1. Docteur François RIGAL
Spécialiste en rééducation et réadaptation fonctionnelle
Ancien Professeur associé à l’université Lyon 1
Hôpital privé de l’est Lyonnais
Exposé du 9 novembre 2012
2. Le « Stress »se définit comme une séquence complexe
d’événements provoquant des réponses physiologiques et
psychosomatiques en chaîne.
Ces réponses sont provoquées par un organisme soumis à des
agressions ou des douleurs physiques et/ ou psychologiques de la
part de son environnement ou de son vécu devant un événement le
plus souvent indésirable.
Sur le plan du rappel physiopathologique, la décharge d’Adrénaline
et de Cortisol libéré lors du stress active le cortex cérébral et
surtout l’Hippocampe qui modère la réaction mais si cette
libération de Cortisol est trop importante en raison de l’intensité du
stress non maîtrisable, les zones correspondant à l’Hippocampe
dont le volume peut diminuer de 10 %, l’amygdale, le cortex
cingulaire antérieur et le cortex frontal sont à l’origine d’une
dépression grave et douleur de type « membre fantôme très
algogène »
Cortex Ciingulaire
Hippocampe
3. Stress de projection
Dans la situation spécifique de l’amputation d’un membre
ou de plusieurs membres, ce n’est pas l’anxiété qui est en
cause mais une situation de vide devant l’inconnu d’un
avenir comportant un corps modifié devant perdre ou
ayant perdu une partie de lui-même. Cette modification
corporelle altère l’image de l’Ego du patient sur sa propre
image et sur celle qui sera renvoyée aux autres. Certains
amputés essayent même de cacher leurs propres
mutilations vis-à-vis de leur entourage et parfois de leurs
proches.
5. Prévention du stress
La prévention du stress doit comporter une annonce de
l’événement concernant l’amputation de membre avec une
information et une annonce : claire, précise et positive.
À ce stade, le langage psychologique de la nécessité de : «
faire le deuil du membre perdu ou à perdre» est inadapté
à la situation réaliste éprouvée par le patient.
L’annonce d’une amputation ou plutôt de la
« segmentation de membres », terme moins agressif sur le
plan psychologique, doit être immédiatement accompagné
d’une projection d’avenir avec la construction d’un
projet de vie tenant compte de cet autre corps.
6. La construction du projet de vie
future
Avec la prise en charge d’un programme fonctionnel précis
pendant un an,
la prise en compte du projet de vie personnelle et
professionnelle souhaitée par le patient,
la prise de contact avec une association de patients ayant subi
la même épreuve, (ADEPA : association de défenses et d’études
des personnes amputées).
La prise en charge par une équipe médico-technique
expérimentée méritant la confiance du patient.
L’éventuelle (mise en échec) pour valider un état réel en cas de
déni excessif du handicap sur le plan fonctionnel (adaptation de
deux prothèses fémorales chez un amputé fémoral bilatéral
d’étiologie vasculaire).
7. Le stress selon l’étiologie de
l’amputation
Amputation traumatique immédiate : la douleur de
l’amputation n’est pas mémorisée en raison de la rapidité de
survenue de l’amputation (la jambe coupée d’un conducteur de
train qui avait passé la jambe par la portière de sa locomotrice,
la jambe a été arrachée par un caténaire ! Un bras sectionné
hors de la portière d’une voiture, un bras arraché lors d’un éclat
d’obus.
Dans ces situations il n’y a pas de stress pré amputation, pas de
mémorisation de la douleur. La gestion du stress portera
essentiellement sur l’acte de régularisation et de l’avenir
fonctionnel ainsi que du vécu personnel de l’amputation
pendant la période post amputation, sur le plan personnel,
médico-social et professionnel. Dans ces conditions la reprise
du travail à un poste adapté, dans les plus brefs délais, est
tout à fait souhaitable.
9. Le stress selon l’étiologie
amputation
Lorsqu’il s’agit d’une amputation programmée lors de l’annonce
d’une lésion tumorale maligne :
L’indication n’est pas discutable et la gestion de la fatalité avec
préparation rapide à l’acte d’amputation dans un contexte le
plus souvent peu douloureux mais nécessitant la prise en charge
du stress de modification du corps nécessite de construire
immédiatement un projet pour la période post amputation,
période s’étalant sur une durée de trois à 12 mois.à ce stress
physique se rajoute le stress du pronostic oncologique beaucoup
plus difficile à prendre en compte.
Dans cette situation le stress est bien contrôlé par une prise en
charge multidisciplinaire médicale et paramédicale avec un
temps d’hospitalisation le plus court possible. La gestion du
stress d’avenir à travers toutes les questions précises qui se
posent sur le vécu de la période post amputation et les réponses
appropriées pour la prise en charge de la douleur tant physique
que morales
11. Le stress de l’étiologie de
l’amputation
Lorsqu’il s’agit d’une amputation résultant d’une
affection chronique secondaire à un phénomène
infectieux tel qu’une ostéo-arthrite, une ostéomyélite
ou une affection métabolique comme l’artérite ou le
diabète.
Dans cette situation la souffrance et le stress de la maladie
causale est un facteur de mémorisation intense de la
douleur chronique antérieure à l’amputation.
Cette douleur mémorisée par un stress chronique est très
souvent à l’origine de douleurs de membre fantôme
persistant et invalidant si la prise en charge
thérapeutique ne prend pas en compte la douleur pré-
opératoire, per opératoire et post-opératoire (analgésie
spécifique réalisée par les médecins anesthésistes-
réanimateurs.)
13. Protocole de prise en charge du
stress après amputation
En phase pré-opératoire l’annonce de l’amputation doit être
clairement définie par le chirurgien qui confie le patient à un
médecin spécialiste en rééducation et réadaptation
fonctionnelle (MPR), formé à la maîtrise de l’appareillage
prothétique pour construire un véritable projet de rééducation
et de réadaptation socioprofessionnelle.
L’annonce de l’amputation par le chirurgien ne doit pas être
brutale ou compensée par une promesse excessive concernant
le résultat fonctionnel pour se déculpabiliser d’un acte le plus
souvent vécu par le chirurgien comme un échec de la médecine
ou de la chirurgie. Une attitude empathique est absolument
nécessaire dans ces situations pour diminuer le stress de
l’annonce de l’amputation.
14. Projet de réadaptation
fonctionnelle
Ce projet est le plus souvent effectué lors d’une consultation
préopératoire au cours de laquelle le médecin MPR confirmé
l’indication chirurgicale, engagé un dialogue médico-chirurgical
concernant le niveau d’amputation dans un but technique et
fonctionnel et une explication est donnée au patient concernant
le programme qui sera proposé pendant un an de suivi avec :
-une période postopératoire de deux semaines.
-Une période de préparation du moignon et de rééducation des
membres restants pour retrouver une autonomie immédiate.
-Une période d’appareillage provisoire la plus courte possible, avec
rééducation par kinésithérapie, ergothérapie, psychothérapie,
prise en charge technique par orthoprothésistes et contrôle
médical spécialisé.
16. Conclusions
Le projet technique d’adaptation de deux
prothèses définitives au cours de la première
année d’amputation, avec un retour le plus
rapidement possible à l’emploi antérieur , si
possible, est un facteur technique fondamental de
« Levée du stress pré et post amputation » lorsque
ce projet est correctement explicité au moment de
l’indication chirurgicale.
Je vous remercie de votre bienveillante attention.