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La 27e Région
                           > Retour sur le voyage d’étude
                             des 18, 19 et 20 octobre 2011




Imagina!
Jeunesse et innovation en Espagne
La 27e Région
> Retour sur le voyage d’étude
 des 18, 19 et 20 octobre 2011
La 27e Région poursuit son tour d’Europe de l’innovation sociale et publique. Après Londres
(2009), Malmö et Copenhague (2010), nous avions envie de retrouver la culture latine et d’ouvrir
grands nos radars au cœur de l’Espagne. Direction Madrid et Mérida, respectivement capitale du
pays et capitale de l’Estrémadure, région rurale proche de la frontière portugaise.


Baptisé «Imagina ! Jeunesse et innovation en Espagne», notre déplacement avait pour objectif de
permettre aux Régions présentes (Pays de la Loire, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Bretagne,
Limousin et l’Association des Régions de France) et aux autres participants d’étudier de plus
près quelques projets innovants menés vers la jeunesse - tout particulièrement la démarche très
inspirante entreprise par le cabinet régional «Iniciativa Joven» (initiative jeune) lancé en 2005.


Comment les institutions espagnoles tentent-elles de transformer leur rapport à la jeunesse ?
Quelles méthodes mettent-elles en œuvre concrètement, mais aussi, quelles sont les valeurs qui
sous-tendent leurs initiatives ? Quelles sont les méthodes les plus créatives aujourd’hui mises en
œuvre par les associations, les agences spécialisées et les collectivités locales ? Le déplacement
a permis de fournir des premières réponses très concrètes à ces questions, mais également de
mieux comprendre ce qui anime la jeunesse espagnole aujourd’hui, grâce à une rencontre pro-
voquée avec des représentants de mouvement du 15M ou «15 mai», le fameux mouvement des
«indignados» (les indignés).


Les visites ont également permis de découvrir des espaces et des lieux peu conventionnels, tel
Utopic_us à Madrid, l’agence Iniciativa Joven à Mérida ou encore les lieux créatifs conçus avec
les jeunes dans un quartier de Mérida, au sein du lycée de Badajoz ou encore de l›Université
d›Estrémadure.


Au travers de ce document, nous essayons de témoigner au mieux de ce que nous avons vu, mais
aussi de vous faire vivre les débats qui ont animé le groupe de participants, et les écueils ren-
contrés par les acteurs sur le chemin exigeant de l’innovation sociale et de la transformation des
politiques publiques... Un très grand merci à l’agence Iniciativa Joven. Un bien triste paradoxe
veut qu’après 7 fructueuses années d’exercice, la nouvelle majorité de la Région Estremadure
vient tout juste de décider de mettre fin aux activités de l’agence. Ce qui n’empêche nullement
Iniciativa Joven de rester une source d’inspiration inestimable pour tous les promoteurs de la
créativité et du changement en Europe. Nous souhaitons bon vent à toute l’équipe d’Iniciativa
Joven ! Merci aussi à tous les participants et à ceux qui nous ont ouvert leurs portes durant cette
édition 2011 particulièrement intense et inspirante.


Stéphane Vincent, pour l’équipe de la 27e Région.
01
Le voyage
en résumé
18
                               oct
                              MADRID




           20        19
            oct       oct
           BADAJOZ   MERIDA


LISBONNE
Cela faisait quelques temps déjà que la 27e Région souhaitait rendre
visite à ses homologues espagnols d’Iniciativa Joven. Est-ce la moro-
sité ambiante qui l’a poussée à aller chercher soleil et inspiration en
Espagne ? A-t-elle senti le vent tourner pour Iniciativa Joven au len-
demain des élections de mai (et l’urgence de les rencontrer) ? Est-
ce le parallèle tentant entre l’Estrémadure et son initiative pour les
jeunes et la Transfo en Champagne-Ardenne « Une Région pour les
jeunes » qui a fait basculer la décision de la 27e Région sur son choix
de voyage d’étude ? Un peu de tout ça sûrement… Et la voilà partie,
les 18, 19 et 20 octobre 2011, accompagnée d’une quinzaine de parti-
cipants - élus et agents régionaux, représentants de la société civile,
designers…- direction l’Espagne.
Au programme de ce voyage, co-conçu avec le Gabinete Iniciativa Joven, rencontres, visites et interventions au-
tour du thème de la jeunesse. Il fallait lire ces interventions à la lumière d’un contexte politique et économique
d’où émane l’indignation, contexte que nous avons notamment cherché à mieux comprendre en rencontrant
quatre de ces « indignés ».

Le voyage d’étude s’est organisé en deux temps. Un premier temps de rencontre à Madrid avec des acteurs
venus de différentes régions du pays et un second temps d’immersion sur les terres d’Iniciativa Joven en Estré-
madure.

18 octobre, Madrid
L’idée de cette journée était de présenter aux participants des initiatives et des méthodes d’intervention inspi-
rantes sur les questions de la jeunesse, de la citoyenneté, de la participation, dans des environnements urbains
(citilab) comme ruraux (Extremadura).

Pour organiser cette journée de présentations et d’échanges, nous avons été accueillis par Utopic_us, usine de
transformation créative située à deux pas de la Puerta del sol à Madrid. Ce tiers-lieu ouvert depuis peu est à
la fois un espace de co-working pour les professionnels de la création (designers, graphistes, artistes…) et un
lieu accueillant conférences, ateliers, évènements. Un cadre propice pour partager avec les divers intervenants
de la journée.

Des projets très différents se sont succédés, notamment dans leur façon d’aborder les thématiques et leurs
méthodes de travail.

Valoriser les talents
Nous avons entamé cette journée par une présentation de TEDx Youth Madrid, par Antonella Broglia, membre
de l’équipe organisatrice des conférences TEDx à Madrid. Depuis 25 ans aux Etats-Unis, la conférence TED
(Technology, Entertainment, Design) rassemble des esprits brillants dans leur domaine pour partager leurs
idées avec le monde. Dans cet esprit, des conférences sont organisées de façon indépendante au niveau local:
ce sont les conférences TEDx. Ce qui nous intéresse ici est la conférence TEDx dédiée spécialement aux jeunes
(TEDx Youth Madrid) et organisée à Madrid le 20 novembre pour la première fois. Cette intervention avait, en
effet, vocation a réinterroger les formats de valorisation des initiatives des jeunes, interventions que souhaitent
souvent mettre en place les acteurs publics. Le format TEDx est-il réappropriable ou pour le moins inspirant ?
Antonella a donné les clés de la mise en place de ce type d’événement. Ce type de show très marqué par la
culture américaine a pu en séduire certains, en agacer d’autres par son esprit élitiste. Retenons qu’il permet
de sortir des formats classiques de forum, qu’il renvoie à la culture libre (les vidéos des interventions sont par-
tagées en ligne) et que ses codes parlent certainement aux plus jeunes.

Encourager la participation…
Voilà le point commun des trois présentations suivantes. Participation démocratique, dans un premier temps,
avec le projet Magik Politik présenté par Asier Perez de Funky Projects, une des rares agences de design de
services espagnoles. Réalisé en 2010 pour Innobasque et EUDEL dans la localité de Mungia (Pays Basque),
ce projet, développé avec et pour les jeunes, vise à changer les relations entre la mairie et les habitants, et en
particulier les jeunes. L’idée est de les intéresser et de les impliquer davantage dans la vie citoyenne et politique
de leur ville. La présentation d’Asier a cela d’intéressant qu’elle remet en question la relation commanditaire/
opérateur dans ce type de démarche (y a t-il instrumentalisation ?) et interroge de façon globale la relation à
l’acteur public. Les articles d’Hubert Guillaud ci-après reviennent sur cette intervention.

Arrivée de Barcelone le matin, Laïa Sanchez est venue nous présenter sa structure Citilab et le projet qu’elle
dirige : le Social Media Lab. L’hypothèse de départ de ce projet est que le citoyen, via l’utilisation des nouveaux
médias sociaux, passe d’un rôle passif à un rôle créatif et peut dès lors devenir un acteur clé de l’innovation
sociale. Si au départ ce lab n’a pas pour public cible les jeunes, il se trouve que ces derniers sont très réceptifs
et s’approprient aisément ces nouveaux outils. Le Social Media Lab a mis en place plusieurs expérimentations
dans la banlieue de Barcelone avec les jeunes afin de les rendre acteurs de la société et de faire en sorte qu’ils
partagent leur point de vue sur celle-ci. Laia Sanchez nous a présenté quelques unes de ces initiatives autour
du sport, de la musique et des nouveaux médias citoyens.

Dernière présentation de cette riche matinée, David Pérez du collectif d’architectes madrilènes PKMN (pac-
man) nous a présenté leur projet Ciudad crea Ciudad qui réinterroge le rôle des citoyens dans la construction
de la ville et notamment de son identité. Moins axé jeunesse et faisant davantage écho à la Transfo que la 27e
Région met en place en Région Bourgogne sur les villages du futur, David a présenté plus en détail le projet
Extremadu[RA] développé à Benquerencia sur la ruralité et les TIC ou comment reconnecter des citoyens à
travers la réalité augmentée.

S’indigner
Nous ne pouvions organiser un voyage d’étude en Espagne sur le thème de la jeunesse sans chercher à com-
prendre ce mouvement qui bouscule l’Espagne depuis le 15 mai dernier, les « indignés ». Difficile, par ailleurs,
de faire venir des « représentants » de ce mouvement, aucun de ses participants ne souhaitant mettre en avant
sa parole plus que celle du collectif. Nous avons finalement réussi à faire venir quatre personnes impliquées
dans cette aventure : Raimond Garcia, Oscar Rivas coauteur de Nous les indignés, Marga Padilla et Stéphane
Grueso, journaliste et vidéaste. Cette discussion nous a permis de comprendre un peu mieux ce mouvement,
de constater qu’il n’avait pas de frontière d’âge, de sexe ou de situation sociale et qu’il condamnait avant tout
ce système politique dans lequel plus personne ne croit. Nous avons pu, le temps d’une discussion, partager
une expérience.

19 et 20 octobre, Merida, Badajoz
Nous avons passé deux journées en immersion chez Iniciativa Joven à Mérida en Estrémadure pour tenter
de mieux comprendre ses fondements, son organisation, ses projets depuis le terrain. Interventions, ateliers,
visites, rencontres… partagées et détaillées plus loin dans les articles d’Hubert Guillaud.
18
 oct
MADRID
LAIA SANCHEZ | Social Media Lab

Le Citilab c’est quoi ? Le Citilab est un centre de recherche, un espace pour mener des projets,
qui doit répondre à deux objectifs : développer l’innovation et surtout développer une innova-
tion qui soit menée avec les usagers. Dans notre cas, ces usagers sont des citadins. Sous des
formes très différentes, nous développons donc de nouveaux produits, de nouveaux services.
Nous tentons d’initier des changements qui puissent être portés par un réseau d’entreprises,
par l’administration, par l’université, par ces différents types d’acteurs, mais toujours avec la
participation des habitants.

Comment nous y prenons-nous ? Au Social Media Lab les projets d’innovation sont conçus avec
les nouveaux médias, des nouveaux médias que les habitants s’approprient. Notre stratégie
s’inscrit dans la continuité du design thinking ou de démarches utilisant le design pour implé-
menter les projets en réalisant des prototypes de services avec les habitants.

Ce sont des projets menés avec une démarche de co-création. On fait en sorte que l’usager,
le citadin, celui à qui s’adresse le service, soit impliqué dès le début du projet. Il y a plusieurs
degrés de participation, et pour obtenir l’implication des usagers nous avons besoin que la
motivation soit très forte. Le seul moyen d’obtenir une motivation importante est que l’intérêt
de l’usager pour le projet puisse être entretenu dans un environnement créatif. Il s’agit de voir
la participation comme un dialogue à valoriser : de la simple intervention dans une discussion,
du simple commentaire, à la co-création du projet, qui est le degré maximum d’implication que
l’on puisse attendre de l’usager.

Innover signifie changer les choses car ça implique une critique radicale. Bien que cette cri-
tique radicale soit parfois «destructive», bien qu’elle amène à rompre des choses, elle peut être
constructive dans un process de co-création.

Ce n’est plus le modèle Do It Yourself, c’est le modèle du Do It With Others. Nous devons mener
ces projets, ces changements dans un process d’innovation ouvert, ce qui implique d’inviter dif-
férents types d’acteurs, de différentes provenances, aux compétences différentes, pour déve-
lopper les projets ensemble, et tenter de voir ce que chacun peut apporter à son niveau.

Notre rôle est de veiller et accompagner ce process de médiation. Ensuite nous faisons en sorte
que cette expérience ne soit pas seulement un «pilote», qu’elle n’ait pas lieu qu’en notre pré-
sence, ce qui peut arriver et que nous avons déjà observé dans certains projets. Au contraire,
nous devons composer avec les contraintes de chaque acteur impliqué (l’administration, l’uni-
versité, l’entreprise, la société civile) pour que ces changements perdurent dans le temps,
qu’ils se transmettent. Pour que ces changements soient adoptés et se réalisent. Il faut donc
travailler à l’échelle locale d’une part, mais il faut également travailler avec ces grandes struc-
tures pour que le transfert soit possible, et que ces changements, ces innovations, puissent
réellement toucher l’ensemble du réseau.
ASIER PEREZ | Funky Project

Je suis Asier Perez, directeur de Funky Project.
Nous sommes une agence basée à Bilbao faisant du design de service

Nous avons beaucoup travaillé avec l’administration publique : entre autres nous avons réalisé
le projet Magic Politik pour l’agence d’innovation du Pays basque espagnol.

«Magic Politik»
On a mis en place un système pour encourager la participation au dialogue avec la mairie. On
a fait une recherche pour comprendre comment approcher les jeunes, qu’est-ce qu’un jeune,
etc. À partir de là, on a mis en place un processus pour arriver à avoir cette rencontre entre les
élus, les jeunes travaillant à la mairie et les jeunes.

Comment faire du design paraît simple mais c’est très compliqué de réaliser un projet dans un
contexte réel. Les gens de la mairie ont souvent peur de parler ouvertement avec les jeunes
de la ville.

Pour moi l’échec était le suivant : on ne doit pas commencer un process de participation si on
sait que l’on ne mettra pas en place ce qui sortira du débat participatif. On est tombé sur ce
problème à plusieurs reprises dans le projet. Ça rejoint une partie du débat que nous avons
eu qui est très intéressante : la relation client-prestataire avec un acteur public n’est pas la
meilleure pour développer un projet de valeur.
DAVID PEREZ GARCIA | PKMN

PKMN est un collectif d’architectes. Actuellement, nous sommes quatre dans le collectif, mais
depuis cinq ans la proportion est variable : nous avons été jusque onze personnes sur certains
projets.

Nous avons tous fait nos études à l’école d’architecture de Madrid. Nous avons commencé à
travailler de manière spontanée au sein de l’université qui favorise le travail collectif.

De là, on a commencé par des petits projets, et progressivement le collectif s’est consolidé
jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui.

CIUDAD CREA CIUDAD est une démarche de travail incluant des projets très différents. Ce
qui les rassemble, ou qui semble les rassembler, est cette tentative de développer des outils
pour impliquer les habitants dans la construction active de leur ville, au travers d’actions ou de
micro-projets.

Souvent ces outils impliquent un travail sur l’identité individuelle des participants, même si
nous tentons depuis de développer des outils à l’échelle de la communauté. Il s’agit d’implé-
menter ces projets dans les collectivités.

L’autre point important, c’est le travail d’architecte dans l’espace public pour organiser des
interventions dans la ville ; ce qui implique souvent la modification éphémère et spontanée de
messages urbains.
19
 oct
MERIDA
FEDERICO CAMPOS | Iniciativa Joven

Le Gabinete est une organisation publique qui s’attache principalement à essayer de transfor-
mer la société en favorisant un modèle de développement basé sur les personnes, ce qui est
fondamental à nos yeux.

Nous pensons pouvoir aider les gens à être mieux «outillés» et plus actifs au travers d’une
implication «entrepreneuriale» : pas uniquement un «entrepreneuriat» d’entreprise mais éga-
lement un «entrepreneuriat» social, associatif, culturel, sportif.

Nous tentons de changer la société en formant les personnes et en les « rendant capables»
d’être les protagonistes de ce changement.

> Peux-tu évoquer votre rôle auprès des écoles ?

Dans le pari ambitieux de transformation que mène le Gabinete, une partie de l’activité est
centrée sur le système éducatif.

Le système éducatif est la première étape où les gens commencent à se former et se transfor-
mer. Nous menons donc différents projets pour favoriser «l’entrepreneuriat» tout au long du
système éducatif.

De la primaire ; avec des enfants de 7-8 ans ; puis au collège avec un cours spécifique ; au lycée
et au lycée professionnel, avec un concours de création d’entreprise ; et enfin à l’université, où
nous menons des programmes centrés sur la création de projet d’entreprise.
20
 oct
BADAJOZ
02
   Le regard
d’Internet Actu
Nous avons la chance chaque année d’être accom-

pagnés par Hubert Guillaud, rédacteur en chef de In-

ternet Actu, média de la Fing autour des technologies

de l’information et de leurs usages. Sa présence nous

assure un retour extérieur et critique sur les sujets

abordés pendant ces voyages : innovation publique,

innovation sociale, design de services, créativité, co-

conception…

A l’issu de ces 3 jours en Espagne, Hubert a publié

trois articles sur Internet Actu que nous reprenons ici.
VOYAGE DANS L’INNOVATION SOCIALE ESPAGNOLE



Des modèles économiques
à la question économique
Pour son troisième voyage d’études annuel (voir le compte rendu du premier en Angleterre
et du second en Scandinavie), la 27e Région nous a emmenés découvrir l’innovation sociale
ibérique, autour du thème de la jeunesse, nouvel axe de travail de la 27e Région. Quelles
relations inventer avec les jeunes et/ou les structures qui travaillent avec eux ? Comment
encourager leurs projets, répondre à leurs besoins, trouver de nouvelles façons de les ac-
compagner ?…


Nous étions restés, lors du précédent voyage, sur           breuses déclinaisons locales (Save our services à
une question relative à l’articulation de deux mo-          Lambeth, Leeds against the Cuts…) ou internatio-
dèles politiques de participation des citoyens fina-        nales. Des manifestations qui utilisent fortement
lement relativement différents : celui de l’innovation      les méthodes créatives et les réseaux sociaux pour
sociale (définition) et celui de l’action politique, sans   communiquer, faciliter et organiser la mobilisation.
être sûr de pouvoir les faire se rejoindre.                 Pourrions-nous trouver un peu d’espoir chez notre
                                                            voisin espagnol ? Pas si sûr. La crise économique
Les précédents voyages ont illustré pourtant com-           et la défiance politique des citoyens envers leurs
ment l’innovation politique et citoyenne cherchaient        élus (liés à de nombreuses affaires de corruption
à se relier, via des projets et des méthodes qui            qui gangrènent la démocratie espagnole, comme
avaient pour but de transformer l’action publique.          le rappelait déjà Arte en 2009) a plutôt tendance à
Mais la crise est passée par là. En Grande-Bre-             prolonger et amplifier les à-coups budgétaires bri-
tagne, les coupes budgétaires massives dans les             tanniques qu’autre chose. Les promesses de l’inno-
services publics britanniques mettent en difficultés        vation sociale pour nous sortir de la crise n’ont pas
certaines agences d’innovations (ces consultants de         été couronnées de succès, tant s’en faut.
la transformation méthodologique et sociale). Celles
qui demeurent doivent faire moins de projets avec           Politiques de transformation
moins d’argent. Comme nous le confie l’anthropo-
                                                            participatives : Où sont les réus-
logue et vidéaste Ivo Gormley, consultant chez Think
Public, “les coupes budgétaires sont un test pour           sites ?
l’innovation sociale, qui n’est plus un plus à avoir,
mais s’avère maintenant nécessaire”.                        Asier Perez est à la tête d’une agence de design
                                                            établie à Bilbao et Madrid qui s’est lancée dans le
Reste que la Big Society de David Cameron en s’ins-         design de services ces dernières années, en suivant
pirant de l’innovation sociale souhaitait développer        les principes établis par ses pairs (processus d’ob-
la participation des Anglais aux services publics           servation ethnographique des usagers, ateliers de
pour améliorer l’efficacité de ceux-ci. La brutalité et     cocréations, développement de prototypes concep-
la force des coupes budgétaires a réduit le projet à        tuels…). Mais après avoir lancé quelques projets,
sa pire expression : le simple démantèlement des            aujourd’hui, l’agence Funky Projects n’a plus aucun
services publics. Un démantèlement qui provoque             projet avec les services publics : et pour cause, tous
d’ailleurs une réaction assez vive des Britanniques,        les financements publics ont disparu, nous confie
souligne Basta!, notamment via le collectif citoyen         Asier, à l’écho de ce que nous répèterons bien
UK Uncut et la Coalition de résistance et leurs nom-        d’autres.
Asier se demande si en fait, il n’a pas été instru-
                                                            mentalisé (sans succès), juste parce que son agence
                                                            était “cool”. Finalement, conclut-il, peut-être qu’une
                                                            part de l’échec de ce projet est lié au fait qu’on ne
                                                            sait finalement pas très bien comment fonctionne
                                                            une mairie. Le besoin exprimé par l’institution est
                                                            certainement mal formulé.


