Synthèse de l'étude réalisée par l'Apec en partenariat avec le Cnam.
Différentes études estiment que l’économie sociale et solidaire
devrait connaitre un grand nombre de recrutements d’ici 2020. Cette enquête a été menée auprès d’un échantillon de cadres
en transition professionnelle vers l’ESS en ayant engagé des formations spécifiques.
Publiée à l’occasion du mois de l’ESS 2015, cette enquête se propose de répondre à plusieurs questions clés:
• Quelles raisons et quels évènements d’ordre personnel et professionnel ont conduit ces cadres à souhaiter s’engager
dans l’ESS ?
• Comment font-ils pour s’y engager ?
• Comment se projettent-ils dans ce secteur ?
Etude Apec - Attractivité des entreprises et emplois cadres en Guadeloupe, no...
Etude Apec - Ces cadres qui veulent se réorienter vers l'économie sociale et solidaire
1. –CES CADRES
QUI VEULENT SE
RÉORIENTER
VERS L’ÉCONOMIE
SOCIALE ET
SOLIDAIRE–
LESÉTUDESDEL’EMPLOICADRE
SYNTHÈSE
OCTOBRE 2015 Différentes études estiment que
l’économie sociale et solidaire [ESS]
devrait connaitre un grand nombre de
recrutements d’ici 2020. Le Cnam, en
partenariat avec l’Apec, a mené une
enquête auprès d’un échantillon de cadres
en transition professionnelle vers l’ESS en
ayant engagé des formations spécifiques.
Publiée à l’occasion du mois de l’ESS 2015,
cette enquête se propose de répondre à
plusieurs questions clés:
• Quelles raisons et quels évènements
d’ordre personnel et professionnel ont
conduit ces cadres à souhaiter s’engager
dans l’ESS ?
• Comment font-ils pour s’y engager ?
• Comment se projettent-ils dans ce
secteur ?
Interroger les trajectoires des cadres
attirés par ce secteur a permis de mettre
en évidence le rôle des représentations
qu’ils ont d’un secteur qu’ils connaissent
peu mais qui exerce une attraction sur
eux. L’enquête aborde également le rôle
des parcours préalables à la réorientation
professionnelle, celui conféré au diplôme
dans le secteur de l’ESS et la façon dont la
cohérence des parcours se construit
subjectivement par des individus engagés
dans une démarche de (re)construction
professionnelle.
N°2015-73
2. APEC – CES CADRES QUI VEULENT SE RÉORIENTER VERS L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE2
–
DIVERSES TRAJECTOIRES DE FORMATION
–
La majorité des cadres interrogés par entretiens, sont
issus d’un milieu plutôt favorisé, et leurs familles ont
eu un rôle important dans l’orientation choisie. Ils ont
dans l’ensemble un niveau Master dans des filières
de formation variées et ont des attitudes positives par
rapport à la question de la formation.
–
3 ATTITUDES A L’ÉGARD DE LA CARRIÈRE
–
La carrière des cadres interrogés occupe une place
centrale dans leurs vies ; ils y sont engagés et impli-
qués. Cependant, trois types d’attitudes à l’égard de
la carrière ont pu être identifiés :
- Les « aventuriers », qui recherchent des expériences
professionnelles inédites. Dans leurs discours, le
monde du travail apparaît avant tout comme un ter-
rain propice à la découverte de soi.
- Les « militants », qui recherchent dans leur travail
des situations qui leur permettent de défendre ou
promouvoir certaines idées sur la société.
- Les « ambitieux », en recherche de mobilité ascen-
dante et de reconnaissance.
