclusion de ce chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 CHAPITRE 3 Quels métiers à l'intérieur de l'Assurance Maladie ? 41 Repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 Les représentations des métiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Qu'est-ce qu'être « technicien Assurance Maladie » aujourd'hui ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Un effet de prolétarisation… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 Où est la modernité en matière de métiers ? . . . . . . . . . . . . . . 49 Les métiers de mission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 En conclusion de ce chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 SOMMAIRE
  • 5. Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les CHAPITRE 4 Un management de P.M.E. et une gestion des ressources humaines éclatée 53 Un univers de PME(s) en émulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Les pratiques de management : la parabole de la bonne pioche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 Un exemple d'univers rebelle au management . . . . . . . . . . . . 58 Une gestion des ressources humaines éclatée . . . . . . . . . . . . . 60 En conclusion de ce chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 CHAPITRE 5 Le compromis social de base 63 Repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Des appartenances très cloisonnées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 « Ni une administration, ni une entreprise » . . . . . . . . . . . . . . 67 Le modèle de l'emploi à vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Histoire de changement 2 : Sésam-Vitale . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Des relations sociales territorialisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 En conclusion de ce chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 CHAPITRE 6 Rapport au changement et désir de modernité 79 Le passé témoigne pour l'avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Le changement à l'origine d'une nouvelle fierté d'appartenance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Mais l'Assurance Maladie est au milieu du gué... . . . . . . . . . 83 Histoire de changement 3 : La mise en place de la Couverture Maladie Universelle (CMU) . . . . . . . 85 Perspectives : quelle place pour l'entreprise imbriquée dans une institution ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 Le management et les ressources humaines : des leviers de changement attendus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 Conclusion 93 Bibliographie 97
  • 6. Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Du changement dans les grandes organisations publiques Danielle Kaisergruber Au fil du temps, et au-delà des échanges d’invectives et de discours, les grands « mammouths » publics changent. Moins que ne le souhaiteraient certains, mais beaucoup plus qu’on ne le croit généralement. Il en est ainsi de l’Assurance Maladie. Sait-on d’ailleurs, alors qu’on ne parle que de son déficit – le « trou de la sécurité sociale » qui fait périodiquement retour dans l’actualité –, que ce sont 110 000 personnes qui y travaillent chaque jour. Leur histoire récente est riche de nouveautés et de changements : mise en place de la carte Sésam-Vitale (la fameuse « carte verte ») et changement complet des procédures de remboursement qui sont dématéralisées pour l’essen- tiel et s’effectuent directement auprès des professionnels de santé. Avec la création des « Plates-Formes de service », les centres d’appels téléphoniques propres à l’Assurance Maladie, c’est la logique de service qui a pris une place nouvelle dans le travail des agents. Elle s’est déve- loppée également dans les accueils physiques en particulier depuis la création de la CMU, Couverture Maladie universelle, qui a renouvelé la vocation sociale de l’Assurance Maladie et amené vers ses Centres, des assurés d’un type nouveau. Révolution informatique, dématérialisation, scannérisation, transmis- sion directe des données : autant de changements techniques d’ampleur – il y a 350 millions de consultations et 1 milliard de prescriptions par an en France – qui sont aussi des changements de métiers, d’organisation et de culture. Avec la récente réforme d’août 2004, le Service médical voit son rôle réorienté vers davantage de contrôle. La régulation et la gestion du risque – autrement dit rembourser intelligemment – deviennent le Avant-propos
  • 7. Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les métier de chacun au fur et à mesure que se déploie la « Liquidation médico-administrative ». Un regard sur les transformations des grandes entreprises publiques (RATP, EDF…) en France montre qu’elles changent par le biais de la logique de service ; par la responsabilisation des entités de base et par le biais d’une vraie gestion des ressources humaines et des compétences qui se substitue à la gestion budgétaire des postes. Par son histoire, l’Assurance Maladie s’est construite à partir de Caisses autonomes, à partir d’en bas donc. Récemment elle s’est tournée vers ses clients et partenaires. L’Assurance Maladie représente un service public orignal qui agit, avec ses 110 000 salariés de droit privé, des femmes pour 80 %, par délé- gation de l’Etat dans le cadre de l’ensemble des organismes de sécurité sociale. C’est un service public qui a beaucoup changé et changera encore beaucoup. Comment ? Quelles leçons en tirer pour d’autres services publics, entre- prises publiques ou administrations ? L’étude qui suit montre que, si les préjugés ont la vie dure, on ne doit jamais faire l’économie du détour par le terrain : c’est en observant un téléconseiller dans un centre d’appels, en observant comment travaillent des médecins-conseils, en animant des groupes de travail comme le font de très nombreux consultants, que l’on peut légitimement parler du changement dans les services publics. C’est parce qu’on ne connaissait pas assez bien l’intérieur de la « boîte noire» Assurance Maladie que la Direction de la Communication de la CNAM a lancé en 2004 un « Programme fonctionnel pour la réalisation d’une étude sociologique sur la culture d’entreprise et l’accompagnement du changement ». Les enquêtes et le travail d’analyse ont été réalisés par une équipe de Bernard Brunhes Consultants et Synergence Majeure sous la direction de Danielle Kaisergruber, du printemps 2004 à l’été 2005. Plusieurs types d’investigations ont été conduits. Le recueil d’informations, d’opinions, d’avis, de représentations … plus particulièrement lors d’une cinquantaine d’entretiens en bilaté- ral avec des responsables au sein de l’ensemble « Assurance Maladie » : administrateurs, dont certains présidents de Conseil d’administration
  • 8. Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les issus des organisations syndicales et patronales, directeurs d’organismes, directeurs régionaux du Service médical, responsables nationaux au sein de la CNAM, responsables nationaux du Service médical ; …lors d’enquêtes sur le terrain qui ont conduit à la réalisation de 10 monographies d’organismes (7 Caisses primaires, 1 Centre technique informatique et 2 entités du Service médical) ; …enfin, lors de nombreux entretiens collectifs qui ont eu lieu dans le cadre de chaque enquête de terrain avec des groupes de techniciens, d’agents administratifs, ou praticiens-conseils, avec des représentants des salariés au sein des comités d’entreprise, avec des cadres de proxi- mité, avec des délégués de l’Assurance Maladie. … lors d’observations en milieu de travail qui ont eu lieu afin de recueillir des matériaux relatifs aux pratiques de travail au quotidien. La production de réactions par rapport aux matériaux recueillis et aux hypothèses d’analyse Au fur et à mesure du déroulement de l’étude, nous avons soumis nos premiers constats et nos premières hypothèses d’analyse afin de les valider et de les enrichir, au Comité de pilotage tout d’abord, et à un « groupe d’interprétation » ensuite, composé de 20 membres. Nous les avons ensuite présentés au cours d’une série de huit séminaires trans- versaux qui se sont tenus en avril 2005 et qui ont rassemblé chacun une quarantaine de participants venant de toute la France et de tous les horizons professionnels. L’étude a pu ainsi représenter un moment interactif dans la vie de l’Assu- rance Maladie et être en elle-même porteuse de sens et de mouvement au sein de l’entreprise. Au-delà de l’étalement dans le temps qui permet la prise en compte des changements survenus depuis le début de l’étude (loi du 13 août 2004 et orientations renforcées vers le contrôle ; rôle nouveau du directeur de la CNAM), nous avons eu l’occasion pour produire des résultats d’analyse d’utiliser de manière heuristique les différences entre les méthodes de recueil des matériaux. Notre position de fond de type épistémologique étant que la recherche de l’interaction avec les acteurs n’est pas incompatible avec la production rigoureuse d’éléments de connaissance.
  • 9. Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Nous livrons ici les résultats de ce travail, qui ont déjà été largement diffusés au sein du réseau Assurance Maladie. Comme un voyage à l’in- térieur d’un univers, d’une grande organisation. Nous avons toujours été bien accueillis, non sans un brin d’étonnement, devant cette démarche d’étude sociologique qui n’avait pas d’objectifs immédiats de réorgani- sation ou de changement. Tous ceux que nous avons rencontrés ont joué le jeu de notre enquête et des modalités de travail que nous leur avons proposées. Qu’ils en soient ici remerciés. Une pensée particulière va à Agnès Denis, directrice de la Communication, qui a eu l’idée de cette étude, et à l’équipe de la Direction de la Communication et du Marketing qui nous a accompagnés.
  • 10. Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Sigles utilisés ALD Affection Longue Durée Affectionouvrantdroitàunremboursementà100%desexamensmédicauxetdesprescriptions en rapport avec l’affection. AME Aide Médicale de l’Etat Aide à laquelle a droit toute personne de nationalité étrangère en situation irrégulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France, pour elle-même et les personnes à sa charge, à condition de résider en France depuis plus de 3 mois et sous réserve de remplir les conditions de ressources. CANAM Caisse Nationale d’Assurance Maladie des professions indépendantes CNAM-TS Caisse Nationale d’Assurance Maladie desTravailleurs Salariés CPAM Caisse Primaire d’Assurance Maladie DAM Délégué de l’Assurance Maladie ENSSS Ecole Nationale Supérieure de Sécurité Sociale (anciennement CNESSS Centre National d’Etudes Supérieures de Sécurité Sociale) Ecole qui assure la formation des futurs cadres dirigeants de la sécurité sociale et propose des actions de formation continue destinées aux cadres supérieurs et aux cadres dirigeants des organismes de sécurité sociale. LMA Liquidation Médico Administrative Obligation, introduite par la loi du 13 août 2004, pour les caisses d’Assurance Maladie de vérifier, pour les prestations présentées au remboursement, le respect des règles de prise en charge par l’Assurance maladie, avec l’appui des services du contrôle médical. MSA Mutualité Sociale Agricole Deuxième régime de protection sociale en France. Gère la protection légale et complémentaire de l’ensemble de la profession agricole. PFS Plateforme de Service UCANSS Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale Négocie et conclut les accords collectifs nationaux pour le régime général de la sécurité sociale. Elle assure également un certain nombre de services, notamment en matière de gestion des ressources humaines, pour les réseaux du régime général de la sécurité sociale. UGECAM Union pour la Gestion des Etablissements des Caisses d’Assurance Maladie Organismes régionaux qui gèrent les établissements de soin et médico-sociaux de l’Assurance Maladie. UNCAM Union des Caisses d’Assurance Maladie ForméedesCaissesnationalesdestroisprincipauxrégimes(CNAMTS,MSA,CANAM),l’UNCAMa pour rôle de coordonner l’action des Caisses nationales dans le pilotage de l’Assurance Maladie et de nouer un partenariat avec les professionnels de santé et les organismes de protection sociale complémentaire. URCAM Unions Régionales des Caisses d’Assurance Maladie Structures régionales inter régimes regroupant : - Les caisses primaires d’Assurance Maladie du régime général (CPAM), - Les caisses régionales maladie des professions indépendantes (CMR), - Les caisses de Mutualité Sociale Agricole (MSA).