                                                            Cet échec n’est finalement pas le seul. De nombreux
                                                            projets d’innovation sociale dans le champ de la par-
                                                            ticipation ont du mal à dépasser les prototypes. Ils
S’inspirant de la réussite de Chris Hugues, cofon-          peinent à se transformer, à devenir des instances
dateur de Facebook et organisateur de la campagne           et des formes de participations. Ils demeurent des
d’Obama My.BarackObama.com en 2008, et cher-                microprojets, certes souvent stimulants, mais dont
chant à lever la désaffection des plus jeunes envers        les effets demeurent trop limités pour avoir un im-
la politique, en 2010, l’agence d’innovation du Pays        pact. Les nombreux projets britanniques ou scan-
Basque lui a passé commande d’un système pour               dinaves dont nous avons pu parler sont un peu du
faire participer les jeunes à la vie politique munici-      même acabit. On a l’impression bien souvent d’une
pale. Restait à comprendre pourquoi les jeunes de-          intervention et puis s’en va.
vaient participer ? Quel dialogue instaurer ?

                                                            Modèles économiques :
En se référant aux 9 principes de l’engagement déli-
bératif public, émis par Involve, l’un des cabinets de      l’innovation sociale en ses limites
design britannique spécialiste de l’engagement ci-
toyen, Asier Perez souligne les limites de l’exercice.      La raison est peut-être à chercher dans le modèle
Bien souvent, les processus d’implications des gens         économique même de l’intervention sociale. Comme
visent plus à faire de la communication qu’à écouter        nous le confiait Asier Perez, son agence a pris le pro-
vraiment les gens. Quelle place reste-t-il aux gens         jet tel qu’il était spécifié par le cahier des charges.
pour influer sur la décision ? Qui initie les initiatives   “On a toujours une relation faible avec le client, car
de crowdsourcing et dans quel but ? Les services ?          elle est économique”, se désole le consultant. Com-
Les citoyens ? Dans quel but ?…                             ment remettre en cause un cahier des charges pro-
                                                            posé par le commanditaire parce qu’il est mal fichu,
L’agence d’Asier Perez a créé un premier prototype          mal pensé, mal organisé ? La prestation est-elle
constitué d’un formulaire d’enquête que les jeunes          compatible avec l’innovation par le design ? On voit
devaient faire tourner entre eux pour comprendre            bien qu’il faudrait être partenaire de la collectivité
ce qui les démotivait, de kits et d’espaces de jeux         plutôt que prestataire, ou que la question de l’inno-
pour animer les ateliers (voir les livrables sur le         vation soit intégrée au dispositif même d’interven-
site Magik Politik). Les ateliers ont montré la dif-        tion des services publics comme le propose le labo-
ficulté qu’avaient les élus à discuter sans prendre         ratoire du Silk, le laboratoire d’innovation du comté
leur casquette d’élus. Le retour des jeunes s’est           de Kent, le MindLab du ministère danois de l’éco-
avéré assez banal finalement : pour eux, les élus           nomie ou, à leur mesure, la 27eRégion ou l’Inicia-
ne prêtent pas attention à leurs propositions. Asier        tiva Joven du gouvernement d’Estrémadure. Quand
Perez évoque cette expérience avec amertume. Son            l’innovation sociale n’est qu’une prestation de ser-
commanditaire avait peur de ces discussions avec            vice de consultants, force est de constater qu’elle
les plus jeunes… la municipalité a préféré mettre           conduit plus souvent à l’échec.
de côté beaucoup des idées avancées par l’agence
(comme celle de vouloir construire des métriques            Changer les termes économiques de la relation
pour mesurer la distance entre citoyens et élus).           semble primordial. Mais cela nécessite de trouver
des modèles économiques plus hybrides, construire           Des modèles à la question
un terrain neutre permettant de chercher et d’ap-
                                                            économique : “Nous ne sommes
porter des financements multiples. De proposer
plutôt que de répondre à des commandes. Dans               pas contre le système, c’est
le design classique, il n’est pas rare que le maître        le système qui est contre nous”
d’oeuvre retenu soit celui qui ait le mieux réinter-
rogé la question posée. Le prestataire doit souvent         En Espagne, la crise économique est bien là. Tous
remettre en question la commande qui lui est faite,         les acteurs nous font le même récit de la disparition
car le plus souvent la réponse à la question dépend         des financements publics. Le Social Media Lab du
plus des paramètres du problème que de sa solu-             CitiLab de Barcelone se tourne désormais unique-
tion. Comme le soulignait récemment Adil Abrar,             ment vers les financements privés. Même l’Inicia-
la question du modèle économique de l’innovation            tiva Joven, l’agence régionale dédiée à l’innovation
sociale explique en grande partie son relatif échec,        sociale créée par le gouvernement autonome d’Es-
son absence de passage à l’échelle. Tant qu’elle            trémadure, ne sait pas quel sera son avenir à trois
sera cantonnée à des microcommandes, à des                  mois.
prestations spécifiques, elle ne pourra certainement        Dans ce contexte de crise économique, il était im-
pas engendrer de transformation à grande échelle,           portant d’entendre ceux qui, depuis le 15 mai 2011,
comme elle en fait la promesse.                             s’opposent au système sur la place Puerta del Sol à
Comme le disait Asier, ce n’est pas le design du            Madrid : les Indignés ! Quatre d’entre eux sont venus
projet qui est difficile, c’est son “espace réel”, c’est-   à notre rencontre dans les locaux d’Utopic_Us, un
à-dire sa mise en oeuvre, sa pérennité… Le risque           espace de coworking madrilène : Raimond Garcia,
est sinon d’avoir toujours une dissonance entre le          Oscar Rivas coauteur de Nous les indignés, Marga
commanditaire et le maître d’oeuvre, sans savoir            Padilla et Stéphane Grueso, journaliste et vidéaste
toujours lequel des deux préside à la sauvegarde de         auteur de Copyright ou le droit de copier, qui depuis
l’intérêt général, dont ils se revendiquent.                plusieurs mois raconte sur son blog ce qu’il se passe
Ce qui semble certain, c’est que pour obtenir des           sur la place de la Puerta del Sol à Madrid.
changements de comportements, il est nécessaire
d’engager les gens sur le long terme, ce qui est par-
fois peu compatible avec des budgets épisodiques.
L’avenir de l’innovation sociale ne se joue pas uni-
quement sur les méthodes, mais également sur les
modèles économiques. Les méthodes innovantes, le
design, les prototypes peuvent produire les mêmes
échecs que les méthodes traditionnelles. Avec un
risque de surenchère dans les méthodes : chaque
agence produit ses jeux et ses kits, ses prototypes,
bénéficiant finalement assez peu des enseigne-
ments précédents.
Ce qui est sûr, c’est que le modèle du conseil, de
la prestation, de l’appel d’offres peine à créer de         Le mouvement du 15 mai (Wikipédia) est né suite
la stabilité, des programmes sur le long terme, de          à un appel à manifester dans 58 villes espagnoles
l’identification des acteurs… et au final, peine à ins-     lancé par l’organisation citoyenne ¡Democracia Real
taurer un cadre de confiance suffisant. Alors même          Ya!, pour réclamer un changement dans la politique
“qu’il faudrait pouvoir aller là où les gens ne vous        espagnole, gangrénée par la corruption locale. Ceux
attendent pas. Alors même qu’il faudrait faire des          qui se rassemblent ont en commun un désaveu en-
expérimentations sur le développement durable là            vers la classe politique, le bipartisme espagnol et la
où il n’y a pas les moyens d’en faire.”                     corruption. Suite à cette journée, des manifestants
                                                            décident de rester sur place et, à Madrid, s’ins-
tallent à la Puerta del Sol. Soutenus par les réseaux     ceux qui fassent les lois les respectent. “Nous ne
sociaux, les citoyens s’auto-organisent et assurent       sommes pas contre le système, c’est le système qui
la logistique pour la petite ville en train de naître à   est contre nous” Le système nous appauvrit, nous
la Puerta del Sol. Comme nous le confie Raimond           fait souffrir psychologiquement et physiquement,
Garcia : “Je ne savais pas quoi faire pour aider. J’ai    explique encore Marga Padilla. “Le mouvement du
nettoyé la place avec un balai, alors que je ne nettoie   15M n’est contre rien. Il souhaite juste un système
jamais chez moi !”                                        qui fonctionne pour les personnes plutôt que contre
“Longtemps, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de recettes    elles.”
pour changer les choses”, explique Marga Padilla.         Et les Indignés de souligner que les politiciens es-
“Les faits m’ont montré que j’avais tort”. Le mou-        pagnols n’ont fait aucun effort pour les comprendre
vement des Indignés est né d’un grand éventail de         et dialoguer avec eux, alors que les Indignés le font
revendications dont il faut aller chercher l’origine      quotidiennement sur l’internet, entre eux. Les mé-
dans le soutien espagnol à la guerre en Irak et les       dias espagnols n’ont évoqué le mouvement seule-
attentats du 11 mars 2004, estime celle qui a tenté       ment une fois que le New York Times en a parlé.
d’en dresser la carte. “La politique détruit la vie et    “Le fait que notre réaction soit émotionnelle est
la vie a besoin de créer une politique capable de         très important pour ce mouvement”, explique Oscar
changer la vie entière”. Les causes, il faut d’abord      Rivas. “Jusqu’au mouvement du 15M, beaucoup de
les trouver dans la situation économique et sociale       réponses sociales s’appuyaient sur la conscience
que traverse le pays, explique-t-elle. Les motifs de      et l’idéologie. Mais aucune n’a été efficace pour ré-
la protestation sont à chercher chez les 5 millions       soudre les catastrophes éthiques, planétaires, éco-
de chômeurs espagnols, dans une situation immo-          logiques et économiques auxquelles nous sommes
bilière qui rend le logement impossible.                  confrontés. Le mouvement du 15M peut-être vu
Les Indignés n’ont pas de revendications : ils veulent    comme une dépolitisation de ce que nous sommes
des changements. Nous ne sommes pas au XVIIIe             vraiment. Car nous sommes aussi et avant tout des
siècle, nous n’avons pas de doléances précises à          personnes, avant que d’être des idées ou un raison-
présenter, expliquent-ils. “Quand un bébé a mal           nement. Nous sommes les 99 %. Nous ne sommes
et qu’il ne parle pas, il faut comprendre de quoi il      pas des idées, sur les idées nous serions forcément
souffre. Nos élus doivent faire pareil. Le peuple a       tous en désaccords. Nous sommes l’expression
mal et pleure.” Le problème du logement en Es-            d’une émotion et notre lien émotionnel a acquis une
pagne, la corruption politique ou le chômage sont        dimension transformatrice très importante.”
complexes et ne peuvent pas être résolus d’un coup
de baguette magique. Pour autant “on a le droit
d’exiger un changement sans avoir de solutions”,
clament les Indignés.
A la Puerta del Sol, les citoyens ont cherché à for-
muler un consensus à minima comme point de
départ de leurs revendications. Parmi celles-ci, on
trouve une demande de révision de la loi électorale
qui favorise la représentation des grands partis
au détriment des petits, ainsi qu’une demande de
séparation des pouvoirs judiciaire et politique, qui
n’est pas actée en Espagne. “Etre indigné, c’est une
revendication globale contre les problèmes sociaux
dont nous souffrons tous. Le système capitaliste est
au-dessus des personnes. Or, nous n’arrivons plus
à vivre dans ce système en Europe.” Les Indignés
Espagnols réclament une démocratie plus parti-
cipative, plus de transparence politique afin que
VOYAGE DANS L’INNOVATION SOCIALE ESPAGNOLE



Stimuler et accompagner
l’esprit d’initiative
Le coeur du voyage organisé par la 27e Région en Espagne nous a emmenés à Merida (56
000 habitants, Wikipédia), ancienne colonie romaine située au coeur de l’Estrémadure, l’une
des régions les plus rurales d’Espagne (1 million d’habitants dont 35 % de jeunes). L’objet
de notre visite était d’aller découvrir l’Iniciativa Joven (l’initiative jeune), une agence régio-
nale dédiée à l’innovation sociale créée par le gouvernement autonome d’Estrémadure et qui
depuis 7 ans poursuit un travail de terrain pour soutenir et accompagner l’esprit d’entreprise
auprès de la jeunesse d’Estrémadure.


Iniciativa Joven : stimuler l’initiative                   “Nous avons une manière de travailler très horizon-
                                                           tale, nous vivons et croyons en nos méthodologies
A l’origine, explique Annabelle Favreau, chargée des       pour les appliquer tous les jours. Nous ne pouvons
relations internationales d’Iniciativa Joven, la mission   pas promouvoir un nouveau modèle d’entreprena-
du “Cabinet pour l’initiative jeune” était de développer   riat, nous ne pouvons pas demander à d’autres de
l’esprit d’entreprise et l’esprit d’imagination, comme     prendre des risques, sans en prendre nous-mêmes,
l’expliquait sa déclaration d’intention fondatrice,        sans être créatifs. Nous devons donner l’exemple.”
le Manifeste de la société de l’imagination. Depuis
2004, l’agence offre donc un soutien technique et un
accompagnement à l’innovation, plus particulière-
ment auprès des jeunes entrepreneurs entre 18 et 35
ans. L’agence dispose d’un budget total de 4 millions
d’euros dont la moitié sert au soutien des projets et
l’autre à ses missions et à l’emploi de 25 personnes.




                                                           Ici, on développe et accompagne l’entreprena-
                                                           riat créatif, via de la formation, du réseautage, un
                                                           accompagnement personnalisé, une aide à la re-
                                                           cherche de financement et des actions de promo-
                                                           tion autour des projets et de l’esprit d’entreprendre.
                                                           Les méthodes créatives, le design, sont donc au
Les locaux d’Iniciativa Joven sont le reflet de l’es-      coeur de l’action de l’agence régionale.
prit qui souffle sur ce service du Conseil régional
: culte de la marque et des couleurs vives, multi-         En Espagne, les compétences en matière d’édu-
tudes de petits espaces de créativité, open space…         cation sont toutes déléguées aux Régions. C’est
                                                           ainsi que l’Estrémadure a inscrit l’enseignement de
l’esprit d’entreprise créatif dans les programmes         Redonner l’initiative… aux lycéens
scolaires, de la maternelle à l’université. L’agence
a conçu les contenus des programmes scolaires
                                                          Luis Miguél Alvarez est professeur d’économie au
avec des professeurs. Pour les élèves de l’école
                                                          Collège Virgen de Guadalupe à Badajoz (150 000
primaire, le programme Imaginar para emprender
                                                          habitants). C’est un collège privé, qui accueille des
(Imaginer pour entreprendre) se résume en un jeu
                                                          enfants de la maternelle jusqu’au lycée profes-
de cartes qui permet en quelques heures de lister
                                                          sionnel, implanté dans un quartier très populaire.
les compétences nécessaires à la prise d’initiative.
                                                          Depuis 6 ans, le collège est partenaire des pro-
Les élèves du secondaire sont quant à eux invités à
                                                          grammes de l’Iniciativa Joven, auprès des élèves
imaginer et défendre un projet, via un guide d’exer-
                                                          de secondaires et des lycéens. A ce titre, le collège
cices remis à chaque enfant. Au lycée, le cours à la
                                                          donne des cours optionnels sur l’entrepreneuriat
forme d’un concours régional Imagina tu empresa
                                                          et participe notamment aux concours “Imagine
(Imagine ton entreprise) auquel participe chaque
                                                          ton entreprise”. Luis est particulièrement fier que
année un millier de lycéens.
                                                          plusieurs de ses élèves aient reçu plusieurs fois le
                                                          premier prix à ce concours. Il y a 3 ans, un de ses
Plus que “l’esprit d’entreprise”, il faut bien voir que
                                                          élèves a ainsi imaginé un service de transport pour
les objectifs de l’agence auprès des plus jeunes
                                                          les jeunes baptisé Pilicall, qui se propose de venir
sont plus modestes. Il faudrait plutôt évoquer le
                                                          chercher les gens qui ont trop bu après une soirée.
développement de l’esprit d’initiative auprès de po-
                                                          Pour bénéficier du service, les gens doivent laisser
pulations qui n’ont pas l’habitude d’en prendre. Le
                                                          une caution de 30 euros qu’ils peuvent récupérer
but n’est pas de transformer tout jeune en entre-
                                                          en participant au service, ou perdre au bénéfice de
preneur, mais bien de leur montrer qu’ils peuvent
                                                          l’association. L’élève qui a lancé cette idée était l’un
être maîtres de leurs vies et qu’ils peuvent porter
                                                          des pires étudiants du collège, raconte Luis Miguél
et défendre leurs idées pour en faire un projet, qu’il
                                                          Alvarez, mais il s’est avéré le plus entrepreneur de
soit associatif, culturel ou évènementiel…
                                                          tous. Pour Luis, la démonstration est claire : cette
                                                          formation concrète permet de stimuler et dévelop-
L’Iniciativa Joven a pour but de faire changer les
                                                          per des compétences que l’école ne sait pas mettre
mentalités par rapport à l’entrepreneuriat dans une
                                                          en valeur. L’entreprenariat doit être un élément
région où celui-ci est assez inexistant. Ce qui sti-
                                                          fondamental de la formation des jeunes. Ici, non
mule la participation de plus en plus active de pro-
                                                          seulement la région et le quartier sont défavorisés,
fesseurs, c’est qu’ils pensent que cela permet de
                                                          mais nul n’inculque aux élèves l’esprit d’initiative.
développer chez certains élèves, d’autres capacités
que celles qu’inculque et évalue l’école, notam-
                                                          Ici, chaque année, les élèves de 3e présentent 20 à
ment auprès d’élèves qui ont parfois du mal avec
                                                          30 projets au concours. Un autre élève, qui n’était
le cursus scolaire normal. “L’objectif de ce pro-
                                                          pas non plus très brillant, a émis l’idée de dévelop-
gramme est de montrer que les gens peuvent choi-
                                                          per des signaux routiers configurables. Il a reçu un
sir, peuvent décider d’être acteur, de s’organiser.”
Le but n’est pas de développer l’esprit de compéti-
tion ou l’individualisme, au contraire. Le projet pro-
meut l’esprit d’équipe notamment en demandant
aux lycéens de travailler en petits groupes de trois
pour proposer un projet. Le travail avec les enfants
se concentre aussi sur l’identification de besoins,
de manques, pour les amener à réagir à leur envi-
ronnement.
prix au concours Imagine ton entreprise pour déve-       universitaire à tout étudiant en faisant la demande.
lopper son projet, se former. Beaucoup de projets        Il s’agit à la fois d’un espace et d’une formation pra-
ont un ancrage social dans les réalités quotidiennes     tique pour les accompagner à faire de leur idée une
des élèves, souligne le professeur. Trois filles ont     entreprise.
créée une association pour l’accueil de jeunes tri-
somiques hébergés en foyers dans les familles du         Dans cette région essentiellement agricole où 75 %
quartier, pour les sortir le week-end des centres        de la population vit en dessous du seuil de pau-
où ils passent l’essentiel de leur vie et leur faire     vreté européen, les jeunes d’Estrémadure sont peu
découvrir d’autres façons de vivre en société, tant      ouverts à la culture économique. Le lieu dispense
pour les jeunes trisomiques que pour les familles        des formations très courtes (appelées “pilules for-
d’accueil.                                               matives” pour “guérir là où on a mal”) de marketing
Toute l’année, les élèves planchent sur leurs pro-       ou d’expression. A Caceres, 25 étudiants sur 25 000
jets. Ils doivent formuler leurs idées, en com-          élèves sont venus suivre un module cette année. Un
prendre et en faire comprendre les bénéfices. Ils        résultat qui demeure un peu décevant. Il y a 3000
travaillent avec leurs professeurs, mais aussi avec      étudiants en économie dans cette université, se dé-
des gens de l’Iniciativa Joven et des professionnels     sole une prof de marketing, mais il y a une barrière
qui viennent des agences municipales ou de la vie        d’usage à venir franchir la porte de cet espace pour-
civile. “Trouver un modèle de financement pour           tant placé juste à côté de la cafeteria. “On voudrait
leur idée est un très bon moyen de leur faire com-       impliquer plus de monde bien sûr, mais il est diffi-
prendre l’économie concrètement”, estime le pro-         cile de faire changer les comportements”. L’univer-
fesseur d’économie. Le fonctionnement en projet          sité dispose aussi de services d’aides à la création
permet de dynamiser les groupes. Le but n’est pas        d’entreprise plus traditionnelle, mais visiblement,
qu’ils créent concrètement une entreprise, même          les services ne travaillent pas ensemble. “On ap-
si certains vont jusque-là, mais surtout qu’ils com-     prend aux étudiants à être professeurs, ingénieurs,
prennent qu’ils ont tous un potentiel dont ils doivent   médecins, mais pas à entreprendre”, explique l’un
prendre conscience. C’est un travail sur l’estime de     des animateurs du lieu…
soi avant toute chose, et dans le milieu où ils vivent
(ici, 50 % des élèves ne terminent pas l’enseigne-       La formation dispensée ici est devenue une forma-
ment secondaire), ce n’est finalement pas anecdo-        tion validée universitairement et l’équipe souhaite-
tique.                                                   rait ouvrir un master pour l’année prochaine.