–
DES EXPÉRIENCES DE TRAVAIL PARFOIS
DOULOUREUSES
–
Engagés professionnellement, ces cadres ont parfois
connu de fortes déconvenues professionnelles et des
souffrances, qui sont directement associées dans les
discours à l’émergence des intentions de se réorienter
dans le secteur de l’ESS. Ces difficultés sont liées à un
déficit de reconnaissance et des perspectives profes-
sionnelles limitées, qui vont à l’encontre de leur vision
du travail comme lieu d’épanouissement, d’appren-
tissage et de développement professionnel. Ces revers
ont donné le signal d’une réorientation radicale vers
un secteur affichant des principes humanistes et des
valeurs démocratiques.
–DES PARCOURS PROFESSIONNELS
VARIÉS–
3. APEC – CES CADRES QUI VEULENT SE RÉORIENTER VERS L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 3
–LES MOTIVATIONS DE LA
TRANSITION VERS L’ESS–
–
UN DÉCLIC ET UNE PÉRIODE DE
TRANSITION
–
Des événements professionnels précis sont en général
à l’origine d’une prise de conscience du fait que la
situation actuelle ne convient plus, et déclenchent
des actions visant à en sortir.
Chaque histoire est singulière, mais on note que la
première cause des intentions de changement est liée
à des réorganisations ou des changements de direc-
tion ou dans les stratégies de management des entre-
prises, perçus comme dégradant l’activité profession-
nelle.
Les cadres interrogés se tournent alors vers les dispo-
sitifs disponibles : plan de départ volontaire, congé
individuel de formation… Ils prennent souvent le
temps de réfléchir ce changement et son organisa-
tion. Des informations sont cherchées auprès de spé-
cialistes du conseil de diverses organisations.
–
ENTRER EN FORMATION :
UNE ÉTAPE DÉCISIVE POUR
L’INTÉGRATION ?
–
Les premiers contacts avec le secteur de l’ESS
conduisent ces cadres à penser que la formation y
constitue un sésame d’intégration, un signe fort
lancé aux employeurs, qui manifeste une adhésion
aux principes du secteur. Se former et avoir un di-
plôme dans le secteur permet de se signaler comme
« insider1
». Par ailleurs, toutes les formations entre-
prises impliquent des stages ou de l’alternance dans
le secteur de l’ESS, et conduisent un certain nombre
d’individus à se comporter comme de futurs entrepre-
neurs qui vont proposer des projets de développe-
ment au secteur.
1. Une personne faisant partie d’un
groupe
4. APEC – CES CADRES QUI VEULENT SE RÉORIENTER VERS L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE4
–
UNE FIBRE HUMANISTE
–
Plusieurs de ces cadres en transition ont été sensibi-
lisés dans leur enfance ou plus tardivement au cours
d’expériences bénévoles à un certain nombre de va-
leurs humanistes.
Pour d’autres, l’origine de ces intérêts a émergé pro-
gressivement ou à la faveur d’expériences particu-
lières au cours de la vie professionnelle.
Ces cadres ont souvent essayé de se conformer à une
éthique ou à des idéaux au cours de leurs expériences
professionnelles passées, parfois avec difficulté. Leurs
situations de réorientation ne représentent donc pas
une rupture totale avec leur parcours.
–LA VARIÉTE DES
REPRÉSENTATIONS SOCIALES
DE L’ESS–
Chez ces cadres, l’ESS est avant tout associée à un
projet global de société, une forme de gestion « démo-
cratique » et « humaine » des organisations. L’exis-
tence même de l’ESS serait le signe d’un changement
profond de la société voire l’expression d’une alterna-
tive sérieuse au capitalisme.
Les organisations du secteur sont perçues comme
plus porteuses de valeurs humanistes que les autres.
A leurs yeux, le secteur de l’ESS serait également por-
teur d’innovations sociales et techniques, notamment
de par sa capacité à favoriser la coopération.
Parmi les différentes structures qui composent l’ESS,
l’association apparait comme la structure la plus pro-
totypique.
En analysant les terminologies employées par les
cadres, on note que leur vision du secteur combine
une forte attirance pour celui-ci et des éléments de
vision critique.
- Un secteur aux valeurs humanistes, avec un certain
rapport à l’humain, et une mission.