  • 11.
  • 12. 11 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les L'Assurance Maladie : une institution et une entreprise imbriquées CHAPITRE1
  • 13. 12 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Repères Même si une entreprise peut être considérée, à de nombreux égards, comme une institution, la notion d’« institution » désigne le système politique de l’Assurance Maladie. Même si le but de l’Assurance Maladie n’est pas la production de richesses mises sur le marché, la notion d’entreprise désigne le système de production des services et des missions. Dès que l’on entre dans l’Assurance Maladie – et il s’agit bien d’un voyage, d’une exploration –, on trouve d’abord le système politique caractérisé par plusieurs traits :  la proximité de l’État. Les règles du jeu sont fixées par lui ;  la prégnance historique du système paritaire mis en place en 1945. La « Sécurité Sociale » s’analyse alors comme un système de « salaire différé » au service des salariés (de là l’appellation toujours utilisée : CNAM-TS pour « travailleurs salariés »), géré par des représentants des employeurs et des salariés au sein d’un Conseil d’administration de la CNAM et de Conseils sur le même modèle dans environ 200 organismes ;  la construction de l’ensemble du système à partir du territoire, à partir d’organismes locaux insérés dans un tissu local d’acteurs et d’institutions, et dotés d’un fort sentiment d’autonomie. Il est bien évident qu’un certain nombre des valeurs, des caractéristiques cultu- relles que nous allons découvrir relèveront de l’institution. Par exemple cette formulation de type «politique» souvent entendue pour définir l’Assurance Maladie : « notre mission c’est l’égalité de l’accès aux soins pour tous ». Le fonctionnement de l’entreprise, de son côté, se caractérise par quelques traits notables :  comme toute entreprise, elle rationalise jour après jour sa manière de produire (rappelons que chaque année il y a 350 millions de consul- tations médicales et un milliard de prescriptions) et ses méthodes de gestion. Un gros travail a été accompli sur ce dernier aspect ces dernières années avec les conventions de gestion, l’introduction de Sésam-Vitale, la scannérisation des « feuilles maladies »… ;  ellesemoderniseàlamanièredesentreprisesdeserviceenintroduisantune véritable « logique de service » en direction des assurés, des professionnels de santé (60 % des remboursements sont désormais réalisés directement
  • 14. 13 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les auprèsd’eux)etdesemployeurs(surlesaspects« indemnitésjournalières », « accidents du travail » et « maladies professionnelles »). Elle met en place des plates-formes téléphoniques, modernise ses accueils, etc. ;  elle fonctionne du point de vue des ressources humaines et des relations sociales comme les autres entreprises, et ce d’autant plus que le person- nel relève du droit privé. Bien que le vocabulaire communément utilisé par tous soit celui d’« agent », comme dans la fonction publique… Cette simple remarque nous montre qu’il faut évidemment aller plus avant dans l’analyse de l’imbrication de l’entreprise et de l’institution, chacun des « traits caractéristiques » que nous venons d’évoquer rapidement a évolué au fil du temps et est « vécu », « assumé » différemment par les différents groupes sociaux et professionnels. Exemple de définition de l’Assurance Maladie dans son ensemble : « C’est une entreprise de service public avec des salariés de droit privé ». Certains accentuent le côté « noblesse » du service public orienté vers une mission de respect de « l’égalité dans l’accès aux soins » et de vigilance par rapport au système de soins « avec en plus l’énergie du privé ». D’autres mettent l’accent sur l’efficacité des fonctionnements : « On utilise les méthodes de l’entreprise : démarche qualité, gestion, management ». En somme, les deux faces : l’insti- tution publique d’une part, l’entreprise de l’autre. Voici ce que nous avons recueilli lors d’un autre entretien avec un autre respon- sable d’organisme local : « je suis un service public, c’est pour ça que je suis là ; en second, je suis un réseau ; in fine, je suis une entreprise. Mais pour les cadres et agents, je ne sais pas, demandez-le leur ». C’est ce que nous avons fait.
  • 15. 14 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les C'est l'institution qui est parlée Dès que l’on travaille sur et dans l’Assurance Maladie, c’est peut être la chose qui frappe le plus : sur une centaine d’articles de presse détaillés (et ils n’ont pas manqué durant les années 2004 et 2005), sur une vingtaine d’ouvrages consacrés à la sécurité sociale dont l’Assurance Maladie, on ne trouve pas plus de20lignesconsacréesaux110000personnesquiytravaillent.Lesthèmes évoqués dans cette imposante revue de presse : la gouvernance du « système », la négociation avec les syndicats représentant les professionnels de santé, la place des partenaires sociaux (ont-ils géré ou non l’Assurance Maladie tout au long de l’histoire ?), le déficit de l’Assurance Maladie, les positions diverses des divers ministres de la Santé. Rien sur les fonctionnements internes. Dans l’ouvrage de référence de Bruno Palier, Gouverner la sécurité sociale (2002), une seule page sur le rôle des syndicats dans les recrutements. Dans le rapport Fragonard,L’Avenirdel’AssuranceMaladie,rapportduHautConseilpourl’avenir de l’Assurance Maladie, rien. L’Assurance Maladie est une boîte noire, que nous allons essayer d’ouvrir. C’est l’institution, les enjeux politiques qui sont objets de discours, qui sont « parlés » pour reprendre une vieille expression de Lacan. Cette réalité ne peut pas être sans influer sur les fonctionnements et les représentations en interne : nous verrons plus loin combien les agents souffrent d‘un déficit d’image et de représentation d’eux-mêmes. De manière explicite, les responsables de la CNAM, l’établissement public, la tête de réseau, sont les plus nombreux à se plaindre du « trop de politique dans l’Assurance Maladie ». Plusieurs éléments expliquent la rémanence de ces représentations malgré la modernisation de l’entreprise elle-même.  Le rôle déterminant de l’État (à la fois le Parlement avec le débat annuel sur le budget de la sécurité sociale créé par les ordonnances Juppé, et le Gouvernement) qui s’explique par la nature des enjeux de santé publique, par le rôle qu’il a toujours souhaité conserver à l’endroit du secteur hospi- talier et enfin par l’importance du budget de la sécurité sociale. Ce rôle de l’Etat interfère très directement avec les missions et le travail quotidien de la CNAM. Ce qui peut expliquer que l’excès de politique y soit davantage ressenti qu’au sein des organismes locaux, plus loin de l’Etat. Deux sources d’autorité et de pouvoir, c’est une de trop. Et la légitimité de la CNAM comme « tête de réseau » par rapport aux organismes n’en a que plus de
  • 16. 15 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les 1 Cf. l’exemple de Ferrovie del Stato dans Tixier P.E., Ramirez R., Heckscher CH., Maccoby M., LaMétamorphosedesgéants,commentsetrans- forment EDF, Trenitalia, ATT et Lucent, Editions d’Organisation, 2004. mal à se construire. Mais il faut noter au passage qu’à la CNAM on rencon- tre de nombreux profils de compétences et de carrières, de type « hauts fonctionnaires de l’Administration centrale ».  Le fait que, au travers du paritarisme au niveau national comme au niveau des organismes, l’Assurance Maladie soit un véritable « champ de forces politiques et sociales », à la fois entre organisations des employeurs et organisations représentant les salariés, au sein même des organisations syndicales du fait du pluralisme français, et entre « partenaires sociaux » et syndicatsreprésentantlesprofessionnelsdesanté.Cechampdeforces,cette guerre de positions ravivée à chaque réforme est loin des préoccupations et des réalités des agents, mais les responsables (à la CNAM comme d’ailleurs les directeurs d’organismes) se doivent d’intégrer cette dimension. Plusieurs ouvrages récents portant sur la modernisation des services publics ou des entreprises publiques ont montré à quel point le changement est difficile dans des organisations qui sont des champs de forces politiques1. C’est pourquoi pour les responsables de l’Assurance Maladie, conduire des changements implique de savoir bien distinguer l’institution et l’entreprise, car c’est l’institution qui est dans les turbulences du champ de forces, et car le changement doit se conduire à partir de l'entreprise.