… aux étudiants…                                         … aux jeunes !

Sur les campus de Caceres et Badajoz, l’iniciativa       L’institut de la jeunesse de l’Estrémadure a construit
Joven a ouvert deux espaces depuis 2005 dédié à la       4 “usines à jeunes” (littéralement “factorias joven”)
promotion de l’entrepreneuriat. EmprendeLab est          en Estrémadure et une trentaine d’espaces de créa-
un programme proposé en complément du cursus             tion jeune (dont un mobile), versions rénovées des
MJC d’antan. Ces espaces, comme celui, modèle               “Les entrepreneurs sont des gens qui ont déjà des
de Merida (vidéo) ont associés les jeunes à leur            idées et qui souvent savent clairement ce qu’ils vont
conception.                                                 faire, mais ils ont souvent besoin de réponses immé-
                                                            diates à des doutes ou des questions. A Iniciativa Jo-
                                                            ven, on s’intéresse à la personne avant le projet”. Le
Les jeunes du quartier populaire où est implantée           premier contact avec un entrepreneur passe par un
“l’usine à jeune” de Merida ont ainsi été nombreux à        psychologue, comme c’est le cas de Carolina. En tant
demander un espace pour faire du skate et le lieu, au       que coach, elle les aide à concrétiser leurs objectifs.
final, consacre l’essentiel de son espace aux sports
de glisse urbaine. Ces espaces scénarisés, avec des         Chaque année, Iniciativa Joven rencontre 300 entre-
modules ouverts, multiples et configurables per-            preneurs. Il en forme tout autant, via 28 formations
mettent de s’adapter aux activités des jeunes d’au-         spécifiques, souvent extrêmement courtes (quelques
jourd’hui, explique Montse Tudela, responsable des          heures) qui concernent la mise en relation, la com-
espaces pour la création jeune. Dans ces espaces,           munication sur son projet, le peaufinage du business
les jeunes peuvent venir faire les activités qui les        plan et bien sûr la recherche de financements.
concernent : de la danse, du skate, de la scène, du         L’agence dispose d’ailleurs d’une enveloppe pour
multimédia, des graffitis sur des murs dédiés et ré-        soutenir les projets en amont de leur création (à
gulièrement repeins… L’idée était d’introduire un es-       hauteur de deux millions d’euros par an, elle sou-
pace différent entre l’école et le centre social, où les    tient environ 200 projets sur les 1000 qu’elle a éva-
jeunes sont invités à faire le programme plutôt qu’à       lués). “30 % de ceux qui ont bénéficié de ces aides ont
le subir. “Ici, tout repose sur une autre approche des      reconnu qu’ils n’auraient pas monté leur entreprise
jeunes. Les animateurs ne proposent rien. On de-            sans l’accompagnement que nous leur avons appor-
mande aux jeunes de proposer. On leur demande, tu           té”, explique Inma Falero, responsable du service
veux faire quoi ? De quoi as-tu besoin ? Quoi qu’il en      projet à l’Iniciativa Jovent. Petit à petit, le service s’est
soit, le contraire ne marche plus. Tout ce qu’on ima-       imposé : l’agence reçoit désormais 830 sollicitations
gine faire sans eux, sans les impliquer est le plus         d’accompagnement contre 188, cinq ans plus tôt.
souvent un échec.”
                                                            L’Estrémadure n’a pas une grande histoire entrepre-
Reste une drôle d’impression à visiter le lieu. Toute      neuriale, explique Rebeca Jean Jiménez, chargée
autre forme de culture autre que populaire semble           de projets. D’où l’importance de mettre en valeur et
l’avoir déserté.                                            rendre publics les projets et les profils des entre-
                                                            preneurs. L’agence s’est organisée et à construit ses
Accompagner les projets                                     outils d’une manière souple, créative et agile. Les
                                                            entretiens d’orientation permettent de reformuler
L’autre fonction de l’Iniciativa Joven est bien sûr d’ac-   le projet et d’apporter des réponses personnali-
compagner les entrepreneurs, nous explique Caro-            sées selon son état. Les CoffeeBreak ou les Pasta
lina Apolo, chargée de mission orientation à l’agence.      sont des évènements organisés par l’Iniciativa Jo-
                                                            ven pour mettre en réseaux les entrepreneurs, leur
                                                            permettre d’échanger entre eux, de se soutenir les
                                                            uns les autres, et également de trouver des finance-
                                                            ments. Les kits de formations, le tutorat personna-
                                                            lisé et le travail sur la communication des projets les
                                                            aident à reformuler et baliser leur projet.


                                                            L’une des manières de mettre en valeur l’entrepre-
                                                            neuriat a consisté à éditer de courtes histoires où
                                                            les entrepreneurs étaient conviés à mettre en avant
                                                            leur expérience. Ces histoires rédigées à la pre-
mière personne ont pour but de créer des modèles
de référence, de donner des visages aux projets, de
donner de la personnalité aux services que tout un
chacun peut-être amené à utiliser. Une douzaine de
“contes” ont été rédigés et 10 000 exemplaires de
chaque ont été distribués gratuitement. Ici, explique
Fernando Sanchez, responsable de ce projet à Incia-
tiva Joven, le but était de transformer le langage de
l’entreprise pour le rendre plus humain. “L’entrepre-
neur en Estrémadure est perçu comme une entité
étrange, artificielle. Nous voulions faire passer le
message que c’est seulement une personne nor-
male, qui canalise son énergie vers un projet.”              Carla Boserman a développé deux projets avec l’Ini-
Gabriel Cabrera et Carmen Moreno, nos traduc-                ciativa Joven qui lui a apporté le financement néces-
teurs, ont ainsi eu leur portrait de réalisé (.pdf) via ce   saire pour peaufiner son projet et lancer une expé-
programme, un portrait dont ils se servent comme             rience pilote. En 2009, la jeune femme a reçu une
Goodies pour présenter ce qu’ils font et se présenter        bourse de création pour le projet Siberia (du nom
et qu’ils offrent en cadeau avec toute facture. Ga-          d’une région peu connue et très isolée d’Estréma-
briel avec sa société de traduction, Atriex, a été l’un      dure) qui a consisté à inviter les habitants à mettre
des premiers porteurs de projets à être soutenu,             en valeur le patrimoine local en les invitant à parti-
il y a 7 ans, par l’agence régionale de l’innovation         ciper à des ateliers de création de cartes postales,
d’Estrémadure. L’apport du cabinet est encore assez          de guides de voyages et de livres de coloriage sur
présent, explique-t-il. Le cabinet l’a aidé à formuler,      leur région. Son second projet, Robocicla.net est un
présenter et préciser son projet.                            projet d’ateliers créatifs pour les plus jeunes afin de
                                                             leur faire toucher l’électronique, de les familiariser
Quels projets ?                                              avec la culture libre, le recyclage pour les aider à
                                                             concevoir des robots. L’iniciativa Joven a permis de
Il était important bien sûr d’essayer de percevoir la        trouver le financement pour développer l’expérience
diversité des projets que l’Iniciativa Joven avait sou-      pilote, a apporté un soutien technique permanent,
tenus en 7 années d’existence. Et ceux-ci sont vrai-         a aidé à améliorer la présentation du projet et a
ment très différents les uns des autres. Le centre           même permis de trouver un espace pour faire des
d’innovation sportif en milieu naturel, Elanillo est un      réunions, explique la jeune femme.
projet institutionnel soutenu par le département de
la jeunesse et des sports, qui a utilisé des fonds Fe-       Gloria Ramirez, a lancé une petite entreprise de car-
der pour développer un superbe bâtiment en forme             rosserie spécialisée dans l’adaptation de véhicules
de cercle construit sur une île isolée du Sud de l’Es-       techniques. Elle est entrée en 2006 à l’Iniciativa Jo-
trémadure dédié au soutien et au développement               ven en a suivi les formations ce qui lui a permis de
des entreprises du sport.                                    trouver des financements, de rédiger son business
                                                             plan. Elle a monté son entreprise en 2007 et, selon
A l’inverse, DandoCalor, porté par le psychologue            les périodes, emploie entre 2 et 4 personnes. Elle
José Antonio Rosa, est un réseau de jeunes volon-            est allée à plusieurs rencontres avec des financeurs
taires pour accompagner des familles dont l’un des           organisées par l’agence d’innovation, les Pasta, qui
enfants est traité en oncologie à l’hôpital infantile       lui ont permis de trouver des compléments finan-
de Badajoz. Cette association a pour but d’apporter          ciers. L’agence l’a aidé à faire de la publicité pour
une respiration familiale aux familles confrontées           son activité, à construire sa stratégie. Elle l’a guidé
au cancer, en invitant des jeunes étudiants à venir          dans le labyrinthe des institutions et des aides. “Je
faire du babysitting ou du soutien scolaire sur leur         suis là dès qu’ils font quelque chose avec les entre-
temps libre pour aider les autres.                           preneurs, à la fois pour partager mon expérience et
pour aider les autres. Ce travail de mise en relation     d’entrepreneuriat, même chez les politiques. J’ai eu
est indispensable pour combler l’absence d’un tissu       beaucoup de chance de participer de ce processus,
d’entreprise en Estrémadure.”                             alors qu’il est aujourd’hui sur la sellette.”


Pedro Delgado est le seul des jeunes entrepre-            Effectivement, le changement de majorité aux der-
neurs qui nous sont présentés qui ressemble à un          nières élections régionales, a ramené la droite après
entrepreneur. Plutôt fort, il débarque nous voir de      28 ans de politique socialiste. L’agence d’innovation,
son gros 4×4 avec un costume impeccable. Depuis           qui portait pourtant un discours sur l’entrepreneu-
7 ans, il a lancé Aquaphytex, une entreprise d’épu-       riat qui n’est pas forcément très prisé à gauche,
ration soutenable qui utilise les particularités de       risque de fermer dans les prochains mois.
certains végétaux pour construire des stations
d’épuration naturelle. Pedro Delgado, y va franco :       Iniciativa Joven : un modèle pour
“En Estrémadure, on ne pouvait travailler que si on
                                                          une ingénierie créative ?
avait de l’argent. Moi, je n’en avais pas, mais j’avais
des idées. J’ai reçu des prix pour Aquaphytex. La
                                                          “Nous avons trop tendance à penser l’ingénierie ter-
Région m’a fait crédit et m’a permis de développer
                                                          ritoriale, comme une question de gestionnaire. Or,
mon entreprise. Le Gabinete m’a permis d’affiner
                                                          créer une agence tournée vers la créativité, c’est un
mon discours. J’étais menuisier et je viens d’un
                                                          saut culturel qu’il nous faut faire en France. L’ingé-
village de 1300 habitants, et aujourd’hui, grâce au
                                                          nierie publique ne doit pas être seulement gestion-
Cabinete, je parle de l’innovation dans le monde
                                                          naire et administrative : elle doit être également
entier.” Aujourd’hui, Aquaphytex est implanté au
                                                          créative”, estime Florent Duval, chargé de mission
Mali, au Gabon, au Kenya, au Burkina, en Bolivie… Il
                                                          politiques territoriales pour le Conseil général de
y développe des stations d’épurations de l’eau, sans
                                                          Bourgogne. “Or en France, on a encore tendance à
chimie. Chaque station apporte de l’eau potable à
                                                          se demander si on doit faire de l’ingénierie”.
8000 personnes permettant de réduire la malaria,
                                                          L’intérêt de l’approche d’Iniciativa Joven est de pro-
le choléra et la mortalité infantile. Sur chaque site,
                                                          poser de nouvelles formes d’accompagnements. Or
                                                          souvent, “dans les structures d’aides on n’aide pas
                                                          !” “Ici, il y a une attitude proche de la maïeutique. On
                                                          voit que les projets ont besoin d’empathie, de ma-
                                                          quettage, d’arrosage pour donner confiance à leur
                                                          porteur même”, souligne Stéphane Vincent, direc-
                                                          teur de la 27e Région. “Le Business Plan ne suffit
                                                          pas”.


                                                          “Je me sens satisfaite si la personne qui passe
                                                          un entretien avec nous sort avec des idées plus
                                                          claires”, explique encore Carolina Apolo. “Notre but
                                                          est d’aider l’entrepreneur à avancer, à faire un pas
                                                          de plus, même si désormais nous programmons
une coopérative est créée pour vendre l’eau, afin que
                                                          notre tutorat avec des délais et des objectifs pour
le système profite à tous et génère son modèle éco-
                                                          mieux délimiter le chemin que nous ferons avec
nomique.
                                                          chaque porteur de projet.”
Rares sont les porteurs de projets qui soient aussi
louangeurs sur les systèmes d’aides publics. Pedro
                                                          Parmi les nombreux dispositifs mis en place par
Delgado souligne l’action du Gabinete. “Avant, tout
                                                          l’agence, le Coffee Break, lancé en 2006, est un évè-
marchait au piston. Personne ne misait sur les
                                                          nement pour faciliter la rencontre et le réseautage
jeunes qui n’avaient pas d’argent. Aujourd’hui, tout
                                                          entre porteurs de projets. Le but de cette “pause
le monde en Estrémadure parle d’innovation et
café” était de développer des contacts informels et
générer des opportunités, entre les entrepreneurs
eux-mêmes, car, comme le signale le dossier de
presse de l’initiative : “partager les projets est la
meilleure façon de les réussir”.


Une illustration de cette ingénierie nous a été don-
née par la visite de l’atelier. A iniciativa Joven, il y
a un logisticien qui s’implique très en amont dans
les projets et 2 techniciens en charge de l’ingénierie.
C’est dans cet atelier que sont conçus et construits
les supports physiques des actions. C’est là que
l’ameublement des Coffee Break ou des Pasta a été
pensé, avec leurs mobiliers adaptés, leurs couleurs
choisies pour transmettre les sensations voulues.
“Quand on met en place une agence, on met des bu-
reaux, des chaises, des ordinateurs. Or cet endroit
est la partie physique de notre philosophie qui est
transmise à chacun de nos évènements”, explique
encore Annabelle Favreau. Alors que le plus sou-
vent l’ingénierie est sous-traitée, ici, elle est inté-
grée, pour mieux projeter les idées sur les objets.
Le matériel sort plusieurs fois par semaine et est
fréquemment réutilisé d’opération en opération.


L’Atelier de l’Iniciativa Joven est assurément un bel
exemple pour montrer qu’on peut penser l’adminis-
tration et le soutien aux initiatives publiques autre-
ment.
VOYAGE DANS L’INNOVATION SOCIALE ESPAGNOLE


De l’innovation sociale à la transformation
des politiques publiques
Suite et fin de notre voyage dans l’innovation sociale espagnole en compagnie de la 27e Ré-
gion. L’occasion de nous poser des questions sur l’évolution de l’innovation par les usagers
et par les services publics et de nous interroger pour savoir comment les faire se rejoindre…


Transformer les politiques
publiques !

“Iniciativa Joven est un modèle pour penser l’admi-
nistration autrement (voir la seconde partie du dos-
sier). On retrouve d’ailleurs des éléments marquants
de l’innovation sociale : l’importance du design, de la
marque, du rôle de l’animation… Rien n’est improvisé
ici. Les boîtes à outils sont nombreuses et toute ini-
tiative repose sur un énorme travail de préparation.
Mais fait-on suffisamment ce travail de préparation
dans l’action publique ? S’interroge-t-on suffisam-
ment sur le processus, sur la façon de faire ?”, ques-     De juin à octobre, l’agence a investi un local com-
tionne Stéphane Vincent, directeur de la 27e Région.       mercial de la vieille ville pour le transformer en vi-
“Trop souvent, la sphère publique est sous-équipée         trine ouverte afin de recueillir les questionnements
en terme de méthodologie, alors qu’ici, on porte une       de la population. Mi-octobre, l’espace a aussi servi
attention très forte sur ce que les gens vont percevoir,   à animer des ateliers pour identifier les défis que
sur la narration des projets, leur scénographie, les       la ville avait à relever, tout en offrant via ses vitrines
traces qu’ils laissent, l’accessibilité à la documen-      un espace d’exposition pour assurer la transpa-
tation… L’iniciativa Joven montre qu’il faut parfois       rence nécessaire au processus. Le collectif PKMN
changer de processus pour changer de politique.”           a donné une unité graphique à l’espace, pour favo-
                                                           riser le processus d’identification des participants.
                                                           Au final, ces rencontres ont produit plusieurs scé-
Des initiatives pour transformer
                                                           narios recensant des pistes pour redynamiser le lien
la ville                                                   social portant sur l’innovation ouverte, le finance-
Longtemps dédiée aux entrepreneurs, l’agence pour          ment collectif, l’identité collective, la responsabilité
l’initiative jeune, a décidé, en 2010 de transformer le    sociale collaborative ou le conseil par les pairs. Elles
Coffee Break en un processus de participation plus         s’articulaient autour de plusieurs grandes lignes :
relié à son territoire. Le Coffee Break 2010 initié avec   notamment, promouvoir la participation citoyenne,
la ville de Badajoz a consisté à transformer l’évène-      améliorer l’image de la ville, dynamiser l’emploi et
ment (des rencontres créatives pour entrepreneurs)         le commerce local.
en un processus plus ouvert (associant également
des commerçants et des personnalités de la vie             Ces pistes paraissent d’autant plus fructueuses
locale comme de simples citoyens) pour réfléchir à         qu’elles sont illustrées d’expériences prises ailleurs,
l’avenir du centre ancien de Badajoz, qui se vide de       permettant d’apporter un catalogue de bonnes pra-
commerces et d’entreprises.                                tiques auxquelles se référer pour construire des so-
                                                           lutions. Par exemple, le scénario sur la responsabi-
lité sociale collaborative rappelle combien le citoyen    gens d’en vivre ? Comment ? L’action publique se vit
doit être un acteur primordial de la construction         via les objets qu’elle produit, à savoir des rapports
identitaire de la ville. D’où de multiples références     et des notes, plutôt que des goodies ou des installa-
à des initiatives très différentes comme les petits       tions. Ici on voit bien que le but est de construire des
déjeuners avec les piétons de Valence (pour recons-       lieux, d’offrir des objets identitaires autour desquels
truire du lien social), les villes abeilles américaines   les gens vont pouvoir se rassembler et discuter,
(qui proposent aux citadins d’accueillir des ruches       avant que de produire du rapport. Au final, il se dé-
de façon distribuée dans la ville), les telemadre (qui    gage d’Iniciativa Joven une cohérence d’ensemble.
permet à des femmes sans emplois de cuisiner pour         L’équipe ressemble à sa manière de communiquer.
ceux qui n’en ont pas le temps)…                          Les actions menées ressemblent à ce qu’ils font. La
                                                          seule chose qu’Initiativa Joven n’atteint pas, c’est
Les scénarios sur l’innovation ouverte se sont inspi-     l’autonomie dans le financement. La sempiternelle
rés des travaux de Youcoop, un laboratoire de R&D         question des modèles économiques !”
de Platoniq, un groupe de producteurs culturels,
qui s’est lancé, via des problématiques de diffu-
sion libre de la culture, dans des projets de plus en
plus éloignés de la production culturelle tradition-
nelle, notamment en lançant le projet de Banque
de connaissances communes (explications) fondé
en 2006 comme un laboratoire de l’enseignement
citoyens à citoyen. Goteo, un autre de leurs projets
(explications) est une plateforme de financement
participatif appliquée à l’entrepreneuriat social.