- Un secteur défini comme opposé au secteur mar-
chand.
- L’idée que s’engager dans ce secteur a un coût, avec
notamment des craintes de baisses de salaire.
5. APEC – CES CADRES QUI VEULENT SE RÉORIENTER VERS L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 5
- Un secteur qui peut paraître opaque à certains
égards, où l’on ne sait pas réellement ce qui permet
de s’insérer et d’évoluer, ce qui peut aller de pair avec
des doutes sur son fonctionnement clair et démocra-
tique.
- Une vision politique du rôle des associations dans
la société, avec des interrogations sur le pouvoir réel
de ces structures et sur le soutien que les pouvoirs
publics y apportent.
- Ils estiment que les cadres attendus par les recru-
teurs du secteur de l’ESS devraient être à la fois des
« militants » et des « gestionnaires », avec des compé-
tences relevant des deux volets.
–L’AVENIR :
DE L’INCERTITUDE…
À LA CRÉATION DE SON
« ACTIVITÉ PROPRE »–
–
TRAVAILLER AUTREMENT
–
En s’engageant dans l’ESS, ces cadres espèrent mieux
maîtriser leur vie professionnelle, au quotidien et du
point de vue de leur trajectoire. Ainsi, ils associent
leur réorientation professionnelle à des possibilités
d’expression de soi, à la création d’un projet, au dé-
passement de soi ou encore à un rythme de vie plus
équilibré.
La moitié des cadres interrogés recherche des oppor-
tunités d’utiliser davantage leur potentiel et leurs
compétences, ainsi qu’une plus grande liberté dans
leur travail.
La question de la collaboration et de la décision col-
lective est alors centrale dans les discours sur le nou-
vel emploi recherché, de même que le fait de déve-
lopper de nouvelles relations sociales.
Par ailleurs, ces cadres souhaitent un contexte de
travail en accord avec leur éthique personnelle et où
celle-ci sera respectée.
De fait, la réorientation se conjugue à une recherche
de soi, chacun s’interrogeant sur la place qui lui cor-
respond et qu’il veut prendre dans la société.
6. APEC – CES CADRES QUI VEULENT SE RÉORIENTER VERS L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE6
–
LES PROJETS DES CADRES EN
TRANSITION
–
Trois grandes perspectives d’avenir peuvent être iden-
tifiées :
- S’intégrer dans un poste existant : cette aspiration
est perçue comme difficile à cause du grand nombre
de sous-secteurs du champ qui demandent chacun
des compétences spécifiques ;
- Trouver un emploi de direction d’association : ce
projet correspond à des postes déjà occupés dans des
entreprises privées ;
- Créer une structure dans le champ de l’ESS : il s’agit
de développer des projets personnels d’activité que
les cadres concernés ont en général muri dans le
cadre des formations qu’ils ont suivies.
–
LES DIFFICULTÉS PRÉSSENTIES
–
Outre les craintes concernant les spécificités du sec-
teur en termes de niveau de vie et de difficultés
d’insertion, en partie liées à la complexité du secteur
et à l’absence d’accompagnement après les forma-
tions suivies, les cadres sont inquiets de retrouver
dans l’ESS des travers qu’ils ont pu connaitre dans le
secteur marchand.
De façon générale, rejoindre le secteur de l’ESS leur
apparaît comme un parcours long et exigeant : il faut
s’acculturer au secteur, en comprendre les codes, en
cerner les enjeux et les spécificités, et surtout y déve-
lopper un réseau relationnel.
Ces différentes difficultés se combinent pour faire de
l’orientation professionnelle vers l’ESS un choix de vie
qui engage la personne et son entourage éventuel.