  • 17. 16 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les La représentation de la complexité L’institution avec ses multiples « instances » renvoie à la question de la complexité, évoquée dans tous les entretiens avec des administrateurs et des responsables, bien qu’elle ne soit pas une question pour les agents de base au sein des organismes : les Caisses primaires, les Centres techniques informati- ques ou les Echelons locaux du Service médical. Pour un très grand nombre de nos interlocuteurs, la complexité renvoie aux différents régimes de sécurité sociale, au paritarisme et au grand nombre d’organismes au sein de l’Assurance Maladie : 129 Caisses primaires, 9 Centres techniques informatiques – CTI, des URCAM – Unions régionales, des services au sein des CRAM qui s’appellent Assurance Maladie mais traitent pour l’es- sentiel des questions de retraite, etc. Ainsi du point de vue d’un directeur d’URCAM, son organisme « couvre » vingt régimes (régime général, MSA et CANAM, auxquels s’ajoutent les « petits » régimes spéciaux) avec vingt administrateurs alors qu’il y a dix-sept salariés à l’URCAM. Drôle d’organisation. Mais cette complexité est là encore celle de l’institution, dès que l’on s’intéresse à l’activité de remboursement de prestations, au contrôle des arrêts maladies, on est dans des entreprises, des établissements qui « produisent ». Le directeur de Caisse primaire peut heureusement s’inscrire dans une vision plus simple, alors que les responsables nationaux de la CNAM ont tendance à rendre l’institution plus compliquée qu’elle ne l’est :  son organisme se situe clairement à l’intérieur du réseau Assurance Maladie. Notons que l’usage du mot « réseau », avec la modernité qu’il connote, l’a nettement emporté sur le vieux mot « branche ». Nous reviendrons sur ce terme « réseau » et ce qu’il signifie ;  le paritarisme signifie pour lui des relations avec « son » Conseil d’admi- nistration, sachant que le plus souvent le couple « directeur / président de CA » est présenté comme fonctionnant efficacement. Derrière cette efficacité affichée, on peut sans doute voir un certain effacement de la fonction « présidentielle » qui est dans une position suiviste sur la plupart des dossiers importants de modernisation technologique, de choix d’orga- nisation, de gestion des ressources humaines. Comme si les valeurs de la modernité ne pouvaient être contestées, les présidents de Conseil ont le même souhait que les directeurs de s’attacher à tout ce qui est synonyme de modernité ;
  • 18. 17 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les  le paritarisme est pour lui un gage d’autonomie. Les décisions prises par le directeur, ou l’équipe de direction, apparaissent comme « voulues » par le Conseil et – comme telles – doivent s’imposer à la CNAM. Le paritarisme et la volonté affichée des partenaires sociaux sont alors des arguments à faire valoir à la CNAM à l’appui de telle ou telle proposition. C’est ainsi que se construit la double légitimité du directeur de Caisse locale : un pied dans l’institution, un pied dans l’entreprise. L’ancrage dans l’institution ne vient pas que du paritarisme, il vient aussi de l’inscription dans les institutions locales, dans des réseaux locaux. Le directeur – et il partage cette fonction avec le président du Conseil – représente l’Assurance Maladie au niveau local. Il est, parfois autant que son président, un notable local. En utilisant cette notion, empruntée à la sociologie de l’administration et aux sciences politiques, nous n’incluons aucune nuance de jugement, il s’agit bien de décrire un mode de fonctionnement qui joue d’une double appartenance. Ce mode de fonctionnement est commun à tous les directeurs de Caisse, quelle que soit leur génération. En tant que manager d’une entreprise – car une Caisse est une vraie PME, nous y reviendrons –, il fonctionne dans un réseau dont la tête est la CNAM. La relation à la CNAM, à « Paris », est importante. La légitimité sur le terrain, dans la direction d’une entreprise, est semblable à la légitimité d’un directeur de site dans un groupe privé. Mais s’y ajoute la légitimité locale, qui est un gage d’autonomie et dont la tête de réseau doit tenir compte. En effet, la CNAM de son côté a besoin de la légitimation « par le terrain » car elle n’est pas simplement un siège social d’entreprise. De ce point de vue, deux figures dominent le discours des uns et des autres : à Paris, on évoque sans cesse ce qui se fait sur le terrain et dans une Caisse on cherche à valoriser ses initiatives, ses innovations en les faisant connaître au niveau national. C’estainsiquefairepartied’ungroupedetravailnational,oud’uneCommission, est valorisant et valorisé en local auprès des agents. Les expressions utilisées par les agents pour évoquer cette reconnaissance de « leur » Caisse par Paris ressemblent tout à fait à celles qui sont utilisées par les citoyens ou les habi- tants d’une ville pour désigner leurs élus politiques : le maire de telle ville est aussi apprécié parce qu’il a des fonctions nationales qui le confortent locale- ment. Certes la décentralisation a un peu fait évoluer cette représentation, maislaprégnancedelafiguredu« député-maire »montrequele« jacobinisme apprivoisé » existe toujours2. 2 Cf. travaux de Pierre Grémion, en particulier Le pouvoir périphérique, Seuil, 1976
  • 19. 18 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Centralisation / autonomie des organismes : permanences et évolutions Lesreprésentationsdesnombreuxresponsablesinterviewéssurcepointsontclaires :  L’Assurance Maladie s’est construite sur le modèle de la Mutualité, à partir d’une autonomie des Caisses locales qui ont eu leur propre Conseil d’ad- ministration, leurs choix, leur communication (il en reste bien des traces), leurs recrutements. L’identité des Caisses a pu, dans le passé, être connotée par l’appartenance syndicale de leur président.  Depuis plusieurs années, on observe une centralisation et une prise de pouvoir hiérarchique opérée par la CNAM. Cette observation se mêle parfois avec le constat concernant le rôle plus affirmé de l’État. Mais elle reste bien spécifique : la centralisation correspond à des besoins de gestion homogène (« aujourd’huidanslescontratsd’engagement,sur20indicateurs,75%sont fixés par la CNAM »). Elle s’appuie sur les systèmes informatiques qui ont un rôle très structurant.  Elle répond également à un besoin d’homogénéiser le service rendu aux assurés et aux autres partenaires de l’Assurance Maladie. La diversité des pratiques est encore importante suscitant surprise, inquiétude parfois, lorsque les agents la découvrent. En effet des consignes différentes d’une Caisse à l’autre peuvent avoir comme conséquence un traitement différent des assurés d’une localité à l’autre. La diversité concerne aussi les manières de travailler des agents : ainsi le rôle donné aux Plates-Formes de service (PFS) peut aller d’une conception de type «  standard téléphonique» à une conception où réponse est donnée à 80 % des appels. Les consignes quant au temps passé à répondre sont très variables d’une PFS à l’autre. Une part de centralisation se justifie donc pleinement. Cette prise de pouvoir de la CNAM, qui s’est nettement accentuée avec la mise en place de la réforme de 2004 (« j’attends mon habit de sous-préfet » dit un directeur) n’est pas fondamentalement rejetée, mais les critiques qui s’expriment montrent qu’elle doit s’accompagner d’une re-définition du type de « pilotage » du réseau que la CNAM entend mettre en œuvre. Pour l’avenir, les directeurs d’organisme rencontrés redoutent une évolution vers ce qu’ils appellent un modèle « directeur d’agence », ou un modèle admi- nistratif qui ne serait pas en phase avec la culture de l’Assurance Maladie qu’ils partagent : ils se sentent différents des « fonctionnaires », « non pas qu’il soit mal d’être fonctionnaire, mais… ».
  • 20. 19 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Certains d’entre eux redoutent le développement d’un niveau régional dont ils imaginent mal les contours :  le modèle de type « services d’un ministère avec niveau national / niveau régional / niveau départemental / niveau infra départemental » ne corres- pond pas à l’identité profonde des cadres et des agents de l’Assurance Maladie, et ne trouve pas de défenseur au sein du réseau, ni chez les responsables, ni chez les agents. Parmi les responsables nationaux cependant, ce modèle peut sembler parfois présent : la vision pyramidale d’un bel ensemble articulé sur les divisions administratives territoriales et sur l’emboîtement actuel des collectivités locales en France n’est jamais exprimé dans sa pureté. Mais elle est à l’œuvre dans de nombreux discours, montrant à quel point la tête de réseau – en l’absence d’une autre référence et d’une autre conception de ce qu’est le pilotage d’un réseau – cale son fonctionnement sur celui d’une administration centrale de l’État ;  le modèle « échelon régional pour la stratégie » et « échelon départemental pour la production » a ses tenants dans les URCAM (et à la CNAM parfois) mais il est faiblement attractif pour les Caisses qu’il transforme en « points d’accueil » et « usines à prestations ». Or la discussion sur la place du niveau régional se trouve doublement relan- cée par les exigences de mutualisation entre Caisses et de reconfiguration d’une part et par la problématique de la régulation d’autre part ;  la perspective d’une mutualisation plus poussée et d’un regroupement régional des Caisses est présente dans les propos des agents. Elle se mêle fortement avec la question des effectifs. « On aura un front office local et un back office mutualisé au niveau régional ». Dès que les agents sont invités à se projeter dans l’avenir, la régionalisation apparaît comme une menace. Quant au sujet de l’emploi, des effectifs (et des réductions d’effectifs), il faut noter qu’entre le moment des enquêtes monographiques (novembre - décembre 2004) et le moment des séminaires transversaux (avril 2005), la sensibilité des agents est devenue beaucoup plus vive sur ce sujet. Les faibles taux de remplacement des agents partant en retraite apparaissent comme contradictoires avec le développement de tâches nouvelles à réaliser. L’institution définit donc une appartenance et un mode de fonctionnement de responsables. Est-elle présente par d’autres biais dans les représentations et les pratiques professionnelles des agents de base ? C’est la question que nous nous poserons dans le chapitre portant sur « le compromis social de base », dans lequel on retrouve certaines des composantes du « système politique » de l’Assurance Maladie.
  • 21. 20 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Et la tête de réseau ? Au-delà des critiques toujours exprimées par la « base » à l’endroit du « sommet », la représentation que le réseau a de la tête de réseau mérite d’être analysée. Pour les directeurs d’organismes, c’est une tête hiérarchique – et dont ils pensent qu’elle le sera de plus en plus, en particulier avec la gestion de la carrière des directeurs – et une source de normes de gestion. Pour une partie d’entre eux, ceux qui sont le plus présents dans des comités et groupes de travail nationaux, c’est également une source d’initiatives ou de reprises pour généralisation d’initiatives du terrain, et d’impulsion. Pour les agents, la tête de réseau est l’instance dirigeante qui tient les cordons de la bourse (budget, effectif, mutualisations) et ils attendent de leur direc- teur d'organisme qu’il négocie au mieux de leurs intérêts. C’est le modèle du « jacobinisme apprivoisé ». Au-delà, ils connaissent très mal la CNAM, ne la voient pas comme «  le siège » et n’opèrent pas toujours la distinction entre ce qui relève de la CNAM et ce qui relève de l’État. En fait ils en ont une représentation de type instance politique abstraite qui a davantage les traits d’une institution que d’une direction d’en- treprise. Il faut ajouter que l’absence de mobilité entre la CNAM et le réseau (à de rares exceptions près) ne contribue pas à véhiculer une image concrète. Notons aussi que le fossé entre les équipes de direction des organismes – proches des responsables nationaux – et les agents proches de leurs cadres de proximité, est très important. « Il y a trente fois plus de distance entre un liquidateur et le directeur de la CNAM qu’entre moi et le ministre » entend- on. Nous avons effectivement trouvé que cette distance était beaucoup plus importante que celle que l’on peut observer dans la plupart des grandes entreprises. Plus exactement, elle correspondrait à une entreprise de main d’œuvre peu qualifiée. En somme, plus on se sent appartenir au réseau, plus on a d’exigence par rapport à la tête de réseau qui doit elle-même transformer son mode de fonctionnement. Le réseau tel qu’il fonctionne aujourd’hui est à mi-chemin d’une orga- nisation clairement hiérarchique et d’une organisation décentralisée. Peut-il évoluer vers davantage de hiérarchie et de centralisation alors que toutes les grandes entreprises publiques (EDF, France Telecom, RATP) se
  • 22. 21 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les sont modernisées en allant vers plus de décentralisation et de responsa- bilisation des échelons locaux ? Pour conclure ce chapitre, selon le niveau d’exercice de leur métier ou de leur responsabilité, les agents de la CNAM peuvent être plutôt dans l’institution, ou plutôt dans l’entreprise. Mais c’est au niveau des représentations que les deux réalités s’imbriquent et courent le risque de se nuire mutuellement. Les conséquences en terme de construction de projet et de communication en sont importantes.