Comme l’a rapporté la presse, les participants à
cette “pause café pour Badajoz” ont fait plusieurs
propositions pour revitaliser le centre-ville, notam-
ment en le transformant en centre de création pour        Pour autant, l’initiative pour les jeunes risque de se
les jeunes et les artistes ou en trouvant les moyens      refermer en décembre prochain. L’alternance poli-
de créer une plateforme de financement collectif          tique régionale s’apprête à mettre fin au programme
destiné exclusivement aux initiatives citoyennes qui      Iniciativa Joven ou a profondément le transformer.
y prendront place. Les suites à donner au projet sont     Pourtant, dire qu’une région s’occupe de l’imagi-
encore en discussion.                                     naire de ses jeunes est une idée ambitieuse, voire
                                                          même déroutante, pour une politique publique.
“Trop souvent, la manière dont les services publics       Peut-être l’a-t-elle trop été ? L’inciativa Joven ne
se racontent est liée au rapport d’autorité”, explique    peut d’ailleurs pas être qualifiée d’échec, même par
encore Stéphane Vincent. “Les projets d’Iniciativa        l’alternance politique.
Joven, en changeant la narration ont pour effet de
briser le rapport d’autorité. On raconte aux gens pour    La limite du programme n’est pas à chercher dans
les gens et non plus pour l’autorité publique. Ici, on    ses résultats. Peut-être que son échec est lié à
raconte, on narre, on documente, on trace les pro-        autre chose. “Iniciativa Joven, finalement, n’a peut-
ductions de l’action publique autrement… A l’heure        être pas su suffisamment essaimer”, estime encore
où les codes de compréhension du public sont basés        Stéphane Vincent. Après huit ans d’expérimentation,
sur ceux de la téléréalité, qui est une approche très     l’initiative semble être restée unique. Elle n’a certai-
particulière de la communication, on voit ici des ap-     nement pas assez travaillé avec les fonctionnaires,
proches qui passent d’abord par la narration vidéo        est restée trop autonome, trop distante du reste de
avant le texte. A l’heure où les gens veulent vivre des   l’administration dont elle était pourtant un pilote.
expériences, les Régions doivent-elles proposer aux       L’absence de travail avec les autres départements
régionaux explique peut-être aussi l’isolement de          confiée à d’autres… D’ailleurs, bien souvent l’admi-
l’agence. Finalement, elle a peu travaillé à renouve-      nistration a du mal avec ceux qui n’ont pas “l’esprit
ler la vision des politiques publiques, en dehors de       fonctionnaire”. Est-ce à croire que l’innovation est
son propre exemple.                                        antinomique avec le service public ? Le moule du
                                                           management public, notamment via l’Institut supé-
Innovation sociale ou innovation                           rieur des études territoriales (Wikipédia), développe
                                                           un fort sens de la hiérarchie et laisse peu de place
publique ?
                                                           au collaboratif. Elle a du mal à créer des processus
                                                           différents, des espaces de confiance…
“Bien souvent”, estime François Jégou, animateur
de Sustainable Everyday et du réseau Desis, direc-
                                                           Mais à l’heure où la crise gèle les budgets publics, il
teur de l’agence Solution Design spécialisée dans
                                                           va pourtant falloir, structurellement trouver de nou-
la conception sociale du développement durable, “le
                                                           velles façons de travailler. Il va falloir que les acteurs
social n’est pas pris en compte par l’acteur public
                                                           publics deviennent ingénieux, et pour cela, savoir
: le social est confié à la société civile. L’innovation
                                                           sortir des instruments publics traditionnels comme
sociale consiste à faire travailler les communautés
                                                           la commande ou les marchés publics qui sont ina-
créatives citoyennes pour monter des initiatives de
                                                           daptés à la coopération, puisqu’ils sont, par es-
rues, de quartiers, des circuits courts, redonner
                                                           sence, des processus de compétition. On comprend
corps au lien social. Ce qui donne lieu à des projets
                                                           alors que ce qu’il reste de l’innovation publique, ce
pleinement autonomes des politiques publiques. Ils
                                                           sont des projets. Des projets capables de stimuler la
ne sont pas à la recherche de financements publics
                                                           société en lui posant des questions de fond, plutôt
et n’attendent pas après l’action publique. Les grou-
                                                           que de réussir à transformer les gens…
pements d’achats solidaires, les monnaies locales,
n’ont pas besoin de l’action publique pour se créer
et se multiplier.”                                         Transformer les comportements ?

Ne sommes-nous pas passés finalement de l’ob-              “A l’origine, l’iniciativa Joven est un projet politique
servation de l’innovation sociale à celle de l’innova-     fondé sur des valeurs liées à la créativité, l’imagina-
tion publique ? Iniciativa Joven parle-t-il plus de la     tion et l’adaptabilité des individus, comme le raconte
transformation de la société ou de la transformation       bien le “manifeste de l’imagination“. Puis le projet
des politiques publiques ? Les deux formes se sont-        s’est tourné vers l’innovation appliquée à l’entre-
elles disjointes – pour autant qu’elles se soient un       preneuriat : peut-être que cette option se discute.
jour rejointes ? Au-delà des méthodes et des pro-          Devons-nous tous être entrepreneurs ? Le monde
cessus communs, y’a-t-il un dialogue entre la trans-       doit-il être innovant ? Le modèle de l’entrepreneur
formation des politiques publiques et celles des ini-      n’est-il pas trop univoque ?”, interroge Stéphane Vin-
tiatives citoyennes ? Le système public est tellement      cent, directeur de la 27e Région. Certainement. En
établi qu’au final, il a tendance à rejeter l’innovation   même temps, il faut prendre en compte le contexte
plutôt que l’intégrer, à la fois pour perdurer et à la    social et économique de la région Estrémadure, et
fois parce que nous avons naturellement tendance           voir que celle-ci part de loin.
à repousser la créativité. Le jeu politique et admi-
nistratif a tendance à saper l’innovation plutôt que      Le programme européen Jeunesse en action avait
d’être mis en difficulté par elle (un constat que nous     au départ pour objectif la citoyenneté européenne. Il
faisions également récemment dans le domaine               promeut désormais le leadership et l’entrepreneu-
de la démocratie représentative). Finalement, il est       riat, rappelle Clément Dupuis de Kaleido-scop, un
étonnant de voir que l’Inciativa Joven s’est détour-       consultant spécialisé dans l’accompagnement à la
née des fonctionnaires pour faire bouger les choses        participation. “Or n’y a-t-il pas d’autres manières,
(leur préférant des psychologues, des architectes,         d’autres logiques pour favoriser l’autonomisation
des designers). La mission d’intérêt général est           des jeunes ? Nous sommes plus dans une logique
                                                           de compétition que de coopération. Le risque est
d’entrer dans une logique d’intervention sociale           En 2007, quand Madrid s’est déclarée candidate
qui risque surtout de déstructurer le tissu social         comme ville olympique pour les Olympiades de 2016
comme on l’a fait en Afrique. Va-t-on faire pareil         (finalement remportée par Rio de Janeiro), le service
avec les pauvres d’Europe ? Ne sommes-nous pas             de communication de la ville a développé une iden-
là, face à une politique de réassurance pour endi-         tité sous forme de logo et de marque : “Madrid 2016,
guer la crise par le développement personnel ? Est-        ville inspirante”. Pouvait-on utiliser ces marques de
ce là les capacités que l’on attend pour faire demain      prestiges urbaines pour développer un autre regard
des individus durables ?”                                  sur d’autres villes ? D’où l’idée du collectif PKMN de
                                                           détourner cette identité collective pour l’appliquer à
Comme on l’a vu, il n’est pas si sûr que l’Iniciativa      d’autres villes, d’autres régions. Mais ces détour-
Joven privilégie le leadership et l’entreprenariat. Les    nements n’étaient pas suffisants, car ils avaient du
projets qui nous ont été présentés étaient sociaux         mal à se distinguer de la réalité : les expositions
avant que d’être économiques, et les travaux auprès        universelles, capitales européennes de la culture,
des plus jeunes montraient que ceux-ci étaient en-         évènements sportifs d’ampleur mondiale disputent
core bien loin d’être tous devenus de jeunes cadres        l’attention de l’image des villes. Ils manquaient
supérieurs aux dents longues. Donner envie de              l’essentiel, c’est-à-dire réussir à impliquer l’identité
prendre des initiatives, d’agir sur son existence, ne      personnelle dans l’identité collective. D’où l’idée du
signifie pas pour autant transformer chaque individu       Madrilène de l’année (blog) qui a consisté à organi-
en agent de la mondialisation et du capitalisme. En        ser un concours à l’occasion de l’édition 2010 des
Estrémadure, changer l’état d’esprit de la société,        Nuits blanches Madrilènes pour élire le Madrilène
comme le propose l’Inciativa Joven, revient d’abord        de l’année. Ici, la participation se résumait à un sen-
à combattre le fatalisme d’une société fermée sur          timent d’appartenance, à construire l’identité d’une
elle-même, en crise et sans grand espoir.                  ville indépendamment de la célébrité. L’idée était de
                                                           transformer un citoyen lambda en représentant de
Enfin, il faudrait parvenir à mesurer l’impact de cette    sa ville. Après avoir traversé différents quartiers de
politique sur les mentalités et sur l’ensemble de la       la ville avec un système de prise de vues, les Ma-
population. Vu le nombre de projets soutenus, la dif-      drilènes étaient invités à voter sur un site web pour
ficulté à convaincre les étudiants… il n’est pas sûr       élire celui qui allait représenter l’image de leur ville.
que la transformation amorcée ait suffi à convaincre.      Après la victoire d’un citoyen comme les autres, le
                                                           collectif PKMN a chercher à utiliser le masque de
Des projets pour interroger                                ce Madrilène de l’année, pour permettre à chacun
                                                           de le devenir un peu et générer un nouveau paysage
le monde
                                                           urbain par la répétition d’une identité unique, celui
                                                           d’un protagoniste citoyen anonyme pour nous repré-
C’est peut-être finalement bien cela qu’il faut rete-
                                                           senter tous. Un Guy Fawkes du quotidien.
nir de l’innovation publique : sa capacité à créer des
                                                           http://www.scribd.com/doc/73668919/PKMN-Pre-
projets pour interroger le monde. Une fois encore,
                                                           sentation
nous n’en sommes pas encore à des transforma-
tions systémiques pour le changer, mais à des pro-
                                                           Le collectif PKMN travaille depuis longtemps à ce
jets qui l’interrogent et le remettent en question.
                                                           qui fait l’identité des villes. Dans leur projet les villes
                                                           créent les villes, qui s’est décliné dans plusieurs
David Pérez est architecte et travaille pour le cabi-
                                                           municipalités de la péninsule ibérique, l’idée est de
net PKMN (prononcez PacMan) qui s’est établi voici
                                                           chercher des formes d’implications citoyennes. Ca-
5 ans à Madrid. Le cabinet suit des projets d’archi-
                                                           ceres, une petite ville historique d’Estrémadure, était
tecture traditionnelle, mais a également une ligne
                                                           candidate comme ville européenne de la culture.
de projets plus originaux qui interrogent la partici-
                                                           A cette occasion, le collectif PKMN a proposé aux
pation active des citoyens à l’identité collective (voir
                                                           citoyens de participer à un vaste casting photo qui
sa présentation).
                                                           a permis de créer un catalogue d’identités (blog).
L’idée était de démultiplier les identités en installant     montrent bien ce que l’innovation publique et sociale
des portraits géants d’habitants sur les immeubles           peuvent interroger. Ca ne fait pas système certes, ça
classés ou des portraits grandeur nature dans les            ne fait pas solution… Mais peut-être que cela parti-
espaces publics, pour générer de la réappropriation.         cipe d’un monde meilleur.
Le temps d’une fête, tous les habitants de Caceres
sont revenus dans le centre historique déserté pour
se retrouver eux-mêmes et par là même, retrouver
les autres.


Autre projet encore toujours autour de l’identité, ce-
lui du Plan E[xtinction] qui vise à faire vivre l’identité
des derniers habitants ruraux des Asturies, en voie
d’extinction. Le projet consiste à prendre en photo
les derniers habitants des villages pour les afficher
à leur entrée et faire réfléchir celui qui n’y passe que
l’été, au processus de dépeuplement et de désertifi-
cation de la campagne ibérique, où des villages qui
ont compté jusqu’à 80 maisons ne sont plus habi-
tées que par deux familles.


Le projet ExtremaduRA (Estrémadure en Réalité
augmentée) prolonge le fil de la réflexion du cabinet
PKMN. Lors de la fête de l’internet, le 17 mai der-
nier, le collectif a invité les habitants du village de
Benquerencia (74 habitants) à venir se faire prendre
en photo. Là encore, l’idée était d’établir un registre
des habitants de la ville. Chacun a été transformé en
avatar et à chacun a été associé un code 3D permet-
tant de télécharger l’avatar des habitants en réalité
augmentée. Les habitants et leur famille pouvaient
ainsi se démultiplier dans la ville, jouer avec leurs
avatars et convoquer ainsi leurs identités dans
d’autres réalités (blog).


Bien sûr, les projets de PKMN proposent une vision
plus artistique que celle qu’expose l’innovation so-
ciale généralement, en travaillant plus la participa-
tion identitaire que la participation citoyenne. Mais
comme l’explique David Pérez, les changements
éphémères, évènementiels, nous invitent à nous po-
ser la question de comment réaliser un travail plus
spécifique que symbolique. Pour David Pérez, ces
formes de participation permettent aux gens d’être
acteurs de leur ville, de se dire à la fois que la ville
fait partie de leur vie et que leur vie fait aussi par-
tie de la ville. C’est aussi une manière de prendre
conscience de sa mémoire, de son passé et donc
également du temps présent et du futur. Ces projets
03
   Le retour
des participants
François Jégou,
Solutioning Design
Clément Dupuis (Kaléido’Scop)
le 21 octobre 2011



Questions de base sur l’objet du voyage d’étude
Périmètre problématique « jeunesse » : de quoi parle-t-on ? Qu’est-ce qu’une politique jeunesse ?
Quelles sont les parties prenantes ? Qu’entend-t-on par innovation ? Peut-elle être une finalité ?


Quelques idées générales…
Parler de jeunesse aujourd’hui impose de ne pas parler à un groupe social constitué :
il existe de multiples jeunesses. La notion de jeunesse est donc un piège catégoriel.
l’enjeu, c’est de ne pas isoler ce groupe mais de créer du lien avec d’autres générations.


Quelle démarche pour une amélioration des politiques publiques ?
• Enjeu de la réflexivité.
Il faut mettre en place dès le début un format d’évaluation continue (monitoring). Cela permet de tester
des prototypes avec un souci d’amélioration des pratiques/outils...


• Enjeu de l’horizontalité
Comment passer d’un paradigme verticalisé où les instructions venaient d’un/une supérieur(e) à une
démarche horizontalisée issue d’une réflexion collective ? Comment aussi passer d’une logique concur-
rentielle (inter-institutions, inter-élus, inter-métiers, inter-organisations…) à un format coopératif ?


Quelles modalités d’intervention sur les territoires ?
L’indépendance des structures est une nécessité pour envisager une action durable sur un territoire.
Reste que la gouvernance de cette structure doit associer des acteurs clés locaux, en lien avec la pro-
blématique abordée, avec une réelle responsabilité.


Quelle relation entre prestataires (en particulier acteurs intermédiaires) et collectivités dans le
changement de paradigme des politiques publiques ?
Comment créer une relation de confiance ? Comment se rendre indispensable pour ne pas sauter au
changement de législature ? Comment faire prendre conscience que la forme/les méthodes sont pri-
mordiales ?


Les enjeux principaux d’une politique jeunesse ?
Selon moi, cela se situe dans le renforcement des capacités relationnelles/émotionnelles et la confiance
en soi. Il s’agit de muscler l’individu pour évoluer dans un monde mouvant et pluriel (globalisation…).
Cet enjeu se situe donc dans une actualité nouvelle.
La problématique de la diversité (culturelle) - tous différents, tous égaux selon le conseil de l’Europe
- permet de travailler sur ces compétences, dans un souci d’inclusion.
C’est ensuite que l’on peut travailler sur l’innovation, l’initiative et l’entreprenariat.1
Comment aussi gérer l’enjeu du développement de politique territoriale via une démarche de concer-
tation des acteurs impliqués. Comment mettre en place des logiques de « plateformes » d’intervention

1       Sur les questions de compétences, je vous recommande la lecture d’Edgar Morin sur les « sept savoir nécessaires ».
et d’expérimentation sur les territoires ?
Il existe notamment un lien à approfondir entre acteurs « jeunesse » (éducation non formelle) avec
méthodes actives et dynamiques et acteurs de l’éducation (éducation nationale, supérieure et éducation
professionnelle…). Comment intervenir auprès de publics captifs ? Dans quel cadre ?


Quelques retours sur les acteurs rencontrés
Utopic-us : hyper pertinent. J’aurais aimé visiter les lieux et mieux apprécier la logique de l’espace et le
lien avec la problématique jeunesse.
TEDx : ?! Un lien vers le site m’aurait suffit.
Magik Politik : hyper pertinent. J’aurais aimé approfondir la réflexion sur leurs méthodes de mobilisation.
Social média lab : bien pour les geeks…
Ciudad : sa timidité a limité la pertinence de son intervention. Dommage. Ils ont l’air d’avoir un vrai
processus créatif.
Le mouvement du 15M : j’ai plus appris à la radio. J’aurais préféré passer plus de temps à questionner
Magik Politik et Utopic_us sur le perception de ce mouvement et leur manière de l’appréhender.
Iniciativa Joven : hyper pertinent de A à Z (factoria, lycée, université).
Présentation des projets : l’objectif était-il de nous présenter leur projet ou de questionner les modali-
tés d’intervention de Iniciativa Joven ?


Regard général
Composition du groupe français équilibrée et pertinente (métiers, postures, géographie, personnali-
tés…). Comment exploiter ce réseau de personnes motivées ?
Densité du programme très bien gérée (mis à part la répétition d’ « on est en retard » qui n’a pour seule
conséquence de nous mettre dans une situation de stress comme des souris dans une cage).
Quelques interventions (voir au dessus) auraient pu être enlevées pour laisser plus de place à une
réflexion et un échange sur les autres. Ambiance très agréable, avec influence forte de la bienveillance
des 3 de la 27ème. Importance du débriefing sur la route de Lisbonne.


Sentiment personnel
Ca a parlé à mes tripes ! Déjà, en Espagne, j’étais encore jeune (34 ans)!!!
En tant que créateur d’entreprise, ya eu un effet miroir. Un double effet miroir, car je me sens forte-
ment concerné par différents éléments clés de la visite : problématique générale jeunesse, innovation,
participation des jeunes, politiques publiques et Europe. J’ai pris beaucoup de plaisir à participer et me
laisser porter (cela faisait pas mal de temps que je n’avais pas été dans cette posture !). N’ai pas assez
exploiter mon rôle du participant relou, malgré la crève et quelques moments au fond du groupe.