7. APEC – CES CADRES QUI VEULENT SE RÉORIENTER VERS L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 7
–LES ENJEUX DE LA
RÉORIENTATION DES CADRES
VERS L’ESS–
Tous les cadres rencontrés considèrent que ce chan-
gement professionnel en cours les affecte profondé-
ment, tant d’un point de vue positif (sentiment de
revalorisation de soi, fierté, nouvelles perspectives)
que d’un point de vue plus négatif (doutes, craintes
d’être déçu, sentiment d’incompétence). Si les situa-
tions ne varient pas beaucoup du point de vue de
l’expérience antérieure, le rôle des soutiens sociaux
(dispositifs d’accompagnement mais également
conjoint et famille) semble déterminant pour le dé-
roulement de la transition.
De façon générale, les attitudes des cadres en réo-
rientation vers l’ESS s’apparentent aux nouveaux
modèles de carrières et ceux-ci prennent la responsa-
bilité de leur vie professionnelle future. Ces carrières,
dites « protéennes », ne sont pas des trajectoires li-
néaires mais une succession de cycles d’apprentis-
sage tout au long de la vie, en fonction des contextes
professionnels rencontrés.
–
QU’EST-CE QUE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE ?
–
L’Economie sociale et solidaire regroupe les associations, les coopératives,
les mutuelles, les fondations et, depuis la loi du 31 juillet 2014, les entre-
prises sociales. Ces organisations sont susceptibles de fonctionner selon
des principes déclarés qui sont les suivants :
• La personne et l’objet social priment sur le capital ; les femmes et les
hommes sont au cœur de l’économie et en constituent la finalité.
• La gestion est collective et démocratique et participative : élection des
dirigeants, principe une personne = une voix, mise en place d’instances
collectives de décision.
• La lucrativité est limitée.
• Les principes de solidarité et de responsabilité guident la mise en place
des actions.
8. ASSOCIATION POUR L’EMPLOI
DES CADRES
51 BOULEVARD BRUNE
75689 PARIS CEDEX 14
POUR CONTACTER L’APEC
DU LUNDI AU VENDREDI
DE 9H À 19H
Étude réalisée dans le cadre d’un
partenariat de recherche avec Valérie
Cohen-Scali (Cnam-CRF).
Avec la collaboration de Naima
Adasse, Cécile de Calan et David
Mahut (Cnam-CRF).
Équipe projet du département études
et recherche de l’Apec : Hélène
Alexandre et Raymond Pronier
Direction du département : Pierre
Lamblin
www.apec.fr
– ÉTUDE COMPLÈTE DISPONIBLE
SUR WWW.CADRES.APEC.FR RUBRIQUE
OBSERVATOIRE DE L’EMPLOI
–
MÉTHODOLOGIE
–
L’étude présentée est le premier volet d’une recherche
en partenariat sur les cadres du secteur de l’ESS.
L’objectif des partenariats de recherche de l’Apec est
de développer une logique de complémentarité des
expertises : celles des chercheurs, d’une part, et celles
du département études et recherche de l’Apec,
d’autre part.
La présente étude a été réalisée par : Valérie Cohen-
Scali (responsable du projet), professeure en psycho-
logie au Conservatoire National des Arts et Métiers,
chercheure au Centre de Recherche sur le Travail et
le Développement (CRTD) et associée au Centre de
Recherche sur la Formation (CRF) ; Naima Adassen,
doctorante au CRF ; Cécile de Calan, consultante,
chercheure associée au CRF ; David Mahut, socio-
logue et chercheur associé au CRF du Cnam.
Le Centre de Recherche sur la Formation du Cnam
(CRF - Équipe d’Accueil 1410) est un laboratoire de
recherche spécialisé en formation des adultes au
Cnam.
Le CRDT est un laboratoire de psychologie du travail
et de l’orientation professionnelle, du Cnam.
Quatorze cadres ont été recrutés pour des entretiens
semi-directifs, en contactant des filières de formation
des domaines de l’ESS, du social et de la formation
dans trois universités et deux formations proposées
par des régions.
EDOBSA0210–S–10.15
ISBN 978-2-7336-0866-1
0 809 361 212