  • 23.
  • 24. 23 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les La logique de service a changé la conception du travail CHAPITRE2
  • 25. 24 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Repères De nombreux travaux de chercheurs en France portent sur la modernisation des « géants » (selon l'expression de Pierre-Eric Tixier), les grandes entrepri- ses publiques que sont EDF, la SNCF, la RATP, Air France, France Telecom3 . Ils mettent en évidence les vecteurs d’introduction du changement au sein de ces entreprises, quel qu’en soit le point départ. Ces vecteurs de changement sont au nombre de trois : 1. Le passage d’une notion abstraite de service public à une notion opération- nelle de service au public. Autrement dit : l’introduction d’une orientation vers le client et de la logique de « service ». 2. La décentralisation des responsabilités du management et, le plus souvent, des relations sociales (cf. chapitre 4). 3. Un changement très profond dans la conception de la gestion des ressources humaines qui inclut le passage de la gestion budgétaire d’effectifs et de postes, à la gestion qualitative des ressources humaines, des compétences et des parcours professionnels individuels (cf. chapitre 5). Cette nouvelle gestion des ressources humaines est une base pour le développement d'un vrai management. Revenons sur le passage de la notion de service public à celle de service au public pour la caractériser plus en détail. La logique de service ainsi introduite estunenotionopérationnelledanslamesureoùelleentraînedesmodifications d’organisation importantes : d’une organisation des activités de type indus- triel centrée sur le bon fonctionnement technique (les centraux et les lignes téléphoniques, la régulation des trafics, la production et l’acheminement de l’électricité) à une organisation tournée vers l’usager, le client. En un mot, le destinataire des services publics produits. L’introduction de la logique de service appuyée sur de nouvelles organisa- tions des activités modifie très profondément les métiers exercés dans les entreprises. Non pas que les activités de production n’existent plus, mais elles sont le plus souvent modernisées par les transformations technologiques et s’appuient sur un nombre moins important d’employés. Non pas que la notion de service public ait disparu mais elle ne suffit pas à définir l’organisation et la manière de travailler. De nombreux métiers apparaissent tournés vers le marketing, l’accueil physi- que et téléphonique ; la relation avec les usagers est objet d’attentions, 3 A. David, RATP, La Métamorphose, réalités et théorie du pilotage du changement, 1995 P.E. Tixier (sous la direction de ), Du Monopole au marché, les stratégies de modernisation des entreprises publiques, La Découverte, 2002.
  • 26. 25 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les d’un travail de l’entreprise sur elle-même, relayé par le développement de formations spécifiques. De nouveaux problèmes apparaissent également : les compétences exigées par les métiers d’accueil sont plus « relationnelles », « langagières ». Elles sont moins bien connues que les compétences techniques, moins faciles à identifier et à construire. Parfois moins reconnues aussi. Les métiers d’accueil sont porteurs de gratification – la satisfaction du client ou de l’usager – mais aussi de stress et de difficultés nouvelles. A une époque où, en France, les emplois de service représentent 72 % du total des emplois, les profils professionnels, les compétences et les problèmes posés par ces métiers commencent à être aujourd’hui un peu mieux connus4. C’est en nous appuyant sur l’ensemble de ces travaux que nous allons analyser comment s’est effectuée dans l’Assurance Maladie l’introduction de la logique de service. 4 Cf. en particulier I. Joseph, G. Jeannot, Métiers du public : les compétences de l’agent et l’espace de l’usager, CNRS Editions, 1995 M.C. Combes, Services : organisation et compé- tences tournées vers le client, La Documentation Française, 2001. GillesJeannot, Lesmétiersflous,travailetaction publique, Octarès, 2005
  • 27. 26 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Une opinion positive sur la notion de service Lorsque les agents sont invités à identifier les changements survenus sur les cinq dernières années, ce sont les changements technologiques qui arrivent en première place : Sésam-Vitale, les différents logiciels et la télétransmis- sion. L’histoire de l’introduction de Sésam-Vitale et de la télétransmission est édifiante. Mais le constat est général : la carte Vitale est sur le terrain le symbole même du changement. Elle est vécue, mise en avant comme « la preuve » que l’on a changé. Elle est le signe de la modernité : « je montre la carte et je n’ai pas besoin de dire où je travaille, tout le monde le sait ». De nombreuses Caisses en ont fait comme une sorte d’emblème et les agents parlent de la carteVitale avec fierté. Dans la mesure où l’identité professionnelle « travailler à la Sécu » est restée connotée négativement, on peut voir à quel point la carte Vitale représente bien plus qu’un changement technique parmi d’autres. Les entretiens avec des responsables d’organisme et des membres de Conseils d’administration le montrent très clairement : ce n’est plus « la production » qui fournit le sujet essentiel des réunions. Personne ne regrette le temps où « les soldes », autrement dit les dossiers en retard, occupaient l’essentiel des ordres du jour dans les Conseils d’administration. La place prise par les enquê- tes de satisfaction des assurés témoigne de la présence d’une autre logique. Les responsables, comme les agents, sont nombreux à citer spontanément les enquêtes de satisfaction comme un repère, un outil sur lequel on s’appuie. Les mauvais résultats ont servi, dans certains cas, de déclic et de point de départ pour des changements radicaux dans l’organisation et le management. La notion de « service » se décline selon différents dispositifs qui, au fil du temps, ont pris une place plus importante dans les activités exercées et dans la représentation que les agents en ont :  Dans une même vision, Sésam-Vitale et la télétransmission sont corrélées à l’idée de service. Parce que, jointes à la scannérisation, ces innovations techniques ont délivré du souci quotidien de la production. Parce que la mise en place de la télétransmission a mobilisé des équipes de techniciens qui ont travaillé en direction des professionnels de santé. Enfin, parce que, dans la représentation des agents, Sésam-Vitale comme la logique « service » participent de la modernité, montrent que « ça bouge » . Comme les autres services publics.  Le développement des services « accueil », en lien avec la mise en place de la CMU (Couverture maladie universelle) qui s’est réalisée très rapidement
  • 28. 27 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les et a été vécue comme le prolongement naturel des missions de solidarité de la sécurité sociale. Il faut revenir ici aux notions fondatrices : la sécurité sociale des salariés créée (refondée) en 1945 ne permet plus de couvrir les populations précarisées par les évolutions économiques. La CMU – proposée par un gouvernement de gauche réputé favorable au service public – donne un sens à l’action sociale au sein de l’Assurance Maladie. Par ailleurs, la mise en place de la CMU s’est effectuée dans l’urgence, dans le cadre d’une conduite du changement de type « commando » qui est, pour partie, en phase avec certains aspects de la culture de l’Assurance Maladie. En effet, on peut voir que ce qui reste d’une culture « militante » au sein des organismess’accommodetrèsbiendecesgrandsprojets,certesvenusd’enhaut et que l’on raille comme tels, mais qui mobilisent sur un temps court toutes les ressources dès lors que les agents comprennent le sens de ce qui est fait. L’emploi, fréquent, de cette notion d’urgence témoigne d’un besoin de réaffir- mer l’utilité politique et sociale de l’Assurance Maladie. Un moyen peut-être aussi de lutter contre l’image négative d’une bureaucratie tranquille. Mais les agents des fonctions « accueil » qui sont en permanence en contact avec les populations éligibles à la CMU expriment aussi leur exaspération devant ce qu’ils voient comme des abus des dispositifs assistanciels. Les anec- dotes concernant ceux qui viennent toucher leur CMU en grosses cylindrées abondent… C’est typiquement un aspect professionnel sur lequel les agents pensent qu’ils observent des dérives que les «  chefs » ne voient pas et que l’on pourrait corriger « avec davantage de temps » pour traiter les dossiers. Mais en même temps, ces abus sont sujets à controverses plus politiques. On voit là, comme sur quelques autres thèmes, à quel point l’activité à l’intérieur des différents services de l’Assurance Maladie est corrélée avec des opinions et une représentation de « type » politique et sociale de l’activité exercée.  Le développement des « Plates-Formes de service » (voir ci-après).  Les hésitations quant au développement des services en direction des professionnels de santé (voir ci-après).