Sentiment Kaléido’Scopien
Je vois des axes de coopération clairs, sur différentes modalités d’intervention :
évaluation : nous sommes évaluateurs d’expérimentations sociales et avons, par l’expérimentation
Hirsch, clarifié notre posture et précisé nos pratiques. Nos approches qualitatives et notre souci du
monitoring ont leur place dans une démarche centrée autour de l’innovation dans les politiques pu-
bliques. L’intérêt est d’intégrer un regard tiers dans le processus de travail afin de garantir une dé-
marche réflexive.
Animation et facilitation : par nos différentes techniques (venues de New-York city, San Francisco et la
Fouillouse), nous facilitons la participation de tous dans un séminaire et le croisement des expertises.
Aussi, nos partenariats au sein de la région Rhône Alpes (mais aussi Auvergne et Aquitaine) pourraient
consolider un lobbying pour faciliter la mise en place de démarche prospective et participative, à grande
ou à petite échelle. Aussi, d’autres collectivités (Grand Lyon, CG 93, ville de Vienne et Dijon…).
Enfin, nos idées, nos valeurs, notre engagement et notre motivation…


Idées
- Approfondir le format de visite d’étude avec une logique de recherche/action.
- Pourquoi pas une visite d’étude en Tunisie (ou autres endroits du bassin méditerranéen) avec ac-
compagnement des élus dans leur réflexion avec ARF, mais aussi ADF et association des maires de
France ? Soutien du BAT du programme Euromed-Jeunesse (que Kaléido’Scop gère). De nombreux
contacts sur place.


Ateliers européens de créativité.
Rencontre de 4 à 6 potentiels partenaires européens qui ont développés des outils « innovants » sur
des problématiques spécifiques et des publics identifiés (par exemple, la notion de compétences avec
les 10-12 ans).
Programme : jour 1 et jour 2 : chacun fait expérimenter des activités avec retour sur les outils. Jour 3 :
journée de créativité avec obligation de créer quelque chose.


Mise en place de projets Interreg sur le pays basque
Et utilisation de fonds européens régionaux au sein des régions pour travailler sur la question de la
prospective.


Projet Kaléido’Scop en lien avec Innovation et Jeunesse
Nous sommes en cours d’organisation d’une expérimentation sur un CFA de la région Rhône Alpes (à
Lyon, la SEPR) sur l’accueil des nouveaux arrivants et un travail sur les compétences relationnelles et
communicationnelles des élèves.
Cette expérimentation impliquerait la SEPR, la région Rhône Alpes, l’ACFCI et Kaléido’Scop.


Utopie ?
Bus -au colza- avec salle de réunion dedans, vidéoprojecteur, Internet et paperboard afin de visiter les
territoires de manière efficiente, et faciliter les débriefing pour évaluer, transférer…
Compte-rendu voyage d'étude Espagne 2011
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Compte-rendu voyage d'étude Espagne 2011

  • 1. La 27e Région > Retour sur le voyage d’étude des 18, 19 et 20 octobre 2011 Imagina! Jeunesse et innovation en Espagne
  • 2. La 27e Région > Retour sur le voyage d’étude des 18, 19 et 20 octobre 2011
  • 3. La 27e Région poursuit son tour d’Europe de l’innovation sociale et publique. Après Londres (2009), Malmö et Copenhague (2010), nous avions envie de retrouver la culture latine et d’ouvrir grands nos radars au cœur de l’Espagne. Direction Madrid et Mérida, respectivement capitale du pays et capitale de l’Estrémadure, région rurale proche de la frontière portugaise. Baptisé «Imagina ! Jeunesse et innovation en Espagne», notre déplacement avait pour objectif de permettre aux Régions présentes (Pays de la Loire, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Bretagne, Limousin et l’Association des Régions de France) et aux autres participants d’étudier de plus près quelques projets innovants menés vers la jeunesse - tout particulièrement la démarche très inspirante entreprise par le cabinet régional «Iniciativa Joven» (initiative jeune) lancé en 2005. Comment les institutions espagnoles tentent-elles de transformer leur rapport à la jeunesse ? Quelles méthodes mettent-elles en œuvre concrètement, mais aussi, quelles sont les valeurs qui sous-tendent leurs initiatives ? Quelles sont les méthodes les plus créatives aujourd’hui mises en œuvre par les associations, les agences spécialisées et les collectivités locales ? Le déplacement a permis de fournir des premières réponses très concrètes à ces questions, mais également de mieux comprendre ce qui anime la jeunesse espagnole aujourd’hui, grâce à une rencontre pro- voquée avec des représentants de mouvement du 15M ou «15 mai», le fameux mouvement des «indignados» (les indignés). Les visites ont également permis de découvrir des espaces et des lieux peu conventionnels, tel Utopic_us à Madrid, l’agence Iniciativa Joven à Mérida ou encore les lieux créatifs conçus avec les jeunes dans un quartier de Mérida, au sein du lycée de Badajoz ou encore de l›Université d›Estrémadure. Au travers de ce document, nous essayons de témoigner au mieux de ce que nous avons vu, mais aussi de vous faire vivre les débats qui ont animé le groupe de participants, et les écueils ren- contrés par les acteurs sur le chemin exigeant de l’innovation sociale et de la transformation des politiques publiques... Un très grand merci à l’agence Iniciativa Joven. Un bien triste paradoxe veut qu’après 7 fructueuses années d’exercice, la nouvelle majorité de la Région Estremadure vient tout juste de décider de mettre fin aux activités de l’agence. Ce qui n’empêche nullement Iniciativa Joven de rester une source d’inspiration inestimable pour tous les promoteurs de la créativité et du changement en Europe. Nous souhaitons bon vent à toute l’équipe d’Iniciativa Joven ! Merci aussi à tous les participants et à ceux qui nous ont ouvert leurs portes durant cette édition 2011 particulièrement intense et inspirante. Stéphane Vincent, pour l’équipe de la 27e Région.
  • 5. 18 oct MADRID 20 19 oct oct BADAJOZ MERIDA LISBONNE
  • 6. Cela faisait quelques temps déjà que la 27e Région souhaitait rendre visite à ses homologues espagnols d’Iniciativa Joven. Est-ce la moro- sité ambiante qui l’a poussée à aller chercher soleil et inspiration en Espagne ? A-t-elle senti le vent tourner pour Iniciativa Joven au len- demain des élections de mai (et l’urgence de les rencontrer) ? Est- ce le parallèle tentant entre l’Estrémadure et son initiative pour les jeunes et la Transfo en Champagne-Ardenne « Une Région pour les jeunes » qui a fait basculer la décision de la 27e Région sur son choix de voyage d’étude ? Un peu de tout ça sûrement… Et la voilà partie, les 18, 19 et 20 octobre 2011, accompagnée d’une quinzaine de parti- cipants - élus et agents régionaux, représentants de la société civile, designers…- direction l’Espagne. Au programme de ce voyage, co-conçu avec le Gabinete Iniciativa Joven, rencontres, visites et interventions au- tour du thème de la jeunesse. Il fallait lire ces interventions à la lumière d’un contexte politique et économique d’où émane l’indignation, contexte que nous avons notamment cherché à mieux comprendre en rencontrant quatre de ces « indignés ». Le voyage d’étude s’est organisé en deux temps. Un premier temps de rencontre à Madrid avec des acteurs venus de différentes régions du pays et un second temps d’immersion sur les terres d’Iniciativa Joven en Estré- madure. 18 octobre, Madrid L’idée de cette journée était de présenter aux participants des initiatives et des méthodes d’intervention inspi- rantes sur les questions de la jeunesse, de la citoyenneté, de la participation, dans des environnements urbains (citilab) comme ruraux (Extremadura). Pour organiser cette journée de présentations et d’échanges, nous avons été accueillis par Utopic_us, usine de transformation créative située à deux pas de la Puerta del sol à Madrid. Ce tiers-lieu ouvert depuis peu est à la fois un espace de co-working pour les professionnels de la création (designers, graphistes, artistes…) et un lieu accueillant conférences, ateliers, évènements. Un cadre propice pour partager avec les divers intervenants de la journée. Des projets très différents se sont succédés, notamment dans leur façon d’aborder les thématiques et leurs méthodes de travail. Valoriser les talents Nous avons entamé cette journée par une présentation de TEDx Youth Madrid, par Antonella Broglia, membre de l’équipe organisatrice des conférences TEDx à Madrid. Depuis 25 ans aux Etats-Unis, la conférence TED (Technology, Entertainment, Design) rassemble des esprits brillants dans leur domaine pour partager leurs idées avec le monde. Dans cet esprit, des conférences sont organisées de façon indépendante au niveau local: ce sont les conférences TEDx. Ce qui nous intéresse ici est la conférence TEDx dédiée spécialement aux jeunes (TEDx Youth Madrid) et organisée à Madrid le 20 novembre pour la première fois. Cette intervention avait, en effet, vocation a réinterroger les formats de valorisation des initiatives des jeunes, interventions que souhaitent souvent mettre en place les acteurs publics. Le format TEDx est-il réappropriable ou pour le moins inspirant ?
  • 7. Antonella a donné les clés de la mise en place de ce type d’événement. Ce type de show très marqué par la culture américaine a pu en séduire certains, en agacer d’autres par son esprit élitiste. Retenons qu’il permet de sortir des formats classiques de forum, qu’il renvoie à la culture libre (les vidéos des interventions sont par- tagées en ligne) et que ses codes parlent certainement aux plus jeunes. Encourager la participation… Voilà le point commun des trois présentations suivantes. Participation démocratique, dans un premier temps, avec le projet Magik Politik présenté par Asier Perez de Funky Projects, une des rares agences de design de services espagnoles. Réalisé en 2010 pour Innobasque et EUDEL dans la localité de Mungia (Pays Basque), ce projet, développé avec et pour les jeunes, vise à changer les relations entre la mairie et les habitants, et en particulier les jeunes. L’idée est de les intéresser et de les impliquer davantage dans la vie citoyenne et politique de leur ville. La présentation d’Asier a cela d’intéressant qu’elle remet en question la relation commanditaire/ opérateur dans ce type de démarche (y a t-il instrumentalisation ?) et interroge de façon globale la relation à l’acteur public. Les articles d’Hubert Guillaud ci-après reviennent sur cette intervention. Arrivée de Barcelone le matin, Laïa Sanchez est venue nous présenter sa structure Citilab et le projet qu’elle dirige : le Social Media Lab. L’hypothèse de départ de ce projet est que le citoyen, via l’utilisation des nouveaux médias sociaux, passe d’un rôle passif à un rôle créatif et peut dès lors devenir un acteur clé de l’innovation sociale. Si au départ ce lab n’a pas pour public cible les jeunes, il se trouve que ces derniers sont très réceptifs et s’approprient aisément ces nouveaux outils. Le Social Media Lab a mis en place plusieurs expérimentations dans la banlieue de Barcelone avec les jeunes afin de les rendre acteurs de la société et de faire en sorte qu’ils partagent leur point de vue sur celle-ci. Laia Sanchez nous a présenté quelques unes de ces initiatives autour du sport, de la musique et des nouveaux médias citoyens. Dernière présentation de cette riche matinée, David Pérez du collectif d’architectes madrilènes PKMN (pac- man) nous a présenté leur projet Ciudad crea Ciudad qui réinterroge le rôle des citoyens dans la construction de la ville et notamment de son identité. Moins axé jeunesse et faisant davantage écho à la Transfo que la 27e Région met en place en Région Bourgogne sur les villages du futur, David a présenté plus en détail le projet Extremadu[RA] développé à Benquerencia sur la ruralité et les TIC ou comment reconnecter des citoyens à travers la réalité augmentée. S’indigner Nous ne pouvions organiser un voyage d’étude en Espagne sur le thème de la jeunesse sans chercher à com- prendre ce mouvement qui bouscule l’Espagne depuis le 15 mai dernier, les « indignés ». Difficile, par ailleurs, de faire venir des « représentants » de ce mouvement, aucun de ses participants ne souhaitant mettre en avant sa parole plus que celle du collectif. Nous avons finalement réussi à faire venir quatre personnes impliquées dans cette aventure : Raimond Garcia, Oscar Rivas coauteur de Nous les indignés, Marga Padilla et Stéphane Grueso, journaliste et vidéaste. Cette discussion nous a permis de comprendre un peu mieux ce mouvement, de constater qu’il n’avait pas de frontière d’âge, de sexe ou de situation sociale et qu’il condamnait avant tout ce système politique dans lequel plus personne ne croit. Nous avons pu, le temps d’une discussion, partager une expérience. 19 et 20 octobre, Merida, Badajoz Nous avons passé deux journées en immersion chez Iniciativa Joven à Mérida en Estrémadure pour tenter de mieux comprendre ses fondements, son organisation, ses projets depuis le terrain. Interventions, ateliers, visites, rencontres… partagées et détaillées plus loin dans les articles d’Hubert Guillaud.
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  • 10.
  • 11. LAIA SANCHEZ | Social Media Lab Le Citilab c’est quoi ? Le Citilab est un centre de recherche, un espace pour mener des projets, qui doit répondre à deux objectifs : développer l’innovation et surtout développer une innova- tion qui soit menée avec les usagers. Dans notre cas, ces usagers sont des citadins. Sous des formes très différentes, nous développons donc de nouveaux produits, de nouveaux services. Nous tentons d’initier des changements qui puissent être portés par un réseau d’entreprises, par l’administration, par l’université, par ces différents types d’acteurs, mais toujours avec la participation des habitants. Comment nous y prenons-nous ? Au Social Media Lab les projets d’innovation sont conçus avec les nouveaux médias, des nouveaux médias que les habitants s’approprient. Notre stratégie s’inscrit dans la continuité du design thinking ou de démarches utilisant le design pour implé- menter les projets en réalisant des prototypes de services avec les habitants. Ce sont des projets menés avec une démarche de co-création. On fait en sorte que l’usager, le citadin, celui à qui s’adresse le service, soit impliqué dès le début du projet. Il y a plusieurs degrés de participation, et pour obtenir l’implication des usagers nous avons besoin que la motivation soit très forte. Le seul moyen d’obtenir une motivation importante est que l’intérêt de l’usager pour le projet puisse être entretenu dans un environnement créatif. Il s’agit de voir la participation comme un dialogue à valoriser : de la simple intervention dans une discussion, du simple commentaire, à la co-création du projet, qui est le degré maximum d’implication que l’on puisse attendre de l’usager. Innover signifie changer les choses car ça implique une critique radicale. Bien que cette cri- tique radicale soit parfois «destructive», bien qu’elle amène à rompre des choses, elle peut être constructive dans un process de co-création. Ce n’est plus le modèle Do It Yourself, c’est le modèle du Do It With Others. Nous devons mener ces projets, ces changements dans un process d’innovation ouvert, ce qui implique d’inviter dif- férents types d’acteurs, de différentes provenances, aux compétences différentes, pour déve- lopper les projets ensemble, et tenter de voir ce que chacun peut apporter à son niveau. Notre rôle est de veiller et accompagner ce process de médiation. Ensuite nous faisons en sorte que cette expérience ne soit pas seulement un «pilote», qu’elle n’ait pas lieu qu’en notre pré- sence, ce qui peut arriver et que nous avons déjà observé dans certains projets. Au contraire, nous devons composer avec les contraintes de chaque acteur impliqué (l’administration, l’uni- versité, l’entreprise, la société civile) pour que ces changements perdurent dans le temps, qu’ils se transmettent. Pour que ces changements soient adoptés et se réalisent. Il faut donc travailler à l’échelle locale d’une part, mais il faut également travailler avec ces grandes struc- tures pour que le transfert soit possible, et que ces changements, ces innovations, puissent réellement toucher l’ensemble du réseau.
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  • 13. ASIER PEREZ | Funky Project Je suis Asier Perez, directeur de Funky Project. Nous sommes une agence basée à Bilbao faisant du design de service Nous avons beaucoup travaillé avec l’administration publique : entre autres nous avons réalisé le projet Magic Politik pour l’agence d’innovation du Pays basque espagnol. «Magic Politik» On a mis en place un système pour encourager la participation au dialogue avec la mairie. On a fait une recherche pour comprendre comment approcher les jeunes, qu’est-ce qu’un jeune, etc. À partir de là, on a mis en place un processus pour arriver à avoir cette rencontre entre les élus, les jeunes travaillant à la mairie et les jeunes. Comment faire du design paraît simple mais c’est très compliqué de réaliser un projet dans un contexte réel. Les gens de la mairie ont souvent peur de parler ouvertement avec les jeunes de la ville. Pour moi l’échec était le suivant : on ne doit pas commencer un process de participation si on sait que l’on ne mettra pas en place ce qui sortira du débat participatif. On est tombé sur ce problème à plusieurs reprises dans le projet. Ça rejoint une partie du débat que nous avons eu qui est très intéressante : la relation client-prestataire avec un acteur public n’est pas la meilleure pour développer un projet de valeur.
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  • 15. DAVID PEREZ GARCIA | PKMN PKMN est un collectif d’architectes. Actuellement, nous sommes quatre dans le collectif, mais depuis cinq ans la proportion est variable : nous avons été jusque onze personnes sur certains projets. Nous avons tous fait nos études à l’école d’architecture de Madrid. Nous avons commencé à travailler de manière spontanée au sein de l’université qui favorise le travail collectif. De là, on a commencé par des petits projets, et progressivement le collectif s’est consolidé jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui. CIUDAD CREA CIUDAD est une démarche de travail incluant des projets très différents. Ce qui les rassemble, ou qui semble les rassembler, est cette tentative de développer des outils pour impliquer les habitants dans la construction active de leur ville, au travers d’actions ou de micro-projets. Souvent ces outils impliquent un travail sur l’identité individuelle des participants, même si nous tentons depuis de développer des outils à l’échelle de la communauté. Il s’agit d’implé- menter ces projets dans les collectivités. L’autre point important, c’est le travail d’architecte dans l’espace public pour organiser des interventions dans la ville ; ce qui implique souvent la modification éphémère et spontanée de messages urbains.
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  • 19. FEDERICO CAMPOS | Iniciativa Joven Le Gabinete est une organisation publique qui s’attache principalement à essayer de transfor- mer la société en favorisant un modèle de développement basé sur les personnes, ce qui est fondamental à nos yeux. Nous pensons pouvoir aider les gens à être mieux «outillés» et plus actifs au travers d’une implication «entrepreneuriale» : pas uniquement un «entrepreneuriat» d’entreprise mais éga- lement un «entrepreneuriat» social, associatif, culturel, sportif. Nous tentons de changer la société en formant les personnes et en les « rendant capables» d’être les protagonistes de ce changement. > Peux-tu évoquer votre rôle auprès des écoles ? Dans le pari ambitieux de transformation que mène le Gabinete, une partie de l’activité est centrée sur le système éducatif. Le système éducatif est la première étape où les gens commencent à se former et se transfor- mer. Nous menons donc différents projets pour favoriser «l’entrepreneuriat» tout au long du système éducatif. De la primaire ; avec des enfants de 7-8 ans ; puis au collège avec un cours spécifique ; au lycée et au lycée professionnel, avec un concours de création d’entreprise ; et enfin à l’université, où nous menons des programmes centrés sur la création de projet d’entreprise.
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  • 22. 02 Le regard d’Internet Actu
  • 23. Nous avons la chance chaque année d’être accom- pagnés par Hubert Guillaud, rédacteur en chef de In- ternet Actu, média de la Fing autour des technologies de l’information et de leurs usages. Sa présence nous assure un retour extérieur et critique sur les sujets abordés pendant ces voyages : innovation publique, innovation sociale, design de services, créativité, co- conception… A l’issu de ces 3 jours en Espagne, Hubert a publié trois articles sur Internet Actu que nous reprenons ici.
  • 24. VOYAGE DANS L’INNOVATION SOCIALE ESPAGNOLE Des modèles économiques à la question économique Pour son troisième voyage d’études annuel (voir le compte rendu du premier en Angleterre et du second en Scandinavie), la 27e Région nous a emmenés découvrir l’innovation sociale ibérique, autour du thème de la jeunesse, nouvel axe de travail de la 27e Région. Quelles relations inventer avec les jeunes et/ou les structures qui travaillent avec eux ? Comment encourager leurs projets, répondre à leurs besoins, trouver de nouvelles façons de les ac- compagner ?… Nous étions restés, lors du précédent voyage, sur breuses déclinaisons locales (Save our services à une question relative à l’articulation de deux mo- Lambeth, Leeds against the Cuts…) ou internatio- dèles politiques de participation des citoyens fina- nales. Des manifestations qui utilisent fortement lement relativement différents : celui de l’innovation les méthodes créatives et les réseaux sociaux pour sociale (définition) et celui de l’action politique, sans communiquer, faciliter et organiser la mobilisation. être sûr de pouvoir les faire se rejoindre. Pourrions-nous trouver un peu d’espoir chez notre voisin espagnol ? Pas si sûr. La crise économique Les précédents voyages ont illustré pourtant com- et la défiance politique des citoyens envers leurs ment l’innovation politique et citoyenne cherchaient élus (liés à de nombreuses affaires de corruption à se relier, via des projets et des méthodes qui qui gangrènent la démocratie espagnole, comme avaient pour but de transformer l’action publique. le rappelait déjà Arte en 2009) a plutôt tendance à Mais la crise est passée par là. En Grande-Bre- prolonger et amplifier les à-coups budgétaires bri- tagne, les coupes budgétaires massives dans les tanniques qu’autre chose. Les promesses de l’inno- services publics britanniques mettent en difficultés vation sociale pour nous sortir de la crise n’ont pas certaines agences d’innovations (ces consultants de été couronnées de succès, tant s’en faut. la transformation méthodologique et sociale). Celles qui demeurent doivent faire moins de projets avec Politiques de transformation moins d’argent. Comme nous le confie l’anthropo- participatives : Où sont les réus- logue et vidéaste Ivo Gormley, consultant chez Think Public, “les coupes budgétaires sont un test pour sites ? l’innovation sociale, qui n’est plus un plus à avoir, mais s’avère maintenant nécessaire”. Asier Perez est à la tête d’une agence de design établie à Bilbao et Madrid qui s’est lancée dans le Reste que la Big Society de David Cameron en s’ins- design de services ces dernières années, en suivant pirant de l’innovation sociale souhaitait développer les principes établis par ses pairs (processus d’ob- la participation des Anglais aux services publics servation ethnographique des usagers, ateliers de pour améliorer l’efficacité de ceux-ci. La brutalité et cocréations, développement de prototypes concep- la force des coupes budgétaires a réduit le projet à tuels…). Mais après avoir lancé quelques projets, sa pire expression : le simple démantèlement des aujourd’hui, l’agence Funky Projects n’a plus aucun services publics. Un démantèlement qui provoque projet avec les services publics : et pour cause, tous d’ailleurs une réaction assez vive des Britanniques, les financements publics ont disparu, nous confie souligne Basta!, notamment via le collectif citoyen Asier, à l’écho de ce que nous répèterons bien UK Uncut et la Coalition de résistance et leurs nom- d’autres.
  • 25. Asier se demande si en fait, il n’a pas été instru- mentalisé (sans succès), juste parce que son agence était “cool”. Finalement, conclut-il, peut-être qu’une part de l’échec de ce projet est lié au fait qu’on ne sait finalement pas très bien comment fonctionne une mairie. Le besoin exprimé par l’institution est certainement mal formulé. Cet échec n’est finalement pas le seul. De nombreux projets d’innovation sociale dans le champ de la par- ticipation ont du mal à dépasser les prototypes. Ils S’inspirant de la réussite de Chris Hugues, cofon- peinent à se transformer, à devenir des instances dateur de Facebook et organisateur de la campagne et des formes de participations. Ils demeurent des d’Obama My.BarackObama.com en 2008, et cher- microprojets, certes souvent stimulants, mais dont chant à lever la désaffection des plus jeunes envers les effets demeurent trop limités pour avoir un im- la politique, en 2010, l’agence d’innovation du Pays pact. Les nombreux projets britanniques ou scan- Basque lui a passé commande d’un système pour dinaves dont nous avons pu parler sont un peu du faire participer les jeunes à la vie politique munici- même acabit. On a l’impression bien souvent d’une pale. Restait à comprendre pourquoi les jeunes de- intervention et puis s’en va. vaient participer ? Quel dialogue instaurer ? Modèles économiques : En se référant aux 9 principes de l’engagement déli- bératif public, émis par Involve, l’un des cabinets de l’innovation sociale en ses limites design britannique spécialiste de l’engagement ci- toyen, Asier Perez souligne les limites de l’exercice. La raison est peut-être à chercher dans le modèle Bien souvent, les processus d’implications des gens économique même de l’intervention sociale. Comme visent plus à faire de la communication qu’à écouter nous le confiait Asier Perez, son agence a pris le pro- vraiment les gens. Quelle place reste-t-il aux gens jet tel qu’il était spécifié par le cahier des charges. pour influer sur la décision ? Qui initie les initiatives “On a toujours une relation faible avec le client, car de crowdsourcing et dans quel but ? Les services ? elle est économique”, se désole le consultant. Com- Les citoyens ? Dans quel but ?… ment remettre en cause un cahier des charges pro- posé par le commanditaire parce qu’il est mal fichu, L’agence d’Asier Perez a créé un premier prototype mal pensé, mal organisé ? La prestation est-elle constitué d’un formulaire d’enquête que les jeunes compatible avec l’innovation par le design ? On voit devaient faire tourner entre eux pour comprendre bien qu’il faudrait être partenaire de la collectivité ce qui les démotivait, de kits et d’espaces de jeux plutôt que prestataire, ou que la question de l’inno- pour animer les ateliers (voir les livrables sur le vation soit intégrée au dispositif même d’interven- site Magik Politik). Les ateliers ont montré la dif- tion des services publics comme le propose le labo- ficulté qu’avaient les élus à discuter sans prendre ratoire du Silk, le laboratoire d’innovation du comté leur casquette d’élus. Le retour des jeunes s’est de Kent, le MindLab du ministère danois de l’éco- avéré assez banal finalement : pour eux, les élus nomie ou, à leur mesure, la 27eRégion ou l’Inicia- ne prêtent pas attention à leurs propositions. Asier tiva Joven du gouvernement d’Estrémadure. Quand Perez évoque cette expérience avec amertume. Son l’innovation sociale n’est qu’une prestation de ser- commanditaire avait peur de ces discussions avec vice de consultants, force est de constater qu’elle les plus jeunes… la municipalité a préféré mettre conduit plus souvent à l’échec. de côté beaucoup des idées avancées par l’agence (comme celle de vouloir construire des métriques Changer les termes économiques de la relation pour mesurer la distance entre citoyens et élus). semble primordial. Mais cela nécessite de trouver
  • 26. des modèles économiques plus hybrides, construire Des modèles à la question un terrain neutre permettant de chercher et d’ap- économique : “Nous ne sommes porter des financements multiples. De proposer plutôt que de répondre à des commandes. Dans pas contre le système, c’est le design classique, il n’est pas rare que le maître le système qui est contre nous” d’oeuvre retenu soit celui qui ait le mieux réinter- rogé la question posée. Le prestataire doit souvent En Espagne, la crise économique est bien là. Tous remettre en question la commande qui lui est faite, les acteurs nous font le même récit de la disparition car le plus souvent la réponse à la question dépend des financements publics. Le Social Media Lab du plus des paramètres du problème que de sa solu- CitiLab de Barcelone se tourne désormais unique- tion. Comme le soulignait récemment Adil Abrar, ment vers les financements privés. Même l’Inicia- la question du modèle économique de l’innovation tiva Joven, l’agence régionale dédiée à l’innovation sociale explique en grande partie son relatif échec, sociale créée par le gouvernement autonome d’Es- son absence de passage à l’échelle. Tant qu’elle trémadure, ne sait pas quel sera son avenir à trois sera cantonnée à des microcommandes, à des mois. prestations spécifiques, elle ne pourra certainement Dans ce contexte de crise économique, il était im- pas engendrer de transformation à grande échelle, portant d’entendre ceux qui, depuis le 15 mai 2011, comme elle en fait la promesse. s’opposent au système sur la place Puerta del Sol à Comme le disait Asier, ce n’est pas le design du Madrid : les Indignés ! Quatre d’entre eux sont venus projet qui est difficile, c’est son “espace réel”, c’est- à notre rencontre dans les locaux d’Utopic_Us, un à-dire sa mise en oeuvre, sa pérennité… Le risque espace de coworking madrilène : Raimond Garcia, est sinon d’avoir toujours une dissonance entre le Oscar Rivas coauteur de Nous les indignés, Marga commanditaire et le maître d’oeuvre, sans savoir Padilla et Stéphane Grueso, journaliste et vidéaste toujours lequel des deux préside à la sauvegarde de auteur de Copyright ou le droit de copier, qui depuis l’intérêt général, dont ils se revendiquent. plusieurs mois raconte sur son blog ce qu’il se passe Ce qui semble certain, c’est que pour obtenir des sur la place de la Puerta del Sol à Madrid. changements de comportements, il est nécessaire d’engager les gens sur le long terme, ce qui est par- fois peu compatible avec des budgets épisodiques. L’avenir de l’innovation sociale ne se joue pas uni- quement sur les méthodes, mais également sur les modèles économiques. Les méthodes innovantes, le design, les prototypes peuvent produire les mêmes échecs que les méthodes traditionnelles. Avec un risque de surenchère dans les méthodes : chaque agence produit ses jeux et ses kits, ses prototypes, bénéficiant finalement assez peu des enseigne- ments précédents. Ce qui est sûr, c’est que le modèle du conseil, de la prestation, de l’appel d’offres peine à créer de Le mouvement du 15 mai (Wikipédia) est né suite la stabilité, des programmes sur le long terme, de à un appel à manifester dans 58 villes espagnoles l’identification des acteurs… et au final, peine à ins- lancé par l’organisation citoyenne ¡Democracia Real taurer un cadre de confiance suffisant. Alors même Ya!, pour réclamer un changement dans la politique “qu’il faudrait pouvoir aller là où les gens ne vous espagnole, gangrénée par la corruption locale. Ceux attendent pas. Alors même qu’il faudrait faire des qui se rassemblent ont en commun un désaveu en- expérimentations sur le développement durable là vers la classe politique, le bipartisme espagnol et la où il n’y a pas les moyens d’en faire.” corruption. Suite à cette journée, des manifestants décident de rester sur place et, à Madrid, s’ins-