  • 29. 28 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Les Plates-Formes de Service : cœur ou marges de l'entreprise ? Du fait même de leur conception, les PFS (Plates-Formes de service) se sont généralement construites à l’envers des autres services, à partir d’une sorte de table rase. En ce sens, ni leur fonctionnement ni la méthode d’implémen- tation ne sont transposables, puisqu’il n’y a pas eu à agir par rapport à une organisation déjà existante. L’observation, comme la reconstitution de la création des PFS, font ressortir plusieurs éléments :  la conception même est tournée vers le client. Mais à la différence d’une activité de type standard téléphonique, des moyens importants sont mis en place pour qu’un grand nombre de questions puisse trouver réponse dès le premier appel ;  du coup, l’activité de la plate-forme est soutenue par un travail riche (des superviseurs, du manager de la plate-forme) d’information permanente des téléconseillers, de « débriefing » régulier pour résoudre ensemble les problèmes posés et s’assurer de la qualité des réponses ;  les agents travaillant sur des plates-formes et ayant travaillé dans d’autres services ressentent le travail quotidien comme plus collaboratif, moins cloisonné, moins individualiste ;  les agents travaillant sur des plates-formes sont quasiment les seuls (parmi environ 600 agents rencontrés lors de cette enquête) à affirmer sans problème leur identité professionnelle. A la question « où travaillez- vous ? », posée dans les circonstances de la vie quotidienne, ils répondent « je suis téléconseiller à l’Assurance Maladie ». Là où tous les autres répon- dent, en étant gênés, « je travaille à la Sécu ». C’est donc une identité professionnelle plus sûre d’elle-même qui se dégage, une fierté d’appartenance à un métier d’une part et à l’Assurance Maladie d’autre part. Les modes de recrutement pour les emplois de téléconseiller ont été variés mais ont souvent abouti à des recrutements de jeunes relativement diplômés et à des mobilités volontaires d’agents venant d’autres services. C’est pourquoi d’une certaine manière, les plates-formes rassemblent aujourd’hui des agents « plus engagés » dans leur travail que la moyenne des autres. Dans la mesure où l’exercice du métier de téléconseiller est exigeant et producteur de stress,
  • 30. 29 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les on s’accorde à dire que des parcours de mobilité devront être proposés aux téléconseillers. Une attente très forte existe maintenant quant aux emplois qui seront proposés dans l’avenir à tous ceux qui ont travaillé dans les PFS. Comme dans certains centres informatiques, qui ont embauché des jeunes très diplômés, le risque de gâchis peut être important. Mais dans l’ensemble, le caractère récent de la création des PFS, les modes de recrutement, font que les plates-formes sont encore ressenties par de nombreux agents comme étant « aux marges » de l’entreprise. Quelques jugements négatifs existent, ils sont de deux types : soit ils provien- nent d’un préjugé ancien (« j’ai vu fonctionner des centres d’appel comme celui deWanadoo »), soit ils viennent à l’appui d’une vision de la dégradation de la qualité de service pour cause de recherche de productivité. Le temps manque pour « écouter », pour « approfondir », pour «  traiter vraiment les choses ». On peut observer que ces critiques sont moindres lorsqu’il existe une organisation du travail collectif qui permet une prise de distance et un approfondissement des sujets traités, par exemple avec des « groupes de parole » ou des « groupes de doctrine » qui permettent régulièrement de faire le point, de réactualiser les connaissances de chacun. Dans plusieurs cas, la mise en place des plates-formes a été longuement discu- tée dans les Caisses – parfois même négociée – avec les organisations syndi- cales et les représentants du personnel. Les réticences qui se sont exprimées alors provenaient nettement d’une opposition à des organisations du travail de type « call centers » et d’une image dévalorisée de ce type de métier. L’usage du mot « client » tend à refléter les mêmes contradictions de représen- tations. Alors que les entretiens avec des responsables nationaux à la CNAM, nous avaient mis en garde – « N’allez pas dans l’étude avec le mot client » –, nous avons été frappés de voir à quel point son usage s’était répandu. Ce constat, comme d’autres, tendrait à montrer que l’institution, la politi- que, est en retard sur les fonctionnements quotidiens de l’entreprise et des agents.
  • 31. 30 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Alors, le client ? « Les destinataires ne sont surtout pas des clients. Nos destinataires sont des assurés sociaux. Mais certains veulent faire moderne et parlent de clients. Le concept de solidarité est à lui seul suffisamment moderne ». Voilà le genre d’affirmation que l’on peut entendre parfois. Qu’y a-t-il derrière le mot client, qu’il soit accepté ou refusé ?  Lorsque le mot « client » est utilisé spontanément, ce n’est pas pour dési- gner une relation marchande mais bien pour mettre en évidence le fait que le « destinataire » doit être pris en compte. Il s’agit en quelque sorte de sortir l’assuré social de l’anonymat de la masse des assurés sociaux et de le considérer comme une personne ayant besoin d’explications, de commu- nication et de réponses aux problèmes posés dans les meilleurs délais. Cet usage du terme « client » n’est pas contradictoire avec la conception de l’Assurance Maladie comme « un service public » ayant une mission globale de solidarité.  Le même vocabulaire ne paraît pas bien s’adapter aux professionnels de santé, les agents s’orientent alors vers le mot « partenaires ». Cette distinc- tion sémantique permet de préserver la conception de base selon laquelle l’Assurance Maladie est d’abord tournée vers les assurés. Elle n’empêche pas une réflexion, à laquelle les agents paraissent ouverts, selon laquelle il y a aussi des services à proposer aux professionnels de santé dans leur diversité.  Il n’y a pas d’homogénéité dans la manière de « se tourner » vers le (ou les) client(s). On parle parfois de « clientèle » – comme si ce terme paraissait plus adapté –, de « ligne du public », mais parfois encore de « tiers » pour désigner les professionnels de santé.  Il n’y pas non plus d’homogénéité dans la manière de répondre aux deman- des : se mettre en position de répondre en face à face, ou prendre les questions et proposer une réponse différée, avec traitement par un « back office ».
  • 32. 31 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Les professionnels de santé : incarnation du mal ou partenaires dans une relation de service ? La même variété de choix d’organisations se retrouve à propos de l’interface avec les professionnels de santé. Pour certaines Caisses, une vision claire de l’organisation devrait à plus ou moins long terme structurer les activités autour de trois grands pôles « clients » : les assurés, les professionnels de santé et les employeurs. Mais, dans ce que nous avons observé, autant la « ligne au public des assurés » est claire, autant la « ligne aux professionnels de santé » ne l’est pas. C’est que la représentation des « professionnels de santé » est encore très brouillée. Plusieurs images se superposent dans cette représentation dont le rôle est essentiel pour l’évolution de l’Assurance Maladie :  Lorsque les agents sont invités à évoquer les professionnels de santé, c’est la figure du médecin qui s’impose tout d’abord. Rationalisation de cette image : c’est lui qui prescrit les autres professionnels de santé. Les connotations qui y sont attachées sont celles de l’argent, voire de l’appât du gain, de la notabilité bourgeoise, du refus de changer. Le médecin est vu davantage comme une « figure sociale » clairement située du côté des valeurs du privé5 que comme un professionnel qui rencontre des problèmes professionnels. Cette vision se trouve généralement confortée par les prises de position des syndicats représentant les médecins. Parailleurs,lesentretiensnousontmontréqu’uncertainnombred’adminis- trateurs exprimaient une vision très négative du corps social des médecins. Derrière cette conception on peut même parfois se demander si la volonté de défendre les assurés sociaux contre les médecins ne se calque pas sur un schéma politique de type « peuple » contre « bourgeoisie ». « Avec les médecins, on a re-fabriqué notre lutte des classes interne » dit un directeur de Caisse. On est là nettement dans ce registre politique si souvent appelé à la rescousse dans les discours internes. Lorsque l’on évoque les aspects plus professionnels des différentes relations qui existent avec les médecins (remboursement, paiement des conventions, etc.), la tonalité est autre et montre des changements récents qui sont importants : reconnaissance mutuelle, sentiment d’utilité de l’Assurance Maladie pour les médecins… Les échanges font également apparaître la difficulté de communication entre les agents mal assurés dans leur identité 5 Pour une analyse très complète des valeurs du « privé » et du « public » voir François de Singly et Claude Thélot, Gens du privé, gens du public, Dunod, 1989.
  • 33. 32 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les professionnelle et le médecin, sûr de son statut, diplômé et individualiste. Les ressources sur lesquelles l’agent de l’Assurance Maladie peut s’appuyer lors de l’échange sont celles du droit et de la connaissance de la réglemen- tation mais elles doivent être entretenues et cultivées en permanence par tout un travail interne. C’est pourquoi certains agents souhaiteraient une réflexion plus opéra- tionnelle sur les services à apporter aux professionnels de santé et sur la manière de s’organiser pour les apporter.  Lorsque l’on entre un peu plus avant dans l’analyse, le fossé entre « agents de l’Assurance Maladie » et « professionnels de santé » se double du fossé qui existe en interne entre le Service médical de l’Assurance Maladie et le reste de l’entreprise. Cependant, l’évolution vers une conception dans laquelle les professionnels de santé sont des professionnels comme les autres et des acteurs du système de santé essentiels se dessine. La structuration des métiers en direc- tion du professionnel de santé (PS) commence à se traduire dans la réalité de certaines Caisses. Dans les évolutions à venir des activités et du rôle de l’Assurance Maladie en matière de régulation (cf. chapitre 5 : Le compromis social de base), la représentation que les agents ont de leurs « partenaires » professionnels de santé est certainement un élément déterminant et qui peut agir en positif ou en négatif. A cet égard, la relation entre les Caisses et le Service médical est centrale, et pourtant on peut conduire toute une enquête de terrain dans une CPAM sans que soit prononcé le mot « Service médical ». Il faut le provoquer. C’est un autre univers, et au sein du Service médical la conception des activités n’est pas régie par la préoccupation du service aux professionnels de santé. Un médecin-conseil – dans la vision qu’il a de son identité professionnelle – est d’abord un médecin. Son statut lui est conféré non par son entre- prise ou son organisme mais par son diplôme. Il s’agit d’un statut dans la société française et non d’une identité professionnelle dans une entreprise ou une administration. Du coup, le praticien-conseil s’efforce dans son activité de reconstituer, de valoriser ce qui peut se rapprocher de l’exercice libéral « normal » de cette activité : la salle d’attente, la «plaque», la secrétaire… Au niveau des praticiens-conseils, on retrouve la pertinence de la différence entre représentations du « public » et représentations du « privé ». Il y a peu de passerelles entre les deux.