  • 27. tallent à la Puerta del Sol. Soutenus par les réseaux ceux qui fassent les lois les respectent. “Nous ne sociaux, les citoyens s’auto-organisent et assurent sommes pas contre le système, c’est le système qui la logistique pour la petite ville en train de naître à est contre nous” Le système nous appauvrit, nous la Puerta del Sol. Comme nous le confie Raimond fait souffrir psychologiquement et physiquement, Garcia : “Je ne savais pas quoi faire pour aider. J’ai explique encore Marga Padilla. “Le mouvement du nettoyé la place avec un balai, alors que je ne nettoie 15M n’est contre rien. Il souhaite juste un système jamais chez moi !” qui fonctionne pour les personnes plutôt que contre “Longtemps, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de recettes elles.” pour changer les choses”, explique Marga Padilla. Et les Indignés de souligner que les politiciens es- “Les faits m’ont montré que j’avais tort”. Le mou- pagnols n’ont fait aucun effort pour les comprendre vement des Indignés est né d’un grand éventail de et dialoguer avec eux, alors que les Indignés le font revendications dont il faut aller chercher l’origine quotidiennement sur l’internet, entre eux. Les mé- dans le soutien espagnol à la guerre en Irak et les dias espagnols n’ont évoqué le mouvement seule- attentats du 11 mars 2004, estime celle qui a tenté ment une fois que le New York Times en a parlé. d’en dresser la carte. “La politique détruit la vie et “Le fait que notre réaction soit émotionnelle est la vie a besoin de créer une politique capable de très important pour ce mouvement”, explique Oscar changer la vie entière”. Les causes, il faut d’abord Rivas. “Jusqu’au mouvement du 15M, beaucoup de les trouver dans la situation économique et sociale réponses sociales s’appuyaient sur la conscience que traverse le pays, explique-t-elle. Les motifs de et l’idéologie. Mais aucune n’a été efficace pour ré- la protestation sont à chercher chez les 5 millions soudre les catastrophes éthiques, planétaires, éco- de chômeurs espagnols, dans une situation immo- logiques et économiques auxquelles nous sommes bilière qui rend le logement impossible. confrontés. Le mouvement du 15M peut-être vu Les Indignés n’ont pas de revendications : ils veulent comme une dépolitisation de ce que nous sommes des changements. Nous ne sommes pas au XVIIIe vraiment. Car nous sommes aussi et avant tout des siècle, nous n’avons pas de doléances précises à personnes, avant que d’être des idées ou un raison- présenter, expliquent-ils. “Quand un bébé a mal nement. Nous sommes les 99 %. Nous ne sommes et qu’il ne parle pas, il faut comprendre de quoi il pas des idées, sur les idées nous serions forcément souffre. Nos élus doivent faire pareil. Le peuple a tous en désaccords. Nous sommes l’expression mal et pleure.” Le problème du logement en Es- d’une émotion et notre lien émotionnel a acquis une pagne, la corruption politique ou le chômage sont dimension transformatrice très importante.” complexes et ne peuvent pas être résolus d’un coup de baguette magique. Pour autant “on a le droit d’exiger un changement sans avoir de solutions”, clament les Indignés. A la Puerta del Sol, les citoyens ont cherché à for- muler un consensus à minima comme point de départ de leurs revendications. Parmi celles-ci, on trouve une demande de révision de la loi électorale qui favorise la représentation des grands partis au détriment des petits, ainsi qu’une demande de séparation des pouvoirs judiciaire et politique, qui n’est pas actée en Espagne. “Etre indigné, c’est une revendication globale contre les problèmes sociaux dont nous souffrons tous. Le système capitaliste est au-dessus des personnes. Or, nous n’arrivons plus à vivre dans ce système en Europe.” Les Indignés Espagnols réclament une démocratie plus parti- cipative, plus de transparence politique afin que
  • 28. VOYAGE DANS L’INNOVATION SOCIALE ESPAGNOLE Stimuler et accompagner l’esprit d’initiative Le coeur du voyage organisé par la 27e Région en Espagne nous a emmenés à Merida (56 000 habitants, Wikipédia), ancienne colonie romaine située au coeur de l’Estrémadure, l’une des régions les plus rurales d’Espagne (1 million d’habitants dont 35 % de jeunes). L’objet de notre visite était d’aller découvrir l’Iniciativa Joven (l’initiative jeune), une agence régio- nale dédiée à l’innovation sociale créée par le gouvernement autonome d’Estrémadure et qui depuis 7 ans poursuit un travail de terrain pour soutenir et accompagner l’esprit d’entreprise auprès de la jeunesse d’Estrémadure. Iniciativa Joven : stimuler l’initiative “Nous avons une manière de travailler très horizon- tale, nous vivons et croyons en nos méthodologies A l’origine, explique Annabelle Favreau, chargée des pour les appliquer tous les jours. Nous ne pouvons relations internationales d’Iniciativa Joven, la mission pas promouvoir un nouveau modèle d’entreprena- du “Cabinet pour l’initiative jeune” était de développer riat, nous ne pouvons pas demander à d’autres de l’esprit d’entreprise et l’esprit d’imagination, comme prendre des risques, sans en prendre nous-mêmes, l’expliquait sa déclaration d’intention fondatrice, sans être créatifs. Nous devons donner l’exemple.” le Manifeste de la société de l’imagination. Depuis 2004, l’agence offre donc un soutien technique et un accompagnement à l’innovation, plus particulière- ment auprès des jeunes entrepreneurs entre 18 et 35 ans. L’agence dispose d’un budget total de 4 millions d’euros dont la moitié sert au soutien des projets et l’autre à ses missions et à l’emploi de 25 personnes. Ici, on développe et accompagne l’entreprena- riat créatif, via de la formation, du réseautage, un accompagnement personnalisé, une aide à la re- cherche de financement et des actions de promo- tion autour des projets et de l’esprit d’entreprendre. Les méthodes créatives, le design, sont donc au Les locaux d’Iniciativa Joven sont le reflet de l’es- coeur de l’action de l’agence régionale. prit qui souffle sur ce service du Conseil régional : culte de la marque et des couleurs vives, multi- En Espagne, les compétences en matière d’édu- tudes de petits espaces de créativité, open space… cation sont toutes déléguées aux Régions. C’est ainsi que l’Estrémadure a inscrit l’enseignement de
  • 29. l’esprit d’entreprise créatif dans les programmes Redonner l’initiative… aux lycéens scolaires, de la maternelle à l’université. L’agence a conçu les contenus des programmes scolaires Luis Miguél Alvarez est professeur d’économie au avec des professeurs. Pour les élèves de l’école Collège Virgen de Guadalupe à Badajoz (150 000 primaire, le programme Imaginar para emprender habitants). C’est un collège privé, qui accueille des (Imaginer pour entreprendre) se résume en un jeu enfants de la maternelle jusqu’au lycée profes- de cartes qui permet en quelques heures de lister sionnel, implanté dans un quartier très populaire. les compétences nécessaires à la prise d’initiative. Depuis 6 ans, le collège est partenaire des pro- Les élèves du secondaire sont quant à eux invités à grammes de l’Iniciativa Joven, auprès des élèves imaginer et défendre un projet, via un guide d’exer- de secondaires et des lycéens. A ce titre, le collège cices remis à chaque enfant. Au lycée, le cours à la donne des cours optionnels sur l’entrepreneuriat forme d’un concours régional Imagina tu empresa et participe notamment aux concours “Imagine (Imagine ton entreprise) auquel participe chaque ton entreprise”. Luis est particulièrement fier que année un millier de lycéens. plusieurs de ses élèves aient reçu plusieurs fois le premier prix à ce concours. Il y a 3 ans, un de ses Plus que “l’esprit d’entreprise”, il faut bien voir que élèves a ainsi imaginé un service de transport pour les objectifs de l’agence auprès des plus jeunes les jeunes baptisé Pilicall, qui se propose de venir sont plus modestes. Il faudrait plutôt évoquer le chercher les gens qui ont trop bu après une soirée. développement de l’esprit d’initiative auprès de po- Pour bénéficier du service, les gens doivent laisser pulations qui n’ont pas l’habitude d’en prendre. Le une caution de 30 euros qu’ils peuvent récupérer but n’est pas de transformer tout jeune en entre- en participant au service, ou perdre au bénéfice de preneur, mais bien de leur montrer qu’ils peuvent l’association. L’élève qui a lancé cette idée était l’un être maîtres de leurs vies et qu’ils peuvent porter des pires étudiants du collège, raconte Luis Miguél et défendre leurs idées pour en faire un projet, qu’il Alvarez, mais il s’est avéré le plus entrepreneur de soit associatif, culturel ou évènementiel… tous. Pour Luis, la démonstration est claire : cette formation concrète permet de stimuler et dévelop- L’Iniciativa Joven a pour but de faire changer les per des compétences que l’école ne sait pas mettre mentalités par rapport à l’entrepreneuriat dans une en valeur. L’entreprenariat doit être un élément région où celui-ci est assez inexistant. Ce qui sti- fondamental de la formation des jeunes. Ici, non mule la participation de plus en plus active de pro- seulement la région et le quartier sont défavorisés, fesseurs, c’est qu’ils pensent que cela permet de mais nul n’inculque aux élèves l’esprit d’initiative. développer chez certains élèves, d’autres capacités que celles qu’inculque et évalue l’école, notam- Ici, chaque année, les élèves de 3e présentent 20 à ment auprès d’élèves qui ont parfois du mal avec 30 projets au concours. Un autre élève, qui n’était le cursus scolaire normal. “L’objectif de ce pro- pas non plus très brillant, a émis l’idée de dévelop- gramme est de montrer que les gens peuvent choi- per des signaux routiers configurables. Il a reçu un sir, peuvent décider d’être acteur, de s’organiser.” Le but n’est pas de développer l’esprit de compéti- tion ou l’individualisme, au contraire. Le projet pro- meut l’esprit d’équipe notamment en demandant aux lycéens de travailler en petits groupes de trois pour proposer un projet. Le travail avec les enfants se concentre aussi sur l’identification de besoins, de manques, pour les amener à réagir à leur envi- ronnement.
  • 30. prix au concours Imagine ton entreprise pour déve- universitaire à tout étudiant en faisant la demande. lopper son projet, se former. Beaucoup de projets Il s’agit à la fois d’un espace et d’une formation pra- ont un ancrage social dans les réalités quotidiennes tique pour les accompagner à faire de leur idée une des élèves, souligne le professeur. Trois filles ont entreprise. créée une association pour l’accueil de jeunes tri- somiques hébergés en foyers dans les familles du Dans cette région essentiellement agricole où 75 % quartier, pour les sortir le week-end des centres de la population vit en dessous du seuil de pau- où ils passent l’essentiel de leur vie et leur faire vreté européen, les jeunes d’Estrémadure sont peu découvrir d’autres façons de vivre en société, tant ouverts à la culture économique. Le lieu dispense pour les jeunes trisomiques que pour les familles des formations très courtes (appelées “pilules for- d’accueil. matives” pour “guérir là où on a mal”) de marketing Toute l’année, les élèves planchent sur leurs pro- ou d’expression. A Caceres, 25 étudiants sur 25 000 jets. Ils doivent formuler leurs idées, en com- élèves sont venus suivre un module cette année. Un prendre et en faire comprendre les bénéfices. Ils résultat qui demeure un peu décevant. Il y a 3000 travaillent avec leurs professeurs, mais aussi avec étudiants en économie dans cette université, se dé- des gens de l’Iniciativa Joven et des professionnels sole une prof de marketing, mais il y a une barrière qui viennent des agences municipales ou de la vie d’usage à venir franchir la porte de cet espace pour- civile. “Trouver un modèle de financement pour tant placé juste à côté de la cafeteria. “On voudrait leur idée est un très bon moyen de leur faire com- impliquer plus de monde bien sûr, mais il est diffi- prendre l’économie concrètement”, estime le pro- cile de faire changer les comportements”. L’univer- fesseur d’économie. Le fonctionnement en projet sité dispose aussi de services d’aides à la création permet de dynamiser les groupes. Le but n’est pas d’entreprise plus traditionnelle, mais visiblement, qu’ils créent concrètement une entreprise, même les services ne travaillent pas ensemble. “On ap- si certains vont jusque-là, mais surtout qu’ils com- prend aux étudiants à être professeurs, ingénieurs, prennent qu’ils ont tous un potentiel dont ils doivent médecins, mais pas à entreprendre”, explique l’un prendre conscience. C’est un travail sur l’estime de des animateurs du lieu… soi avant toute chose, et dans le milieu où ils vivent (ici, 50 % des élèves ne terminent pas l’enseigne- La formation dispensée ici est devenue une forma- ment secondaire), ce n’est finalement pas anecdo- tion validée universitairement et l’équipe souhaite- tique. rait ouvrir un master pour l’année prochaine. … aux étudiants… … aux jeunes ! Sur les campus de Caceres et Badajoz, l’iniciativa L’institut de la jeunesse de l’Estrémadure a construit Joven a ouvert deux espaces depuis 2005 dédié à la 4 “usines à jeunes” (littéralement “factorias joven”) promotion de l’entrepreneuriat. EmprendeLab est en Estrémadure et une trentaine d’espaces de créa- un programme proposé en complément du cursus tion jeune (dont un mobile), versions rénovées des
  • 31. MJC d’antan. Ces espaces, comme celui, modèle “Les entrepreneurs sont des gens qui ont déjà des de Merida (vidéo) ont associés les jeunes à leur idées et qui souvent savent clairement ce qu’ils vont conception. faire, mais ils ont souvent besoin de réponses immé- diates à des doutes ou des questions. A Iniciativa Jo- ven, on s’intéresse à la personne avant le projet”. Le Les jeunes du quartier populaire où est implantée premier contact avec un entrepreneur passe par un “l’usine à jeune” de Merida ont ainsi été nombreux à psychologue, comme c’est le cas de Carolina. En tant demander un espace pour faire du skate et le lieu, au que coach, elle les aide à concrétiser leurs objectifs. final, consacre l’essentiel de son espace aux sports de glisse urbaine. Ces espaces scénarisés, avec des Chaque année, Iniciativa Joven rencontre 300 entre- modules ouverts, multiples et configurables per- preneurs. Il en forme tout autant, via 28 formations mettent de s’adapter aux activités des jeunes d’au- spécifiques, souvent extrêmement courtes (quelques jourd’hui, explique Montse Tudela, responsable des heures) qui concernent la mise en relation, la com- espaces pour la création jeune. Dans ces espaces, munication sur son projet, le peaufinage du business les jeunes peuvent venir faire les activités qui les plan et bien sûr la recherche de financements. concernent : de la danse, du skate, de la scène, du L’agence dispose d’ailleurs d’une enveloppe pour multimédia, des graffitis sur des murs dédiés et ré- soutenir les projets en amont de leur création (à gulièrement repeins… L’idée était d’introduire un es- hauteur de deux millions d’euros par an, elle sou- pace différent entre l’école et le centre social, où les tient environ 200 projets sur les 1000 qu’elle a éva- jeunes sont invités à faire le programme plutôt qu’à lués). “30 % de ceux qui ont bénéficié de ces aides ont le subir. “Ici, tout repose sur une autre approche des reconnu qu’ils n’auraient pas monté leur entreprise jeunes. Les animateurs ne proposent rien. On de- sans l’accompagnement que nous leur avons appor- mande aux jeunes de proposer. On leur demande, tu té”, explique Inma Falero, responsable du service veux faire quoi ? De quoi as-tu besoin ? Quoi qu’il en projet à l’Iniciativa Jovent. Petit à petit, le service s’est soit, le contraire ne marche plus. Tout ce qu’on ima- imposé : l’agence reçoit désormais 830 sollicitations gine faire sans eux, sans les impliquer est le plus d’accompagnement contre 188, cinq ans plus tôt. souvent un échec.” L’Estrémadure n’a pas une grande histoire entrepre- Reste une drôle d’impression à visiter le lieu. Toute neuriale, explique Rebeca Jean Jiménez, chargée autre forme de culture autre que populaire semble de projets. D’où l’importance de mettre en valeur et l’avoir déserté. rendre publics les projets et les profils des entre- preneurs. L’agence s’est organisée et à construit ses Accompagner les projets outils d’une manière souple, créative et agile. Les entretiens d’orientation permettent de reformuler L’autre fonction de l’Iniciativa Joven est bien sûr d’ac- le projet et d’apporter des réponses personnali- compagner les entrepreneurs, nous explique Caro- sées selon son état. Les CoffeeBreak ou les Pasta lina Apolo, chargée de mission orientation à l’agence. sont des évènements organisés par l’Iniciativa Jo- ven pour mettre en réseaux les entrepreneurs, leur permettre d’échanger entre eux, de se soutenir les uns les autres, et également de trouver des finance- ments. Les kits de formations, le tutorat personna- lisé et le travail sur la communication des projets les aident à reformuler et baliser leur projet. L’une des manières de mettre en valeur l’entrepre- neuriat a consisté à éditer de courtes histoires où les entrepreneurs étaient conviés à mettre en avant leur expérience. Ces histoires rédigées à la pre-
  • 32. mière personne ont pour but de créer des modèles de référence, de donner des visages aux projets, de donner de la personnalité aux services que tout un chacun peut-être amené à utiliser. Une douzaine de “contes” ont été rédigés et 10 000 exemplaires de chaque ont été distribués gratuitement. Ici, explique Fernando Sanchez, responsable de ce projet à Incia- tiva Joven, le but était de transformer le langage de l’entreprise pour le rendre plus humain. “L’entrepre- neur en Estrémadure est perçu comme une entité étrange, artificielle. Nous voulions faire passer le message que c’est seulement une personne nor- male, qui canalise son énergie vers un projet.” Carla Boserman a développé deux projets avec l’Ini- Gabriel Cabrera et Carmen Moreno, nos traduc- ciativa Joven qui lui a apporté le financement néces- teurs, ont ainsi eu leur portrait de réalisé (.pdf) via ce saire pour peaufiner son projet et lancer une expé- programme, un portrait dont ils se servent comme rience pilote. En 2009, la jeune femme a reçu une Goodies pour présenter ce qu’ils font et se présenter bourse de création pour le projet Siberia (du nom et qu’ils offrent en cadeau avec toute facture. Ga- d’une région peu connue et très isolée d’Estréma- briel avec sa société de traduction, Atriex, a été l’un dure) qui a consisté à inviter les habitants à mettre des premiers porteurs de projets à être soutenu, en valeur le patrimoine local en les invitant à parti- il y a 7 ans, par l’agence régionale de l’innovation ciper à des ateliers de création de cartes postales, d’Estrémadure. L’apport du cabinet est encore assez de guides de voyages et de livres de coloriage sur présent, explique-t-il. Le cabinet l’a aidé à formuler, leur région. Son second projet, Robocicla.net est un présenter et préciser son projet. projet d’ateliers créatifs pour les plus jeunes afin de leur faire toucher l’électronique, de les familiariser Quels projets ? avec la culture libre, le recyclage pour les aider à concevoir des robots. L’iniciativa Joven a permis de Il était important bien sûr d’essayer de percevoir la trouver le financement pour développer l’expérience diversité des projets que l’Iniciativa Joven avait sou- pilote, a apporté un soutien technique permanent, tenus en 7 années d’existence. Et ceux-ci sont vrai- a aidé à améliorer la présentation du projet et a ment très différents les uns des autres. Le centre même permis de trouver un espace pour faire des d’innovation sportif en milieu naturel, Elanillo est un réunions, explique la jeune femme. projet institutionnel soutenu par le département de la jeunesse et des sports, qui a utilisé des fonds Fe- Gloria Ramirez, a lancé une petite entreprise de car- der pour développer un superbe bâtiment en forme rosserie spécialisée dans l’adaptation de véhicules de cercle construit sur une île isolée du Sud de l’Es- techniques. Elle est entrée en 2006 à l’Iniciativa Jo- trémadure dédié au soutien et au développement ven en a suivi les formations ce qui lui a permis de des entreprises du sport. trouver des financements, de rédiger son business plan. Elle a monté son entreprise en 2007 et, selon A l’inverse, DandoCalor, porté par le psychologue les périodes, emploie entre 2 et 4 personnes. Elle José Antonio Rosa, est un réseau de jeunes volon- est allée à plusieurs rencontres avec des financeurs taires pour accompagner des familles dont l’un des organisées par l’agence d’innovation, les Pasta, qui enfants est traité en oncologie à l’hôpital infantile lui ont permis de trouver des compléments finan- de Badajoz. Cette association a pour but d’apporter ciers. L’agence l’a aidé à faire de la publicité pour une respiration familiale aux familles confrontées son activité, à construire sa stratégie. Elle l’a guidé au cancer, en invitant des jeunes étudiants à venir dans le labyrinthe des institutions et des aides. “Je faire du babysitting ou du soutien scolaire sur leur suis là dès qu’ils font quelque chose avec les entre- temps libre pour aider les autres. preneurs, à la fois pour partager mon expérience et
  • 33. pour aider les autres. Ce travail de mise en relation d’entrepreneuriat, même chez les politiques. J’ai eu est indispensable pour combler l’absence d’un tissu beaucoup de chance de participer de ce processus, d’entreprise en Estrémadure.” alors qu’il est aujourd’hui sur la sellette.” Pedro Delgado est le seul des jeunes entrepre- Effectivement, le changement de majorité aux der- neurs qui nous sont présentés qui ressemble à un nières élections régionales, a ramené la droite après entrepreneur. Plutôt fort, il débarque nous voir de 28 ans de politique socialiste. L’agence d’innovation, son gros 4×4 avec un costume impeccable. Depuis qui portait pourtant un discours sur l’entrepreneu- 7 ans, il a lancé Aquaphytex, une entreprise d’épu- riat qui n’est pas forcément très prisé à gauche, ration soutenable qui utilise les particularités de risque de fermer dans les prochains mois. certains végétaux pour construire des stations d’épuration naturelle. Pedro Delgado, y va franco : Iniciativa Joven : un modèle pour “En Estrémadure, on ne pouvait travailler que si on une ingénierie créative ? avait de l’argent. Moi, je n’en avais pas, mais j’avais des idées. J’ai reçu des prix pour Aquaphytex. La “Nous avons trop tendance à penser l’ingénierie ter- Région m’a fait crédit et m’a permis de développer ritoriale, comme une question de gestionnaire. Or, mon entreprise. Le Gabinete m’a permis d’affiner créer une agence tournée vers la créativité, c’est un mon discours. J’étais menuisier et je viens d’un saut culturel qu’il nous faut faire en France. L’ingé- village de 1300 habitants, et aujourd’hui, grâce au nierie publique ne doit pas être seulement gestion- Cabinete, je parle de l’innovation dans le monde naire et administrative : elle doit être également entier.” Aujourd’hui, Aquaphytex est implanté au créative”, estime Florent Duval, chargé de mission Mali, au Gabon, au Kenya, au Burkina, en Bolivie… Il politiques territoriales pour le Conseil général de y développe des stations d’épurations de l’eau, sans Bourgogne. “Or en France, on a encore tendance à chimie. Chaque station apporte de l’eau potable à se demander si on doit faire de l’ingénierie”. 8000 personnes permettant de réduire la malaria, L’intérêt de l’approche d’Iniciativa Joven est de pro- le choléra et la mortalité infantile. Sur chaque site, poser de nouvelles formes d’accompagnements. Or souvent, “dans les structures d’aides on n’aide pas !” “Ici, il y a une attitude proche de la maïeutique. On voit que les projets ont besoin d’empathie, de ma- quettage, d’arrosage pour donner confiance à leur porteur même”, souligne Stéphane Vincent, direc- teur de la 27e Région. “Le Business Plan ne suffit pas”. “Je me sens satisfaite si la personne qui passe un entretien avec nous sort avec des idées plus claires”, explique encore Carolina Apolo. “Notre but est d’aider l’entrepreneur à avancer, à faire un pas de plus, même si désormais nous programmons une coopérative est créée pour vendre l’eau, afin que notre tutorat avec des délais et des objectifs pour le système profite à tous et génère son modèle éco- mieux délimiter le chemin que nous ferons avec nomique. chaque porteur de projet.” Rares sont les porteurs de projets qui soient aussi louangeurs sur les systèmes d’aides publics. Pedro Parmi les nombreux dispositifs mis en place par Delgado souligne l’action du Gabinete. “Avant, tout l’agence, le Coffee Break, lancé en 2006, est un évè- marchait au piston. Personne ne misait sur les nement pour faciliter la rencontre et le réseautage jeunes qui n’avaient pas d’argent. Aujourd’hui, tout entre porteurs de projets. Le but de cette “pause le monde en Estrémadure parle d’innovation et