  • 34. 33 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Par ailleurs, les praticiens-conseils pensent être pour l'essentiel dans l’impos- sibilité d’exercer des services à l’endroit de leurs collègues libéraux puisqu’ils ont le sentiment que ce sont des Caisses qui jouent ce rôle et de ce fait les court-circuitent. Tel exemple est cité d’un Service médical « qui a torpillé la mise en place des centres d’examen de santé ». Il existe peu d’exemples de coopération entre Service médical et Caisses, à l’exception d’un « COCODAM » – Comité de coordination des Délégués de l’Assurance Maladie auquel parti- cipait « en secret » le Service médical. Le développement des « entretiens confraternels », l’information des médecins libéraux sur des protocoles de bonnes pratiques en matière de prescriptions, leur information sur les études de santé publique, d’épidémiologie : autant d’actions possibles mais qui buttent sur le fait qu’au sein du Service médical, ce ne sont curieusement pas les études et les travaux de santé publique qui sont privilégiés, mais toutes les activités qui s’exercent dans le monde du « colloque singulier » avec le malade.
  • 35. 34 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Histoire de changement 1 La création des Délégués de l’Assurance Maladie : « Je dis Monsieur, pas Docteur » Les Délégués de l’Assurance Maladie (DAM) ont été mis en place en 2003. Ils sont aujourd’hui 800, bien installés, présents dans toutes les Caisses, ayant une vision plutôt claire de leurs missions, et étant plutôt fiers de leur identité professionnelle qu’ils (ou elles) affichent nettement. Les DAM font partie de ces agents qui n’ont aucune hésitation quant à leur intitulé de fonction et qui affichent une appartenance « Assurance Maladie » plutôt qu’une appartenance « sécurité sociale ». Quel est le processus de changement qui a conduit à cette situation, comment s’est faite la mise en place, quels problèmes a-t-elle soulevés ? Quelles sont aujourd’hui les nouvelles interrogations que partagent ces agents ? Une initiative d'en haut ou d'en bas ?   Les points de vue recueillis sur cette question diffèrent. Pour de nombreux directeurs de Caisse, c’est au sein du réseau, lors de réunions de directeurs, que cette idée est née, reprise ensuite par la CNAM et son directeur à l’été 2003. Pour les responsables de la CNAM, c’est d'eux qu’est parti le mouvement, ou plus exactement l’injonction à mettre en place rapidement ces délégués, sur le modèle disait-on alors des « visiteurs médicaux » des laboratoires pharmaceutiques. Vue par un directeur de Caisse, « la mise en place a dû se faire très rapide- ment, dans la précipitation (comme souvent), de juin à septembre de la même année ». Pour cette Caisse qui avait fait précédemment un important travail avec le Service médical et la Mutualité Sociale Agricole, pour renouer des contacts avec les professionnels de santé, la décision de mettre en place les DAM ne posait pas de problème de fond. Cela apparaissait plutôt comme une évolution « naturelle » par rapport à la prise en compte de plus en plus importante des professionnels de santé, en particulier avec l’utilisation de Sésam-Vitale et la télétransmission. Plusieurs autres directeurs de Caisse ont souligné le caractère « naturel » de cette création. « Nous avons développé le service aux professionnels de santé pour Sésam avec des technico-commerciaux. Mais avant de lancer les DAM, nous avions mené des actions de sensibilisation et de formation… car les relations avec les professionnels de santé sont sensibles. Ils sont dans la liberté totale ». Une initiative plutôt bien acceptée   « Avant, il n’y avait pas de relation personnalisée, on fonctionnait par cour- rier ou téléphone, et surtout on ne se déplaçait pas chez le professionnel de santé ».
  • 36. 35 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les La première réaction a plutôt été de scepticisme – « La peur de ne pas être à la hauteur, les agents se dévalorisent par rapport aux professionnels de santé, aux médecins surtout » – et un brin d’ironie par rapport à l’aspect commercial des choses, en particulier à la comparaison avec les visiteurs médicaux : on est bien dansl’AssuranceMaladiedansununiversdevaleurdu« public »danslequelles mots « vente », « commercial » n’ont pas cours, et l’imitation du secteur privé n’est jamais un bon argument. Mais, a contrario, les « nouvelles perspectives de carrière que cela peut ouvrir » ont tout de suite suscité de l’intérêt : ceci est en accord avec le sentiment souvent exprimé par les agents de ne pas avoir au sein de l’Assurance Maladie beaucoup de perspectives professionnelles. Les DAM ont très rapidement été classés par les agents du côté des métiers qui ont de l’avenir, qui sont valorisés, à l’inverse du « vieux » métier de technicien de prestation. La mise en place s'est réalisée de manière différente selon les Caisses   En règle générale, la sélection des agents s’est faite après un appel de candida- tures (dans quelques cas, l’appel de candidatures ne donnant pas de résultats, des agents ont été désignés). La sélection s’effectuant après présentation d’une lettre de motivation, puis entretiens et « examens » et enfin formation. Les jugements positifs formulés sur le métier de DAM correspondent bien au fait que les agents placent souvent parmi leurs intérêts au travail « la variété », « le contact avec l’extérieur ». S’y ajoute « le fait de bouger » revendiqué également par les agents d’accueil qui tiennent des permanences dans des mairies ou des écoles et apprécient cet aspect de leur métier. Ces jugements positifs reposent également beaucoup sur le fait que la création des DAM contribue à changer l’image de l’Assurance Maladie à l’extérieur, « c’est un bon point pour l’Assurance Maladie ». Les agents appellent de leurs vœux une image différente et plus valorisante de l’Assurance Maladie, les professionnels de santé sont globalement des métiers et des positions sociales valorisés dans la société, et ceci rejaillit sur l’image des métiers de ceux qui sont amenés à travailler avec eux. Le jugement porté par les intéressés sur leur métier, ou par les collègues proches, est beaucoup plus positif que celui porté par les responsables, en particulier nationaux, qui se sont exprimés sur le sujet. Eux reviennent régu- lièrement sur les grandes interrogations (« quel est vraiment notre métier, le remboursement ou la régulation ? », « les DAM ne peuvent vendre que du vent »…). On voit là sur ce cas précis une relation au changement qui est à l’inverse de ce que l’on rencontre dans de nombreuses organisations où les responsables sont satisfaits des changements impulsés et les intéressés souvent plus sceptiques. Mais il est vrai que le réseau de l’Assurance Maladie
  • 37. 36 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les est aussi une organisation construite à partir du bas dans laquelle il peut arriver que le sommet soit en retard sur la base. Tout changement pose de nouvelles questions   La diversité des pratiques La mise en place des DAM de manière décentralisée, et visiblement sans coordination ni suivi évaluatif, pose à nouveau la question de l’homogénéité des services proposés. De nombreux directeurs de Caisse insistent sur le fait « qu’il y a moins d’homogénéité des services aux professionnels de santé que des services aux assurés ; car cela dépend de l’histoire des relations de la Caisse et des représentants des professionnels de santé ». Les « campagnes » des DAM ont été soigneusement préparées : d’abord en direction des ambulanciers ou des infirmières avant d’en venir un peu plus tard aux médecins généralistes, puis aux spécialistes. Leur travail est minu- tieusement préparé, des documents sont prévus, des débriefings ont lieu toutes les semaines. Ce que les DAM apportent aux professionnels de santé, c’est en premier lieu l’information et l’expertise en matière d’informatique – les professionnels de santé en ont grand besoin –, ainsi que du conseil. C’est également des informations sur les évolutions réglementaires et de conventions médicales et un relais pour les campagnes nationales de type « antibiotiques » ou « génériques ». En somme une manière moderne de travailler. La reconnaissance Voici ce qui a fait dire à certains agents : « c’est un métier copieux ». Du coup se pose la question de sa valorisation et de sa reconnaissance : « pour le niveau de compétences que cela exige, la classification 3 ou 4, cela ne va pas ». Là encore, la diversité joue et les DAM, bien que mis en place partout, n’ont pas fait l’objet d’une réflexion commune en matière de positionnement en terme de classification et de parcours. « Nous, ce sont des cadres qui sont DAM et il y a une vraie professionnalisation ». Ce nouveau métier demande une réflexion construite en terme de gestion des ressources humaines, partagée au sein du réseau quant à sa formalisation et son évolution. Les relations avec le Service médical Au contraire, « l’implication du Service médical dans les missions des DAM » est largement évoquée comme une nécessité par les agents. Certaines Caisses ont
  • 38. 37 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les mis en place une coordination des DAM à laquelle participe le Service médical, mais ceci reste l’exception, et encore est-ce « à bas bruit ». Cette absence de relations entre les Services médicaux et les Caisses interroge de nombreux responsables et agents : la mise en place des DAM ne fait que relancer la discussion. Certaines Caisses ont spécialisé les DAM selon les types de professionnels de santé, rendant encore plus incompréhensible l’absence de rapports entre les DAM et le Service Médical. La mise en place lente des « référents » pour chaque délégué Assurance Maladie au sein du Service médical est évoquée comme une évolution positive et attendue. En effet, l’un des problèmes rencontrés par les DAM est celui de leurs compétences, de leur confiance en eux-mêmes dès lors qu’ils sont amenés à aborder certains sujets. Dans la mesure où un de leurs problèmes demeure la difficulté du dialogue avec les professionnels de santé, le besoin d’une réassurance, d’une discussion avec des praticiens « qui, après tout, sont dans la même maison » se fait sentir. Les leçons de ce changement On voit là un changement certes limité, car il ne concerne qu’une partie de l’ac- tivité des organismes de l’Assurance Maladie, mais mis en place positivement, apprécié, même si, comme tout changement, il soulève ensuite de nouveaux problèmes. Il permet de saisir mieux le caractère continu des changements à l’intérieur du réseau Assurance Maladie : l’informatisation, puis l’implé- mentation de Sésam-Vitale ont commencé à modifier les rapports avec les professionnels de santé. Des techniciens se sont spécialisés sur ces techniques (cellule Sésam-Vitale ou techniciens EDI), l’Assurance Maladie est « sortie de ses murs ». Il n’y pas eu de rupture dans ce processus, ni de « grand soir », ni de réforme avec un grand «R». La grande mutation de l’Assurance Maladie vers les services est une base acquise qui autorise d’autres changements. Revenons sur la question du point de départ de l’initiative DAM : le réseau ou la tête de réseau ? Un changement rapide parce que l'on a oublié d'où il vient L’Assurance Maladie est organisée comme un réseau de PME, ce fonctionne- ment polycentriste assure une grande réactivité (les DAM ont été mis en place pour l’essentiel en moins d’un an), il donne des marges de manœuvre locales au management et des possibilités d’appropriation des changements de manière décentralisée. A partir d’une philosophie commune, on n’est pas obligé de faire la même chose partout.
  • 39. 38 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les C’est pourquoi on peut soutenir l’hypothèse paradoxale suivante : pour qu’un changement produise ses effets dans le système Assurance Maladie, il n’est rien de mieux que de ne plus savoir d’où il vient. Bien sûr, au départ, il a été prévu et pensé, mais l'intervention centrale a su ensuite se laisser oublier. Belle leçon de modestie pour ceux qui dirigent !
  • 40. 39 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les En conclusion de ce chapitre La logique de service s’est implantée au sein de l’Assurance Maladie. Avec succès bien que ce soit un changement radical par rapport à la « liquidation des remboursements » de type industriel. Elle est pour les agents un gage de modernité, mais toutes les conséquences n’en ont pas été tirées :  enmatièredecompétences,derecrutementsetdeconstructiondesparcours professionnels ;  en matière d’extension de cette logique aux partenaires professionnels de santé et aux employeurs. Pour le corps social de l’Assurance Maladie, à l’exception des praticiens-conseils du Service médical, le développement de la logique de service est une appli- cation de la vocation de « service public social ». Cette logique a été intégrée comme telle à la culture de l’organisme : de la nouveauté d’organisation de métier dans une continuité de culture.
  • 41.
  • 42. 41 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les CHAPITRE3 Quels métiers à l'intérieur de l'Assurance Maladie ?
  • 43. 42 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Repères Par « métiers », nous désignons ici une famille d’activités faisant appel à un corps de compétences communes et faisant fonction d’identifiant, d’identité professionnelle. Dans le cours de notre enquête, nous avons été conduits à utiliser ce concept pour deux raisons :  une raison interne à l’Assurance Maladie. Les découpages administratifs et les dénominations définissant les réalités professionnelles ne correspon- dent pas à des activités et encore moins à des identités. Exemple : agents administratifs, ou « techniciens ». Le vocable de « techniciens » s’avère une grande enveloppe « fourre-tout » qui a besoin d’être retravaillée ;  une raison extérieure à l’Assurance Maladie. De nombreux travaux montrent que par rapport à l’évolution des formes de vie collective, à une certaine perte de repères collectifs qui semble caractériser nos sociétés, seul le métier demeurerait aujourd’hui l’un des éléments de lien et d’identité les plus forts. De là l’importance que nous y attachons.
  • 44. 43 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Les représentations des métiers Ilestfrappantdevoiràquelpoint,malgréuneétonnantevariétéd’appellations, les agents s’accordent pour dessiner les contours principaux des métiers :  le remboursement (prestations, indemnités journalières, indemnisation des professionnels de santé). C’est le domaine des « techniciens », ceux que l’on appelait autrefois les « liquidateurs » ;  l’accueil (physique, téléphonique, sur rendez-vous ou non…). C’est le domaine des « agents d’accueil », dans certains cas des «  CAM, Conseillers Assurance Maladie » et des « téléconseillers » ;  en mineur, le contrôle, le plus souvent évoqué sous l’espèce du contentieux ou comme rôle des praticiens-conseils ;  l’encadrement ;  les métiers supports plus transversaux et communs à toute entreprise tels que l’informatique, les statistiques, le budget ou les ressources humai- nes. On peut d’emblée observer que les responsables nationaux de la CNAM ne définissent pas les métiers de la même manière : ils parlent le plus souvent des grands métiers – au sens cette fois de « missions » –, à savoir : « la gestion du risque », « la régulation », « être un assureur public ». Ces notions sont surtout abondamment utilisées dans les exercices de type « projet d’entreprise » mais on ne les retrouve pas, du moins pour l’instant, dans les représentations spontanées des agents. Le projet de branche – élaboré en 1999, évalué en 20026 – a mis en exergue la notion de « service » tourné vers la mise en place de la logique de service, il s’appuyait sur une recherche d’identité de « gestion des risques ». Le« projetd’entreprise2004-2007 »,élaboréaveclaparticipationdenombreux directeurs d’organismes, met en avant la notion d’« assureur public » et les notions de « risques ». Force est de reconnaître que tout au long de notre enquête, nous n’avons quasiment pas rencontré d’utilisation du mot « risque ». La relation entre ce « projet d’entreprise », finalement peu diffusé puisque sa mise au point définitive a été contemporaine de la réforme du 13 août 2004, et les nombreux « projets de Caisse » est complexe. Certaines Caisses construisent une démarche spécifique sans en référer à ce que l’on fait « à Paris » et font de l’élaboration ou de l’actualisation de leur projet, une occasion de management6 Évaluation du projet de branche, INSEP, 2002.
  • 45. 44 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les participatif. Paris et la tête de réseau étant souvent identifiés à une activité vibrionnante de production de discours « de grand soir ». Au-delà de la différence entre les discours de la tête de réseau et les réalités de la base (un classique des organisations de toute nature), le constat d’une différence de perception et d’identification des métiers est important. Pour mieux en comprendre les enjeux, il nous faut ouvrir la boîte de cet ensemble quantitativement très important appelé « les techniciens ».
  • 46. 45 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Qu'est-ce qu'être « technicien Assurance Maladie » aujourd'hui ? Une première remarque s’impose : c’est un « grade » (au sens de la fonction publique) et non pas un métier.  Ce n’est pas ainsi que les agents se définissent par rapport à l’extérieur ; nous avons systématiquement posé cette question et toujours obtenu la réponse « je travaille à la Sécu »; peut-être parce que l’origine du mot technicien est très liée à l’industrie et ne va pas bien avec une activité de service.  Les agents ont besoin de préciser cette appellation : « technicien de pres- tations », « technicien EDI », « technicien au Service médical », « technicien prestations en nature », etc. Tous les agents rencontrés se montrent soucieux quant aux différentes évolu- tions passées et à venir – voire très inquiets. L’automatisation, la télétrans- mission, la scannérisation et Sésam-Vitale, la grande masse de « décomptes » font que l’activité apparaît aux yeux des agents comme étant de plus en plus mécanique, gestes de validation de flux de données devant des écrans d’ordi- nateurs tous semblables. C’est en quelque sorte une activité transparente, non visible. Plus ça fonc- tionne bien et moins cela se voit. Ces visions sont souvent mises en relation avec les images de la « Sécu » : un travail bureaucratique routinier et dont personne ne parle si ce n’est que « travailler à la Sécu » est toujours pris comme emblème d'un « boulot de fonctionnaire sans intérêt ». La conscience – vraie ou fausse – d’exercer un métier sans qualité (lagrandeangoissemodernedelamassificationetde« L’Hommesansqualité » créé par le romancier Robert Musil) se redouble de l’angoisse de voir ce métier peu à peu disparaître. L’angoisse d’un fonctionnement entièrement mécanique, dématérialisé, entièrement transféré aux machines et aux systè- mes informatiques : « 80 % des assurés n’auront plus besoin de nous » disent certains. « Le système de protection sociale peut fonctionner sans nous, on est transparents ». Une certaine nostalgie et une grande confusion apparaît dès lors que l’on s’attache aux évolutions historiques des métiers de technicien : on regrette l’époque « des portefeuilles » où les agents avaient le sentiment de connaître leurs assurés ; on évoque avec hésitation le moment des organisations plus
  • 47. 46 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les polyvalentes, on craint que le mouvement actuel de « spécialisation », reconnu par tous, n’enferme chacun dans un poste sans possibilité d’évolution. Cette notion de « transparence », au sens d’un déni d’existence, condense plusieurs peurs :  celle des restructurations, des diminutions d’emplois : « les liquidateurs sont rognés par les TIC » ;  celle du manque d’identité et de fierté propre à un métier répétitif et peu impliquant (dans pas mal de cas) ;  celle d’une identité professionnelle mal définie au travers de cette enve- loppe catégorielle « les techniciens » d’autant moins adaptée qu’il s’agit à plus de 80 % de techniciennes mais que personne n’emploie le féminin. A notre avis, cette étrange caractéristique mériterait d’être travaillée. On peut également se demander s’il n’y a pas un rapport entre l’expression angoissée de cette « transparence » et le fait que l’Assurance Maladie en tant qu’entreprise n’ait pas de parole sur elle-même (voir le premier chapitre). Au sens psychanalytique du terme, l’Assurance Maladie – composée d’agents féminins pour une très grande part – est parlée par d’autres : les politi- ques, les syndicats, les administrateurs, les « chefs » à la CNAM. « Le problème de l’Assurance Maladie est que pour être constamment attaquée, elle semble n’être jamais défendue » nous a-t-on dit. Bien sûr c’est en général l’institution, le système dans son ensemble, qui est attaquée mais les effets s’en font sentir dans l’entreprise et pour chacun. Il y a une réelle contradiction entre cette image et ce que les agents savent « en interne » des évolutions de leurs métiers. « On a changé mais on est les seuls à le savoir », phrase souvent entendue. La modernité technologique, les exigences des métiers en compétences, en spécialisation technique, sont à l’opposé de cette image rémanente. De nombreuses Caisses, ou Centres informatiques, sont attentifs à faire évoluer les organisations du travail en sorte de favoriser des organisations plus quali- fiantes, des alternances entre postes de travail routiniers et postes de travail plus variés, etc.Mais la différence entre les métiers de prestations et les métiers tournés vers l’extérieur, vers le public, fonctionne et le « back office » nourrit des sentiments contradictoires. « Je suis un back », l’expression ironique entendue de la part d’un jeune technicien répond aux souhaits parfois exprimés par les agents d’accueil de « retourner à l’arrière, en secteur protégé ». « Ceux qui sont back ont l’impres-
  • 48. 47 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les sion que les autres, les front, sont en vitrine et eux dans l’usine ». La place prise par la logique de service, l’ouverture vers les problèmes sociaux avec la CMU font que ce sont les métiers d’accueil qui sont valorisés. Parfois très explicitement, et avec des avantages d’avancement ou financiers. De plus les métiers d’accueil, même s’ils sont durs à exercer et stressants, comportent en eux-mêmes le sentiment de leur utilité et, parfois, l’expression de la reconnaissance de l’assuré / client. Cette image d’usine correspond à l’impact de l’effet de masse : le nombre de décomptes, d’opérations réalisées, les contraintes de flux, de délais accentuent l’aspect industriel du travail. Toute une partie des logiques qui structurent le monde de l’Assurance Maladie est de type industriel. La logique de service – largement affirmée dans les documents nationaux, dans la communication – a pris une place importante mais elle est simplement juxtaposée à la logique industrielle de production. Ce constat se retrouve dans l’opposition diversement exprimée entre le « front » et le « back », l’accueil et « l’arrière ». Or la logique industrielle – si elle a pu être rassurante dans le passé, un travail tranquille, peu impliquant – est aujourd’hui génératrice d’inquiétudes et de frustration pour les plus jeunes. Logique industrielle va avec productivité : très inconsciemment, car ce mot pas plus que les autres termes du vocabulaire économiquen’estjamaisprononcé.Logiqueindustriellevaavecrationalisation, réorganisation. La représentation de l’avenir qui est exprimée par les agents est inquiète : ils distinguent bien le service de proximité qui, lui, doit rester ancré dans le local et a de l’avenir, et la production.