  • 34. café” était de développer des contacts informels et générer des opportunités, entre les entrepreneurs eux-mêmes, car, comme le signale le dossier de presse de l’initiative : “partager les projets est la meilleure façon de les réussir”. Une illustration de cette ingénierie nous a été don- née par la visite de l’atelier. A iniciativa Joven, il y a un logisticien qui s’implique très en amont dans les projets et 2 techniciens en charge de l’ingénierie. C’est dans cet atelier que sont conçus et construits les supports physiques des actions. C’est là que l’ameublement des Coffee Break ou des Pasta a été pensé, avec leurs mobiliers adaptés, leurs couleurs choisies pour transmettre les sensations voulues. “Quand on met en place une agence, on met des bu- reaux, des chaises, des ordinateurs. Or cet endroit est la partie physique de notre philosophie qui est transmise à chacun de nos évènements”, explique encore Annabelle Favreau. Alors que le plus sou- vent l’ingénierie est sous-traitée, ici, elle est inté- grée, pour mieux projeter les idées sur les objets. Le matériel sort plusieurs fois par semaine et est fréquemment réutilisé d’opération en opération. L’Atelier de l’Iniciativa Joven est assurément un bel exemple pour montrer qu’on peut penser l’adminis- tration et le soutien aux initiatives publiques autre- ment.
  • 35. VOYAGE DANS L’INNOVATION SOCIALE ESPAGNOLE De l’innovation sociale à la transformation des politiques publiques Suite et fin de notre voyage dans l’innovation sociale espagnole en compagnie de la 27e Ré- gion. L’occasion de nous poser des questions sur l’évolution de l’innovation par les usagers et par les services publics et de nous interroger pour savoir comment les faire se rejoindre… Transformer les politiques publiques ! “Iniciativa Joven est un modèle pour penser l’admi- nistration autrement (voir la seconde partie du dos- sier). On retrouve d’ailleurs des éléments marquants de l’innovation sociale : l’importance du design, de la marque, du rôle de l’animation… Rien n’est improvisé ici. Les boîtes à outils sont nombreuses et toute ini- tiative repose sur un énorme travail de préparation. Mais fait-on suffisamment ce travail de préparation dans l’action publique ? S’interroge-t-on suffisam- ment sur le processus, sur la façon de faire ?”, ques- De juin à octobre, l’agence a investi un local com- tionne Stéphane Vincent, directeur de la 27e Région. mercial de la vieille ville pour le transformer en vi- “Trop souvent, la sphère publique est sous-équipée trine ouverte afin de recueillir les questionnements en terme de méthodologie, alors qu’ici, on porte une de la population. Mi-octobre, l’espace a aussi servi attention très forte sur ce que les gens vont percevoir, à animer des ateliers pour identifier les défis que sur la narration des projets, leur scénographie, les la ville avait à relever, tout en offrant via ses vitrines traces qu’ils laissent, l’accessibilité à la documen- un espace d’exposition pour assurer la transpa- tation… L’iniciativa Joven montre qu’il faut parfois rence nécessaire au processus. Le collectif PKMN changer de processus pour changer de politique.” a donné une unité graphique à l’espace, pour favo- riser le processus d’identification des participants. Au final, ces rencontres ont produit plusieurs scé- Des initiatives pour transformer narios recensant des pistes pour redynamiser le lien la ville social portant sur l’innovation ouverte, le finance- Longtemps dédiée aux entrepreneurs, l’agence pour ment collectif, l’identité collective, la responsabilité l’initiative jeune, a décidé, en 2010 de transformer le sociale collaborative ou le conseil par les pairs. Elles Coffee Break en un processus de participation plus s’articulaient autour de plusieurs grandes lignes : relié à son territoire. Le Coffee Break 2010 initié avec notamment, promouvoir la participation citoyenne, la ville de Badajoz a consisté à transformer l’évène- améliorer l’image de la ville, dynamiser l’emploi et ment (des rencontres créatives pour entrepreneurs) le commerce local. en un processus plus ouvert (associant également des commerçants et des personnalités de la vie Ces pistes paraissent d’autant plus fructueuses locale comme de simples citoyens) pour réfléchir à qu’elles sont illustrées d’expériences prises ailleurs, l’avenir du centre ancien de Badajoz, qui se vide de permettant d’apporter un catalogue de bonnes pra- commerces et d’entreprises. tiques auxquelles se référer pour construire des so- lutions. Par exemple, le scénario sur la responsabi-
  • 36. lité sociale collaborative rappelle combien le citoyen gens d’en vivre ? Comment ? L’action publique se vit doit être un acteur primordial de la construction via les objets qu’elle produit, à savoir des rapports identitaire de la ville. D’où de multiples références et des notes, plutôt que des goodies ou des installa- à des initiatives très différentes comme les petits tions. Ici on voit bien que le but est de construire des déjeuners avec les piétons de Valence (pour recons- lieux, d’offrir des objets identitaires autour desquels truire du lien social), les villes abeilles américaines les gens vont pouvoir se rassembler et discuter, (qui proposent aux citadins d’accueillir des ruches avant que de produire du rapport. Au final, il se dé- de façon distribuée dans la ville), les telemadre (qui gage d’Iniciativa Joven une cohérence d’ensemble. permet à des femmes sans emplois de cuisiner pour L’équipe ressemble à sa manière de communiquer. ceux qui n’en ont pas le temps)… Les actions menées ressemblent à ce qu’ils font. La seule chose qu’Initiativa Joven n’atteint pas, c’est Les scénarios sur l’innovation ouverte se sont inspi- l’autonomie dans le financement. La sempiternelle rés des travaux de Youcoop, un laboratoire de R&D question des modèles économiques !” de Platoniq, un groupe de producteurs culturels, qui s’est lancé, via des problématiques de diffu- sion libre de la culture, dans des projets de plus en plus éloignés de la production culturelle tradition- nelle, notamment en lançant le projet de Banque de connaissances communes (explications) fondé en 2006 comme un laboratoire de l’enseignement citoyens à citoyen. Goteo, un autre de leurs projets (explications) est une plateforme de financement participatif appliquée à l’entrepreneuriat social. Comme l’a rapporté la presse, les participants à cette “pause café pour Badajoz” ont fait plusieurs propositions pour revitaliser le centre-ville, notam- ment en le transformant en centre de création pour Pour autant, l’initiative pour les jeunes risque de se les jeunes et les artistes ou en trouvant les moyens refermer en décembre prochain. L’alternance poli- de créer une plateforme de financement collectif tique régionale s’apprête à mettre fin au programme destiné exclusivement aux initiatives citoyennes qui Iniciativa Joven ou a profondément le transformer. y prendront place. Les suites à donner au projet sont Pourtant, dire qu’une région s’occupe de l’imagi- encore en discussion. naire de ses jeunes est une idée ambitieuse, voire même déroutante, pour une politique publique. “Trop souvent, la manière dont les services publics Peut-être l’a-t-elle trop été ? L’inciativa Joven ne se racontent est liée au rapport d’autorité”, explique peut d’ailleurs pas être qualifiée d’échec, même par encore Stéphane Vincent. “Les projets d’Iniciativa l’alternance politique. Joven, en changeant la narration ont pour effet de briser le rapport d’autorité. On raconte aux gens pour La limite du programme n’est pas à chercher dans les gens et non plus pour l’autorité publique. Ici, on ses résultats. Peut-être que son échec est lié à raconte, on narre, on documente, on trace les pro- autre chose. “Iniciativa Joven, finalement, n’a peut- ductions de l’action publique autrement… A l’heure être pas su suffisamment essaimer”, estime encore où les codes de compréhension du public sont basés Stéphane Vincent. Après huit ans d’expérimentation, sur ceux de la téléréalité, qui est une approche très l’initiative semble être restée unique. Elle n’a certai- particulière de la communication, on voit ici des ap- nement pas assez travaillé avec les fonctionnaires, proches qui passent d’abord par la narration vidéo est restée trop autonome, trop distante du reste de avant le texte. A l’heure où les gens veulent vivre des l’administration dont elle était pourtant un pilote. expériences, les Régions doivent-elles proposer aux L’absence de travail avec les autres départements
  • 37. régionaux explique peut-être aussi l’isolement de confiée à d’autres… D’ailleurs, bien souvent l’admi- l’agence. Finalement, elle a peu travaillé à renouve- nistration a du mal avec ceux qui n’ont pas “l’esprit ler la vision des politiques publiques, en dehors de fonctionnaire”. Est-ce à croire que l’innovation est son propre exemple. antinomique avec le service public ? Le moule du management public, notamment via l’Institut supé- Innovation sociale ou innovation rieur des études territoriales (Wikipédia), développe un fort sens de la hiérarchie et laisse peu de place publique ? au collaboratif. Elle a du mal à créer des processus différents, des espaces de confiance… “Bien souvent”, estime François Jégou, animateur de Sustainable Everyday et du réseau Desis, direc- Mais à l’heure où la crise gèle les budgets publics, il teur de l’agence Solution Design spécialisée dans va pourtant falloir, structurellement trouver de nou- la conception sociale du développement durable, “le velles façons de travailler. Il va falloir que les acteurs social n’est pas pris en compte par l’acteur public publics deviennent ingénieux, et pour cela, savoir : le social est confié à la société civile. L’innovation sortir des instruments publics traditionnels comme sociale consiste à faire travailler les communautés la commande ou les marchés publics qui sont ina- créatives citoyennes pour monter des initiatives de daptés à la coopération, puisqu’ils sont, par es- rues, de quartiers, des circuits courts, redonner sence, des processus de compétition. On comprend corps au lien social. Ce qui donne lieu à des projets alors que ce qu’il reste de l’innovation publique, ce pleinement autonomes des politiques publiques. Ils sont des projets. Des projets capables de stimuler la ne sont pas à la recherche de financements publics société en lui posant des questions de fond, plutôt et n’attendent pas après l’action publique. Les grou- que de réussir à transformer les gens… pements d’achats solidaires, les monnaies locales, n’ont pas besoin de l’action publique pour se créer et se multiplier.” Transformer les comportements ? Ne sommes-nous pas passés finalement de l’ob- “A l’origine, l’iniciativa Joven est un projet politique servation de l’innovation sociale à celle de l’innova- fondé sur des valeurs liées à la créativité, l’imagina- tion publique ? Iniciativa Joven parle-t-il plus de la tion et l’adaptabilité des individus, comme le raconte transformation de la société ou de la transformation bien le “manifeste de l’imagination“. Puis le projet des politiques publiques ? Les deux formes se sont- s’est tourné vers l’innovation appliquée à l’entre- elles disjointes – pour autant qu’elles se soient un preneuriat : peut-être que cette option se discute. jour rejointes ? Au-delà des méthodes et des pro- Devons-nous tous être entrepreneurs ? Le monde cessus communs, y’a-t-il un dialogue entre la trans- doit-il être innovant ? Le modèle de l’entrepreneur formation des politiques publiques et celles des ini- n’est-il pas trop univoque ?”, interroge Stéphane Vin- tiatives citoyennes ? Le système public est tellement cent, directeur de la 27e Région. Certainement. En établi qu’au final, il a tendance à rejeter l’innovation même temps, il faut prendre en compte le contexte plutôt que l’intégrer, à la fois pour perdurer et à la social et économique de la région Estrémadure, et fois parce que nous avons naturellement tendance voir que celle-ci part de loin. à repousser la créativité. Le jeu politique et admi- nistratif a tendance à saper l’innovation plutôt que Le programme européen Jeunesse en action avait d’être mis en difficulté par elle (un constat que nous au départ pour objectif la citoyenneté européenne. Il faisions également récemment dans le domaine promeut désormais le leadership et l’entrepreneu- de la démocratie représentative). Finalement, il est riat, rappelle Clément Dupuis de Kaleido-scop, un étonnant de voir que l’Inciativa Joven s’est détour- consultant spécialisé dans l’accompagnement à la née des fonctionnaires pour faire bouger les choses participation. “Or n’y a-t-il pas d’autres manières, (leur préférant des psychologues, des architectes, d’autres logiques pour favoriser l’autonomisation des designers). La mission d’intérêt général est des jeunes ? Nous sommes plus dans une logique de compétition que de coopération. Le risque est
  • 38. d’entrer dans une logique d’intervention sociale En 2007, quand Madrid s’est déclarée candidate qui risque surtout de déstructurer le tissu social comme ville olympique pour les Olympiades de 2016 comme on l’a fait en Afrique. Va-t-on faire pareil (finalement remportée par Rio de Janeiro), le service avec les pauvres d’Europe ? Ne sommes-nous pas de communication de la ville a développé une iden- là, face à une politique de réassurance pour endi- tité sous forme de logo et de marque : “Madrid 2016, guer la crise par le développement personnel ? Est- ville inspirante”. Pouvait-on utiliser ces marques de ce là les capacités que l’on attend pour faire demain prestiges urbaines pour développer un autre regard des individus durables ?” sur d’autres villes ? D’où l’idée du collectif PKMN de détourner cette identité collective pour l’appliquer à Comme on l’a vu, il n’est pas si sûr que l’Iniciativa d’autres villes, d’autres régions. Mais ces détour- Joven privilégie le leadership et l’entreprenariat. Les nements n’étaient pas suffisants, car ils avaient du projets qui nous ont été présentés étaient sociaux mal à se distinguer de la réalité : les expositions avant que d’être économiques, et les travaux auprès universelles, capitales européennes de la culture, des plus jeunes montraient que ceux-ci étaient en- évènements sportifs d’ampleur mondiale disputent core bien loin d’être tous devenus de jeunes cadres l’attention de l’image des villes. Ils manquaient supérieurs aux dents longues. Donner envie de l’essentiel, c’est-à-dire réussir à impliquer l’identité prendre des initiatives, d’agir sur son existence, ne personnelle dans l’identité collective. D’où l’idée du signifie pas pour autant transformer chaque individu Madrilène de l’année (blog) qui a consisté à organi- en agent de la mondialisation et du capitalisme. En ser un concours à l’occasion de l’édition 2010 des Estrémadure, changer l’état d’esprit de la société, Nuits blanches Madrilènes pour élire le Madrilène comme le propose l’Inciativa Joven, revient d’abord de l’année. Ici, la participation se résumait à un sen- à combattre le fatalisme d’une société fermée sur timent d’appartenance, à construire l’identité d’une elle-même, en crise et sans grand espoir. ville indépendamment de la célébrité. L’idée était de transformer un citoyen lambda en représentant de Enfin, il faudrait parvenir à mesurer l’impact de cette sa ville. Après avoir traversé différents quartiers de politique sur les mentalités et sur l’ensemble de la la ville avec un système de prise de vues, les Ma- population. Vu le nombre de projets soutenus, la dif- drilènes étaient invités à voter sur un site web pour ficulté à convaincre les étudiants… il n’est pas sûr élire celui qui allait représenter l’image de leur ville. que la transformation amorcée ait suffi à convaincre. Après la victoire d’un citoyen comme les autres, le collectif PKMN a chercher à utiliser le masque de Des projets pour interroger ce Madrilène de l’année, pour permettre à chacun de le devenir un peu et générer un nouveau paysage le monde urbain par la répétition d’une identité unique, celui d’un protagoniste citoyen anonyme pour nous repré- C’est peut-être finalement bien cela qu’il faut rete- senter tous. Un Guy Fawkes du quotidien. nir de l’innovation publique : sa capacité à créer des http://www.scribd.com/doc/73668919/PKMN-Pre- projets pour interroger le monde. Une fois encore, sentation nous n’en sommes pas encore à des transforma- tions systémiques pour le changer, mais à des pro- Le collectif PKMN travaille depuis longtemps à ce jets qui l’interrogent et le remettent en question. qui fait l’identité des villes. Dans leur projet les villes créent les villes, qui s’est décliné dans plusieurs David Pérez est architecte et travaille pour le cabi- municipalités de la péninsule ibérique, l’idée est de net PKMN (prononcez PacMan) qui s’est établi voici chercher des formes d’implications citoyennes. Ca- 5 ans à Madrid. Le cabinet suit des projets d’archi- ceres, une petite ville historique d’Estrémadure, était tecture traditionnelle, mais a également une ligne candidate comme ville européenne de la culture. de projets plus originaux qui interrogent la partici- A cette occasion, le collectif PKMN a proposé aux pation active des citoyens à l’identité collective (voir citoyens de participer à un vaste casting photo qui sa présentation). a permis de créer un catalogue d’identités (blog).
  • 39. L’idée était de démultiplier les identités en installant montrent bien ce que l’innovation publique et sociale des portraits géants d’habitants sur les immeubles peuvent interroger. Ca ne fait pas système certes, ça classés ou des portraits grandeur nature dans les ne fait pas solution… Mais peut-être que cela parti- espaces publics, pour générer de la réappropriation. cipe d’un monde meilleur. Le temps d’une fête, tous les habitants de Caceres sont revenus dans le centre historique déserté pour se retrouver eux-mêmes et par là même, retrouver les autres. Autre projet encore toujours autour de l’identité, ce- lui du Plan E[xtinction] qui vise à faire vivre l’identité des derniers habitants ruraux des Asturies, en voie d’extinction. Le projet consiste à prendre en photo les derniers habitants des villages pour les afficher à leur entrée et faire réfléchir celui qui n’y passe que l’été, au processus de dépeuplement et de désertifi- cation de la campagne ibérique, où des villages qui ont compté jusqu’à 80 maisons ne sont plus habi- tées que par deux familles. Le projet ExtremaduRA (Estrémadure en Réalité augmentée) prolonge le fil de la réflexion du cabinet PKMN. Lors de la fête de l’internet, le 17 mai der- nier, le collectif a invité les habitants du village de Benquerencia (74 habitants) à venir se faire prendre en photo. Là encore, l’idée était d’établir un registre des habitants de la ville. Chacun a été transformé en avatar et à chacun a été associé un code 3D permet- tant de télécharger l’avatar des habitants en réalité augmentée. Les habitants et leur famille pouvaient ainsi se démultiplier dans la ville, jouer avec leurs avatars et convoquer ainsi leurs identités dans d’autres réalités (blog). Bien sûr, les projets de PKMN proposent une vision plus artistique que celle qu’expose l’innovation so- ciale généralement, en travaillant plus la participa- tion identitaire que la participation citoyenne. Mais comme l’explique David Pérez, les changements éphémères, évènementiels, nous invitent à nous po- ser la question de comment réaliser un travail plus spécifique que symbolique. Pour David Pérez, ces formes de participation permettent aux gens d’être acteurs de leur ville, de se dire à la fois que la ville fait partie de leur vie et que leur vie fait aussi par- tie de la ville. C’est aussi une manière de prendre conscience de sa mémoire, de son passé et donc également du temps présent et du futur. Ces projets
  • 40. 03 Le retour des participants
  • 42.
  • 43.
  • 44. Clément Dupuis (Kaléido’Scop) le 21 octobre 2011 Questions de base sur l’objet du voyage d’étude Périmètre problématique « jeunesse » : de quoi parle-t-on ? Qu’est-ce qu’une politique jeunesse ? Quelles sont les parties prenantes ? Qu’entend-t-on par innovation ? Peut-elle être une finalité ? Quelques idées générales… Parler de jeunesse aujourd’hui impose de ne pas parler à un groupe social constitué : il existe de multiples jeunesses. La notion de jeunesse est donc un piège catégoriel. l’enjeu, c’est de ne pas isoler ce groupe mais de créer du lien avec d’autres générations. Quelle démarche pour une amélioration des politiques publiques ? • Enjeu de la réflexivité. Il faut mettre en place dès le début un format d’évaluation continue (monitoring). Cela permet de tester des prototypes avec un souci d’amélioration des pratiques/outils... • Enjeu de l’horizontalité Comment passer d’un paradigme verticalisé où les instructions venaient d’un/une supérieur(e) à une démarche horizontalisée issue d’une réflexion collective ? Comment aussi passer d’une logique concur- rentielle (inter-institutions, inter-élus, inter-métiers, inter-organisations…) à un format coopératif ? Quelles modalités d’intervention sur les territoires ? L’indépendance des structures est une nécessité pour envisager une action durable sur un territoire. Reste que la gouvernance de cette structure doit associer des acteurs clés locaux, en lien avec la pro- blématique abordée, avec une réelle responsabilité. Quelle relation entre prestataires (en particulier acteurs intermédiaires) et collectivités dans le changement de paradigme des politiques publiques ? Comment créer une relation de confiance ? Comment se rendre indispensable pour ne pas sauter au changement de législature ? Comment faire prendre conscience que la forme/les méthodes sont pri- mordiales ? Les enjeux principaux d’une politique jeunesse ? Selon moi, cela se situe dans le renforcement des capacités relationnelles/émotionnelles et la confiance en soi. Il s’agit de muscler l’individu pour évoluer dans un monde mouvant et pluriel (globalisation…). Cet enjeu se situe donc dans une actualité nouvelle. La problématique de la diversité (culturelle) - tous différents, tous égaux selon le conseil de l’Europe - permet de travailler sur ces compétences, dans un souci d’inclusion. C’est ensuite que l’on peut travailler sur l’innovation, l’initiative et l’entreprenariat.1 Comment aussi gérer l’enjeu du développement de politique territoriale via une démarche de concer- tation des acteurs impliqués. Comment mettre en place des logiques de « plateformes » d’intervention 1 Sur les questions de compétences, je vous recommande la lecture d’Edgar Morin sur les « sept savoir nécessaires ».
  • 45. et d’expérimentation sur les territoires ? Il existe notamment un lien à approfondir entre acteurs « jeunesse » (éducation non formelle) avec méthodes actives et dynamiques et acteurs de l’éducation (éducation nationale, supérieure et éducation professionnelle…). Comment intervenir auprès de publics captifs ? Dans quel cadre ? Quelques retours sur les acteurs rencontrés Utopic-us : hyper pertinent. J’aurais aimé visiter les lieux et mieux apprécier la logique de l’espace et le lien avec la problématique jeunesse. TEDx : ?! Un lien vers le site m’aurait suffit. Magik Politik : hyper pertinent. J’aurais aimé approfondir la réflexion sur leurs méthodes de mobilisation. Social média lab : bien pour les geeks… Ciudad : sa timidité a limité la pertinence de son intervention. Dommage. Ils ont l’air d’avoir un vrai processus créatif. Le mouvement du 15M : j’ai plus appris à la radio. J’aurais préféré passer plus de temps à questionner Magik Politik et Utopic_us sur le perception de ce mouvement et leur manière de l’appréhender. Iniciativa Joven : hyper pertinent de A à Z (factoria, lycée, université). Présentation des projets : l’objectif était-il de nous présenter leur projet ou de questionner les modali- tés d’intervention de Iniciativa Joven ? Regard général Composition du groupe français équilibrée et pertinente (métiers, postures, géographie, personnali- tés…). Comment exploiter ce réseau de personnes motivées ? Densité du programme très bien gérée (mis à part la répétition d’ « on est en retard » qui n’a pour seule conséquence de nous mettre dans une situation de stress comme des souris dans une cage). Quelques interventions (voir au dessus) auraient pu être enlevées pour laisser plus de place à une réflexion et un échange sur les autres. Ambiance très agréable, avec influence forte de la bienveillance des 3 de la 27ème. Importance du débriefing sur la route de Lisbonne. Sentiment personnel Ca a parlé à mes tripes ! Déjà, en Espagne, j’étais encore jeune (34 ans)!!! En tant que créateur d’entreprise, ya eu un effet miroir. Un double effet miroir, car je me sens forte- ment concerné par différents éléments clés de la visite : problématique générale jeunesse, innovation, participation des jeunes, politiques publiques et Europe. J’ai pris beaucoup de plaisir à participer et me laisser porter (cela faisait pas mal de temps que je n’avais pas été dans cette posture !). N’ai pas assez exploiter mon rôle du participant relou, malgré la crève et quelques moments au fond du groupe. Sentiment Kaléido’Scopien Je vois des axes de coopération clairs, sur différentes modalités d’intervention : évaluation : nous sommes évaluateurs d’expérimentations sociales et avons, par l’expérimentation Hirsch, clarifié notre posture et précisé nos pratiques. Nos approches qualitatives et notre souci du monitoring ont leur place dans une démarche centrée autour de l’innovation dans les politiques pu-
  • 46. bliques. L’intérêt est d’intégrer un regard tiers dans le processus de travail afin de garantir une dé- marche réflexive. Animation et facilitation : par nos différentes techniques (venues de New-York city, San Francisco et la Fouillouse), nous facilitons la participation de tous dans un séminaire et le croisement des expertises. Aussi, nos partenariats au sein de la région Rhône Alpes (mais aussi Auvergne et Aquitaine) pourraient consolider un lobbying pour faciliter la mise en place de démarche prospective et participative, à grande ou à petite échelle. Aussi, d’autres collectivités (Grand Lyon, CG 93, ville de Vienne et Dijon…). Enfin, nos idées, nos valeurs, notre engagement et notre motivation… Idées - Approfondir le format de visite d’étude avec une logique de recherche/action. - Pourquoi pas une visite d’étude en Tunisie (ou autres endroits du bassin méditerranéen) avec ac- compagnement des élus dans leur réflexion avec ARF, mais aussi ADF et association des maires de France ? Soutien du BAT du programme Euromed-Jeunesse (que Kaléido’Scop gère). De nombreux contacts sur place. Ateliers européens de créativité. Rencontre de 4 à 6 potentiels partenaires européens qui ont développés des outils « innovants » sur des problématiques spécifiques et des publics identifiés (par exemple, la notion de compétences avec les 10-12 ans). Programme : jour 1 et jour 2 : chacun fait expérimenter des activités avec retour sur les outils. Jour 3 : journée de créativité avec obligation de créer quelque chose. Mise en place de projets Interreg sur le pays basque Et utilisation de fonds européens régionaux au sein des régions pour travailler sur la question de la prospective. Projet Kaléido’Scop en lien avec Innovation et Jeunesse Nous sommes en cours d’organisation d’une expérimentation sur un CFA de la région Rhône Alpes (à Lyon, la SEPR) sur l’accueil des nouveaux arrivants et un travail sur les compétences relationnelles et communicationnelles des élèves. Cette expérimentation impliquerait la SEPR, la région Rhône Alpes, l’ACFCI et Kaléido’Scop. Utopie ? Bus -au colza- avec salle de réunion dedans, vidéoprojecteur, Internet et paperboard afin de visiter les territoires de manière efficiente, et faciliter les débriefing pour évaluer, transférer…