  • 49. 48 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Un effet de prolétarisation… L’effet de prolétarisation résulte de plusieurs facteurs :  la nature du travail de production des « prestations » ;  l’effet masse ;  les évolutions technologiques et d’organisation. Il arrive que l’on rencontre encore quelques évocations nostalgiques de l’époque des « portefeuilles ». Il ne s’agissait pas de ce que l’on appellerait « un suivi personnalisé » mais le fait de pouvoir dire « mes assurés » correspondait à la volonté de rendre concret un ensemble d’opérations qui sont aujourd'hui de plus en plus dématérialisées ;  la perception valorisée des métiers de contact avec le public, les profes- sionnels de santé et les employeurs. Cet effet est sans doute également le produit du « fossé » qui sépare les équipes de direction et les agents de base. Parfois aussi l’existence de ce fossé apparaît comme étant bien en convergence avec certaines représentations syndicales accentuant les effets d’opposition de classes sociales. L’effort mis sur « la ligne du public », sur la logique service, sur des relations renouvelées avec les professionnels de santé, paraît s’être traduit par une moindre attention aux activités traditionnelles de remboursement.
  • 50. 49 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Où est la modernité en matière de métiers ? La modernité est fortement revendiquée en interne : identifier Assurance Maladie et Carte Vitale, mettre en avant la capacité à assimiler des change- ments technologiques radicaux, mettre en valeur les plates-formes télépho- niques. Ces points d’insistance, encore discutés par certains, sont néanmoins très partagés. D’une certaine manière, les métiers de l’accueil en font partie. Ils n’ont pas à montrer leur utilité, ils sont en phase avec la vocation sociale de l’Assurance Maladie. Ils sont en phase avec les discours nationaux élaborés par la CNAM : logique de service, entreprise de service, service au public. Une continuité s’établit entre la représentation la plus partagée, celle de service public, et cette vocation d’activité de service, très concrète dès lors que l’on est au contact, y compris de publics difficiles. En ce sens-là, la modernité au sein de l’Assurance Maladie recouvre les mêmes contenus et les mêmes évolutions que dans les autres grandes entreprises ou organisations de service public : le service au public comme vecteur de renouvellement du service public. Par ailleurs, le « service » recouvre par définition une quantité « illimitée » de possibles : on pressent que l’on peut toujours faire mieux, délivrer davantage de services, en imaginer d’autres. A l’instar des entreprises privées de service : les opérateurs téléphoniques, les banques… Le service est donc d’autant plus du côté de la modernité qu’il peut être une garantie d’activités à développer et donc d’emplois à conserver et à développer. D’autres « branches » de la sécurité sociale ou des mutuelles ont eu ce même réflexe de survie et de développement. Les réponses aux questions posées sur le développement de nouveaux métiers vont dans ce sens : « conseil aux assurés », « centres d’examens de santé », fortement mis en évidence dans certaines régions, « suivi des publics fragili- sés ». Les services aux professionnels de santé peuvent également entrer dans cette liste de « métiers possibles » : de nombreux agents se déclarent prêts à travailler dans des métiers en lien avec les professionnels de santé. Les plates-formes de service, bien qu’encore un peu aux marges de l’entreprise, sont aussi un emblème de modernité. Elles donnent une image de l’Assurance Maladie qu’un grand nombre d’agents désire, ayant bien souffert dans leur identité professionnelle et sociale d’une image dégradée.
  • 51. 50 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Mais cette image positive est facilement contrecarrée par l’attraction – répul- sion qu’offrent les métiers d’accueil : aux difficultés relationnelles que l’on rencontre dans les accueils physiques7 s’ajoutent le stress et la difficulté de l’évacuer lorsque l’organisation du travail ne s’y prête pas et que l’omniprésence du contrôle hiérarchique pèse. Espace commun d’un plateau panoptique dans lequel l’ordinateur affiche aux yeux de tous les temps passés par chacun : ce n’est pas le mode de travail auquel sont habituées les techniciennes. La pres- sion sur le temps moyen à consacrer à une réponse ou la difficulté à définir ce qu’est une réponse ajoute aux problèmes. Autant dire que l’idée de modernité est très sensible et contradictoire : elle est souhaitée pour contrebattre la mauvaise image de la « sécu », mais elle est redoutée. Les identités professionnelles sont une construction fragile et en évolution permanente. Elles se nourrissent d’éléments façonnés par l’histoire mais dépendent aussi fortement des choix d’organisation, de gestion des parcours professionnels et de « conceptualisation » des métiers. A cet égard, le fait que les choix des organismes soient très disparates est sans doute un obstacle au renouvellement des identités professionnelles. Dans la mesure où « la ligne du public », le « pôle clientèle », le « technicien EDI » sont des appellations locales non contrôlées, seul s’impose le fondement ancien du vieux vocabulaire « technicien » ou « agent » à la sécu. A contrario, on voit que – malgré la diversité des démarches de mise en place – les nouveaux métiers « délégué Assurance Maladie » ou « téléconseiller » ont rapidement fait « identité » et sont source de fierté professionnelle. 7 Comparablesàcellesquel’onretrouveàlaRATP, à La Poste, à l'ANPE et dans de nombreuses activités de contact direct au public.
  • 52. 51 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Les métiers de mission Onlesrencontredanslesstructuresde« mission »commelesUnionsrégionales (URCAM) où il ne s’agit pas de gérer mais de produire des politiques publiques, d’animer des dispositifs incitatifs, de travailler à la régulation par l’action sur le système de soins. Les fonctions y sont souvent, comme dans certaines structu- res de la fonction publique, définies par le mot « chargé de mission ». Ces métiers de mission sont souvent définis par ceux qui les exercent comme rebelles à tout enfermement dans une organisation : « chacun définit son poste », « on a beaucoup de liberté », « l’Assurance Maladie, c’est un espace de liberté ». Ils s’inscrivent dans le fonctionnement « institutionnel » du réseau, dans le jeu polycentriste, partenarial et à géométrie variable du système politique de l’Assurance Maladie, davantage que dans l’entreprise. On retrouve, en concentré et avec davantage de cloisonnements, ce mode de fonctionnement et ce mode de définition de ce que l’on est et de ce que l’on fait au niveau de la CNAM, établissement public. En effet, la CNAM comme organisation tient à la fois de l’Administration centrale, qui génère des iden- tités professionnelles de type haut fonctionnaire, et de la tête de réseau, plus indépendante et « missionnaire ». Indices de ces modes de fonctionnement, les affirmations souvent répétées de l’importance des qualités personnelles : « j’ai une forte personnalité et je ne le cache pas », « j’ai mes opinions et je n’y renonce pas », etc. Ce qui définit aussi un univers rebelle au management, à moins de prôner le management par le désordre comme créateur de dynamique. Ce qui définit, aussi, un univers d’investissement personnel important, de travail dans l’ur- gence, de possibilités de mobilisation forte sur des projets nouveaux avec un appel au dévouement que de nombreux responsables au sein de l’Assurance Maladie revendiquent. Ces « métiers de mission » tirant parfois vers le « métier de missionnaire » se retrouvent au sein des Caisses, tournées alors vers la gestion de projets nouveaux, vers les activités de prévention, vers les nouveaux objectifs. La mise en place des DAM joue par exemple sur ces possibilités fortes de mobilisation au service d’un objectif. Et de nombreux agents expriment à quel point pour eux l’existence de nombreux projets, si elle est parfois le signe d’un chan- gement un peu vibrionnant et producteur de lassitude, est aussi une mine de renouvellement des motivations. Comme dans de nombreux services publics, il y a, au sein de l’Assurance Maladie, de nombreuses «réserves» de mobilisation professionnelle…
  • 53. 52 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les En conclusion de ce chapitre Les métiers, les identités professionnelles sont contradictoires au sein de l’Assurance Maladie. Selon que l’organisation, le management et la gestion des ressources humaines les tirent vers la qualification et la fierté d’appartenance, ou vers l’organisation industrielle de l’usine et du centre d’appel, les agents évolueront différemment et participeront plus ou moins au développement des missions de l’Assurance Maladie. Sans doute existe-t-il des ressources importantes de mobilisation sur le mode « missionnaire » au niveau des agents, la mise en place dans l’urgence de la CMU l’a montré. Mais encore faut-il aller les « chercher » et définir ce qui peut être la tâche de chacun, par exemple dans les implications de l’actuelle réforme avec l’exercice quotidien de missions de régulation par la « liquidation médicalisée ».
  • 54. 53 Les Publications du Groupe BPI Juin 2006 • N° 16 les Un management de P.M.E. et une gestion des ressources humaines éclatée CHAPITRE4